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BOUND5

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Unies/ Bound

 

par Melissa Good

 

Traduction : Katell et Fryda

 

***

Partie 5A

*****

 

 

Chapitre 40

 

La salle du conseil était bondée lorsqu'ils arrivèrent, une masse d'êtres de la forêt mouillés qui bougeaient et se plaçaient dans la pièce petit à petit. Lestan entra et prit place sur son siège, avant de faire signe à Xena de l'imiter.

 

Un court silence suivit, durant lequel le son régulier de la pluie dehors ponctuée par le tonnerre roula par-dessus leur tête. " Bon ", fit Lestant en posant la main sur la table et en jouant doucement avec la poignée de sa tasse. " Comme certains d'entre vous le savent déjà, nous avons subi une nouvelle incursion aujourd'hui. Les sentinelles de Sécan ont pénétré dans notre territoire et ont tendu une embuscade à mon fils. "

 

Un silence, alors que les yeux dorés bougeaient pour croiser les siens avec inconfort.

 

" Jessan va bien, à part quelques côtes cassées et une ou deux coupures ", continua Lestan, et il sentit une vague de soulagement envahir la salle. Son attention se porta sur la femme silencieuse aux cheveux sombres qui se tenait parmi eux. " Peux-tu nous donner des détails sur ce qui s'est passé, Xena ? "

 

Elle répondit d'une voix calme et contrôlée, avec un ton vibrant qui atteignait aisément tous les membres de l'auditoire. " Il n'y a pas grand-chose à dire, Lestan. J'étais en train de courir le long de votre frontière nord et j'ai vu deux étrangers qui s'attaquaient à Jess. " Elle haussa les épaules. " Je les ai fait déguerpir, mais ça ne leur suffisait pas, alors ils sont revenus. " Elle fit une pause. " L'un d'eux s'est fait déboîter l'épaule par Jess et puis il a filé. "

 

Les êtres de la forêt présents échangèrent des coups d'œil. " Et l'autre ? " demanda Lestan en se penchant en avant.

 

Pas de réponse de Xena, mais ses lèvres esquissèrent un sourire féroce.

 

" Je vois ", fit Lestan en inspirant. " Cela va… compliquer les choses. " Dieux. Elle l'a tué. Et c'était sans doute une de ses meilleures sentinelles, et ils ont un témoin.

 

Elle haussa les épaules, comme pour s'excuser. " Il m'a foncé dessus avec une épée, Lestan. "

 

Et elle était désarmée, il le comprit alors. " Ce n'est pas de ta faute, Xena. " Il lui sourit. " J'aurais bien aimé voir ça. " Et, en regardant autour de lui, il vit l'étincelle familière dans les yeux des autres et comprit qu'il n'était pas le seul dans ce cas. Mais… " Cela va précipiter les choses. " Il jeta un coup d'œil vers Wennid. " Sécan va la vouloir. "

 

Wennid haussa les sourcils puis secoua la tête. " Quel imbécile. "

 

Un coup retentit dans la salle et les fit tous sursauter. " Maintenant que j'ai votre attention ", fit Xena calmement, " ça ne vous dérangerait pas trop de me dire ce qui se passe ici ? " Elle sentit une main se poser doucement sur son dos alors que Gabrielle se penchait en avant pour entendre la réponse, et elle se tourna à moitié, croisant les yeux du barde et voyant le sourire qu'elle essayait de maîtriser. Ça t'a plu, hein ? pensa Xena, amusée, puis elle se tourna à nouveau vers Lestan. " Eh bien ??? "

 

Alors il lui raconta tout : Sécan et son clan, qui avaient envoyé un ultimatum : capitulez ou battez-vous, ou envoyez votre meilleur guerrier l'affronter.

 

" Alors on a un problème, Xena. Nous n'avons personne qui puisse l'affronter en combat singulier, et ses sentinelles sont mieux entraînées et plus expérimentées que nos guerriers. " Lestan soupira. " Et mon âme brûlerait au Tartare si je lui cédais, mais j'ai des vies à protéger. " Ses yeux croisèrent les siens. " Et à présent, aussi sûr que le soleil se lève le matin, il va exiger que je te livre à lui en même temps que nous capitulerons. "

 

Xena se mit à rire. Et ce son s'éparpilla dans toute la salle, rebondissant sur les tapisseries qui recouvraient les murs et sur les êtres de la forêt présents. " Alors il va falloir que tu lui dises que je ne t'appartiens pas ", remarqua-t-elle en laissant son regard se promener sur l'assistance. " Aucune chance de les repousser ? "

 

Warrin s'éclaircit la gorge et regarda Xena droit dans les yeux. " Nous perdrions à coup sûr. "

 

Silence.

 

" Pourquoi ? " demanda la guerrière en surprenant tout le monde.

 

L'oncle de Jessan cligna des yeux. " Parce qu'ils ont le feu dans le sang, et pas nous. " Il n'espérait pas qu'elle comprenne la passion qui alimentait les soldats de Sécan et qui en faisait des combattants pratiquement imbattables. Qui les faisait tuer sans remords.

 

Xena hocha lentement la tête. Elle comprenait, sans doute mieux que Warrin le pensait. Sans doute mieux que Warrin lui-même. " Le don d'Arès ", dit-elle doucement, en sentant les remous dans son propre sang.

 

" Oui ", répondit Warrin.

 

" On n'a pas toujours besoin de ça ", fit Xena en se rasseyant, laissant son bras sur l'épaule de Gabrielle. " On peut se servir de sa tête. "

 

Lestan les regarda tous les deux, conscient du duel qui se livrait devant lui, comme s'ils avaient usé d'épées. " Que veux-tu dire, Xena ? " interrompit-il.

 

Elle se tourna vers lui. " Je veux dire que la stratégie peut parfois te faire gagner une journée lorsque tu es en infériorité numérique, que tu es moins fort ou que tu es presque vaincu. "

 

" Imbécile ", grogna Warrin en secouant la tête. " Tu ne sais vraiment pas de quoi tu parles. Tu nous demanderais de courir à notre mort en suivant une stratégie ? "

 

" N'est-ce pas ce que tu veux ? " La voix de Gabrielle porta clairement par-dessus la table et fut suivie par une immobilité terrifiante. Ses yeux vert brume fixaient ceux de l'être de la forêt. " Pourquoi essaies-tu de convaincre tout le monde que vous n'avez aucune chance ? Qu'abandonner est la seule option ? "

 

Warrin se leva et vint lentement jusqu'à elle, son visage de marbre. Il s'arrêta tout près, assez près pour l'atteindre s'il décidait d'attaquer, et sentit ses narines frémir alors que la colère montait en lui.

 

Gabrielle se leva d'un mouvement fluide pour croiser son regard, délicieusement consciente de la tension à fleur de peau qui courait dans l'épaule sur laquelle sa main était restée. Elle serra doucement les muscles sous la peau de la guerrière. Laisse-moi faire, mon amour. Elle attendit sa réponse.

 

" Je ne risquerai pas la vie d'un seul de mes frères ou sœurs dans un plan voué à l'échec, espèce de petite idiote ", siffla Warrin. " Tu sais si peu de choses sur ce que nous sommes. Retourne donc à ta ville d'humains et laisse-nous nous occuper de nos affaires. "

 

Le barde le regarda calmement. " Parfois il faut savoir risquer les choses que l'on aime, Warrin. " Elle soutint son regard. " Je vis avec ce risque à chaque minute, mais cela ne m'empêcherait jamais de m'investir dans quelque chose qui me paraît important. Et si tu ne crois pas en toi-même et en la liberté de ton peuple, à quoi bon ? "

 

Xena s'était à moitié retournée et les regardait avec un sourire calme. Puis elle vit le corps de Warrin frémir et l'arrêta d'un regard. " Non ", fit-elle sèchement, avec dans la voix un grognement qui fut reproduit par le petit corps mouillé à ses pieds.

 

Un seul mot, et elle était sans arme, dans une pièce remplie d'ennemis potentiels qui faisaient deux fois sa taille, et pas un seul d'entre eux n'aurait fait un seul geste contre elle. Ils veulent voir le don d'Arès ? Parfait, pensa-t-elle en laissant le feu monter en elle, et en sachant qu'ils pouvaient le sentir. Qu'ils savaient qu'il était plus présent en elle qu'en eux.

 

" Imbéciles ", cracha Warrin avant de tourner les talons. Mais c'était en fait une retraite, et ils le savaient tous. L'être de la forêt, couvert de cicatrices, quitta la pièce et un silence suivit son départ.

