Unies/ Bound

 

par Melissa Good

 

Traduction : Katell et Fryda

 

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Partie 7A

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Chapitre 54

 

 

 

Gabrielle traversa la place centrale du village, profitant de la brise fraîche qui repoussait les cheveux de son visage et faisait passer des courants d'air agréables dans son ample tunique. C'est pas le moment de montrer mes cicatrices de guerre de la nuit dernière, s'était-elle dit, un peu chagrinée, en retirant sa tenue amazone. En plus… parfois, c'est un peu léger. Elle eut une petite moue. Elle aimait porter cette tenue la plupart du temps… ça lui rappelait ses liens avec les Amazones, mais à Amphipolis, et plus tard à Potadeia, elle s'était habituée aux amples tuniques à ceinture que Xena aimait porter aussi lorsqu'elle n'était pas en armure. Le lin propre séché au soleil était agréable sur sa peau, et elle décida qu'elle continuerait à les porter une fois qu'elles seraient rentrées à la maison.

 

La maison. Le mot toucha quelque chose de très sensible en elle et amena un sourire sur son visage alors qu'elle approchait du petit chemin qui conduisait au chalet de Lestan et Wennid. La maison, pour elle, ça avait toujours été aux côtés de Xena, mais maintenant c'était aussi Amphipolis, et elle repensa au sourire chaleureux de Cyrène, aux chemins de forêt sur lesquels elles se promenaient, à la source froide dans laquelle elles aimaient se baigner, et même à Toris… jamais elles n'étaient restées aussi longtemps au même endroit depuis qu'elles voyageaient ensemble… et Gabrielle était contente, au fond de son cœur, d'y retourner.

 

Elle voulait revoir l'intérieur maintenant familier de l'auberge, et goûter aux merveilleux gâteaux de Cyrène, et au temps qu'elles avaient passé toutes les deux, seules, tous les après-midi, dans la clairière au nord du village, où Xena et elles se reposaient dans les bras l'une de l'autre, et regardaient la lumière du soleil changer dans le ciel tout en écoutant le monde bouger autour d'elles.

 

Elle y avait trouvé la paix, et pour la première fois depuis leur rencontre, sa compagne l'avait aussi trouvée. Et je veux retrouver cela, décida Gabrielle en pensées. Je ne lui aurais jamais demandé de rester à la maison… mais… Dieux… ce que je suis contente, parce que je crois que ça va lui faire plus de bien que n'importe quoi d'autre… je l'ai vue changer de mes yeux quand on était là-bas… toute cette tension et cette colère avaient disparu, et il ne restait plus qu'une personne si chaleureuse et si aimante… une personne que je meurs d'envie de revoir.

 

Elle gravit les marches de la hutte du chef du village et la porte s'ouvrit alors qu'elle s'en approchait. " Bonjour ", fit-elle alors que Wennid tenait la porte ouverte en lui faisant signe d'entrer. " Je passais juste et… Oh… "

 

La porte s'était ouverte sur une salle de conférence remplie d'êtres de la forêt qui murmuraient entre eux ; elle s'arrêta immédiatement et rebroussa chemin. " Désolée… je ne savais pas que vous aviez une réunion. "

 

" Non… Gabrielle, je t'en prie, ne pars pas. " Wennid sourit en lui tapotant le bras. " Nous étions justement en train de parler de toi. "

 

Le barde leva les sourcils. " De moi ? " bafouilla-t-elle, étonnée.

 

Des sourires lui répondirent dans toute la pièce. Wennid se mit à rire. " Enfin, de toi et de ta compagne, en fait. " Elle conduisit Gabrielle jusqu'à une chaise et l'y installa, avant de lui verser un verre de cidre qu'elle posa devant elle. " Tiens… désolée de t'avoir fait peur… ça ne fait pas mal, je t'assure… tu vois, nous étions en train de discuter de notre première expérience avec des humains qui partagent un don que nous pensions unique à notre peuple. "

 

Gabrielle se détendit un peu, les poignets posés sur la table, sa tasse entre les mains. Oh, dieux… ce n'était pas prévu, Xena… je vais faire de mon mieux. " Ecoutez, je sais que ça doit être vraiment bizarre pour vous ", dit-elle calmement. " C'est plutôt bizarre pour nous aussi. " Elle se pencha en avant et but une gorgée de cidre. " On ne l'a pas demandé. "

 

" Bien sûr que non ", interrompit doucement Wennid. " Nous le comprenons bien, Gabrielle, et crois-moi, nous ne regrettons pas que cela soit la réalité… " Ses yeux firent le tour de la pièce. " Je ne vais pas te mentir… nous étions un peu… consternés… au début, mais cela avait davantage à voir avec ce que vous êtes, que qui vous êtes. "

 

Gabrielle inspira, puis se ravisa et préféra ne rien dire.

 

" A présent… " continua Wennid, " nous vous connaissons mieux et nous comprenons que… " Elle eut un air un peu penaud. " Vous n'êtes pas si différents de nous. "

 

Gabrielle réfléchit un moment à ces mots. " Non, tu te trompes ", dit-elle enfin, tranquillement, mais sa voix fit taire toute la salle. " Je suis très différente. " Ses yeux vert brume firent le tour de la salle. " Tout comme je suis très différente de Xena, et qu'elle est différente de n'importe qui que je connaisse. " Une pause. " Cette histoire de nous et eux, ça nous pose pas mal de problèmes, vous savez ? Nous sommes tous différents… vous devez simplement apprendre à juger les gens individuellement, pas comme faisant partie d'un groupe. "

 

Le silence tomba sur la pièce, alors qu'ils la regardaient, une série de visages recouverts de fourrure, aux yeux dorés de teintes légèrement différentes, aux crocs qui pointaient parfois un peu de leur bouche. Elle but une gorgée de cidre, sachant qu'elle avait marqué un point, et soudain la pièce lui parut plus amicale. Bien joué, Gabrielle, Xena serait fière de toi.

 

Son voisin de table se pencha vers elle et la regarda pensivement. " Alors… tu penses que je suis juste une personne comme les autres, c'est ça ? "

 

Gabrielle hocha la tête. " C'est ça. "

 

L'être de la forêt fit un bond en avant, montrant toutes ses dents et poussa un hurlement féroce.

