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A WARRIOR BY ANY OTHER NAME3

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Un guerrier quel que soit son nom

 

A Warrior by any other name

 

par Melissa Good

 

 

Traductrices : Katell et Fryda.

 

*************

AVERTISSEMENT : l'histoire qui suit contient un niveau léger de violence. Ne lisez pas plus loin si cela vous gêne.

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Démenti et avertissement:

Les personnages de Xena et Gabrielle appartiennent à Universal et Renaissance Pictures, et aux scénaristes qui les ont créées.

Aucune brèche de copyright n'est voulue, tout cela n'est que pur fun. Les autres personnages de cette histoire ont été créés par mon esprit tordu et ne proviennent d'aucune source littéraire ou autre. Ce n'est de la faute de personne, sauf de la mienne.

Rien de bien méchant dans cette histoire, mais le " subtext " est bien là, et si vous ne pouvez pas le supporter, ça ne coûte pas cher de cliquer sur le bouton de la souris. Pas cher du tout.

Ceci est ma première fan fiction. Pardon d'être aussi longue. N'hésitez pas à me donner votre avis.

*******

 

Partie 3A

 

****

 

 

"La récolte a été bonne", commentait Hectator alors qu'ils chevauchaient vivement vers la ville, entourés par les gardes étonnés, "Et nous avons commencé la construction d'une annexe à l'intérieur des remparts de la cité. Tu verras." Il jeta un coup d'œil vers la femme qui chevauchait à ses côtés. "Vous resterez bien quelques jours, n'est-ce pas ? Je vous dois bien un banquet."

Xena se mit à rire. "Pas de problème." Elle regarda par-dessus son épaule vers Gabrielle qui se taisait. Probablement en train de préparer sa prochaine histoire. "Nous étions en route pour aller vous rendre visite quand on a été un peu distraites." Elle s'étira un peu sur la selle d'Argo et se réinstalla. "Sérieusement. Je préférerais contribuer à votre économie locale."

Hectator rit doucement pour toute réponse. "Enfin, ça s'est bien terminé." Il regarda devant lui, vers un petit nuage de poussière qui se levait à l'horizon. "Ah. Le comité d'accueil." Ils virent le nuage grossir peu à peu, puis Xena se raidit. Son œil plus aiguisé avait vu ce qu'Hectator n'avait pas remarqué : les visages paniqués et couverts d'écume des cavaliers et des montures qui se dirigeaient vers eux.

"Ça ne me dit rien qui vaille, Hectator." Elle lança Argo dans un petit galop, rapidement suivie par le prince et sa garde. Ils atteignirent les autres cavaliers dans une agitation de jambes énervées et de chevaux s'ébrouant. Le leader des cavaliers se jeta à bas de sa monture et avança jusqu'à l'étrier d'Hectator, la poitrine agitée.

"Seigneur… une armée… ils avancent droit sur la cité", toussa-t-il. "Seigneur, ils sont des milliers." Il fixait Hectator, les yeux écarquillés. "Hadès", fit le prince dans un souffle. "Ça doit être Anstelès." Il se tourna vers Xena. "Va-t'en, Xena. Je suis sérieux. Ce n'est pas ton combat, et je ne peux rassembler que 400 hommes environ." Il resserra son emprise sur les rênes de son cheval nerveux, qui ressentait les émotions de son cavalier. "Au moins, nous avons une chance de disperser les non-combattants."

 

Xena resta assise sur sa selle pendant un moment, l'étudiant en silence. Elle était douloureusement consciente de la présence de Gabrielle derrière elle, qui attendait, retenant son souffle. "Désolée, Hectator." Un petit sourire, une tension soudaine dans les bras de Gabrielle. "Je crois qu'il va falloir que tu me supportes encore un peu." Une étreinte du barde. Elle répondit avec un petit rire que Gabrielle sentirait, elle le savait. "Allez, il faut qu'on se prépare." Une idée lui vint à l'esprit, et elle tourna la tête pour parler à Gabrielle.

"Oh non", grogna le barde, lançant à Xena un regard menaçant. "Ne le dis pas."

"Gabrielle..." commença Xena, faisant de la main un geste apaisant.

"J'ai dit non. Pas question", répondit Gabrielle les yeux brillants de colère. Elle voulut continuer, mais Xena l'en empêcha en posant la main sur sa bouche.

"Chh.. je ne vais pas t'envoyer à l'abri." Elle retira sa main avec précaution, et en fut récompensée par un silence relatif.

"Ah bon ?" fit Gabrielle, intriguée.

"Non", répondit Xena. "Mais je voudrais que tu prennes le cheval d'Hectator et que tu ailles avertir Lestan. Si Anstelès prend la ville, son village sera le prochain sur la liste." Elle vit les nuages d'orage se rassembler dans les yeux de sa compagne. "Ensuite, tu reviens ici aussi vite que tu peux." Son regard supplia Gabrielle. "Ils méritent d'être avertis."

Lentement, le barde finit par acquiescer. Elle lança sa jambe par-dessus la croupe d'Argo et se laissa glisser jusqu'au sol. A sa surprise, Xena l'imita pour qu'elles soient hors de vue des gardes. Gabrielle hésita, cherchant des yeux le regard de Xena pour une réponse. "Quoi ?" fit-elle, voyant que la guerrière ne disait rien.

"Ecoute", répondit Xena, cherchant à l'évidence ses mots. "Si ça dépendait de moi, tu resterais au village de Lestan." Elle leva la main pour prévenir les protestations qui se formaient déjà sur les lèvres du barde. "Mais je sais que ça ne dépend pas de moi, et que tu ne le feras pas. Alors, je t'en prie, dépêche-toi, et sois prudente."

Gabrielle inspira profondément, puis acquiesça. "OK. Je ferai vite." En tout cas, j'espère. Elle accepta à contrecœur les rênes du cheval de Lestan qu'Hectator lui tendait ; il offrit ensuite de l'aider à monter. Elle lui lança un sourire désabusé. "C'est bon, merci. Je n'aime pas le faire, mais je sais le faire." Elle se hissa sur le cheval, et tapota gentiment son encolure. "Allez, mon vieux. Rentrons chez toi."

Xena la regarda partir avec un mélange de fierté rêveuse et de véritable inquiétude. Après tout, ça s'est mieux passé que ce que à quoi je m'attendais, pensa-t-elle, ironique. Ma technique doit s'améliorer. Elle se tourna vers Hectator qui avait pris la monture d'un de ses gardes. "Allons-y", fit-elle. "Cette armée ne va pas nous attendre."

Hectator lui jeta un coup d'œil. "Xena..." Son beau visage devint sombre. "Je n'ai pas assez d'hommes pour stopper Anstelès, si c'est bien de lui qu'il s'agit. Et nous avons de vieux comptes à régler tous les deux. Il n'y aura aucune négociation possible." Il avança sa monture jusqu'à Argo et baissa la voix. "Je t'en prie… je ne veux pas me retrouver coincé au Tartare avec ta mort sur la conscience."