 

Gabrielle laissa échapper un souffle et jeta un coup d'œil vers sa compagne, voyant le sourire vite dissimulé sur son visage. " Eh ben ", soupira-t-elle en se rasseyant, un peu plus près de Xena cette fois.

 

La guerrière glissa un bras autour d'elle et se tourna à nouveau vers Lestan. " Toutes mes excuses, Lestan. "

 

L'être de la forêt secoua la tête. " C'est inutile ", grogna-t-il. " Warrin ne prend pas de risques à la légère, comme tu peux l'imaginer. Il fait ce qu'il pense être le mieux pour le clan… et je l'en remercie. " Il hésita. " Mais les mots de Gabrielle parlent tout autant à mon cœur. " Il fit des yeux le tour de la salle et vit que ce sentiment était partagé. " Y a-t-il une stratégie qui puisse nous sortir de cette impasse ? "

 

Tous les yeux se tournèrent vers Xena et Gabrielle la regarda réfléchir un long moment. " Peut-être ", répondit-elle enfin. " Il me faudrait plus de détails sur ses guerriers. Et sur les tiens. " Elle regarda autour d'elle. " Je pourrais peut-être vous montrer quelques… " Un sourire se dessina sur ses lèvres. "… tours… que Sécan n'a jamais vus. "

 

Ils sourirent à leur tour et une petite vague d'anticipation parcourut la salle, en réponse à son assurance. " Voilà ce que je vous propose. " Xena inspira profondément. " Je vais regarder un peu de quoi il retourne. Si c'est aussi désespéré que Warrin le prétend… s'il n'y a vraiment rien à faire, peut-être que Gabrielle pourra aider à obtenir un accord qui ne sera pas trop en votre défaveur. "

 

Le barde dut faire un effort conscient pour ne pas avoir l'air totalement surprise. Wouah. Je ne m'y attendais pas, à celle-là. Mais elle sentit une chaleur la parcourir en entendant ces mots et elle glissa son bras autour de la guerrière en la serrant légèrement pour la remercier.

 

" Mais s'il existe un moyen honorable de vous sortir de là… " Elle laissa la pensée en suspens et lut la réponse dans leurs yeux. " Je le trouverai. "

 

Lestan se pencha par-dessus la table et saisit son poignet. " Tu n'as pas à faire cela, Xena. Ce n'est pas ton combat. "

 

Xena se mit à rire. " Je crois bien avoir déjà entendu cette phrase par ici. " Puis elle retrouva son sérieux et croisa son regard. " Je le sais. " Une pause, accompagnée d'un sourire sournois. " Mais je n'ai jamais pu résister à une bonne bagarre. "

 

Ils acquiescèrent tous les deux, se comprenant. " Très bien ", soupira Lestan, puis il s'aperçut que sa compagne était en train de lui donner un petit coup dans les côtes. " Oh. Pardon. " Il lui sourit. " Vous joindrez-vous à nous pour le dîner ce soir ? " Il ignora leurs sourires. " Je peux réunir toutes les informations dont tu as besoin à propos des guerriers de Sécan et te les montrer. "

 

Xena se tourna à moitié et leva un sourcil à l'attention de Gabrielle qui hocha la tête. " D'accord ", dit-elle. " Avec plaisir. " Elle jeta un coup d'œil vers l'extérieur, vers le rideau de pluie qui battait toujours la salle de conférence et vers les éclairs qui éclairaient le village à intervalles réguliers. Il a raison. Ce n'est pas mon combat, et je pourrais, en tout honneur, quitter ce territoire et le laisser régler le problème à sa façon. Il y a longtemps, c'est ce que j'aurais fait. Mais aujourd'hui… elle regarda dans son cœur et soupira. J'ai trop changé… c'est malin, Xena, pensa-t-elle, amusée. Mais c'est bon de savoir que ce choix s'impose maintenant si facilement à moi. Peut-être… Elle repoussa la pensée. " Bon, il faut que je retourne sous la pluie, puis que je me change et c'est pareil pour ma partenaire. Alors… "

 

La réunion prit fin et ils partirent tous dans la pluie, mais beaucoup ne remarquèrent pas le froid humide qui semblait pénétrer si profondément, maintenant que la chaleur de l'espoir le combattait.

 

La pluie les frappa comme une véritable cascade alors qu'elles quittaient la salle de conférence et le porche. " Bon sang ", jura Xena en tirant Gabrielle plus près d'elle tout en baissant la tête. " Je sais que j'aime bien la pluie, mais là… " Elle sentit le barde rire un peu, puis s'écarter d'elle. " Hé ?… "

 

" Je vais chercher quelque chose à manger ", cria le barde en désignant la cuisine commune. " Tu n'as pas pris de petit déjeuner. "

 

" Je m'en occupe ", fit Xena en la poussant doucement vers le chalet qu'on leur avait désigné. " Va te sécher auprès du feu. "

 

Gabrielle lui saisit le bras, têtue. " Ecoute, je me souviens de ce que tu as dit ce matin et c'est toi qui a besoin de t'asseoir, pas moi. Alors, vas-y… d'accord ? "

 

Xena s'interrompit et passa ses bras autour du cou du barde. " Gabrielle, je vais bien, vraiment. Allez, vas-y, je t'en prie… tu sais que j'ai horreur d'être malade… " Ses mains saisirent doucement le visage glacé de Gabrielle. " Mais tu sais aussi que j'ai encore plus horreur de te voir malade. " Elle s'interrompit, voyant l'expression dans les yeux du barde. " Tu ne me crois pas, hein ? "

 

Gabrielle secoua la tête. " Nan. " Elle mit ses mains sur ses hanches. " Je crois que tu me joues encore ta scène de la princesse guerrière stoïque, comme d'habitude. "

 

La guerrière soupira. " Ok ", fit Xena puis elle souleva rapidement Gabrielle dans ses bras et resta là quelques instants, à regarder l'expression de surprise sur le visage du barde. " Regarde-moi ", dit-elle doucement et elle vit les yeux verts croiser son regard. " A cette distance, je ne peux rien te cacher, tu le sais bien… "

 

Le barde observa intensément son visage, cherchant en vain les minuscules traces de tension autour de ses yeux et sentant l'assurance ferme de son corps et des bras qui la tenaient au-dessus du sol. " Je ne comprends pas ", fit-elle enfin en levant la main pour caresser son visage. " Qu'est-ce qui s'est passé ? "

 

" C'est une longue histoire ", fit Xena. " Je te raconterai tout à l'heure. Quand tu seras rentrée et que tu te seras séchée ! " Sa voix prit un ton menaçant.

 

" Mais… " protesta le barde, " Ecoute, ça ne peut pas disparaître comme ça. " Elle soupira, frustrée. " Xena, repose-moi, veux-tu ? " grogna-t-elle en tirant sur la tunique de la guerrière. " Je sais que tu peux chasser certaines choses de ton esprit sans aucun effort, mais… "

 

" Tu ne me crois toujours pas, hein ? " commenta Xena avec un petit regard triste. " Accroche-toi. " Elle prit quelques puissantes enjambées, sauta, s'accroupit et s'élança dans les airs, avant de plonger en avant pour effectuer un salto et atterrir dans une flaque de boue avec d'impressionnantes éclaboussures.

 

Elle se redressant sans montrer aucun signe de douleur et se tint facilement, tenant toujours le barde dans ses bras. " Alors ? " fit-elle en regardant le visage de Gabrielle à travers la pluie.

 

Gabrielle expira et souffla les cheveux mouillés qui lui tombaient dans les yeux, avant de saisir son poignet et d'appuyer fermement. " Tu ferais mieux d'arrêter ça ou ça ne va même pas être la peine de parler de déjeuner ", fit-elle en guise d'avertissement, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de sourire et elle entoura ses bars autour du visage de Xena, enfouissant son visage dans l'épaule de la guerrière. " Ok… ok… je te crois… " dit-elle, profitant de la chaleur environnante. " Mais comment… "

 

" Plus tard ", fit Xena en la serrant contre elle. " Maintenant, je te repose et je voudrais, s'il te plaît, que tu ailles te sécher. Pour me faire plaisir ? "

 

A contrecœur, Gabrielle soupira mais garda les bras autour du cou de la guerrière alors que Xena la reposait doucement sur ses pieds. " C'est bien parce que c'est toi. "

 

Elles restèrent sous la pluie un long moment, perdues dans la contemplation de l'autre, ignorant l'eau qui coulait, le tonnerre et la boue qui s'amoncelaient autour d'elles. " Tes lèvres sont toutes bleues ", dit finalement Xena, doucement, en penchant la tête et elle résolut le problème très simplement et très efficacement. " C'est mieux ? " demanda-t-elle après un instant.