 

Oh, je vois. Gabrielle vit rouge. Prends ça. Et elle baissa la tête, laissant son expression devenir dure, avant de fixer l'être de la forêt droit dans les yeux, dans le silence le plus complet. Il cligna des yeux, puis recula, et essaya finalement de regarder ailleurs, n'importe où sauf elle. " N'essaie pas ce genre de trucs avec moi ", grogna le barde. " Parce que j'ai vu des choses bien plus effrayantes que toi. " Elle s'interrompit puis lui sourit. " En fait, je voyage avec l'une d'entre elles. "

 

" Alen ", fit Wennid, furieuse. " C'était très grossier. "

 

Alen soupira et hocha la tête vers Gabrielle. " Je sais, pardon. Mais nous avons tellement l'habitude que les humains nous prennent pour des animaux, que c'est dur à croire lorsque l'un d'entre eux vient ici et nous dit que nous ne le sommes pas. " Il fit une pause. " Pardon. "

 

Le barde accepta son excuse et laissa tomber son imitation de Xena. " Ce n'est pas grave… je comprends… ça nous arrive souvent, avec les gens qui pensent que Xena est une meurtrière. "

 

Wennid remplit à nouveau la tasse du barde sans un mot et se réinstalla dans sa chaise, regardant distraitement l'assistance. Puis elle sourit et donna un signal ; le groupe commença alors à se disperser. Elle posa la main sur le bras de Gabrielle lorsque le barde fit mine de se lever. " S'il te plaît, reste, Gabrielle. J'aimerais te parler un moment. "

 

Oh, oh, pensa Gabrielle, son esprit réfléchissant à toute vitesse. Ok… ok… du calme, Gabrielle, tu peux le faire. " Ok ", fit-elle en haussant les épaules, puis elle se rassit et avala une longue gorgée de cidre. Et fais attention avec ça… c'est bon et frais et c'est assez fort, et ce n'est pas le moment d'être soûle.

 

La pièce se vida et devint silencieuse. Wennid se leva, et se mit à ramasser les tasses laissées sur la table. Elle jeta un coup d'œil de l'autre côté de la salle, vers la jeune humaine assise là, les mains entourant une de ses tasses, une expression sérieuse sur le visage. Elle est… à sa manière, très douce, très honnête, tout aussi impressionnante que sa compagne, se dit l'être de la forêt. Plus petite que Xena, bien sûr, et moins menaçante physiquement, mais son corps compact était puissant et musclé, et la force de sa personnalité était une véritable arme. Elle posa les tasses sur un plateau, puis revint vers la table et s'assit près de Gabrielle.

 

" Dis-moi… Gabrielle… que penses-tu de ce don ? " Sa voix était douce, ne portant aucune menace. " Comment as-tu découvert que tu l'avais ? "

 

Le barde s'appuya lentement contre le dossier de sa chaise et joua un peu avec le bras du fauteuil. Ce que j'en pense ? Bonne question. " Je pense que c'est génial ", répondit-elle lentement. " Ça m'a sauvé la vie… oh… je ne sais pas combien de fois… même avant qu'on comprenne ce que c'était, Xena s'en servait. "

 

" Vraiment ? " murmura Wennid. " Et elle ne te disait rien ? "

 

Gabrielle haussa les épaules. " Dire quoi ? C'est juste une sensation… la sensation que quelque chose n'allait pas… quelque chose… qui ne collait pas. " Elle réfléchit un moment. " Elle le faisait si souvent… c'était juste un de ses nombreux talents. "

 

" Et lorsque tu as compris… ce que c'était vraiment ? " insista Wennid.

 

" Oh… dieux. " Gabrielle se mit à rire. " En fait, il y avait ce problème chez les Amazones, alors j'étais avec elles pendant un moment, sans Xena, et puis on s'est retrouvées après une sale histoire. Elle m'a dit qu'elle avait su que quelque chose n'allait pas, et c'était ce qui l'avait fait courir à mon secours. " Elle sourit en voyant le visage de Wennid. " Oui, c'est ce qu'elle fait… elle est comme ça. Bref, on était à un banquet le jour d'après et j'ai pu… " Elle se tut un instant. " Je crois que pour la première fois j'ai su… j'ai senti que quelque chose n'allait pas chez elle… c'était… très étrange. "

 

" Vous vous touchiez ? " demanda Wennid en souriant.

 

" Mmmm… oui ", acquiesça Gabrielle en rougissant un peu. " Est-ce que ça a quelque chose à voir avec ça ? "

 

Wennid hocha la tête et remplit sans rien dire la coupe du barde. Gabrielle ne sembla pas le remarquer. " Bien sûr… si vous aviez déjà atteint un certain point. Et je pense que oui. " Ses yeux brillaient.

 

Gabrielle rougit à nouveau. " Plus ou moins ", marmonna-t-elle. " Bref, je me retourne et je lui demande si elle pense que nous sommes… enfin, comme Lestan et toi. Et elle dit oui. "

 

" Et c'est tout ? " Wennid cligna des yeux. " Tu as simplement accepté ça… ? "

 

Le barde hocha la tête. " Ouais… c'était tout. Alors on s'est dit, ok… on peut y arriver… et puis on a continué à partir de là. "

 

Wennid se frotta la tête et la secoua un peu. " Et depuis combien de temps êtes-vous ensemble ? "

 

" Un peu plus de deux ans ", répondit Gabrielle en buvant une toute petite gorgée de sa coupe.

 

" Et tu n'avais jamais pensé avant… " L'être de la forêt avait l'air de ne pas très bien accepter les faits.

 

Gabrielle soupira et baissa les yeux vers ses mains. " Je n'aime pas vraiment parler de ça. " Elle releva les yeux vers Wennid. " Ne le prends pas mal, mais c'est vraiment personnel, tu sais. "

 

L'être de la forêt cligna à nouveau des yeux. " Par tous les dieux. Pardonne-moi, Gabrielle… nous avons tellement l'habitude de parler du lien entre nous que j'ai oublié que… "

 

" Et n'essaie pas non plus de me soûler. Je n'aime pas ça ", ajouta tranquillement le barde, en la regardant droit dans les yeux.

 

Wennid regarda la table, pensive. " Je te demande à nouveau pardon, Gabrielle. J'essayais seulement de te détendre pour que tu puisses parler de cela tranquillement. " Elle leva les yeux, une expression sérieuse sur le visage. " Le clan a décidé de vous demander, à toi et ta compagne, de nous laisser vous adopter. Je voulais seulement m'assurer que tu avais toutes les informations avant de prendre cette décision. Je vois que je m'y suis mal prise. "

 

Gabrielle lui sourit doucement et s'appuya en arrière. " En fait ", dit-elle tranquillement. " Ce que tu veux vraiment, c'est en savoir plus sur nous avant de nous poser la question. " Elle eut une petit moue. " Alors… passons directement à la vraie question : 'Comment est vraiment Xena ?' et on pourra partir de là, ok ? "

 

Elles se regardèrent, puis Wennid se mit à rire. " Ok… ok… " dit-elle finalement en frappant le dessus de la table. " Tu as passé l'examen, le barde… tu as gagné. " Elle s'appuya elle aussi contre le dossier de sa chaise et fit un signe de la main à l'attention du barde qui riait doucement. " Très bien, alors… dis-moi, Gabrielle…comment est vraiment Xena ? "

 

" Je préfère ça ", fit joyeusement Gabrielle. " Mais n'oublie pas qu'on me pose TRES SOUVENT la question. " Ses yeux pétillaient. Ouah… bien joué, le barde ! !

 

" Alors… tu vas me dire qu'elle n'est pas comme on le dit, un seigneur de guerre sanguinaire et impitoyable qui tue à la moindre provocation, hein ? " fit Wennid avec un clin d'œil.

 

Ce qui lui valut un regard sérieux. " Non ", répondit Gabrielle, sa voix devenant plus profonde. " Je ne vais pas te dire cela, parce qu'elle peut être sanguinaire et impitoyable et que je l'ai vu tuer à la moindre provocation. "

 

Silence.

