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Awarriorbyanyothername1B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Un guerrier quel que soit son nom

 

A Warrior by any other name

 

par Melissa Good

 

 

Traductrices : Katell et Fryda.

 

*************

AVERTISSEMENT : l'histoire qui suit contient un niveau léger de violence. Ne lisez pas plus loin si cela vous gêne.

***********

 

Partie 1B

 

 

****

 

Ce soir-là, leur grand patient les rejoignit pour dîner autour du feu. Il se remettait extrêmement vite, un don d'Arès, suspectait Xena. Si tu vas passer ta vie à te battre, autant guérir vite, hein ? Elle sourit à elle-même. Ça m'a bien aidée, de temps en temps. Elle termina son poisson et regarda Jessan, qui fixait le feu, perdu dans ses pensées. "Alors", dit-elle. Il leva la tête en entendant sa voix. "Tu rentres chez toi ?"

Jessan soupira. "Chez moi, c'est sur la côte nord-ouest." Il sourit sans enthousiasme. "Je ne crois pas pouvoir aller jusque-là. Il y a trop de villages, avec trop de gens effrayés entre ici et là-bas." Il regarda par terre. "Votre peuple est cruel et stupide, vous savez. Notre peuple n'a jamais attaqué le vôtre, mais nous vivons dans l'ombre, espérant que vous ne viendrez pas nous espionner, car lorsque vous nous trouverez, vous nous chasserez comme des animaux jusqu'au dernier."

 

"La peur est une motivation puissante", répondit Xena d'une voix froide. "Je peux comprendre que des gens veulent ta mort, Jessan. Tu dois bien reconnaître que tu as l'air plutôt féroce, et ils ne peuvent pas imaginer que tu ne les attaqueras pas si tu le peux." Elle jouait sans y penser avec des petits cailloux près de sa botte. "Si je ne t'avais jamais parlé, j'aurais eu les mêmes préjugés."

Jessan réfléchit à ces mots. "Et tu m'aurais attaqué immédiatement." Il regarda Gabrielle, qui était restée silencieuse, mais observait leurs visages tour à tour.

 

Xena lui offrit l'un de ses sourires lents et féroces. "Autrefois, sans doute. Maintenant, j'aurais probablement attendu que tu m'attaques avant de répondre." Elle jeta un œil au barde. "J'essaie de ne pas créer de problèmes." Gabrielle émit un grognement incrédule, puis se mit à glousser, ce qui lui valut un rire de la part de Jessan et Xena. "Enfin", admit la guerrière. "la plupart du temps, en tout cas." Elle se redressa et s'étira, regardant rapidement Gabrielle dans les yeux et levant un sourcil. Gabrielle acquiesça, elles avaient discuté de tout ça avant le dîner. "Jessan, nous serions ravies de t'accompagner jusqu'à la frontière nord-ouest, de te ramener auprès de ton peuple, si ça ne te dérange pas de voyager avec nous." Elle lui sourit. "Je crois pouvoir te garder en un seul morceau jusque-là."

 

Le pourrais-tu ? se demanda Jessan, amusé. Le pourrais-tu vraiment, Xena ? Je me le demande. Es-tu aussi bonne que ce que le prétend ta réputation ? J'en doute… personne ne l'est jamais. Oh, oui, je suis sûr que tu étais autrefois un général hors pair, mais tu n'as plus d'armée aujourd'hui. Peux-tu imposer ton talent sur le corps de tes ennemis ? Je me le demande. Il l'observa, alors qu'elles attendaient patiemment sa réponse. Toute en muscles, ça c'était certain. Il pouvait le voir dans la façon dont elle bougeait. Ses poignets étaient ceux d'une épéiste, aucun doute là-dessus non plus. Ce n'était pas une épée de décoration, et elle portait une armure fonctionnelle. Peut-être, peut-être pas. C'était un risque qu'il allait devoir prendre. De toute façon, c'était toujours mieux que de partir seul… et… il se força à l'admettre, malgré ce qu'elles étaient, son cœur refusait d'obéir à son esprit. Il aimait bien ces deux-là. "Je serais honoré d'accepter votre offre", dit-il doucement.

 

"Tant mieux", fit Gabrielle en souriant, puis elle lui tapota le bras. "On va très bien s'en sortir."

Jessan montra les dents en souriant. "J'aimerais bien me trouver une arme quand même. Je me sens..." Il chercha le bon mot. "Tout nu", finit Xena, platement. Elle leva vers lui un sourcil sardonique, mais un petit sourire effleurait ses lèvres. Elle croisa son regard avec une compréhension si… Arès… elle aurait pu être l'un des leurs.

"Ouais", fit-il avec un petit haussement d'épaule. "Exactement."

"Les guerriers", soupira Gabrielle dramatiquement. "Donnez-leur une épée et de la viande crue et ils sont contents." Elle roula des yeux à leur attention.

"De la viande crue ?" s'exclamèrent-ils à l'unisson, sans même se regarder. "Beurk."

 

 

Jessan était assez fort pour voyager un peu le jour suivant, mais Xena insista pour qu'ils gardent un rythme lent afin qu'il puisse guérir au plus vite. Ils passèrent deux petits villages, mais personne ne les vit, et ils eurent la chance de tomber sur un vieux champ de bataille un peu plus tard dans la journée. Jessan et Xena prirent leur temps pour creuser dans les débris jusqu'à ce que Xena trouve ce qu'elle cherchait.

 

"Ah. Voilà." Elle leva sa découverte, une relique couverte de saleté, dont la longueur égalait peut-être les trois quart de son corps. "Inattendu. En général, ils passent les champs de bataille au peigne fin pour récupérer tout le métal utilisable. Ça m'étonne vraiment qu'ils aient manqué ça." Elle regarda autour d'elle. "Oh. Elle devait être enterrée sous les corps." Un os humain tomba de la pile qu'elle fouillait ; elle y jeta à peine un coup d'œil. Combien de temps ai-je passé à fouiller parmi les cadavres ? Elle soupira. Beaucoup trop.

 

"Qu'est-ce que c'est que ça ?" demanda Gabrielle depuis le bord du champ où elle attendait à l'ombre, travaillant sur l'un de ses parchemins. Elle se leva et essuya rapidement sa jupe de la main, avant d'avancer jusqu'à Jessan et Xena qui examinaient gravement leur trouvaille. Jessan prit l'épée des mains de Xena et la frappa contre l'arbre qui se trouvait près de lui. Des morceaux de saleté et de rouille tombèrent, révélant la forme d'une grande épée à deux mains. Il frappa à nouveau, se débarrassant d'un peu plus de saleté et de rouille, jusqu'à ce qu'on puisse voir la garde prendre forme.

