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Awarriorbyanyothername3B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Un guerrier quel que soit son nom

 

A Warrior by any other name

 

par Melissa Good

 

 

Traductrices : Katell et Fryda.

 

*************

AVERTISSEMENT : l'histoire qui suit contient un niveau léger de violence. Ne lisez pas plus loin si cela vous gêne.

***********

 

Partie 3B

 

****

 

Il faisait encore nuit dehors lorsque Gabrielle fut réveillée par une gentille tape sur le dos. Elle cligna des yeux, encore à moitié endormie, puis leva les yeux, vers le regard pâle de Xena qu'elle voyait à peine dans la faible lumière de la bougie. "Oh… désolée", bredouilla-t-elle, réalisant qu'elle s'était endormie sur l'épaule de sa compagne. "Tu n'aurais pas dû me laisser faire ça, Xena. Ce n'était sûrement pas confortable pour toi." Elle regarda vers la fenêtre. "Combien de temps…"

Xena eut un petit rire. "Le jour va bientôt se lever." Elle adressa à l'expression étonnée du barde un regard amusé, puis haussa les épaules. "J'ai très bien dormi. Ne t'inquiète pas pour moi." Elle bâilla un peu. "Je vais me laver avant d'enfiler toutes ces armures."

Gabrielle la regarda se lever et aller en silence jusqu'à la salle de bain avant de s'asseoir dans le lit et s'étirer. Hmm. Pas aussi courbatue qu'elle pensait l'être, avec toutes ces chevauchées hier. Peut-être commençait-elle à s'y habituer. En fait, elle se sentait vraiment bien, malgré les circonstances… c'est incroyable ce qu'une bonne nuit de sommeil… elle interrompit ses réflexions. Une bonne nuit de sommeil sans cauchemar, réalisa-t-elle, stupéfaite. Tiens. Ça faisait un moment que ça n'était pas arrivé. Pas vraiment étonnant, pensa-t-elle, se moquant d'elle-même. Difficile de faire son pire cauchemar quand on s'endort avec le battement de cœur du sujet principal bien vivant dans l'oreille, hein ? Dommage qu'elle ne puisse pas faire cela tout le temps, pensa-t-elle en soupirant, tout en mettant ses bottes, et avala un morceau de fruit avant d'aller sur le balcon regarder les ténèbres.

 

"Tu vois quelque chose ?" La voix de Xena vint jusqu'à elle, et elle se tourna pour voir la guerrière entrer dans la pièce, sa combinaison de cuir à la main et essorant l'excès d'eau de ses cheveux sombres. Gabrielle sourit en la voyant.

"Non", fit-elle, mordant dans le fruit croustillant. "Tu as fait vite", ajouta-t-elle, quittant le balcon pour rentrer dans la chambre.

"L'eau est glacée", fit Xena d'une voix traînante et désabusée, tout en enfilant sa combinaison de cuir et en attachant les bretelles des épaules. "Maintenant je suis complètement réveillée", commenta-t-elle, puis elle s'avança jusqu'à l'endroit où elle avait déposé son armure avec précaution, et passa la section qui couvrait les épaules et la poitrine par-dessus sa tête.

"Attends, laisse-moi t'aider." Gabrielle posa son fruit et l'aida à attacher une sangle. Elle la serra bien, jetant un œil sur le visage de Xena pour savoir si cela convenait. Xena hocha la tête, elle-même occupée à attacher la sangle droite, qui lui donnait toujours du fil à retordre. Gabrielle finit de fixer l'autre sangle, puis s'attaquer à la fixation difficile, un petit sourire sur les lèvres. "Ce truc est plus compliqué qu'un casse-tête athénien, parfois."

"Parfois", fit Xena en souriant, puis elle attendit patiemment que le barde ait terminé. Elle attacha ensuite les protections supplémentaires sur ses jambes et ses bras, frappant sur la pièce d'épaule avec facilité pour la mettre en place. Des dagues en plus, le chakram, et enfin son épée, qu'elle fixa sur son dos. Elle sauta une ou deux fois sur place pour que tout se mette bien en place. "OK." Elle respira profondément. "Allons-y." Elle passa rapidement les doigts dans ses cheveux sombre qui étaient coincés sous son armure et les libéra, puis elle avança vers la porte, lorsqu'on frappa doucement de l'autre côté.

 

Jessan ouvrit la porte de la chambre de Xena en entendant la guerrière lui crier d'entrer. La faible lumière des bougies dans la chambre se reflétait sur l'armure qu'elle portait alors qu'elle s'avançait vers lui. Il recula jusque dans le couloir pour la laisser passer, et sourit à Gabrielle qui la suivait.

"Ils sont à peu près à deux heures d'ici maintenant", dit-il à Xena qui acquiesça. "Ça ressemble à une attaque directe ; on ne va pas pouvoir tenir sur les murs. Il faut qu'on les affronte dehors si on veut avoir une petite chance."

L'analyse calme de Jessan était la même que celle que Xena avait faite, alors elle se contenta d'acquiescer à nouveau. Les troupes d'Hectator, au moins, étaient tous des cavaliers, et des soldats plutôt expérimentés. Ça aurait pu être pire, elle avait connu pire. Le seul problème était leur nombre. Elle calqua son pas sur celui de Jessan dans le couloir qui les conduisit à la cour où elle commença à observer l'activité ordonnée qui précédait la bataille. Hectator les vit arriver et quitta immédiatement ses hommes pour venir à leur rencontre d'un pas nerveux.

"Mes amis", dit-il en s'approchant d'eux. "Mes alliés." Il hocha timidement la tête à l'attention de Jessan. "Il est temps de se mettre en route." Ses yeux observaient les leurs. "Je ne suis pas heureux de vous savoir ici, vous préparant à vous battre pour une cause qui n'est pas la vôtre."

"Hectator", interrompit Xena. "Arrête de me dire quels combats sont les miens ou pas." Elle le fixa droit dans les yeux. "Regarde-moi et dis-moi que tu ne veux pas me voir me battre à tes côtés."

La bouche d'Hectator se pinça nerveusement. Ces yeux bleus lisaient en lui comme dans un livre. "Non", dit-il en souriant. "Je ne te dirai pas cela." Il baissa les yeux, puis les releva, cette fois suppliant. "En fait, puis-je te demander une faveur ?"

Jessan leva un sourcil amusé devant la question de l'humain. Il se doutait bien de ce qu'Hectator allait demander, et il se demanda lui-même si Xena allait accepter. En tout cas, lui était pour. Déjà, la tension montant autour de lui envoyait des frissons d'excitation le long de ses bras, et il sentait l'aube toute proche, impatient.

Xena le regarda, méfiante. "Bien sûr. Que veux-tu ?"

"Puisque je ne peux te convaincre de partir, nous feras-tu un grand honneur ?" Hectator fit une pause, attendant. La journée allait être difficile, et il voulait qu'elle comporte au moins un moment de bonheur.

"Je ne sais pas", fit Xena, levant les deux sourcils. "Tu ne m'as pas dit ce que tu voulais !"

"Prends le commandement", demanda simplement le prince.

 

Xena fut stupéfaite. Elle observa son visage en silence, alors qu'ils attendaient tous sa réponse. Enfin, elle jeta un coup d'œil vers l'horizon, puis revint vers lui. "D'accord." Elle vit le soulagement dans les yeux d'Hectator, et la jubilation dans ceux de Jessan. Un sourire sombre de la part de Gabrielle, mais aussi un petit hochement de tête. "Allons-y. Ils ne vont pas nous attendre toute la journée." En silence, elle leva les yeux vers les étoiles. Arès, j'espère que tu es là. Ça, c'est pour te remercier d'avoir tenu ta parole et de m'avoir rendu mon corps. Elle aurait pu jurer entendre un petit rire satisfait lui répondre.

"On ne pourra pas tenir un siège", dit Xena alors qu'ils se dirigeaient vers les troupes rassemblées. "On doit se rassembler sur la petite pente entre ces deux petites collines." Elle fit un signe en direction de l'entrée du château. "Si on parvient à les faire passer entre ces escarpements, on pourra ralentir leur progression." Elle s'arrêta derrière Argo, qui s'ébroua en la voyant. La jument portait un tapis de selle matelassé, ainsi que des protections sur les jambes et le poitrail. Xena caressa doucement son cou et s'apprêta à monter en selle, sachant qu'Hectator et Jessan avançaient jusqu'à leurs propres montures. Gabrielle avança en silence et saisit la bride d'Argo pour l'empêcher de bouger.

