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BOUND6

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Unies/ Bound

 

par Melissa Good

 

Traduction : Katell et Fryda

 

 

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Partie 6A

********

 

Chapitre 45

 

Xena s'appuya en arrière, le bras posé sur la table de conférence, et laissa sa tête retomber sur le haut dossier de la chaise en bois. " J'y travaille ", répondit-elle, passant doucement ses doigts dans les cheveux blonds-roux de Gabrielle et caressant du bout de son pouce le sourire sur son visage. " Comment va Jess ? "

 

Gabrielle appuya ses deux avant-bras sur les cuisses de Xena et sourit un peu. " Pas trop mal. " Elle jouait distraitement avec le bord de la tunique de la guerrière. " Il s'en veut vraiment de s'être laissé surprendre comme ça. "

 

Xena soupira. " Je sais ce qu'il ressent. Je sais comment je me sentirais si ça m'était arrivé. "

 

" Mm ", acquiesça le barde. " Bien que je n'arrive pas à imaginer une chose pareille t'arrivant à toi. " Elle sourit et tira doucement sur l'ourlet de la tunique de Xena. " Tu es trop bonne. "

 

Les yeux bleus se posèrent sur elle avec un doux regret. " Ça peut arriver à n'importe qui, Gabrielle ", répondit-elle. " Si je laisse les choses me submerger, ou que je me laisse distraire… " Elle inspira. " Parfois, c'est difficile de garder la pression tout le temps. " Elle vit l'inquiétude envahir les yeux du barde et jura intérieurement. Bon sang, Xena… arrête un peu de dire des âneries, tu veux ? Tu lui fiches la trouille… et elle n'a pas besoin de ça, pas après ce que tu viens de lui faire vivre. Alors arrête un peu et ressaisis-toi. " Mais… " Elle sourit doucement, capturant le regard de Gabrielle. " Je ne crois pas que ça risque d'arriver avant longtemps. " Elle caressa la joue du barde et lui fit un clin d'œil. " Tu m'obliges à rester vigilante, mon barde. "

 

Les yeux verts l'observèrent un long moment, puis se mirent soudain à briller. " Et je ferai de mon mieux pour que ça ne change pas ", promit-elle avec un sourire espiègle. " Vous autres guerriers êtes si perdus, parfois… vous avez besoin de quelqu'un pour s'occuper de vous. "

 

Xena se mit à rire. " Oh, vraiment ? " fit-elle en caressant le menton du barde. " Alors ça veut sans doute dire que j'ai de la chance de t'avoir, hein ? " Ses yeux étincelèrent. " Ou qui sait dans quel pétrin j'irais me fourrer. "

 

Gabrielle ricana. " Oh… c'est ça… comme si tu ne te collais pas dans le pétrin de toute façon. "

 

" Moi ? " fit Xena en se désignant du pouce, le sourcil levé. " C'est moi qui ai libéré les Titans ? Ou qui me suis faite mordre par une Bacchante ? Ou qui ai trouvé le bébé de Pandore ? "

 

" Euh… " Le barde inspira, puis s'interrompit. " Pas juste. "

 

" Et combien de fois exactement t'es-tu fait kidnapper ? " continua Xena, une étincelle diabolique dans les yeux.

 

Gabrielle lui lança un semblant de regard noir et soupira dramatiquement. " Ok… ok… j'ai compris. "

 

Elles se sourirent. Puis Xena laissa tomber sa main et recouvrit celle du barde. " Gabrielle ? " Son visage devint calme.

 

" Hmm ? " fit le barde en se levant. Elle grimaça après être restée si longtemps accroupie. " Aïe. "

 

Xena ne dit rien et se pencha en avant, posant les deux mains sur les jambes de Gabrielle pour lui administrer un petit massage. " La prochaine fois, assieds-toi, ok ? " fit-elle en plaisantant, puis elle pencha la tête sur le côté en entendant approcher Lestan et Wennid.

 

" Mmm… " soupira joyeusement Gabrielle. " Tu es vraiment douée pour ça. " Elle se laissa tomber sur la chaise en face de Xena et étouffa un bâillement. " Tu allais dire quelque chose ? " Elle bâilla à nouveau et sourit en voyant Xena essayer de ne pas l'imiter. " Parce que j'allais dire que je pense être celle qui a le plus de chance, dans l'histoire… et ne crois pas que je ne le sais pas. "

 

Les lèvres de Xena se tordirent un peu. " Je crois qu'on pourrait débattre sur la question. "

 

Un petit sourire suffisant de la part du barde. " Et tu perdrais. C'est moi l'oratrice, tu te souviens ? "

 

Lestan s'étira et se secoua un peu en entrant à nouveau dans la pièce, avant de venir s'asseoir à moitié sur le rebord de la table. " On l'a trouvé. " Il leva ses yeux presque rouges au ciel. "Par Arès, ce gamin est un vrai cochon. " Il posa son regard sur elles. " Je crois qu'il est temps de prendre un peu de repos. Je sens que la journée de demain va être longue. "

 

Xena acquiesça puis se leva, consciente du regard du barde, ce qui la fit sourire intérieurement. " Probablement. " Elle fit une pause, pensive. " Il ne reste pas beaucoup de temps, Lestan. Tu as dit que ce défi a été fixé à après-demain ? "

 

L'être de la forêt hocha la tête. " Alors comme ça, tu sais… et ça me fait plutôt plaisir… il n'est plus question de se rendre. Il… a exigé que je te livre à lui si nous capitulions. " Le visage de Lestan s'immobilisa. " Et ça, mon amie, ça ne risque pas d'arriver. Tu le comprends, n'est-ce pas ? " N'est-ce pas, Xena ? Pas question de disparaître cette nuit, pour partir en mission solitaire…

 

La guerrière l'observa pensivement, réfléchissant aux possibilités. " Je ne vois aucune raison de faire cela ", répondit-elle doucement, sans trop s'avancer et voyant Gabrielle se raidir du coin de l'œil. Ahh… mon barde. Mon amie… tu me connais trop bien, pensa-t-elle tristement. " D'un autre côté, Lestan… ils ont réussi à infiltrer cet archer jusque dans le village. " Ses yeux le fixèrent avec intensité. " Ils pourraient essayer à nouveau. " Ses yeux se posèrent brièvement sur le visage de Gabrielle. " Ce n'est pas pour moi que je m'inquiète. "

 

L'être de la forêt expira longuement. " Tu as raison ", admit-il avec un hochement de tête. " On s'est laissé aller, je crois. " Il lui lança un regard triste. " C'est dangereux. Parce qu'en général, tu ne t'en rends pas compte, jusqu'à ce que tu veuilles te servir de quelque chose… et que tu t'aperçoives qu'elle a disparu. "

 

Pour une raison qu'il ignorait, Xena sembla trouver cela amusant et sourit, rit même un peu. " C'est très vrai, Lestan ", acquiesça-t-elle. " Mais je ne peux pas dire que je vais dormir sur mes deux oreilles, ce soir. "

 

Gabrielle ricana. " Tu ne dors jamais sur tes deux oreilles ", taquina-t-elle gentiment. " Moi si, tant que tu es là. "

 

Lestan rit doucement. " Je vais faire doubler la garde autour du village. " Il se leva et partit vers la porte ; elles le suivirent, sortant sur le porche et dans la brise fraîche de la nuit.

 

La lumière de la lune caressait doucement les feuilles, dessinant des tâches argent et noires sur le chemin alors qu'elles regagnaient leur chalet. Gabrielle sentit le silence et, étrangement, n'eut pas envie de le rompre, préférant se concentrer sur le problème. Un coup d'œil vers Xena et elle sut ce que la guerrière pensait de leurs chances, et elle comprit que sa compagne profitait de leur marche silencieuse pour réfléchir aux options, qui étaient limitées, et pour essayer de décider quoi faire.

 

Tout près, un buisson bougea un peu alors qu'un petit animal fuyait leurs pas, et Gabrielle sentit le frisson presque imperceptible qui parcourut le bras de Xena qui entourait le sien. Elle a détecté le bruit, l'a analysé et a décidé que c'était inoffensif, en moins de temps qu'il ne m'a fallu pour cligner des yeux. Un coup d'œil lui révéla l'expression préoccupée de la guerrière et le barde secoua légèrement la tête. Et elle ne s'en rend même plus compte. Wow. Combien d'années ça lui a pris pour arriver à ce niveau, où elle peut totalement compter sur son instinct ? Où je peux totalement compter sur son instinct ?

 

Leurs bottes faisaient craquer doucement le sol sous leurs pas, alors qu'elles traversaient l'herbe gorgée de rosée et envoyait le doux parfum de la terre imprégnée de pluie tout autour d'elles, se combinant avec celui du jardin de roses de Wennid. " Mmm ", fit doucement Gabrielle, rompant enfin le silence. " J'aime ça. "

 

" Hmm ? " fit Xena, puis elle renifla avec ravissement. " Oui… c'est agréable. " Elle pencha la tête et regarda Gabrielle qui se tenait là sans rien dire, dans la lumière de la lune qui rendait ses cheveux encore plus pâles et transformait la couleur de ses yeux en gris clair. Elle sourit. " Merci de me faire remarquer ce genre de choses. "

 

Gabrielle baissa les yeux et sourit un peu, la rougeur qui envahit ses joues ajoutant une touche de couleur à son visage pâle. C'est encore si nouveau… parfois je n'arrive pas à croire ce que nous représentons l'une pour l'autre… après tout ce temps passé à vouloir toutes les deux cette même chose, et à toujours s'arrêter parce que nous avions… peur. Et après avoir presque perdu notre amitié… dieux. C'était horrible.