Xena leva un sourcil à son encontre. "Premièrement, si tu penses que tu vas mourir, alors tu mourras." Son regard perdit sa concentration pendant un moment, puis redevint clair. "Deuxièmement, il y a toujours des possibilités." Elle laissa un sourire sombre effleurer ses lèvres. "Troisièmement, si je me retrouve coincée au Tartare à cause de ça, je te jure que tu le regretteras." Elle lui donna une tape sur l'épaule. "Allons voir quelles sont nos options avant de commencer à penser à ce qu'on fera après notre mort."

Hectator hésita, mais remarqua que ses gardes regardaient Xena avec, dans les yeux, quelque chose qui ressemblait à du soulagement. Il se tourna vers elle, puis soupira. "Il fallait bien que j'essaie", murmura-t-il, l'air penaud. "Et je continuerai." Il tourna sa monture et fit signe à ses gardes de partir. "Allons-y."

 

Gabrielle n'hésita pas en atteignant le cours d'eau qui marquait la frontière, elle le traversa sans ralentir. Les sabots du cheval frappèrent la surface de la rivière et l'éclaboussèrent d'eau glacée. "Brr." Mais cela ne dura qu'un instant, et elle se retrouva bientôt de l'autre côté, sur la terre ferme.

Elle était à mi-chemin entre la rivière et des arbres lorsqu'une grande forme se dressa devant sa monture et leva la main pour l'arrêter. "Je dois parler à Lestan", cria-t-elle au garde. "C'est important." Le grand être de la forêt la regarda solennellement, puis lui fit signe de continuer.

"Tu peux passer", grogna-t-il.

"Merci", fit-elle en acquiesçant. Elle tourna la tête de son cheval et partit en direction des arbres. Il fallait qu'elle aille vite, elle s'y sentait poussée, et elle fit quelque chose qu'elle n'avait jamais fait auparavant : elle lança le cheval au galop. C'était terrifiant… et grisant. Elle fut assez honnête pour le reconnaître. Mais elle n'était pas en contrôle de l'énorme animal : il sentait l'écurie et était prêt à courir pour l'atteindre. C'est sûr que ça a l'air plus facile quand c'est Xena qui le fait. Elle est si naturelle à cheval… dieux, comme je voudrais avoir son talent… ça doit être sympa de juste "faire" tous ces trucs.

 

Gabrielle sentait le cheval s'élancer encore plus, et ses cheveux cingler son visage. Elle s'agrippa au cou de l'animal qui ne ralentit pas avant d'avoir atteint les portes du village ; et même là, il ne ralentit pas beaucoup. Il déboula dans le village et Gabrielle arriva à peine à le diriger vers la maison de Jessan. Des bruits de pas se rassemblaient à présent autour d'elle, réagissant à sa violente arrivée.

Gabrielle parvint à stopper la course de son cheval transpirant et se laissa glisser de son dos, s'agrippant à son épaisse crinière pour ne pas tomber. Elle regarda autour d'elle, et vit Jessan qui se dirigeait vers elle, sautant du porche de la maison, une expression stupéfaite sur le visage.

"Gabrielle !" cria-t-il, étonné de la voir là. "Qu'est-ce que tu fais ici ? Il s'est passé quelque chose ?" Il saisit doucement son épaule, la regardant avec une expression inquiète.

"Non, enfin, oui, mais ce n'est pas ce que tu penses", parvint-elle à articuler. "C'est une armée. "

Jessan pâlit sous son épaisse fourrure. "Attends." Il se tourna vers son cousin le plus proche. "Va chercher Lestan."

"Je suis là", fit une voix grave derrière lui. Lestan regarda par-dessus l'épaule de son fils, inquiet. "Une armée ?" fit-il en regardant Gabrielle. "Quelle armée ? Où ? Quand ?"

 

Le barde expliqua la situation rapidement, maintenant qu'elle avait retrouvé son souffle. "Alors Xena voulait que je vienne vous prévenir, parce qu'elle pense que si la cité tombe…" elle ne termina pas sa phrase.

Lestan la regarda, soupçonneux. "Et que veut-elle que nous fassions ?" Alliés ou pas alliés… ceci n'est pas notre guerre, petit barde. Gabrielle s'arrêta et le regarda. "Elle ne m'a pas dit de vous demander de faire quoi que ce soit", répondit-elle, perplexe. "Elle m'a simplement dit que vous méritiez d'être avertis." Elle regarda autour d'elle les êtres de la forêt, remarquant l'intérêt sur leurs visages. "Il y a un problème ?"

"Ah", fut la seule réponse de Lestan. "Nous prenons cet avertissement au sérieux. Merci." Il fit signe à plusieurs personnes de le suivre dans la salle de conférence, puis ferma la porte, ignorant le brouhaha des commentaires.

Jessan la regarda, inquiet. "Et Xena pense que la cité va tomber ?" demanda-t-il doucement. Ses bras l'entouraient toujours, et elle n'avait rien fait pour le repousser.

Gabrielle réfléchit un long moment, pensa aux paroles de Xena avant qu'elles ne se quittent, et à l'expression sur son visage. "Elle n'a rien dit, mais oui… je crois que c'est ce qu'elle pense." Elle se mordilla la lèvre. "Hectator ne peut rassembler que 400 hommes." Elle leva les yeux vers lui. "Il faut que j'y aille. J'ai promis à Xena que je ferais vite."

Jessan redressa sa tête dorée et regarda les étoiles, réfléchissant. "Attends-moi un moment", dit-il doucement au barde. C'est le moment. Je le sens. C'est ma destinée. Les dieux ont conspiré pour nous rassembler tous, juste pour cet instant. Je sens la main habile d'Arès dans tout cela… je le sais, et je m'engage avec les yeux grand ouverts, et l'épée levée. "Je vais te raccompagner", dit-il enfin, laissant tomber son menton sur sa poitrine, et la regardant. "Laisse-moi une minute pour aller chercher mes affaires." Il la conduisit jusqu'à sa maison, et ouvrit une porte au fond. Sa chambre, apparemment.

 

Gabrielle regarda autour d'elle, curieuse. La chambre était assez petite et pas aussi en pagaille que ce à quoi elle s'attendait. Il y avait un grand lit rond dans un coin, un peu comme celui dans lequel Xena et elle avaient dormi, recouvert d'épaisses couvertures bleues et vertes. Sur les murs pendaient des tentures de roseau, couvertes de belles représentations de la forêt qui les entourait.

"C'est joli", fit-elle.

"Merci. C'est moi qui les ai peintes", répondit Jessan d'une voix absente, tout en sortant différents objets d'un coffre au pied de son lit. "Epée, cotte de maille, armure de jambe… je crois que c'est tout." Il se releva, les bras encombrés et sourit en voyant la surprise sur le visage du barde. "Quoi ? Tu croyais que tout ce qu'on pouvait faire, c'était fabriquer des flèches ou quoi ?" Ses yeux dorés étincelèrent. "Et moi qui croyais que tu avais l'esprit ouvert."

Gabrielle rougit. "Je l'ai bien mérité", reconnut-elle, avec un sourire un peu penaud. "Je devrais le savoir, après avoir voyagé si longtemps avec Xena."