"Ah. Voilà qui est mieux", fit Jessan, et il se saisit fermement de la garde. Xena attrapa le fourreau pourri et ils se mirent à tirer chacun dans un sens. Le résultat ne manqua pas de les surprendre.

"Ouah", fit Gabrielle, ouvrant de grands yeux.

Xena leva un sourcil et siffla doucement.

"Ohhhhh" s'exclama Jessan, en tournant la lame, qui, contre toute attente, était propre et parfaitement intacte. Le métal froid scintilla, aiguisé et mortel, dans le soleil poussiéreux de cette fin de journée. Il sourit, ravi. "En plus, elle est juste à ma taille." Il soupesa l'arme, jubilant. "Me feras-tu l'honneur de t'entraîner avec moi plus tard, Xena ?" Il montra ses canines en un défi moqueur. "Ça me ferait une super histoire à raconter une fois rentré chez moi." Le fera-t-elle ? Je pourrais en profiter pour la tuer, elle le sait. Me fera-t-elle confiance ? Lui ferai-je confiance ?

 

Xena lui répondit par le même sourire féroce. "On verra." Mais l'étincelle de son regard lui révéla qu'elle accepterait probablement. Il enveloppa avec précaution l'épée dans un linge que Gabrielle lui avait passé, pensant qu'il fabriquerait un fourreau convenable dès qu'il en aurait l'occasion.

"Vous n'allez pas vous battre quand même ?" demanda Gabrielle à Xena à voix basse, alors qu'ils avaient repris leur route le long d'un chemin forestier surplombé par les arbres. Elle lança à son amie un regard inquiet. "Je veux dire… je sais que c'est toi… je veux dire, il est…"

Xena serra son épaule pour la réconforter. "Du calme, Gabrielle. S'il est aussi bon que je le crois, ça sera l'entraînement le plus sûr que j'ai jamais fait." Elle rit un peu devant le regard étonné de Gabrielle. "Vraiment, il n'y a pas de quoi s'inquiéter." Le barde resta silencieuse, et évita le regard de Xena.

La grande guerrière l'observa un instant, puis fit glisser sa main depuis l'épaule de Gabrielle jusqu'à son menton et tourna son visage vers elle pour qu'elle la regarde dans les yeux. "Gabrielle ?" dit-elle à voix basse. "Nous n'allons pas nous faire de mal. Ce n'est pas de ça qu'il s'agit."

Gabrielle observa sa compagne un long moment avant de répondre. "Je sais. Pardon. C'est juste que… je l'aime beaucoup, et toi… Xena, un accident peut toujours arriver." Elle soupira. "Je sais, c'est idiot, hein ?"

"Non", murmura Xena. "Pas du tout." De façon un peu inattendue, elle entoura Gabrielle d'un bras et la serra contre elle. "On fera très attention, je te le promets."

 

 

Jessan les observait avec intérêt depuis le coin de son œil valide. Il était trop éloigné pour entendre leur conversation et, pour être honnête, il se serait sans doute éloigné encore un peu s'il avait pu entendre ce qu'elles se disaient. Ils étaient comme ça, dans son peuple, ils respectaient l'intimité des autres et s'attendaient à ce qu'on respecte la leur. C'était pratique.

Mais que se passait-il ? Le barde aux cheveux roux avait l'air troublé. Pourquoi ? se demanda-t-il. Ce n'était pas à cause de lui, il en était sûr. N'importe qui pouvait jouer la comédie, mais la chaleur qu'il sentait de la part de la jeune Gabrielle était réelle et plus tangible qu'aucune autre, même parmi les siens. Elle n'avait pas peur de lui, et elle n'avait pas peur de Xena. Alors quoi ?

Ah.. ce qu'il apprenait ! Elle avait peur… il le sentit soudain. Ah… enfin. Très faible, très trouble, mais c'était bien là, un gris très pâle là où n'étaient que ténèbres avant. Il comprit que c'était parce que les émotions de Gabrielle étaient si fortes qu'elles transperçaient la barrière suffocante que ses blessures avaient dressée. Mais peur ? De quoi… ah… il pouvait Voir à présent. Elle a peur que nous nous battions. Que tu bête, petit barde. Elle a peur que Xena soit blessée et… il s'arrêta, abasourdi. Peur pour moi aussi. Mais Xena lui avait expliqué. Tout allait mieux.

Il ne pouvait pas lire les pensées. Ce qu'il ressentait était plutôt des flashes de fortes émotions, qu'il avait appris à interpréter à force de pratique. Les émotions de Gabrielle étaient aiguës et très fortes ; elles le surprirent par leur intensité. Xena… la guerrière, d'un autre côté, retenait les siennes, avec une volonté parfaite. Il ne sentait pratiquement rien venant d'elle, à part un peu ici… Mmm. Très intéressant, et certainement inattendu.

L'œil ouvert de Jessan contempla un instant, étonné, ce qu'il venait de Voir. Bon sang. Je ne suis qu'un sale voyeur. Il s'adressa une grimace dégoûtée et avança de quelques pas. Chez lui, on l'aurait réprimandé pour avoir écouté aux portes comme ça. Il pouvait dire que sa vie était en danger, mais... il savait que ce n'était pas vrai, et il n'avait aucune excuse. Maman aurait eu honte de lui.

 

"Jessan, viens ici", lui dit Xena ce soir-là après le dîner. "Je vais t'enlever le bandage de ton œil et regarder comment il va." Nerveux, Jessan s'avança jusqu'à elle et vint s'asseoir sur une bûche pour que sa tête soit à portée. Et si je ne vois plus rien ? La peur le gagnait. Et si elle m'avait aveuglé délibérément ? La pensée effleura son esprit et il lui jeta un coup d'œil, le regard bleu intense fixé sur sa blessure, les mains travaillant rapidement, mais avec douceur. Non. Si proche, il était certain. Il n'y avait rien de mauvais dans la personne assise près de lui.

 

Xena coupa avec précaution le bandage couvrant son autre œil et examina la blessure. "Ok, ouvre", ordonna-t-elle, protégeant sa vision de la luminosité du feu.

Le cœur battant, il ouvrit lentement la paupière de son œil blessé et cligna de l'œil, soupirant de soulagement lorsqu'il vit le monde devenir clair autour de lui. Il faillit la serrer dans ses bras de soulagement.

"Bien." Xena recula un peu, un sourire satisfait sur les lèvres. "Voilà qui est mieux."

 

Gabrielle sourit, appuyée sur son bâton, et s'avança un peu pour voir de plus près les deux yeux dorés qui reflétaient les derniers rayons du soleil et les premiers reflets du feu de camp. "Hé." Elle le poussa un peu avec le bout de son bâton. "Tu veux venir te baigner avec nous ?"