 

 

Elle avait été furieuse. Et blessée, et un millier d'autres choses après qu'elles avaient finalement fait plonger Callisto et Velasca dans la lave en fusion. Et elle s'était énervée contre Xena au moins une dizaine de fois, parce qu'elle avait utilisé Callisto et qu'elle ne lui avait pas parlé du plan qu'elle avait concocté pour les sortir de ce qui était, elle devait bien l'admettre, une situation pratiquement désespérée.

Xena avait encaissé les piques sans broncher, et s'était renfermée sur elle-même comme elle le faisait avant, et avait revêtu son masque de marbre. Leurs conversations étaient réduites à quelques brèves questions et à des réponses encore plus succinctes, jusqu'à ce que Gabrielle admette intérieurement qu'elle se mettait à reconsidérer sa décision de rester avec quelqu'un qu'elle pensait connaître, mais que de toute évidence, elle ne connaissait pas.

Elle avait pensé à partir, et à rentrer chez les Amazones, mais une partie têtue en elle ne voulait pas abandonner deux années de progrès si lents et si laborieux dans ce qui était sans aucun doute une relation difficile.

Et puis il y avait une partie en elle qui ne voulait rien d'autre que de se jeter aux pieds de Xena et de ravaler toutes les choses mordantes et piquantes qu'elle avait dites au cours des dernières semaines, et de la supplier de lui pardonner. Parce qu'elle savait qu'elle lui avait fait mal. Elle connaissait trop bien Xena, et la guerrière ne pouvait dissimuler le tressaillement et la douleur dans ses yeux bleus ; elle dut alors se retenir de ne pas lui tendre la main et essayer de faire disparaître cette douleur parce que cela la faisait souffrir tout autant. Et cela aurait dû lui faire comprendre quelque chose.

C'est parce qu'elle savait cela qu'elle était restée, là, de son côté du feu qui ne la réchauffait pas, regardant à travers les flammes le visage sans expression de Xena, alors que la guerrière affûtait son épée avec des coups rythmés.

Puis les coups s'étaient ralentis et s'étaient arrêtés, et Xena avait inspiré profondément. Elle avait regardé ses mains, avant de ranger sa pierre d'affûtage. Elle avait rengainé l'épée et laissé la garde reposer entre ses doigts entrelacés.

" Encore deux jours sur cette route et nous serons à nouveau en territoire amazone. " La voix basse avait résonné clairement de l'autre côté du feu. " Je crois que tu ferais mieux de rester avec elles. "

Gabrielle avait senti son cœur se serrer et son estomac se nouer alors que les mots la pénétraient et qu'elle en comprenait le sens. Et elle comprit à cet instant qu'elle ne voulait pas partir, et cela dût se voir dans ses yeux, parce que Xena inspira rapidement, mais demeura pourtant silencieuse, attendant sa réponse. Non… ne me fais pas cela… je t'en prie, supplia son cœur dans le silence. Quel que soit ce que nous avons perdu… il y a quelque chose entre nous, je le sens. Même maintenant. " Je ne… " Et elle dût s'interrompre. Elle baissa les yeux vers le sol alors que sa gorge se serrait et l'empêchait de parler. " Ce n'est pas à toi de prendre cette décision ", articula-t-elle enfin, les yeux toujours baissés.

" Si ", répondit tranquillement la guerrière d'une voix froide. " Avant, tu me faisais confiance pour prendre les bonnes décisions pour toi. " Une longue pause. " Pourquoi ne pas me faire confiance une dernière fois ? "

Gabrielle avait regardé le sol, et la terre s'assombrir lorsque ses larmes la touchèrent. Le sentiment de perte était si grand qu'elle en eut le souffle coupé. Elle s'entoura de ses bras, essayant en vain de garder son sang froid. Elle ne pouvait pas lever les yeux, ne pouvait pas regarder à travers les flammes et voir la froideur, les barrières qu'elle avait passé deux années entières à ronger dressées à nouveau, plus solides que jamais, comme si elle n'avait jamais été là. " Je n'arrive pas à croire… " parvint-elle à articuler. " Tu t'en fiches. "

Elle n'entendit pas Xena bouger ; tout ce qu'elle ressentit fut une secousse soudaine lorsque deux mains puissantes saisirent ses épaules et la redressèrent, la forçant à croiser le regard intense de la guerrière.

" Je m'en fiche ? " La voix de Xena ruisselait de colère et d'autre chose que Gabrielle ne pouvait identifier. " Je m'en fiche ? Oh… comme tu te trompes. " Sa voix tomba pour devenir un murmure bas et rauque. " Je m'en fiche si peu que j'ai risqué la seule chose qui compte pour moi dans ce monde pour te garder saine et sauve. " Ses yeux étincelaient. " J'avais le choix entre te sauver la vie et sauver notre amitié, et par tous les dieux, j'ai choisi ta vie. " Xena avait dégluti avec difficulté, puis inspiré une fois, puis deux. " Et je recommencerais si nécessaire. Je savais que tu ne comprendrais pas ma décision de libérer Callisto, Gabrielle. " Son regard féroce s'adoucit, et ses épaules s'affaissèrent. " Je savais que ce serait le prix à payer ", termina-t-elle doucement, libérant le barde. Elle s'était assise devant elle, ses avant-bras appuyés sur ses genoux. " Je pouvais me servir de Callisto, ou trouver Hercule ou demander l'aide d'Arès. " Elle avait levé les yeux, une expression fatiguée sur le visage. " Et je n'avais pas le temps de trouver Hercule. " Encore une pause. " Alors… Je te déposerai chez les Amazones, d'accord ? C'est un peuple honorable, et tu as de bonnes amies, parmi elles…à moins que tu ne préfères rentrer chez toi ou aller à Athènes. C'est comme tu veux. "

La seule chose qui compte pour moi dans ce monde… c'était tout ce à quoi pouvait penser Gabrielle. Elle cligna des yeux et contempla la tête sombre penchée devant elle. Comme cette décision a dû être solitaire pour elle… j'ai des amis, une maison. Elle n'a… rien, à part Argo. A part moi. Elle réfléchit à cette pensée. A part moi. Oh, par tous les dieux, Gabrielle. Qu'as-tu fait ? Que lui as-tu fait à elle, à toi ? " Tu veux que je parte ? " fit-elle, sa voix à peine plus forte qu'un murmure.

Il n'y eut aucune réponse pendant un long moment. Puis Xena avait levé les yeux, une expression résignée dans les yeux. " Je veux que tu fasses ce qui te rend heureuse, Gabrielle. Et de toute évidence… ce n'est pas rester ici. "

Gabrielle avait senti une petite lueur d'espoir se rallumer, parce que la réponse n'était pas franche, et elle le savait. Elle s'était laissée glisser du tronc d'arbre sur lequel elle était assise et était venue s'agenouiller près de la guerrière. Elles s'étaient regardées un long et intense moment, puis lentement, en hésitant, Gabrielle avait tendu la main et enroulé ses doigts autour de ceux de Xena et avait senti un petit serrement pour toute réponse. Cela lui avait donné le courage de lever les yeux vers le visage immobile.

" Je suis désolée ", avait-elle dit doucement. " Si tu m'avais demandé de choisir… entre plonger de ce pont et ce que je ressens en ce moment, j'aurais choisi le pont. "

Des doigts puissants se serrèrent autour des siens, si fort que cela la surprit. " Gabrielle… "

" Non… " Le barde leva la main. " Laisse-moi continuer avant que je ne m'effondre, OK ? Parce que je sens que ça vient. "

" OK ", avait répondu doucement la guerrière.

Mais elle n'avait pas relâché son étreinte et le barde avait puisé sa force de ce contact, assez de force pour remettre ses pensées en ordre et se ressaisir. " Ecoute. " Une pause. " Quand Velasca s'est lancée après moi…ça m'a vraiment secouée. " Elle déglutit. " Uhm… j'avais peur, et j'avais l'impression de perdre le contrôle… de tout. " Elle se mordit un peu la lèvre. " Et je vous ai toutes entraînées avec moi… et je… me suis sentie si impuissante. " Elle baissa les yeux vers leurs mains liées. " J'ai essayé de me convaincre que je devrais… grandir un peu, tu sais. Et prendre les choses en main, puisque j'étais censée être reine des Amazones, tu vois ? Mais je n'avais aucune idée de ce qu'il fallait faire, parce que je ne suis rien de la sorte. Je suis un imposteur. " Elle ignora la main qui se serra soudainement sur son autre main. " Et c'est pour ça que j'ai été si désagréable, je crois. Ce n'est pas à toi que j'en voulais, c'est à moi. " Elle ignora également les larmes qui avaient commencé à rouler le long de ses joues. " Et… je crois que je t'en voulais parce que toi… tu n'es pas un imposteur. Tu es vraie, Xena. Tu fais ce qu'il faut, et tu sais prendre les décisions difficiles… et… je ne sais vraiment pas pourquoi tu m'as supportée aussi longtemps. " Elle inspira, tremblant un peu. " Alors… si tu veux me déposer quelque part, je ne t'en voudrais pas. A la maison, ça vaudrait mieux. Je ne suis pas capable de régner sur les Amazones."