"Oh", fit Jessan avec un sourire diabolique. "Elle peint aussi ?" Ses yeux dansaient joyeusement. "Je ne savais pas."

"Peindre ? Non." Gabrielle se mit à rire. "Mais elle a de nombreux talents." Encore un gloussement devant sa fausse expression innocente et ses sourcils levés.

"Ah ça,..." répondit Jessan en souriant, "je le crois volontiers." Il souleva à nouveau son armure et se tourna vers la porte mais fut stoppé net par la force de la main de Lestan.

 

"Jessan..." Il s'interrompit, voyant ce que son fils transportait. "Qu'est-ce que c'est que ça ? Où vas-tu ?" Il s'avança un peu plus dans la chambre, jeta un œil soupçonneux vers Gabrielle.

"Je vais combattre aux côtés de nos nouveaux alliés, Père", répondit Jessan, reposant son fardeau et commençant à s'équiper. "Ils ont besoin d'aide." Il évitait le regard de son père.

"Quoi ??!!" Le rugissement de Lestan secoua la maison comme un tremblement de terre. Ses yeux d'ambre brûlèrent le regard de son fils unique, alors que Jessan se tenait debout, s'équipant tranquillement. "Ce ne sont pas tes affaires !" Il s'approcha de son fils. "As-tu perdu l'esprit ? Tu risques autant de te faire tuer par nos nouveaux alliés que par leurs ennemis !" Il frappa le coffre de son poing. "Non, Jessan. Je t'interdis de faire cela."

Jessan s'arrêta, puis leva les yeux vers Lestan. "Tu ne peux pas", dit-il calmement. "Je choisis cette route en sachant ce qu'elle me réserve, Père." Il enfila sa cotte de maille, et installa les pièces d'armure sur ses larges épaules. Il se tourna et regarda Lestan droit dans les yeux. "De plus, quel symbole plus tangible de notre nouvelle alliance pourrais-tu trouver que d'avoir ton fils qui se bat pour défendre leur cité ?" Il montra les dents. "Père… ceci m'appelle. Je dois y aller." Il enfila sa ceinture, puis fixa sa longue épée sur son dos. Puis il se tourna et, fixant ses yeux sur le visage ombragé de son père, il s'agenouilla devant lui. Il entendit Lestan inspirer brusquement.

"Ta bénédiction", demanda doucement Jessan. La demande traditionnelle lorsqu'un fils de la forêt partait pour la première fois pour le champ de bataille. "Tu es mon père, et la rivière d'où est né ce que je suis." Il avala sa salive et continua. "Envoie-moi au combat avec ta bénédiction. Honore mon choix." Il pensa un instant que Lestan n'allait pas le faire, puis il vit les larmes dans les yeux de son père. "Tu es mon fils", articula Lestan. "Tu es la torche allumée par le feu même de mon cœur, et tu pars vers l'avenir avec ma bénédiction." Il posa ses deux mains sur la tête dorée de Jessan. "Mon cœur pleure de te voir t'engager sur cette voie, Jessan, mais… par Arès… ton choix et mon choix marcheront côte à côte dans la forêt." Il saisit le visage de Jessan et regarda les yeux de son fils pendant un long moment. "J'honore ton choix", ajouta-t-il finalement, la voix rauque. Puis il s'en alla, et le silence retomba dans la chambre.

 

Jessan se releva, un peu secoué, et jeta un œil à Gabrielle qui attendait, silencieuse.

"Il est temps", murmura-t-il.

"Tu es sûr, Jessan ?" murmura Gabrielle à son tour. "Ce n'est pas ton combat."

"Ah... Gabrielle", sourit son grand ami. "Comme tu as tort. C'est mon combat, bien au contraire." Il fit un signe en direction de la porte, puis hésita. "Mais… tu pourrais rester ici, tu sais. Tu es très bonne avec ton bâton mais ça ne fait pas une grosse différence contre des cavaliers en armes." Il savait ce que serait sa réponse avant même qu'elle n'ouvre la bouche. Bien sûr. C'était idiot de l'avoir même mentionné. Elle ne pouvait pas rester. Pas plus qu'il ne le pouvait.

"Non", soupira le barde. "Non, je dois y aller." Elle passa devant lui vers la porte. "Je ne peux pas vraiment l'expliquer…"

Jessan rit doucement. "Non, tu ne peux pas, je le sais bien", murmura-t-il pour lui-même, mais elle l'entendit et le regarda, étonnée. "Euh… je veux dire… enfin, allons-y." Il lui fit signe de le devancer, lorsque sa mère les arrêta, le regardant avec une tristesse douloureuse. Leurs yeux s'observèrent un moment, puis elle le prit dans ses bras sans rien dire et le berça comme un enfant. Puis elle s'écarta et l'embrassa sur la tête. Après qu'il ait répondu à son baiser, elle se tourna vers Gabrielle.

"Mon enfant, ramène-le en un seul morceau, et je t'expliquerai. Je crois avoir une meilleure perspective que mon fils." Wennid lui sourit tristement. Elle ne s'en rend même pas compte ! Que les humains sont aveugles.

 

Gabrielle attendit qu'ils soient dehors, et en fait, jusqu'à ce que Jessan se soit hissé sur Eris, avant de réussir à bredouiller : "Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? ?" Elle agrippa le bras que Jessan lui offrait et fut hissée sur la large croupe d'Eris.

Oups. Jessan était pris au piège. Devait-il s'expliquer ? Bon sang... ce n'était pas un sujet qu'il souhaitait aborder avec elle... pas maintenant en tout cas, pas à la veille de la bataille. Pas... pas sans en parler aussi à Xena. "Ne me demande pas ça maintenant, Gabrielle." Il tourna la tête d'Eris vers les portes du village, et se lança sur la longue route qui conduisait à la cité. "Pose-moi la question lorsque tout sera terminé."

Gabrielle, assise derrière lui, lui jeta un regard noir. Encore des secrets. Elle avait horreur des secrets. De quoi Jessan et sa mère pouvaient-ils bien parler ? Expliquer quoi ? Meilleure perspective sur quoi ? Qu'est-ce que Wennid pouvait bien savoir et qu'elle devrait lui expliquer pers... Oh. Attends un peu. Le barde resta un instant immobile, une expression stupéfaite sur le visage. Nan. C'est idiot. Elle haussa les épaules, et s'installa pour la quatrième version de ce qui commençait à devenir une route désagréable. Elle avait tout le temps qu'il fallait pour penser à quel point son idée avait été idiote.

 

 

Xena et Hectator se tenaient sur les remparts, observant un nuage approchant, et écoutant les étendards claquer au vent qui les déchirait peu à peu. Ils étaient tous les deux d'une humeur sombre, n'ayant que 392 hommes en tout pour protéger le château, et devant affronter une armée de presque 1200 soldats, bien armés et à cheval. Xena avait enfilé une seconde armure qu'elle ne portait que rarement, et installé quelques dagues supplémentaires ici et là. Elle s'assit calmement sur le mur, les yeux balayant l'horizon, à la recherche des troupes ennemies.