"Euh..." fit Jessan, paniqué. "Me baigner ?" Il posa son regard libéré sur le cours d'eau tout proche et la cascade dont Xena avait choisi la proximité pour camper. "On… euh… on ne nage pas beaucoup, chez nous." Il tenta de leur adresser un regard mauvais. "Pas pour moi, merci."

"Tu as peur", commenta simplement Gabrielle. "C'est dingue."

"Je n'ai pas peur !" aboya Jessan, piqué au vif. "C'est juste que je n'aime pas… nager. C'est tout !"

"Je parie que tu n'as jamais essayé", fit le barde. "Je parie que tu ne sais pas nager." Son regard vert eut une étincelle de malice. "Allez, Jessan. On va t'apprendre." Elle s'agenouilla devant lui. "C'est vraiment très pratique. Juré." Elle jeta un coup d'œil à Xena. "Peut-être même que Xena t'apprendra à attraper les poissons à mains nues."

Les sourcils de Jessan se joignirent, renfrognés. Pris la main dans le sac. Elle savait la vérité. Il ne savait pas nager. Pourraient-elles lui apprendre ? Il essaya de se protéger en imaginant que c'était une ruse pour le noyer, mais son cœur se moqua de lui à cette pensée. Etait-il possible que les filles du plus grand ennemi de son peuple commençaient à remplir le vide laissé par la mort de Devon ? Non. Impossible. Mais… il soupira. Bon sang. Il allait devoir apprendre à nager. Attends un peu… attraper un poisson à mains nues ???? Pas possible. Ça, il en était sûr. "Bon, ben, juste pour nager un peu, alors…" accepta-t-il à contrecœur.

 

Ils marchèrent jusqu'au bord de l'eau, lui, hésitant, elles, tenant doucement mais fermement son bras. L'eau était plus chaude que ce à quoi il s'attendait. Il grogna de surprise.

"Il y a une source chaude un peu en amont", expliqua Xena, interprétant correctement son grognement. "Pas très chaud, mais c'est toujours mieux que de l'eau glacée." Elle ne portait que sa combinaison de cuir pour la leçon, et avait fait quelques pas de plus que lui dans l'eau. On est dingues ou quoi ? pensa-t-elle, amusée.. Lui apprendre à nager. Gabrielle a perdu les pédales. Elle avait accepté de jouer le jeu pourtant, parce que, eh bien, parce que parfois l'instinct de Gabrielle sur ce genre de choses était beaucoup plus juste que le sien, voilà pourquoi. Bien sûr, elle n'était pas prête de l'admettre.

 

Elles le firent avancer dans l'eau jusqu'à la taille, puis il hésita lorsque la pente sous ses pieds devint plus abrupte. Il leur jeta un coup d'œil, et trouva des expressions patientes, aucun dégoût. Lentement, il continua, jusqu'à ce que l'eau lui arrive au cou, mais tout en ayant pied. C'était agréable, en fait. Xena et Gabrielle nageaient tranquillement, juste devant lui, attendant. Il les regarda, ça avait l'air assez facile. Xena fit une démonstration, ah oui - il pouvait voir la mécanique dans les mouvements. Il essaya… Ouah… ses bras le tirèrent avec beaucoup plus d'aisance que ce à quoi il s'attendait. Gabrielle applaudit et l'encouragea. "Bravo, Jessan ! Tu vois ? C'est facile."

Il se tourna sur le dos et battit un peu des bras dans l'eau. Oui, c'était facile. Et la sensation de l'eau, la présence du monde autour de lui, étaient enivrantes. Les brefs flashes de son don devenaient de plus en plus tangibles, et à présent que l'eau l'entourait, il lui parlait comme un doux murmure. Gabrielle était maintenant une présence solide et chaleureuse. Xena, comme une flamme, dansait, entrant et sortant de sa Vision. Contre son meilleur jugement, il sentit son cœur se réchauffer à leurs côtés, et il était incapable de l'arrêter. Arès ! Qu'allait-il faire ? Elles étaient ses ennemies… et les ennemies de son peuple. Ce n'était pas juste …

 

Xena plongea, disparaissant sous l'eau soudainement. Jessan regarda les plis laissés par son plongeon à la surface de l'eau, puis leva les yeux vers Gabrielle, pour voir s'il fallait s'inquiéter. Apparemment pas. La jeune fille rousse souriait malicieusement.

"Aaaahhh !!!! " cria-t-il, sautant à moitié de l'eau, car quelque chose venait de lui mordiller la jambe. Il se retourna alors que Xena remontait à la surface, un sourire diabolique sur les lèvres, et tenant une énorme truite dans les mains. "Notre dîner." Elle ricana, et lança le poisson sur le bord de la rivière.

 

Jessan bredouilla, indigné, puis il fit ce qu'il aurait fait avec sa sœur Eldwin, sans réfléchir. Il plongea sur elle, oubliant où il était, et se retrouva la tête sous l'eau. La panique l'envahit, mais avant qu'il ait pu inhaler l'eau, ou faire quelque chose de stupide, deux puissantes mains l'attrapèrent et lui tirèrent la tête hors de l'eau.

Il toussa, par réflexe, et jeta un coup d'œil de côté à Xena. Cela aurait dû lui faire peur, peut-être était-ce le fait qu'elle le tienne serré contre elle comme un chiot qui gâchait l'effet. Avec autant de contact physique, il pouvait presque sentir de la chaleur venant d'elle… non, attends.. oui. Oui, c'était bien ça. Il ne pouvait pas s'en empêcher ; il l'aimait bien, elle aussi. Il sourit et lui rendit ce sentiment de chaleur, même s'il savait qu'elle ne pouvait pas le sentir. Il eut pitié des humains pendant un instant. Ne vivre que la moitié d'une vie… c'est peut-être pour ça qu'ils tuent tout ce qui bouge… eh ben, c'était profond, ça… ils le faisaient peut-être parce qu'ils ne pouvaient pas ressentir la douleur qu'ils causaient. Mmm… je me demande…

"Tss, tss", gloussa Gabrielle en nageant à côté de lui. "N'essaie pas de l'attraper dans l'eau. C'est une cause perdue. Et j'en parle par expérience." Elle appuya un coude sur la poitrine de Jessan. "Qui a parlé de dîner ? Je meurs de faim."

 

Le jour suivant, ils tombèrent sur les ennuis auxquels Jessan s'attendait depuis le début. Juste après le déjeuner, une bande de fantassins plutôt bien armés leur tomba dessus. Xena avança, venant se placer entre Gabrielle et Jessan, et les soldats. Gabrielle bougea un peu son bâton entre ses mains et attendit. Elle jeta un coup d'œil à Jessan qui regardait la guerrière et les fantassins avec attention. Il regarda le barde, une question dans les yeux. "Voyons ce que Xena a en tête", murmura-t-elle. "Ils ne sont que huit." Elle sourit devant son regard étonné.

