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AMOUR ET MORT AU CARAVANNING

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Amour et mort au caravanning

 

 

Par Vivian Dakbloom

 

Trad. Marie Bouard

 

Retrouvez le texte original à l'adresse suivante : http://www.xenafan.com/fiction/content3/trailerpark.html

 

 

 

Avertissements : Alors que Xena, Gabrielle et al. sont protégés par copyright et appartiennent à MCA/Universal/Renaissance, vous ne les trouverez pas ici, pas exactement... C'est de l'uber-Xena, et hors de contrôle... Comme si vous ne pouviez pas vous en rendre compte avec le titre lui-même. Néanmoins, aucune infraction au droit du copyright n'est ici recherchée, ainsi qu'aucun type de profit.

Amour ? : Oui, des trucs de filles. Rien de graphique.

Mort ? : Non, j'ai juste mis ça dans le titre parce que ça sonnait bien.

Jurons ? : A foison

Blessures ? : Aucune violence. Aucun moule à gelée verdâtre, pots de mayonnaise, pain de viande, paquets de mortadelle ou sauté de lard ne furent blessés durant la création de cette "oeuvre".

 

 

 

 

 

 

 

 

Gabrielle écarta le combiné de téléphone de son oreille - le vieux beige qu'elles avaient volé à leur mère - avec incrédulité. La voix masculine pleine d'entrain à l'autre bout du fil l'avait demandée personnellement, et lorsqu'elle avait répondu "ouaip, je suis Gabrielle Hockenberry", le joyeux jeune homme lui avait expliqué qu'on lui demandait de participer au Jerry Springer Show, ou plus précisément, au show intitulé provisoirement "Le petit copain de ma soeur m'a mise enceinte !"

Elle avait alors hurlé "Ca va pas non, putain !" dans le récepteur et raccroché violemment.

 

Elle s'élança à travers l'appartement à la recherche de Lila, laquelle était sur la chaise longue - celle que l'oncle Pat leur avait donnée, et qui dormait dans son garage depuis deux ans - en train de manger de la pizza froide en regardant Geraldo. En fait, une part à moitié mangée se balançait de manière hasardeuse sur son estomac gonflé.

 

Gabrielle arracha la télécommande de la poigne graisseuse de sa soeur et le visage de Geraldo, tendu par l'inquiétude, disparut peu à peu dans le néant. "Pourquoi est-ce que t'as fait ça ?" mugit Lila, comme si sa soeur venait de la poignarder.

 

"Tu le sais foutrement bien Lila ! Un imbécile de chez Jerry Springer vient de m'appeler !"

 

Le regard blessé de Lila se transforma en un de surprise et d'espoir. "Ouais ?"

 

"Comment as-tu pu, ma propre soeur ! Je ne veux pas que notre linge sale soit étalé sur une chaîne nationale !"

 

"Mais Gab", gémit Lila, "ce serait marrant. Ils vous installent dans un hôtel, on a droit à un tour dans une putain de limousine -"

 

"Laisse tomber Lila ! Si toi et Purdy voulez vous ridiculiser, allez-y ! Mais moi, je ne le ferai pas !"

 

"Allez Gab - Je te promets que je serai sympa avec toi pendant la bataille. Après tout, c'est toi la victime dans cette affaire, et tout le monde t'encouragera".

 

La victime. Gabrielle serra les dents, se rappelant le soir où Lila et Purdy s'étaient assis avec elle et lui avaient annoncé qu'ils étaient "amoureux" et que Lila attendait un enfant. Après avoir agressé Purdy avec un vieux numéro de Cosmopolitan, elle avait imméditement appelé Effie, sa meilleure amie, et la paire était descendue à La Selle et s'était saoûlée jusqu'à l'oubli. Elle avait bu six Rolling Rocks, deux piña coladas, et vomi dans la salle de bain.

 

Aujourd'hui, Lila était enceinte de cinq mois. Elle s'était habituée à toute cette histoire. En fait, quand elle y réflechissait bien, Purdy lui manquait très peu. Elle voyait en fait ce salaud davantage ces temps-ci que lorsqu'ils sortaient ensemble - il semblait qu'il était dans l'appartement constamment, flattant servilement Lila et le "Fils du Démon" (ainsi que Gabrielle le surnommait en secret) qu'elle portait. Néanmoins, ça faisait toujours mal. Etre larguée, surtout pour votre propre soeur, n'est pas chose facile. Purdy lui avait dit des choses méchantes - elle était froide, trop enveloppée dans ses rêves d'écrire de la poésie, de retourner à l'école, ils ne couchaient pas assez, bla bla bla.... Mais elle n'en voulait pas trop à Lila - Après tout Purdy était mignon, et en entrant de plein pied dans l'âge adulte, il était devenu de plus en plus beau.

 

Gabrielle mit ses mains sur ses hanches et lança un regard furieux à sa soeur. "Je pourrais te battre avec une main attachée derrière le dos, même si tu n'étais pas engrossée. Je m'suis entraînée, tu sais." Avec ça, elle fila dans sa chambre et claqua la porte.

 

Une fois dans son sanctuaire, Gabrielle s'écroula sur son lit et pleura un peu. Pour se calmer, elle aggripa son mouton en peluche et regarda son vieux poster de David Bowie. J'ai besoin de quelque chose dans ma vie... J'ai besoin d'amour, j'ai besoin de sortir d'ici, j'ai besoin d'arrêter de travailler dans cette usine craignos... se répéta-t-elle encore et encore pour elle-même alors que la grisaille du jour faisait place à l'obscurité. Elle n'avait aucune idée du temps qu'elle avait passé allongée sur son lit lorsqu'elle entendit le téléphone sonner, et la voix de Lila y répondre. Puis un cri : "GAB-RI-ELLE !!!!"

 

Elle toucha son visage - ses larmes avaient séché, et elle espéra que ses yeux n'avaient pas l'air trop gonflés ; elle ne voulait pas que Lila s'aperçoive qu'elle avait pleuré. Elle se leva et sortit dans le living room. Lila était debout, regardant une rediffusion de Papa Bricole, tenant le téléphone. Ses yeux ne s'écartèrent pas de l'écran pendant qu'elle le tendait à Gabrielle, qui l'observa avec méfiance. Lila ne détourna même pas le regard de la télé lorsqu'elle murmura, "c'est Effie".

 

"Dieu merci ce n'est pas Jerry Springer". Gabrielle ne put résister à la raillerie tout en piquant le récepteur à sa soeur.

 

"C'est quoi cette histoire avec Jerry Springer ?" la voix d'Effie craqua à l'autre bout du fil.

 

"Rien, Eff. Quoi de neuf ?"

 

"Hey, tu seras là ce soir ?"

 

"Hein ?" Gabrielle murmura. Puis elle se souvint : Effie et sa bande, Les Ahurissantes Amazones, jouaient au Bar & Grill La Selle. "Oh, je pense que oui Eff.... Bien que je ne sois pas très en forme".

 

"T'inquiète pas, ce sera une courte exhibition. Pony s'est blessée au bras pendant un match de soft ball l'autre jour, alors elle ne va pas balancer ses baguettes aussi bien que d'habitude."

 

"Okay, j'y serai. A quelle heure vous commencez ?"

 

"A dix heures. On aura fini à onze." un silence. "Ca va, chérie ?"

 

"Ouais... Tu sais, les conneries habituelles" marmonna Gabrielle de façon à ce que Lila n'entende pas. Mais Effie, bien sûr, l'entendit, elle.

 

"Eh bien, il semblerait que tu aies besoin de te tirer un peu d'ici pour un temps. Je voudrais bien que tu t'installes avec nous. On a largement assez de place." Effie partageait une grosse ferme avec son fils et les copines de son groupe, Pony et Sally. Elles étaient souvent l'objet des potins de la ville ; tout le monde se demandait ce qui se passait à "La Ferme". Les rumeurs allaient bon train, parlant d'une maison pleine de crack, de recrutement homosexuel ou d'orgies impliquant nombre d'espèces et de genres différents. Gabrielle savait qu'aucune n'était vraie.