 

" Hmm ? " fit le barde en clignant des yeux, avant de secouer un peu la tête. " Quoi ? Oh… les lèvres… oui, oui. " L'air rêveur, elle leva les yeux vers le visage amusé de Xena, puis soupira. " Ok… j'y vais. " Et elle se dirigea vers leur chalet d'un pas rapide avant de disparaître sous la pluie battante.

Xena ricana puis se dirigea vers la cuisine, ses bottes éclaboussant à chaque pas la boue et l'eau. Elle se baissa pour passer la porte du grand chalet et se trouva en présence de plusieurs êtres de la forêt regroupés autour du feu, visiblement perplexes. " Il y a un problème ? " demanda-t-elle alors qu'ils se tournaient vers elle.

 

" Xena ", murmura celle qui se trouvait le plus près d'elle en étendant une main vers l'âtre. " On peut dire ça, oui. La pluie est passée par la cheminée et a éteint le feu. On n'a rien de chaud à part de la soupe… tu peux en prendre si tu veux. " Elle jeta un coup d'œil agacé vers les plateaux d'ingrédients pré-coupés prêts à être cuits. " Par le sang d'Arès. Tout va se perdre avant qu'on réussisse à faire repartir le feu. "

 

Xena regarda les plateaux de nourriture, puis le bouillon qu'on lui proposait. Puis elle sourit. " Je peux prendre de ça aussi ? " demanda-t-elle en désigna la viande.

 

La cuisinière la regarda, intriguée. " C'est cru. "

 

" Je sais ", acquiesça la guerrière. J'ai hâte d'entendre les rumeurs… je mange de la viande crue. " Ce n'est pas grave. "

 

Les quatre êtres de la forêt la regardèrent, puis échangèrent des coups d'œil. " Ok ", fit la cuisinière en désignant les plateaux. " Prends ce que tu veux. "

 

Et c'est ce que fit Xena, choisissant un assortiment de viandes et de légumes crus, un pot de bouillon et quelques condiments que les êtres de la forêt utilisaient pour assaisonner leurs plats parfois un peu fades. " Merci ", fit-elle, puis elle s'arrêta sur le pas de la porte. " N'essayez pas de le rallumer. Nettoyez l'âtre et recommencez à zéro. "

 

Ce qui lui valut quelques sourcils dressés. " Ça t'est déjà arrivé ? " demanda la cuisinière, un début de sourire sur le visage.

 

Xena rit un peu. " Ma mère est aubergiste ", répondit-elle, puis elle se baissa pour passer la porte et disparut bientôt dans l'orage.

 

Les êtres de la forêt se regardèrent. " Elle a une mère ? " fit l'une d'entre elle en ricanant, surprise.

 

Xena monta les marches jusqu'au porche de leur chalet et se secoua, projetant de l'eau sur la surface déjà trempée. Je dois avoir une de ces têtes… pensa-t-elle, amusée. La porte s'ouvrit alors qu'elle tendait la main vers la poignée et Gabrielle attrapa sa tunique dégoulinante et la tira à l'intérieur. " Hé… " fit-elle en riant alors que le barde refermait le panneau de bois derrière elles.

 

A l'intérieur, les flammes joyeuses d'un feu bien entretenu éclairaient le chalet, et plusieurs bougies avaient été allumées ici et là, repoussant la grisaille du dehors. Gabrielle avait enfilé l'une de ses plus épaisses chemises et avait même rajouté son manteau par-dessus. " Viens là ", ordonna-t-elle en débarrassant Xena des choses qu'elle transportait. Elle posa le tout sur la table. " Ne bouge pas ", ajouta-t-elle, en commençant à défaire la tunique trempée de Xena.

 

" Qu… " fit Xena, en voulant protester, mais elle s'interrompit et se contenta de rester debout, les bras ballants, laissant Gabrielle défaire la ceinture de la tunique et la déshabiller avant de poser le vêtement mouillé sur le dos d'une chaise et de revenir avec un morceau de lin sec. " Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter un tel traitement ? " demanda-t-elle, taquine, au barde, qui la séchait vigoureusement.

 

" Qui a dit que je faisais ça pour ton bien ? " répliqua Gabrielle, puis elle rougit. " Dieux… je n'arrive pas à croire que j'ai dit ça. " Elle termina sa tâche et lança à Xena la chemise qu'elle avait jetée sur son épaule. " Tiens ", soupira-t-elle, en essayant d'ignorer le rire ravi qui s'échappa des lèvres de la guerrière tandis qu'elle enfilait la chemise par-dessus sa tête. " Maintenant… raconte-moi ce qui s'est passé dans la forêt. "

 

Xena arrangea un peu la chemise en soupirant puis sortit ses cheveux humides du col. " Eh bien… " Elle s'interrompit, et s'assit sur la chaise en commençant à délasser ses bottes. " Je… je ne me sentais pas trop bien ce matin. " Elle leva les yeux vers le visage du barde, soudainement sérieux.

 

" Je sais ", fit doucement Gabrielle en tirant une autre chaise avant de s'asseoir près de sa compagne, posant une main sur le bras de Xena, le caressant gentiment.

 

La guerrière termina de retirer ses bottes, les posa sur le plancher et se pencha en avant, les coudes appuyés sur les genoux. Elle laissa sa tête tomber un peu en avant entre ses épaules pendant un moment. Puis elle inspira et appuya son menton sur ses mains. " C'était… vraiment décourageant… même marcher était devenu difficile, Gabrielle. "

 

" Parce que ça faisait mal ? " demanda doucement le barde en se rapprochant.

 

Xena secoua la tête. " Non. " Elle adressa un demi-sourire au barde. " J'avais perdu mon équilibre. Je ne peux pas… te décrire cette sensation. " Elle regarda dans le vide pendant quelques instants. " D'habitude, je sais toujours où je me trouve. " Une pause. " Je n'ai pas besoin d'ouvrir les yeux… ou même d'y penser. Je… sais, c'est tout. Je reconnais le haut du bas, ce genre de chose. "

 

Gabrielle ne disait rien, ne voulant pas interrompre la guerrière alors qu'elle pouvait pour la première fois comprendre comment fonctionnait Xena.

 

" Ça me… ça me rendait dingue, vraiment ", admit Xena avec un sourire triste. " Quelque chose clochait. "

 

Le barde passa son bras entre ceux de sa compagne et posa sa tête contre son épaule. " Je sais… je sentais bien à quel point ça t'énervait. "

 

" Vraiment ? " murmura Xena. " Bref, me voilà, à me cogner dans les murs… "

 

" Ça, j'en doute fort ", interrompit Gabrielle avec un sourire désabusé.

 

" Tu veux entendre le reste de l'histoire ou pas ? " demanda la guerrière en levant un sourcil.

 

Le barde laissa tomber à nouveau sa tête sur l'épaule de Xena et se tut. " Pardon, chérie. Continue. "

 

" Un lapin ", soupira Xena.

 

" Pardon ? " fit Gabrielle en frottant sa joue contre le tissu doux de la chemise de Xena.

 

" Un lapin a traversé le chemin juste devant moi et Arès s'est lancé à ses trousses ", répliqua Xena d'un ton grognon. Elle fit une pause. Ce que c'est embarrassant… mais c'est Gabrielle, et elle ne va rire qu'un moment. " Il m'a fait trébucher et je suis tombée du chemin et dans le bas-côté. " Elle attendit patiemment les gloussements, et jeta un coup d'œil au barde lorsqu'elle n'entendit rien.

 

" Tu t'es fait mal ? " demanda doucement le barde en se redressant ; elle leva la main pour caresser les cheveux sombres humides qui tombaient dans les yeux de Xena. Dieux… ce qu'elle a dû ressentir. Aïe.

 

" Pas trop, non ", fit la guerrière en haussant les épaules. " Je suis rentrée dans un arbre. " Elle s'appuya contre la main du barde qui caressait son visage. " Je me suis vraiment sentie idiote ", admit-elle doucement.

