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BOUND10

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Unies/ Bound

 

par Melissa Good

 

Traduction : Katell et Fryda

 

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Partie 10A

***********

 

Chapitre 71

 

Le vent était retombé, réduit à quelques bourrasques sporadiques, et les pas de Xena résonnèrent anormalement fort à ses oreilles alors qu'elle traversait le village et prenait la direction de la falaise. L'air froid et coupant transportait tous les sons avec une clarté effrayante, et elle entendait parfaitement les cailloux sous ses pieds, les épines de pins qui frottaient les unes contre les autres, ainsi que les légers déplacements des créatures de la nuit qui s'enfuyaient devant elle.

 

Si elle n'avait pas eu de nœuds dans l'estomac, se dit-elle sobrement, elle aurait sans doute apprécié cette petite balade. La nuit était belle et claire, et les étoiles brillaient dans le ciel à travers les branches des arbres au-dessus d'elle, et l'air était propre et rafraîchissant après la soirée passée dans la salle commune surpeuplée et surchauffée.

 

Heureusement que je ne me suis pas resservie, se dit-elle, ironique. A voir l'état de mon estomac, ça n'aurait pas servi à grand-chose. Et Gabrielle non plus, ce qui prouvait aussi que le barde ne s'était pas encore remise de sa journée.

 

Plus vite qu'elle ne l'aurait voulu, elle se retrouva au sommet du plateau, et s'arrêta bientôt sur le chemin rocailleux éclairé par la lune, face au gigantesque mur de granite et son ouverture sombre et inégale.

 

Elle inspira profondément et essaya d'ignorer les nœuds qui s'étaient formés dans son estomac, en vain. Dieux… ça ne va pas marcher. Une bourrasque de vent repoussa ses cheveux en arrière, et elle cligna les yeux, faisant couler les larmes que le froid créait ; elle baissa les yeux vers le sol et donna un coup de pied dans les cailloux, se concentrant pour retrouver son calme. Et réfléchir.

 

OK. Elle releva sa tête sombre, et fixa sans ciller l'ouverture dans la roche. Ce n'est qu'une grotte, Xena. Elle décroisa les bras et se força à avancer. Je vais aller lire ces saloperies de tablettes. Elle répéta la pensée encore et encore dans son esprit, tout en approchant de l'ouverture, puis posa une main légèrement tremblante sur la roche. OK, OK… je peux le faire. Et elle pencha la tête pour entrer.

 

Un mouvement brusque, et une odeur soudaine musquée la prirent par surprise, et elle se redressa brusquement, mais pas assez vite pour échapper à l'animal qui se rua dans l'ouverture. Un rugissement sauvage emplit tout à coup l'air et avant qu'elle n'ait eu le temps de bouger, une énorme silhouette se rua sur elle, son souffle chaud tout près de son oreille, et ses griffes déchirant son manteau.

 

Seuls ses réflexes si patiemment acquis au cours de toutes ces années lui sauvèrent la vie. L'animal la fit tomber, et donna un grand coup de griffes dans sa poitrine, laissant derrière lui une marque brûlante, mais elle parvint à se relever et projeta ses pieds contre la poitrine de l'animal alors qu'il se jetait sur elle. Elle se retrouva alors bloquée au sol, mais elle poussa, projetant la bête contre la roche du mur avant de se dégager rapidement.

 

Un ours. Un mâle, assez jeune. Son esprit prit le temps de cataloguer la menace tandis qu'elle se relevait, puis s'accroupissait tout aussi rapidement. Oh, dieux… La douleur lui transperça l'épaule et elle baissa les yeux pour voir le sang sur sa tunique, et les lambeaux de son manteau qui retombaient librement.

 

L'ours se relevait lui aussi et il poussa un rugissement, debout, la tête levée vers les étoiles avant de retomber sur ses quatre pattes, la gueule béante, les crocs sortis. Elle attendit qu'il s'approche un peu, puis sauta par-dessus sa tête, atterrit sur des jambes un peu tremblantes et le regarda se précipiter vers le bord du chemin et vers la descente abrupte de la colline. L'ours ne put freiner sa course et continua à rouler jusqu'à ce qu'il atterrisse contre un grand arbre un peu plus bas. Lentement, il se releva et secoua la tête, avant de lever les yeux vers elle d'un air menaçant.

 

Mais il préféra aller chercher un ennemi moins coriace et moins élusif et décida de faire demi-tour et de s'éloigner vers l'obscurité des arbres en boitant.

 

Xena s'appuya contre la roche et se laissa glisser par terre, jusqu'à être assise juste devant l'ouverture de la grotte. Elle laissa sa tête rouler contre la roche et reprit son souffle calmement jusqu'à ce que la douleur dans son épaule ne soit plus qu'un lancinement intense, puis, enfin, elle leva la main pour évaluer les dégâts.

 

Elle vit sa main couverte de sang et elle grimaça, mais elle retira le tissu déchiré pour examiner la blessure. Dieux, ce que ça fait mal, pensa-t-elle avec un grognement. Pourtant, en y regardant de plus près, elle vit que la blessure, bien que douloureuse, n'était pas très profonde, grâce au manteau qui l'avait protégée. Ah, bien joué, soupira-t-elle. Je crois que tu as rarement fait mieux, Xena. Tellement la trouille d'avoir la trouille que t'as oublié d'écouter ton instinct. Dieux. Heureusement que je vais bientôt rentrer à la maison. Je suis de plus en plus nulle… inutile. Pour moi, pour elle… par Hadès, mais qu'est-ce qui m'arrive ? Elle soupira à nouveau, dégoûtée, et laissa sa tête retomber contre la roche, les yeux fermés. J'arrive ici avec une excuse bidon, juste parce que mon ego est tellement énorme que je ne supporte pas l'idée que quelqu'un puisse savoir que j'ai peur de quelque chose. C'est lamentable.

 

Bon… ben, je peux au moins faire semblant d'essayer, hein ? Elle jeta un regard agacé vers la grotte, puis se reprit et, avant de trop y penser, elle se jeta dans l'ouverture et se plaqua contre le mur intérieur.

 

Ténèbres. Silence. Air immobile. Les sensations s'écroulèrent sur elle, et elle n'entendit plus qu'un rugissement sourd dans son esprit, alors qu'elle se battait pour contrôler son envie de fuir. Oh non. Tu ne vas nulle part. Elle entoura ses genoux de ses bras, et se concentra sur sa respiration. La panique la saisit et la submergea ; alors elle se força à rester immobile, à respirer, à attendre. Elle se concentra sur la douleur et sur la colère, tout en serrant un peu plus ses bras autour d'elle, et attendit. Tu ne bougeras pas. Les ténèbres devinrent encore plus insistantes, et elle respira brusquement, le souffle court et sauvage, comme si elle cherchait à repousser l'obscurité.

 

Cela lui prit un temps fou, mais petit à petit, elle sentit la panique diminuer, et le rugissement avec elle, la laissant épuisée. Elle se laissa retomber contre le mur, frissonnant au contact glacé de la roche sur son corps.

 

Elle ne sut pas combien de temps elle resta là, par terre, jusqu'à ce qu'elle parvienne à se convaincre de se relever et très lentement, très prudemment, d'étendre ses jambes devant elle. OK… OK… c'est mieux. Elle garda les yeux fermés et entendit bientôt les bruits légers de la grotte, alors que le vent entrait par la crevasse et faisait voler les minuscules cailloux sur le sol, et que la montagne craquait doucement autour d'elle.

 

Elle ouvrit les yeux, et attendit, patiemment, jusqu'à ce que ses yeux s'habituent à la nuit, puis elle vit les contours éclairés par la lumière de la lune qui filtrait par l'ouverture. Son souffle se calma, plus régulier, et elle laissa échapper un long soupir de soulagement. J'y suis arrivée. Un sourire un peu tremblant se dessina sur ses lèvres et elle fit le tour de la grotte des yeux, regardant la pile de pierres et l'ouverture encore plus sombre devant elle. Je… n'arrive pas à y croire. Je ne pensais pas… Elle passa une main encore tremblante dans ses cheveux et soupira à nouveau. J'y suis arrivée. A présent, son sourire se fit plus sûr, et elle jeta un coup d'œil de l'autre côté de la grotte, vers l'ouverture. Plus qu'une. Elle poussa un grognement tout en se levant. Avant que je ne change d'avis.