 

"Viens assez tôt, on prendra une bière avant notre petit concert", dit Effie.

 

"Okay, Eff. Je serai là vers neuf heures. Ca te convient ?"

 

"Super. A tout à l'heure, chérie. Salut". Gabrielle raccrocha le combiné et se dirigea vers sa chambre. Négligemment, elle farfouilla parmi les chemisiers rangés dans son placard. Oh et puis flûte soupira-t-elle, retirant le vieux t-shirt Guns and Roses qu'elle portait. Je mettrai ce que je porte toujours. Elle sélectionna un polo vert (vert bile, comme tout le monde disait - il restait pourtant son haut favori) et alla à la salle de bain. Elle se lava le visage, appliqua une nouvelle couche de déodorant Dial sous ses bras, ajouta une goutte de parfum, lava son visage avec du Noxema, et enfila son t-shirt. Elle était en train de brosser ses cheveux flamboyants lorsqu'elle remarqua Lila appuyée contre la porte de la salle de bain. "Tu sors ?" lui demanda diplomatiquement sa soeur.

 

"Ouais" répliqua Gabrielle, d'une égale neutralité. "Le groupe d'Effie joue à La Selle".

 

Lila en grimaça de désapprobation. "J'suis pas très sure d'Effie, Gab".

 

Gabrielle leva les yeux au ciel. "Lila, Effie n'est pas gouine, okay ? J'veux dire, elle a un gosse !". Bien qu'elle sache qu'Effie soit ouverte à toutes les possibilités, comme elle l'avait déclaré un soir, sous l'influence de quelques bouteilles de Miller Lite et de quelques coups de Jagermeister.

 

"Bon, mais elle vit avec Pony et Sally, et ces deux-là...."

 

"Et alors quoi, bordel, Lila. Elles son goudous. Et alors." Gabrielle abaissa violemment sa brosse.

 

"Bon, je veux dire, je m'en fous... Ce qu'elles font, c'est leur problème, tant que je n'ai pas à voir quoi que ce soit." Lila essaya en vain de paraître aussi tolérante que sa soeur.

 

"Je crois qu'il faudra que je leur dise de ne pas venir ici pour une représentation pour toi ce soir alors" grogna sarcastiquement Gabrielle, passant la porte.

 

"T'es vraiment impossible des fois" lui cria sa soeur. "Pas étonnant que Purdy ne voulait plus rester avec toi !"

 

Gabrielle récupéra ses clés de voiture du pot à bonbons sur la table de la cuisine et claqua la porte derrière elle.

 

*****

 

Elle avait couvé une Miller Lite pendant toute la durée du concert d'Effie et de sa bande ; le concert dura en fait un peu plus longtemps que ce qu'Effie lui avait dit - il était plus de onze heures, et elles commençaient enfin à baisser le rythme, chantant leur propre version de "Layla". C'était un groupe assez étrange, pensa Gabrielle en regardant ses amies sur la scène : Pony à la batterie, Sally à la basse. Effie avec sa guitare, chantant. Pony n'aimait que la musique country, Sally aimait le rock classique et Effie, comme Gabrielle, adorait les chansons d'amour romantiques, bien qu'elle ait échoué régulièrement dans sa campagne visant à inclure des chansons de Céline Dion dans le répertoire du groupe. Enfin, elles se lancèrent dans la dernière chanson de la soirée "Angel of the Morning", à la consternation de Sally ; la mince bassiste leva les yeux au ciel au moment où Pony se lançait gentiment mais fermement dans le rythme mélodramatique et qu'Effie commençait à chanter. Gabrielle sourit alors que la voix d'Effie passait au-dessus d'un foule plutôt inattentive.

 

Du coin de l'oeil, Gabrielle vit un intéressant trio pénétrer dans le bar : un grand gaillard aux long cheveux bruns cendrés et un petit mec musclé aux cheveux blonds bouclés étaient accompagnés par une grande et belle femme aux cheveux noirs et dénoués. Ils commandèrent des bières au bar, et pendant que le grand gaillard engageait une conversation avec son ami plus petit, la grande femme s'appuya contre le bar et regarda le groupe. Ses jean, t-shirt et bottes de chantier étaient aussi noirs que ses cheveux. Elle se tenait les bras croisés, buvant une Heineken. Gabrielle se retrouva à fixer cette femme remarquable, jusqu'à ce que celle-ci lui retourne finalement son regard franc et inquisiteur. Avec un frémissement - dont elle ignorait la cause - elle se retourna et de nouveau fixa son attention sur Effie. Mais, une minute trente plus tard, lorsqu'elle laissa ses yeux se diriger de nouveau vers l'étrangère accoudée au bar, elle trouva ces yeux étincelants encore posés sur elle.

 

Des applaudissements mitigés s'élevèrent à la fin de la chanson ; Gabrielle, dans une soudaine explosion d'énergie nerveuse, mena les encouragements et les applaudissements. Pendant qu'Effie souhaitait bonne nuit à la foule et encourageait les spectateurs à participer à une mailing list, Gabrielle monta sur la scène pour aider le groupe à ranger leur équipement.

 

"Hey, roadie", la salua Sally avec un sourire.

 

"Salut, Sal. Comment va ?"

 

"Plutôt bien, sauf que l'autre dingue là-bas ne m'a pas écoutée ! Elle jeta un regard furieux à Pony, qui démontait lentement sa batterie. "J'ai entendu ça" répliqua la solide batteuse. "Je vais bien Sally, alors arrête de me surveiller !"

 

"Tu es blessée, Pony, tu as besoin de laisser ce bras se reposer !" cria Sally à sa maîtresse.

 

"La ferme !" lui lança Pony en retour.

 

"Bon Dieu, vous deux," gémit Gabrielle. Effie revint vers elle et la serra dans ses bras. "Alors ?" lui demanda-t-elle. Elle demandait toujours l'opinion de Gabrielle concernant leurs performances, parce qu'elle savait que son amie était toujours honnête, mais gentille.

 

"'Angel' était bien, Eff. 'Layla' était un peu emmené paresseusement, pourtant."

 

"Je pensais bien. Pony commençait à être fatiguée".

 

"La ferme !" rugit Pony.

 

"Je pense que vous auriez dû laisser tomber 'Achy Breaky Heart' également..."

 

"Ben, il faut garder vous-savez-qui heureuse..." grogna Sally qui regardait Pony descendre de la scène.

 

"Oh, bon Dieu Sally, ne la laisse pas se saoûler !" dit Effie à la bassiste.

 

"T'inquiète pas, Eff." Sally se rapprocha de son amie d'un air de conspirateur. "Eff - t'as vu qui est là ?"

 

Effie aquiesça lentement.

 

"Qui ?" demanda Gabrielle.

 

"Zina," dit Effie en direction du bar.

 

"La femme ? Avec les cheveux noirs ?" dit Gabrielle, le souffle coupé. "Tu la connais ?"

 

"Ouais," dit Effie d'une voix traînante et mystérieuse. "On se connaît depuis longtemps."

 

"Je ne l'ai jamais vue ici auparavant" remarqua Gabrielle.

 

"Elle vit à Chakram Creek. Elle est sapeur-pompier là-bas".

 

"Elle est femme-pompier" la corrigea Gabrielle.

 

"Peu importe. J'ai entendu dire qu'elle avait laissé tomber toutes ses habitudes hors normes en sortant de prison".

 

"Non !" s'écria Sally, horrifiée.

 

"Pas ce genre d'habitudes, Sally", répondit Effie, le sourire en coin. "Ce que je veux dire, c'est qu'elle n'est plus une criminelle. Plus de drogue, plus de vols..."

 

"Pourquoi était-elle en prison ?" les interrompit Gabrielle nerveusement.

 

"Oh, elle y a fait plusieurs séjours. Des petits trucs au début, vols de voiture, deal, effractions, vol à la tire... En tout, elle a bien dû faire deux ans et demie". Effie regarda la sombre et dangereuse femme qui discutait tranquillement avec son ami de haute taille. "Certains disent qu'elle a même mis le feu à cette vieille maison, à Cirra, mais on n'a jamais pu le prouver."