 

" Mais elle est aussi incroyablement courageuse, et totalement honnête, et elle est prête à donner sa vie pour en sauver d'autres, et elle l'a fait tant de fois que je me suis arrêtée de compter ", ajouta le barde doucement. " C'est la personne la plus complexe et la plus déterminée que j'ai jamais rencontrée. Ou que je rencontrerai jamais. "

 

Wennid absorba ses mots en silence. Alors… comme ça, la petite fille n'est pas une enfant naïve après tout, pensa-t-elle. Elle sait reconnaître les ténèbres et la lumière chez sa compagne. " Merci. "

 

" De rien ", répondit Gabrielle.

 

Encore un silence. " Elle est venue chercher Jessan ce matin ", fit Wennid distraitement, mais ses yeux brillaient pendant qu'elle parlait. " Je n'ai jamais vu quelqu'un le tirer par l'oreille auparavant et en sortir en un seul morceau. "

 

Gabrielle se mit à glousser. " C'est du Xena tout craché. " Elle se pencha en avant, un peu plus à l'aise. " Il y avait cette fois où… " Et elle était partie, entraînant une Wennid fascinée dans plusieurs histoires complexes qu'elle tissa avec une facilité qui vient avec la pratique. Elle venait de finir la dernière lorsque la porte s'ouvrit et que Lestan entra, avant de s'écrouler sur une chaise et de soupirer excessivement.

 

" Où… " fit-il en faisant rouler sa tête sur un côté pour regarder Gabrielle. " … trouve-t-elle toute cette énergie ? " Il ferma les yeux et fit tourner sa tête pour soulager la tension de son cou. " Elle nous a tous affrontés, tous à la fois, et puis on est passé aux formations de bataille, et elle m'en a appris plus sur le commandement au champ de bataille en une matinée que… Arès, ce qu'elle est bonne. "

 

Gabrielle sourit et baissa les yeux. Et tu t'es probablement épuisée en faisant ça, hein, mon amour ? " Vous avez terminé ? "

 

Lestan hocha la tête d'un air épuisé. " Ouais. Elle dit que si on avait un peu plus de temps… " Il rit un peu. " Mais elle a fait ce qu'elle a pu… et ça suffira peut-être… " Il ouvrit les yeux et tomba sur le regard de Wennid, par-dessus la tête de Gabrielle. " A faire une différence. " Il avait l'air un peu surpris, et une trace d'espoir se lisait sur son visage. " Elle m'a montré une stratégie qui pourrait bien marcher contre Sécan… pour profiter de sa faiblesse. "

 

" Excusez-moi ", fit Gabrielle en se levant. Je vais la tuer.

 

" Attends… " Lestan posa sa main sur son bras. " Wennid t'a dit que le clan voulait vous adopter, pas vrai ? " Ses yeux presque rouges observèrent les siens avec une douceur tranquille.

 

Gabrielle hocha la tête. " Oui. "

 

" Vous pouvez refuser ", fit l'être de la forêt d'une voix grave. " Je sais que nous sommes très différents… mais je crois que pour les choses les plus importantes, nous avons beaucoup de points communs, et j'aimerais vraiment étendre la protection du clan à vous deux si vous comptez vous battre à nos côtés demain. "

 

Le barde inspira. " Je sais… et je suis sûre que la décision sera facile à prendre. " Elle sourit à Lestan. " Je vais lui en parler. " Elle quitta sa chaise et partit vers la porte, en secouant un peu la tête. " Xena, tu m'as promis ", marmonna-t-elle dans un souffle.

 

Et puis elle s'arrêta net. Une grande silhouette recouverte de fourrure claire se tenait devant elle et tendait la main pour ralentir son avancée. Warrin… oh dieux… " N'y pense même pas ", dit-elle fermement, en reculant un peu pour adopter automatiquement une posture défensive.

 

 

 

 

 

Chapitre 55

 

 

 

" Ok… " dit Xena, pour ce qui lui sembla la millième fois. " Essaie encore une fois. " Et elle para les coups qui s'ensuivirent avec ce qui parût être aux êtres de la forêt une fluidité aisée. Mais cela ne l'était pas pour elle, et cela faisait déjà un moment. Bon sang de bon sang de bon sang… jura-t-elle en pensées. Je n'ai pas le temps de me fatiguer aussi vite.

 

Elle avait affronté rapidement tous les guerriers, pour se donner une idée de leurs forces et faiblesses et elle avait passé les dernières heures à leur apprendre des tactiques de bataille qui s'étaient avérées gagnantes par le passé. Tout se passait bien ; les êtres de la forêt apprenaient vite, tout cela leur venait naturellement. Elle avait même passé un peu de temps avec Lestan et lui avait montré un moyen de compenser le fait qu'il n'avait qu'un bras valide. En fin de compte, une très bonne session.

 

En fait, pensa-t-elle, si elle avait eu deux semaines de plus avec les êtres de la forêt pour les entraîner, leurs voisins auraient vraiment eu de quoi s'inquiéter. Un sourire suffisant se dessina sur ses lèvres, puis disparut lorsqu'elle dut repousser un nouvel assaut, laissant cette fois le guerrier la dépasser, avant de lui donner un bon coup sur le dos avec le plat de son épée. " Lorsque tu perds le contrôle de ton élan… " lui dit-elle, " tu n'atterris pas nécessairement au bon endroit. "

 

Deggis se frotta le dos en se retournant vers elle et parla d'une voix fatiguée. " Mais ils sont plus nombreux que nous, Xena. Alors quoi ? C'est une chose de faire ça à un contre un, et par tous les dieux de l'Olympe j'ai vraiment appris beaucoup de choses aujourd'hui… mais… "

 

Oh bravo Xena soupira. J'avais peur que quelqu'un pose cette question. " C'est la même chose contre plusieurs adversaires, Deggis ", répondit-elle en le regardant. Il ne me croit pas. Bon sang… OK, Gabrielle, je sais que j'ai promis… mais si je dois m'effondrer sur le champ de bataille demain, je ferais mieux de le savoir tout de suite. " Ok… je vais te montrer ", dit-elle en reculant de quelques pas tout en faisant bouger un peu la prise de son épée dans sa main. Et puis… on fera une pause, parce que je sens que je vais avoir des problèmes à rester debout beaucoup plus longtemps.

 

Ils se regardèrent, le visage sérieux, intense. Elle inspira profondément et alla puiser dans ses réserves déjà bien réduites. Vaudrait mieux que ça vaille le coup, Xena… c'est ça qui va leur permettre de survivre demain… ou pas. Ils doivent y croire que c'est possible. " Ok… vous tous. Sur moi. Allez. "

 

Pendant un instant, ils se regardèrent tous, puis se tournèrent vers elle. " Allez ! ! ! " hurla-t-elle et elle les vit sursauter, puis se précipiter sur elle à une vitesse effrayante.

 

Elle repoussa les deux premières lames de coups en revers qui les envoya voler, puis elle se retrouva au milieu d'un groupe solide de guerriers, faisant virevolter son épée par pur instinct et repoussant leurs lames de son corps et les gardant à bonne distance. Elle en désarma deux de plus, puis sauta d'un bond hors de portée d'un troisième. Elle atterrit puis sauta à nouveau, cette fois écrasant la garde de son épée sur sa tête, tout en en frappant un troisième qui tentait de l'attaquer.