Xena s'arrêta et, la main posée sur le dos d'Argo, regarda sa compagne. Gabrielle croisa son regard, ne trouvant pour une fois rien à dire.

Le barde s'éclaircit un peu la gorge et parla finalement. "Fais attention", dit-elle, la voix un peu rauque, puis elle lâcha la bride d'Argo et recula pour ne pas rester dans le passage.

"Promis", répondit Xena, s'écartant d'Argo et ouvrant les bras. "Ne serre pas trop fort", fit-elle en guise de prévention, "tu risques de te faire mal." Elle attira le barde doucement vers elle, et sentit les bras de Gabrielle se serrer très fort autour de sa taille, malgré l'armure. Elle ferma les yeux, et posa sa joue sur le sommet du crâne du barde, jusqu'à ce que Gabrielle relâche son étreinte, puis elle en fit de même ; mais pas avant. Elles se reculèrent un peu, se regardant, se tenant toujours par les bras.

Quelque chose passa entre elles. Pas en paroles, peut-être même pas en pensées. Xena esquissa un sourire, puis se pencha un peu et embrassa doucement le barde sur le front. "Sois sage", dit-elle.

Gabrielle hocha la tête. "Sois prudente."

"A plus tard", fit Xena, traînant un peu la voix, puis elle se hissa sur Argo en un mouvement fluide. "Je te le promets." Elle sourit, puis dirigea la jument vers les portes.

"Tu le promets", répéta doucement Gabrielle. "Je m'en souviendrai." Elle inspira, puis tourna les talons et se dirigea vers le château où le valet principal, paniqué, tentait de se préparer au pire. Gabrielle le libéra gentiment de sa charge.

 

 

Lestan se détourna de son plus vieil ami, le désespoir écrasant ses larges épaules. "Mika, je ne peux pas faire cela. Tu sais bien que je ne peux pas." Il se tourna et tendit son bras valide en un geste suppliant. "Oui, cette femme m'a plu. Oui, mon fils est parti la rejoindre. Oui, Hectator est maintenant notre allié. Oui, oui, oui… mais risquer une goutte de sang de notre village, non." Il s'assit. "Comment pourrais-je encore me prétendre un leader si je nous conduisais là où mon cœur nous pousse, et pas pour le bien de notre peuple ?"

Mika s'assit à son tour, caressant la fourrure sombre de son menton. "Et ton cœur te pousse à ses côtés, n'est-ce pas ?" Il sourit, ne comprenant que trop bien. "Tout comme le mien." Il se leva et se mit à faire les cent pas, nerveux. "Tout comme le mien." Il finit par se tourner et venir s'agenouiller devant Lestan. "Je t'en prie." Ses yeux pâles, si pâles, supplièrent. "J'aime ton fils comme s'il était le mien. Je ne peux pas… Lestan, je ne peux pas le laisser y aller seul."

"Mika", gronda Lestan. "Je ne peux pas faire cela. Je ne peux pas en donner l'ordre. Je ne peux pas. Je…" Ses yeux étincelèrent. "Je… peux y aller moi-même." Il regarda Mika, agenouillé devant lui. "Je ne peux ordonner à personne d'autre de me suivre. Il se tourna brusquement et regarda le ciel où pointait l'aube. "Et de toute façon, il est sans doute déjà trop tard."

"Demande-leur", répondit Mika, les yeux brillants. "Demande-leur, Lestan. Demande aux guerriers quel est leur choix. Ce n'est que justice."

 

Il leva les yeux lorsque Wennid entra, ayant entendu la dernière partie de la conversation. Elle avança jusqu'à la chaise de Lestan, et entoura son cou de ses bras, posa son menton sur son épaule. Ils se laissèrent flotter un moment dans leur Lien, puis elle prit la parole.

"Je t'aime." Sa voix basse fut portée jusqu'à l'autre bout de la pièce. "Plus que la vie elle-même." Elle ferma les yeux et appuya sa joue contre la sienne. "J'irai jusqu'au bout du monde pour te protéger du danger. Tu le sais." Elle fit une pause. "Mais ceci te brisera le cœur, mon amour, si tu ne le fais pas." Elle murmura à son oreille. "Je le sens en toi. Mika a raison. Demande-leur."

Lestan resta assis, immobile, pendant ce qui sembla être une éternité. Enfin, il inspira profondément, puis expira. "Tout ce que je vais faire, c'est leur demander", grogna-t-il. "Et je ferai de leur réponse la mienne." Il se tourna vers sa compagne. "Et je t'aime aussi." Il l'embrassa, puis se leva et marcha jusqu'à la porte, inconscient du regard échangé entre Wennid et Mika. Ils le regardèrent ouvrir la porte et appeler. "Demande à tout le monde de se rassembler dans la cour."

"C'est inutile", murmura Mika, alors que Lestan tournait la tête et regardait dehors.

Des torches étendaient des ombres sauvages sur la grande cour, le seul son audible étant celui de la brise faisant claquer les cotes de maille de 300 guerriers à cheval, armés et silencieux. Un cheval s'ébroua. Deggis apparût, conduisant Garan vers lui, et s'arrêta à 10 pas de lui, attendant. Les yeux brillants.

Lestan sentit les larmes lui monter aux yeux et rejeta le discours qu'il s'apprêtait à donner, puis écarta son bras de son corps pour laisser Mika glisser sa cote de maille par-dessus sa tête. Son peuple. Des frissons commencèrent à parcourir son dos, et il sentit la fièvre de la bataille le saisir. Mika attacha l'épée à son côté, et serra bien les sangles. Puis il se tourna et lui fit face. "Tu savais."

"Oui", répondit Mika , les yeux brillants. "Bien sûr que je savais." Il serra les boucles de son propre équipement, et siffla pour appeler son fidèle Esten.

 

Il se retrouva alors sur le porche avec Wennid, qui glissa ses bras autour de lui. "Ramène donc notre fils", le taquina-t-elle, le serrant de toutes ses forces. "J'ai une ou deux choses à lui dire." Ils s'embrassèrent, échangeant un long regard. Lestan sentit leur Lien s'éveiller, le remplir d'une chaleur profonde, et il rendit la sensation sans tarder. "Je reviendrai", promit-il. Briser le Lien était… impensable. "Tu as intérêt", fit-elle en guise d'avertissement, laissant traîner un doigt sur sa joue. "Ou il faudra que j'aille te chercher moi-même." Par-delà la compréhension, par-delà la raison, par-delà la mort. La vieille expression lui vint à l'esprit. Plus vraie que jamais.

"Allons-y !" cria Lestan, en se tournant vers Garan, puis il se hissa sur l'animal, levant un bras vers son peuple. Un cri uni lui répondit, et ils se mettent en route. "En espérant qu'il ne soit pas trop tard."

 

 

L'aube se leva sur une plaine immobile et silencieuse. Xena avait placé ses troupes là où elle les voulait et attendait à présent sur Argo, à l'endroit où se joignaient les deux escarpements, Jessan et Hectator à ses côtés. L'armée ennemie approchait, couvrant l'horizon et il était maintenant évident qu'ils ne s'arrêteraient pas pour négocier.

Xena se leva un peu sur la selle d'Argo, et fit signe aux soldats qui crièrent pour lui répondre. Au petit galop, elle amena Argo au milieu de la ligne des cavaliers, et se tourna pour leur faire face, puis leva les mains pour appeler le silence. Tous les yeux étaient braqués sur elle. "Il ne s'agit pas de territoire !" cria-t-elle, sa voix portant sur la plaine, presque jusque au château. "Il ne s'agit pas de commerce, de butin ou de récoltes !" Xena affermit encore sa voix. "Il s'agit de vos maisons, et de vos familles, qui vont disparaître si vous ne les défendez pas !" Leurs yeux ne la quittaient pas, ils buvaient chacun de ses mots. "Vos familles vous aiment et dépendent de vous, et rien… RIEN au monde n'est plus important que cela !" Elle fit une pause. "Vous comprenez ?"