 

"C'est plutôt drôle qu'elle soit devenue pompier, dans ce cas", dit Sally. Elle et Sally explosèrent de rire.

 

"Ouaouh", chuchota Gabrielle. Elle s'autorisa à regarder la femme, sans complexes. Sally et Effie échangèrent un regard entendu.

 

"En quoi est-ce que ça vous intéresse, Mlle Gabrielle ?" demanda ironiquement Sally.

 

"Mais en rien !" se défendit Gabrielle. "C'est juste que... Elle a l'air vraiment intéressante. J'aimerais bien la rencontrer un jour ou l'autre."

 

Effie leva un sourcil. "Pas de meilleur moment que le temps présent, allons-y !". Elle attrapa Gabrielle par le bras et entreprit de la traîner vers le bar.

 

"Effie !" cria Gabrielle d'une voix perçante en guise de protestation. Elle espérait que sa coiffure avait l'air OK.

 

Les trois amis au bar tournèrent leur attention en direction des deux femmes qui s'approchaient. "Zina !" s'écria chaleureusement Effie.

 

" '...lut, Eff," murmura Zina. Elle porta la Heineken à ses lèvres et laissa son regard errer sur Gabrielle, qui sentit une étrange sensation remonter le long de sa colonne vertébrale. Ils ont dû régler l'air conditionné encore une fois trop fort pensa-t-elle ; malgré tout, elle transpirait légèrement. Zina, en revanche, avait l'air aussi fraîche qu'un concombre.

 

"Ca fait un bail ! comment vas-tu ?" dit Effie.

 

"Plutôt bien."

 

"J'ai entendu que tu vivais à la Crique, maintenant."

 

"Ouaip"

 

"Tu travailles pour les sapeurs-pompiers"

 

"Ouaip"

 

"Ca te plaît ?"

 

"Mm mmh".

 

Gabrielle sentit un soupçon d'exaspération assombrir son visage. Elle est aussi intéressante que cette bouteille de Heineken, pensa la poétesse en herbe.

 

"Alors, qu'est-ce qui se passe, Eff ?"

 

"Je voulais te présenter ma meilleure amie, Gabrielle."

 

"Salut". Zina recouvrit la petite main de Gabrielle avec l'une des siennes, large et chaude. Elle indiqua le grand homme à sa gauche. "Voilà Hank". Puis un signe en direction de celui situé à sa droite. "Et lui, c'est Ed".

 

Le sourire de Hank était chaleureux. Lui aussi serra la main de Gabrielle. Ed portait une casquette John Deere, de laquelle sa masse de cheveux blonds bouclés essayait de s'échapper. Ses yeux pétillèrent malicieusement. Gabrielle l'apprécia immédiatement. "Salut !" lança-t-il, enthousiaste. "Tu veux danser ?" demanda-t-il.

 

Elle jeta un oeil à la piste à côté du jukebox. Personne n'y était, à part Margie Peckerwood, qui, comme d'habitude, était saoûle et dansait seule avec elle-même. "Euh, peut-être plus tard" répondit Gabrielle, avec un sourire d'excuse.

 

"Ben, peut-être que tu aimerais m'accompagner dehors et jeter un oeil à mon nouveau camion..." dit Ed, le regard concupiscent.

 

Gabrielle eut l'air surpris. Hank secoua la tête tristement. "Une autre fois" suggéra-t-elle. Maintenant, elle n'était plus sûre qu'elle le trouvait aussi sympathique qu'auparavant.

 

"Bien joué, Herbesan", dit Hank d'une voix traînante, tapant malicieusement la tête d'Ed et faisant choir sa casquette sur le sol.

 

"Attention à ma casquette, bordel !" s'écria Ed.

 

"Allez, on fait une partie de billard. Y a une table de libre. Hank se tourna vers Zina. "Tu viens, Z ?"

 

"Pas tout de suite" réplique Zina, avant d'avaler une autre gorgée de Heineken.

 

Alors que les hommes s'éloignaient d'un pas nonchalant, Effie annonça, "Bon, il faut que j'aide Sal à charger le matériel dans le van. A plus tard, chérie," elle serra Gabrielle dans ses bras rapidement.

 

"Effie, me laisse pas avec elle !" siffla Gabrielle dans l'oreille de son amie.

 

"Trop tard !" murmura joyeusement Effie. Elle sourit et agita la main en direction de Zina, qui acquiesça en retour.

 

Gabrielle se retouna vers le pompier laconique. Elle nota seulement à cet instant le bleu intense de ses yeux . "Alors, euh, comment as-tu eu un prénom aussi inhabituel ?" lui demanda-t-elle.

 

"Ma mère était une hippie," répondit Zina.

 

"Ha ? Je ne comprends pas".

 

Zina soupira ; elle ne supportait pas de devoir faire un effort pour construire une longue phrase. "Bon, euh, tu sais comment sont les écolos. Assez drôles, toujours à faire les choses pas comme les autres. Maman disait que c'était un vieux prénom de famille, mais je ne sais pas... Je veux dire, elle a appelé notre chien Enfant-de-Lune, Bon Dieu."

 

Gabrielle pouffa de rire. Puis arrêta, espérant ne pas avoir vexé Zina. Mais un sourire en coin illumina le beau visage de la grande femme. Gabrielle sentit qu'elle-même lui rendait son sourire. Peut-être que Zina n'était pas aussi nulle qu'elle le pensait - elle semblait avoir le sens de l'humour. "Et, euh, Hank, c'est ton petit copain ?"

 

Zina gloussa. "Nan. Il l'a été, il y a longtemps, mais plus maintenant. C'est mon meilleur ami, pourtant. Il m'a aidée à rentrer chez les pompiers."

 

A la fin, Zina alla faire une partie de billard avec Hank. Gabrielle regarda et parla un peu avec Ed , qui n'arrêtait pas de lui raconter des blagues stupides.

 

"Eh, tu sais pourquoi les petites filles ne pètent pas ?"

 

"Je sais pas. Pourquoi ?"

 

"Parce qu'elles ne savent pas ce que c'est qu'un trou du cul avant d'en avoir épousé un !"

 

Elle rit si fort qu'elle en cracha sa bière. "Eh, c'est vachement drôle. C'est plutôt cool que tu racontes cette blague, alors que t'es un mec et tout..."

 

"Je suis un putain d'égalitariste" repondit Ed, lampant un coup de sa Rolling Rock.

 

Quand Gabrielle quitta La Selle, il était un peu plus de minuit. Elle grimpa dans sa Ford Escort, inséra la clé dans le contact et entendit la voiture produire ses crachements habituels. Mais cette fois-ci elle ne voulut pas démarrer. Elle essaya pendant quinze minutes. Finalement, elle sortit de la voiture, et tapa furieusement dans un pneu. "Sac de merde !" cria-t-elle.

 

"Elle veut pas démarrer ?" dit-une voix sexy et moelleuse dans son oreille.

 

"Aaaahhh !!!!" hurla Gabrielle. D'un bond, elle se retourna et vit Zina en train de lui sourire.

 

"Désolée, j'avais pas l'intention de te faire peur."

 

"Ca va", dit Gabrielle, pantelante. "Enfin, euh, pas exactement, cette saloperie de voiture refuse de démarrer". Elle frappa de nouveau sa Ford.

 

"Une Escort, tsk, tsk, tsk..." déclara calmement Zina.

 

"Je sais, je sais, tout le monde dit que c'est un gros tas de merde". Elle regarda Zina, pleine d'espoir. "Tu t'y connais en mécanique ?"

 

Le pompier acquiesça. "Ouvre le capot", dite-elle, ce que Gabrielle entreprit de faire. La grande femme plongea sa tête sous le capot. "La batterie a pas l'air en forme", dit Zina. "Elle est peut-être morte".

 

"Eh merde !" cria Gabrielle.

 

Zina referma le capot. "Ferme-la à clé et appelle un service de dépannage demain", lui suggéra-t-elle. "Je te ramène sur ma moto".