 

C'était long, et difficile, mais elle ne s'arrêta pas et continua à bouger, les repoussant et les désarmant les uns après les autres.

 

Et enfin, enfin, alors qu'elle se dit qu'elle allait sans doute s'évanouir sur le champ de bataille pour la première fois de sa vie, elle regarda autour d'elle et vit qu'elle était la seule debout et armée. Elle se tenait là, son épée appuyée sur sa cuisse, au milieu d'un champ très tranquille où l'herbe caressait doucement ses bottes, et où résonnait le grésillement insistant des grillons. Une brise fraîche passa, repoussant les mèches sombres de son front, et amenant un soulagement bienvenu dans son crâne douloureux. Dieux… je n'arrive pas à croire que j'ai fait ça. Elle sentit son souffle laborieux commencer à se calmer, et remercia les dieux pour toutes les heures d'entraînement qu'elle avait endurées dans sa vie. Ça a bien servi… quand j'en ai eu vraiment besoin.

 

Ils la regardaient tous, absorbant chaque mouvement, chaque mot. " On peut le faire ", dit-elle, haussant la voix qui se projeta par-dessus l'herbe ondulante. " Au combat… les vainqueurs sont en général ceux qui veulent le plus la victoire. Pas les plus forts, pas les mieux armés… tout ce qu'il faut, c'est refuser de perdre. " Et d'un geste, elle fit tournoyer son épée et la rengaina d'un seul mouvement fluide.

 

Ils la croyaient, elle le sentit. Elle le vit sur leurs visages. Un sourire se dessina sur ses lèvres. " Ok, on va faire une pause… j'ai fait tout ce que je pouvais pour le moment. " Oh dieux… et ce que c'est vrai. J'espère que je vais arriver à rentrer au village. Ça serait vraiment embarrassant… Elle était, et elle se l'était admise à elle-même, épuisée. Gabrielle va me tuer, pensa-t-elle, amusée, éreintée, et elle leva les yeux alors que Lestan venait vers elle. Il lui tapota l'épaule.

 

" On peut s'asseoir une minute ?… il faut que je te demande quelque chose ", dit-il tranquillement en se tournant vers elle.

 

Xena haussa les épaules. S'asseoir… c'est sans doute une bonne idée, se dit-elle en se rendant compte que ses jambes s'étaient mise à trembler. " Ok. " Elle désigna de la main quelques rochers qui sortaient du sol et elle s'assit dessus.

 

Il l'imita et allongea ses longues jambes avec une petite grimace de douleur. " Merci ", soupira-t-il. Il s'appuya en arrière. " Je n'ai pas fait autant d'exercice depuis des années… comment fais-tu ? " Il lui lança un coup d'œil et reçu un sourire amusé en échange. " Si tu dis que c'est la pratique, je vais me tuer.

 

Xena se mit à rire. " Désolée. C'est la pratique ", lui dit-elle. Un petit silence tomba puis elle le regarda. " Qu'est-ce que tu voulais me dire ? " Elle tira sur un brin d'herbe clair et en mâchouilla l'extrémité, attendant qu'il veuille bien lui parler.

 

Lestan la regarda en mâchant un peu sa lèvre. Tourner autour du pot ? Non… c'est pas une bonne idée. C'est le genre de personne qui préfère aller droit au but. OK… " On veut t'adopter. "

 

" Hein ? " La guerrière haussa les sourcils et le regarda. " Tu me prends pour une orpheline ou quoi ? ? " Mais elle se doutait bien de ce dont il parlait. Enfin… en tout cas, ça va simplifier le plan de secours, se dit-elle.

 

" Non, non… " fit-il en riant. " C'est une tradition des clans, Xena. Lorsque nous avons quelqu'un qui rejoint le clan, quelqu'un de l'extérieur, pour devenir un membre de notre famille, nous l'adoptons. Cette personne obtient les droits du clan et le droit de protection contre quiconque de l'extérieur. " Il hésita, puis continua. " Et… puisque vous allez vous battre à nos côtés demain… je me suis dit que… " Il fit une pause. " Et aussi à cause de ton lien avec Gabrielle. On s'est dit que vous deux devriez… euh… "

 

Xena posa la main sur son genou. " Du calme ", dit-elle pour le rassurer. " Je comprends. Et j'apprécie le geste, Lestan, vraiment. Laisse-moi en parler à Gabrielle et voir ce qu'elle en pense avant de te donner une réponse. "

 

Il hocha la tête. " Wennid est en train de lui parler. " Il leva les yeux et sourit. " J'espère que vous accepterez. " Puis il posa ses mains sur ses genoux et se poussa sur ses pieds avec un grognement. " Il faut que je mange quelque chose avant que je m'effondre. Je te raccompagne ? "

 

" OK ", fit gentiment Xena, et elle se leva à son tour, étirant son dos et ses épaules doucement. Mais elle ne tremblait plus, et elle inspira profondément, sentant l'énergie retourner un peu dans son corps. " Allons-y. "

 

Ils traversèrent le champ en silence et passèrent les arbres qui entouraient le village. La brise un peu plus froide dans l'ombre des arbres était agréable, se dit Xena, et elle passa les mains dans ses cheveux, les tirant de sa tunique matelassée pour laisser l'air se glisser le long de son cou. Ouah. C'est beaucoup mieux. Elle rit un peu. " Allez, Lestan. Je vais au ruisseau pour boire un peu d'eau fraîche. " Elle le poussa vers sa hutte.

 

" Je rentre ", acquiesça Lestan en hochant la tête. " Nous aurons un gros dîner ce soir… j'espère que Gabrielle et toi vous joindrez à nous, quelle que soit votre décision. "

 

Xena lui adressa un sourire désabusé. " Gabrielle, manquer un banquet ? Tu rigoles ? " Elle soupira. " Avec plaisir. "

 

Elle le laissa regagner sa maison et s'agenouilla près du ruisseau, buvant pendant plusieurs minutes l'eau qu'elle recueillait entre ses mains, puis elle éclaboussa son visage d'eau fraîche. Voilà qui est mieux, pensa-t-elle. Au moins je peux aller chercher Gabrielle sans avoir peur de m'effondrer devant elle. J'en aurais entendu parler jusqu'à ma mort. Elle se releva et repartit vers le chalet de Lestan où elle avait entendu la voix de Gabrielle quelques minutes plus tôt.

 

 

 

 

 

Chapitre 56

 

 

 

Warrin la fixait froidement. " Ne bouge pas, humaine. Je ne te ferai pas de mal. "

 

Elle croisa les bras et l'observa. Comment ont-ils pu… je ne les comprends peut-être pas aussi bien que je le croyais, pensa-t-elle. " Oh… tu ne le fais que dans le noir, hein ? Quand ta victime ne peut pas te voir arriver, c'est ça ? " Sa remarque porta, et elle vit Warrin plisser les yeux brièvement.