Hectator lui jeta un coup d'œil, impressionné malgré lui. Elle savait que c'était une cause perdue. Il n'y aurait pas d'amnistie, pas de traité ; pas avec Anstelès. Sa querelle avec Hectator était ancienne et cent fois ressassée. Tout ce qu'il pouvait espérer, c'était opposer une résistance glorieuse, et disperser tous les non combattants dans la campagne environnante. Demain, il allait mourir sur ce champ, ainsi que ses troupes, et probablement cette jolie femme assise sur ses remparts avec une tranquillité bien trompeuse.

Encore une fois. "Xena." Audacieux, il saisit son épaule et la regarda droit dans les yeux. Il frissonna. "Ne fais pas cela. Tu n'as rien à prouver, ici. Pars… emmène Gabrielle avec toi." Il avait doucement touché son point faible. Il le savait, et elle aussi. "Ne la laisse pas voir ça."

Lentement, elle lui sourit. "Hectator, j'apprécie ton inquiétude. Vraiment." Elle tourna de nouveau les yeux vers l'horizon. "Gabrielle sait quel est l'enjeu ici. Après tout, on fait ça tout le temps." Elle m'a vue mourir deux fois. Ce n'est pas nouveau. "Disons que je parie ma vie sur mon propre jugement." Elle se leva et traversa le mur étroit, puis s'arrêta et regarda vers la porte du château. Sortant des ténèbres de la forêt, si petit au loin, émergea au petit galop un animal noir dont le cavalier capturait les derniers rayons du soleil qui embrasaient sa fourrure dorée. Baissant les yeux, Xena sourit sans un mot.

 

"Voilà le château", fit Jessan, se tournant vers Gabrielle qui avait été silencieuse presque toute la route. C'était plutôt inhabituel. "Ça va ?"

Gabrielle hocha la tête. "Ça va." Elle regarda les tourelles du donjon, en haut desquelles elle pouvait à peine voir une grande silhouette se dessiner sur le ciel du couchant. Elle ne pouvait pas voir son visage de si loin, mais la forme et un sentiment intérieur dont Gabrielle venait juste de commencer à prendre conscience lui dirent qui était là, debout, montant la garde. Un petit sourire effleura ses lèvres. "Rentrons."

Le garde d'entrée fut surpris par Jessan, c'est le moins qu'on puisse dire. Gabrielle s'empressa de le rassurer, alors que le grand être de la forêt resta t silencieux. Le garde acquiesça en l'entendant s'expliquer. "Oui, nous avons entendu parler du traité. C'est juste qu'on ne s'attendait pas à…" ll leva les yeux vers Jessan. "Le coup de main, c'est pas de refus, remarquez."

Il avait peur, pensa Jessa, surpris. Ah… les humains n'aimaient pas vraiment le combat, à part quelques-uns. Il avait oublié. "Peut-on entrer ?" demanda-t-il, levant un sourcil doré à l'attention du garde.

"Bien sûr… bien sûr." Le garde, un peu gêné, s'écarta pour les laisser passer. "Euh…", fit-il, se tournant vers Gabrielle. "Xena m'a dit de te dire… elle et Hectator sont…"

"Sur les remparts, merci", répondit Gabrielle, absente. Elle passa les portes et se dirigea vers la grande entrée qu'on avait préparée pour le siège.

 

Jessan courut après elle, attrapa son bras et ralentit sa progression. "Comment le sais-tu ?" demanda-t-il, penchant sa grosse tête sur le côté, ce qui lui donna une expression plutôt comique. "Comment sais-tu où ils se trouvent ?" De si loin, elle ne pouvait pas sentir Xena, il en était sûr, alors…

Gabrielle haussa les épaules. "Je l'ai vue là-haut, c'est tout." Elle lui jeta un œil curieux. "Comment crois-tu que je savais ?" Elle leva les sourcils. "Tu ne vas pas me faire le coup du truc mystique, hein ? Enfin, je veux dire, c'est une explication tout à fait raisonnable."

"Euh..." bredouilla Jessan, "Ouais. Enfin, non. Je veux dire… oh, Hadès." Il posa sa main sur son épaule et la pressa vers les escaliers. "Laisse tomber." Sachant parfaitement qu'elle n'en ferait rien. Sachant qu'il allait devoir lui donner une explication douteuse. Arès, il était parfois si stupide. "Non, enfin, ne laisse pas tomber.."

Gabrielle le regarda, et attendit, tout en montant les escaliers.

"Euh. Ok", finit-il par soupirer. "Je croyais que peut-être tu pouvais… enfin, nous pouvons… comment dire… sentir… les gens." Il jeta un coup d'œil vers elle. "Alors… je me suis dit peut-être… même si les humains d'habitude ne peuvent pas faire ça… mais vous deux êtes plutôt à part, alors peut-être… que vous… euh… vous pouviez le faire."

"Oh." Gabrielle réfléchit un moment. "Ben oui, en fait. Enfin, Xena le fait tout le temps", commenta-t-elle. "Et, je crois bien que je le fais aussi un peu, enfin, avec elle, au moins, un peu." Elle leva les yeux vers lui, soulagée. "C'est tout ? Tu aurais pu me poser la question plus tôt, tu sais. A la façon dont tu en parlais, j'ai cru que c'était quelque chose… je ne sais pas ce que j'ai cru que c'était."

"Xena fait ça tout le temps", répéta Jessan simplement. "Tout le temps ?" Il monta les marches en silence pendant un long moment. "Incroyable."

"Ben, ouais." Gabrielle eut un rire bref, attrapant la rampe pour s'aider dans sa progression. "Je croyais que c'était un de ces trucs, tu sais, un de ces trucs de guerrier. Comme les trucs qu'ils vous apprennent à l'école des guerriers, ou bien là où vous apprenez tous ces trucs-là." Elle jeta un œil vers le haut des marches, agacée. "Tout en haut du donjon, hein, Xena ? Je t'en ficherai..."

 

Jessan continua à monter les marches, plongé dans ses pensées. Et puis : "Gabrielle ?"

"Oui ?" fit le barde, se tournant vers lui. "Quoi ?"

"Je peux te poser une question et tu ne te mettras pas en colère contre moi ?" Jessan la regarda, inquiet. Xena est beaucoup plus facile à évaluer que celle-là. Elle a une profondeur dont elle n'a aucune conscience.

Gabrielle s'arrêta, et mis ses mains sur ses hanches. "Quoi ? Qu'est-ce que tu peux bien vouloir me demander qui me ferait me mettre en colère, Jessan ?"

Le grand être de la forêt s'arrêta lui aussi et se tourna vers elle, une expression sérieuse dans son regard doré. "Tu te souviens quand je vous ai raconté l'histoire de mes parents ?" Il vit les sourcils de Gabrielle se lever.

"Oui", répondit lentement Gabrielle. Où va-t-il avec ça ? Est-ce que je veux vraiment le savoir ? Sans doute pas.