 

"Moto ?" bêla Gabrielle craintivement.

 

"Ouaip". Elle suivit Zina jusqu'à une moto rutilante. Une Harley.

 

"Ouaouh," dit Gabrielle, stupéfaite. Zina lui tendit un casque. "Et toi ? Tu ne portes pas de casque ?" demanda-t-elle pendant qu'elle attachait cette chose noire sur sa tête.

 

Zina lui sourit et tapa le casque. "Tu le portes, gamine. Grimpe. Où t'habites ?"

 

"Potadeia Road. La maison jaune juste après l'église".

 

"Je vois où c'est".

 

"Euh, Zina ?"

 

"Ouais ?"

 

"J'suis pas très rassurée. C'est la première fois que je monte sur une moto".

 

"Tout ira bien Gabrielle", dit-elle d'une voix apaisante. Ces simples mots, énoncés d'une voix riche et claire, eurent le don de mettre Gabrielle à l'aise. Pour une raison inexplicable, elle faisait confiance à cette femme. "Accroche-toi à moi fermement, OK ?"

 

"Okay". Gabrielle grimpa sur la moto derrière la grande femme et enveloppa gentiment torse et t-shirt de ses bras. Elle resserra sa prise alors que la Harley explosait dans un tonnerre de bruit et de fureur. Les abdos développés de Zina apportaient une plaisante distraction à Gabrielle tandis qu'elles quittaient le parking pour emprunter la route.

 

Zina était une conductrice prudente, nota Gabrielle - elle était sûre d'elle, mais ne conduisait pas trop vite - probablement parce qu'elle ne veut pas m'effrayer, pensa la jeune femme. Ca lui faisait plaisir de voir son amie si attentive. Elle soupira d'aise pendant leur voyage nocturne. Le vent était doux, et les cheveux sombres de Zina flottaient derrière elle, les mèches chatouillant et caressant le visage de Gabrielle.

 

*****

 

Le lendemain, à son travail, elle alla voir Effie pendant leur pause café de 10 h 15.

 

"Alors, t'as eu des problèmes de voiture ?" lui demanda Effie. Elle n'avaient pas eu le temps de parler avant le pointage, le matin. Gabrielle avait juste eu le temps de lui annoncer que sa voiture était morte.

 

"Ma voiture m'a lâchée devant La Selle hier soir. J'ai dû aller au boulot avec Purdy" dit-elle, la mine renfrognée. Purdy était à la maison la nuit dernière, et ce matin, en entendant parler de son problème, avait offert de la conduire à son travail, le gros lèche-bottes. Elle avait accepté à contre-coeur, car elle savait qu'Effie serait dans l'impossibilité de venir la chercher chez elle.

 

Effie sourit d'un air satisfait. "Et Purdy va aussi la réparer ?"

 

Gabrielle soupira d'un air défaitiste."Ouais, il va demander à Bob de la remorquer cet après-midi, et il a dit qu'il demanderait à Bob de me faire une remise." Purdy travaillait au garage de Bob. Autant profiter du sentiment de culpabilité de ce sale bâtard, avait pensé Gabrielle.

 

"Et t'es rentrée comment la nuit dernière ?" Effie tira une bouffée de sa Marlboro Light.

 

"Zina m'a raccompagnée". Gabrielle essaya d'avoir l'air désinvolte, et lutta contre le sourire qui menaçait d'éclore à la simple mention du nom de Zina.

 

"Ooooh !" gloussa Effie "Vous deux, ça commence à devenir sérieux..."

 

"Effie, arrête, c'est pas du tout ce que tu penses".

 

"Ouais, c'est ça. Pony et Sally pensent que tu en es."

 

"Ca va pas !" cria Gabrielle. Elle rougit violemment.

 

"Et si. Ca me fait penser, on fait une soirée pour l'anniversaire de Pony, ce week end. Tu te rappelles ? Samedi soir."

 

"Oh ouais... Flûte, qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui offir ?" Gabrielle était soulagée du soudain changement de sujet.

 

"Eh, amène-lui juste un pack de bière, et elle sera aussi ravie qu'un cochon dans sa bauge".

 

*****

 

Lorsqu'elle se réveilla samedi matin, Lila était partie - elle était probablement en vadrouille quelque part avec Purdy. Gabrielle se servit un bol de céréales Puffs au chocolat et s'engagea dans un paresseux petit déjeuner devant la télé. Alors qu'elle attendait que ses céréales aient fini de ramollir, elle remarqua une cassette vidéo placée sur la table à café. Elle était sans étiquette. Toujours curieuse, elle enfila la cassette dans le magnétoscope ; le vieil appareil se lança avec difficulté, cliqueta et ronronna, et une image apparut à l'écran. C'était le Jerry Springer Show. Gabrielle avait toujours pensé que Jerry - avec ses cheveux blonds décoiffés et ses petits yeux cachés derrière ses lunettes - ressemblait à un Muppet. Le titre de l'émission s'inscrit à l'écran : "Pourquoi as-tu engrossé cette traînée ?" Gabrielle commença impatiemment à manger ses Puffs chocolatées - elles n'étaient pas encore assez molles, mais elle avait faim.

 

Jerry commença ainsi : "A l'émission d'aujourd'hui, nous avons des personnes qui désapprouvent le comportement de leur famille.." La caméra se tourna vers un jeune homme, qui semblait vaguement familier : il était mince et pas très propre sur lui., avec des yeux exorbités, les cheveux filandreux, et une barbe miteuse.

"Voici Gary, qui n'est pas satisfait du choix de son frère en matière de copine."

 

Gabrielle recracha une cuillérée entière de céréales. C'était Gary, le frère de Purdy.

 

"Ouais, Jerry, la copine de mon frère est une agitée totale du ciboulot !". Elle était outrée. Ce sale connard, pensa-t-elle. Comment ose-t-il appeler ma soeur ainsi ?

 

"Pourquoi dites-vous cela Gary ?"

 

Gary leva ses yeux de drogué. "Parce que c'est ce qu'elle est !"

 

"Bien, et si nous faisions la connaissance de votre frère, Peter" - le véritable nom de Purdy - "et de sa petite amie, Lila."

 

Purdy fit son entrée sur le plateau, resplendissant dans sa plus belle chemise en flanelle. Lila se traînait derrière lui, l'air excessivement enceinte. Gabrielle eut vraiement envie de balancer son pied au travers de la télé, bien qu'elle ait été un peu réconfortée par l'apparence de sa soeur, qui avait l'air si énorme dans sa robe de grossesse en forme de tente, ornée de l'inscription "BEBE A BORD !".

 

"Alors, Peter, que répondez-vous aux accusations de votre frère ?"

 

"Bon Dieu, il est tellement Bip au crack, qu'y sait même pas de quoi y cause !" grogna Purdy.

 

"Conn Bip !" dit Gary. "T'as aucun goût en femmes de toutes façons. Ta dernière copine était une salope frigide, et celle-là est une traînée !"

 

Purdy sauta sur son frère et le chaos envahit le plateau. Très secouée, Gabrielle éteignit la télé. Elle fixa son bol de céréales. Il m' a traitée de salope... et ils ne m'ont même pas défendue. Pas Purdy. Pas Lila. Pas un seul. Et ils ont laissé la cassette juste sous mon nez. Comme s'ils voulaient que je la voie. Pourquoi ? Pourquoi personne ne prend ma défense ? Elle essaya de se reprendre, mais elle sentit les larmes monter et s'effondra sur le fauteuil, s'abandonnant au chagrin.

 

*****

 

Pony arracha allègrement le papier cadeau. "Des sels de bain ?" dit-elle, perplexe. "Euh, merci, Gabrielle". Elle les déposa à côté de ses autres cadeaux : un coussin péteur et du faux sang (cadeau de Hank et Ed), une bouteille de Jack Daniel's (de la part d'Effie), et un nouveau gant de softball (son cadeau le plus précieux, offet par Sally).