 

Avec une grimace, elle enjamba la pile de torches qu'Elaini et Gabrielle avaient laissées là, et en souleva une, avant de la coincer entre deux pierres sur le sol et de l'allumer avec un geste maladroit de sa main gauche. Aïe. Son corps n'apprécia pas le mouvement, les griffures profondes laissées par l'ours commençant à raidir sa peau.

 

La torche vacilla un peu en prenant vie, faisant danser des ombres écarlates sur les murs de la grotte, et faisant ressortir les éclats de gypse. Elle inspira à nouveau profondément, se calmant, et alluma quelques torches en plus, se déplaçant dans la grotte pour les installer ici et là, jusqu'à ce que la lumière chaude lui paraisse suffisante. C'est… un petit peu mieux. Elle s'assit un moment près de l'entrée et laissa sa tête tomber entre ses mains. Allez… allez, tu peux le faire. Tu y es presque. Elle serra les poings et y posa son front, puis elle se leva et redressa les épaules. OK. Je vais aller les lire, ces bon sang de tablettes.

 

Elle souleva une torche et avança calmement jusqu'à l'ouverture sombre, avant de l'y plonger pour y voir plus clair.

 

C'était pire là-dedans, se dit-elle, en se penchant un peu tout en gardant le dos collé au mur. Un peu plus près… et l'air était immobile et lourd autour d'elle. Dieux… la panique refit surface, et elle ferma les yeux brusquement pour la repousser, tout en se concentrant sur sa respiration. Ses mains se mirent à trembler ; alors elle coinça avec précautions la torche dans une fissure du mur et croisa les bras sur sa poitrine, attendant patiemment. Elle se concentra sur la douleur dans son épaule, et cela suffit à la distraire suffisamment pour faire reculer sa peur…

 

Enfin, elle parvint à lever la tête et à regarder autour d'elle, clignant un peu des yeux pour mieux voir à la lueur faible de la torche. On voyait bien l'endroit où ils avaient travaillé, marqué par une entaille récente dans la pile de cailloux, et plusieurs points plus nets sur le sol poussiéreux, deux petits et un plus grand. Elle s'agenouilla près de l'un des plus petits et effleura le sol du bout des doigts… même après des heures, l'odeur résiduelle était bien celle de Gabrielle. Cela la fit sourire un peu, et elle se concentra ensuite sur la tablette mal éclairée devant elle. Il me faut plus de lumière… se dit-elle en se levant. Elle avança jusqu'à l'entrée et, attrapant l'une des dernières torches, elle l'alluma, et la rapporta jusque dans la petite salle.

 

Elle s'assit en tailleur devant les tablettes et, appuya ses coudes sur ses genoux, elle baissa les yeux. Puis elle s'arrêta et leva la main, avant de se frotter les yeux et de déglutir. Il faut que je m'assoie une minute. Elle laissa sa tête tomber entre ses mains pendant un moment, jusqu'à ce que la sensation de flou disparaisse, et qu'elle sente un semblant de réactions normales. C'est mieux, se dit-elle en rouvrant les yeux. Puis elle croisa les mains et regarda par-dessus, vers les tablettes qui l'attendaient patiemment.

 

Xena parcourut des yeux le texte pendant quelques minutes, laissant son esprit s'habituer à la syntaxe. Elle inspira puis se mit à lire depuis le début, repérant les petites choses que le barde avait manquées, puisqu'elle avait lu à voix haute et avait dû traduire pour ses compagnons en même temps. Des choses comme… ces deux-là faisaient partie d'un groupe d'éclaireurs à la recherche d'un rivage à aborder.

 

Elle leva un sourcil sombre. Je ne pensais pas qu'ils étaient descendus si loin au sud. Intéressant.

 

Des choses comme le fait que la jeune Viking était la cadette d'une famille de la noblesse et que son frère était le commandant du vaisseau qui les avait amenés jusque-là.

 

Que la jeune Celte était la fille d'un chaman, dont le clan s'était retrouvé pris dans un raid Viking et transformé en esclaves, comme c'était la coutume.

 

Et puis elle se plongea vraiment dans l'histoire, et sentit l'angoisse de l'auteur, tout comme Gabrielle avant elle, et elle comprit pourquoi. Elle se voit dans cette histoire, pensa-t-elle. Dieux… est-ce que j'étais… aussi froide envers elle ? Xena repensa à ces premiers temps, et penchant la tête, honteuse. Sachant ce que je sais maintenant… il y a tant de choses que j'aimerais pouvoir effacer… recommencer. Elle leva la main pour s'essuyer les yeux. Je crois que j'ai de la chance qu'elle ait été si têtue et qu'elle ait refusé de laisser tomber…

 

 

 

Une longue et chaude journée, au cours de laquelle leurs nerfs avaient été mis à rude épreuve, par le soleil, et la poussière, et l'obstination des villageois qu'elles n'avaient pas réussi à convaincre de fuir devant la crue qui s'annonçait.

Et par les dieux, elles avaient pourtant essayé… mais au bout du compte, le village et ses habitants avaient été balayés, ne laissant derrière que quelques morceaux de chaume à la surface de l'eau et les cris distants des chèvres paniquées.

Après, elles n'avaient cessé de se lancer des piques, Gabrielle furieuse parce qu'elle avait refusé d'aller essayer de sortir ces imbéciles de l'eau, et elle… simplement fatiguée et dégoûtée et vraiment pas d'humeur pour les villageois ou des gamines grincheuses.

" Tu veux aller les aider ? Eh ben, vas-y ", avait fini par lancer Xena, énervée. " Je ne vais pas aller perdre mon temps à aider des gens qui sont trop idiots pour bien vouloir m'écouter. " Et elle avait placé sur le barde un regard accusateur, comme si elle l'avait englobée dans cette généralisation.

Et puis elle s'était délibérément éloignée, et était allée s'asseoir sous un grand arbre, pour travailler à réparer un morceau d'armure que la crue avait courbé un peu trop. Gabrielle n'avait pas dit un mot ; elle avait ramassé ses parchemins et était partie vers la rivière.

Elle avait terminé ses réparations, puis avait levé les yeux, remarquant que la jeune fille n'était toujours pas revenue et elle avait soupiré, d'un air dégoûté. " Bon sang de gamine ", avait-elle murmuré, avant de se lever, et de reposer l'armure sur ses sacoches, s'essuyant les mains. " Vaudrait mieux aller voir, au cas où elle aurait fait un truc idiot, Argo. " Elle avait donné une petite tape à sa jument puis était partie tranquillement dans la direction qu'avait prise plus tôt Gabrielle.

Elle l'avait trouvée assise un peu plus bas, sur la rive, le dos contre un rocher, et ses parchemins posés près d'elle ; elle avait secoué la tête et s'était approchée, avant de s'arrêter net.

Elle avait vu les larmes couler le long des joues de la jeune fille, et l'attitude découragée de tout son corps, appuyé contre le rocher.

" Bon sang ", avait soupiré Xena et puis elle était retournée sans un mot jusqu'à leur campement, avant de s'arrêter, les mains sur les hanches, fixant le feu d'un air dégoûté. Puis elle avait laissé échappé un gros juron, avait lancé un regard noir à Argo et avait lancé ses mains vers un ciel impassible ; mais elle avait toutefois resserré les boucles de son armure et était repartie le long de la rive d'un pas rapide et régulier.

Elle était revenue, des heures plus tard, et avait trouvé la gamine assise en silence dans leur campement, piquant le feu avec un long bout de bois. Ses larmes avaient séché, son visage un masque immobile et furieux. Les yeux verts s'étaient levés brusquement vers elle lorsqu'elle s'était approchée du feu et avait commencé à retirer son armure.

Xena avait lancé un coup d'œil par-dessus son épaule et croisé rapidement le regard de la jeune fille. Gabrielle avait inspiré profondément, et avait été sur le point de parler, mais elle avait hésité et Xena avait hoché la tête. " Ils sont tous tirés d'affaire. " Ce fut tout ce qu'elle marmonna, mais elle vit la lueur de compréhension dans les yeux de la gamine avant qu'elle ne détourne le regard.

Elle avait été en train de retirer son brassard droit lorsqu'elle avait senti un toucher soudain et chaleureux sur son bras. Elle avait tourné la tête pour tomber sur les yeux de la jeune fille, tout près d'elle. Et la compassion qu'elle y avait lue avait fait s'effondrer toutes les défenses érigées autour de son cœur, la récompensant de ces longues heures de travail d'une façon totalement inattendue.