Elle ne savait vraiment pas quel genre de réponse attendre de la part de Xena. Tout ce qu'elle avait pu faire, c'était lui dire la vérité et laisser la guerrière penser ce qu'elle voulait. Elle entendit la respiration rauque de Xena, puis les mains qui la tenaient se resserrèrent sur les siennes. " Regarde-moi ", fit doucement la guerrière, et elle obéit, leva les yeux pour croiser le regard bleu si patient. " Tu veux rentrer chez toi, Gabrielle ? "

" Non ", avait répondu le barde.

" Tu veux aller chez les Amazones ? " Une autre question tranquille.

" Non ", répondit Gabrielle en baissant les yeux.

" Qu'est-ce que tu veux ? " insista Xena.

Et elle avait levé à nouveau les yeux et prit son courage à deux mains. " Je veux retrouver ma meilleure amie. " Elle vit Xena absorber les mots et retint son souffle en attendant sa réponse. Ne laisse pas tout finir ici, je t'en supplie…

La guerrière avait levé un sourcil, puis un sourire avait effleuré ses lèvres. " Je ne suis allée nulle part, tu sais ", répondit-elle doucement. Puis ses yeux s'étaient adoucis et avaient reflété un véritable regret. " J'aurais dû te parler de mes projets, Gabrielle. C'est juste que… je n'étais pas sûre que ça marcherait, ou même si… c'était une bonne idée. " Elle s'interrompit. " Je savais que tu comptais sur moi… j'avais… " Un soupir. " Peur de te décevoir, cette fois-ci. "

Elles s'étaient regardées un long moment. " Pardon d'avoir été si désagréable ces dernières semaines ", avait dit doucement Gabrielle. " Tu ne le méritais pas. "

" Pardon de t'avoir repoussée ", avait répondu Xena tout aussi doucement. " Je savais que c'était dur pour toi. Tu ne le méritais pas non plus. " Une pause. " Et tu n'es pas un imposteur, Gabrielle. " Elle baissa les yeux vers le sol. " Il y a eu tant de fois… où j'ai souhaité ne pas avoir l'expérience qui me permet de prendre les décisions difficiles. " Sa voix devint un murmure. " J'aurais donné n'importe quoi pour ne pas avoir à prendre celle-là. "

Un autre long silence. Gabrielle avait observé leurs mains liées, puis lentement, avec précaution, s'était un peu détendue. Elle avait resserré son étreinte, et sentit Xena lui rendre son geste. Tout ira bien, comprit-elle et le soulagement fut si intense qu'il en fut douloureux. J'aurais pu tout perdre. J'ai presque tout perdu. Son cœur se serra à cette pensée et elle inspira en tremblant. Je sais ce dont j'ai besoin, pensa-t-elle tristement. Mais ça serrait trop demander après tout cela. Laisse-lui le temps, Gabrielle. C'est un début. Elle leva les yeux et contre toute attente, trouva dans ces yeux bleus une chaleur pleine de compassion et un demi-sourire qui la toucha au plus profond de son être.

" Viens là. " La voix de Xena et une pression sur les mains toujours serrées dans les siennes. Elle avait été tirée à travers l'espace qui les séparait et avait atterri dans les bras de la guerrière. Dans une étreinte chaude et féroce dans laquelle elle s'était blottie sans jamais vouloir en sortir.

Comment a-t-elle su…s'était-elle demandé distraitement. " Merci… " avait-elle chuchoté. " J'en avais besoin. "

Xena avait encore resserré son étreinte, puis l'avait un peu relâchée, frottant doucement le dos du barde, et Gabrielle l'avait sentie inspirer profondément, puis expirer. " Moi aussi ", avait-elle admis d'une voix si douce que le barde avait dû faire un effort pour l'entendre.

Et après cela, pensa Gabrielle sobrement, elles avaient été plus ouvertes l'une envers l'autre. Comme si ce croisement dangereux, une fois passé, leur avait permis de passer à l'étape suivante dans leur relation, et leur avait fait comprendre qu'elles pouvaient se mettre en colère, un peu. Ou jouer ensemble… et Xena avait un merveilleux sens de l'humour que Gabrielle découvrit bientôt.

 

A présent, elle regardait le visage de Xena qui admirait la pleine lune, et elle sourit. " Hé… si tu as l'intention de jouer à l'épée avec les autres demain toute la journée, il faut que tu ailles dormir. "

 

Xena lui lança un regard désabusé. " Oui, maman ", fit-elle, taquine, ébouriffant les cheveux clairs du barde, puis elle lui leva le visage et la regarda de plus près. " Hé… " fit-elle, l'inquiétude nette dans sa voix, en effleurant les larmes sous les yeux du barde. " Ça ne va pas ? "

 

Gabrielle rit un peu et haussa les épaules. " Oh… c'est idiot, rien vraiment. Je… pensais. Je me souvenais… " Elle baissa les yeux et renifla. " La lune… ça m'a rappelé la nuit où… on s'est réconciliées. Après Velasca, et toute cette histoire. "

 

" Qu'est-ce qui t'a fait penser à ça ? " demanda doucement Xena. " Tu es en colère contre moi ? "

 

Le barde sourit et lui donna une petite tape. " Ne sois pas bête. " Puis elle fronça les sourcils. " A moins que tu n'aies vraiment l'intention de te livrer à Sécan sans rien me dire. "

 

Xena ricana, détendue, et plaça son bras autour des épaules de Gabrielle, en la poussant vers le chalet. " Nan. " Ses yeux brillèrent. " Je parie qu'il n'a rien d'intéressant à raconter pendant les repas. " Elle étouffa un bâillement. " Non… je vais attendre et voir de quoi ont vraiment l'air les troupes de Lestan. " Elle cligna un peu des yeux. " Avant de prendre une décision. "

 

Gabrielle acquiesça. " Bonne idée. " Elles montèrent les marches, leurs bottes résonnant un peu sur les planches en bois, puis entrèrent dans le chalet et s'arrêtèrent net. " Qu'est-ce que… " fit Gabrielle, puis elle éclata de rire.

 

Xena leva les sourcils et mis ses mains sur ses hanches, tout en regardant la scène devant elle : un très jeune être de la forêt, blotti contre le mur du chalet, les yeux écarquillés. Devant lui, et ne le quittant pas des yeux, les oreilles aplaties, la queue baissée, grognant, se tenait un Arès très féroce et très impressionnant.

 

" Arès ", soupira la guerrière en tapotant sa propre jambe. Le chiot regarda autour de lui et remua la queue avec enthousiasme.

 

" Roo ! ! ! " fit-il en dansant d'une patte sur l'autre, puis il se précipita vers elle et sauta pour poser ses pattes sur ses cuisses en s'étirant autant qu'il le pouvait. " Grrr ! ! ! " ajouta-t-il alors qu'elle lui grattait la tête.

 

" Salut ", fit Gabrielle en approchant du jeune intrus. " Qui es-tu ? "

 

Le garçon tourna la tête vers elle et sourit, un peu hésitant. " Salut ", répondit-il doucement. " Je ne voulais pas… causer de problèmes. " Il était plus petit que Gabrielle et sa fourrure était d'un rouge fauve, son sourire très doux. " Je voulais juste vous apporter ceci, de la part de ma sœur. " Il montra un paquet, mais son regard ne se posa ni sur l'une, ni sur l'autre, et elles comprirent que le garçon était aveugle.

 

Gabrielle se laissa tomber sur le sol et s'assit en tailleur à côté de lui, avant de lui prendre le paquet des mains. " Merci. Qui est ta sœur ? "

 

Ses oreilles tournèrent dans sa direction. " Elaini ", répondit-il avec un sourire. " Je m'appelle Tody. " Son visage prit une expression rêveuse. " Je ne peux pas te voir, mais tu as l'air gentil. "

 

Xena ricana un peu et les oreilles de Tody se tournèrent vers elle. " Elle est gentille ", commenta la guerrière en ramassant Arès qui grognait toujours. Elle s'approcha et le visage de Tody se tendit un peu en entendant le chiot. " N'ai pas peur. Il ne te fera pas de mal. Je le tiens ", rassura Xena.

 

" Tu es grande ", fit Tody avec un petit sourire. " Tu dois être Xena. "

 

La guerrière s'assit lentement, afin de ne faire peur, ni au garçon, ni au chiot. " C'est exact ", confirma-t-elle. " Et voici Gabrielle, qui est aussi gentille qu'elle en a l'air. "

 

Gabrielle se mit à glousser. " Je m'en souviendrai ", remarqua-t-elle en donnant à Xena un petit coup dans la jambe.

 

" Tends la main ", demanda doucement Xena. Tody obéit et la guerrière laissa Arès la sentir d'un air soupçonneux.

 

" Rrr ", grommela le chiot avec un petit éternuement.