 

Gabrielle haussa les épaules. Tout le monde lors de cette soirée ne pouvait s'empêcher de remarquer son air abattu ; elle se sentait un peu pouilleuse d'agir comme ça, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Ed essaya de lui remonter le moral avec ses blagues pourries, mais même ça ne marcha pas longtemps. Alors, elle s'assit, l'air morose, sur le canapé, à côté d'Effie, qui de temps en temps lui jetait un regard inquiet.

 

"Je pense qu'on passe une bonne soirée" dit Effie. Elle pressa légèrement la jambe de Gabrielle.

 

"Allez, au tour du gâteau !" annonça Sally. Elle et Effie se dirgèrent vers la cuisine. Hank, qui apparemment en pinçait pour Effie, les suivit. Ed en profita pour aller à la salle de bain, et Pony se leva pour mettre une nouvelle cassette.

 

"On arrête avec Randy Travis, Pony !" lui cria Sally de la cuisine.

 

"Eh, c'est mon putain d'anniversaire !" lui répondit Pony. La sonnette retentit. "Gab, tu peux aller ouvrir ?" demanda Pony.

 

Gabrielle se leva mécaniquement et se dirigea furtivement vers la porte d'entrée. Elle ouvrit. Zina, habillée d'un t-shirt Metallica et d'un Levi's, affublée de lunettes d'aviateur cachant son regard brillant, lui sourit. "Est-ce que je suis en retard ?"

 

Gabrielle restait debout, sans voix. Un sentiment de soulagement, de chaleur, la submergea, et elle ne savait pas pourquoi. Pourquoi était-elle si heureuse de voir cette femme ? "Oh...non", dit-elle doucement. "Tu arrives... juste à temps." Elle ne bougea pas, et resta devant la porte en regardant la femme devant elle.

 

Zina retira ses lunettes de soleil. Ses yeux d'un bleu profond montrèrent son inquiétude. "Hey, ça n'a pas l'air d'aller ?" demanda-t-elle gentiment.

 

"Oh, si, ça va maintenant." Gabrielle sourit.

 

"Euh... est-ce que je peux entrer ?"

 

"Hein ? Oh... pfff !" Gabrielle s'écarta. "Tu arrives juste à temps pour le gâteau."

 

"Cool. Où est la reine de la soirée ?"

 

"Elle squatte la stéréo" répondit Gabrielle.

 

Comme Zina pénétrait gracieusement dans la maison, Gabrielle la suivit comme un petit chien.

 

*****

 

Effie s'était bien rendue compte de l'amélioration de l'humeur de Gabrielle après l'arrivée de Zina - bien qu'elle soit inquiète de la quantité d'alcool que son amie ingérait. Ses peurs se concrétisèrent lorsqu'elle vit Gabrielle tituber vers la salle de bain, et entendit des bruits révélateurs de ses activités.

 

Effie surveilla la petite soirée. Ed était quasi inanimé. Sally et Pony s'étaient "retirées" pour la soirée (Dieu merci, les murs sont épais, pensa-t-elle)... Elle voulait rester seule avec Hank, qui était demeuré remarquablement sobre. Elle savait que Zina partirait si Gabrielle faisait de même, et elle espérait que les vomissements signifiaient le début de la fin de la fête.

 

Elle rôda du côté de la porte de la salle de bain avec Zina. Elle frappa doucement. "Gabrielle, chérie, tu vas bien ?" demanda-t-elle.

 

"Euh, Ouais" gémit Gabrielle.

 

"On peut rentrer ?"

 

"Quoi... Tous ?"

 

"Non, juste moi et Zina".

 

Il y eut une longue pause.

 

"Bon alors, j'envoie juste Zina, OK ?" suggéra Effie. Zina lui lança un regard paniqué. Des fois, je suis vraiment trop intelligente pour eux tous, pensa-t-elle fièrement.

 

Une autre pause. "OK".

 

Effie se tourna vers Zina. "A toi de jouer, Buster Brown". Avant que le pompier confus ne puisse répliquer, Effie était de retour sur le canapé avec Hank.

 

Lentement, Zina ouvrit la porte de la salle de bain, s'attendant au pire. Elle fut bien soulagée de voir que Gabrielle avait atteint son but, la cuvette des WC. La jeune femme était agenouillée devant.

 

"Comment tu te sens ?" demanda-t-elle à Gabrielle.

 

"Mieux.... je pense que j'ai juste eu une journée pourrie".

 

"Oui ?" demanda Zina. "Qu'est-ce qui s'est passé ?"

 

Gabrielle entreprit de lui raconter l'ensemble de l'histoire : Lila, Purdy, Jerry Springer.

 

"Ca craint," dit Zina.

 

"Merci. Je me sentais vraiment merdeuse. Comme si personne ne m'aimait."

 

"C'est pas vrai Gabrielle. Moi... je t'aime bien" murmura Zina en se frottant nerveusement la nuque.

 

"Vraiment ?" Zina acquiesça. "Ouais, bon..." gloussa Gabrielle.

 

"Quoi"

 

"Tu ne veux pas... tu sais."

 

"Quoi ?"

 

"Je veux dire, tu ne m'aimes pas de cette façon... tu ne voudrais pas m'embrasser ou..." Ses yeux verts rencontrèrent ceux de Zina. Ou voudrais-tu ?

 

"Euh, non je ne pense pas.."

 

Gabrielle eut l'impression qu'elle allait vomir son coeur.

 

"...parce que ton haleine sens un peu le dégobillage" Zina sourit. "Mais si tu te lavais les dents..." ajouta-t-elle, en espérant que cela semblait suffisamment drôle pour ne pas effrayer la jeune fille.

 

"Qu'on m'apporte mon sac !" aboya la rousse impérieusement.

 

Zina ouvrit la porte et cria à Effie : "Effie ! Amène le sac de Gabrielle !". Le pompier vit Effie lever les yeux de sa position sur le canapé : étendue , avec ses pieds dans le giron d'Hank. Le grand homme lui massait gentiment ses pieds menus. "Oh, Bon Dieu!" gémit-elle. Elle se leva à contre-coeur et fit ce qu'on lui avait demandé. Zina la remercia d'un sourire au moment où Effie lui tendait l'énorme sac à bandoulière. "Jésus, qu'est-ce que t'as là-dedans ?" dit-elle en fermant la porte et en donnant le sac à Gabrielle.

 

Gabrielle ne lui répondit pas et entreprit de farfouiller dans son sac avec une admirable application. Plusieurs objets atterrirent sur le sol : un paquet de Tic-Tac, des tampons, des stylos, un agenda à l'allure fatiguée, une carte de bibliothèque, et une plaquette de pilules. Gabrielle s'arrêta un instant, et regarda les pilules. Puis elle les jeta à la poubelle. Elle enfouit de nouveau son bras dans son sac. "Ah !" s'écria-t-elle triomphalement, extirpant une brosse à dents. Elle sourit diaboliquement à Zina, qui écarquilla ses yeux bleus sous l'effet du choc.

 

"Qu'est-ce qui se passe, Zina ? Que des mots, et pas d'action ?" Elle se leva et rinça la brosse, puis y appliqua du dentifrice Crest.

 

"Euh..."

 

Gabrielle la regarda. "Tu ne veux pas m'embrasser ?" Elle introduisit la brosse dans sa bouche et frotta furieusement, créant une épaisse couche de mousse.

 

"Euh..."

 

"Laisse-moi t'expliquer quelque chose, Madame-je-mange-des-Doritos-et-ça-se-sent, c'est toi qui obtient la meilleure part de ce contrat !" dit-elle la bouche pleine de mousse. Elle rinça ses dents, qu'elle exposa à Zina en un sourire éblouissant. Puis, pour être sûre, elle prit une gorgée de la Listerine d'Effie et effectua quelques gargarismes.

 

"Gabrielle, tu es sûre..."

 

Gabrielle cracha le liquide bleu. "Ecoute, Zina, tu m'aimes ou non ?" s'écria-t-elle avec irritation.