"Tu te souviens quand tu m'as demandé s'ils étaient tombés amoureux ? Et que je t'ai dit que le Lien est beaucoup plus que de l'amour, que c'est une connexion qui dure même après..." Il s'interrompit, voyant le regard sur son visage. La même expression qu'il avait vue la première fois qu'il avait prononcé ces mots. "Pourquoi réagis-tu à cela ?" Jessan attendit, un peu gêné, et pas certain qu'elle allait lui répondre. Il se maudit de s'être mêlé de cela, d'avoir ouvert sa grande… Ce n'était pas ses affaires. Elle n'allait rien lui dire, de toute façon, il le voyait dans ses yeux.

Gabrielle se détourna et reprit sa progression. Après un moment, Jessan la rejoignit. "Pardon", fit-il, doucement. "Je ne voulais pas…" "Non, ce n'est pas grave, Jessan", marmonna Gabrielle. "C'était juste cette histoire de 'après la mort'. J'ai vécu ça…" Elle le regarda et vit l'expression de choc sur son visage. "Ça a sans doute touché une corde sensible."

"Oh", fit Jessan, d'une toute petite voix. "Ça expl… dieux… je suis désolé, Gabrielle." Donc. Leçon numéro un : n'assume rien à propos des humains. Surtout ces deux-là.

"C'est bon, Jessan", répondit Gabrielle. "Ça va beaucoup mieux maintenant…" Elle lui sourit. "C'est juste un de ces trucs, ok ?"

"Ok", fit Jessan, sur le même ton que prenait Xena lorsqu'elle voulait dire exactement le contraire. Ils atteignirent enfin le haut des marches, et Jessan avança son énorme main pour ouvrir la porte.

 

 

Des pas dans l'escalier. Ils se tournèrent tous les deux pour voir qui arrivait, au moment où la porte s'ouvrit et que Gabrielle s'avança, suivie par la silhouette incomparable de Jessan. Xena embrassa le regard du barde alors qu'elle avançait vers eux, remarquant l'expression de fatigue sur son visage. "Ça va ?" demanda-t-elle d'une voix basse alors qu'ils s'approchaient.

"Ça va", répondit brièvement Gabrielle. "Juste un peu fatiguée." Elle adressa à Xena un petit sourire. "Beaucoup trop de cheval en une seule journée." Xena hocha la tête, puis tourna son attention vers l'être de la forêt.

"Jessan". Xena prononça son nom comme si elle goûtait un mets. "Tu n'as aucune obligation, ici." Elle leva les yeux vers lui. "Ça ne va pas être une séance d'entraînement." Ses yeux bleus se fixèrent sur le regard doré de Jessan.

"Je sais", répondit Jessan, un rire grave grondant dans la poitrine. "Comme je l'ai dit à mon père, je m'engage sur cette route les yeux grands ouverts." Il sourit, donnant à son visage féroce une expression incroyablement douce. "Il m'a donné sa bénédiction, et m'a envoyé au combat, et j'ai vraiment hâte d'y aller." Son visage s'illumina. "J'ai hâte de me battre à tes côtés."

Xena eut une moue pensive. Puis elle laissa son regard s'adoucir, ne comprenant que trop bien les paroles de Jessan. "Je me sens déjà mieux", commenta-t-elle, regardant son visage s'illuminer de plaisir devant le compliment. Contrairement à Hectator, contrairement à la grande majorité des soldats qui se préparaient pour la bataille, là, en bas, Jessan sentait l'excitation intense qu'elle ressentait. Il était le seul. Ses yeux le virent dans ceux de la guerrière et approuvèrent avec un pétillement solennel.

Elle se leva et fit un signe vers la porte. "On devrait se reposer pendant qu'on le peut encore." Elle jeta un dernier regard vers l'horizon. "Ils seront là à l'aube." Elle se tourna vers Gabrielle, qui attendait, appuyée contre le mur tout proche, et avait l'air épuisé. "Toi aussi. Autant de cheval dans la journée…" fit la guerrière pour la taquiner. "Tu crois que tu commences à aimer ça ?"

 

Gabrielle esquissa un sourire, bien qu'elle ne parvint par à voir ce qui en méritait un. La vue de l'armure supplémentaire installée sur le corps de sa compagne l'avait fait frémir. Elle sentait aussi la fièvre contrôlée mais bien présente qui émanait de Xena, et elle savait que c'était un côté de la guerrière auquel elle n'avait pas accès, qu'elle ne pouvait comprendre, tout comme Xena ne pouvait comprendre comment elle parvenait à assembler des détails éparpillés pour construire une structure narrative solide. Enfin, elle n'avait pas le temps de s'attarder là-dessus pour l'instant. "Je sais bien que je vais le regretter demain." Elle quitta le mur et s'avança jusqu'à eux. "Quelqu'un a parlé de dîner ?"

Xena émit un petit rire, puis la guida vers l'escalier, posant une main sur son épaule. "Au moins, tu as de la suite dans les idée." Elle fit signe à Hectator et Jessan de les précéder, et les regarda disparaître dans l'obscurité. Puis elle se tourna vers Gabrielle, son visage ayant perdu toute trace d'humour. "Tu es sûre que ça va ?" Xena observa le visage du barde. "Tu as l'air un peu secoué."

Gabrielle eut un petit sourire. "Oui, ça va. Je suis fatiguée, c'est tout. Merci de t'inquiéter." Elle commença à descendre l'escalier. "Et je meurs de faim", ajouta-t-elle, avec un petit sourire ironique à l'attention de Xena.

Xena ricana. "Ça, c'est nouveau", fit-elle, étouffant un rire.

 

Elles arrivèrent dans une cour grouillante d'activité. Maintenant que la nuit était tombée, les sons eux aussi paraissaient étouffés, alors que les soldats et les citoyens de la cité d'Hectator se préparaient pour l'attaque imminente. Dans la cour elle-même s'entassaient des piles d'armes et d'armures, tandis que le bruit des torches battues au vent remplissaient l'atmosphère.

Jessan était pleinement conscient des regards superstitieux qu'on lui lançait, surpris qu'il n'y ait pas plus d'animosité à son égard, puis il comprit que ces gens étaient beaucoup trop occupés par la peur de mourir pour s'inquiéter d'étranges créatures de la forêt se promenant parmi eux. Il pouvait le voir sur leurs visages, dans leurs mouvements délibérément calmes, dans leurs regards maussades. Ce sentiment était si fort qu'il s'étendait sur l'endroit comme un linceul, obstruant sa Vision plus que sa vue. Il regarda Hectator, qui marchait près de lui, perdu dans ses pensées moroses, et se glissa un peu plus près de lui. "Hectator", murmura-t-il doucement. Le prince leva les yeux, un peu étonné. "Je sais bien que cela ne sera pas un grand réconfort, mais je suis content d'être venu vous aider", continua gentiment l'être de la forêt. "Peut-être les choses tourneront-elles mieux que tu ne crois demain."