"Tu ne crois pas qu'on devrait l'aider ?" demanda-t-il, tendant la main pour saisir son épée.

Elle l'arrêta d'un geste. "C'est bon, je crois… en général, si j'interromps et qu'ils sont moins d'une douzaine, ça l'énerve." Il ne la crut pas. Gabrielle soupira. Personne ne la croyait jamais. Ce n'est pas qu'elle lui en voulait, après tout, il lui avait fallut pas mal de temps pour réaliser que Xena adorait se battre. Vraiment. Tout comme elle adorait raconter des histoires. Ça avait été plutôt dur à accepter, et l'avait presque poussée à abandonner la route avant qu'elle comprenne enfin. Bien qu'elle n'ait jamais réussi à comprendre Xena complètement.

 

"Qu'est-ce que c'est que ça ?" demanda le chef des soldats, dévisageant Jessan. Ses hommes formaient un cercle prudent derrière lui, observant Jessan, mais aussi Xena.

"C'est un ami", commenta Xena brièvement. "On ne veut pas d'ennuis." Ses mots étaient diplomatiques, mais Gabrielle, par expérience, pouvait voir le mouvement de l'armure sur ses épaules, signe qu'elle était à cran et attendait l'attaque.

"Un ami ?" ricana l'homme. "Tu devrais apprendre à choisir tes amis un peu mieux, ma jolie." Il se déplaça brusquement vers elle. "Dégage. On va t'en débarrasser, et le ramener en ville." Il fit signe à ses hommes d'avancer.

"Je choisis mes amis avec beaucoup de soin, merci beaucoup", répondit Xena, ne bougeant pas d'un pouce, et saisissant la poignée de son épée en avertissement. "J'ai dit que je ne voulais pas d'ennui. Je n'ai pas dit que je ne pouvais pas en causer."

"Avertissement correct" observa Gabrielle, ignorant le regard de Jessan. "Elle s'améliore sur ce point."

 

Il avança droit sur Xena. Jessan sentit son souffle s'accélérer, et vit Gabrielle bouger ses mains sur son bâton. L'homme se tenait maintenant juste devant Xena et allongea le bras pour la pousser hors de son chemin. "Ne me mets en colère, femme. Laisse-moi faire mon travail", dit-il, exaspéré. Cette femme qui jouait au petit soldat commençait à l'énerver.

"Quel imbécile", souffla Gabrielle. "Il est cuit." Jessan était sur le point de bouger, lorsqu'il y eut soudain un claquement bref puis un coup puissant. Il vit Xena d'abord frapper l'homme dans les parties, puis, d'un coup de pied, l'envoyer rejoindre ses petits copains.

Poussant un cri, le reste des soldats se rua sur Xena qui les attendait et bougea soudain avec une telle rapidité qu'elle était difficile à suivre des yeux. Jessan ne fut jamais sûr de ce qu'elle fit à quel soldat, après qu'elle eut poussé un cri de guerre sauvage, et libéré l'épée du fourreau qu'elle portait sur le dos.

 

A un moment, elle se catapulta dans les airs, se lançant dans un saut périlleux très haut au-dessus de la tête des soldats abasourdis. Elle atterrit derrière eux et en assomma un du plat de son épée, puis en attrapa deux autres et leur fracassa la tête en les frappant l'un contre l'autre. Jessan en resta bouche bée. Lorsque la poussière retomba, il restait un tas de soldats inconscients et une Xena grommelante qui revenait vers eux comme si elle revenait de promenade. Arès ! Ils ne l'avaient même pas touchée !

 

"Pathétique", soupira-t-elle. "Allons-y." Elle attrapa les rênes d'Argo et la fit avancer, puis remarqua l'expression perdue de Jessan. "Quoi ? Tu es blessé ?" Elle jeta un œil à Gabrielle qui lui adressa un petit sourire narquois. "Quoi ??"

Le barde prit son air le plus suffisant. "Oh, non. Il vient seulement de voir la Princesse Guerrière en action." Elle étouffa un gloussement devant le regard de Xena, et lui donna un petit coup dans les côtes. "Et tu étais fantastique, comme toujours."

"Gabrielle..." grogna Xena en avertissement, ce qui lui valut un nouveau gloussement de la part du barde et un autre petit coup dans les côtes.

"Allez, Xena… tu sais bien que tu adores ça." Le barde s'échauffait, connaissant son sujet. "Tournoyant parmi eux avec une telle facilité…" Elle s'interrompit finalement lorsqu'elle vit l'expression figée sur le visage de Xena.

 

Jessan recouvra enfin ses esprits et commença à avancer, suivant Argo. Et je me demandais si elle arriverait à égaler sa réputation. Il aurait pu se coller une gifle. Tu parles. "Au fait, merci encore", dit-il doucement.

"Oh", fit Xena, "après tout, j'ai une réputation sanglante à défendre." Elle parvint à garder son sérieux en voyant les deux autres la regarder, sidérés. "Vous savez, une traînée de sang est la seule façon d'y arriver." Elle leva un sourcil à leur intention, une expression des plus sérieuses sur son visage, jusque dans son regard. Elle les toisa d'un œil glacial et ils n'osèrent plus faire un geste. Ils finirent par échanger un coup d'œil, Gabrielle avalant sa salive avec difficulté, une seule fois. Xena les laissa mariner encore quelques instants, puis les dépassa et reprit sa marche, conduisant Argo en silence. Je ne devrais pas prendre ces taquineries aussi mal. Elle soupira. Et je n'aurais pas dû faire ça à Gabrielle.

Jessan émit un soupir de soulagement. "Eh ben…" Il posa un bras sur Argo. "Je te dis, Argo, j'espère qu'elle ne se mettra jamais en rogne contre moi", murmura-t-il à la jument qui secoua les oreilles comme pour montrer son accord. Il baissa la tête et continua à marcher.

 

Gabrielle resta silencieuse pendant un long moment après cela, marchant aux côtés de Xena, qui ne parlait pas beaucoup non plus. Evidemment, ce n'est pas que Xena parle beaucoup en règle générale, pensa Gabrielle, des nœuds dans l'estomac depuis que Xena lui avait lancé ce regard. Elle jura en silence. C'était vraiment stupide, Gabrielle. Quand vas-tu comprendre qu'elle ne supporte pas qu'on la taquine comme ça ? Elle leva les yeux vers sa compagne silencieuse. "Je suppose que je le mérite", dit-elle enfin, alors que Xena posait sur elle un regard affectueux et amusé, un regard que Gabrielle manqua totalement.