 

La grande femme, s'appuyant contre la baignoire, lui sourit mystérieusement - ce qui eut un effet assez dévastateur sur Gabrielle. Elle s'approcha de Gabrielle et la saisit par la taille. La jeune femme était pressée contre le corps musclé du pompier ; ses mains s'appuyèrent sur de solides épaules, puis glissèrent instinctivement autour du cou de Zina. "Juge par toi-même", dit Zina, et elle descendit doucement ses lèvres sur celles de Gabrielle.

 

Elles s'embrassaient passionnément lorsqu'une voix cria à l'extérieur de la salle de bain : "J'arrive !" La porte s'ouvrit violemment et Ed se rua à l'intérieur, s'avachit au-dessus des toilettes et commença à vomir. Les deux femmes étaient complètement inconscientes de cette explosion d'activités déplaisantes autour d'elles. Effie et Hank, qui avaient suivi Ed, se tenaient devant la porte et regardaient, interdits, le spectacle offert par Gabrielle et Zina l'une sur l'autre.

 

"Bon Dieu, Z," murmura Hank, sous le choc.

 

"Ouaou !" gloussa Effie.

 

Le bruit avait sorti la reine de la soirée d'un sain repos post-coïtum. Effie et Hank se placèrent de côté, offrant à Pony une vue dégagée de la salle de bain. "C'a été une super putain de soirée" observa-t-elle pensivement.

 

******

 

Deux semaines passèrent.

 

"Tu sors beaucoup en ce moment" observa sa soeur un soir, alors qu'elle regardait Gabrielle, à la salle de bain, en train de se mettre du baume à lèvres aromatisé fraise-kiwi-banane.

 

"Eh bien, je ne veux pas être tout le temps dans tes pattes, Lila".

 

"Conneries". Lila s'arrêta. "Comme si tu étais dans mes pattes avant, Gabrielle". Autre pause.

 

Je jurerais qu'elle est jalouse pensa Gabrielle, et elle laissa un sourire béat illuminer son visage.

 

"Tu vois quelqu'un ?"

 

"Ca te regarde, si c'est le cas ?" rétorqua-t-elle d'une voix chantante.

 

"Qui c'est ?" demanda Lila avidement. Elle adorait les ragots, et elle avait l'espoir que si Gabrielle s'engageait vraiment avec quelqu'un, alors elle se sentirait moins coupable.

 

"Tu ne connais pas... cette personne".

 

"Bon, qu'est-ce qu'y fait ?"

 

"Pompier" renseigna Gabrielle.

 

"Ooooh", approuva Lila en roucoulant. Elle vit apparaître en imagination un beau et ténébreux pompier. A part la question du genre, elle n'était pas très loin de la vérité. "C'est super, Gab. J'ai hâte de le rencontrer. Pourquoi est-ce que tu ne l'invites pas un soir à dîner, ou un truc comme ça ?"

 

"Euh, Peut-être un jour, bientôt". Elle jeta un oeil à sa montre à l'effigie du Diable de Tasmanie. "Faut que j'y aille. Dis voir, toi et Purdy, vous allez à la foire vendredi soir."

 

"Ouais. Tu veux venir ?"

 

"En fait, j'allais inviter Effie et toute la bande pour regarder des cassettes. Leur magnétoscope est foutu," mentit Gabrielle. Son plan véritable était d'inviter Zina à dîner.

 

"Super. On restera sûrement à l'appart de Purdy après... Comme ça, avec tes copines, tu pourras faire la java toute la nuit".

 

Parfait, songea Gabrielle en souriant.

 

Il y avait quelque chose de spécial dans l'uniforme de pompier, songeait Zina plaisamment : le casque en métal avec visière, la veste brillante noire et jaune, les bottes... Les jeunes enfants la regardaient avec une sorte de crainte envieuse, les adultes avec admiration et respect, et Gabrielle lui sautait dessus comme une tique sur un chien dès qu'elle rentrait à la maison. Elle s'assit joyeusement sur le canapé dans son mobile home (elle détestait l'appeler une caravane), laissant sa souple compagne lui grimper dessus comme sur un espalier, la couvrir de baisers, caresser son corps, mordiller son oreille et gémir d'un voix profonde : "Ooooh, fier soldat du feu, sauvez mon enfant..."

 

Le monde était parfait, jusqu'à ce qu'elle entende la porte d'entrée s'ouvrir. "Chérie !!!" cria une voix stridente. "J'ai ton thé aux herbes !"

 

"Oh merde," gémit Zina.

 

Gabrielle stoppa son assaut et se retourna. Une femme d'âge moyen et d'aspect plaisant, coiffée d'une écharpe écossaise, portant une jupe à fleurs et une masse de bijoux tintinnabulants, se dressait devant elles en souriant : "Salut chérie, c'est qui ta copine ?" demanda-t-elle à Zina.

 

Zina soupira. "Gabrielle... je te présente ma mère. Maman, je te présente Gabrielle".

 

"Salut, Gabrielle" répondit sa mère d'un ton enjoué. "C'est sympa de te rencontrer... Désolée pour l'interruption". Elle cligna de l'oeil.

 

"Bonjour, Mme Zina" laissa échapper Gabrielle en rougissant violemment.

 

La femme rit de bon coeur. "Chérie, appelle-moi juste Cyrene. Je n'ai jamais été Madame Quoi que ce soit". Elle passa devant elles pour aller dans la cuisine, portant un petit sac. "Bon, je t'ai amené le thé, du soja fermenté, une marque différente aussi... J'espère que tu aimeras..." Elle ouvrit le réfrigérateur. "OH MON DIEU !" hurla-t-elle.

 

Gabrielle sauta hors du giron de Zina. "Quoi ? Qu'est-ce qui va pas ?"

 

"Il y a quelque chose de BURGER KING là-dedans !"

 

"Maman, arrête de flipper, c'est juste des frites..." marmonna Zina.

 

"C'est ce que tu dis !" répliqua Cyrene. "T'aurais pu manger un hamburger à ce que je sache... Et d'abord, les frites ne sont pas bonnes pour toi non plus."

 

Gabrielle regarda Zina avec confusion. Rien que la veille elle avait vu Zina dévorer un hamburger de chez Roy. Zina secoua la tête en direction de Gabrielle et pressa un doigt sur ses lèvres. Gabrielle acquiesça, complice.

 

"Il semblerait que je sois arrivée ici juste à temps" soupira Cyrene. "Va chercher le reste des courses dans ma voiture, chérie." En grognant, Zina se leva, se débarrassa de sa veste et sortit pesamment en direction de la voiture.

 

"Maintenant dis-moi la vérité... Elle a mangé de la viande, n'est-ce pas ?" demanda Cyrene à Gabrielle.

 

Gabrielle hésita. Elle détestait mentir, et elle ne voulait pas commencer du mauvais pied sa relation avec la mère de Zina. "Oui" admit-elle.

 

"Oh, flûte," dit Cyrene. "Autant abandonner. J'arriverai jamais à en faire une végétarienne." Elle secoua la tête, provoquant une réaction en chaîne de cliquètements, partant de ses boucles d'oreilles, jusqu'à ses bracelets. "Bon, raconte-moi un peu ta vie, Gabrielle. Qu'est-ce que tu fais ?"

 

"Eh bien, je travaille à la conserverie en ce moment, mais j'espère pouvoir suivre des cours du soir à l'Olympus Community College cet automne..."

 

"Génial ! Quels types de cours ?"

 

"Euh, et bien, je voudrais devenir écrivain" dit-elle timidement.

 

"Ouaou, c'est trop cool ! Est-ce que Zina t'as dit que j'ai connu Bob Dylan ?"

 

"Non, vraiment ?" dit Gabrielle dans un souffle d'envie.

 

"Ouais, je suis sortie avec lui en même temps que je sortais avec le père de Zina. Je me suis toujours demandée si Bobby était le vrai père de Zina..." Elle tortilla un collier et contempla son taciturne enfant. "Nan !" Elle rit. "Quand même, je pense que Dylan est un authentique poète. C'est le Shakespeare du 20e siècle, c'est moi qui te le dis..."

 

Gabrielle hocha la tête vigoureusement, même si elle devait admettre en son for intérieur qu'elle n'avait jamais compris la moindre foutue parole que Dylan chantait.