 

" Ne t'inquiète pas, humaine… j'ai donné ma parole que je ne vous toucherai pas, ni toi ni ton amie… " Sa voix était rauque. " Mais si demain apporte ce que je sais déjà être la mort de la moitié de mon clan par votre faute, je briserai cette promesse et te montrerai qui nous sommes vraiment. "

 

" Tu n'en feras rien. " La voix flotta, venant de derrière eux et Gabrielle sentit une vague de chaleur familière l'envahir. Xena sortit de l'ombre et se plaça fermement entre Gabrielle et l'immense silhouette qui la dominait. " Parce que et d'un, je ne vais pas laisser ça se produire. "

 

Les yeux de Warrin se teintèrent de mépris. Il jeta un coup d'œil sur le côté, essayant de comprendre d'où elle avait surgi. " Tu ne peux pas l'empêcher, ne comprends-tu pas ? " dit-il. " Tu as éliminé toutes nos options. "

 

Xena s'avança un peu plus, juste à portée de ses griffes, et sourit. " Il faudra que tu me croies sur parole. " Elle s'approcha encore, jusqu'à ce qu'elle sente les mèches de sa fourrure effleurer sa tunique, et qu'elle sente son odeur musquée. " Et si jamais… " Sa voix tomba d'une octave. " Tu la touches encore, je te montrerai personnellement ce qu'être l'Elue d'Arès veut dire. "

 

Un silence tomba entre eux, alors que les deux guerriers se fixaient sans un mot. Gabrielle voyait la tension dans les épaules de Xena, malgré la posture décontractée et savait que sa compagne était à cran, et que le moindre mouvement de Warrin ferait déborder le vase.

 

" Tu me menaces ? " chuchota Warrin d'un ton glacial. Sa fourrure se souleva sur son dos et ses narines frémirent.

 

Xena lui sourit paresseusement, mais tout aussi froidement. " Oui. "

 

Une longue pause, puis Warrin fit un pas en arrière.

 

" Ton arrogance nous perdra tous ", fit brièvement Warrin, mais il avait perdu, il le savait, et il se retourna avant de disparaître sur le chemin ombragé qui passait près de la hutte de Lestan.

 

Xena inspira puis souffla, et laissa sa tête tomber en avant un instant. Bon sang, je suis contente qu'il n'ait pas insisté. Elle pencha la tête et regarda Gabrielle, qui s'était approchée et avait glissé un bras autour de sa taille. " Je croyais que tu n'irais pas le voir sans une escorte. "

 

Gabrielle la regarda en levant un sourcil. " Je croyais que tu allais faire une pause quand tu serais fatiguée ", répondit-elle en maintenant une expression froide et provoquante.

 

Ce qui lui valut un sourire désabusé et un long bras qui entoura ses épaules. " Je sais. Et j'avais l'intention de le faire… " admit Xena avec un gros soupir. " Mais ils doivent se battre demain, et j'avais besoin de savoir jusqu'à quel point je pouvais les pousser. "

 

Le barde réfléchit un moment. " Et tu as poussé très fort. " Ce n'était pas une question, parce qu'elle voyait bien la fatigue sur son visage et sentait les efforts qu'elle devait faire pour bouger.

 

Xena inspira profondément. " Ouais ", admit-elle très doucement. " Mais c'est mieux de savoir maintenant. "

 

Pas faux. " Alors, quel est le verdict ? " Elle se pressa un peu plus contre elle, lui pardonnant pour l'instant.

 

" Sur moi ou eux ? " demanda Xena alors qu'elle retournaient vers leur chalet.

 

" Oui ", répondit le barde en la serrant un peu.

 

" Mmm… si la bataille se termine avant midi demain, ça ira pour moi ", répondit la guerrière. " Et ils auront peut-être une chance de gagner, s'ils restent concentrés et qu'ils font ce que je leur dit de faire. "

 

Gabrielle hocha la tête pensivement puis leva les yeux, voyant dans le regard de sa compagne à quel point elle avait poussé ses limites. " Et si ça dure plus longtemps et qu'ils ne restent pas concentrés ? "

 

Xena fit quelques pas en silence. " Dans ce cas… alors il faudra passer au plan de secours ", répondit-elle en inspirant à nouveau.

 

" Quel est le plan de secours ? " insista Gabrielle qui préférait connaître le pire.

 

Xena eut un petit sourire. " Sais pas… mais dès que j'aurai trouvé, je te le dirai. "

 

Gabrielle soupira. " C'est bien ce que je pensais. " Elle réfléchit une minute. " Ils ont vraiment une chance ? " Elle observa le profil de Xena. Ou est-ce que tout dépend de toi ? Comme d'habitude ? Comme toujours…

 

La guerrière acquiesça. " Oui, une bonne chance. " Si je les commande. Je suis le facteur crucial… et par tous les dieux, j'espère en être capable.

 

Gabrielle posa sa joue sur l'épaule de Xena et la serra à nouveau contre elle. " Allez, viens, héros. " Elle sourit. " Viens manger un morceau et faire une petite sieste avant que tu ne t'écroules ", fit-elle en provoquant Xena.

 

" Très bonne idée ", soupira la guerrière, sans essayer de cacher sa fatigue. Elle monta doucement les marches et tendit la main vers la poignée, ouvrant la porte pour laisser Gabrielle entrer. Elle suivit le barde à l'intérieur et s'arrêta net lorsque Arès se précipita dans ses jambes, leur réservant un accueil extrêmement chaleureux.

 

" Roo ! ! ! " couina-t-il, en remuant furieusement la queue. " Roo ! ! "

 

Xena posa la main sur sa tête et sourit. " Salut, Arès. " Elle s'apprêtait à s'agenouiller pour jouer avec lui lorsque des mains puissantes lui saisirent les épaules et elle se retrouva poussée vers le canapé. " Hé… arrête. "

 

" Assieds-toi d'abord. " Gabrielle continua à la pousser jusqu'à ce que Xena ne cède et ne se laisse tomber à moitié sur les coussins en riant, alors qu'Arès grimpait près d'elle et posait ses deux pattes avant sur sa poitrine, léchant son visage avec enthousiasme. " Arès… " gronda la guerrière.

 

" Grr… " grogna à son tour le louveteau, mais il s'installa pourtant sur sa cuisse, haletant.

 

Xena caressa doucement la fourrure soyeuse du loup et appuya sa tête contre le dossier du canapé, observant distraitement le plafond, laissant son esprit vagabonder, jusqu'à ce qu'elle sente une main se poser doucement sur son front et qu'elle ne croise le regard inquiet de Gabrielle. " Hé. " Dieux… je me suis presque endormie. " Désolée. "

 

" Tiens ", fit doucement le barde en lui tendant une tasse fumante. " Bois… " Elle se glissa sur le canapé à côté de sa compagne et posa un bras autour de ses épaules pour la soutenir alors qu'elle se relevait un peu pour boire.

 

" Pas mal ", dit Xena en souriant au barde, tout en essayant de nier à quel point elle avait besoin de son appui. Mais la soupe aida un peu, tout comme rester tranquillement assise tandis que Gabrielle préparait une grande assiette de pâtés en croûte qu'elle partagèrent, ainsi qu'une miche de pain fraîche que le barde était allée chercher et qui était encore chaude.