Hectator soupira. "Jessan, je ne sais même pas pourquoi tu es ici. Ce n'est pas que je n'apprécie pas le geste." Il regarda le géant, les yeux pleins de désespoir. "Pourquoi ? Pourquoi jeter ta vie dans tout cela, alors qu'il y a deux jours je me préparais à attaquer ton village ? Pourquoi nous aider ? Je ne comprends pas. Je ne te comprends pas, toi, et je ne la comprends pas, elle non plus." Il lança un regard rapide par-dessus son épaule, vers les femmes qui les suivaient de loin. "Si j'étais à votre place, je décamperais d'ici aussi vite que mon cheval peut me porter."

"Vraiment ?" demanda Jessan calmement. "J'en doute." Il sourit chaudement, gentiment. "La vie est une lutte, Hectator. Nous le savons tous. Et quand tu peux choisir l'endroit où tu vas prendre position, tu le fais." Il baissa les yeux vers le sol, puis les leva de nouveau. "Du moins, c'est ce que je fais." Un coup d'œil derrière lui. "Et je ne peux pas parler pour Xena, bien sûr, mais je crois que c'est ce qu'elle fait aussi."

"Tu la connais depuis longtemps ?" demanda Hectator, distrait de sa mélancolie pendant quelques instants par une légère curiosité. Jessan se mit à rire. "Quinze jours." Ses yeux étincelèrent. "J'ai l'impression que ça fait une éternité." Il croisa le regard stupéfait d'Hectator. "Elle m'a secouru dans un village de l'autre côté de la région." Il devina sans effort la question muette inscrite sur le visage du prince. "Et la réponse est oui. Je fais cela davantage pour elle que pour toi. Satisfait ?"

Hectator demeura silencieux un moment, pensant à ce qu'il venait d'entendre. Puis il hocha la tête, et adressa un petit sourire à Jessan.

"Je crois que je…comprends… tes motivations", fit-il. "Mais je crois que tu serais venu de toute façon." Il leva un sourcil à l'attention de Jessan qui lui montra les dents en lui souriant.

"Vous autres humains n'êtes pas si mauvais après tout", remarqua-t-il gaiement. "Certains d'entre vous, en tout cas." L'être de la forêt leva la main pour pousser la porte de la salle intérieure où les ouvriers du château avaient assemblé de la nourriture pour les habitants de la cité. "Mmm… ça sent bon", fit-il, appréciateur.

 

Hectator les conduisit vers la table principale, levant la main vers son capitaine lorsque celui-ci remarqua sa présence. De petits groupes d'hommes et de femmes étaient attroupés autour de tables à tréteaux disséminées dans toute la salle, certaines des femmes tenant de jeunes enfants dans leurs bras, de toute évidence des familles passant un peu de temps avec leurs soldats de pères et maris. Hectator fit la grimace. Il n'avait pas de femme, pas encore, bien qu'il y ait eu des projets dans ce sens. Je regrette de n'avoir pas connu cela, pensa-t-il. Il ne se faisait aucune illusion : il ne survivrait pas. Anstelès y veillerait, même s'il comptait laisser une partie de ses forces se rendre ou prendre la fuite. Il soupira, puis tira une chaise et s'assit à la table principale, alors que ses trois compagnons l'imitaient. Un serviteur du château se glissa près d'eux et déposa un pichet et un tranchoir à pain.

"Merci", murmura Hectator, absent, puis il passa le pain à Jessan.

 

Une main toucha son bras - il se tourna sur sa droite et tomba sur les yeux bleu pâle de Xena. Il leva un sourcil, comme pour poser une question.

"Hectator", dit Xena à voix basse. "Il faut que tu te ressaisisses. Tu ne peux pas mener des troupes dans cet état-là."

"Quel état ?" fit Hectator, sans émotion, posant son menton sur sa main. "Désolé, Xena, je ne peux pas feindre l'enthousiasme ou l'optimisme alors que je ne ressens ni l'un ni l'autre." Il fit un geste vers le reste de la salle. "Ça ne serait pas juste envers eux. Ils le savent Xena. Regarde leurs visages. Regarde leurs yeux. Nous n'avons aucune chance demain. Et certains d'entre eux en profiteront sans doute pour fuir dans la forêt." Il baissa la voix et lui rendit son regard intense. "Alors, pour la dernière fois, je t'en prie, fiche le camp d'ici ! Et emmène Jessan avec toi."

"Ecoute-moi bien", fit Xena, se penchant vers lui et attrapant le revers de sa tunique, le surprenant par sa soudaine violence. "Ça fait un moment que je suis dans le métier, assez longtemps pour savoir que tout peut arriver dans une guerre, Hectator. Tout. Mais si tu pars au combat en étant vaincu d'avance, alors tu seras vaincu. Si tu veux croire que tu vas mourir sur le champ de bataille, c'est ton problème. Mais tu dois laisser aux autres une chance de s'en sortir. Et ça inclut Jessan. Et moi. Je ne vais pas aller me battre demain en pensant que je ne reviendrai pas. Je ne peux pas. " Sa voix devint un murmure sifflant. "Je ne peux pas." Elle jeta un coup d'œil sur sa droite, là où Jessan parlait à voix basse avec Gabrielle. Ce coup d'œil n'échappa pas à Hectator. "Alors tu ferais mieux de décider très vite de la tête que tu vas faire pour ton peuple, ou bien c'est moi qui vais m'en charger. Compris ?"

 

Hectator l'observa en silence, comprenant pour la première fois une facette de cette femme extraordinaire. "Très bien", répondit-il, lançant son couteau, ses croyances, son honneur dans les courants tourbillonnant de sa destinée. Il ne croyait pas dans son avenir, mais irrésistiblement, il croyait en elle. Ça allait devoir suffire, au moins pour le moment. "J'ai compris." Il inspira profondément, puis expira. Lorsqu'il releva les yeux, toute trace de défaite l'avait quitté. Il promena son regard sur la salle, échangeant des coups d'œil avec ses capitaines, hochant la tête vers ces visages couverts de cicatrices, leur souriant. Contre tout attente, le linceul qui enveloppait la salle s'estompa, les voix s'élevèrent de nouveau pour reprendre un volume normal. Hectator sentit une légère excitation lui descendre le long du dos. C'est moi qui ai fait cela. Il jeta un coup d'œil vers Xena, vit le petit sourire effleurer ses lèvres et le lui rendit. "J'oublie toujours que tu connais tout cela par cœur", admit-il, un peu penaud.

Xena ricana. "Ouais. Ça m'est arrivé une ou deux fois." Elle s'appuya sur le dossier de sa chaise et mordit dans un morceau de viande tout en écoutant Gabrielle raconter une histoire à un Jessan fasciné. Soudainement, les mots attirèrent son attention, et elle sourit. Elle lui raconte cette histoire. Bien sûr. C'est un barde, après tout…"Gabrielle", interrompit Xena, se penchant vers elle pour attirer son attention.

"Hmm ?" fit Gabrielle, tournant la tête vers sa compagne. "Qu'est-ce qu'il y a ?"