 

"Eh !" Cyrene sortit un joint de la poche de sa jupe. "On partage ?"

 

La poétesse en herbe ouvrit la bouche pour acquiescer avec enthousiasme, mais entendit Zina crier de la porte d'entrée, "Bordel, maman, range-moi ça !!! Tu veux que je sois encore arrêtée ?"

 

"Je vois pas un seul flic, chérie," grommela Cyrene. Néanmoins, elle mit le joint de côté pour un usage ultérieur. "Flûte, chopée par mon propre enfant !"

 

******

 

"Je suis contente que tu manges de la viande, parce que j'ai fait un pain de viande", dit fièrement Gabrielle.

 

C'était vendredi soir. Habillée de son plus beau Levi's, Zina était arrivée à l'appartement... avec des fleurs, pas moins.

Bon Dieu, elle est trop sympa ! pensa Gabrielle, humant les roses. Purdy ne m'a jamais offert de fleurs !

 

"Eh, bel appart'", dit Zina, un peu embarrassée en s'asseyant sur le plaid du canapé. Puis elle ajouta : "J'aime beaucoup les pains de viande. En fait, je n'en ai pas eu de fait maison depuis très longtemps". Essaye plutôt jamais, imbécile, pensa Zina, se rappelant la parade sans fin de haricots, riz, tofu, et soja fermenté de son enfance.

 

"Bien", répondit Gabrielle, qui s'affairait à la cuisine. "Tu aimes les pommes de terre ?"

 

"Ouaip."

 

"La purée ?"

 

"Ouaip."

 

"Eh, Zina, pourquoi t'étais en prison ?"

 

"Quoi ?"

 

Gabrielle fit apparaître sa tête hors de la cuisine. "Désolée, je suis juste curieuse... Effie m'a dit que tu avais fait deux ans et demie de prison."

 

Zina soupira. "Ouais, j'ai eu toutes sortes d'avertissements, et hum, quand ils m'ont prise sur le fait en plein cambriolage, j'avais un gramme de coke sur moi, et la voiture prévue pour la fuite était une voiture volée..." Super, autant pour la romance, pensa la grande femme pompier.

 

"Ouaou" dit Gabrielle.

 

"Y a pas de quoi être impressionnée, Gabrielle".

 

"Je ne suis pas... impressionnée."

 

"Peur alors ?" Le regard bleu du pompier lançait un dangereux défi.

 

Que Gabrielle releva. "Non... Bordel, non, je n'ai pas peur. Pourquoi je devrais ?"

 

Zina ne dit rien. Gabrielle traversa la pièce et s'assit à côté d'elle en lui prenant le bras. "Eh, tout ça c'est du passé, je le sais bien. Tu est une personne différente maintenant. T'as un bon travail, tu le fais bien." Gabrielle hésita. "Tu essayes de réparer ce que tu as fait, c'est ça ?"

 

"J... J'essaye, mais c'est difficile". Zina soupira encore, et regarda le tapis à poils orange à ses pieds. "Tu ne connais pas le pire de ce que j'ai fait". Une main douce lui toucha le menton et guida son regard de nouveau sur le visage de Gabrielle.

 

"Raconte-moi, Zina", implora-t-elle doucement.

 

"Je suppose qu'Effie t'as dit... pour la maison, à Cirra". La voix de Zina était tendue.

 

"C'est vrai, alors ?"

 

Zina acquiesça. "Personne n'a été blessé, mais toute la famille... Ils se sont retrouvés sans-abris. Ils ont tout perdu. Ils n'avaient pas d'assurance non plus." Elle respira profondément, afin de trouver le courage de tout dire à Gabrielle. "C'était la maison de ma copine, Gabrielle. Elle vivait avec ses parents et sa soeur. Un jour, on s'était battues vraiment méchamment, elle avait dit qu'elle ne voulait plus jamais me voir, et je suis juste devenue dingue. Plus tard, pendant la nuit, moi et un de mes copains, Artie, on y est retournés... juste pour, tu sais, balancer des oeufs ou des trucs comme ça, mais il a allumé un papier journal sous le porche... et ça s'est répandu..." Elle reprit sa respiration. "Callie savait qui c'était, bien sûr. Elle savait que c'était moi. Je l'ai même reconnu devant elle. Mais les flics n'ont jamais pu rien prouver, et comme elle a toujours été complètement timbrée, ils ne l'ont jamais crue". Elle ferma les yeux. Elle pensait que Gabrielle allait se lever, lui demander de partir, appeler les flics, le shérif...

 

A la place, elle eut la sensation chaleureuse de bras l'enveloppant, la serrant fortement. Et pour la première fois depuis des années, depuis qu'elle était enfant, elle s'autorisa à pleurer.

 

*****

 

Après la foire, Lila et Purdy étaient allés à son appartement , mais, à leur grand désespoir, ils trouvèrent Gary écrasant sévère - il était sans argent, et aucun endroit où aller. Leurs relations étaient encore tendues depuis le Springer Show - sans mentionner que Purdy était, et on le comprend, effrayé par son psychopathe de frère - c'est pourquoi Lila et Purdy décidèrent d'aller chez Lila.

 

Purdy se réveilla samedi matin autour de 6 h 30 - il devait être au garage à 7 h, il avait donc juste assez de temps pour se laver et acheter de quoi déjeuner au Dunkin' Donuts. Lila, bien entendu, était encore complètement dans les vapes au moment où il s'extirpa du lit et parcourut le couloir encore sombre. Consterné, il nota que la salle de bain était occupée - pourquoi bordel Gabrielle était donc levée à cette heure ? Il savait que cette fille n'était jamais levée avant 10 h les jours de week end. Bon, pensa-t-il, je l'ai déjà vue sur les chiottes avant - et il ouvrit la porte pour se retrouver nez à nez avec une grande et étrange inconnue aux cheveux humides, nue de surcroît, qui le regarda avec irritation. "Tu pourras frapper la prochaine fois" grogna-t-elle. Paniqué, il ferma brutalement la porte et resta dans le couloir, perplexe au possible. "Eh!" cria-t-il à travers la porte. "Comment tu t'appelles?"

 

"Chut !" siffla Gabrielle, laquelle se tenait soudainement derrière lui. Il glappit de surprise, plutôt bruyamment. Gabrielle portait un long t-shirt noir qui lui arrivait aux genoux. C'est pas dans ses habitudes de s'habiller en noir, pensa-t-il. "Gabrielle, qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Il faut que je me prépare pour aller bosser !" cria-t-il.

 

"Silence ! Tu vas réveiller Lila" murmura-t-elle.

 

"Qui c'est, dans la salle de bain ?" demanda-t-il en baissant la voix.

 

"Elle s'appelle Zina. C'est... une amie".

 

"On a vu personne sur le canapé quand on est rentrés la nuit dernière."

 

"Elle dormait dans ma chambre, Purdy."

 

Il fronça les sourcils, confus. "Où ?"

 

"Dans mon lit, idiot."

 

"Et toi, t'as dormi où ?"

 

Elle lui lança un regard furieux.

 

L'once d'un début de compréhension se traduisit sur ses traits abrutis. "Oh... Bon Dieu. Jésus !" Il tourna les talons et courut dans la chambre de Lila.

 

******

 

"Comment as-tu pu me faire ça ! devenir homo !" pleurnicha Lila.

 

"Oh, je t'en prie Lila..." grommela Gabrielle.

 

"Je savais bien que je n'aurais pas dû te piquer Purdy," dit-elle en meuglant comme un veau.

 

"De quoi est-ce que tu parles ?"

 

"Tu es trop sensible Gab. Tu l'as toujours été. Apparemment, le choc de tout ça - perdre Purdy, le voir s'installer avec moi - a été trop fort, et t'as rendue gay."

 

"Lila, on ne rend pas les gens gay. Le psy à l'émission de Jenny Jones l'a dit la semaine dernière."

 

"C'est que des conneries !" cria Lila. "Qu'est-ce que tu vas dire à maman et papa ?"