 

Elle sentit son énergie revenir et elle s'en servit pour s'étirer de tout son long sur le canapé, tout en tirant le corps de Gabrielle tout contre elle.

 

" Hé ! " s'écria le barde en attrapant le bord du canapé, qu'elle manqua. " Hé… arrête. "

 

Xena se contenta de sourire lorsque Gabrielle perdit l'équilibre et s'écroula sur le canapé, à moitié étendue sur le corps de la guerrière. " Oh… ça me plaît bien ", grogna-t-elle, puis elle passa ses bras autour du barde, la tenant en place alors qu'elle était secouée de petits gloussements. " Alors… comment était ta journée ? " demanda-t-elle lorsque le barde se fut remise et se détendit un peu contre elle.

 

" Comme d'habitude. " Gabrielle essaya vainement de repousser un bâillement. La chaleur qui émanait de Xena était très attirante, et elle sentit le rythme de son corps ralentir alors qu'elle se blottissait plus près. Et pourquoi je suis fatiguée ? se demanda-t-elle. Tout ce que j'ai fait, c'est aller à droite et à gauche et parler à quelques personnes. Elle s'étira paresseusement et sentit la tension quitter son corps alors que Xena frottait doucement son dos du bout des doigts. " Hmm… voyons… j'ai dû donner le sermon habituel explicatif sur la Princesse Guerrière à Wennid, et j'ai réussi une espèce de test avec un groupe de ses amis qui était là quand je suis passée la voir. "

 

" Quel sermon ? " fit Xena en riant, et elle sentit Gabrielle l'imiter.

 

" Oh, tu sais… " marmonna le barde dans son épaule. " Celui dans lequel je raconte comment tu es vraiment… Tout le monde me pose la question. " Elle bâilla à nouveau. " Bon sang… je ne sais pas pourquoi j'ai sommeil tout à coup. Ça doit être ta mauvaise influence. " Elle essaya de se lever, mais son corps refusa de lui obéir et elle s'écroula à nouveau contre sa compagne, cédant à son envie. " Hmm… je crois que je vais rester là. "

 

" Des problèmes, mon barde ? " demanda Xena en l'embrassant sur le haut du crâne en riant doucement. " On s'est levées tôt, tu sais… et après ce déjeuner, ça ne m'étonne pas que tu aies envie de dormir ", la taquina-t-elle en lui chatouillant les côtes. " Mmm ? Il vaudrait peut-être mieux que je reste éveillée, au cas où… "

 

" Je crois que je suis accro à toi ", répondit Gabrielle d'une voix paresseuse. " Je devrais me lever et travailler sur l'un de mes manuscrits, ou aller m'entraîner un peu au bâton, mais je n'ai aucune envie de faire quoique ce soit à part rester ici et faire un câlin. " Elle défit la ceinture en cuir et glissa une main dans la tunique de Xena, avant de commencer à caresser doucement la peau. " Et toi, n'essaie pas de rester éveillée, andouille. " En réaction, Xena ouvrit les yeux involontairement, amusée. C'est ça… allez… tu en a besoin, et tu le sais bien. " Au fait, on va les laisser nous adopter ? "

 

Xena ferma les yeux en réfléchissant à la question. Je n'arrive pas à les garder ouverts de toute façon… dieux, elle me connaît bien. " Qu'est-ce que tu en penses ? " demanda-t-elle enfin pour gagner du temps. Je veux le faire, mais pas pour ce qu'elle croit… parce qu'il y a une solution de secours… par Hadès, j'espère seulement que je n'en aurai pas besoin.

 

Gabrielle hésita puis haussa les épaules. " Je crois que ce qui me dérange le plus, c'est que je ne sais pas vraiment pourquoi ils veulent le faire… je veux dire, bien sûr, on va les aider demain, et tu vas sans doute faire un truc incroyable qui va sauver la peau de tout le monde, mais… " Elle soupira. " J'ai toujours l'impression que la plupart d'entre eux ne nous fait pas confiance. Alors… pourquoi ? "

 

" Mmm ", acquiesça Xena. " J'ai la même impression. " Elle caressait doucement les cheveux de Gabrielle. " Peut-être qu'ils sont nombreux à être d'accord avec Warrin. " Elle leva les sourcils au-dessus de ses yeux clos. " Ils ne seraient pas les premiers à ne pas me faire confiance, pas vrai ? "

 

Gabrielle sentit son cœur se serrer en entendant ces mots, et elle observa attentivement le visage immobile. La confiance et la loyauté étaient des sujets très délicats avec Xena… ils l'avaient toujours été. Elle savait que sa réputation la précédait, et elle s'était habituée au fait que les étrangers la prenaient pour une tueuse impitoyable. Mais de la part de ceux qu'elle connaissait mieux… le manque de confiance la blessait. Gabrielle le savait… elle avait fait cette erreur une fois, et elle ne l'avait jamais oublié.

 

Les circonstances avaient vraiment été stupides… une visite dans une des grandes villes près d'Athènes, pour faire quelques courses, et elle avait décidé de surprendre Xena en lui faisant un cadeau. Cela avait été difficile, puisque la guerrière n'aimait pas faire de courses et ne possédait pas grand-chose qui aurait pu l'aider à faire un choix… après tout, combien de brassards en cuir une femme peut-elle avoir ?

Alors elle avait concocté une histoire idiote qui lui avait permis d'être seule un moment, et elle était tombée sur un vieil ami de l'Académie, avec qui elle avait passé une bonne partie de la journée, puisque Aaron ne voulait pas la laisser se promener seule dans le marché et avait insisté pour l'accompagner. Elle avait trouvé une superbe boîte de pierres à aiguiser qu'elle comptait offrir à Xena, pensant à juste titre que la guerrière ne pourrait jamais en avoir trop.

Mais elle avait oublié à quel point Aaron était arrogant… et lorsqu'ils étaient revenus à l'auberge où elles étaient descendues, il avait critiqué ce logement bon marché et insisté pour qu'elle l'accompagne à son hôtel, à quelques pâtés de maisons de là. Elle avait été sur le point de refuser, lorsque Xena lui avait brusquement dit d'y aller, qu'elle avait des choses à faire et qu'elle la retrouverait le lendemain.

Aaron, qui ne savait vraiment pas qui était Xena, avait vu les vêtements rustiques que portaient la guerrière, et son ton acerbe, et il avait fait des suppositions, reniflant dans sa direction et dit qu'il aimerait beaucoup l'inviter elle aussi mais qu'il ne pouvait de toute évidence pas risquer qu'elle tue son voisin de table pour un morceau de viande.

Et à cet instant, Gabrielle savait qu'elle avait fait une grave erreur. Elle aurait dû protester à cette remarque et se débarrasser d'Aaron, mais le comportement acerbe de Xena l'avait rendue perplexe, et… elle n'avait rien dit.

Comme si elle avait été d'accord avec lui. Et derrière ces yeux bleu glacial qu'elle avait tout juste commencé à comprendre, elle avait vu une douleur si profonde que son cœur s'en était presque arrêté. Et puis le regard avait disparu et Xena était restée là, debout, la main sur la garde de son épée et avait lancé au garçon un regard qui l'avait fait reculer, traînant Gabrielle derrière lui dans la rue.