 

" Je sais. " Et Gabrielle comprit qu'elle l'avait ressenti elle aussi ; que cela avait été le moment qu'elle avait senti pendant qu'elle racontait son histoire. " Dieux, Xena… tu devrais faire plus attention. "

 

" Oui, je sais ", répliqua Xena en soupirant doucement. " Et puis je suis restée là, allongée par terre, à me lamenter sur mon sort… et puis après quelques minutes, je me suis dit d'arrêter d'être une telle idiote et de me bouger, alors je me suis assise. " Elle haussa les épaules et se mit à rire sans pouvoir s'en empêcher. " La douleur et les vertiges avaient disparu. "

 

" Comme ça ? " fit Gabrielle, incrédule.

 

" Comme ça ", confirma la guerrière avec un faible sourire. " Ça m'a vraiment surprise. "

 

" Tu parles ", fit Gabrielle en riant, secouant en tête. " Je ne… Xena, pour l'amour des dieux, sais-tu ce qui se serait passé si… "

 

Xena leva la tête et croisa le regard du barde. " Si j'étais mal retombée en sautant et que je m'étais fracturé le dos, ou pire ? Oui, je sais. "

 

La voix de Gabrielle devint plus grave, sous le coup de la colère. " Comment… comment as-tu pu délibérément prendre un tel risque ? " Ses yeux lançaient des éclairs. " Mais à quoi pensais-tu ? "

 

Xena tressaillit et se redressa, clignant des yeux. " Je ne… je ne… " Elle se tut et baissa les yeux vers le plancher, laissant ses doigts glisser dans ses cheveux en posant sa tête sur ses mains. " De toute évidence, je n'ai pas pensé, pas réfléchi ", répondit-elle enfin. " Je n'ai pas…l'habitude de prendre des décisions et d'en mesurer les conséquences, bonnes ou mauvaises, Gabrielle. "

 

La barde inspira, tremblant un peu. " Est-ce que tu comprends ce que ça me ferait si quelque chose t'arrivait ? " Voilà. En un mot. Comme ça, c'est clair. " Est-ce que tu sais à quel point je souffre… quand tu souffres ? "

Xena fixa ses mains pendant un moment, puis leva les yeux. " Autant que je souffre quand tu souffres, oui. " Elle inspira et prit une décision silencieuse. " Mais ce que je fais… fait tellement partie de moi… que je ne suis pas sûre de pouvoir le changer. " Ou même que tu voudras que je change.

 

Gabrielle sentit ses épaules se détendre un peu. " Je peux te dire quelque chose ? " demanda-t-elle doucement.

 

La réponse fut prévisible : " Tout ce que tu veux. "

 

" Je me fiche de ce que tu es ", répondit le barde et elle se rapprocha à nouveau, posa la main sur le genou de la guerrière, sentant la tension douloureuse dans les muscles, sous sa peau. " Je me fiche que tu sois mendiante dans les rues ou marchande de vêtements à Athènes ou aubergiste à Amphipolis. " Elle sentit les larmes venir et les ignora. " Au cas où tu n'aurais pas encore compris, j'aime qui tu es, Xena. La personne que tu es, qui a mon cœur si entièrement, si complètement que je n'ai pas de mots pour le décrire. "

 

Les yeux bleus s'ouvrirent et croisèrent les siens. " Je ne comprends pas pourquoi ", répondit enfin Xena après avoir observé son visage un long moment.

 

" Parce que je ne fais pas que t'aimer ", répondit le barde avec un petit sourire. " Je t'aime comme amie, beaucoup. J'aime être avec toi, parce que tu es qui tu es. " Elle fit une pause. " Parce que tu es intelligente, et drôle, et… je… tu me rends tellement heureuse. C'est tout. " Elle hésita, puis laissa ses doigts caresser la cuisse musclée de Xena. " Ce que j'essaie de dire, c'est que… tu fais des choses totalement incroyables… mais ces choses ne sont pas la raison pour laquelle je t'aime… et ça ne changerait rien pour moi si tu décidais de ne plus les faire. " Elle leva les yeux vers le visage immobile et attentif. " Est-ce que tu comprends ? " Une pause. " Est-ce que tu me crois ? "

 

Xena avala sa salive, et laissa échapper un long soupir. " C'est beaucoup demander. " Ses yeux observèrent ceux de Gabrielle avec intensité, puis elle laissa un sourire tranquille se dessiner sur ses lèvres. " Mais oui. Je te crois. " Aie la foi, Xena. C'est un don. " Ecoute… " soupira-t-elle. " Je sais… que tu avais raison, Gabrielle. Je sais… que je dois changer la façon dont je pense… pour certaines choses. La façon dont je fais les choses. C'est juste que… ça va prendre un peu de temps. "

 

Gabrielle tendit la main et saisit les mains puissantes qui reposaient entre les genoux de Xena, enroulant ses doigts autour de ceux de sa compagne. " On a toute l'éternité ", dit-elle avec une calme assurance. " Prends tout le temps qu'il te faut. "

 

L'éternité. L'esprit de Xena joua avec cette pensée pendant quelques instant alors qu'elle se laissait glisser dans le doux regard de Gabrielle. Je pense qu'elle a peut-être assez la foi… pour nous deux. Hadès… sois gentil avec moi quand on se verra… et si elle présente bien son cas, souviens-toi que tu me dois une faveur pour ce casque, et écoute ce qu'elle a à dire.

 

" Alors ", fit Gabrielle après un très long silence. " Au bout du compte, tu t'es écrasée contre l'arbre et il t'a remis en marche ? "

 

Xena s'éclaircit la gorge et haussa les épaules comme si de rien n'était. " Plus ou moins, oui. "

 

" Hmm, hmm ", soupira le barde. " Et tu persistes à croire qu'il n'y a rien de magique là-dedans. "

 

" Hm. " La bouche de Xena se tordit un peu. " Tu as faim ? "

 

" Tu es impossible ", fit Gabrielle en riant, puis elle se leva, s'étira avec volupté, puis se mit à glousser lorsque Xena chatouilla ses côtes. " Arrête. " Elle examina ce que Xena avait rapporté de la cuisine. " Désolée d'avoir à te dire ça, mon amour, mais c'est cru. " Ses sourcils se levèrent et elle lança un regard amusé à sa compagne.

 

" Oh… ouais, je sais ", fit Xena d'une voix traînante en tendant la main pour attraper le pot de bouillon. " Autrefois, quand j'étais… " Ses yeux brillèrent. " Hmm… quand j'étais plus jeune, quand je passais un peu plus de temps et d'efforts à préparer les repas… parfois, je prenais un plateau comme celui-ci… et je faisais cuire la viande dans du bouillon chaud. Je trempais tout ça dans ce que j'avais sous la main. " Elle jeta un œil vers le barde qui l'écoutait, fascinée. " C'est une bonne façon de passer le temps par un après-midi pluvieux. " Elle s'arrêta. " Ça te dit ? "

 

Ohh… elle avait raison, pensa plus tard Gabrielle, étendue sur l'épais tapis devant la cheminée, appuyée contre le ventre de Xena, un bras distraitement enroulé autour de la jambe de la guerrière. " C'était une très bonne idée ", dit-elle tout haut en acceptant un autre bout de viande cuite et l'avalant avec délice. " Il faut qu'on fasse ça plus souvent. "

 

Xena rit un peu, s'étira, puis se réinstalla, à moitié appuyée sur un coussin du canapé qu'elle avait emprunté. " Pas trop souvent ", fit-elle. " C'est vraiment décadent. "

 

Gabrielle leva les sourcils, puis elle jeta un coup d'œil à Xena, dont le visage était éclairé par le feu de l'âtre. " Et ça te pose un problème ? " demanda-t-elle en prenant un morceau de bœuf pas trop cuit du bouillon qui frémissait sur le feu ; elle le trempa dans une sauce un peu sucrée que les être de la forêt appréciaient tout particulièrement et l'offrit à la guerrière qui le prit doucement entre ses dents et le mastiqua. " Comme ça ? " demanda le barde, connaissant déjà la réponse.

 

Xena hocha la tête. " Hmm, hmm. "

 

Gabrielle sourit et la poussa du doigt. " Tu as une faiblesse pour les trucs sucrés. "

 

Pendant un instant, elle crut que la guerrière allait nier en bloc, puis sa compagne se mit à rire. " Ouais ", admit-elle en levant les yeux au ciel. " J'ai toujours eu une faiblesse pour les trucs sucrés. Demande à ma mère. " Elle gratta doucement le dos du barde. " Et toi aussi, d'ailleurs ", accusa-t-elle en plongeant un doigt dans la sauce avant de le porter aux lèvres du barde.

