| 
  • If you are citizen of an European Union member nation, you may not use this service unless you are at least 16 years old.

  • You already know Dokkio is an AI-powered assistant to organize & manage your digital files & messages. Very soon, Dokkio will support Outlook as well as One Drive. Check it out today!

View
 

BOUND9

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Unies/ Bound

 

par Melissa Good

 

Traduction : Katell et Fryda

 

**********

Partie 9A

*********

 

Chapitre 67

 

Gabrielle se réveilla en sursaut pour la deuxième fois ce matin-là, la tête douloureuse à cause du cauchemar qui avait envahi la paix de son sommeil. Désorientée, elle jeta un coup d'œil autour d'elle avant de comprendre où elle se trouvait.

 

Par tous les dieux de l'Olympe, j'avais oublié à quel point j'ai horreur de me réveiller comme ça. Elle bâilla, puis se frotta les yeux, remarquant le ciel encore gris dehors, et le vent froid et humide qui se faufilait par la fenêtre. Brrr. Elle tira les couvertures un peu plus sur elle et se dit qu'elle préfèrerait que Xena soit avec elle. Puis elle leva les yeux au ciel. Arrête un peu, Gabrielle. Fiche-lui la paix. Tu sais bien qu'elle a besoin d'être un peu seule.

 

Ça ne marcha pas. Elle voulait que Xena soit avec elle, surtout parce que la guerrière avait le don de faire disparaître les horribles résidus de ses rêves, surtout le genre de cauchemar qu'elle venait d'avoir, plein de désolation et d'horreur, mais sans trop de détails. Une caresse de sa main, la chaleur de son regard, une étreinte… Gabrielle se blottit à nouveau dans le lit, remarquant qu'Arès avait lui aussi disparu. Toujours à suivre sa maman, à n'en pas douter, se dit-elle. Il faudrait que je me lève… en plus, il fera plus chaud près du feu. Elle roula dans le lit, puis se glissa hors des couvertures, remarquant avec un petit sourire chaleureux qu'on avait déjà fait du feu et qu'il craquait joyeusement dans la cheminée.

 

Elle s'enroula dans son manteau et alla jusqu'au feu, repoussant les mèches de cheveux qui lui tombaient dans les yeux, puis posa le pot d'eau près de la cheminée. Je ferais aussi bien de me laver un peu, se dit-elle. Elle sortit des vêtements propres, se lava rapidement avant de se changer et de se réinstaller sur le tapis juste devant le feu.

 

On frappa bientôt à la porte. " Entrez ", répondit-elle, un peu surprise, se tournant à moitié vers la porte, sa main glissa presque inconsciemment vers son bâton.

 

La porte s'entrouvrit et Tody passa sa tête rousse à l'intérieur. " Salut ! "

 

" Salut, Tody ! " fit le barde en souriant. " Entre, entre… "

 

Le garçon se glissa à l'intérieur, et referma la porte derrière lui avant d'avancer avec précautions dans la pièce. " Attends… " Il s'arrêta assez loin d'elle et se secoua vigoureusement, projetant des gouttelettes d'eau sur le sol. " Ouah, ce qu'il pleut. " Il tourna ses oreilles pour écouter tous les recoins de la pièce, puis se concentra à nouveau sur elle, penchant la tête comme s'il voulait poser une question.

 

" Elle est allée courir un peu ", répondit Gabrielle, interprétant correctement son attitude. Elle sourit en voyant l'expression sur son visage. " Je sais… je sais… elle se sent obligée, c'est dingue. " Je ne m'étais pas rendue compte qu'il pleuvait dehors… j'aimerais bien qu'elle revienne avant qu'elle… Elle ne termina pas sa pensée. " Allez, viens t'asseoir, Tody. Tu veux un peu de thé ? "

 

" OK ", fit-il en souriant, avant de s'asseoir en tailleur près d'elle, remuant sa fourrure pour l'aider à sécher. " C'est pour ça qu'elle est si forte ? "

 

" Mmm… " Gabrielle se mit à rire un peu, tout en mesurant les herbes dans les tasses, avant de verser l'eau chaude. " Elle s'entraîne dur, oui. " Trop dur, parfois.