Elle l'avait suivi jusqu'au bout de la rue, le cœur plus gros à chaque pas, et puis avait fini par s'arrêter, et s'était retournée vers l'auberge. " Il faut que j'y retourne ", avait-elle dit à Aaron qui l'avait prise pour une folle. " Je suis peut-être folle… mais tu viens de blesser une de mes amies, et il faut que j'aille arranger les choses. "

Aaron lui avait ri au nez. " C'est une de tes amies ? " Il lui avait tiré le bras. " Quoi… Tu la gardes pour qu'elle t'attrape ton dîner le soir ? On dirait un animal. "

Et Gabrielle avait senti un feu lent et brûlant en elle, un feu qui avait explosé sans prévenir. Elle l'avait repoussé et l'avait frappé aussi fort qu'elle avait pu, son poing s'écrasant sur son visage avec un craquement audible qui avait envoyé une secousse de douleur dans son bras, mais elle s'en fichait bien. " Comment oses-tu ? " avait-elle hurlé, en le secouant très fort. " Comment oses-tu parler d'elle comme ça ? " Elle l'avait encore frappé et il avait reculé, effrayé. Elle l'avait repoussé violemment et il avait décampé en lui lançant un regard qu'il aurait d'habitude réservé à un fou furieux.

Elle était retournée à l'auberge, mais Xena n'était plus là. Alors, connaissant sa compagne, elle était ressortie et était allée droit à l'écurie.

Et elle s'était arrêtée net en voyant Xena debout en silence à côté d'Argo, les bras entourant l'encolure dorée de la jument, le visage enfoui dans l'épaisse crinière couleur crème. A peine un instant, jusqu'à ce qu'elle sente la présence de Gabrielle ; alors elle s'était redressée, passant un peigne dans la crinière et arrangeant tranquillement les mèches sur l'encolure de la jument.

" Je croyais que tu étais partie ", avait dit Xena d'une voix froide sans interrompre sa tâche. Elle avait gardé les yeux fixés sur la crinière pâle et n'avait pas regardé Gabrielle.

" Je ne tiens pas à passer mon temps avec des imbéciles ", avait répliqué Gabrielle en la rejoignant auprès d'Argo, caressant doucement une épaule dorée. " Je préfère être avec toi. " Parce que c'était la seule chose à laquelle elle avait pensée pour essayer d'arranger les choses.

" Je ne vois pas pourquoi ", avait commenté Xena, travaillant à présent sur la frange d'Argo.

" Je te l'ai dit… c'est un imbécile, Xena ", avait répondu doucement Gabrielle. " Il ne te connaît pas. "

Et les mains de Xena s'étaient immobilisées et elle avait enfin regardé Gabrielle. " Ce n'est pas grave. Ça n'a pas d'importance. " Elle avait baissé les yeux vers la paille sur le sol. " J'ai l'habitude que les gens pensent que je ne peux pas me conduire comme un être humain. " Elle inspira profondément et haussa les épaules. " C'est juste que… je ne m'attendais pas à cela… de… ta part. " Elle avait dégluti après ces mots et puis avait simplement secoué la tête et soupiré. " Je… je pensais… " Puis elle s'était interrompu et avait repris sa tâche auprès d'Argo. " Laisse tomber. "

Gabrielle avait senti la douleur comme si elle avait été sienne et elle s'était approchée, posant une main sur le bras de la guerrière. " Ce n'est pas ce que je pense de toi ", avait-elle dit doucement. " Et tu le sais bien. "

Xena n'avait pas répondu, et avait continué à peigner la crinière de la jument ; alors Gabrielle était venue tout contre elle et l'avait forcée à la regarder. " Tu le sais, n'est-ce pas ? "

Ça lui avait enfin valu un sourire forcé et une petit tape dans le ventre. " Ouais, je sais. " Et puis on avait saisi sa main et Xena l'avait fixée du regard. " Qu'est-ce que tu t'es fait à la main ? "

Gabrielle avait rougi en se souvenant. " Je… euh… "

" Gabrielle, elle est cassée ", avait dit Xena en examinant doucement les os douloureux. " Bon sang… il faut que je… comment tu t'es fait ça ? "

" Je l'ai frappé ", avait répondu Gabrielle d'une toute petite voix, alors que la douleur devenait de plus en plus forte. " Il a dit… quelque chose d'affreux sur toi et je me suis mise en colère et j'ai… " Sa tête bourdonnait et elle s'aperçut que Xena la soutenait et la conduisait vers un petit banc. " Oh, dieux, ce que ça fait mal. "

Xena s'était assise près d'elle et avait posé doucement la main de Gabrielle sur son propre genou. " Il faut que je coupe… " Elle s'était arrêtée et avait fait une pause. " Attends une minute… " Elle avait levé la main et saisi la mâchoire du barde. " Tu défendais mon honneur, Gabrielle ? ? " Sa voix contenait un mélange de fierté, d'incrédulité, d'amusement et d'autre chose d'indéfinissable.

Et Gabrielle avait levé les yeux vers les siens et souri courageusement. " Evidemment… tu en as tellement… je me suis dit que je pouvais te donner un coup de main pour le défendre. " Xena avait écarquillé ses yeux bleus et le barde avait laissé sa voix tomber un peu. " Et je ne plaisante pas. " Elle avait sentit une main saisir doucement son menton et vu les yeux bleus si près des siens, et le parfum si épais du cuir et du métal et de la peau qui était pour elle synonyme de Xena.

Un long moment silencieux était passé entre elles, et puis Xena s'était penchée en avant et avait doucement embrassé le front de Gabrielle. " Merci ", avait-elle murmuré à son oreille. " Mais la prochaine fois ? "

" Oui ? " avait fait Gabrielle, adorant cette intimité.

" Fiche-lui un coup de pied dans l'entrejambe ", avait soupiré la guerrière avant de bloquer les nerfs de la main du barde.

 

 

 

Gabrielle sourit en se souvenant de ce jour-là. Encore un tournant dans notre long voyage… pensa-t-elle. " Bon, je pense que ça ne peut pas nous faire de mal d'accepter ", dit-elle à propos de l'adoption.

 

Xena grogna quelque chose et sourit en sentant le corps de Gabrielle se liquéfier contre elle. Elle s'est endormie avant moi… elle va en entendre parler de celle-là. Elle ouvrit un œil et regarda sa compagne, amusée, puis fit le tour de la pièce des yeux, jugeant des sons qu'elle entendit dehors et décida qu'elle pouvait sans doute faire une petite sieste en toute sécurité. Elle vérifia où se trouvait son épée, dans son fourreau près de sa jambe droite et caressa Arès une dernière fois avant de fermer les yeux et de rejoindre le barde.

 

 

 

Chapitre 57

 

" Alors ? " fit Sécan d'une voix traînante en s'appuyant sur le dossier de son grand fauteuil, avant de lancer sa jambe puissante par-dessus le bras. " Dis-moi. " Il venait de rentrer de reconnaissance à la frontière nord de leur territoire, et il n'avait pas encore eu l'occasion d'entendre le rapport de son lieutenant préféré à propos de sa mission.