" Merci ", avait simplement dit Gabrielle en lui serrant doucement le bras. " Je peux t'aider avec ça ? "

Xena avait failli la rembarrer, mais s'était ravisée et lui avait souri. La gamine avait de bonnes intentions, après tout. Puis elle avait regardé en silence ses mains glisser le long de ses bras et ses doigts puissants tirer fermement sur les lacets de cuir qui maintenaient le brassard en place.

Elle avait fini par le retirer, puis l'autre, et Xena les lui avait pris des mains avant de donner une petite tape sur l'épaule de la jeune fille. " Il fait vraiment chaud. "

Gabrielle avait acquiescé.

" Il y a une source, par-dessus cette crête. Ça te dit ? " Une offre un peu bourrue, quand on savait qu'elle avait passé une heure de plus à chercher un tel endroit.

La question avait tiré un sourire de sa jeune compagne. " Ça me plairait beaucoup. " Et leurs yeux s'étaient croisés. " La journée a été longue. "

Xena avait doucement acquiescé. " Oui, tu l'as dit ", avait-elle dit, sa voix devenue plus chaude. " Allez, viens. " Elles étaient alors parties ensemble dans un silence confortable, mais Xena avait eu l'impression qu'elle n'avait pas été loin de perdre quelque chose qu'elle n'avait même pas su vouloir. Ou dont elle avait si désespérément besoin.

 

 

 

 

 

Elle soupira et passa la main dans ses cheveux, les repoussant de ses yeux pour se concentrer sur la dernière partie de la tablette, recouverte d'une écriture différente, ferme et sûre, d'un caractère bien particulier.

 

Cela lui prit une minute, mais Xena parvint à comprendre le dialecte et à puiser dans ses souvenirs celui de cette langue étrange et fluide, mais après un moment, les mots se mirent à former des images familières et elle se pencha sur la tablette pour lire. Et lentement, un sourire se dessina sur ses lèvres.

 

 

 

Aucun loup famélique ne pourrait jamais venir à bout de cette fille du Nord que j'étais. Odin avait posé sa main sur moi et m'avait enjointe à continuer le combat, ce que je fis. J'écris ceci aujourd'hui, dans la langue du nord pour que ceux qui viendront après nous puissent le trouver, ainsi que les cartes que j'ai déposées, de ce pays et de ses habitants, pour aider à la venue des navires élancés.

Et s'ils ne venaient pas, qu'ils ne le trouvent pas, car peu nombreux sont ceux qui parlent ma langue, et encore moins nombreux ceux qui la lisent, et ces mots sont destinés à ceux de ma famille et à nul autre.

Car vous qui viendrez - sachez bien ceci - que la Celte nommée Ardwyn, servante de notre Maison de la Corne Rouge est une femme libre, ainsi le dit Elevown, fille d'Ulric, en ce jour et pour ceux qui viendront, pour le service rendu à notre maison, et à moi-même, et pour le don de son amitié, qu'elle a déposée à mes pieds sans en attendre rien en échange.

Sachez que nous avons passé des saisons à explorer ce pays étrange, et nous avons vu de nombreuses choses, et avons mené de nombreuses batailles, contre l'hiver ici même, attendant que le mauvais temps revienne une fois de plus. Nous quittons cet endroit pour la dernière fois en ce jour, et partons au loin, et j'ai le profond sentiment que nous ne reverrons plus jamais cette grotte.

Nos maigres trésors, les cartes et les notes, sont enfouis dans un coffre sous la pierre au centre de cette caverne. Si vous êtes des miens, vous oserez l'ouvrir. Sinon, ne le faites pas - car la férocité exigée pour retrouver les reliques de nos vies vous assèchera jusqu'à devenir poussière. Odin lui-même vous foudroiera, à l'endroit où vous poserez même le plus petit doigt sur ce que je laisse à l'intérieur, et vous échouerez, car seule la force et le courage des pays du Nord peut supporter mon test.

Bon vent, mes frères - que vos lames rougissent du sang de nos ennemis.

Elevown

 

 

 

 

 

Xena se rassit, plongée dans ses pensées. " Hm ", fit-elle à voix haute, écoutant l'écho se former. " Je crois qu'elle m'aurait plu. " Elle fit une pause. " Dès qu'on aurait arrêté d'essayer de s'entretuer. " Elle laissa échapper un petit rire, se connaissant bien, puis étudia pensivement la tablette.

 

J'ai dit que je me contenterais de lire la tablette. Elle fronça les sourcils, comme pour se réprimander. Et puis je retourne là-bas, pas vrai ? Mais le défi lancé par Elevown flottait dans l'atmosphère, la narguant depuis la tablette et elle sentit bientôt ses doigts s'enrouler autour de la pierre aiguisée, et ses bras se tendre, sentant la roche bouger contre son gré sous sa force.

 

Non. Elle s'arrêta et reposa doucement la pierre ; elle leva les mains et les reposa à plat sur la surface de la tablette. Il faut que Gabrielle soit là pour ça.

 

Xena se hissa sur ses pieds, s'étirant doucement pour éviter de blesser encore plus son épaule raidie. Il faut aussi que je m'occupe de ça. Elle jeta un coup d'œil dégoûté aux coups de griffes. J'arrive pas à croire que je me sois fait surprendre comme ça. Dieux. Elle éteignit les torches avec précautions, et repassa dans la salle extérieure, essuyant de la main sa tunique poussiéreuse, avant de poser du mieux qu'elle put le manteau déchiré sur ses épaules. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle et hocha la tête. Ça ne me plaît toujours pas là-dedans. Mais au moins, j'arrive à me contrôler. Elle esquissa un sourire. Et je connais la fin de l'histoire de Gabrielle.

 

Elle éteignit toutes les torches, sauf une, qu'elle emporta avec elle jusqu'à l'entrée ; elle s'arrêta et écouta en silence un long moment avant de se glisser dans l'air froid de la nuit. Dehors, elle éteignit la dernière torche et se tint là, debout, un petit moment, les bras serrés autour d'elle, les yeux levés vers le ciel étoilé.

 

 

 

Chapitre 72

 

Gabrielle ouvrit lentement les yeux et jeta un rapide coup d'œil vers les ténèbres qui régnaient encore dehors, avant de revenir vers la place vide à ses côtés dans le lit. Il ne fait même pas jour… où est-ce que… ses yeux se posèrent sur la cheminée et la grande silhouette immobile appuyée contre l'âtre. Elle vit le contraste couleur rouille sombre sur la peau nue et bronzée, et sentit l'odeur caractéristique du désinfectant aux herbes qu'elle était en train d'utiliser.

 

" Xena… ! " Le barde se leva rapidement, le cœur battant à tout rompre et tomba à genoux à côté de sa compagne. " Par Hadès, mais qu'est-ce que… " Elle tira sur la main de la guerrière et inspira brusquement. " Qu'est-ce que… où… est-ce que quelqu'un… pourquoi tu ne m'as pas réveillée ? "

 

" Non ", répondit doucement la guerrière tout en continuant à nettoyer les plaies. " Ce n'est pas très grave, vraiment… je m'en suis bien tirée en fait. " Puis elle inspira. " Tu… dormais, profondément… je ne suis pas restée longtemps dehors. "

 

Un long silence lui répondit. " Tu es allée à la grotte, n'est-ce pas ? " Ce n'était en fait pas une question.

 

Les yeux bleus se levèrent pour croiser les siens. " Oui. " Sa réponse était simple. Elles se regardèrent un moment. " Vous avez fichu un sacré bazar là-haut, d'ailleurs ", ajouta tranquillement Xena en baissant les yeux, tout en poursuivant sa tâche.

 

Comme ça, se dit Gabrielle. Comme si de rien n'était. " Mais qu'est-ce que je vais faire de toi ? Donne-moi ça. " Elle soupira, prenant le morceau de lin des mains de Xena avant de le saturer de désinfectant et de nettoyer le sang séché des griffures. " Alors… c'est quoi, ça ? " Elle leva les yeux vers le visage de sa compagne.

 

" Un ours ", fit Xena en haussant les épaules. " Lui aussi il aime ta grotte. " Elle fit une pause. " Tu vas me crier dessus ? " La question était un peu mélancolique. Je le mérite. Combien de fois va-t-elle me pardonner ?