Un cri uni lui répondit. "Cet ennemi n'a aucun moyen de combattre cela ; faites-en votre force, et ils ne pourront pas vous vaincre !" Xena pouvait sentir un frisson parcourir son dos alors qu'un grondement sourd s'éleva des soldats, un grondement qui s'accrut et s'accrut encore pour devenir un mur de sons qui passa sur elle comme une vague de l'océan. Elle fit tourner Argo, alors qu'Hectator et Jessan venaient la rejoindre au petit galop en première ligne.

"Quoiqu'il arrive, Xena… ça a été un honneur de te connaître", dit Hectator, sans parler trop fort. Il tendit son bras vers elle par-dessus sa selle. Xena le serra sans un mot.

 

Jessan avala, contenant son excitation. Il pouvait voir les troupes ennemies très clairement maintenant, et le grondement des sabots secouait son corps tout entier. Il jeta un coup d'œil vers Xena, qui vérifiait que ses brassards étaient bien en place, ainsi que les sangles d'Argo. Elle tourna la tête et croisa son regard, puis sourit. Il lui rendit son sourire, la comprenant parfaitement.

Elle se dressa sur la selle d'Argo, prête à donne le signal du départ, lorsque son regard fut attiré par un mouvement derrière elle. Lorsqu'elle vit ce que c'était, un sourire se forma sur son visage, et elle se mit à rire. Hectator se tourna, étonné, et vit ce qu'elle avait vu avant lui. "Bon sang…"

Jessan se tourna aussi et regarda, y croyant à peine. Son peuple. Ils étaient des centaines, armés et à cheval, et venaient rejoindre les troupes derrière eux. Lestan, sur Garan, vint les rejoindre en première ligne, hocha la tête à l'attention de son fils, ainsi que quelque chose qui ressemblait fortement à un clin d'œil.

"Lestan", dit Xena, avec un petit rire.

"J'ai tenu compte de ton avertissement, Xena", commenta l'être de la forêt, dégainant son épée. "Et maintenant, tu as de la compagnie."

Xena se tourna à nouveau, et leva le bras pour donner le signal. Elle s'exécuta et l'anxieuse Argo se lança en avant, menant ce qui était à présent une troupe de presque 700 cavaliers droit sur l'ennemi.

 

Jessan garda la tête d'Eris à la hauteur de la queue d'Argo, regardant Xena serrer les genoux sur les côtés de sa selle puis dégainer son épée. Elle avait repéré ce qui lui semblait être le leader de l'armée ennemie et se dirigeait droit sur lui. Jessan dégaina lui aussi son épée, et sourit, sous le coup intense du plaisir qu'il éprouvait. Il renversa la tête en arrière et laisser échapper un rugissement auquel répondirent immédiatement les autres êtres de la forêt ; puis, comme en canon, vint la réponse plus aiguë des guerriers humains. Oh... cela allait être glorieux.

Xena chevaucha avec puissance vers la garde ennemie, repérant les signes évidents de la stupidité de leur chef. Il était entouré de serviteurs en armure lourde et portant tous des bannières. Elle se trouva bientôt sur les premiers soldats de la garde et les passa, balaya son épée en arcs de cercle précis. Un cri explosa de sa poitrine, alors qu'elle se laissa submerger et guider par la fièvre de la bataille. Jessan, à sa droite, coupait des soldats en deux avec sa grande épée et Hectator venait de trancher la tête d'un cavalier malchanceux d'un seul coup.

Les gardes étaient trop lents ; ils ne faisaient pas le poids face à sa vitesse ou son talent. Derrière elle, elle savait que les troupes d'Hectator creusaient un grand trou parmi les forces ennemies, se battant avec une furie qui compensait leur nombre plus réduit. Elle jeta l'un des gardes personnels d'Anstelès à bas de son cheval d'un coup de pied bien placé, puis un second tomba sous le coup de son épée. Elle tissait autour d'elle une barrière qu'ils ne pouvaient pénétrer et, lorsqu'ils essayaient, ils tombaient sur Jessan qui les jetait de leurs montures grâce à sa seule force.

 

L'un des gardes était meilleur que ses compagnons : il se projeta de sa selle et la frappa à la poitrine, essayant de la désarçonner. Elle le poussa par-dessus les épaules couvertes de sueur d'Argo, puis elle se laissa glisser sur le sol alors qu'il se ruait déjà sur elle. Elle para ses coups de son épée, puis s'accroupit et le coupa à nouveau, le bloquant au niveau du poignet cette fois. Il jura et fracassa la garde de son épée sur l'armure qui couvrait la poitrine de Xena, essayant de la faire tomber.

Elle sourit et le repoussa, le prenant par surprise. Il fut déséquilibré et elle en profita pour le frapper au menton avec la poignée de son épée. Il tomba à nouveau et cette fois il ne se releva pas. Elle leva les yeux au moment où Anstelès s'apprêtait à décapiter Hectator, stupéfait, et elle se trouvait trop près pour utiliser efficacement son chakram. Elle décida alors de se lancer sur lui, le saisissant en plein vol, à quelques centimètres du cou exposé d'Hectator. Elle n'avait pas le temps de faire dans la finesse, juste un bon plaquage, mais cela fit l'affaire. Ils roulèrent à terre et se séparèrent, puis Xena sauta sur ses pieds et lui fit lâcher son épée d'un seul coup.

 

Anstelès la regarda stupéfait, puis arracha une lance des mains d'un de ses gardes qui les regardait bouche bée, puis se releva, fou de rage. Jessan cria pour avertir Xena, mais la lance manqua sa cible lorsque Xena se lança dans les airs en un saut périlleux parfait, par-dessus la tête d'Anstelès et atterrit derrière lui. Elle en profita pour le frapper de toutes ses forces dans le derrière, si fort qu'il alla s'écraser la tête contre un arbre et s'écroula dans la boue.

Puis une vague de combat déferla sur eux, et Xena dut se battre furieusement pour rester en vie alors qu'une centaine de soldats ennemis les entourait. Elle se retrouva dos à dos avec Jessan, leurs coups parfaitement coordonnés, comme s'ils s'étaient battus côte à côte pendant des années. Ils dégagèrent un cercle autour d'eux, puis avancèrent sur l'ennemi qui battait maintenant en retraite. Epaule contre épaule, ils forcèrent les soldats d'Anstelès à reculer, les rugissements féroces de Jessan et le cri de guerre sauvage de Xena les impressionnant à tel point qu'ils se mirent à courir.

 

Jessan s'arrêta en voyant l'ennemi détaler, et reprit son souffle. A ses côtés, Xena fit de même et prit un moment pour resserrer un brassard qui glissait sur son bras. " C'est mieux que ce à quoi je m'attendais ", commenta-t-elle, puis elle se raidit en repérant un groupe de soldats ennemis encerclant ce qu'elle devina être un être de la forêt. Etouffant un juron, elle se hissa sur Argo et se rua à leur rencontre.

Les soldats d'Anstelès ne l'entendirent pas arriver. Toute leur attention était concentrée sur leur cible, la silhouette immense et incomparable de Lestan. Il les tenait à distance, mais à peine, à grands coups d'épée de son bras valide, le dos contre un gros rocher. Mais bientôt deux soldats se ruèrent sur lui et il ne parvint plus à repousser les coups de leurs épées. Wennid... son esprit cria, mon amour...

Le plus grand des deux soldats finit par le désarmer et envoya son épée à toute volée sur le côté de sa tête nue. Lestan s'effondra et le soldat eut un sourire sinistre avant de lever son arme pour le coup de grâce. La lame descendit... et s'écrasa sur le rocher lorsque le soldat se retrouva projeté au sol par un corps presque aussi grand que le sien, couvert de cuir et lancé avec violence dans un cri contre lui. Xena roula sur elle-même, puis se releva et d'un seul coup d'épée, trancha la tête du second soldat. Le cercle des soldats stupéfaits s'arrêta puis ils rassemblèrent leur courage et se ruèrent sur elle comme une meute de chiens.