 

Les yeux de Gabrielle étincelèrent. " Ouais. C'est sûr ", reconnut-elle joyeusement, en léchant la sauce avec un plaisir non dissimulé. " Et tu ne sais pas à quel point je suis contente qu'on passe notre temps à courir comme deux folles dans la nature, parce que comme ça, je peux me permettre de céder à ma faiblesse sans me préoccuper des conséquences. "

 

" Oh… alors, c'est donc pour ça que tu restes avec moi, hein ? " taquina gentiment Xena en glissant un bras autour de la taille du barde, la serrant contre elle.

 

" Evidemment… un entraînement de qualité ", approuva Gabrielle en se tournant à moitié tout en se blottissant contre sa compagne. " Et puis… " les mains caressèrent le corps de la guerrière. " Tu es une bonne inspiration. "

 

Ce qui lui valut un sourcil levé. " Vraiment ? " fit Xena en levant la main, passant les doigts dans les cheveux secs de Gabrielle qui émirent un petit craquement et restèrent collés à sa main.

 

" Vraiment ", confirma le barde en glissant les mains doucement le long des bras de Xena. " Je te trouve magnifique ", dit-elle dans un souffle et elle sentit son corps réagir brusquement en sentant les doigts de Xena effleurer la peau nue de ses hanches puis remonter le long de sa taille avec une pression délicate et assurée.

 

" Tu n'es pas mal non plus ", affirma Xena, avant de se pencher en avant pour mordiller l'oreille du barde, souriant en entendant son souffle se couper brièvement lorsqu'elle pinça un peu plus.

 

" Tu sais… " marmonna Gabrielle, parce qu'elle ne pouvait pas penser à articuler plus clairement, laissant ses instincts prendre le dessus. " Je commence à vraiment aimer la pluie. "

 

" Hm, hmm ", fut la réponse à peine audible de Xena. " Moi aussi. "

 

 

 

Chapitre 41

 

Le grondement furieux du tonnerre fit ouvrir un œil à Xena, un peu plus tard ; elle regarda par la fenêtre, et admira la pluie tomber avec satisfaction. Une main dessinait de lents et doux cercles sur le dos de Gabrielle, et l'autre était posé confortablement sur son propre ventre, montant et descendant au rythme de sa respiration détendue. Elle bâilla et laissa ses yeux se refermer, alors que le tapotement de la pluie sur le toit en chaume l'incitait à replonger dans le sommeil. Non, non… réprimanda son esprit alors qu'elle ouvrit à nouveau un œil.

 

Les bougies s'étaient depuis longtemps consumées et à présent, la pièce était surtout éclairée par l'âtre, alors que dehors régnaient les ténèbres, à cause de l'orage. Xena bougea un peu et ouvrit les deux yeux, repensant à la session du conseil.

 

Un courant d'air froid passa par la fenêtre et elle leva le bras pour remonter son manteau et l'enrouler un peu plus autour des épaules de Gabrielle. Je ne te laisserais pas retomber malade, mon barde, pensa-t-elle, pas après la dernière fois. Tu m'as fait trop peur.

 

 

 

 

" Je vais bien ", avait dit le barde pour la troisième fois ce jour-là, lorsque Xena lui demanda, mais cette fois, les mots déclenchèrent une toux qui la laissa suspendue à la boucle de la selle d'Argo et fit descendre Xena de sa monture en un clin d'œil.

" Doucement ", avait dit Xena, supportant ses épaules jusqu'à ce que la quinte passe ; elle avait laissé les mains sur les épaules alors que Gabrielle inspirait avec précaution et appuyait sa tête contre le flanc d'Argo. " Bon sang ", avait marmonné Xena et elle s'était accroupie pour poser une oreille sensible contre la poitrine du barde. " Respire ", ordonna-t-elle.

Gabrielle avait obéi et regardé Xena se redresser et poser une main sur son front, sans essayer de cacher son inquiétude. " Il faut qu'on trouve un abri ", dit-elle au barde. " Je préférerais un village, mais on est à trois jours du plus proche. " Ses yeux étudièrent les environs. " Il y a peut-être des grottes dans ces falaises, là-bas. Tu peux tenir le coup jusqu'à ce qu'on y arrive ? "

" Bien sûr ", avait fait Gabrielle, pour la rassurer. " Je tousse un peu, c'est tout, Xena. " Mais elle avait entendu sa propre respiration difficile et elle savait que ce n'était pas vrai. Elle savait aussi que la guerrière le savait.

" En selle ", fit Xena d'une voix qui ne permettait pas la discussion. Elle se hissa sur le dos d'Argo et tendit le bras au barde, secouant la tête lorsque Gabrielle voulut monter derrière elle. " Non… devant ", corrigea-t-elle calmement et elle souleva le barde, l'aidant à balancer sa jambe par-dessus l'encolure d'Argo et recula un peu sur la selle pour permettre à Gabrielle de s'installer devant elle, le bras puissant de Xena enroulé autour de sa taille.

Gabrielle n'avait pas dit un mot et après un moment, elle avait cessé de faire semblant d'aller bien et s'était laissée aller contre la poitrine de Xena, les yeux fermés, essayant tant bien que mal de dormir entre deux quintes de toux.

Xena avait stoppé Argo près de la falaise, après avoir repéré une grotte assez grande pour y abriter également la jument. Elle s'était laissé glisser de sa monture dorée, faisant ensuite doucement descendre Gabrielle dès que ses pieds touchèrent le sol. Le barde avait un peu tangué, se tenant aux bras de Xena qui la soutenaient, et la guerrière avait pris une rapide décision, glissant un bras derrière les épaules de Gabrielle, un autre sous ses genoux, et elle l'avait soulevée comme une enfant.

" Hé… je peux marcher ", avait protesté Gabrielle en étouffant une quinte. " Xena, tu n'as pas à… " Elle s'interrompit à nouveau, toussant, puis elle se blottit contre le corps de la guerrière, la tête appuyée contre une large épaule. " Oh, dieux ", murmura-t-elle, et Xena sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine.

" Tiens bon, ok ? " avait-elle dit, tout contre l'oreille du barde. Elle avait installé Gabrielle et préparé le campement, ramassant une bonne réserve de bois et recherchant dans les buissons environnants les herbes guérisseuses qui lui manquaient.

L'état de Gabrielle avait empiré cette nuit-là, et encore plus le jour suivant ; sa toux la rendait incapable d'avaler le moindre liquide et ne lui permettait aucun repos. Pas de repos non plus pour Xena qui avait senti un poids solide de panique s'écraser sur sa poitrine, devant cet ennemi contre lequel elle ne pouvait pas grand-chose.

Dans les ténèbres de la nuit suivante, Xena avait préparé le feu, après avoir obligé Gabrielle à inhaler une mixture aromatique de feuilles d'eucalyptus qui avait semblé aider un peu. Le barde était à moitié assise, à moitié étendue sur son sac de couchage, appuyée contre la selle d'Argo que la guerrière avait placée sous elle pour qu'elle ne soit pas allongée à plat, et elle leva les yeux vers Xena qui revenait. " Xena ", avait dit le barde d'une voix rendue rauque par la toux.

" Ne parle pas ", avait répliqué Xena en s'installant par terre à ses côtés, posant une main sur son bras. " Tu as un peu de fièvre. "

Gabrielle avait hoché la tête avec lassitude et Xena avait ressenti une douleur dans la poitrine en voyant la pâleur de son visage et les cercles sombres sous ses yeux. " Dur de respirer ", avait chuchoté le barde, et Xena avait pu voir le mouvement de ses épaules alors que ses poumons s'efforçaient d'amener l'air dans les conduits encombrés. Et pour la première fois, un nœud de peur froide et sombre avait envahi l'estomac de la guerrière, et lui avait serré la gorge.

" Froid. " Gabrielle avait remonté son manteau autour d'elle, en adressant à la guerrière un pauvre sourire. Et puis ses yeux verts avaient croisé ceux de Xena et la guerrière avait répondu à la demande silencieuse en se glissant sur le sac de couchage du barde et en ouvrant les bras.

" Viens là ", avait dit Xena en soulevant Gabrielle et en se glissant derrière elle pour que le barde puisse s'appuyer contre sa poitrine, les longs bras de la guerrière entourés autour de sa taille. " C'est mieux ? " avait-elle demandé, et elle avait entendu sa voix de briser.