 

Gabrielle secoua lentement la tête. " Non. " Elle essuya avec précautions l'une des griffures, et sentit la peau de Xena se raidir. " Désolée. "

 

" Je préférerais que tu me cries dessus. " La réponse de Xena la surprit, et elle leva les yeux vers elle, étonnée.

 

" Pourquoi ? " demanda-t-elle en observant intensément les yeux bleus.

 

La guerrière laissa rouler sa tête contre la pierre de la cheminée et cligna des yeux. " Parce que je préfère que tu cries un bon coup plutôt que tu gardes tout à l'intérieur comme ça. "

 

Le barde ne cessa pas sa tâche, mais soupira quand même. " Pas cette fois, mon amour. Je sais… que c'était en train de te rendre dingue. " Elle rajouta un peu de désinfectant et essuya soigneusement les contours de la griffure à la jointure de l'épaule de Xena, qui était couverte de bleus. " Et… je sais que… tu ne pouvais pas essayer ça devant n'importe qui. " Elle fit une pause. " Même devant moi ", fit-elle plus doucement. " Je suis contente que tu aies réussi. "

 

Une main se posa sur la sienne, et interrompit son mouvement. Alors elle leva les yeux. " Moi aussi ", fit Xena. " Mais ce n'est pas pour ça que je suis allée là-bas ce soir. " La voix de la guerrière était très douce, et elle caressa très doucement la joue du barde du bout des doigts. " Je voulais voir tes tablettes. "

 

Gabrielle s'appuya contre les genoux levés de sa compagne et fronça les sourcils. " Pourquoi ? Je ne pensais pas que ça t'intéresserait… je veux dire, oui, l'histoire n'était pas mal, mais… pourquoi tu voulais lire ça ? " Elle versa à nouveau du désinfectant sur le bout de lin. " Je n'ai même pas réussi à lire la dernière partie… "

 

" Moi, si ", répondit tranquillement Xena.

 

Un silence de mort lui répondit ; Gabrielle s'immobilisa, une main sur le désinfectant, et l'autre posée sur la poitrine de Xena. " Hm… je… dieux… je n'ai même pas pensé… tu… " Je n'ai même pas pensé à lui demander de regarder les tablettes.

 

Sa compagne eut un petit haussement d'épaules dépréciatif. " Ouais, je sais… on vit par l'épée, hein ? Pas besoin de savoir lire ? " Mais elle sentit bel et bien la douleur derrière le ton nonchalant. " La plupart du temps, ça marche à mon avantage… beaucoup de gens oublient qu'il y a une cervelle derrière les yeux bleus. " Elle leva les yeux, avec un petit sourire moqueur, qui disparut très vite lorsqu'elle vit l'expression sur le visage de Gabrielle. " Hé… je plaisante, Gabrielle. "

 

" Ce n'est pas drôle. " Le barde reposa le désinfectant et s'enroula de ses bras. " Je le sais, pourtant. " Dieux… je passe la moitié de mon temps à essayer de montrer aux autres qu'elle est autre chose qu'une guerrière assoiffée de sang. Et qu'est-ce que je fais ? Bon sang, réveille-toi, Gabrielle ! Elle parle et lit je ne sais pas combien de langues, elle connaît tous les animaux et les plantes qui existent sur cette terre, et a mémorisé la moitié du droit coutumier et civil grec, et en plus, elle est meilleure que toi en math. Et tu trouves le moyen de lui sortir un truc pareil ?

 

" Gabrielle. " La voix lui chatouilla l'oreille.

 

" Quoi ? " grogna-t-elle tout en continuant à se réprimander mentalement.

 

" Si tu n'arrêtes pas ça tout de suite, je ne vais pas te dire comment se finit l'histoire ", fit Xena d'une voix traînante.

 

Gabrielle s'arrêta, immobile et la regarda. " Oh… tu l'as vraiment lue ? ? ? "

 

" Je l'ai vraiment lue ", répondit la guerrière avec un sourire.

 

Le barde croisa les mains et s'assit sans un mot, un air implorant sur le visage.

 

" Tu arrêtes de te crier dessus ? " fit Xena en levant un sourcil.

 

Le barde hocha solennellement la tête.

 

" Et tu me pardonnes pour être allée là-haut ? " Les yeux bleus s'étaient radoucis, un peu implorants.

 

Gabrielle libéra une main et la posa sur la joue de sa compagne. " Tu n'as pas besoin de me faire du chantage pour celui-là ", répliqua-t-elle doucement. " Il n'y a qu'à voir le soulagement que ça t'a apporté. "

 

Xena lui prit la main et enroula ses doigts autour de ceux du barde, inspirant profondément. " Ecoute… j'ai… j'ai lu toute l'histoire. " Il fallait qu'elle le dise. " Et… je crois que je vois… pourquoi elle t'a tellement secouée. "

 

" Vraiment ? " fit le barde dans un souffle.

 

Pas d'autre moyen que de le dire. " Gabrielle, si je t'ai… fait peur… ou fait sentir que tu n'étais pas la bienvenue… " Une pause. " Et je sais que je l'ai fait… je suis… " Sa voix se brisa un peu. " Pardon. Je ne voulais pas te faire peur. Et… " Leurs yeux se croisèrent. " Il n'y avait pas beaucoup de jours au cours desquels je n'ai pas remercié les Parques que tu aies choisi… pour des raisons que je ne comprends toujours pas… de rester avec moi. "

 

Deux ans, Gabrielle. Ça fait deux ans que tu attends qu'elle te dise ça. Et voilà qu'elle le fait… et tu te rends compte que tu lui avais pardonné un millier de fois déjà, il y a bien longtemps. " Je sais. " Elle laissa sa tête reposer contre le genou de Xena et porta leurs mains jointes jusqu'à ses lèvres. " C'est ce que je me suis dit la première fois où tu as risqué ta vie pour moi. " La guerrière répondit à son sourire de la même manière. " Ou peut-être que c'était la façon dont tu venais toujours me tirer de trucs pas possibles. Tu aurais pu me laisser dedans bien des fois. " Elle se mit à mordiller l'index de Xena. " Ou peut-être que c'était parce que même les plus mauvais jours… il suffisait que tu me souries pour que tout aille beaucoup mieux. " Ceci lui valut un autre sourire. " Ouais, comme ça. "

 

 

 

Mais cela avait été juste. Gabrielle le savait. Elle avait été à deux doigts d'abandonner… surtout cette nuit-là, près de la rivière. Elle en avait eu assez, assez de la mauvaise humeur, du silence, des réflexions désagréables… et physiquement, elle n'en pouvait plus non plus, avec la chaleur, et la poussière, et ces gens qui ne voulaient pas fuir devant la rivière en crue.

Elle avait essayé de convaincre Xena d'aider un autre village tout aussi entêté que le précédent, et la guerrière avait tout bonnement refusé. Elle avait dit à Gabrielle que si elle voulait les aider, elle pouvait y aller toute seule. Que les villageois ne valaient pas la peine qu'elle perde son temps, et par extension, Gabrielle non plus.

Elle avait pris ses manuscrits, et elle était partie, pour aller trouver un endroit tranquille et s'était laissée tomber là, ignorant la chaleur et essayant d'oublier les remarques blessantes de sa compagne.

Et elle avait découvert que c'était impossible. Des semaines de tension entre elles avaient fini par l'user et elle s'était surprise à regretter sa décision d'avoir quitté son village. A vraiment la regretter, pour la première fois. Je n'en peux plus, s'était-elle dit, en murmures. Elle ne m'aime pas, elle ne veut pas de moi… je ne lui rends pas service en restant avec elle.

Et cela lui avait fait mal, parce qu'il y avait certaines choses chez Xena qu'elle aimait énormément. Son courage, le sens inné de la justice qu'elle avait aperçu sous la façade du seigneur de guerre, et de temps en temps, les brèves lueurs d'humour qui ne manquaient jamais de surprendre Gabrielle.

Mais cette froideur… et le manque de… respect… elle s'était rendu compte qu'elle ne pouvait plus le supporter. Cela faisait trop mal. Je crois qu'il va falloir que je rentre… à la maison. La pensée lui fit monter les larmes aux yeux de façon inattendue, et elle les laissa couler. Hé… au moins, tu as essayé, pas vrai ? Et elle avait appuyé la tête contre la roche chauffée par les rayons du soleil. Si seulement… dieux, Gabrielle, ne sois pas si bête. Elle n'a pas besoin d'une amie comme toi… ça, au moins, ça ne fait pas de doute. Elle te tolère, et encore, pas toujours. Alors… laisse tomber.