"Qu'est-ce que tu veux dire ?" demanda Xena, sachant parfaitement de quoi parlait le barde.

"Tu sais comment je suis… toujours à essayer de tout prendre à la rigolade. Parfois, j'oublie… je veux dire, je crois que j'ai le droit de… et ce n'est pas vrai, et tu te mets en colère et je continue et…" Ce n'était pas bon. Elle s'en voulait vraiment de ne pas être capable d'articuler les pensées les plus simples lorsqu'elle était stressée ou auprès de Xena. Tu parles d'un barde.

"Gabrielle." La voix était grave et chaude. Xena serra doucement son épaule. Elles s'arrêtèrent et se regardèrent pendant un moment. "Tu as le droit." Tu comprends ce que j'essaie de te dire, pas vrai, mon barde ? La plupart de nos échanges ne sont font pas par des mots. Je ne suis pas très bonne avec les mots.

"J'ai le droit ?" demanda le barde, sérieusement.

"Tu as le droit", affirma Xena. "De plus, tu connais beaucoup de gens que je laisserais me filer des coups dans les côtes sans leur broyer la main ?" Elle attendit que son amie lui réponde par un sourire, puis se remit en route pour rattraper Jessan et Argo, tirant le barde derrière elle. "Allez." Eh ben. On dirait que je ne me suis pas plantée sur ce coup. Pour une fois.

 

 

Ce soir-là, Jessan étudiait la campagne environnante… "Plus très loin, maintenant ; encore deux jours, et je pense qu'on y sera presque." Il termina son pain et sa viande avec beaucoup de plaisir, puis s'inclina un peu vers Gabrielle. "Ta cuisine va me manquer. Ne lui dis rien, mais elle est meilleure que celle de ma mère." Il regarda le barde rougir et sourire. Il leva les yeux vers Xena qui était appuyée contre un arbre et souriait aussi.

"Ça fait des mois que je le lui dis. Je crois qu'elle pense que je dis ça simplement parce que je n'ai pas le choix", commenta la guerrière, regardant sa compagne rougir encore plus, cette fois jusqu'à la racine de ses cheveux clairs. "Je suis contente d'avoir une seconde opinion. Peut-être qu'elle me croira maintenant." Puis elle posa son regard sur Jessan. "Alors, tu es prêt pour ce petit match que tu m'as demandé ?"

Le grand guerrier poilu sourit de toutes ses dents. "Oh, oui", fit-il en s'étirant. "Il faut bien que je fasse descendre cet excellent dîner, et je ne vois pas de meilleure façon." Il courut jusqu'à son sac et sortit son épée, sautillant presque d'excitation. Son épaisse fourrure scintillait au soleil et ondulait sur son corps musclé comme de l'eau. Il était l'essence même de la nature brute et il se délectait dans la sensation de chaleur du soleil couchant sur son dos, et de la terre ferme sous ses jambes puissantes. Il leva sa lame vers le soleil et tourna son visage vers le ciel, plongeant dans la chaleur. Elle va le faire ! Me fait-elle confiance ? Puis-je lui faire confiance ? Oh, mon père, je pourrais venger tant de morts aujourd'hui, elle est tout ce que tu hais dans leur race. Mon nom deviendrait immortel dans notre village… mais, papa, oh papa… je regarde dans mon cœur et je ne peux pas… je ne peux pas… elle m'a déjà vaincu. Il sourit tristement. Elle avait raison. L'amour est le plus grand des dangers.

 

Xena, qui l'observait, se mit à rire, puis se rendit dans une petite clairière toute proche et attendit. Ils s'étaient arrêtés plus tôt que d'habitude, pour que le soleil de cette fin d'après-midi leur offre un bon éclairage. Jessan tira son épée et, en s'avançant vers la clairière pour lui faire face, il la salua du plat de la lame. Elle inclina la tête pour toute réponse et attendit qu'il passe à l'attaque, gardant sa propre épée au fourreau. J'espère que je ne me trompe pas, se demandait-elle alors qu'elle le voyait s'approcher. J'ai promis à Gabrielle… mais j'espère vraiment être aussi bonne que je le crois, sinon ça pourrait devenir méchant. Elle considéra la possibilité qu'il utilise cette opportunité pour débarrasser son peuple d'un ennemi dangereux, puis elle haussa les épaules. Comme elle l'avait déjà dit, la vie était dangereuse et, si elle était en forme, ça ne ferait aucune différence de toute façon. Son cœur commença à battre plus fort.

 

Ah… ne sois pas trop confiante, Xena… se dit Jessan, sentant la joie de la bataille monter en lui. Je sais que tu es bonne, mais je le suis aussi… Il balança un peu ses bras, pour se détendre, puis s'avança. Ses yeux d'or se fixèrent sur le regard bleu, cherchant les petits mouvements qui lui indiqueraient quels étaient ses projets. Allait-elle se trahir ? Non, les yeux étaient fixés sur lui, la tête immobile. Pas de chance. Il tenta une feinte en avant, balançant son épée en travers de son corps, projetant de lui donner une petite tape avec le plat de sa lame pour lui apprendre à respecter ses talents de guerrier. S'attendant au picotement du contact, il fut étonné de ne rien ressentir ; au lieu de cela, elle avança dans sa garde avec une grâce agile, presque fluide, lui donna une petite claque sur la joue, puis retourna hors de portée avant même de lui laisser le temps de réagir. Il cligna des yeux. Arès, cette femme avait été touchée par Hermès en personne, pour être si rapide. Il inspira longuement et se ressaisit.

Un sourire espiègle, puis elle sortit son épée et l'attendit à nouveau.

Fascinée, Gabrielle s'assit sur une souche d'arbre juste au bord de la clairière, et les regarda.

 

Une épée puissante passa, c'était Jessan, que Xena évita sans encombre, puis les deux lames s'entrechoquèrent après avoir dessiné un cercle, envoyant un grincement féroce dans la clairière. Encore une passe, une autre parade, encore plus vite, jusqu'à ce que le métal devienne flou devant leurs yeux, et que les gestes soient trop rapides pour être clairement distingués. Jessan se rendit compte que son cœur battait très fort, et se prit à espérer que ses talents de combattant suffiraient. Elle était meilleure que ce qu'il avait cru, et si l'un d'entre eux faisait une faute, cela allait faire mal. Pourrait même être mortel, car ni l'un ni l'autre ne laissait passer un coup. Mais l'adrénaline le poussait, le feu de son sang le gardait dans le match, et il sentit un large sourire se dessiner sur son visage. Ses bras se balançaient suivant les arcs disciplinés et précis d'un maître d'armes, cherchant des trous dans sa défense, une faiblesse dans sa technique. Il s'entraînait pour ce moment depuis qu'il était assez grand pour soulever une épée, lorsque son père l'avait emmené au fond de la maison, et lui avait mis la garde dans ses mains d'enfant, et qu'il avait balancé l'épée… pendant des heures et des heures de combat depuis. Il était parmi les meilleurs de son peuple et, maintenant, dans cette clairière, sous le soleil couchant de cette longue journée, il avait rencontré son égal… même son maître.