Gabrielle s'était à moitié retournée et avait enfoui son visage dans la chemise de Xena, enroulant ses doigts dans le tissu. " J'ai peur ", avait-elle chuchoté, puis elle avait resserré son étreinte alors qu'une quinte de toux secouait son corps. Lorsque ce fut terminé, elle demeura immobile pendant un moment, puis releva la tête et regarda le visage à moitié dans l'ombre qui la surplombait. " Contente que tu sois là. "

" J'aimerais pouvoir en faire plus ", avait répondu Xena dans un soupir.

" Contente que ça soit toi…et pas quelqu'un d'autre ", avait dit doucement le barde. " Tellement de choses que je veux te dire… "

" Non ", avait chuchoté Xena d'une voix ferme. " Ne commence pas, hein ? " Elle avait resserré son étreinte et avait abandonné toute façade de distance entre elles. Ses rationalisations mesurées destinées à expliquer pourquoi elle ressentait ce besoin insatiable de contact physique avec le barde s'envolèrent, et elle céda à ses instincts, tout en sentant Gabrielle en faire de même.

" Comprends… que tu devais demander l'aide de Callisto… " répondit le barde, repoussant la toux avec beaucoup d'efforts. " Pardon de m'être mise en colère. C'est toi qui avais raison. "

" Cela n'a pas d'importance, Gabrielle. Tu n'as pas besoin de parler de tout ça ", protesta doucement Xena.

" Je te dois… " Le barde n'avait cette fois pas pu éviter la quinte de toux qui l'avait violemment secouée ; Xena avait pu entendre le bruit rauque de sa respiration alors qu'elle essayait de reprendre son souffle.

" Tu ne me dois rien du tout ", avait marmonné la guerrière d'une voix basse. " Tu as besoin de repos, Gabrielle. Essaie de dormir. "

Le barde secoua lentement sa tête blonde. " Peur. "

" De quoi ? Je suis là. " Xena avait volontairement adouci sa voix.

" De ne pas me réveiller ", avait articulé Gabrielle et puis elle avait inspiré, tremblante.

Ces mots avaient envoyé une vague d'horreur à travers tout le corps de Xena et son cœur s'était mis à battre à tout rompre dans sa poitrine, à lui faire mal. Non…

Gabrielle avait rouvert les yeux et avait levé la tête pour repousser la maladie et la douleur, concentrant son regard sur le visage de Xena. Elle avait levé une main et l'avait posée doucement sur la poitrine de la guerrière, son expression passant du découragement las à l'émerveillement surpris.

" Ouais ", avait enfin dit Xena. " Maintenant, tu sais ce qui me fait peur à moi aussi. " Une pause. " Alors reste avec moi, ok ? "

Gabrielle avait cligné des yeux. " Ok ", avait-elle chuchoté, pensivement.

" Tu promets ? " avait répliqué Xena, soudainement consciente de la fragilité de la vie qu'elle tenait serrée dans ses bras.

Les yeux verts avaient reculé et croisé son regard pendant un moment infini. " Je promets ", avait finalement dit le barde d'un ton calme et décidé. Puis elle avait fermé les yeux, avec un peu plus d'assurance, avant de poser la tête contre la poitrine de Xena, afin que son oreille soit appuyée tout contre le cœur de la guerrière.

Et pendant toute cette longue et sombre nuit, Xena l'avait tenue dans ses bras, montant la garde contre le vent glacé et la force insidieuse qui tirait Gabrielle loin d'elle, ses yeux bleus observant chaque recoin de la grotte, menaçant tout être ou toute chose qui oserait menacer sa protégée.

Au plus profond de la nuit, lorsque le corps humain est au plus bas, et lorsque le voyage entre cette vie et la suivante devient très court, Xena avait senti le barde bouger et soupirer, puis lever son visage vers elle.

" Je crois que je vais essayer de dormir un peu ", avait dit doucement Gabrielle, qui n'avait pas trop toussé depuis un moment.

" D'accord ", avait fait Xena, en lui faisant boire un peu d'eau. Elle lui sourit lorsque le barde parvint à avaler quelques gorgées sans tousser. " Je ne bouge pas. "

Gabrielle avait acquiescé et, se réinstallant, après une brève hésitation, elle avait levé ses bras crispés pour les glisser autour du corps de la guerrière. " Je ne peux pas penser à une meilleure raison de me réveiller ", avait-elle marmonné, oubliant à quel point sa compagne avait l'ouïe fine. La guerrière avait laissé un sourire se dessiner sur ses lèvres, un sourire que Gabrielle ne vit pas, et puis elle s'était à nouveau concentrée sur la respiration laborieuse de Gabrielle.

Lorsque le soleil se leva, elle écoutait toujours et, alors que les premiers rayons réchauffaient l'ouverture de la grotte, Xena sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine en se rendant compte que le doux raclement avait cessé.

Mais le corps blotti dans ses bras bougeait toujours : la poitrine montait et descendait doucement et régulièrement. Alors Xena comprit que le pire était passé. Elle avait senti un sourire se former involontairement sur ses lèvres, et elle avait senti un soulagement infini l'envahir, faisant disparaître les barrières qu'elle avait gardé érigées pendant si longtemps. Elle avait enfoui son visage dans les cheveux de Gabrielle et avait libéré ses émotions, inspirant profondément alors que des larmes silencieuses s'écrasaient sur les mèches blondes de sa compagne.

Et elle s'était fait prendre, lorsque la chaleur du soleil et la lumière grandissante avait réveillé le barde qui avait ouvert les yeux, et s'était immobilisée alors que les rayons dansants de l'aube soulignaient le demi-sourire de Xena et reflétaient les larmes qui brillaient encore sur ses joues.

Le barde aurait pu dire…n'importe quoi. Mais elle avait choisi de se taire et avait préféré refermer les yeux, tout en rendant ce sourire, avant d'enfouir à nouveau son visage dans la poitrine de Xena avec un soupir satisfait. Et cela leur avait suffit, à toutes les deux.

 

 

 

" Hé… " Une voix ensommeillée interrompit ses pensées.

 

Xena abaissa les yeux vers le barde, amusée. " Hé toi-même ", répondit-elle, souriant toujours, encore perdue dans ses pensées.

 

" A quoi tu penses ? " demanda Gabrielle en bâillant, charmée par le sourire sur les lèvres de sa compagne.

 

" A toi ", répondit Xena en regardant le barde rougir un peu. Bonne réponse, Xena, pensa-t-elle, amusée. " Et un petit peu au conseil. "

 

Gabrielle s'étira, puis se blottit un peu plus contre elle, tressaillant un peu lorsque le tonnerre gronda violemment au-dessus de leurs têtes. " Qu'est-ce qu'on va faire, Xena ? La situation a l'air désespéré… tu crois vraiment que tu peux… non, oublie que j'ai posé la question… " sourit-elle, comme pour s'excuser. " Quel est ton plan ? " demanda-t-elle alors.

 

Xena ricana, reconnaissante. " Tu peux douter de moi, Gabrielle. Tu me connais depuis suffisamment longtemps pour savoir que je suis loin d'être infaillible ", dit-elle au barde gentiment. " Pas vrai ? "

 

" Mmmm… " fit Gabrielle avec un geste de la main. " Je ne sais pas, mon amour. Tu prends parfois des chemins détournés, mais par Hadès, tu arrives toujours au bon endroit à la fin. " Elle sourit. " Alors… quel est ton plan ? "

 

La guerrière éclata de rire, un son qui ne manquait jamais d'enchanter sa compagne. " Ok… ok… " dit-elle, en touchant le nez de Gabrielle. " Ils ont un véritable problème, mon barde. " Elle redevint sérieuse. " Si on en croit Warrin, les soldats de Sécan sont mieux préparés et mieux armés, et ils s'entraînent constamment. Les guerriers de Lestan ne font pas le poids, et à moins que je trouve un talent caché parmi eux, il n'a aucun combattant qui puisse affronter Sécan en combat singulier. " Elle inspira puis but une gorgée du thé refroidi qui reposait encore dans une tasse à sa gauche.