Sa décision prise, elle s'était levée, et était retournée au camp, étonnée de ne pas y trouver Xena. Super, avait-elle marmonné. Sans doute en train de ronchonner dans un coin. Elle avait sorti quelques provisions de leur réserve, et avait mangé en silence, puis elle s'était redressée, et avait rangé ses quelques affaires dans son sac. Autant partir dès ce soir.

Puis elle s'était rassise et avait joué un peu avec le feu, jusqu'à ce que des bruits de bottes familiers ne lui indiquent le retour de Xena. Elle avait préparé ses adieux, levant les yeux alors que la guerrière avançait dans la lumière du feu de camp. Les mots n'étaient pas sortis de sa bouche lorsqu'elle avait vu la silhouette trempée et couverte de boue de Xena qui lui avait jeté un coup d'œil distrait par-dessus l'épaule.

" Ils sont tous sains et saufs. " C'était tout ce que Xena avait dit, et Gabrielle avait compris ce qu'elle avait fait au cours des dernières heures. Elle a fait ça pour moi, avait-elle compris tout à coup. Parce qu'elle savait que je voulais qu'elle le fasse. Et ce que je voulais était important pour elle.

Elle s'était levée, et s'était avancée jusqu'à l'endroit où Xena était en train de se battre avec un morceau de son armure. Elle avait posé doucement la main sur le bras de la guerrière, évitant les coupures et les égratignures qui recouvraient la plus grande partie de sa peau nue.

" Merci ", avait-elle dit. Et elle avait levé la tête vers ces magnifiques yeux bleus et vu, au plus profond, une envie soudaine, tranquille et mélancolique qui avait… tout changé. " Je peux te donner un coup de main ? " Les brassards étaient recouverts de boue, et l'eau de la rivière avait tellement gonflé les liens qu'elle avait dû tirer de toutes ses forces pour les dénouer. Et elle avait vu les hématomes sombres et nets sous les brassards, causés par les rochers de la rivière en crue.

Une petite tape sur l'épaule. Une offre de bain froid et revigorant. C'était comme si on avait ouvert une porte, elle n'avait pas hésité un seul instant. Elle était entrée, et elles avaient continué ensemble. Mais elle avait compris, cette chaude et furieuse nuit, que certaines choses valaient la peine de se battre. Et l'une de ces choses était cette personne ténébreuse, parfois cruelle dont elle savait à présent avoir touché le cœur.

Qui avait, elle devait l'admettre, trouvé la clé de son cœur, et s'y était installée. Elle avait compris tout cela alors qu'elles se détendaient dans la source fraîche, appuyées contre le même tronc d'arbre flottant, leurs épaules s'effleurant. Elles n'avaient rien dit, mais elle avait senti… qu'elle faisait partie de quelque chose. Ce n'était pas grand-chose, mais c'était un peu comme… si elle était rentrée à la maison.

 

 

 

 

 

Gabrielle ferma les yeux et embrassa doucement leurs doigts liés. " Et… j'avais tout le temps peur pour toi. " Elle rouvrit les yeux et croisa ceux de Xena. " Tu te battais tellement avec toi-même… cela me faisait mal, rien que de te regarder. " Elle fit une pause, et regarda sa compagne droit dans les yeux. " Mais je n'ai jamais eu peur de toi. "

 

" Non ? " fit doucement Xena en l'attirant contre sa poitrine.

 

" Non ", répondit le barde en se blottissant contre elle avec un petit soupir satisfait. " En plus, mon histoire à moi se finit bien. " Elle renversa un peu la tête en arrière et leurs lèvres se joignirent. Elle ferma les yeux lorsqu'elle sentit Xena répondre au baiser et glisser la main sur sa nuque, s'enfonçant dans ses cheveux.

 

" Vraiment ? " murmura Xena lorsqu'elles firent une brève pause.

 

" Hm, hmm. " Gabrielle mordilla sa mâchoire, et frissonna en sentant Xena mordre légèrement son oreille. " C'est mon histoire, et c'est ma fin, et je me sens bien, ça ne fait pas de doute. "

 

Le souffle de la guerrière la réchauffait, tandis que les mots glissaient comme du miel dans ses oreilles. " Je crois que ça a bien fini pour elles aussi ", murmura-t-elle.

 

Gabrielle inspira brusquement. " Alors elles ne sont pas… "

 

" Non ", confirma Xena, tout en progressant sur sa nuque, et elle eut le souffle coupé pour une toute autre raison. " Tu veux que je te raconte ? "

 

Un rire grave s'échappa de la gorge du barde. " Ça peut attendre. "

 

 

 

Chapitre 73

 

Xena ouvrit lentement un œil, et leva un sourcil vers le ciel où le jour se levait à peine. Tu rigoles ou quoi ? pensa-t-elle, en refermant l'œil en question avant d'enrouler encore un peu plus son corps autour de celui de Gabrielle. Elle ne se souvenait pas vraiment d'être passée de la cheminée au lit… ah si. C'est vrai… elle avait porté Gabrielle, malgré les protestations du barde, parce qu'elle s'était blessée à l'épaule et tout.

Et parce qu'elle était bien bornée, elle lui avait prouvé qu'elle était en pleine forme en faisant un détour par la fenêtre illuminée sous la lumière de la lune argentée et l'avait tenue là, dans ses bras, et l'avait embrassée jusqu'à ce qu'elles en aient toutes les deux le souffle court.

Xena sourit, rien qu'en y repensant. A présent, la lune s'était couchée, il faisait nuit noire, et elle tira avec plaisir les couvertures sur elles et s'abandonna à la sensation chaleureuse dans laquelle elle flottait, sachant qu'elle pourrait participer à la cérémonie d'union sans trop d'embarras.

O… K… Xena. Alors… qu'est-ce que tu vas lui dire ?

Quelques idées un peu bêtes lui trottèrent dans la tête, et elle y réfléchit joyeusement, rigolant en silence. Non… non… allez, sois sérieuse deux minutes. Tu savais comment être sérieuse, dans le temps, tu te souviens ? Elle resta allongée pendant un moment, sans rien dire, absorbant la chaleur de la peau de sa compagne sur la sienne, sentant le rythme délicat du souffle du barde contre son épaule, et qui correspondait exactement au sien. Qu'est-ce que je pourrais lui dire qui n'ira pas rendre ça trivial ?

Elle sentit qu'on lui mordillait la poitrine, et elle sourit, mais garda les yeux résolument fermés.

" T'es réveillée ? " Le souffle léger des mots contre sa peau.

" Un peu ", marmonna Xena.

" Comment va ton épaule ? " Un autre mordillement, cette fois un peu plus bas.

" Je vais pas en mourir ", répondit la guerrière en bougeant un peu la zone endommagée.

" Tu sais… J'aurais été la première à retourner dans la grotte, aujourd'hui ", commenta tranquillement Gabrielle en glissant la main pour toucher les griffures. " Je crois bien que tu m'as sauvé la vie. Encore une fois. " Ses doigts glissèrent un peu vers le bas, dessinant les côtes de Xena, et puis encore un peu, jusqu'à ce qu'elles s'arrêtent sur son ventre, bougeant doucement au rythme du souffle de la guerrière.

" Ça fait partie du job ", répliqua Xena avec un sourire endormi, avant d'embrasser le barde sur la tête. " On est bien payé. " Elle sentit Gabrielle rire doucement alors qu'elle l'attirait contre elle.

" Le job te plaît, hein ? " demanda à nouveau le barde, tout en laissant ses doigts dessiner lentement des motifs inconnus sur la peau douce.

" Hm, hmm. " Une réponse, rien qu'un murmure, qui effleura à peine son oreille.

Gabrielle sourit. " Ça tombe bien. C'est un emploi à vie. " Elle se blottit un peu plus près. " Tu le savais, pas vrai ? "

Xena resta silencieuse un instant. Elle pensa de façon calme et rationnelle à un millier de raisons pour ne pas faire cela, toutes valides, toutes logiques. Elle les étudia sérieusement pendant un moment, puis elle quitta tout simplement la pièce dans lesquelles elles se trouvaient et referma la porte à clé derrière elle. " Ouais, je m'en doutais un peu. " Elle caressa doucement le dos du barde, et laissa ses mains glisser sur sa taille, en lui donnant une petite chatouille au passage.