 

Hésitant, Tody toucha la douce fourrure sous ses doigts puis caressa le chiot avec un peu plus d'assurance. " Hé… c'est doux. C'est vraiment un loup ? "

 

" Ouaip ", acquiesça la guerrière. " Il est protecteur à l'excès. "

 

Gabrielle, occupée à ouvrir le paquet, leva les yeux et sourit. " Il tient ça de sa maman. " Ses yeux brillèrent en voyant la légère rougeur qui envahit le visage de sa compagne, et elle eut droit au coup d'œil auquel elle s'attendait et auquel elle répondit en tirant la langue. " Ose dire le contraire. "

 

" Ouais, ouais… " soupira Xena en levant les yeux au ciel. " Il faut bien que quelqu'un te surveille. "

 

Toby était assis en silence, tournant la tête pour écouter les voix autour de lui, souriant. " Ce que c'est cool ", soupira-t-il avec ravissement. " Mes premiers humains. " Il tourna la tête vers Gabrielle et cligna un peu des yeux. " Tu es la conteuse, n'est-ce pas ? " Son museau se troussa un peu alors qu'il souriait. " Ça ne te dérange pas si je te touche le visage pour savoir à quoi tu ressembles ? Ça ne fait pas mal. "

 

" Pas de problème ", répondit immédiatement Gabrielle et elle se rapprocha de lui, avant de lui saisir la main et de la poser sur sa joue.

 

" Oh ", fit-il, fasciné, faisant glisser les doigts sensibles sur sa peau. " C'est doux. " Sa main dessina sa mâchoire, puis se posa sur ses lèvres et sur l'arête du nez. " C'est si différent de nous. " Elle sourit et il le sentit immédiatement, son pouce touchant les muscles sur les côtés de sa bouche. " Tu souris. " Puis elle ferma les paupières lorsque ses doigts les touchèrent et il fit une pause. " Parfois, j'arrive à imaginer les couleurs… de quelle couleur sont tes yeux ? "

 

Gabrielle ouvrit la bouche pour répondre, mais hésita. Quelle signification pouvait bien avoir une couleur pour lui ?

 

Une voix grave émergea de la pénombre qui régnait dans le chalet, là où Xena était assise, tenant un Arès ravi dans ses bras. " Tu sais… l'odeur de l'herbe fraîche ? " fit-elle avec un sourire tranquille.

Tody hocha vigoureusement la tête. " Oui… bien sûr. "

 

" C'est de cette couleur que sont ses yeux ", répondit la guerrière, adorant l'expression émerveillée sur le visage de sa compagne.

 

Le garçon sourit, ravi. " Oh… wow. " Puis il se reprit et ses oreilles bougèrent dans la direction de Xena. " Tu as été aveugle. " Ce n'était pas une question ; simplement une affirmation.

 

" Pendant un temps, oui ", répondit-elle doucement. " Tu l'as toujours été ? "

 

Tody hocha la tête. " Presque toujours, oui. " Il se tourna à nouveau vers le visage du barde, caressant ses traits avant de finir par saisir doucement une mèche de cheveux. Il tourna la tête et leva un sourcil interrogateur à l'attention de Xena.

 

La guerrière inspira et réfléchit un instant. " Tu connais cette sensation … quand le soleil est en train de se coucher… la lumière sur ton visage? "

 

Inconsciemment, le garçon ferma les yeux et un sourire rêveur se dessina sur ses lèvres. " Oui… c'est cette couleur ? "

 

" Oui ", répondit Xena en parcourant d'un regard affectueux le visage du barde.

 

Tody soupira, ravi. " C'est magnifique. " Il fit une pause, mais gloussa. " Tu rougis ", dit-il en sentant la chaleur sous ses doigts et il les retira, noua ses mains ensemble et se pencha légèrement en avant. " Elaini est sortie ramasser tout un tas de nouvelles herbes pour le thé… elle s'est dit que vous aimeriez en avoir. " Il tira un peu la langue. " Et je me suis porté volontaire pour les apporter parce que je voulais vous rencontrer… tout le clan ne parle que de vous deux. "

 

Gabrielle examina les herbes sous ses doigts. " C'est vraiment gentil de sa part. " Elle leva les yeux en voyant Xena se lever et tendre la main vers le paquet.

 

" Je vais m'en servir tout de suite. Pourquoi ne raconterais-tu pas une histoire à notre jeune ami ? " fit la guerrière avec un clin d'œil. " Je parie que tu en connais qu'il n'a jamais entendues. "

 

" Vraiment ? " fit Tody, une expression ravie illuminant son visage couleur rouille. " J'ai promis à Elaini que je ne t'embêterais pas avec ça. "

 

Gabrielle lui lança un regard plein de compassion et, posant sa main sur la sienne, la serra doucement. " Pas de problème ", fit-elle. " Allez, viens, allons nous asseoir près du feu. " Elle se leva et le tira sur ses pieds, avant de le guider jusqu'à la cheminée et de s'installer sur le tapis devant l'âtre.

 

Xena resta debout à les regarder un moment, puis sourit et reposa Arès par terre. Le loup trottina jusqu'au tapis et se blottit contre la jambe du barde, posant son menton sur son genou avec un soupir. " Je sais exactement ce que tu veux dire, Arès ", marmonna la guerrière, puis elle ricana. Oh, dieux… quand tu es tombée, tu es tombée tout au fond, hein, fleur bleue ? Ses mains trièrent automatiquement les herbes, puis ramassèrent une sélection, divisant le tas en trois, un pour chaque tasse, avant de les porter avec l'eau jusqu'à l'âtre et de s'installer dans les ombres du feu, là où elle pouvait regarder l'eau et Gabrielle en même temps.

 

Le barde était bien partie dans son histoire et avait totalement capturé l'attention de Tody, le jeune être de la forêt bougeant d'avant en arrière, et tournant la tête pour saisir toutes les nuances de sa voix. Xena se rendit compte que Gabrielle avait adapté son style de récit et mit de côté les gestes gracieux qu'elle utilisait d'habitude, pour les remplacer par des termes plus descriptifs. Elle est bonne. Les lèvres de la guerrière esquissèrent un sourire et elle laissa sa tête retomber contre la cheminée, allongeant ses jambes, les bras croisés sur sa poitrine.

 

Et elle sentit son attention être détournée et ses yeux se fermer contre son gré. Bon sang, soupira-t-elle intérieurement. Je n'ai plus d'endurance. Et j'ai dormi cet après-midi, en plus. Elle se força à ouvrir les yeux et secoua un peu la tête pour s'éclaircir les idées, levant les yeux pour croiser un regard vert brume braqué sur elle. Elle leva un sourcil à l'attention du barde et retira l'eau chaude du feu pour la verser dans les tasses qu'elle avait préparées. Ignorant le regard sévère qu'on lui lançait.

 

" Attends une seconde, Tody ", fit Gabrielle en posant la main sur son poignet pour le rassurer. " Je reviens tout de suite. " Elle se leva et fit quelques pas jusqu'à l'endroit où Xena était assise, avant de mettre un genou à terre. " Hé. "

 

" Hé toi-même ", répondit Xena avec habitude, en lui tendant une tasse. " Tiens. "

 

" Merci. " Le barde posa la tasse. " Tu sais, tu as déjà entendu cette histoire. " Avec un regard lourd de sous-entendus.

 

" Gabrielle… je suis dans cette histoire ", répliqua Xena avec une lueur tranquille dans le regard. " Et après ? "

 

Gabrielle soupira et secoua lentement la tête. " Ce que tu peux être têtue. " Elle se pencha un peu plus vers elle. " Est-ce que tu pourrais laisser tomber le numéro de guerrière féroce et aller te coucher ? " Elle leva la main et la posa sur l'épaule de sa compagne. " Xena, ça ne fait que trois jours, ok ? N'importe qui d'autre serait encore cloué au lit… tu ne pourrais pas laisser à ton corps le temps de guérir pour une fois, s'il te plaît ? Pour moi ? "

 

Xena lui sourit. " Gabrielle… "

 

" Je sais ", interrompit le barde en posant ses doigts sur les lèvres de la guerrière. " Mais tu m'as dit la dernière fois que j'étais blessée que je devrais écouter ce que me dit mon corps, pas vrai ? Et que si mon corps me disait que j'avais besoin de repos, je devrais prendre du repos, pas vrai ? " Elle vit Xena ouvrir la bouche pour parler, mais ensuite cligner des yeux plusieurs fois avant de lancer au barde un regard triste. " Pas vrai ? "

 

La guerrière poussa un soupir résigné. " Ouais. " Mais elle rit un peu. " Laisse-moi finir, d'accord ? " Elle montra sa tasse fumante et se réinstalla contre le mur, prenant une gorgée de thé brûlant et la laissa glisser dans sa gorge. J'espère qu'elle ne va pas se rendre compte que j'ai collé un petit quelque chose là-dedans pour rester éveillée un peu plus longtemps. Elle regarda la tasse d'un air désabusé. Les dieux savent que ça ne m'arrive pas souvent. Ses yeux parcoururent l'intérieur du chalet. Mais j'ai un pressentiment… je crois que je vais devoir rester sur mes gardes encore un peu.

 

Gabrielle retourna à son histoire mais garda l'œil sur sa compagne, qui semblait confortablement installée dans son coin, et resta très éveillée pendant tout le reste de l'histoire, ses yeux bleus attentifs. Elle le fait exprès, pensa le barde en soupirant intérieurement, mais elle ne put retenir un léger sourire. Oh, tant pis… de toute façon, j'ai presque fini, et après, elle n'aura plus aucune excuse.