 

" Hmm ", fit Gabrielle, songeuse. " Aucune chance de négocier ? Ça me paraît plus censé. " Ses sourcils se levèrent et elle sourit. " Remarque, je ne suggère rien, mais… "

 

Xena ricana. " Non, non… bien sûr que non. " Mais elle redevint tout de suite sérieuse. " Je n'ai que la parole de Lestan, mais on ne dirait pas que Sécan soit prêt à négocier, alors qu'il est pratiquement sûr de gagner s'il utilise la force. " Ses yeux se plissèrent. " Il faut avoir de quoi négocier, et Lestan n'a aucun atout. "

 

" Alors… " fit Gabrielle, alors que ses doigts traçaient doucement les côtes de Xena sous la chemise en lin. " Qu'est-ce qui se passe maintenant ? "

 

" Eh bien… " fit doucement Xena en étudiant avec attention le toit en chaume. " Il y a toujours la solution évidente. "

 

Gabrielle ouvrit la bouche puis la referma sans rien dire. Bien sûr, Xena était la solution évidente, et que Sécan et ses combattants soient bien entraînés ou pas, sa compagne était l'une des meilleurs épéistes de toute la Grèce. Elle le savait, bien que Xena n'ait jamais prétendu une telle chose. La meilleure, lui avait même chuchoté Méléagre, en regardant Xena à l'œuvre, et il était d'habitude avare de compliments.

 

Mais elles ne connaissaient pas Sécan, et Xena était, malgré les apparences, encore en convalescence. " Est-ce bien prudent ? " demanda-t-elle enfin, choisissant ses mots avec précaution.

 

Xena haussa les épaules. " Sans doute pas ", admit-elle. " Et je suis presque sûre qu'on ne me laissera pas intervenir directement. Lestan a insinué que je serais disqualifiée parce que je ne fais pas partie de son peuple, ou de son clan. "

 

" Oh. " Gabrielle inspira un peu, soulagée. " C'est logique. "

 

" Mmm ", acquiesça Xena, mais ses yeux étaient perdus dans le vide. " Mais… bref, de toute façon… " Elle sourit à Gabrielle. " Le plan, pour l'instant, c'est que j'aimerais que tu continues à faire ce que tu as fait ce matin… raconter des histoires, voir un peu ce que pense le clan de toute cette affaire. "

 

Le barde hocha la tête. " Je peux faire ça ", fit-elle en souriant. " Mais toi, qu'est-ce que tu vas faire ? "

 

Un lent sourire féroce se dessina sur les lèvres de Xena. " Ce que je fais le mieux. " Elle dégaina son épée d'un mouvement calme et balaya la lame avec une précision fluide. " Peut-être que je pourrais leur apprendre quelques tours. "

 

" Je parie que oui, " fit Gabrielle en riant, puis elle se tut pendant un moment. " Xena… " dit-elle doucement.

 

" Hmmm ? " répondit la guerrière en rengainant l'arme d'un mouvement court, avant de croiser le regard inquiet du barde.

 

Un court silence entre elles, puis… " Gabrielle… " Un sourire hésitant. " Ton influence a été trop forte, mon amour. Je ne peux pas… je ne peux pas ignorer tout cela. "

 

Les lèvres de Gabrielle se tordirent un peu, puis elle baissa les yeux et regarda sa main qui jouait avec un bouton de la chemise de Xena. " Ça marche dans les deux sens ", dit-elle finalement en secouant un peu la tête. " Parce que je ne veux pas que tu ignores tout cela. " Elle adressa à Xena un sourire triste. " Mais je t'en prie, fais attention, d'accord ? "

 

" Pas de problème ", répondit Xena avec un léger sourire. " J'ai trop de raisons de rester dans les parages. "

 

Gabrielle rougit et laissa sa tête retomber sur l'épaule de Xena. " Mmm… " Elle soupira en se blottissant contre sa compagne. " J'aime ça. " Ses yeux brillaient. " Une façon vraiment géniale de passer un après-midi pluvieux… " Elle défit sans rien dire le bouton avec lequel elle avait joué un bon moment et glissa une main joueuse dans la chemise de Xena.

 

" Ah ouais ? " fit Xena en gloussant un peu, sentant le contact soudain et chaleureux. " On est vraiment des feignasses, tu sais. " Ses vagues résolutions de se lever et d'aller faire quelques corvées fondirent comme neige au soleil lorsque les mains du barde commencèrent leur douce exploration. Mmm… je pourrais faire semblant de m'en inquiéter. Nan. J'aime trop ça.

 

" Et alors ? " fit Gabrielle, dessinant doucement du bout de ses doigts des cercles sur le ventre de sa compagne. " Hmm ? " fit-elle en souriant, en voyant le sourire se dessiner sur les lèvres de Xena. " Allez, Xena… il tombe des trombes d'eau, on n'a rien à faire jusqu'au dîner et je me fiche pas mal de ton arbre miracle, tu es encore en convalescence. " Elle laissa sa main caresser les hématomes qui déjà disparaissaient mais qui assombrissaient encore la peau sur l'estomac de la guerrière. " Si près ", chuchota-t-elle, presque trop doucement pour que Xena entende. Mais elle inspira et sourit à nouveau avant de lever les yeux, s'immobilisant en voyant l'angoisse silencieuse qui lui fit face. " Non… mon amour, je suis désolée. Je ne voulais pas dire… "

 

Xena reposa lentement sa tête sur l'oreiller et expira longuement. Les images sombres qu'elle avait repoussées au plus profond de son esprit pendant des jours refaisaient surface, et elle sentit soudain l'envie irrésistible de partager avec Gabrielle ce qu'elle avait ressenti. De sentir ces mains douces et d'entendre cette voix chaude calmer cette terreur qui lui donnait la nausée.

 

" C'était plus que près. " Sa voix était un peu rauque. " Il n'y avait plus d'air, et cela faisait… si mal… " Elle frissonna et Gabrielle remonta immédiatement le manteau sur elles deux. " Il… faisait… si noir, et une partie de moi voulait vraiment abandonner. "

 

" Mais tu n'as pas abandonné ", fit doucement Gabrielle. " Je savais bien que tu n'abandonnerais pas. "

 

" Non ", répondit-elle d'une voix ferme. " Parce qu'une autre partie de moi s'est mise en colère, et je… " Ses yeux se posèrent sur ceux de Gabrielle. " Je ne voulais pas partir. " Une longue pause. " Je n'étais pas prête… il y avait tellement de choses que je voulais… " Elle s'interrompit, et avala avec difficulté, glissant sa main dans les cheveux du barde avant de soupirer. " La seule chose à laquelle je pouvais penser, c'était à quel point tu me manquerais. "

 

De chaudes larmes s'écrasèrent sur la peau nue au-dessus des côtes de la guerrière, et Xena leva la main pour essuyer doucement les yeux du barde. " Je ne pouvais pas laisser ça arriver. " Elle inspira. " Et puis, j'ai entendu les rochers exploser et je les ai sentis… bouger autour de moi. Et je… " Elle secoua la tête. " J'ai bougé. "

 

" Je m'en souviens ", chuchota le barde en reniflant. " C'était comme si… " Elle s'interrompit et secoua la tête. " Je te sentais glisser… loin de moi. " Sa voix se brisa et elle dut s'arrêter un long moment, et inspirer profondément plusieurs fois avant de reprendre. Elle sentit les doigts de Xena s'enrouler autour des siens et les serrer fort. " Et puis tu es restée. Tout d'un coup. "

 

" Tout d'un coup ", acquiesça Xena tranquillement. " C'était… sans doute la pire chose que j'ai jamais eue à traverser. " Et cette confession sembla rendre les ténèbres plus claires, alors que Gabrielle remontait un peu et glissait ses bras autour d'elle.

 

" Dieux ", grogna-t-elle en sentant à nouveau le grondement horrible lorsque la montagne s'écroula sur elle et les ténèbres confinées et oppressantes qu'elle avait dû endurer pendant une bonne partie d'une très longue journée. Ok… ok… laisse couler. Allez, Xena, tu sais comment faire. Ne fais pas peur à Gabrielle.

 

" Doucement ", fit Gabrielle en sentant le frisson la parcourir et en voyant le visage de Xena se tendre soudainement alors qu'elle s'efforçait de surmonter les souvenirs de sa mésaventure. Dieux… lorsqu'un esprit si puissant décide de dériver… qu'est-ce que je peux faire ? Qu'est-ce que je peux lui dire ? " Doucement, mon amour. " Elle resserra son étreinte et, pendant un instant, elle crut que Xena allait résister au contact, mais le corps de la guerrière se détendit bientôt et elle enfouit sa tête sombre dans la poitrine du barde pendant un long et douloureux moment.

 

Gabrielle ferma les yeux et déglutit, découvrant un peu ce que sa compagne avait dû affronter. Je n'aurais pas pu… faire cela, admit-elle en pensées. Lorsque j'étais enfermée dans ce cercueil… j'ai… j'ai abandonné. La vérité lui fit mal, et elle se sentit soudain très petite et très honteuse. " Si seulement j'avais autant de courage dans tout mon corps que tu en as dans le bout de ton doigt, Xena ", murmura-t-elle et cela attira l'attention de la guerrière, parce qu'elle ouvrit les yeux et les leva vers le visage de Gabrielle.