 

C'était peut-être une grosse bêtise, pensa Xena, sinistrement, en combattant bec et ongles pour ne pas céder devant la ruée de corps et d'armes qui l'entouraient. Elle se tint au-dessus du corps inanimé de Lestan, et par la seule force de sa volonté, parvint à repousser la meute, coupant et tranchant à tour de bras, jusqu'à ce que le sang finisse par presque l'aveugler. Elle puisa au plus profond d'elle-même, pour faire appel aux réserves de force qu'elle n'utilisait que rarement, réserves qui lui répondirent plus rapidement qu'elle ne s'y attendait. Ce ne sont pas des petits soldats miteux en armure crasseuse qui auront ma peau, pas aujourd'hui, se dit-elle sinistrement. Pas aujourd'hui. Et pourtant, ils continuaient à l'assaillir, toujours et encore, et toujours, têtue, elle les repoussait, construisant progressivement un tapis de corps autour d'elle, refusant de céder, refusant de les laisser fléchir sa garde, jusqu'à ce qu'enfin, ce soit fini. Les soldats étaient morts, ou mourants, ou en fuite devant les renforts d'Hectator.

 

Xena s'appuya contre le rocher, et inspira profondément, tentant de calmer les battements de son cœur. Elle ferma les yeux et attendit que son corps cesse de trembler, serrant la poignée de son épée très fort dans sa main pour ne pas la lâcher. Elle baissa les yeux vers Lestan qui avait un peu recouvré ses esprits et la regardait avec des yeux brillants. Elle s'accroupit près de lui et examina la grande plaie qu'il portait sur son épaule invalide. "Ça va aller", assura-t-elle, lui serrant l'autre bras.

Lestan observa son visage, en mémorisant chaque détail. Il avait ouvert les yeux pour la voir debout au-dessus de lui, solide comme un roc contre lequel les soldats ennemis venaient se fracasser comme les vagues de l'océan. Tout comme il s'était autrefois tenu au-dessus de Wennid. Il se moquait qu'elle soit humaine, car tout cela était si, si glorieux. "Xena", dit-il, la voix rauque, hochant la tête. "Par Arès, je suis heureux de ne pas t'avoir défiée près du ruisseau." Il lui sourit, les yeux brillants de joie. "On dirait que ma famille te doit un peu plus chaque jour." Il la regarda dans les yeux. "Ma compagne te remercie également. Encore une fois."

Xena lui adressa un pauvre sourire. "Pas de problème, Lestan." Elle regarda autour d'elle, puis ses yeux se posèrent à nouveau sur lui. "Après tout, je ne pouvais pas laisser ce Lien être brisé, pas vrai ?"

Ils se regardèrent pendant un long moment. Puis Lestan lui sourit, et elle en l'imita. "Tu comprends vraiment", dit-il dans un souffle. "Enfin ! L'un d'entre vous peut voir ce que nous voyons." Il se mit poussivement à genou, puis se releva, Xena tirant sur son bras valide. "Peut-être tout n'est-il pas perdu pour nous après tout."

 

La bataille fit rage toute la journée, durant laquelle les troupes d'Hectator poursuivirent et éliminèrent les dernières poches de résistance. Les survivants de l'armée d'Anstelès disparurent du champ de bataille après que le soleil ait disparu derrière l'horizon, et il ne resta bientôt plus qu'à nettoyer tout cela.

"Alors", demanda Xena à un Jessan épuisé, alors qu'ils traversaient lentement le champ de bataille ensanglanté. "Ça t'a plu ?" Elle était couverte de saleté, de sang, de sueur ; le sang était en partie le sien, mais très peu. Elle avait plusieurs coupures, quelques-unes assez profondes, et était entièrement couverte de boue et de poussière.

"J'ai adoré", répondit Jessan sincèrement. "Il faut que tu m'apprennes ce coupé que tu fais par derrière et en travers. C'est géant." Il lui sourit. "C'est de la poésie quand tu te bats, tu savais ça ?" Ses yeux étincelaient. "J'étais coincé au milieu d'un groupe quand tu es partie sauver mon père, et il faut que je te dise, j'étais si occupé à te regarder décimer cette foule que je me suis presque fait couper la jambe." Il frissonnait sous le coup de l'excitation. "Jamais, jamais je n'ai vu quelque chose d'aussi…" il hésita, chercha le mot juste. "… beau", finit-il, soupirant.

Xena éclata de rire. "Jessan, je suis sûre que tu es bien le seul à me décrire de cette façon." Elle secoua la tête. "Mais je suis contente que tu te sois amusé." Elle lui tapota le dos. "Les tiens nous ont sauvés, tu sais."

"Non", fut la réponse surprenante de Jessan. "Nous aurions gagné de toute façon." Il la regarda, quelque chose d'inhumain brillant dans ses yeux d'or. "C'est toi qui nous as sauvés."

"Arrête un peu, Jessan", ricana Xena, levant les yeux au ciel. "Je suis toute seule, OK ?" Elle fit un geste de son bras gauche en direction du champ de bataille. "Nous avons gagné parce que ton peuple a fait pencher la balance du bon côté." Elle hésita. "Et… j'avais une promesse à tenir."

"Ok, ok", répondit Jessan. "Crois ce que tu veux, Xena… mais quand ils planteront une statue de toi dans la cité d'Hectator et une autre dans mon village, peut-être comprendras-tu ce que je te dis." Il ignora l'expression outragée sur le visage de Xena. "Oui, et sans parler de tous les enfants auxquelles ils donneront ton nom…"

"Jessan..." gronda Xena.

"Et imagine un peu l'histoire que Gabrielle va nous faire de tout cela…" continua Jessan, qui s'amusait sans doute un peu trop pour son bien. "Oh, je l'entends d'ici…" Il s'arrêta lorsque Xena se tourna lentement vers lui, les bras croisés, une expression de menace glacée sur le visage. "Euh… désolé. J'arrête", gémit-il, détournant les yeux de son regard glacial.

Xena le regarda encore un moment, puis elle leva un sourcil. "Sympa de voir que ça marche toujours", commenta-t-elle, désabusée.

 

Ils continuèrent en silence amical, et il en profita pour fermer les yeux et utiliser sa Vision pour la Regarder. Un cœur d'argent luisant, comme il avait vu la première fois, avec des courants cachés et sans cesse changeants. Soudain, alors qu'il Regardait, elle prit un éclat doré plus doux. Intrigué, il ouvrit les yeux et la regarda, se demandant ce qui avait provoqué ce changement, tout comme le sourire qu'elle arborait à présent. Puisqu'il était un gamin ingénu, les mots lui échappèrent avant qu'il ait eu le temps d'y réfléchir.

"Xena, à quoi penses-tu ?" Il aurait dû s'en empêcher, mais c'était trop tard. Elle se tourna vers lui, étonnée.

"Pourquoi ?" demanda-t-elle, se demandant ce qui avait provoqué cette question. A ce moment précis.

"Oh", fit Jessan, "juste comme ça." Il évita son regard. "Tu souriais, c'est tout." Après tout, c'était vrai. "On aurait dit que tu pensais à quelque chose qui te rendait très heureuse."

Xena le regarda pensivement, puis sourit lentement. "Ça, c'est vrai." Elle avala. "Peux-tu lire dans les esprits, Jessan ?"

"Non", répondit aussitôt l'être de la forêt. "Non… enfin, ma mère, oui, un peu. Le mien en tout cas." Il fit une grimace. "Mais nous autres, non." Il avala. "Nous pouvons… sentir… la force vitale des choses qui nous entourent… si une personne est bonne ou mauvaise, et si elle est assez près, nous pouvons sentir les émotions, parfois." Il lui jeta un coup d'œil, essayant de déchiffrer l'expression qu'elle arborait.

"C'est pour ça que tu as décidé de nous faire confiance, après qu'on t'ait secouru dans ce village ?" demanda Xena soudainement, sincèrement intriguée.

Jessan eut un petit sourire. "Non. La blessure que j'avais à la tête m'empêchait d'utiliser mon don, pendant presque tout le temps de notre voyage. Je ne l'ai récupéré que la nuit où je vous ai raconté l'histoire de mes parents. " Il la regarda, remarquant son expression intéressée. Bon sang. "Non, il m'a fallu décider par moi-même."

"Comment ?" continua Xena, prise dans la conversation. "Qu'est-ce qui t'a décidé ? Tu savais qui j'étais." Elle leva un sourcil à son attention, attendant sa réponse.