 

Gabrielle haussa les épaules. "La vérité, je pense. Que je suis heureuse. Que je suis amoureuse. Que je retourne à l'école et que je vais faire quelque chose de ma vie".

 

*****

 

Gabrielle se souvenait, que , quand elle était petite, elle avait toujours entendu ses parents dire que l'on ne pouvait pas tomber plus bas que de vivre dans une caravane. Et, elle devait bien admettre que les caravanes étaient en général plutôt moches... bien que celle de Zina soit bien tenue et simple. Elle sourit. Je m'en moque si nous devons vivre même dans une tente, aussi longtemps que nous sommes ensemble, ça n'a aucune importance.

 

Elles avaient décidé d'emménager ensemble. Zina avait dit qu'avec son salaire, elle pourrait les faire vivre toutes les deux pendant que Gabrielle retournerait étudier à plein temps. Au début, Gabrielle avait résisté - elle ne voulait vivre aux crochets de personne - mais avait reconsidéré sa position plus tard. Elle savait qu'elle pourrait avoir un meilleur emploi avec un diplôme universitaire, enfin elle l'espérait. Et elle pourrait retourner la faveur à Zina un jour, si cette dernière voulait arrêter assez tôt... Entretemps elle était heureuse de retourner étudier, de cuisiner, de nettoyer et de repasser le stock à première vue infini de t-shirts noirs de Zina.

 

Les choses allaient de mieux en mieux. Un jour, peu de temps après leur emménagement commun, Effie se pointa après le travail, dans un état d'excitation que Gabrielle lui avait rarement connu."Devine quoi !" hurla-t-elle.

 

"Quoi ??" Gabrielle cria en retour ; l'émotion intensifiait le côté strident de sa voix.

 

"On a un contrat pour un disque !!!" s'exclama Effie.

 

"Oh mon DIEU tu plaisantes !!!" Elle s'embrassèrent et bondirent à l'intérieur de la caravane, avec une telle sauvagerie que Gabrielle craignit un moment de voir la chose s'effondrer.

 

"C'est vrai, Gab ! C'est grâce à Hank, aussi !" dit fièrement Effie. "Il a fait une cassette un soir d'un de nos concerts à La Selle, et l'a envoyée à cette maison de disques à Memphis !! Le mec qui en est le proprio - Colonel Tom Artemis, si je me rappelle bien son nom - dit qu'il veut qu'on descende là-bas enregistrer un disque !"

 

Elle s'effondrèrent ensemble sur le canapé. "Ouah Effie, c'est trop cool ! J'suis tellement contente ! Je serai toujours votre fan numéro un."

 

Effie redevint sérieuse. "Ecoute ma puce, j'ai une faveur à te demander..."

 

"Tout ce que tu veux, fillette. Tu le sais."

 

"Je voudrais que toi et Zina vous vous installiez à La Ferme pendant notre absence."

 

Gabrielle en resta bouche bée.

 

"Ecoute, tu sais que cette maison appartient à ma famille depuis longtemps. Et, on ne sera plus là, au moins pour un certain temps. On veut vraiment réussir ce truc à Memphis... et je veux quelqu'un là-bas, pour surveiller l'endroit, pour s'en occuper. Et je ne peux penser à personne de mieux que vous, parce que vous êtes comme de la famille pour moi."

 

"Oh, Effie !"

 

Elle pleurèrent tellement toutes les deux qu'elles vidèrent une boîte complète de céréales Puffs pour se remettre.

 

*****

 

Elles se tenaient à l'extérieur de la caravane. Ou plutôt, Gabrielle restait immobile à l'extérieur pendant que Zina faisait les cent pas. "J'espère que ton idée va fonctionner", murmura le pompier.

 

Gabrielle sourit avec confiance. Elle avait le sentiment que tout marcherait comme sur des roulettes.

 

Une Camaro rouge surgit de l'autoroute, dans le camping. Alors qu'elle suivait les détours de la route, on aperçut les cheveux blonds décoiffés de la conductrice et la voiture semblait accélérer au fur et à mesure qu'elle se rapprochait. Gabrielle paniqua pendant un moment et crut que la conductrice allait les tuer. Mais Zina semblait imperturbable, donc elle pensa que tout allait bien.

 

La furieuse Camaro pila abruptement à moins d'un mètre de la stoïque Zina. C'était arrivé si vite que Gabrielle n'avait même pas eu le temps d'avoir peur. Mais le visage de Zina resta indéchiffrable au moment où la conductrice sortait gracieusement de la voiture.

 

Elle était grande, bien que plus petite que Zina, mince, portant un bustier jaune et la plus petite paire de shorts que Gabrielle ait jamais vue. "Salut, Zina" dit-elle sarcastiquement.

 

"Callie". Zina retourna le bonjour d'un ton ennuyé et hostile.

 

Callie porta son attention sur Gabrielle. "C'est quoi, La Petite Maison dans la Prairie ?"

 

"Callie..." grogna Zina.

 

"Pourquoi est-ce que tu voulais me voir Zina ? Ou bien est-ce moi que tu veux enflammer cette fois-ci ?"

 

"Je voudrais te donner quelque chose, Callie. Je sais que je ne pourrais jamais rembourser..."

 

"Je dirais, vous les pompiers, vous ne gagnez pas grand-chose... J'ai trouvé que c'était plutôt drôle, Zina, quand j'ai appris que tu en étais devenue un. J'ai pensé, la vache, ils sont désespérés à ce point."

 

"Je voudrais te donner ma maison, Callie". Zina secoua son pouce en direction de la caravane. "Comme paiement de ma dette. A toi d'en faire ce que tu veux. Tu peux vivre ici. Tes parents peuvent vivre ici. Bordel, tu peux même la brûler si tu veux." Zina lui tendit une enveloppe épaisse. "J'ai tout consigné là pour toi."

 

Callie la regarda, incrédule. Puis elle regarda la caravane, et tournant autour, en fit une lente inspection. Ensuite elle ouvrit la porte de la caravane, et jeta un oeil à l'intérieur, découvrant son vide immaculé. Finalement, après ce qui semblait être une éternité, elle se retourna, son sourire méprisant bien en place.

 

"Si tu crois," commença Callie d'une voix basse et menaçante "qu'en me donnant cette merde, ça remplacera tout ce que tu m'as fait, que ça remplacera ma MAISON ?" Elle cria les derniers mots, dont l'écho se répéta dans tout le camping.

 

Gabrielle grimaça. Eh bien, elle a une voix encore plus stridente que la mienne et celle d'Effie réunies.

 

Zina leva un sourcil noir admirablement dessiné. Elle tendit l'enveloppe à Callie. Le regard brun et dérangé rencontra deux yeux bleus et froids.

 

Callie cligna des yeux, puis haussa les épaules. "Okay. Qu'est-ce que ça peut faire". Elle arracha l'enveloppe de la main de Zina. Les mains sur les hanches, elle regarda sa nouvelle caravane. "Ah, les choses que je pourrais faire à cet endroit..." murmura-t-elle, en plein délire.

 

Bon Dieu, elle est encore plus folle que ce que me disait Zina, pensa Gabrielle.

 

"Eh bien, mais ce fut un plaisir, Callie, et on s'est bien amusées, mais c'est fini". Zina se dirigea vers sa Harley, suivie par Gabrielle.

 

Callie l'ignora et joua avec une mèche de ses cheveux ébouriffés. Elle imaginait l'extérieur de sa caravane repeint en orange fluo.

 

"Ca a plutôt bien marché," commenta Zina tout en enfourchant sa Harley et la démarrant du premier coup. "Merci, Gabrielle. Comment as-tu eu cette idée, d'ailleurs ?"

 

Gabrielle enfouit ses cheveux sous son casque et glissa ses bras autour de la taille de sa compagne. "Oh, ma chérie, n'embarrasse pas ta jolie petite tête de questions pareilles".

 

En riant, elles sortirent du camping.

 

 

 

 

LA FIN

 

(suite : 

DES DIFFERENTES FACONS DE PECHER)

 

 

***************

 

 

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