 

" C'était génial ! " fit Tody en riant lorsqu'elle eut fini le conte. " Ah… merci. " Il tendit la main avec précision et tapota son genou. " Je voyais vraiment ce que tu décrivais dans ma tête. " Il se leva et épousseta un peu sa fourrure en se secouant. " Il faut que je rentre… maman s'inquiète quand je sors une fois la nuit tombée. " Il eut soudain un sourire féroce. " Même si ça me met sur un pied d'égalité. "

 

Gabrielle rit et se leva à son tour. " Il faut que j'aille chercher quelque chose à la hutte de la guérisseuse. Je peux t'accompagner ? " Elle ignora le léger ricanement de sa compagne qui était en train de s'étirer de tout son long après s'être levée. Elle s'appuya contre le corps chaud de Xena et sentit de longs bras l'envelopper par derrière, avant de s'arrêter autour de son cou.

 

" Sois prudente ", murmura Xena à son oreille. " Prends ton bâton avec toi. "

 

Le barde tourna la tête et regarda sa compagne sans rien dire. " Ok. " Elle posa sa joue contre le bras de Xena et ferma les yeux un moment. Oh… mauvaise idée… pensa-t-elle alors qu'une vague de sommeil l'envahit. Et j'ai le culot de la taquiner sur ce sujet. Avec un soupir, elle se força à rouvrir les yeux et ne manqua pas l'étincelle dans ceux de Xena. " Pas un mot ", conseilla-t-elle en essayant de lui lancer un regard noir.

 

Xena eut un grognement au plus profond de sa gorge et qui vibra contre la nuque du barde. " Fais vite, et je te garderai une place bien au chaud ", répondit Xena à son oreille d'un ton taquin, et la soudaine chaleur du souffle de sa compagne sur son visage envoya un frisson le long de la colonne vertébrale de Gabrielle.

 

" Whoa. " Elle inspira, en clignant des yeux. " Je suis réveillée. " Elle lança un coup d'œil de côté à Xena et croisa le pétillement malicieux de ses yeux. " Ne fais rien sans moi. " Elle se dégagea à contrecœur de l'étreinte de la guerrière et poussa Tody vers la porte, attrapant son bâton au passage. " Allez, Tody… guide-moi. Il fait noir dehors. "

 

" Pas de problème ", fit le garçon en levant son menton brun-roux pour se donner de l'importance. " Je te protégerai. "

 

Gabrielle rit un peu et, se retournant, croisa le regard amusé de Xena. " Encore un ", articula en silence la guerrière en lui lançant un grand sourire, riant doucement devant le haussement d'épaules un peu penaud du barde.

 

Ils passèrent dans la brume de la nuit, et dans l'obscurité maintenant que la lune était passée derrière une couche épaisse de nuage. Gabrielle se rendit compte que son compagnon connaissait en effet bien son chemin et suivit ses pas assurés entre les arbres. " C'était vraiment une bonne histoire. " Sa voix enfantine résonnait avec assurance dans l'obscurité. " Et c'était vrai, en plus, pas vrai ? "

 

" Ouaip ", confirma Gabrielle en serrant un peu plus son bâton. " Je n'ai pas besoin d'inventer des trucs avec Xena. Ce qu'elle fait suffit largement. "

 

" Génial ", fit Tody dans un souffle. " Et votre lien est vraiment super. Je peux le voir sans même avoir à Regarder de près. "

 

Gabrielle ralentit et se tourna vers lui. " A quoi cela ressemble ? Vous tous, vous n'arrêtez pas de dire que vous pouvez nous voir… ou voir ce lien… je ne peux pas, moi. Ni Xena… enfin… je veux dire, je ne sais pas, mais elle n'a jamais rien dit, et je crois qu'elle l'aurait mentionné. C'est ce… " Elle leva les sourcils. " Ce sentiment que j'ai… quand elle a des ennuis, ou un truc dans ce genre. "

 

Tody fronça les sourcils, froissant la fourrure de son visage. " Dieux. Je n'ai jamais… je veux dire… qu'est-ce que… qu'est-ce ça fait quand tu ressens votre lien ? "

 

Gabrielle réfléchit un bon moment à la question. " C'est comme si j'étais totalement immergée dans la lumière du soleil ", dit-elle enfin. " C'est… " Le sentiment qu'elle avait lorsque leurs yeux se croisaient, et qu'elle savait… elle savait qu'elle pouvait sentir quelque chose passer entre elles. " Je ne peux pas le décrire. "

 

Le garçon hocha la tête. " OK… c'est ça. C'est le problème. Je ne peux pas le décrire non plus. " Ses oreilles se tournèrent vers elle. " Mais je sais quand je le sens. Certains compagnons sont plus forts que d'autres… Lestan et Wennid sont vraiment, vraiment forts. Votre lien… est comme le leur… chaud et amical, et doux. " Il tourna la tête et se concentra un moment. " Bizarre. "

 

" Quoi donc ? " fit doucement Gabrielle, ses propres instincts à fleur de peau ; elle sentit les cheveux se dresser sur sa nuque, envoyant un frisson le long de son cou et aiguisant ses sens. C'était quelque chose qui n'avait commencé à arriver que récemment… et son esprit ingurgita cette information pour considération ultérieure, alors qu'elle levait instinctivement son bâton et écoutait le monde autour d'elle.

 

" Quelque chose… " souffla le garçon, en s'accroupissant. Il tourna la tête d'un côté puis de l'autre, essayant de recapturer le son qui avait attiré son attention.

 

Cela arriva si vite, que ni l'un ni l'autre n'eut le temps de dégager. Un rugissement profond, et Gabrielle se retrouva face à un tourbillon pâle qui fonçait droit sur elle, à des griffes acérées qui mordaient son bâton levé en pur réflexe.

 

" Hé ! " hurla-t-elle en se tordant violemment, parvenant à éviter le saut, dégageant son bâton des griffes, avant de le retourner de toutes ses forces sur la silhouette qui bougeait si vite.

 

Elle entendit le grognement de douleur, puis la vue du sang envoya un frisson le long de son dos, alors que son assaillant roulait puis se retournait, avant de se lancer à nouveau sur elle. Il la plaqua violemment à terre, lui coupant le souffle. Elle sentit la morsure des griffes acérées sur sa peau et se releva, repoussant de son bâton le corps qui était tombé sur elle, et parvint à se dégager à nouveau. " Bon sang ", jura-t-elle. Puis elle leva les yeux et inspira brusquement, alors que son assaillant se redressait brusquement et, les bras grands ouverts, montrant les dents, s'accroupit pour le bond dont elle savait qu'il lui serait fatal.

 

Mais elle entendit des pas lourds derrière elle s'approcher et elle savait qu'elle pouvait juste… " Tu ferais mieux de ne pas me louper ", cria-t-elle juste devant son visage, devant ses crocs, et elle vit la réaction dans ses yeux. " Parce que, par tous les dieux, je te jure que tu n'auras pas d'autre occasion. "

 

A genoux, seulement protégé par un mince bâton dressé entre elle et ses crocs et griffes et sa silhouette immense ; mais elle ignora le tout, puisant dans ce courage intérieur qui faisait tout autant partie d'elle que ses talents de conteuse. " Que je sois maudite si je me laisse tuer par un lâche ! " Elle cria encore plus fort, voyant son hésitation momentanée qui lui permit de se lever.

 

Puis un flash passa dans les yeux de l'attaquant et ses deux bras se refermèrent sur elle. Aux abois, elle retomba à genoux, leva son bâton et… pria.

 

Son rugissement retentit dans ses oreilles, et le souffle chaud s'écrasa sur son crâne, puis le rugissement s'arrêta, suivi d'un grognement surpris, et tout son corps se retrouva projeté sur le sol, la renversant en tombant, mais pas assez rapidement pour qu'elle ne voit pas ce qui l'avait fait tomber.

 

Dieux. Excellent timing. Comment toujours, pensa-t-elle nerveusement, tout en roulant hors du passage. Elle se retrouva à nouveau aux côtés de Tody, qui la saisit avec des mains tremblantes. " Tout va bien… " dit-elle dans un souffle en saisissant ses épaules. " Est-ce que ça va, toi ? "

 

Tody hocha la tête, penchant la tête pour écouter. " Qu'est-ce qui s'est passé ? " supplia-t-il. " Je t'ai entendu tomber, et puis quelqu'un s'est mis à courir, et puis quelqu'un l'a frappé, et… "

 

Gabrielle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, juste à temps pour voir son assaillant être soulevé du sol et projeté contre un arbre par un formidable coup de pied. " Qu'est-ce qui s'est passé ? " Sa voix était étonnement calme. " Xena est passée. " Elle regarda sa compagne rebondir un peu sur ses pieds et avancer vers la forme claire qui était en train de se relever. " Mauvaise idée ", murmura-t-elle pour elle-même.

 

Xena ne ralentit même pas, utilisant son élan pour lancer un coup de poing balayé qui vit voler la tête de son assaillant si fort en arrière qu'il envoya de la salive presque jusqu'à l'endroit où le barde était accroupie.

 

Et puis les ténèbres furent interrompues par un torrent de corps à fourrure, dont trois qui se saisirent de l'assaillant, évitant prudemment de s'approcher de Xena. Une main se posa sur l'épaule de Gabrielle et elle leva les yeux vers le visage inquiet de Wennid.

 

" Est-ce que ça va ? Petite sœur ? " demanda la mère de Jessan en la regardant.