 

Devrais-je lui dire ? Je me demande si elle se rend compte que son regard la trahit, au moins devant moi. Probablement pas. Les humains sont si… inconscients, pensa Jessan, amusé, avant de lever les yeux et de croiser les siens.

"La première nuit." Il aima l'expression surprise dans ses yeux. "Gabrielle faisait un cauchemar, et tu l'en as délivrée." A présent, ses yeux bleus étaient réellement stupéfaits. "L'expression sur ton visage. Je savais… que quelqu'un… qui ressentait tant d'amour… ne pourrait pas me faire de mal."

Il l'avait touchée, il vit sa réaction en entendant ces mots. Peut-être était-il allé trop loin. Il était temps de reculer. "Pardon." Il posa une main amicale sur son bras. "Tu es en colère ?"

Xena fit quelques pas, en silence, puis se mit à rire doucement. "Non." Elle lui jeta un coup d'œil sans se tourner vers lui. "Je ne suis pas en colère." Encore quelques pas. "Tu es très perspicace." Un sourire réticent se dessina sur ses lèvres.

"C'est un don, chez nous", répondit-il, regardant ses bottes tâchées de sang.

Xena eut un petit rire sarcastique. "Vous avez plein de dons intéressants." Elle le regarda du coin de l'œil. Jessan se mordilla la lèvre un moment. "Oui, c'est vrai." Il s'arrêta et inspira résolument. "Tu sais, Xena, il y a quelque chose que je… peux voir… entre toi et Gabrielle."

"Je sais", répondit Xena, tournant la tête vers lui et le regardant avec un sourire sombre. "Oh", fit Jessan. "Vraiment ?" Pourquoi suis-je encore surpris par cette femme ? Cette humaine ?

"Ouais", soupira Xena, une expression résignée mais calme sur le visage. "Mais ce n'est pas dans son intérêt, alors tâchons de ne pas trop en parler.

Jessan la regarda, étonné. "Quoi ? Xena… tu ne comprends pas."

La guerrière leva les yeux vers lui. "Si, je comprends." Elle tourna les yeux vers l'horizon. "Mais nous ne sommes pas comme vous, Jess. Nous avons le choix." Elle se tourna à nouveau vers lui et le fixa, et le poids de toutes les années de sa vie se lut dans ses yeux. "Et je choisis de ne pas la laisser entrer dans un avenir qui n'offre que ténèbres et danger, et…" Elle leva le bras et fit un geste autour d'eux. "Ça.'

"Elle pourrait changer tout cela", dit Jessan, regroupant tout son courage.

Xena secoua la tête. "Non." Elle eut un demi-sourire. "Je peux faire semblant d'être différente, mais c'est ce que je suis." Elle lui tapota le bras. "De plus, c'est un excellent barde. Je dois l'envoyer quelque part où elle pourra développer ce don. Pas la faire parcourir la campagne."

Ah, Xena, pensa Jessan, amusé. Tu crois contrôler ton destin. Mes parents le croyaient aussi. Pendant un temps. "Tu fais comme tu veux, Xena", répondit-il, léger.

 

Elle ne dit rien et regarda se dessiner les portes de la forteresse d'Hectator. Plusieurs soldats la remarquèrent et des cris de son nom s'élevèrent bientôt dans la cour ouverte. Elle lança un regard noir à Jessan, qui se contenta de hausser les épaules, l'air penaud.

Deux pages arrivèrent en courant pour s'occuper de leurs chevaux. Xena s'agenouilla pour regarder l'un d'entre eux dans les yeux. "Sais-tu comment traiter les blessures de combat chez les chevaux ?" demanda-t-elle solennellement. Il la regarda, les yeux écarquillés, puis lui montra sa bourse qui contenait des bandages et du désinfectant. "Très bien", dit-elle, puis elle lui remit les rênes d'Argo. "Prends bien soin d'elle." Elle ébouriffa ses cheveux et en fut récompensée par un regard d'adoration totale. Les deux gamins conduisirent les deux animaux fatigués, laissant les cavaliers traverser la cour avant du château et gravir les marches jusqu'à la porte principale.

 

La cour était remplie de débris de la bataille, et de blessés légers, ainsi que de soldats bien portant. Xena pouvait sentir leurs regards sur elle alors qu'elle traversait la cour et elle fit un effort pour regarder dans les yeux autant d'hommes qu'elle le put, avant de commencer à escalader le long escalier qui conduisait à la porte. C'est donc ça qu'Hercule ressent tout le temps, se dit-elle, un peu moqueuse. Marrant. Si j'avais été à la tête de l'armée d'Anstelès, je doute qu'ils aient été si enthousiastes. J'aurais pu prendre la cité, êtres de la forêt ou pas. Je me demande s'ils s'en rendent compte. Ils s'en fichent probablement. Pourquoi ne réalisent-ils pas qu'ils ont besoin d'adorer des héros qui leur apportent la vie, pas un vieux cheval de guerre maudit par tous les dieux de l'Olympe comme moi, dont le plus grand talent est de tuer des gens ?

Une forme sombre croisa son chemin. "Alaran", dit Xena, s'arrêtant pour le regarder. Il avait été légèrement blessé, mais était toujours en un seul morceau. "Je suis contente que tu t'en sois tiré." Elle lui adressa un sourire las.

"Xena", souffla le soldat aux cheveux grisonnant. "Tu sais, j'avais oublié ce que c'était de se battre sous tes ordres." Il tendit sa main et toucha l'armure souillée de Xena. "Tu m'as une nouvelle fois fait oublier que la chance n'était pas de notre côté, Xena. Tu as dit que nous étions invulnérables, et c'était vrai. J'avais oublié que tu pouvais faire ça." Il rit un peu. "Ils n'avaient aucune chance. Tu n'as rien perdu de ton énergie, tu sais. En fait, je crois bien que tu es encore meilleure. Comment as-tu réussi une chose pareille ?"

Xena soupira, résignée. Puis elle eut un regard diabolique et chuchota quelque chose à l'oreille d'Alaran qui le fit rire si fort qu'il faillit s'étrangler. Elle eu un petit rire puis reprit son ascension des escaliers avec Jessan, vers la porte illuminée, là-haut.

 

 

Gabrielle avait commencé à regarder la bataille depuis la plus haute tour, mais avait arrêté après avoir vu Xena lancer Argo au cœur du combat et y plonger elle aussi. Elle avait été heureuse de voir arriver les êtres de la forêt, mais se rendit compte que les troupes d'Hectator étaient toujours en position d'infériorité. Elle s'occupa d'organiser les guérisseurs et les gens qui apportaient les fournitures médicales, et fit de son mieux pour ignorer les bruits en provenance du champ de bataille.

Bientôt, les blessés et les morts commencèrent à arriver, et elle n'eut plus le temps de penser à rien, à part sauver autant de soldats qu'elle le pouvait, et elle dépensa toute son énergie pour s'assurer que le réapprovisionnement s'effectuait comme prévu. Les chefs de bataille avaient été les premiers à partir, et ils seraient les derniers à rentrer, elle le savait ; c'était ainsi que Xena opérait de toute façon. Elle savait que Xena était en vie, ça au moins avait filtré jusqu'à elle, et tous les hauts gradés avaient survécu, même si Lestan était à l'infirmerie en train de se faire bander l'épaule, et qu'Hectator avait pris un mauvais coup à la tête. Mais savoir ne l'aidait pas beaucoup à soulager le nœud qu'elle avait dans l'estomac. Elle voulait voir la preuve de ses propres yeux.

 

Ils avaient gagné, l'armée d'Anstelès était en fuite ou éliminée, et les pertes de leur côté étaient relativement faibles, alors Gabrielle supposa que cela avait été un succès. Pendant qu'elle aidait les blessés, elle commença à entendre des histoires sur les êtres de la forêt, sur Hectator, sur Jessan, mais avant tout sur Xena, et sur ce qu'ils avaient fait dans un combat auquel ils n'étaient pas censés survivre. Elle s'était fait de vrais amis dans ce groupe de soldats, et ils lui racontaient des histoires plutôt incroyables. Curieuse, Gabrielle se mit à chercher Lestan, et finit par le trouver entouré d'êtres de la forêt, ainsi que deux chirurgiens humains.