"Tu n'aurais pas envie de raconter une petite histoire pour tout le monde ?" Xena montra de la tête l'ensemble de la salle. "Je crois qu'un peu d'encouragement ne ferait pas de mal." Elle regarda Gabrielle étudier la salle, puis acquiescer, comprenant.

"Je vois ce que tu veux dire", commenta-t-elle, inspirant profondément. "Ok. Je crois que j'ai retrouvé mes forces. Laisse-moi réfléchir, que je vois ce que je pourrais bien leur raconter." Elle réfléchit un moment, puis un sourire illumina son visage. "Je crois que j'ai ce qu'il faut."

Xena regarda le barde traverser gracieusement la salle et, s'asseyant sur une table basse, attirer les regards des citoyens vers elle. Elle commença l'histoire, l'attention de la foule braquée sur elle, et Xena reconnut le conte. Oh, Gabrielle… très bon choix. Elle rit intérieurement de plaisir. Une histoire dans laquelle toutes les chances étaient contre les plus faibles, et dans lequel ces derniers, peu nombreux et vulnérables, étaient parvenu à renverser la situation, l'opposition et leur propre nature pour l'emporter. C'était l'une de ses préférées, et le barde le savait bien. Elle s'installa confortablement dans sa chaise pour profiter du spectacle, observant le visage maintenant captivé d'Hectator du coin de l'œil.

 

 

Gabrielle s'assit dans la chambre qu'on leur avait montrée après le dîner, regardant Xena faire des préparations de dernière minute sur son armure et ses armes.

"Au fait, bien joué, avec cette histoire", commenta-t-elle, jetant un coup d'œil par-dessus son épaule. "C'était parfait."

"Merci", fit Gabrielle, absente. "Je sais que tu aimes bien celle-là, toi aussi." Elle commença une autre phrase, mais s'arrêta. Après un moment, elle reprit, mais referma la bouche, hésitante. "Xena", dit-elle finalement, "c'est sûr qu'on va perdre demain, pas vrai ?"

Xena leva la tête vers sa compagne, remarqua l'expression sur son visage. Elle termina rapidement ce qu'elle était en train de faire, puis alla jusqu'au barde, s'asseyant sur le lit en face d'elle. Doucement, Xena… ne lui fiche pas la trouille. "Rien n'est impossible, Gabrielle." Elle jeta un coup d'œil à la pièce d'armure qui protégeait son avant bras, puis releva la tête pour croiser le regard du barde. "Mais, oui. Il y a de bonnes chances."

"Oh", murmura Gabrielle. "Tu feras attention, hein ?" Rien trouvé de mieux à dire, Gabrielle ? "N'oublie pas, tu m'as promis", ajouta-t-elle, avec un petit sourire.

Xena soupira doucement. "Oui, je sais." Elle examina à nouveau son bras. "J'aimerais autant qu'on n'aille pas s'imaginer que je ne tiens pas mes promesses." Elle leva les yeux et se trouva face au regard de Gabrielle, tout près. Bon, c'est maintenant ou jamais. Je n'aime pas ça, mais je ne crois pas avoir le choix. Pas si je veux essayer de tenir ma promesse. "J'aimerais que tu fasses quelque chose pour moi…"

"Pour toi ?" bredouilla Gabrielle, étonnée. "Tout ce que tu veux, bien sûr… qu'est-ce que…" Qu'allait-elle bien pouvoir lui demander ?

"Quelle que soit la tournure des événements… Gabrielle, ne viens pas sur le champ de bataille, demain." D'un ton sec, précis, et très sérieux.

"Oh, non", répliqua Gabrielle tout aussi sérieusement. "Tu ne vas me faire ça." Elle serra les poings. "Pas question. Tu ne vas pas me laisser derrière comme un bagage encombrant. On a déjà parlé de ça, Xena. Pas question."

La voix de Xena se durcit. "Gabrielle..." commença-t-elle, un avertissement sourd dans la voix.

La barde lança les mains en l'air, outrée. "Non ! J'en ai vraiment marre que tu me traites comme une gamine ! Je sais prendre soin de moi, Xena !"

 

Ok. Pas la bonne tactique. Passons au plan B. "S'il te plaît." Xena prit ses mains dans les siennes et se pencha en avant, adoucissant sa voix et son regard. "Gabrielle, je ne t'ai jamais demandé quoi que ce soit. C'est vrai ou pas ?"

Gabrielle fut surprise par la question. "C'est vrai", murmura-t-elle finalement. "Ne me demande pas ça. Ne me demande pas de rester ici pendant que tu vas là-bas, dieux, Xena, je t'en supplie..."

"Je te le demande." Les yeux bleus de Xena étincelèrent lorsqu'elle libéra sa personnalité menaçante, pendant juste un instant. "Promets-le moi." Sa voix devint encore un peu plus grave. "PROMETS-LE MOI."

"OK…OK..." répondit le barde, les dents serrées. "Je te le promets." Ses yeux lançaient des éclairs. "Mais… Xena… pourquoi ? Tu sais, je sais que c'est dangereux, mais tout le monde ici, même les fermiers avec des fourches, va y aller…" Elle s'interrompit en voyant l'expression sur le visage soudain immobile de Xena. Oh oh. Je ne crois pas que ça ait à voir avec mon habileté au combat…

Xena baissa les yeux pendant un long moment, puis expira longuement un souffle qu'elle avait retenu si longtemps. Evidement, le plan B mérite des explications, Xena… c'est bien pour ça que tu espérais que le plan A fonctionne, hein ? Eh oui.

"Ecoute, ça va être… plutôt dur, demain. Il va falloir que je me concentre juste pour… enfin, bref", fit Xena, regardant le visage de Gabrielle tout en caressant doucement les mains du barde qu'elle tenait toujours entre les siennes. "Et si tu es là-bas, Gabrielle, mon esprit sera là où tu es, pas sur le type qui tient une épée en face de moi. " Elle leva les yeux et croisa le regard étonné de Gabrielle. Tu ne savais pas ça, hein ? Elle sourit brièvement. "Et j'aimerais au moins avoir une chance de garder cette promesse."

 

Les mots résonnèrent aux oreilles de Gabrielle, dans le silence soudain. Je me suis toujours demandé pourquoi elle me dit toujours de rester en dehors des combats. Et maintenant, je sais. "Oh", soupira-t-elle. "Je ne savais pas." En un flash, elle revit des dizaines de fois où cela avait été vraiment juste, et où Xena avait été comme par hasard au bon endroit au bon moment pour arrêter une flèche, un couteau, une épée… "J'aurais dû, sans doute." Comment ai-je pu être aussi stupide ? Aussi aveugle ? Dieux.

Dans un silence si profond que Xena aurait pu jurer entendre les pierres du château se mettre en place, elles s'assirent et se regardèrent. Enfin, Xena baissa les yeux vers leurs mains toujours entrelacées, et soupira. Elle serra une fois, puis relâcha le barde. "Il faut qu'on dorme un peu. Avant demain."

"Oui", soupira Gabrielle. "Sans doute." Sa voix était un peu étranglée.