Gabrielle eut un petit gloussement, et baissa la main pour attraper la guerrière derrière le genou, sentant les muscles se tendre sous son autre main alors que Xena étouffait un rire. " Tu es à ma merci ", grogna-t-elle en passant doucement ses doigts sur la peau extrêmement sensible.

Et elle se retrouva saisie fermement par la taille, soulevée puis réinstallée dans les bras de Xena. " Ouais, ça fait pas de doute ", acquiesça la guerrière joyeusement en avançant un peu son visage vers elle pour l'embrasser.

Le baiser fut long, jusqu'à ce qu'elle sente les mains du barde glisser de son cou et commencer une lente exploration, se faufilant à l'intérieur de sa chemise et caressant doucement la courbure de ses côtes. " Et j'aime vraiment être là ", dit-elle doucement.

Gabrielle s'interrompit et appuya son menton sur la clavicule de Xena. " Vraiment ? "

" Oui ", répondit-elle sincèrement. " Vraiment. "

" Mmm ", soupira le barde. " Je sais que… " D'un geste absent, elle se mit à tracer du bout des doigts un motif abstrait sur le cou de Xena. " Je n'ai pas beaucoup d'expérience… "

Ah, se dit Xena. Je me demandais quand on allait en parler.Elle soupira, et installa confortablement ses bras autour de sa compagne. " Laisse-moi te dire un truc, OK ? "

Gabrielle se contenta de hocher la tête.

" Il y a beaucoup de façons différentes de faire ça, tu es d'accord ? " commença Xena, attendant l'acquiescement du barde. " D'accord. " Elle inspira. " Autrefois, c'était une arme pour moi, Gabrielle. "

Silence total du barde.

" Tu le sais bien… je faisais… ce qu'il fallait pour obtenir ce que je voulais. " Xena ferma les yeux, pour ne pas avoir à regarder le visage de Gabrielle. " Et j'ai fait tout ce que tu peux imaginer et plus. " Une pause. " Et je n'en suis pas fière. "

Gabrielle ne disait toujours rien, mais elle enroula bientôt ses doigts chauds autour de ceux de la guerrière et les serra doucement. Xena eut un petit sourire douloureux. " Mais ce que j'ai compris, c'est qu'à moins qu'il n'y ait des sentiments, cela ne veut pas dire grand-chose. C'est… juste un acte. Comme de manger, ou de jeter une pierre, ou… bref. "

Gabrielle baissa doucement la tête et la posa contre l'épaule de Xena. " Je n'y avais jamais pensé ", soupira-t-elle.

Xena la regarda avec mélancolie. " Et puis… j'ai compris que… lorsque tu as des sentiments pour quelqu'un, alors ce qui importe le plus, ce n'est pas ce que tu fais, mais surtout avec qui tu le fais… et plus ces sentiments sont forts, moins ça importe. " Elle glissa la main sous la mâchoire de Gabrielle et souleva un peu son visage. " Et… parfois… d'habitude une seule fois dans toute ta vie, je crois… parfois… ces sentiments sont tellement… tellement forts, que tout ce qu'il te faut, c'est une caresse… " Elle effleura la joue du barde du bout des doigts. " Ou un regard. " Leurs yeux se croisèrent pour ne plus se quitter. " Un baiser. " Elle pencha la tête et leurs lèvres se joignirent, et le flux chaleureux et profond de leur connexion se déversa sur elles.

Elles se séparèrent un peu, juste assez pour que Xena puisse à nouveau regarder sa compagne droit dans les yeux. " Et tu sais que tu as trouvé ton foyer. " Elle inspira. " Et c'est ce que je ressens quand je suis avec toi. " Elle caressa doucement le visage stupéfait du barde. " Alors… ne t'inquiète pas, mon amour. Aucun de mes souvenirs ne t'arrive à la cheville. "

Gabrielle la regarda simplement, absorbant le moment, tout en en chérissant la douceur. " Tu sais ", finit-elle par chuchoter avec un long soupir. " Je vais devoir commencer à t'accuser de tendances bardiques si tu continues comme ça. "

Elles se sourirent, puis Gabrielle tourna la tête vers la fenêtre que la lumière de l'aube avait rendu grise. " Il va falloir qu'on se lève. Je suis censée aller finir ce qu'on a commencé dans cette grotte avec Elaini, et puis ensuite assister à la cérémonie à midi. "

Xena la regarda sans broncher. " Nous. "

" Hmm ? " Le barde tourna la tête vers elle. Espérant de toutes ses forces qu'elle voulait dire ce qu'elle pensait qu'elle voulait dire.

" Nous, c'est-à-dire toi et moi, allons retourner dans cette grotte, puisque notre amie viking a l'air d'avoir laissé quelques mauvaises surprises, et puis… nous, c'est-à-dire toi et moi, allons passer un peu de temps dans une caverne de cristal, pas très loin d'ici. " Une pause. " Si ça te va. "

Gabrielle la serra si fort dans ses bras qu'elle en eut presque le souffle coupé. La douleur lui transperça l'épaule, et elle ne le sentit même pas. Cela en valait vraiment la peine. Vraiment.

*********

 

" Ecoutez ", fit Xena pour la quatrième fois. " Si vous me laissiez faire, je pourrais m'en occuper. " Et, pour la quatrième fois, fut ignorée par les six êtres de la forêt qui n'arrivaient pas à décider du meilleur moyen de soulever la pierre qui bloquait le passage.

" On ne sait pas ce qu'il y a là-dedans ", grogna Wennid, les mains sur les hanches. " Ça pourrait être plein de chauve-souris. "

" Des chauve-souris ", marmonna Xena en silence, appuyée contre le mur, les bras croisés sur la poitrine. " Et comment elles sont entrées là-dedans, hein ?… elles ont creusé un tunnel ? Avec leurs petites ailes ? "

Un gloussement étouffé lui confirma qu'on l'avait entendue.

" Peut-être qu'elles avaient des petites pelles pour chauve-souris ", continua-t-elle.

" Xena. " Le chuchotement était plus un bredouillement qu'autre chose.

" Ou peut-être qu'elles ont poussé là-dedans comme des champignons. "

" Arrête. " Gabrielle se penchait à présent vers elle. " Allez, c'est leurs manuscrits, après tout. "

" Ouais. " La guerrière quitta le mur et secoua un peu les épaules. " Mais c'est ma patience. " Elle alla se placer derrière Wennid, et saisit doucement mais fermement les épaules de l'être de la forêt, pour la guider vers les plates-formes et loin du couvercle de pierre. Lorsqu'elle se retourna et se dirigea vers la pierre, les autres êtres de la forêt s'écartèrent sans un mot. Ce qui leur valut un sourcil levé. " Merci. Je vais m'occuper de ça. " Ils la regardèrent tous. Elle hésita, puis croisa les doigts de ses deux mains et expliqua. " Cela a été conçu pour être ouvert par une seule personne. Ce genre de couvercles tourne si on les soulève… si vous ne faites pas à un certain angle, vous risquez de le faire tomber dans le trou… ce qui n'est pas une très bonne idée. "

" Oh ", fit Wennid, dans un murmure. " Je vois. "

Elle s'accroupit, puis s'assit, plaçant ses pieds de chaque côté de la lourde pierre, puis tendit les mains de l'autre côté pour les placer sur le bord tranchant. Elle inspira alors profondément, et arqua tout son corps pour soulever la pierre avec un frottement très net contre sa poitrine. Elle fit une courte pause, se concentrant, puis affermit sa prise, et souleva à nouveau, dégageant la pierre par la force, avant de la balancer sur sa jambe et de la laisser retomber sur le sol en granite.

Un trou sombre de forme carrée apparut, disparaissant ensuite dans le sol. Du trou émanait une odeur de moisi et d'humidité. Xena s'essuya les mains, et regarda le trou pensivement, avant de ramasser un petit morceau d'ardoise et de le laisser tomber, la tête légèrement penchée pour mieux écouter. La guerrière attendit quelques secondes avant de percevoir l'impact. Dieux. Ça doit faire cinq fois ma taille, au moins. L'ouverture était à peu près régulière, mais étroite… elle la mesura du regard. Bon sang. Gabrielle pourrait passer, ou moi, mais tout juste. Et je ne crois pas être capable de faire… ça.