"Gabrielle !" cria Lestan en la voyant s'approcher. "Bon sang, tu vas avoir des histoires à raconter sur cette bataille, crois-moi !" Il eut un petit gloussement, ignorant les chirurgiens qui essayaient de recoudre sa blessure à l'épaule. "Et j'ai vu de mes yeux l'une des meilleures !"

"C'est ce que j'ai entendu dire", sourit Gabrielle, s'asseyant sur le tabouret près de la paillasse où il était étendu. "Mais à chaque fois que l'entends l'histoire, le nombre de soldats ennemis est un peu plus grand." Elle jeta un œil aux êtres de la forêt qui les entouraient. "J'en étais à… oh, à peu près 200 je crois, la dernière fois. Alors, la vérité ?"

Lestan s'étendit sur la paillasse avec un regard suffisant. "Je ne sais pas exactement", admit-il. "Je me suis retrouvé entouré de soldats ennemis, et ils m'ont arraché mon épée des mains, puis j'ai pris un sale coup à la tête et je me suis effondré, d'un seul coup." Il claqua des doigts pour illustrer son propos. "J'ai bien cru que c'était la fin." Il but une gorgée d'eau que l'autre chirurgien lui présentait avec insistance. "Merci. Bref, je me réveille et tout ce que j'entends, ce sont des cris et le bruits des épées qui s'entrechoquent, mais aucune ne me touche. Je lève les yeux, et je vois Xena qui retient… oh… je ne sais pas… des centaines de soldats, pendant des heures. Je n'avais jamais…" dit-il en secouant la tête, "… jamais vu une chose pareille." Ses yeux trahissaient sa stupéfaction. "Ils étaient si nombreux, et dieux, ils essayaient, mais elle ne les laissait pas s'approcher. C'était incroyable."

"C'était idiot", corrigea une voix amusée et fatiguée. Les regards se tournèrent vers la porte contre laquelle s'appuyait Xena, les bras croisés, et qui les regardait.

 

Gabrielle sentit le poids qui lui oppressait la poitrine depuis le matin s'évaporer et la tête lui en tourna presque, tant elle fut soulagée. Couverte de sang et de boue, mais entière, les yeux bleus souriants à l'attention de son regard vert. "Comme promis", fit Xena, une étincelle dans les yeux. "Même si je crois bien avoir traîné la moitié du champ de bataille avec moi." Elle fit une grimace, baissant les yeux vers la boue et la saleté, puis elle regarda Gabrielle et haussa les épaules.

Le barde se mit à rire. "Je me fiche pas mal que tu reviennes recouverte de vase du Styx", dit-elle en marchant vers la guerrière puis en la serrant dans ses bras, avec l'armure, la boue, le sang et tout. "Bien que ça n'arrangerait sûrement pas ton armure." Elle tira sur l'armure en question. "Allez, viens. Laisse-moi t'enlever ça avant que tu ne rouilles sur place."

 

Xena la suivit docilement jusqu'à une petite alcôve, puis elle s'assit sur une caisse et commença à détacher les sangles de l'armure. Elle leva les yeux alors que Gabrielle revenait d'une salle de stockage, des linges plein les bras. Xena leva la pièce d'armure qui lui protégeait l'épaule, et entendit la réaction de Gabrielle. "Oh, bon sang", souffla le barde, regardant de plus près l'estafilade sur le cou de la guerrière. "Ouais", fit Xena, pliant le bras vers ce côté-là. "Je n'avais pas le choix… Anstelès s'apprêtait à trancher la tête d'Hectator. La seule chose assez proche pour l'en empêcher, c'était moi." Elle s'occupa de retirer les sangles de son armure. "Le coup était dirigé vers sa nuque. Il m'a éraflé quand je lui suis rentrée dedans."

"Je vais aller te chercher du désinfectant", répondit Gabrielle, d'une voix calme. Elle quitta la pièce, et Xena se mit à retirer les pièces d'armure qui couvraient ses jambes. Elle détacha la gauche avec précaution, exposant la marque qu'elle s'attendait à voir après que ce soldat ait essayé de la désarçonner. Pas trop mal, en fait. Elle leva les yeux en entendant Gabrielle revenir, transportant des bandages et du désinfectant à base de plantes.

Xena resta assise, silencieuse, les yeux fermés, pendant que le barde nettoya la longue balafre, puis fit quelques points de suture pour garder la plaie fermée. "Merci", soupira Xena lorsqu'elle eut terminé. "Je me sens déjà mieux." Elle sourit à sa compagne. "Tu as la main." Gabrielle rougit un peu, et baissa les yeux, puis son regard se posa à nouveau sur Xena. "Elle est fatiguée, ma main", admit-elle, s'éclaircissant un peu la gorge. "Il y en avait tellement…" Son regard glissa vers la plus grande pièce et elle secoua la tête. "Nous en avons perdu beaucoup… les blessures étaient trop sérieuses… je…" Elle s'interrompit, et leva une main tremblante jusqu'à sa tempe, puis soupira, et inspira profondément. "J'en ai perdu quelques-uns pendant que je… bref, je suis contente de… ne pas les avoir connus personnellement." Elle leva la tête et regarda le visage immobile et calme de Xena. Sans permission explicite, elle avança la main et posa sa paume sur la joue tachée de sang de Xena.

 

Xena se dit plus tard qu'elle avait été trop fatiguée pour bouger en voyant Gabrielle tendre la main, trop fatiguée pour se reculer et éviter ce doux contact, trop fatiguée pour s'arrêter de regarder dans les yeux verts et humides du barde pendant ce qui lui sembla un moment bien trop long, voyant beaucoup trop d'elle-même dans ses yeux. Elle finit par cligner des yeux et Gabrielle fit glisser sa main vers la longue estafilade qu'elle venait de soigner, arrangeant un peu le bandage.

"Tu en as d'autres ?" demanda doucement le barde.

Xena pencha la tête, pensive. "Non…" elle eut une petite grimace de douleur. "Des bleus surtout, un peu partout, comme d'habitude." Son ton était léger. "Moins que ce que à quoi je m'attendais, en fait." Elle sourit. "Ça faisait longtemps que je n'avais pas fait ça. Je me suis dit que je m'étais peut-être un peu ramollie"

Gabrielle gloussa. "Toi ?" Elle piqua du doigt l'épaule musclée de Xena. "C'est ça." Son visage s'était détendu, retombant dans leur chamaillerie habituelle. "Tu ferais mieux d'enlever cette combinaison, quand même, avant qu'elle ne tienne toute seule."

"Uh huh." Xena jeta un œil au sang et à la boue qui couvrait son corps, et ricana sinistrement. "Je vais aller laver tout ça." Elle releva les yeux vers Gabrielle qui venait de s'appuyer contre le comptoir tout proche. "Et toi…" elle plissa les yeux à l'attention du barde. "… tu vas aller manger quelque chose, et t'asseoir un peu. Tu es pâle comme un linge…" Le barde leva les yeux au ciel. "Ne m'oblige pas à te soulever et t'asseoir moi-même", ajouta-t-elle, lançant au barde un faux regard noir.

Gabrielle esquissa un sourire. "Ok…Ok..." Elle fit signe vers le grand escalier qui conduisait aux étages. "Je te propose un compromis. Je vais chercher à manger, et je l'apporte là-haut, comme ça, on pourra manger toutes les deux." Elle rendit à Xena son faux regard noir. "Allez, ose me dire que tu n'en as pas besoin."

 

Xena eut un petit sourire suffisant, puis sortit de la pièce en silence. Gabrielle resta sans bouger pendant quelques instants, examinant pensivement ses bottes, puis elle haussa les épaules, et emporta un lourd tranchoir en quittant la pièce. Bon sang, je dois vraiment être fatiguée pour avoir fait ça, pensa-t-elle, amusée. Et tout ce que j'ai fait, c'est aider un peu ici. Imagine ce que Xena doit ressentir. Elle s'est battue depuis l'aube, et la nuit est tombée maintenant. Ramollie, hein ? Gabrielle en rit. Elle avait vu le regard de la plupart des soldats, humains et êtres de la forêt confondus, suivre Xena lorsqu'elle était sortie, reconnaissant l'adoration pure et simple dans leurs yeux. Elle ensorcelle les gens si facilement, pensa le barde. Et elle ne s'en rend même pas compte. Ces hommes la suivraient au Tartare maintenant… et ils se fichent pas mal que ce soit une femme. Ils tombent tous amoureux d'elle. C'était la vérité. Bien plus qu'elle n'était prête à l'admettre.