 

" Je ne… ", commença Xena, puis elle soupira et secoua la tête. " … me sens pas très courageuse en ce moment ", finit-elle à voix basse en refermant les yeux, recherchant désespérément le toucher du barde. Elle le reçut, une main caressant ses cheveux, et des mots doux d'encouragement qui se déversaient dans son oreille et apaisaient la froideur sombre de ses souvenirs. Je n'ai jamais eu besoin de cela, avant, son esprit réalisa tout à coup et, pendant un instant angoissant, elle se demanda si son expérience l'avait poussée par-delà un point de non-retour. Puis elle retrouva son bon sens et se reprit, se détendant un peu. Sans doute parce que c'est la première personne à qui j'ai jamais fait assez confiance pour la laisser me voir dans cet état. Sois honnête… devant tous les autres, tu es toujours forte, mais avec elle…

 

Elle se laissa aller pendant un moment, absorbée par la chaleur et l'amour que Gabrielle lui offrait de sa voix et de son toucher apaisant, se laissant flotter dans cette sensation et la laissant éliminer les murs sombres qui s'étaient soudain refermés autour d'elle. Après un moment, elle inspira profondément et s'appuya à nouveau contre l'oreiller, adressant un demi-sourire au barde, qu'elle lui rendit immédiatement. " Merci ", dit Xena avec une tranquille affection.

 

" Quand tu veux ", répondit Gabrielle, avant de grimacer un peu lorsque le tonnerre gronda une nouvelle fois au-dessus de leurs têtes. " Dieux. " Elle jeta un coup d'œil à Xena qui leva un sourcil et la regarda avec une expression pensive. " Ça va ? " Elle tressaillit à nouveau lorsque la foudre éclaira le ciel, suivie par un grondement terrifiant.

 

Xena réfléchit. " Je ne sais pas ", répondit-elle enfin, affrontant ce qui la gênait depuis des jours. " Je crois que tu avais raison… je ne… " Je ne sais même pas si je peux dire cela. Ou ce que ça veut dire pour moi… pour elle… " Quelque chose m'est arrivé… là-bas. " Les yeux de Xena devinrent pensifs. " Quelque chose qui m'a fait douter… de ce que je fais… pourquoi je le fais… " Une longue pause douloureuse. " Douter de moi. "

 

Gabrielle s'approcha plus près et enroula ses doigts autour de ceux de Xena, une compassion infinie dans le regard. Il faut que je fasse attention… on ne sait jamais avec elle… un faux pas et je risque de faire empirer les choses… Dieux, ce que j'ai peur. " Xena… ce n'est pas une chose inhabituelle pour quelqu'un qui a traversé un tel traumatisme. "

 

Les yeux bleus l'observèrent. " Pas pour moi ", répondit doucement Xena, en baissant le regard. " Je ne sais pas trop pourquoi c'est différent, cette fois-ci. " Mais, en relevant les yeux et en croisant le regard de Gabrielle, elle sut la réponse à cette question. " Ou peut-être que si. " Un doux sourire. " Je n'ai jamais eu tant à perdre, avant. "

 

Les lèvres de Gabrielle esquissèrent un petit sourire. " Je crois que tu devrais prendre ton temps. " Elle serra la main de la guerrière et sentit les doigts puissants lui rendre son geste. " Je n'ai pas eu l'impression que tu as hésité quand il a fallu défendre Jessan. Ou moi. " Et elle adressa à la guerrière un vrai sourire. " Un seul mot, et tout ces guerriers musclés, pleins de crocs et de poils tremblaient de peur. " Ses yeux verts pétillaient. " Ne crois pas que je n'ai pas remarqué. "

 

Xena leva les sourcils. Bon sang. Elle a raison… Peut-être… c'est juste que je réfléchis maintenant, avant de risquer ma vie… la sienne… est-ce une mauvaise chose ?

 

" Tu as peut-être raison ", fit Xena en hochant lentement la tête. Elle tendit la main, attrapant la chemise du barde pour l'attirer plus près d'elle. " Je crois que j'ai un peu paniqué pendant une minute… " Elle s'arrêta et attendit que Gabrielle s'installe contre son endroit préféré, avant de ramener le manteau sur elle. " Ça va ? " demanda-t-elle en sentant un frisson parcourir le corps de sa compagne, juste après un grondement de tonnerre particulièrement violent, alors que la pluie tombait en trombes, soufflant une odeur froide et humide à travers les fenêtres et apportant avec elle le parfum de la végétation trempée et de la boue.

 

" Ouuuais ", fit Gabrielle en claquant des dents. " C'est juste un frisson. " Parce que ce tonnerre me rappellera pour toujours ce glissement de terrain, Xena… ça nous a laissé des cicatrices à toutes les deux, je crois. " Ça va mieux ", assura-t-elle en se blottissant un peu plus contre la guerrière. Xena se dressa sur un coude et tendit la main pour attraper le pot de soupe encore chaude, puis en versa une bonne dose dans une tasse.

 

" Tiens ", dit-elle en passant la tasse à Gabrielle. " Avale-moi ça. "

 

Le barde obéit, et émit un petit son approbateur en laissant Xena la redresser un peu. Elle s'installa contre l'oreiller, une main enroulée autour de la tasse et l'autre autour de sa compagne. Puis elle s'arrêta et regarda Xena. " Où est la tienne ? "

 

La guerrière leva les yeux au ciel et attrapa une autre tasse, riant un peu en versant la soupe, puis elle ramassa les restes de leur déjeuner et versa le restant du bouillon sur le tout. " Tiens, mon grand ", fit-elle, alors qu'Arès arrivait en trottinant et plongeait le museau dans le bol.

 

" Rww ", marmonna le loup.

 

Xena sourit et se réinstalla avec son bouillon, buvant une gorgée avant de passer son bras libre autour de Gabrielle. " Hé… ce n'est pas mauvais ", commenta-t-elle en reprenant une autre gorgée, appréciant la chaleur et le goût. Consciente du fait que malgré leur récent déjeuner, elle avait encore faim, et que cela voulait dire que Gabrielle avait raison ; son métabolisme pompait toutes ses réserves pour la remettre en état.

 

" Tiens ", fit le barde en ricanant ; elle tira sur son bras et versa le restant de son bouillon dans la tasse de Xena. " Tu en as plus besoin que moi. " Elle se tapota le ventre avec un petit sourire triste. " Je crois que ma partenaire d'entraînement me manque. "

 

" Ouais, c'est ça ", fit Xena, sarcastique, avant de vider la tasse et de la reposer. " Comme si ça te dérangeait. " Elle glissa la main à l'intérieur de la tunique du barde et chatouilla ses côtes, puis descendit un peu et sourit en entendant les gloussements de sa compagne augmenter, et en voyant les muscles de son estomac se contracter sous les doigts taquins de la guerrière. " Ben qu'est-ce qui t'arrive, la rouquine ? "

 

Gabrielle poussa un cri indigné et saisit la tunique de Xena, roulant sur la poitrine de la Xena, montrant les dents. " Quoi ? ? ? Comment tu m'as appelée ? C'est Jessan qui t'a dit de m'appeler comme ça ? ? " Elle enroula les mains dans le tissu doux et secoua la guerrière de toutes ses forces. " Tu vas me le payer. "

 

Xena riait si fort qu'elle ne put se défendre contre l'attaque du barde. " Ok… ok… " articula-t-elle enfin, secouant les mains pour indiquer sa défaite. " Je n'ai rien dit. "

 

" Tu as intérêt ", grogna Gabrielle en s'approchant jusqu'à ce qu'elle colle son nez sur celui de Xena. " Si jamais tu… " et elle s'interrompit parce que Xena profita de sa position et captura ses lèvres en un long baiser taquin. " Jamais… " répéta Gabrielle, mais d'un ton beaucoup plus doux, lorsqu'elles se séparèrent un instant. Et elle fut à nouveau interrompue. " Xena ? " murmura-t-elle enfin, après une série d'interruptions qui envoya des frissons à travers tout son corps.

 

" Oui ? " fit Xena d'une voix traînante, faisant glisser ses mains sur la peau sensible du barde.

 

" Tu peux m'appeler comme tu veux ", marmonna Gabrielle.

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