Une main se posa sur son épaule. " N'y pense même pas ". Un chuchotement contre son oreille. Et tout à coup, la pièce lui sembla plus petite… Xena se leva, et passa dans la caverne extérieure, sachant que Gabrielle l'y suivrait.

Ce qu'elle fit. " Je ne plaisante pas ", fit tranquillement le barde en croisant les bras. " Je connais ce regard, Xena. " Elle fit le tour de la guerrière, la forçant à la regarder. " C'est moi qui descends. "

" Ce n'est pas une bonne idée ", fit Xena en imitant sa posture. " La tablette disait très clairement que c'est dangereux. "

Gabrielle répliqua de la même façon, regard pour regard. " Et après ? On ne fait jamais rien de dangereux, peut-être ? "

" C'est moins dangereux si c'est moi qui y vais ", répliqua calmement Xena.

" Vraiment ? " Gabrielle s'approcha, jusqu'à ce qu'elle touche presque sa compagne. " Vraiment ? Tu crois que je ne te vois pas transpirer ? Tu crois que je ne sens pas ce qui se passe dans ta tête ? "

Dans le mille. Le barde vit les narines de Xena tressaillir, et les muscles de sa mâchoire se tendre. " Tu es à deux doigts de perdre ton sang froid, et ne va pas croire que je ne m'en rends pas compte. " Elle baissa un peu la voix. " Ce n'est pas de ta faute. Mais que va-t-il se passer dans ce petit tunnel noir, Xena ? Tu ne peux pas descendre là-dedans. "

" Et si tu descends, toi, parce que moi je ne peux pas, et que tu es blessée ? Tu crois que c'est mieux ? " répondit Xena brusquement. " Je préfère tenter ma chance dans le tunnel. "

" Ne me traite pas comme une gamine, Xena ", fit le barde. " C'est mon choix. "

Mauvaise tactique, Xena. Mauvaise tactique. Tu te souviens du plan de secours ? Arrête de jouer au seigneur de guerre, tu veux ? " Gabrielle… " soupira-t-elle en décroisant les bras, pour saisir doucement le visage du barde entre ses mains. " Si cette tablette parlait d'un test de courage, alors tu aurais ma bénédiction, mon amour. Tu en as plus que je n'en aurai jamais. "

Les yeux verts de Gabrielle s'adoucirent, et elle leva les mains pour les enrouler autour de celles de sa compagne. " Ce n'est pas vrai ", répondit-elle doucement.

" Je crois que si… mais cette tablette parle de tester la taille, et la force, et les réflexes… et Gabrielle, je veux que tu me regardes droit dans les yeux, et que tu me dises que je ne suis pas un meilleur choix pour cela. "

Un silence apaisant retomba sur la grotte, interrompu par les chuchotements provenant de la salle intérieure, et le soupir du vent qui entrait par la fissure dans le mur, d'où le soleil du matin filtrait et peignait une barre presque jusqu'à leurs pieds.

" Qu'elles aillent à Hadès, ces tablettes ", répondit enfin Gabrielle. " Qu'elles restent là-dedans. "

" Tu ne sais pas ce qu'elles contiennent ", répliqua lentement Xena.

" Je me fiche de ce qu'elles contiennent ", fit doucement le barde. " Rien de ce qu'il y a là-dedans ne vaut la peine de te faire endurer ça. " Elle inspira. " Laisse-les là où elles sont. Je ne veux pas les voir. "

Le visage de Xena devint immobile. Puis elle baissa les yeux et sentit ses épaules se détendre. " Je n'ai jamais reculé devant un défi de toute ma vie ", dit-elle calmement. Puis elle releva les yeux et croisa le regard du barde. Elle eut un sourire forcé. " Mais il y a un début à tout, pas vrai ? " Elle donna une petite tape sur la joue du barde, et se détourna avec un petit soupir, avant de se glisser par l'ouverture qui conduisait à la salle intérieure.

Gabrielle resta là, debout, s'étreignant de ses bras, et fixa le sol en pierre un très long moment. Puis elle se ressaisit, et expira longuement, avant de revenir vers l'entrée de la salle. Elle posa la main sur la roche et jeta un coup d'œil à l'intérieur avant d'entrer.

Les êtres de la forêt étaient regroupés autour de l'ouverture, discutant de ce qu'allait être leur plan d'action, et mesurant de la corde dans le but de déterminer la profondeur du gouffre. Mais les yeux de Gabrielle se posèrent sur sa compagne qui était allée s'asseoir sans rien dire contre le mur du fond.

Xena avait renversé la tête en arrière, et regardait l'activité dans la grotte d'un air vaguement détaché. Elle avait entouré ses genoux de ses avant-bras et, tandis que le barde l'observait en silence, ses yeux bleus se fermèrent, presque comme par eux-mêmes, et les larges épaules s'affaissèrent un peu, sa tête retomba un peu en avant et vint se reposer contre sa main. Lorsqu'elle ouvrit à nouveau les yeux, Gabrielle y lut un air de défaite tranquille, un air qui frappa le barde si profondément qu'elle en eut le souffle coupé.

J'ai dit… qu'elle était la personne la plus complexe, la plus sûre d'elle… la plus déterminée que j'ai jamais connue. Ou que je connaîtrais jamais. Et c'est la vérité. La façon dont elle se voit elle-même est une partie très importante de son être… et si elle pense qu'elle peut être battue… dieux… avec un esprit tel que le sien, elle pourrait se convaincre de n'importe quoi. Je n'ose pas imaginer ce que ça risque de lui faire…

Gabrielle, il n'y a qu'une réponse à cette question. Allez, vas-y, tu réfléchiras plus tard. Elle se glissa de l'autre côté de la salle, derrière les êtres de la forêt qui ne lui prêtèrent pas attention, puis vint s'asseoir près de Xena, passant son bras sous celui de la guerrière.

" Salut. " Xena eut un sourire forcé, tournant la tête pour regarder le barde. " Est-ce que tu… quoi ? " Son attention se trouva soudain piquée.

Gabrielle savait que sa décision devait être très claire sur son visage. " Vas-y ", dit-elle alors simplement.

Xena s'immobilisa, puis la regarda intensément. " Mais tu as dit que… "

" Je sais ", répliqua fermement le barde. " Mais j'avais tort. Alors vas-y. Et je t'en supplie… fais attention. " Elle leva leurs mains jointes jusqu'à ses lèvres et les posa sur les phalanges de Xena. Puis elle la relâcha et se recula un peu pour laisser la guerrière se lever.

Xena la fixa un très long moment de ses yeux bleus, puis se leva et lui tendit la main.

Ella la prit et fut hissée sur ses pieds, avant de se retrouver dans une chaude étreinte, qu'elle rendit, et lorsque Xena la relâcha, elle effleura des lèvres l'oreille du barde. " Tu es mon phare dans la nuit, mon amour. Ne l'oublie jamais. "

Puis la guerrière avança, poussant un peu Tobias. " Aucun d'entre vous n'arrivera à passer dans ce trou ", déclara-t-elle, en s'asseyant au bord, les jambes pendant dans le vide. " Il n'y a que moi ou Gabrielle qui puisse passer, et c'est moi qui ai tiré la courte paille. "

Les yeux jaunes des êtres de la forêt se posèrent sur le barde, qui croisa les bras en silence, puis revinrent vers Xena.

" Souhaitez-moi bonne chance ", fit Xena doucement, puis elle se glissa sur le bord, et tâtonna à la recherche des petites prises qu'elle avait vues dans la pénombre. Mieux valait ne pas utiliser une corde, à cause des bords acérés. Il ne lui restait plus qu'à espérer que son amie viking avait prévu de pouvoir au moins descendre dans le gouffre elle-même. Et si tu peux le faire, je peux le faire, fit-elle en silence, à l'attention de la pirate depuis si longtemps disparue.

Elle trouva la première série de prises au toucher, et s'abaissa d'une bonne longueur de bras avant de chercher la seconde série du pied. Elle la trouva… un peu plus haut que prévu, et s'arrêta, puis libéra ses pieds des petits bords et se laissa tomber, faisant confiance à son instinct pour se rattraper.

Cela fonctionna, mais elle se demanda rapidement comment elle arriverait à remonter. Une fois ses mains fermement agrippées aux prises, elle en trouva d'autres, plus près, et parvint à descendre dans le gouffre sans trop de problèmes.