 

" Bonne nouvelle et mauvaise nouvelle ", répondit Kelten en tirant un tabouret et en s'asseyant devant le bureau de son leader. " Tu veux laquelle en premier ? "

 

" La mauvaise ", répondit immédiatement Sécan en posant sa tête rouge crépuscule sur une main. " Toujours la mauvaise en premier. "

 

Kelten acquiesça et renifla pensivement. " La mauvaise nouvelle c'est qu'elle est… comme les histoires disent qu'elle est. " Il baissa les yeux vers ses mains, serrées l'une contre l'autre. Il se souvint des yeux glacés qui l'avaient effrayé plus que le regard d'un humain ne le devrait. " Les autres ne me font rien, mais pas elle… non… elle s'est collée juste sous mes crocs et m'a menacé. "

 

Sécan leva les sourcils. " Vraiment ? " Il montra ses grandes canines, amusé, et prit une longue gorgée de la bière posée devant lui.

 

L'être de la forêt à la fourrure argent ricana un peu et secoua la tête. " Oui, vraiment. " Il leva les yeux. " Tu sais que nous avons essayé de l'endormir avec une fléchette. "

 

" Ah ouais ? Tu avais dit que vous alliez essayer ", fit Sécan, un regard fasciné sur son beau visage. " Selwyn l'a manquée ? "

 

" Non. " Kelten posa son menton sur sa main. " Elle a attrapé la maudite flèche en plein vol. "

 

" Quoi ? ? " s'écria Sécan en riant. " Non… tu te fiches de moi. "

 

Des poils argent virevoltèrent lorsque Kelten secoua à nouveau la tête. " Non… et elle n'essayait même pas… elle marchait tranquillement et j'entends le mécanisme de relâchement, et puis une seconde après, elle tient la flèche à la main et elle se met à… jouer avec. Tu sais… à la faire sauter, ce genre de truc. "

 

" Eh ben. " Sécan tira le bout de la langue. " Alors… de quoi t'a-t-elle menacé ? "

 

" De me transformer en carpette ", admit Kelten. " Et je peux te dire un truc, Séc, je l'ai cru. "

 

" Vraiment ? " fit doucement Sécan, en buvant une petite gorgée de sa bière. Puis il s'appuya sur le dossier de sa chaise. " Bon sang… je la veux… et pas seulement à cause de ce qu'elle a fait à Elusha. Je la veux ici, pour que je puisse jouer avec elle… tu te souviens de ce que j'ai fait à la dernière humaine qu'on a attrapée ? " Ses yeux brillèrent. " Elle a duré une semaine. Je te parie que celle-là durerait un bon mois. "

 

" A condition qu'elle ne te tue pas pendant la première minute ", ajouta sèchement Kelten. " Mais de toute façon, la bonne nouvelle est que tu n'as pas à t'inquiéter d'elle ; elle ne se mêlera pas de notre petite guerre. "

 

Sécan renversa sa tête rousse et regarda son lieutenant. " Vraiment ? " Il passa le bout de sa langue sur ses crocs. " Remarque, ce n'est pas que ça m'inquiétait… "

 

" Elle est liée ", dit doucement Kelten en observant le visage de Sécan, attendant sa réaction ; il ne fut pas déçu lorsque le grand leader écarquilla les yeux et se redressa subitement sur sa chaise.

 

" C'est impossible ", dit-il dans un souffle. " Les humains ne peuvent pas… " Il s'arrêta et se mit à rire. " Enfin, j'ai toujours dit que c'était notre côté le plus faible… maintenant, j'en ai la preuve. Elle est vraiment liée ? "

 

" Pas de doute ", acquiesça l'être de la forêt à la fourrure argentée. " Elle a cette petite chose qui la suit partout, et je peux te dire qu'elles sont proches… tu ne peux pas les louper. "

 

Sécan éclata de rire. " De mieux en mieux… on va raser ce misérable village demain… et quand j'en aurai fini avec ces imbéciles et leurs liens, on ramènera nos petites humaines ici et on s'amusera un peu. Tu penses que cette guerrière aimerait se retrouver enchaînée à ma table pendant que je brûle notre alphabet sur sa petite compagne ? "

 

Kelten réfléchit à la suggestion. " Hmmm… ça peut être amusant… et puis tu vas la prendre sur la table ? " Ses yeux brillèrent. " Peut-être qu'on pourrait transformer la petite en carpette, qu'est-ce que tu en penses ? Elle a de jolis cheveux… un peu comme ceux de Jerusha. "

 

Sécan éclata d'un rire profond. " Non… j'en ferai un fouet… et je m'en servirai sur la guerrière. " Un sourire sombre se dessina sur ses lèvres. " On va bien s'amuser, tu verras. Et quand on en aura fini avec celle-là, on aura encore quelques petits pacifistes pour s'occuper le long de la côte. Et puis… " Le bout de ses crocs apparut. " Et puis… je crois que j'aime le goût du sang humain. " Il prit une gorgée de bière. " Quelles sont les festivités autour du feu, ce soir ? "

 

Kelten se leva et s'étira un peu. " Selwyn. " Il eut un sourire suffisant et leva un sourcil à l'intention de Sécan. " Non seulement il a manqué son tir, mais en plus, il s'est laissé capturer. "

 

Sécan se mit à rire. " Je vois… bon, quand tu auras terminé, tu pourras le laisser dans le village des mangeurs d'herbe… Arès sait qu'ils récupèrent toutes les saloperies dont on se débarrasse. " Il se leva et bâilla, plus grand que Kelten, du haut de ses presque deux mètres cinquante. " Ils ont même pris mon petit avorton aveugle, c'est fou, non ? Quels imbéciles. La loi de la nature est très simple, Keltie. "

 

Kelten acquiesça. " Les forts survivent et se reproduisent. Les autres meurent. " Il baissa les yeux, puis les leva à nouveau vers son leader. " Sécan ? "

 

Une lourde main à la fourrure rousse se posa sur son épaule argentée. " Oui, mon ami ? "

 

Ses yeux pâles croisèrent ceux, couleur feuille morte, de Sécan. " Fais attention avec elle. " Ses narines frémirent un peu. " Il y a quelque chose en elle… je ne sais pas ce que c'est, mais… elle ne mange pas d'herbe. "

 

Sécan leva la main et tapota doucement la joue de son lieutenant. " Non, je sais. " Ses crocs luisirent un peu. " Crois-moi, mon ami, je la traiterai avec la plus grande attention. " Il passa un bras puissant sur les épaules pâles de Kelten. " Allez, viens… nous manquons le spectacle. " Ils passèrent la porte et se dirigèrent vers le chemin qui conduisait au feu. " Tu pense qu'on pourra le faire couiner comme le dernier ? "

 

" Peut-être ", fit Kelten d'une voix traînante. " Tu me prêteras ta dague ? "

 

" Bien sûr ", fit Sécan alors qu'ils sortaient des ténèbres et avançaient vers la riche lumière du feu où ils furent chaleureusement accueillis.

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