 

Xena laissa agir et réagir son corps sans y penser, car cela aurait été bien trop lent pour cette séance. Le grand guerrier était aussi bon que ce à quoi elle s'attendait, et ce match d'entraînement mettait ses talents à l'épreuve, ce qui n'arrivait pas très souvent. Elle pouvait se donner à fond avec lui, et ne pas craindre de le blesser, ni d'être blessée… et un sourire féroce qui ressemblait à celui de Jessan se forma sur son visage. Oh, que c'était amusant. Amusant comme elle ne pouvait l'expliquer à quiconque qui ne vivait pas par l'épée, et même à beaucoup qui le faisait. Ils tournoyèrent dans la clairière, avançant, reculant, puis avançant encore. Il était très bon, probablement le meilleur qu'elle eut jamais affronté, et elle en avait affronté pas mal au cours de ces longues années depuis la prise de son village. Sa force était dans sa vitesse, celle de Jessan dans sa puissance. Mais lentement, elle commença à voir les faiblesses de sa technique et les attaqua.

 

Je comprends ce qu'elle voulait dire, pensa Gabrielle. Tout était clair à présent. Ils sont tous les deux très bons, et ils peuvent se battre sans se blesser. Elle les regardait, voyant pour la première fois la beauté de l'acte, par delà la crainte pure qu'elle ressentait souvent lorsque Xena croisait l'épée avec tous les gens qu'elles devaient affronter. Elle avait toujours été impressionnée par les talents de combattante de Xena, qui semblaient être très au-dessus de la moyenne, à en croire la facilité avec laquelle elle pouvait vaincre ses adversaires ; mais ça, c'était autre chose.

Jessan la surplombait, mais maintenant, même Gabrielle pouvait voir que Xena faisait reculer son adversaire, son épée forçant la sienne derrière son corps à chaque balancement, par la force brute de ses coups. Enfin, dans un grand final, elle bloqua l'arme de Jessan avec le bord de sa garde et, d'un mouvement incroyablement puissant, le désarma et envoya son épée voler dans les airs. Avant qu'elle ne puisse atterrir sur le sol, elle sauta en avant et attrapa l'arme par sa poignée, puis s'élança par-dessus la tête de Jessan, et lui donna une petite tape sur le derrière avec sa propre épée. Puis elle s'inclina vers lui, et lui rendit l'épée, la garde en avant, alors qu'il se tournait pour lui faire face.

 

Jessan prit l'arme, la fixant, imprimant chaque détail de ce moment dans son esprit. Le son de sa respiration laborieuse, et celle de Xena, beaucoup moins. Le flux de sang assombrissant leur peau à tous les deux, l'étincelle superbe et sauvage dans les yeux de la guerrière, l'admiration qui, il le savait, brillait dans les siens. Le sourire de Xena. Le sien. C'était glorieux.

 

Elle soupira longuement, puis rengaina son épée. "Eh bien, j'avais besoin de ça." Elle lui sourit. "Ça fait bien longtemps que je n'ai eu un adversaire de ton calibre." Elle s'approcha de lui, et leurs yeux se croisèrent un long moment. "Merci… il faudra qu'on remette ça." Elle tendit la main vers lui et lui tapota le bras, et il se perdit dans son regard. Il ne pourrait plus jamais la voir comme une ennemie.

"Xena", souffla-t-il enfin. "Tu es une sœur dans mon cœur." Il inspira encore et rengaina son épée avec précaution. "Et si on allait écouter la dernière histoire de ton barde ?" Ils retournèrent près du feu ensemble, et Jessan courut à la rivière boire un peu d'eau. Xena continua et alla rejoindre Gabrielle là où elle était assise.

 

"Hé !" grogna-t-elle, s'agenouillant près du barde. "Pourquoi ce regard ? Je t'avais fait une promesse, non ? Pas une égratignure."

Gabrielle secoua un peu sa tête blonde et s'éclaircit la gorge. "Tu as tenu ta promesse… Xena, c'était vraiment incroyable."

La guerrière haussa les épaules avec indifférence. "Ce n'est pas la première fois que tu me vois me battre."

"Ouais", fit Gabrielle. "Mais pas comme ça. C'était…"

"De l'étalage ?" coupa doucement Xena. Ironiquement.

"Non, magnifique." Gabrielle termina sa phrase, ignorant l'interruption. "Et je n'aurais jamais cru pouvoir penser ça à propos de quelque chose d'aussi violent." Sauf qu'elle garda cette remarque pour elle et sourit. Elle avait réussi à faire taire Xena, qui ne savait vraiment pas comment répondre à une telle confession. Gabrielle faillit glousser, mais elle savait que Xena se mettrait en colère. Et ce n'était pas ce qu'elle voulait. A présent, il lui fallait faire une remarque légère, pour détendre l'atmosphère. "Alors à quelle histoire pensais-tu ?" Elle leva un sourcil interrogateur à l'attention de son amie, qui était assise là, ayant l'air de s'être fait attraper, mais sans être très sûre du pourquoi. Elle se réjouissait en secret d'avoir déstabiliser Xena ; ça n'arrivait pas si souvent.

"Uhm.." fit Xena, cherchant un titre. Elle essayait toujours de comprendre sur quoi portait cette conversation. "Je ne sais pas, demande à Jessan. Il a dit que tu en avais une nouvelle." Voilà. Ça devrait lui permettre de respirer deux minutes. Elle était consciente du pétillement malicieux dans les yeux de Gabrielle, ce qui voulait dire que le barde savait qu'elle l'avait touchée, mais qu'elle n'allait pas pour autant en profiter.

"Ah oui". Gabrielle se permit d'être distraite. "C'est celle où tu…"

Xena leva la main. "Non, non. S'il te plaît, Gabrielle, pas une avec moi ce soir, ok ?" Elle sourit. "Tu en as une nouvelle avec Hercule, celle que Iolaus t'a racontée. Je le sais, je t'ai entendu la répéter la semaine dernière."