 

De l'eau, pensa Xena, amusée, en s'inondant de la tête aux pieds pour se débarrasser du sang et de la saleté collés sur son corps. Pas mal, l'installation d'Hectator. De gros conduits en pierre traversaient le bâtiment, et transportaient l'eau qui pouvait être chauffée pour le bain ou bien bue. Xena choisit de ne pas chauffer l'eau, et prit un bain d'eau glacée. Ce n'est pas qu'elle n'aimait pas les bains chauds, pensa-t-elle en riant. Mais il s'agissait de se nettoyer là, et s'il fallait utiliser de l'eau froide pour le faire, alors c'est ce qu'elle ferait.

Elle finit de frotter tout le sang séché, puis se rinça une dernière fois avant de se secouer, puis d'utiliser un morceau de lin doux pour finir de se sécher. L'air tiède de la chambre lui parut agréable sur sa peau, et elle s'arrêta un moment pour étudier son reflet dans le miroir. Son observation lui arracha un ricanement désabusé.Ok, c'est vrai, Gabrielle n'a pas tort, se moqua-t-elle en observant son reflet. Pas trop ramollie. Ça ne m'étonne pas que tu fasses peur aux gens. Xena secoua la tête, amusée, puis enfila une chemise de lin qui lui tomba aux genoux. Elle s'assit ensuite sur un petit tapis près de la cheminée où brûlait un bon feu, et commença à nettoyer son armure. La plupart des gens auraient laissé ça pour le lendemain, se dit-elle. Je suppose que je ne suis pas comme tout le monde.

 

"Qu'est-ce que tu fais ?" demanda Gabrielle, d'un ton légèrement sarcastique, lorsqu'elle ouvrit la porte peu de temps après, et entra dans la chambre. "C'est pas vrai… tu nettoies ton armure… j'arrive pas à y croire… non, en fait j'y crois tout à fait. J'arrive pas à croire que j'arrive à être surprise de ne pas arriver à y croire." Elle s'interrompit et réfléchit à la phrase qu'elle venait de prononcer. "Je crois que j'ai trop de négations là dedans", ajouta-t-elle, avant de traverser la chambre jusqu'à l'endroit où Xena était assise, le menton posé dans une main, regardant sa compagne avec un sourire amusé.

"Contente de te voir aussi, Gabrielle", fit la guerrière d'une voix traînante. "C'est à ton tour de nettoyer le sang." D'un geste de la tête, elle désigna les vêtements écarlates du barde. "J'espère que tu aimes l'eau froide", ajouta-t-elle, une étincelle dans les yeux.

Gabrielle grogna. "Tu as de la chance, je suis trop fatiguée pour faire la différence", soupira-t-elle, puis elle déposa le plateau rempli de nourriture près de Xena. "Tiens. Tu peux commencer pendant que je vais me débarbouiller." Elle passa dans la salle de bain, réprimant un bâillement.

Xena souleva une autre pièce d'armure d'une main et un morceau de fromage de l'autre. Elle posa l'armure en équilibre sur son genou tout en mastiquant, utilisant un morceau de lin pour nettoyer les dernières traces de saleté sur le métal brillant. Elle avait fini le fromage et l'armure avant que Gabrielle ne revienne.

"Brr", fit le barde, tenant sa chemise serrée autour d'elle. "Comment tu fais pour supporter ça ?" gémit-elle en traversant la chambre avant de s'affaler sur le tapis près de Xena.

"Tiens", répondit Xena en lui passant une tasse. "Ça devrait aider." Elle regarda Gabrielle renifler le contenu, puis sourire et en boire une gorgée, tout en réchauffant ses mains sur la tasse. "Ça va mieux ?"

Gabrielle prit un moment pour respirer la vapeur qui s'élevait de l'infusion. "Ouais. Merci." Elle s'appuya en arrière contre le foyer. "Alors", fit-elle, regardant Xena, "raconte un peu… ces 200 soldats ennemis que tu as terrassés", dit-elle en souriant, tout en mordant à belles dents dans un morceau de pain.

"Oh, ne commence pas", grogna Xena, levant les yeux au ciel. "Pitié. J'ai déjà dû supporter Jessan pendant tout le chemin du retour." Elle reposa la dernière pièce d'armure et s'empara d'un autre morceau de fromage. "Qu'est-ce que j'étais censée faire, hein ? Laisser Lestan se faire découper en petits morceaux ?" Elle appuya de nouveau la tête contre l'âtre, et regarda Gabrielle. "Je n'essayais pas de te donner du matériel pour tes histoires. Juré."

Gabrielle se mit à rire. "Je regrette de ne pas avoir vu cela de mes propres yeux." Elle détacha un grain de raisin et l'avala promptement. "Remarque, en y pensant, s'ils étaient vraiment 200, je crois que je préfère ne pas l'avoir vu. Ça m'aurait trop fichu la trouille."

Xena se contenta de la regarder, un sourire extrêmement fatigué sur les lèvres. Elle commença finalement à sentir le poids d'une très longue journée. "Uh huh", marmonna-t-elle, puis elle ferma les yeux et reposa sa tête contre la pierre de la cheminée. "OK, Gabrielle. Si tu veux qu'il y en ait eu 200, il y en avait 200." Elle roula la tête sur le côté et ouvrit un œil à contrecœur pour défier la réponse. "En ce moment, j'ai l'impression qu'ils étaient bien 200. Au moins", admit-elle.

"Allez", répliqua le barde, abandonnant le ton taquin ; elle posa une main sur le bras de Xena. "Il est l'heure d'aller au lit." Elle commença à se lever. "Si j'arrive à me lever, bien sûr."

Xena lui adressa un sourire fatigué, puis fit appel à ses réserves d'énergie et se leva d'un mouvement fluide, soulevant le barde qui s'accrocha toujours à son bras, en même temps. "Pas de problème", fit-elle, désabusée, ce qui lui valut un regard dégoûté de Gabrielle. "Hé, c'est toi qui as dit que tu voulais te lever. La guerrière bâilla et retourna vers le lit, grimaçant un peu de douleur à cause des bleus maintenant refroidis. Elle s'allongea avec précaution, puis regarda Gabrielle arranger le feu, avant de la rejoindre, se blottissant sur le côté, faisant face à Xena.

 

Elles se regardèrent un moment, puis Xena pencha la tête pour capturer les yeux du barde. "Ça va ?" fit-elle, regardant la réaction sur le visage qu'elle connaissait si bien.

Gabrielle acquiesça sans un mot. Bien sûr que ça va. Maintenant. Maintenant que mon pire cauchemar est terminé, et que je peux me réveiller et être sûr que ce n'était qu'un rêve. Mais je ne peux pas te dire ça, hein ? Comment te dire que je te vois mourir dans mes rêves, toutes les nuits, sans que tu te sentes responsable de ça aussi ? "Ouais, ça va", murmura-t-elle enfin. "Maintenant." Ce dernier mot lui avait échappé, elle était allée trop loin, elle le savait, elle en avait trop dit. Une main s'avança et écarta doucement les cheveux de ses yeux, un toucher qui balaya presque sa résolution de ne pas s'effondrer. Gabrielle garda les yeux fermés, sachant que si elle les ouvrait, elle verrait le regard de Xena fixé sur elle, et qu'elle se mettrait à pleurer comme une enfant, simplement de soulagement. Et ça, jura-t-elle, les dents serrées, elle n'allait pas le faire, elle n'allait pas ennuyer Xena avec ça après une telle journée.

Xena repoussa temporairement sa fatigue alors qu'elle observait le visage du barde, voyant la tension, les émotions qui y étaient imprimées, même si elle essayait vraiment de les contrôler. Elle est vraiment douée lorsqu'il s'agit de me faire parler, ça oui… et je suis vraiment nulle quand il s'agit de lui rendre la pareille. Ok… essayons le plan A.