" Oui… ça va ", répondit Gabrielle en inspirant. " Qui… "

 

Wennid n'osait pas croiser son regard. " Warrin ", dit-elle, les dents serrées. " Il a amené la honte sur notre clan, et sur ma famille, et par tous les dieux, Gabrielle, je te demande pardon. "

 

Gabrielle jeta un œil vers l'attroupement d'êtres de la forêt, et croisa des yeux bleus et durs braqués sur elle. Elle fit un signe de la main et vit le corps de Xena se détendre un peu, avant que la guerrière ne lui fasse un signe de tête, qu'elle lui rendit. " Ce n'est pas de ta faute, Wennid ", dit-elle en levant les yeux. " Mais pourquoi… je veux dire, je sais ce que je lui ai dit plus tôt, mais… "

 

Alors une main sur posa sur sa tête et Xena tomba à genoux près d'elle. " Est-ce que ça va ? " demanda la guerrière en l'inspectant.

 

Le barde acquiesça, un peu tremblante. " Oui… il m'a juste un peu secouée, c'est tout. Je vais bien. " Elle se sentit tomber en avant, dans les bras accueillants de Xena, et enfouit sa tête contre l'épaule de la guerrière. " Bon timing, comme toujours ", fit-elle en souriant, avec une petite tape sur les côtes de sa compagne.

 

" Heureusement que j'ai décidé de ne pas faire un petit somme, après tout, hein ? " lui murmura doucement Xena à l'oreille.

 

" Ouais ", fit sobrement Gabrielle. " Heureusement. "

 

" Xena. " Lestan s'accroupit à côté d'elles, ses yeux rouges sombres presque noirs dans la pâle lumière de la lune. " Laisse-moi jusqu'au matin pour m'occuper de ça. "

 

La guerrière le regarda. " C'est ton clan, Lestan… mais… " Elle haussa les sourcils. " Quel était son mobile ? Pourquoi Gabrielle ? "

 

L'être de la forêt secoua la tête d'un air sinistre. " Je pense qu'il a soit perdu la tête, soit… non, je préfère croire qu'il est devenu fou. Parce que s'il l'a fait exprès… pour briser votre lien… je le tuerai de mes propres mains. "

 

" Peut-être que c'est ce qu'il veut ", fit Gabrielle d'une voix claire et tranquille.

 

On la regarda avec choc. Mais son regard était braqué sur le visage de Xena, une triste compréhension dans ses yeux verts. " Peut-être qu'il l'a fait parce qu'il savait que s'il réussissait, il mourrait. " Elle fit une pause. " Et même sans réussir, même s'il parvenait juste à… bref. Il y avait une bonne chance pour qu'il… " Elle préféra ne pas en dire plus, ne pas dire, comme ça, la vérité.

 

" Que je l'aurais tué ? " demanda doucement Xena, puis elle haussa les épaules. " Sans doute. " Ou peut-être que si elle était morte… il n'aurait aucun problème pour me livrer à Sécan. S'il restait quelque chose à livrer. " Bref, si tu veux bien l'emmener, je crois qu'on devrait tous aller prendre un peu de repos. "

 

Elles retournèrent au chalet en silence. Xena ne dit rien, même lorsqu'elles rentrèrent à l'intérieur et restèrent là, à se regarder sans un mot. Puis la guerrière secoua la tête et se laissa tomber sur le canapé, les coudes appuyés sur ses genoux, la tête tombant entre ses épaules.

 

Gabrielle s'assit près d'elle et posa la main sur son dos. " Ça va ? " Une question inutile, alors qu'elle pouvait sentir la tension douloureuse sous ses doigts. " Désolée d'avoir encore créé des problèmes. " Elle s'assit sur le rebord du canapé et se mit à masser le dos de sa compagne, lorsque Xena leva la tête et se retourna à moitié.

 

" Viens ici ", fit-elle d'une voix fatiguée.

 

" Hmm ? OK… " Gabrielle entoura ses bras autour du cou de Xena et se laissa glisser du dos du canapé pour atterrir sur les genoux de la guerrière, ce qui lui valut un petit sourire de sa compagne. " C'est ça, que tu voulais ? "

 

" Ouais ", répondit Xena avant de la serrer contre elle pendant un très long moment. Enfin, lorsque le barde fut à mi-chemin entre le sommeil et l'éveil, la voix grave la ramena à la réalité. " Gabrielle ? "

" Mmm ", marmonna le barde, les sens totalement imprégnés de sa compagne.

 

" Après ça, on rentre à la maison ", dit-elle d'une voix tranquille et très calme.

 

Gabrielle y réfléchit un moment, puis se blottit encore un peu plus, et expira en froissant un peu la tunique de Xena. " OK. " Elle ne dit rien de plus.

 

Xena coinça la tête du barde sous son menton et se détendit, maintenant qu'elle s'était concentrée et qu'elle avait pris une décision. En tout cas pour un temps, pensa-t-elle. Jusqu'à ce que j'arrive à surmonter ça. Elle avait su à l'instant où Gabrielle avait été attaquée, senti la panique comme si elle avait été la sienne, et elle s'était précipitée dehors, dans les ténèbres, dans une course folle. Heureusement que j'y vois bien dans le noir, se dit-elle. Ou je me serais pris quelques arbres.

 

Et voyant la silhouette pâle au-dessus de Gabrielle… Elle inspira profondément. Cela avait ravivé en elle tout ce qui était feu, tout ce qui était Arès. Cela avait puisé directement dans cette partie d'elle qu'elle essayait de contrôler, et l'avait libérée presque sans sa permission. Gabrielle avait raison… si les autres êtres de la forêt n'étaient pas arrivés, elle l'aurait tué. Elle le sentait, dans la façon dont elle avait lancé son attaque.

 

Marrant. A une époque, j'aurais aimé savoir ça, comprit-elle. Mais maintenant… cela ne fait que m'éloigner encore plus de l'endroit que j'essaie d'atteindre. Une mélancolie tranquille s'empara d'elle. Ce n'est pas que j'ai la moindre chance d'y arriver un jour, remarque. Et cette pensée se posa sur elle comme un linceul.

 

" Xena ? " appela Gabrielle d'une voix douce, et la guerrière sentit la chaleur du souffle du barde contre sa peau.

 

" Hmm ? " fit la guerrière en la regarda affectueusement.

 

Gabrielle pencha la tête et lui adressa un sourire rêveur. " Je crois que ça va vraiment me plaire. "

 

" Vraiment ? " fit Xena, les sourcils levés, un peu surprise.

 

Le barde acquiesça. " Oui. " Elle se blottit un peu plus contre elle. " C'est… " Un petit soupir. " La route a été longue. " Et elle ne parlait pas que de voyages, Xena le savait. " Je suis un peu fatiguée. "

 

Et cela, la guerrière le comprit, était un aveu que Gabrielle n'aurait jamais fait s'il elle n'avait pas elle-même décidé de faire une pause.

 

" Je ne m'en étais pas rendue compte, jusqu'à ce qu'on rentre pendant ces deux semaines. Je… " Une pause. " Il s'est passé tellement de choses ", termina tranquillement le barde.

 

Xena glissa sa main sur son menton et lui leva doucement le visage. " Pourquoi ne me l'as-tu pas dit plus tôt ? "

 

Gabrielle leva les sourcils. " Et cette question vient de la Princesse Guerrière de la Communication ? " Mais son ton était doux. " Xena, je ne pouvais pas… et j'étais prête à continuer aussi longtemps qu'il le fallait, tu le sais. Mais… je ne vais pas te mentir en te disant que ça ne me fait pas plaisir de faire une pause et… de laisser à quelques blessures le temps de guérir. " Elle inspira. " Et… " Ses lèvres se tordirent un peu. " J'ai vu un côté de toi quand on était à la maison que j'aimerais bien passer plus de temps à découvrir. "

 

Ces mots lui valurent un sourire. " Oui… " admit Xena. " C'était différent… je ne sais pas si c'est parce qu'on était à la maison, ou si… si c'était à cause de nous, ou… bref. " Elle caressa les cheveux de Gabrielle. " Et… pour être honnête… je m'inquiète un peu à ton sujet. "

 

" Vraiment ? " fit le barde. On dirait que je n'ai pas caché mes sentiments aussi bien que je le croyais…

 

Xena acquiesça. " Depuis… tout ce qui s'est passé, quand j'ai été blessée, et tout ça. " Elle s'éclaircit la gorge et sentit le barde se raidir un peu dans ses bras. " Je t'ai vue être de plus en plus tendue à chaque fois… et je ne savais pas quoi faire… je n'étais pas sûre que tu étais seulement fatiguée ou si tout ça commençait à être trop pour toi, ou… "

 

Gabrielle sourit. " Je ne savais pas que tu avais remarqué ", soupira-t-elle. " Mais tu as raison. Je crois que c'était… tout ça… et ce que nous faisons tous les jours aussi, les batailles, et tout ça… et… " Elle hésita, incertaine, puis haussa les épaules. " Et c'était dur… de vouloir… " Elle s'interrompit et laissa ses doigts glisser sur la clavicule de Xena. " Ceci. " Elle leva les yeux. " Et de ne pas savoir si tu ressentais la même chose, ou si on serait jamais… je crois que j'avais peur, la plupart du temps. "

 

" Tu as toujours peur ? " demanda Xena en caressant sa mâchoire du bout du doigt.

 

Le barde ferma les yeux, sourit et secoua la tête. " Non. " Elle se blottit un peu plus et soupira.