Mais il faisait de plus en plus sombre, la lumière des torches au-dessus d'elle disparaissant peu à peu, et lorsqu'elle atteignit le fond du gouffre, elle transpirait et son cœur battait si fort qu'elle en avait mal au crâne. Elle s'arrêta, et s'appuya contre la roche, levant les yeux vers le petit carré à peine illuminé au-dessus de sa tête. Je dois être complètement dingue. Par Hadès, mais qu'est-ce qui m'a pris de descendre là-dedans ? Un de ces jours, ma fierté va me coûter cher.

Ces pensées l'aidèrent à se changer les idées ; elle prit une torche dans le sac qu'elle avait emporté, et l'alluma. Un simple couloir descendait, avec à peine assez de place pour s'y faufiler. Oh, oh. Elle accrocha la torche près de l'entrée et passa la tête dans le tunnel.

C'était pas une bonne idée. Elle ferma les yeux, se concentra, puis les rouvrit lentement. Le passage semblait se finir un peu plus bas, mais jusque-là, c'était une veine tordue dans la roche, aux murs inclinés et au plafond bas. Une odeur chaude et proche de roche lui parvint, et tout à coup, elle se retrouva dans l'éboulement, avec la même odeur, et la même sensation d'étouffement ténébreux.

Elle en eut le souffle coupé, et s'appuya brutalement contre la paroi du tunnel, se battant pour reprendre le contrôle. Il lui fallut un temps infini pour rouvrir les yeux, et laisser échapper un soupir tremblant. OK, OK. Ce n'est qu'un tunnel. Il est ouvert des deux côtés, Xena. Tu peux en sortir. Lentement, elle passa la tête dans le tunnel.

La lumière vacillante de la torche dansait sur les cristaux encastrés dans les murs irréguliers, tandis qu'elle avançait dans le tunnel, le corps tourné sur le côté pour ne pas toucher les murs. Dans d'autres circonstances, se dit Xena en levant les yeux, je trouverais presque ça joli. Elle fit une pause, et leva la main pour toucher un gros morceau de roche cristallisée, puis elle soupira et reprit sa progression.

Il régnait un silence de mort, seuls les bruits distants de la montagne qui respirait et projetait des tourbillons d'air passèrent près d'elle, faisant trembler la flamme de la torche et le son de ses propres gestes. De son propre souffle, qui lui semblait si fort.

Encore quelques pas, et le tunnel prit fin, s'ouvrant un peu. Elle soupira, soulagée, et avança encore un peu, puis s'arrêta, sentant un frisson de danger lui parcourir le dos.

Elle n'eut pas le temps de réfléchir. Elle laissa son instinct de guerrière prendre le dessus et abaissa la torche, tournoyant, puis plongea pour éviter la trajectoire d'un objet qui fila tout près d'elle et alla s'écraser contre le mur opposé, projetant une pluie d'étincelles sur le sol et sur son corps recroquevillé.

Elle resta immobile, les yeux cherchant sur le sol l'interrupteur qui avait déclenché le mécanisme. N'en trouvant aucun, elle leva les yeux vers le plafond et, dans la faible lumière que projetait la torche presque éteinte, elle vit ce qui l'avait presque touchée.

Un marteau de guerre, dont la tête était aisément aussi longue que son bras, et posée sur un manche qui faisait la moitié de son corps. Bon sang. Elle se leva avec précaution et examina l'arme qui se balançait encore. Et elle imagina, pendant un instant bref mais troublant, ce que le marteau aurait fait à Gabrielle s'il l'avait touchée. Elle ferma les yeux, et s'assit sur le sol recouvert de petits cailloux, les mains entourant ses genoux, le front appuyé contre eux ; elle resta ainsi pendant un long moment.

Enfin, elle se redressa et laissa échapper un long soupir. Elle se leva, essuya un peu sa tenue de la main, contente d'avoir choisi de porter ses jambières ainsi que son épaisse tunique en laine pour la protéger du froid qui régnait dans la grotte. Elle ramassa la torche, et lança un dernier coup d'œil vers le marteau avant de reprendre sa progression. Au moins, ça m'a donné quelque chose de plus tangible au sujet duquel m'inquiéter, pensa-t-elle avec sarcasme, sentant la peur reculer, vers un niveau différent, et permettre à ses instincts de combattante de refaire surface. C'était juste.

Dans les ténèbres rodait à présent le danger, et elle sentit son corps réagir à la menace. Son ouïe s'affina, et elle inspira l'air brusquement, testant les courants. Sa peau frissonna un peu, ses sens percevant l'ennemi à proximité, ce qui lui permettait de combattre avec une totale précision, même les yeux bandés. D'attraper les flèches au vol, et de saisir le chakram sans même le regarder. Elle… savait… voilà tout… et elle sentit cet instinct faire surface, et partir en avant, sondant… testant…

Elle saisit la flèche avant même qu'elle ne soit sortie de sa niche pourtant si bien dissimulée, et sentit un sourire féroce se dessiner sur ses lèvres. Il va falloir faire mieux que ça, ma Viking. Elle sentit un filet, l'évita, tâtant doucement pour trouver le mécanisme de relâche, avant de le déclencher. Elle regarda amusée les grosses cordes se regrouper vers le plafond. Ce n'était pas une jolie façon de mourir, se dit-elle. Mais ce n'était pas pire que de se faire écraser ou embrocher. Elle ne rigolait pas, la Viking.

Le passage tournait à présent sur la gauche, et Xena avança prudemment au coin, ses instincts en alerte. Rien. Un simple tunnel, avec une ouverture à l'autre extrémité. Ses yeux sondèrent rapidement la roche, à la recherche de pièges, mais ne trouvèrent rien. Alors elle s'avança un peu dans l'ouverture.

Elle goûta l'espace autour d'elle, avec encore plus d'attention qu'avant, et sentit un léger poids se soulever de ses épaules. Elle se trouvait dans une salle, et le plafond était haut au-dessus de sa tête, si haut qu'elle pouvait entendre le léger écho de ses pas sur le sol, avançant vers les murs plongés dans la pénombre.

Elle sentit l'odeur d'huile, et repéra une torche abandonnée là depuis longtemps, placée dans un socle de fortune à peu près à la hauteur de son visage. Hmm. Elle leva un sourcil. Autant essayer… elle posa sa torche contre celle qui reposait sur le mur, et fut légèrement surprise de la voir s'allumer. Elle cligna des yeux, puis fit le tour de la caverne plus ou moins circulaire et alluma cinq autres torches.

Puis elle planta la sienne dans une crevasse et se recula, les mains sur les hanches, et regarda autour d'elle.

Alors voilà leur forteresse, pensa-t-elle, émerveillée, admirant les lambeaux délavés qui avaient dû être des tapisseries sur les murs. Les restes d'un âtre étaient encore au centre de la pièce, et d'un côté se trouvait ce qui ressemblait à un grand lit, recouvert de ce qui avait dû autrefois être des fourrures d'animaux.

Les restes effrités d'une table se trouvaient d'un côté, et elle s'accroupit, cherchant parmi les morceaux, et trouva des outils taillés dans la pierre incrustée dans la montagne qui l'entourait. Du bout des doigts, elle effleura, émerveillée, les couteaux laborieusement taillés, et en souleva un délicatement, testant sa lame.

Encore tranchante. Elle se leva, et fit le tour de la salle, près des murs, où des crevasses irrégulières avaient été transformées en niches de rangement, où des objets recouverts de poussière reposaient encore, anonymement. Des objets personnels, comprit Xena, tandis qu'elle les observait. Des peignes. Le reflet un peu trouble d'un miroir. Un morceau de cuivre martelé, orné d'un motif entortillé familier. Elle souleva l'objet et le tourna vers la lumière, laissant des souvenirs lointains faire surface.

Un toit grossièrement tressé sur une dépression plus profonde, et elle posa la main sur le rebord du toit avant de se pencher pour examiner ce qu'il abritait… une harpe ? Si vieille, qu'elle dut regarder de près pour vraiment pouvoir distinguer sa forme, et elle pencha un peu plus, pour souffler doucement sur la poussière qui la recouvrait.

Et l'étagère au-dessus de sa tête, tirée par le léger mouvement, s'effondra, la projetant sur le sol si vite qu'elle n'eut même pas le temps de respirer. Quelques pierres tombèrent sur son crâne, apportant avec elles des ténèbres qu'elle ne put plus repousser.

Le silence retomba, seulement interrompu par le souffle des torches qui brûlaient patiemment.

 

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