 

"Gabrielle." La voix de Xena était grave, intense. Le barde la sentit trembler dans ses oreilles, touchant une corde sensible en elle, comme aucune autre voix ne savait le faire. Bon sang. Une main était maintenant sur son menton, elle sentait ces yeux bleus sur elle, même avec les paupières fermées. Bon sang. A contrecœur, elle ouvrit les yeux, tomba sur le regard de Xena et sentit bientôt les larmes lui monter aux yeux.

"Je suis désolée, je suis seulement très fatiguée", marmonna Gabrielle, passant la main sur ses yeux. "La journée a été longue." Elle inspira profondément, puis expira mais rien ne vint soulager le poids suffocant qui lui oppressait la poitrine. Bon sang. Arrête un peu, Gabrielle. Elle vient juste de tuer je ne sais combien de personnes, elle est blessée, elle est fatiguée et elle n'a vraiment pas envie d'affronter ton hystérie. "Ça va aller. Vraiment."

"Gabrielle ?" fit Xena. Doucement, doucement… "Regarde-moi une minute." Ok… ok… on passe au plan B.

Le barde soupira puis obéit, clignant un peu des yeux. "Ouais ?" parvint-elle à murmurer, espérant qu'elle pourrait se contenir encore quelques minutes.

"Merci de t'inquiéter", lui dit simplement Xena. "Ça veut dire beaucoup pour moi."

 

Prise entre un souffle et un battement de cœur, Gabrielle resta immobile pendant un long moment, puis ferma les yeux, et laissa les larmes couler le long de ses joues. Elle sentit les doigts de Xena essuyer les larmes, et se retrouva bientôt bercée dans une étreinte qu'elle n'avait pas anticipée ; mais elle savait, avec une clarté aveuglante, qu'elle ne voudrait jamais plus en sortir.

Je ne devrais pas faire ça, réprimanda son esprit . Je devrais me reprendre et la laisser dormir après la journée qu'on a eu. Je devrais… mais, dieux… c'est tellement bon de se laisser aller… je ne peux pas m'en empêcher… j'en ai besoin… Un très long moment après, après que les larmes s'étaient enfin taries et que Xena l'ait relâchée, l'installant sur le dos tout en gardant un bras protecteur autour de ses épaules, elle rouvrit les yeux, à contrecœur.

"Pardon, Xena", soupira Gabrielle, essuyant ses yeux d'un geste agacé. "Je ne voulais pas faire ça. Je ne sais pas ce qui m'a prise." Elle se massa la tempe d'une main, repoussant la douleur provoquée par les larmes. "Comme si tu avais besoin de ça." Le barde secoua la tête, écœurée.

 

Xena ne répondit pas, mais avança une main sur la nuque du barde et commença à masser la tension qu'elle y trouva. Après quelques minutes, elle sentit les muscles de Gabrielle se détendre, et le barde laissa tomber sa tête en avant sur le lit. "Tu te sens mieux ?" demanda la guerrière, un ton léger dans la voix.

"Ouais", répondit Gabrielle, d'une voix étouffée. "Merci."

"Pas de problème", fit Xena, laissant traîner sa voix sur les mots. "Nous autres ex-seigneurs de guerre devons bien servir à quelque chose, pas vrai ?" Elle entendit le petit ricanement auquel elle s'attendait, et sourit alors que Gabrielle leva vers elle des yeux encore humides. "Ne me prends pas comme référence, Gabrielle", prononça doucement Xena. "Après une journée pareille, c'est une réaction normale de la part d'une personne équilibrée."

Le barde réfléchit quelques instants. "Hm. Sans doute", finit-elle par admettre, posant sa tête sur son bras. "Je me sens juste si… inutile… parfois." Elle haussa légèrement les épaules.

"Gabrielle..." Il est tard et je suis vraiment trop fatiguée pour cela… je sais que je vais dire quelque chose de maladroit… "Tu n'es pas inutile… pas pour moi." Elle hésita, puis céda à son esprit épuisé et continua. "Tu es une partie très importante de ma vie. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi." Est-ce que je viens vraiment de dire ça ??? Probablement… ça ressemblait à ma voix… mais est-ce que j'étais sincère ? Bon sang… je crois bien que oui.

"Vraiment ?" Un murmure hésitant de Gabrielle, son corps soudainement immobile ; Xena le sentait sous son bras qui l'entourait distraitement.

"Vraiment", répondit-elle.

"Tant mieux", soupira le barde. "Parce que tu es plus importante à mes yeux que n'importe quoi d'autre au monde et la pensée de te perdre à nouveau me fiche une trouille incroyable." Voilà. Elle avait tout sorti d'un seul souffle, presque comme si elle l'avait répété des milliers de fois auparavant.

 

Gabrielle tendit la main et la posa sur le bras de Xena, avant qu'elle puisse penser à s'en empêcher. "Tu savais que la nuit dernière était la première depuis des mois où je n'ai pas fait ce rêve… je crois que mon cerveau était tellement préoccupé par ce qui allait se passer le matin suivant que j'ai oublié de le faire. "

Xena se débattit quelques instants avec des émotions contradictoires. Une chaleur inattendue en entendant la confession du barde, de la colère contre elle-même pour l'avoir provoquée, des regrets pour avoir causé ces cauchemars. "Je suis désolée, Gabrielle", soupira-t-elle.

Gabrielle inspira. "Pas moi", fut sa réponse inattendue. Elle adressa un doux sourire à Xena en voyant son regard étonné. "Beaucoup de gens vivent toute une vie sans rien jamais ressentir, Xena." Distraitement, son pouce caressait les poils fins sur le bras de Xena. "Ils ne ressentent pas le genre de colère, de peur, de désespoir, de joie ou d'amour que j'ai…" Ses yeux bougèrent rapidement pour croiser le regard de Xena lorsqu'elle prononça ce mot. "C'est plutôt pratique pour un barde, tu ne trouves pas ?" Elle lut un sourire dans les yeux bleus de la guerrière. "Ça rend tout plus réel… et il te faut ça pour que les gens croient à ton histoire."

Xena rit doucement. "Tu ne cesseras jamais de m'étonner, mon barde." Elle ébouriffa les cheveux de Gabrielle de la main et en fut récompensée par un sourire las. "C'est l'heure de dormir."

 

Elle tendit la main et éteignit la chandelle, ne laissant que le feu de la cheminée éclairer la grande chambre, puis ses yeux se fermèrent lentement. Comme toujours, ses autres sens s'intensifièrent pour compenser l'absence de vision. Elle pouvait entendre les bruits légers venant de la cour, les bruits sourds mais subtils à l'intérieur de la forteresse, le bruit des chevaux dans l'étable pourtant éloignée, et l'ignoble son des charognards sur le champ de bataille. A côté d'elle, Gabrielle se tourna et Xena sentit le frisson apporté par la brise froide dans la chambre secouer le barde. "Tu as froid ?" demanda-t-elle. Une pause trop longue. "Non", répondit enfin Gabrielle. "Ça va."

Xena leva les yeux vers le plafond qu'elle ne pouvait voir et sourit, puis secoua sa tête sombre. Elle se pencha tout près de l'oreille du barde. "Tu mens", murmura-t-elle, essayant de ne pas rire.

"Ouais", soupira Gabrielle. "Mais je suis bien trop fatiguée pour me lever et aller chercher une couverture. Je ne vais pas en mourir." Elle bâilla et se recroquevilla encore un peu plus sur elle-même. "Apparemment, je ne possède pas une mystérieuse source de chaleur interne comme certaines Princesses Guerrières que je connais."

"Très subtil, Gabrielle", commenta Xena avec une ironie désabusée. Elle plia le bras qui entourait déjà les épaules du barde et la tira plus près d'elle avec une force incroyable, étant données les circonstances. "On m'a traitée de beaucoup de chose dans ma vie, mais jamais de bouillotte." Elle regarda le barde avec affection, bien que celle-ci ne puisse le voir.

"Mmm", marmonna Gabrielle, sombrant enfin dans le sommeil, blottie contre la chaleur de Xena. Je crois bien que je suis en train de perdre le contrôle de quelque chose là… mais je crois bien que je m'en fiche pas mal.

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