 

" Tant mieux ", répondit sa compagne. " Allez, viens. " Xena se leva, soulevant le barde dans ses bras et traversa le chalet, jusqu'à leurs affaires. " Les bardes sont tous au lit à cette heure-ci. "

 

Gabrielle gloussa un peu et s'accrocha au cou de la guerrière lorsque ses jambes furent libérées et qu'elle sentit le plancher sous ses pieds. " Ce n'est pas moi qui vais me plaindre. " Elle s'agenouilla et tira une chemise de nuit de son sac, en prit également une pour Xena avant de la lui lancer. " Tiens. " Elle se releva, retira sa tunique et entendit la brusque inspiration de Xena. " Qu'est-ce que… oh. "

 

" Bons dieux ", jura Xena en effleurant les quatre griffures parallèles qui zébraient l'abdomen du barde. " Je ne savais pas qu'il s'était approché si près. "

 

La main de Gabrielle se posa sur la sienne. " Ça brûle un peu, c'est tout ", dit-elle doucement en serrant les doigts de la guerrière. " Ce n'est rien en comparaison de ce que tu as là. " Sa main se leva pour aller toucher les marques de griffures presque effacées sur l'épaule de sa compagne.

 

Xena secoua la tête. " Mets ta chemise et va t'allonger. Je vais chercher ma trousse pour te nettoyer ça. "

 

" D'accord ", répondit doucement le barde en enfilant la chemise, avant d'aller jusqu'au lit rond et de s'y allonger. Xena la rejoignit bientôt, un morceau de lin à la main, et Gabrielle sentit l'odeur caractéristique du désinfectant aux herbes lorsque la guerrière s'étendit sur la surface douce du lit en lui faisant signe de soulever sa chemise. Elle obéit, puis laissa ses bras retomber sur le lit et ferma les yeux.

 

Xena soupira et réchauffa le morceau de lin entre ses mains avant de commencer à nettoyer les plaies. Ce n'est pas bien méchant, admit-elle intérieurement, un peu apaisée, puis elle termina sa tâche et chatouilla légèrement le barde du bout des doigts. " Et voilà. "

 

" Arrête ça ", fit Gabrielle en riant, en lui donnant une tape sur la main. " Xena ! " La guerrière évita le coup et passa ses doigts sur la peau douce. " Ah ! " Elle gloussa et roula sur elle-même en tirant sa chemise vers le bas.

 

Xena ricana mais céda, se détendant sur le dos et elle laissa Gabrielle se blottir contre son endroit préféré, la tête appuyée sur l'épaule de la guerrière, un bras entourant sa taille. Elle enroula son autre bras autour du dos de Gabrielle et commença à dessiner des cercles lents avec ses mains, massant les muscles tendus sous ses doigts. " Tu es si tendue, ma chérie ", fit-elle en appuyant un peu plus.

 

" Mmmm ", marmonna Gabrielle. " Pas pour très longtemps. " Elle rouvrit les yeux et étudia le visage de sa compagne, y voyant une expression qui ne lui plaisait pas. " Hé… est-ce que ça va ? " Elle posa une main sur la poitrine de Xena et croisa son regard. " Tu ne t'es pas encore fait mal au moins, hein ? "

 

La guerrière secoua sa tête sombre et sourit. " Nan. Il ne m'a pas touchée ", dit-elle pour rassurer le barde, mais elle sentit son besoin de sommeil la rattraper. Les herbes ne font plus effet… enfin, elles m'ont bien servi… je n'ai pas à me plaindre. " Je suis juste un peu fatiguée, c'est tout. " Elle l'entendait dans sa voix et n'avait pas vraiment besoin du doux toucher du barde pour l'envoyer dans les bras de Morphée, mais elle en profita quand même et la serra contre elle avec un soupir ravi. Le monde commençait à disparaître lorsque la voix endormie de Gabrielle la rappela.

 

" Xena ? " marmonna le barde.

 

" Hmmm ? " répondit sa compagne.

 

" Comment as-tu su… je veux dire… l'histoire de l'herbe fraîche et tout ça ", demanda-t-elle dans l'incohérence la plus complète.

 

Fort heureusement, Xena savait parfaitement de quoi elle parlait. " Oh… eh bien… " fit-elle, pensive. " Lorsque j'étais aveugle, cette fois-là… je… j'ai en quelque sorte commencé à penser à des façons de… de m'adapter. Au cas où… pendant un moment, je pensais vraiment que je n'allais pas recouvrer la vue, Gabrielle. "

 

Elle sentit Gabrielle se rapprocher un peu plus, collant son corps au sien. Dieux… ce que c'est bon. Elle sentit la tension la quitter et son esprit vagabonder. Ça ne veut sans doute pas dire grand-chose… pensa-t-elle, à moitié endormie.

 

" Bref… " continua-t-elle avec un soupir. " Je me suis mise à faire plus attention aux odeurs, et aux sons… " Une longue pause. " J'ai pensé… à toi… beaucoup. " Elle avala et elle sut que Gabrielle l'avait senti, parce que le barde glissa une main chaude sous sa chemise et caressa doucement son ventre. " Quand on s'arrêtait pour se reposer, j'essayais de… " Elle s'interrompit un long moment. " Je crois que je ne voulais pas oublier ton visage. " Elle marmonna les derniers mots, ne pouvant plus garder les yeux ouverts. " Désolée… fatiguée. "

 

" Ce n'est pas grave ", fit doucement le barde. " Fais de beaux rêves, mon amour. "

 

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de sa compagne. " Avec toi contre moi, toujours ", parvint-elle à articuler.

 

Gabrielle regarda les yeux bleus se fermer et son souffle devenir plus profond, relâchant enfin la tension du corps qui l'entourait. Une partie en tout cas. Parce qu'il restait encore quelque chose, qu'elle pouvait sentir et elle savait que ce quelque chose les protégerait toutes les deux de quiconque serait assez idiot pour passer la porte qu'elle voyait dans l'obscurité, à l'autre bout de la pièce, et ce, même dans son état de fatigue.

 

Elle reposa sa tête sur l'épaule de Xena et passa les minutes suivantes à écouter les battements de son cœur, et à regarder le mouvement régulier de sa poitrine. Puis elle soupira. Elle n'est pas encore complètement remise… Ses mains tracèrent le territoire familier, et ses sourcils se froncèrent, inquiète. Mais nous n'avons plus le temps… et demain, je sais qu'elle va se pousser, et eux aussi, aussi loin que possible. Bon sang, Xena… mais c'était inutile d'essayer de convaincre la guerrière de faire les choses différemment, elle le savait bien. Tout ce que je peux faire, c'est l'obliger à rester tranquille aussi longtemps que je peux, et trois jours, par tous les dieux… c'est un record. Elle soupira, désabusée. Et c'était avec… quoi… deux combats et le sauvetage de l'autre jour ? Au moins, maintenant, je sais ce qu'elle ressent…

 

 

Pendant longtemps, lorsqu'elles avaient commencé à voyager ensemble, Gabrielle était convaincue que la guerrière n'était jamais blessée ou bien qu'elle ne ressentait aucune douleur, et ce point de vue changeait, selon le jour de la semaine, et le quartier de lune dans le ciel, parce qu'elle se lançait dans ces horribles et violents combats et qu'elle en sortait apparemment intacte, à chaque fois.

Et petit à petit, elle s'habitua aux conversations à monosyllabes, et au manque de véritable communication entre elles, même si c'était dur. Elle compensait en parlant sans cesse, de tout et de rien, elle en était consciente, et la moitié du temps, elle était elle-même surprise que Xena ne lui dise pas de la fermer.

Et puis, un jour, elles étaient tombées sur cette bagarre dans une taverne, quand deux gros mercenaires avaient décidé de l'attraper alors qu'elle revenait des écuries et Xena avait surgi des ténèbres et les avait attaqués. Gabrielle était partie se cacher dans un coin, ayant appris qu'il valait mieux ne pas rester dans le passage. Alors elle s'était cachée derrière un tonneau d'eau et avait regardé sa compagne de voyage envoyer son poing à toute volée dans le visage carré de l'un de ses adversaires et le mettre KO. Mais il avait saisi son bras en tombant et elle n'avait pas eu le temps de se dégager à temps. Elle ne put évier un violent coup de pied du second qui l'envoya voler contre le mur de la taverne avec assez de force pour faire trembler les planches.

Elle avait rebondi sur les dites planches et exécuté un coup de pied circulaire qui avait fait voler le sang du nez du mercenaire avant qu'il ne s'écroule sur le sol, inconscient.

Gabrielle l'avait regardée se tenir debout au-dessus des brigands, les poings serrés, pendant un long moment, avant qu'elle ne secoue la tête et vienne jusqu'à l'endroit où était accroupie le barde. Gabrielle avait pensé qu'elle s'était assurée qu'ils n'allaient pas se relever… c'était le genre de chose que Xena faisait, bien qu'elle ignorât encore beaucoup de choses sur la guerrière à cette époque. " Est-ce que ça va ? " avait demandé Xena d'un air renfrogné.

Elle avait acquiescé et s'était levée, en souriant à sa compagne. " Oui, merci. C'était rude. "

Xena avait à peine émis un grognement, puis avait regardé vers la taverne, réfléchissant en silence un instant. " Puisqu'on est là, on ferait aussi bien de manger un morceau. "

Cela avait surpris Gabrielle, parce qu'elle savait que Xena ne voulait pas rester dans ce village, mais elle n'allait pas non plus protester, pas quand on lui promettait un repas chaud qu'elle n'aurait pas à cuisiner elle-même, ou que Xena n'aurait pas à chasser. " Très bonne idée ", fit-elle en souriant et elle avait suivi Xena à l'intérieur.