 

Mais toujours le pétillement malicieux. "Je suppose que je pourrais me laisser persuader de ne pas en raconter une avec toi, mais qu'est-ce que j'y gagne ?" Gabrielle ne pouvait pas résister. Elle savait bien où se trouvait les points faibles de cette armure si solide.

"Gabrielle..." roula l'avertissement de Xena, mais avec un sourire. "Ok, je ne viendrai pas te sortir du lit quand tu dormiras ce soir pour aller te jeter dans la rivière. Qu'en dis-tu ?"

Encore un petit coup. "Mmm… ça pourrait être agréable." Et Gabrielle détala et alla rejoindre l'autre côté du campement avant que Xena ne puisse répondre. Ce n'est pas, se dit-elle, que j'aurais su quoi répondre à ÇA. Qu'est-ce qui lui a pris ? Elle secoua la tête, puis se leva et épousseta sa combinaison de cuir. Elle a peut-être mis des champignons bizarres dans ce ragoût qu'ils avaient mangé au dîner. Peu importe. Parfois, elle croyait avoir compris Gabrielle, mais cette notion ne durait jamais très longtemps. D'une simple villageoise, à un barde talentueux, à une princesse amazone. Gabrielle ne cessait jamais de la stupéfier. Bientôt, Xena le savait, Gabrielle devrait déclarer son indépendance et partir seule voir le monde. Elle n'était pas destinée à suivre un ancien seigneur de guerre à moitié dingue et qui ne savait pas se tenir à table. Et elle pourrait peut-être même se convaincre que c'était pour le mieux, pour toutes les deux, si elle se concentrait assez fort. Ça serait mieux pour Gabrielle, même si elle était trop aveugle pour le voir. Elle soupira et alla rejoindre Jessan près du feu.

 

"J'ai une idée", fit Gabrielle, en s'asseyant. "Je pense que c'est au tour de Jessan de nous raconter une histoire ce soir." Elle sourit au grand guerrier étonné.

Xena leva un sourcil intrigué. "Mmm… tu sais, tu as raison, Gab." Elle s'installa sur la grande fourrure sur laquelle elle dormait et s'appuya sur une bûche basse, tout en regardant le visage de Jessan se contracter nerveusement. "On ne sait pratiquement rien de ton peuple. Tu dois bien avoir des histoires à raconter."

 

La lumière ombrageuse du feu projetait des réflets étranges sur son profil bizarre, alors qu'il réfléchissait, assis là. "Eh bien", dit-il finalement. "Je vais essayer, mais je ne suis pas un barde", fit-il en montrant de la tête Gabrielle qui lui répondit par un charmant sourire. Elle se glissa là où Xena était assise, et s'installa contre la même bûche pour qu'elles soient côte à côte, en face de lui. Comme elles étaient différentes, pensa-t-il, amusé, réfléchissant à ce qu'il allait dire. Comme les ténèbres et la lumière. Il ferma les yeux et sauta le pas et, comme si un dieu l'avait touché, son don lui fut soudainement rendu. Presque effrayé, il étendit doucement son esprit et Regarda. Ah… il fut soulagé. Il avait eu raison, après tout. Gabrielle était une chaleur familière et dorée, mais la femme assise près d'elle, dévoilée par ses sens, était un cœur d'argent luisant. Il pouvait voir le lien qui les unissait, et il se demanda si elles savaient… non, probablement pas. Leur peuple y était insensible. Dommage. Mais, après tout, peut-être…hé…

 

"Je vais vous raconter l'histoire de Lestan et Wennid", dit-il finalement, avec un petit sourire privé. "Et du Lien qui unit deux êtres de notre peuple, lorsqu'ils ont beaucoup de chance." Il se lança dans son récit, qui parlait de deux des Siens, venant de deux tribus différentes, et qui s'étaient rencontrés, tard, un soir, dans une clairière illuminée par la lune, au plus profond des bois.

Alors qu'il leur racontait leur rencontre, qui commença par un combat, et s'acheva dans une appréciation admirative, il observait leurs visages. Pouvaient-elles voir ce qu'il essayait de leur montrer ? Probablement pas. Il soupira. "Les deux tribus étaient ennemies. Ils venaient de deux mondes différents. La tribu de Lestan était guerrière et voulait attaquer votre peuple lorsqu'il entrait dans la forêt. Et la tribu de Wennid était douce, de celles qui s'effaçaient dans l'ombre lorsque les humains approchaient." Il leur parla de deux mondes par nature opposés qui étaient sur le point d'être liés par une force trop puissante pour être combattue. Lestan et Wennid, contre toute attente, furent liés ; leurs âmes étaient liées par une connexion qui ignorait leur histoire, leur esprit conscient, et leur jugement.

 

"Alors, ils sont tombés amoureux ?" demanda Gabrielle, prise dans l'histoire.

"Le Lien est beaucoup plus que de l'amour, Gabrielle", répondit doucement Jessan. "C'est une connexion entre deux âmes, qui dépasse notre connaissance, notre compréhension, certains disent même la mort." Ceci lui valut une réaction de leur part à toutes les deux, une réaction à laquelle il n'était pas préparé. Elle fut rapidement dissimulée, mais il l'avait vue, dans leurs deux regards. Qu'est-ce que j'ai dit ? pensa-t-il, étonné. Je crois que je manque quelque chose ici. Il s'éclaircit la gorge et poursuivit son récit. "Cela n'arrive pas souvent." Il leur raconta la longue lutte de Lestan et Wennid, pour réconcilier leurs tribus, en vain. "Et puis, une nuit, une bande d'humains découvrit le village de Wennid, au cœur de la forêt, là où nous pensions que vous ne viendriez jamais." Ses mains tremblaient, il ne pouvait pas s'en empêcher. "Ils les pourchassèrent dans les bois, à coup de lances."

 

La mâchoire de Xena se serra de colère, et elle sentit Gabrielle, tout près d'elle, bouger sous l'émotion. Elles échangèrent un coup d'œil. "Lestan était parti chasser, et ils entendit les cavaliers." Là, comme toujours, son sang bouillait de fierté. "Il tourna son Garan vers le village de Wennid et chevaucha comme un dieu à travers les bois." Il avait leur attention tout entière, il le savait. "Wennid, contre un arbre tombé, protégeait sa mère et trois jeunes." Sa voix devint plus intense. "Deux cavaliers la firent tomber, avec de longues lances. Elle vit la mort s'approcher, mais elle étendit les bras pour protéger les autres, et prendre le coup." A présent, il sentait ses cheveux se dresser sur sa nuque, tant sa vision était claire. "Ils se ruèrent sur elle et, alors que les lances s'apprêtaient à transpercer son corps, Lestan et Garan bondirent devant l'arbre tombé et les percuta, les faisant reculer." Il vit le soulagement étonné dans leurs yeux. "Puis, il tira son épée et, comme possédé par l'esprit d'Arès lui-même, les fit tous reculer. Mais il y en avait tant." Là, sa gorge se serra. "Il se battit jusqu'à ce qu'ils fussent tous morts, ou en fuite dans la forêt, jusqu'à ce que son corps soit rouge de sang, et que le sol en soit détrempé."