 

Xena retira son armure, puis s'installa contre la tête du lit, à moitié inclinée. Elle croisa les mains sur son ventre, et tourna légèrement la tête pour regarder Gabrielle, qui vint se blottir près d'elle, bien trop lentement, une expression dévastée sur le visage. OK, OK… qu'est-ce qu'il y a maintenant ? J'ai utilisé toutes les choses intelligentes que j'avais à dire ; ce n'est pas que j'en connaisse beaucoup… Elle penchant sa tête sombre, et croisa le regard perturbé de Gabrielle. "Hé", dit-elle doucement, allongeant un bras et entourant le barde. "Viens là." Elle continua, tira Gabrielle contre elle et la serra dans ses bras. Avec un petit bruit étranglé, sa compagne se laissa faire.

Ça me fait plus peur que la bataille de demain, pensa Xena. Dieux, je suis si peu préparée à combattre sur ce plan, c'est pathétique. Elle regarda le haut du crâne de Gabrielle, alors que le barde se détendait dans ses bas. Au moins, elle se sent mieux maintenant. Je sais qu'elle aime ça, les câlins. Ses lèvres esquissèrent un sourire désabusé. Je n'aurais jamais cru que je m'y habituerais.

 

Elle s'installa plus confortablement, se rappelant ses premiers voyages avec Gabrielle. Elle avait expliqué et expliqué encore, jusqu'à en perdre le souffle, à cette gamine têtue que la toucher et surtout l'attraper par le bras par exemple était une très, très mauvaise idée. Mon corps ne sait pas que tu es une amie, Gabrielle. Il suppose que tout le monde est un ennemi, et il n'attend pas que mon cerveau lui dise quoi faire. Tu pourrais être blessée. Si tu n'es pas prudente, tu pourrais même te faire tuer. Et Gabrielle avait bien retenu la leçon, faisant toujours attention d'approcher Xena en face, sans surprise ; et lorsqu'elle oubliait parfois et tendait la main pour lui saisir le bras, Xena au moins la voyait faire et se retenait de l'assommer.

Et puis, un jour, après avoir voyagé toute la journée, elles tombèrent sur une bande qui était en train de mettre un village à sac. Lequel ? Peu importe. Elles les avaient arrêtés, et les avaient fait fuir, mais ça avait été un combat long et difficile. Xena s'était assise près du feu peu de temps après, fatiguée et déprimée, quand Gabrielle, qui pensait à dieux savent quoi, était venue se tenir juste derrière elle, avait attrapé sa nuque et commencé à lui administrer un massage.

Xena souriait en y repensant. Juste après une sale bataille, et j'étais dans une de ces humeurs. J'aurais dû lui casser la moitié des côtes. Mais elle n'en avait rien fait, et les mains du barde avaient soulagé la tension dans ses épaules, juste en les touchant. Pas un mouvement de ses réflexes d'habitude si sensibles. Pas un mouvement de la part de son célèbre instinct défensif. Rien.

J'aurais dû savoir, alors, pensa Xena, regardant sa compagne avec affection. Tu peux dire que ça m'a surprise. Elle aussi d'ailleurs. Qu'est-ce que j'avais sorti ? Ah oui..."J'étais sans doute plus fatiguée que ce que je croyais. Tu as eu de la chance." Xena leva les yeux au ciel. Et maintenant, regarde-nous. Elle secoua la tête, n'y croyant pas elle-même. Oh, bien sûr, je pourrais me raconter des histoires et dire que c'est seulement pour son bien. Tu parles. Comme si beaucoup de gens dans ma vie m'avaient fait confiance aveuglément, comme ça…

 

Comment sait-elle ? se demandait Gabrielle, tout en se blottissant encore plus, entourant la taille de Xena d'un bras et laissant sa tête reposer sur l'épaule de la guerrière, là où son oreille pouvait entendre le battement régulier de son cœur. Elle sait toujours quand j'ai besoin de ça. Pas besoin de parler, ni d'expliquer. Juste… ça. Je passe la moitié de mon temps à regarder par la fenêtre, et puis elle ouvre la porte et m'invite à entrer. Et il fait si bon à l'intérieur, je ne veux plus jamais retourner dehors. "Merci", murmura-t-elle, levant les yeux. "Je sais que tu n'aimes pas ce genre de truc en règle générale."

Xena la regarda avec une expression indéfinissable. "En règle générale, non", prononça-t-elle, froidement. Puis elle sourit et son visage tout entier s'illumina. "Mais tu fais exception à la règle, Gabrielle."

"C'est vrai ?" souffla le barde, heureuse que Xena ne puisse pas voir l'expression idiote qu'elle était sûre d'avoir sur la figure.

"Mm hmm", confirma Xena.

 

Gabrielle resta silencieuse un moment, réfléchissant. Puis elle demanda : "Xena, tu as peur quelque fois ? Je veux dire, quand tu sais que tu vas devoir…"

"Non", répondit Xena pensivement. "Pas quand je me bats." Elle hésita. "Je n'ai pas le temps d'avoir peur."

Gabrielle cligna des yeux. "Et autrement ?" demanda-t-elle, curieuse. Avec son oreille appuyée sur la poitrine de Xena, elle pouvait entendre les battements de son cœur s'accélérer un peu.

Une question extrêmement simple, dont les réponses étaient si complexes. "Parfois c'est de penser aux conséquences qui me fait peur", répondit finalement la guerrière, d'un ton calme. "Est-ce que mes plans vont fonctionner, combien de personnes vont mourir à cause de ces plans, qu'arrivera-t-il aux gens qui survivront… ce genre de choses."

"Oh." Le barde réfléchit un moment. "Mais tes plans marchent la plupart du temps, alors… est-ce que… est-ce que tu…" Gabrielle s'interrompit. Elle avait un auditoire captivé et elle allait poser la question.

Xena baissa les yeux vers elle, une incroyable compassion dans le regard. "Est-ce que j'ai peur de mourir ?"

Gabrielle se tut. Elle était contente que Xena ne puisse pas entendre les battements de son cœur, parce qu'ils étaient si forts qu'elle était surprise qu'on ne les entende pas mieux. "Oui. Quelque chose dans ce genre", murmura-t-elle, et elle sentit la poitrine de Xena bouger en inspirant puis expirant profondément.

"Avant, non", admit finalement Xena, un sourire effleurant son visage, un sourire que ne pouvait pas voir le barde. "En fait, il fut un temps où cela aurait été un soulagement." Elle sentit Gabrielle se raidir sous son bras protecteur. "Je ne m'inquiétais pas de grand-chose. Rien à laisser derrière moi. Maintenant…" elle eut un petit rire. "Disons que ça me préoccupe beaucoup."

"Je t'en prie, fais attention", dit doucement Gabrielle. "Tu me manquerais vraiment."

"Je ferai attention", répondit Xena, sur le même ton. "Tu me manquerais aussi." Elle tendit son bras libre et éteignit la chandelle près du lit. "Dors maintenant", ajouta-t-elle, puis elle regarda pensivement le barde, qui n'avait pas l'air de vouloir bouger. La guerrière sourit, résignée, puis ferma résolument les yeux.

 

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