Le repas avait été bon, à son ravissement, et elle venait de terminer sa seconde assiette lorsqu'elle leva les yeux et remarqua que la guerrière n'avait pas mangé grand-chose. Ce qui était plutôt inhabituel, puisque Xena avait tendance à avoir un bon coup de fourchette, même s'il était souvent dénué d'enthousiasme. " Tu n'aimes pas ? " avait-elle demandé, en observant le visage posé en face d'elle.

Xena avait haussé les épaules d'un air indifférent. " Je n'ai pas faim, c'est tout. Sers-toi. " Elle avait poussé son assiette vers le barde et s'était appuyée en arrière contre le dossier de sa chaise, une grande coupe de bière dans la main, dont elle prenait des gorgées fréquentes, observant la pièce, à l'affût du danger.

Et c'était si inhabituel, que Gabrielle en avait profité pour observer Xena de près, bien que la guerrière ait l'air on ne peut plus normal… regard noir menaçant et tout. Puis Xena avait bougé un peu sur sa chaise et le barde avait vu dans ce masque si froid une faille qui si brève qu'elle pensa l'avoir imaginée. Alors elle avait haussé les épaules et s'était lancée dans une conversation qui ressemblait étrangement à un monologue, s'arrêtant à un point pour entendre la réponse de Xena, regardant vers sa compagne.

Elle surprit une expression candide dans les yeux bleus et y vit quelque chose qui la fit tendre instinctivement la main et la poser sur le bras de la guerrière, qui était posé sur la table. " Xena, est-ce que ça va ? " avait-elle demandé et elle avait pensé pendant un long moment qu'elle allait être rembarrée. Comme toujours.

Les yeux bleus l'avaient regardé froidement, puis ils s'étaient baissés vers la table, où sa main était posée. Ils étaient restés là un instant, puis s'étaient à nouveau levés et avaient croisé son regard avec un demi-sourire désabusé. " Plus ou moins ", avait-elle admit.

" Plus ou moins ", avait répété Gabrielle, puis elle avait inspiré pour continuer, mais elle s'était arrêtée en sentant le bras sous sa main se tendre et elle avait préféré changer de tactique. " Tu sais, j'ai vraiment mal au dos. Tu crois qu'on pourrait passer la nuit ici ? "

Elle n'avait pas été sûre, mais c'était peut-être bien une lueur d'amusement qu'elle avait vu dans les yeux de Xena, alors que la guerrière avait levé un sourcil. " D'accord ", avait-elle répondu avec un haussement d'épaule.

Et c'est ce qu'elles avaient fait, installées dans une chambre simple, mais confortable avec deux lits de bonne taille à l'étage de l'auberge. Gabrielle avait vraiment apprécié l'occasion de ne pas dormir dehors et de passer la nuit allongée sur un matelas moelleux, pour une fois. Elle avait enfilé une vieille chemise et s'était installée dans son lit, ravie, travaillant sur l'un de ses nouveaux manuscrits alors que Xena, comme à l'accoutumée, nettoyait et affûtait ses armes.

Gabrielle l'avait observée du coin de l'œil et l'avait regardé ranger l'épée puis se rasseoir lentement sur la chaise, les yeux fixés sur le petit feu de cheminée, une expression distante dans le regard. Puis elle avait inspiré profondément et avait tendu la main vers les boucles de son armure, détachant les deux côtés et soulevant l'armure d'une main au-dessus de sa tête, avant de la laisser tomber sur le sol pour défaire ses brassards en cuir.

Après avoir fini, elle était restée assise un moment, puis s'était relevée et était allée s'asseoir sur l'autre lit, avant de s'appuyer contre le dosseret avec un soupir à peine audible.

Le barde avait rangé ses parchemins et, se glissant hors du lit, elle avait attendu que Xena tourne la tête vers elle et lève un sourcil, en une question muette. " Salut. Je vais me faire un thé. Ça te dit ? "

" Oui ", dit-elle, et pour une fois, il n'y avait pas ce ton un peu suffisant dans sa voix. " Ça me dit bien. "

Et lorsqu'elle avait apporté la tasse brûlante à Xena, la guerrière avait tendu la main gauche et l'avait saisi doucement, en lui offrant un sourire en coin. " Merci. "

Gabrielle avait hoché la tête, les mains derrière le dos pour retenir ce besoin presque incontrôlable de tapoter l'épaule de la guerrière. " Tu vas toujours plus ou moins bien ? " avait-elle demandé.

Les yeux bleus avaient croisé les siens, puis Xena avait cligné des yeux, avant de les baisser vers son thé. Un petit rire. " Ça dépend de ce que tu appelles quelques côtes cassées ", avait-elle commenté en sachant qu'elle allait choquer le barde.

Dieux… avait pensé Gabrielle. Des côtes cassées ? ? ? Elle doit être… " Est-ce que ça fait très mal ? " avait-elle demandé doucement et, de si près, le barde pouvait voir l'hématome qui commençait à quelques centimètres de la clavicule, et disparaissait sous la combinaison en cuir.

Xena avait d'abord voulu éluder la question, puis elle s'était brièvement mordu la lèvre ; " Ouais, un peu ", avait-elle fini par admettre. " J'ai connu pire. "

Gabrielle avait fini par céder à ses instincts et avait posé sa main sur son poignet, en le serrant un peu. " Je suis désolée. Je peux faire quelque chose pour toi ? "

" Nan. " C'était la réponse habituelle. " J'ai l'habitude. " Elle lui avait tendu la tasse. " C'était délicieux. "

" Tu as l'HABITUDE ? " s'était exclamée Gabrielle, en la regardant avec incrédulité. " Comment peux-tu t'HABITUER à une chose pareille ? "

Et Xena avait penché la tête sur le côté et lancé au barde un regard tranquillement résigné. " Quand ça t'arrive si souvent, tu t'habitues. "

Et Gabrielle avait compris, à cet instant, qu'elle avait du voir Xena être blessée au moins une douzaine de fois sans jamais s'en rendre compte, parce que la guerrière n'avait simplement jamais rien dit.

 

 

 

 

Et elle ne dit toujours rien, pensa le barde, en levant les yeux vers sa compagne endormie. Sauf que maintenant, je connais si bien tous les mouvements de son corps qu'elle ne peut plus me le cacher. Elle glissa ses doigts sur la peau douce et sourit en sentant le bras qui l'entourait la serrer un peu plus.

 

Soudain, le lit bougea légèrement et Gabrielle se retrouva coincée sous un bras protecteur, Xena prête à frapper, l'épée à la main.

 

Un ricanement s'échappa alors des lèvres de sa compagne. " Arès, tu testes mes réflexes ou quoi ? " soupira Xena en fixant le chiot effrayé qui venait de sauter sur le lit et était accroupi près de la jambe de la guerrière.

 

Gabrielle étouffa un rire et lui tapota l'épaule. " Pas de problème avec tes réflexes, Xena. " Elle poussa doucement la poitrine de la guerrière. " Allez, rendors-toi. "

 

Le silence retomba, après que Xena ait rengainé son épée avec un crissement de métal sur le cuir. Les bruits de la nuit pénétrèrent la pièce plongée dans le noir, ainsi qu'un courant d'air chargé de l'odeur du pin humide et de la fumée de bois. Puis le silence fut interrompu par un gloussement.

 

" Ce n'est pas drôle ", fit la voix de Xena. " J'aurais pu lui couper la queue ou pire. De quoi il aurait eu l'air ? "

 

Un gloussement encore plus fort.

 

" Arrête ou tu vas glousser pour quelque chose ", fit la guerrière en guise d'avertissement.

 

" Ah ouais ? Et qu'est-ce que tu comptes… oh ", répondit le barde, avant un silence prolongé. Puis : " Et moi qui croyais que tu étais fatiguée. "

 

" Je l'étais. Je m'en suis remise ", répondit Xena avec un petit rire.

 

" Mmm… " Le son roula profondément dans la gorge du barde. " La chose raisonnable à faire serait de t'obliger à te rendormir. " Puis elle sentit tout son corps frissonner sous les caresses de Xena.

 

" Oh… tu as envie d'être raisonnable aujourd'hui, mon barde ? " La voix était dangereusement proche de son oreille et la chaleur se répandit en elle comme un vin chaud. " Hmm ? " Et Xena sut qu'elle avait gagné en entendant l'inspiration brusque et la caresse que lui rendirent les mains du barde. Comme si je pouvais me rendormir après avoir été réveillée comme ça… non, non…

 

" Tu es incorrigible ", murmura Gabrielle à son oreille, qu'elle s'empressa de mordiller.

 

" C'est ce qu'on n'arrête pas de me dire ", fit Xena d'une voix traînante en capturant ses lèvres. " Ça doit être vrai. "

 

Un bon moment plus tard, Xena se détendit et étudia la forme somnolente allongée sur sa poitrine. On dirait que j'avais encore un peu d'endurance, après tout, pensa-t-elle, amusée, puis elle se permit un franc bâillement, auquel répondit Arès, qui se réinstalla contre sa jambe et posa sa tête contre son mollet. Elle caressa sa fourrure avec affection, puis remonta les couvertures sur la silhouette endormie de Gabrielle et s'installa confortablement, avant de fermer les yeux.

 

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