 

"Est-il mort ?" demanda Gabrielle très doucement, sa voix remplie d'angoisse, ne regardant pas la femme aux cheveux noirs assise si près d'elle.

Jessan la regarda. "Non, il n'est pas mort." Il sourit un peu. "Mais le prix fut grand, car il perdit l'usage de l'un de ses bras." Il respira profondément. "Et après ça, les deux tribus décidèrent de s'unifier, car elles virent que les deux façons de vivre avaient du bon. Lestan et Wennid furent choisis pour être les leaders du nouveau village."

"Furent-ils heureux ?" demanda Xena, rompant le silence pour la première fois depuis qu'il avait commencé l'histoire.

"Oui", répondit Jessan ; une question plutôt étrange, pensa-t-il.

"Tu en as l'air bien sûr", commenta la guerrière, levant un sourcil.

Un sourire diabolique se dessina sur son visage. "Ce sont mes parents." Il gloussa en voyant leurs visages. "Alors oui, j'en suis sûr." Ah ! Je les ai bien eues ! ricana-t-il pour lui-même, content de son histoire, et de leur réaction. Peut-être avaient-elles même vu ce qu'il essayait de leur montrer… non, je suis sûr que non. Les humains étaient si aveugles. Il se leva et s'étira en baillant. "J'ai besoin d'un peu d'eau", dit-il, et il partit vers la rivière.

 

"Eh ben", soupira Gabrielle, "je lui ai demandé une histoire, après tout." Elle adressa à Xena un sourire malicieux.

La guerrière croisa les bras et étudia le visage de Gabrielle. "Ça, oui", dit-elle pensivement. "Tu devrais faire attention à ce que tu souhaites, Gabrielle. Les dieux parfois exaucent tes vœux." Sa bouche esquissa un sourire.

Le barde la regarda. "Si tu pouvais demander une chose, Xena, et que ton vœu soit exaucé, comme ça, qu'est-ce que ça serait ?" Ce n'est pas juste, Gabrielle… réprimanda son esprit. Pas juste… tu n'aurais pas dû poser cette question. Tu ne veux peut-être pas entendre la réponse… sans doute éviter certains petits villages…

Xena ricana, et appuya la tête contre la bûche. Que changerait-elle ? Son village, Cirra, César, Marcus, Callisto… M'lila ; changer l'une de ces choses et elle ne serait plus qui elle était… elle n'aimait pas qui elle était, la plupart du temps, mais aurait-elle préféré un chemin différent ? Les dieux lui avaient montré un autre endroit, et elle l'avait rejeté. Finalement, elle soupira et roula à nouveau la tête vers Gabrielle. "Rien."

 

Le barde eut l'air surpris. "Rien ?" Elle leva les sourcils. "Comment ça, rien ?" Son instinct lui disait de se taire, de laisser tomber, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. "Tu veux dire que tu ne changerais rien ?" Elle se tourna et fixa Xena attentivement. "Rien ?" "Non", fit Xena, sachant parfaitement que Gabrielle allait se mettre en colère. Il était temps de la calmer. "Si je changeais quoi que ce soit, ça voudrait dire que je me serais retrouvée à un autre endroit qu'une petite clairière, aux abords de Potadiea, il y a deux ans." Elle profita en silence du regard stupéfait sur le visage de Gabrielle. "Et je n'aurais pas voulu manquer ça." Ah… tu ne t'attendais pas à ça, mon barde, hein ? "Et toi ? Qu'est-ce que tu changerais ?" demanda-t-elle, davantage pour distraire le barde qu'autre chose. Elle était sûre que Gabrielle voudrait changer beaucoup de choses. Perdicus, pour commencer.

 

Gabrielle se mordilla la lèvre en silence, prise à son propre piège. Changerait-elle les choses ? Oh, bien sûr, il y avait les petites choses, chez Xena et elle-même, dont elle avait souvent assez. Elle aurait voulu que Xena parle plus, bien qu'elle ait été très bavarde pendant ce petit voyage. Mais changer les choses ? Elle soupira. "Je…" elle tendit la main et saisit fermement le bras de sa compagne. "Je… ferais disparaître ta douleur, Xena." Ce n'était pas exactement ce qu'elle voulait dire, mais c'était assez proche. Et cela lui valut une longue étreinte, assez longue pour qu'elle s'y endorme, une paix totale.

Jessan, blotti dans ses couvertures de l'autre côté du feu, sourit, avant que le sommeil ne le gagne.

 

Deux jours plus tard, ils regardèrent par delà une large rivière, en direction d'une zone très densément boisée qui s'étendait jusqu'à l'horizon. Xena et Gabrielle regardèrent Jessan, une question sur les lèvres, et Jessan sourit. "Je ne pensais pas traverser à nouveau cette rivière."

 

Il se tourna vers elles. "Il n'y a pas de mots assez forts pour vous remercier." Il prit Gabrielle dans ses bras, la soulevant et la serrant très fort. Elle gloussa… une vibration dans ses bras, et le serra aussi, aussi fort qu'elle le put. Il la reposa doucement, puis se tourna vers Xena, qui lui lança un regard froid, avant de laisser un grand sourire envahir son visage. Il la serra dans ses bras encore plus fort que Gabrielle, parce qu'il savait qu'il ne lui ferait pas de mal. "Je vais faire cela, parce que je le peux", lui murmura-t-il, puis il la souleva et la fit tournoyer dans ses bras. Il sentit son rire grave contre son oreille. Il la reposa enfin et ils se sourirent. "Un jour, après que je les aurai habitués à l'idée, vous viendrez et vous rencontrerez mon peuple", dit-il, sérieusement. "Mais vous deux serez toujours comme de la famille pour moi."

 

"Et toi pour nous, Jessan", répondit Xena, lui serrant la main. Gabrielle se contenta d'acquiescer. Elles le regardèrent se retourner et se diriger vers la rivière. Alors qu'il traversait, Xena devina des formes sombres émergeant des arbres pour venir à sa rencontre. Il atteignit les premières d'entre eux, et il se tourna pour leur dire au revoir de la main. Elles lui répondirent de la même façon.

"Il va me manquer", commenta Gabrielle en s'appuyant sur son bâton.

"Mmm…" acquiesça Xena, conduisant Argo loin des arbres. "Mais quelque chose me dit qu'on le reverra."

 

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