 

" Eh ben ", fit Tody en s'approchant un peu d'elle. " Je savais qu'elle ficherait la pâtée à ces types hier ", fit-il, ravi, avant de froncer les sourcils. " Ils ne m'ont pas laissé y aller. "

 

" Tu sais… " Gabrielle déposa la tasse entre les mains de Tody. " Ils voulaient sans doute éviter que tu sois blessé. "

 

Ses oreilles bougèrent. " Tu y es allée, toi. "

 

Elle but une gorgée de thé sucré. " Ouais. Où Xena va, je vais. "

 

Il soupira. " Wow. " Une pause suivit. " Mais tu aurais pu être blessée. "

 

Gabrielle réfléchit un instant. " C'est vrai. Mais je peux me défendre, et on fait ce genre de trucs tout le temps. " Elle prit une autre gorgée. " On connaît les risques. "

 

Tody resta un moment silencieux. " Personne ne veut me raconter comme s'est passée la bataille. Tu voudrais pas, toi ? "

 

Le barde le regarda, un peu hésitante. " Ils t'ont dit pourquoi ils ne voulaient pas te raconter ? "

 

Le garçon bougea un peu et but un peu de thé. " C'est bon. " Il indiqua la tasse. " Ils disent que je suis trop jeune. "

 

Gabrielle tira un peu plus son manteau sur ses épaules pour se protéger du courant d'air froid et humide qui rentrait par la fenêtre. " Mais toi, tu n'es pas de cet avis. "

 

Tody soupira. " Je crois que c'est parce qu'ils pensent que je ne sais pas qui était mon père. "

 

Oh. Gabrielle fronça les sourcils. Etais. Je vois. " Tu sais, c'est sans doute vrai. " Elle fit une pause. " Ça doit leur faire drôle. "

 

Il acquiesça. " Hm, hmm. Mais pas moi… parce que je ne me souviens pas de lui. Je sais… c'était une personne très méchante. " Ses mains se resserrèrent autour de la tasse. " J'espère que je ne suis pas comme lui. "

 

Ah. Le barde inspira profondément, et se souvint d'une scène qu'elle avait vécue elle-même, il n'y avait pas si longtemps. Elle s'approcha un peu plus de lui, et posa son bras sur ses épaules encore humides. " Ne t'inquiète pas pour ça. "

 

" Non ? " demanda-t-il en tournant la tête vers elle. " Et pourquoi pas ? "

 

" Parce que ", dit-elle, " il y a deux choses que tu ne dois pas oublier, Tody. " Elle s'arrêta et sourit. " Un, tu n'es qu'un petit garçon. Tu n'as rien fait pour que Sécan te haïsse, OK ? "

 

" Mais il me haïssait pourtant ", murmura le garçon. " Les papas ne sont pas censés faire ça. "

 

Gabrielle sentit une vague de compassion la submerger. " Tody, quand quelqu'un fait quelque chose comme ça… à un enfant innocent comme toi… ce n'est pas parce qu'il te déteste. "

 

" Non ? " fit-il doucement.

 

" Non. Il déteste quelque chose en lui-même. Et parfois, cette haine le fait agir violemment contre les autres, pour que tout le monde soit aussi triste que lui. Mais ce n'était pas toi. Ce n'est pas à cause de quelque chose que tu as fait, OK ? "

 

" Vraiment ? " fit Tody dans un souffle, en posant sa tête contre son bras, absorbant chacun de ses mots. " Tu le crois vraiment, Gabrielle ? "

 

Le barde resta silencieuse un moment, et regarda au plus profond de son cœur. " Oui. Je le crois vraiment, Tody. " Maintenant. " Et je voulais aussi te dire que… tu es une personne à part entière. Ce n'est pas parce que ton papa et ta maman étaient gentils ou méchants… ça ne veut pas dire que tu seras automatiquement comme eux. Tu dois être toi-même. Ça ne vient pas d'eux, ça vient de toi. " Que les dieux te bénissent, Xena… pour m'avoir fait ce cadeau.

 

Le garçon soupira et blottit un peu plus son visage contre l'épaule de Gabrielle. " Alors j'aurai peut-être une chance. "

 

Gabrielle baissa les yeux vers lui. " Une chance ? "

 

Tody releva la tête et tourna ses oreilles vers elle. " Une chance d'avoir ce que vous avez… bien sûr. "

 

Hein ? Le barde ne comprenait plus rien. De quoi… " Tody… je ne comprends pas. Qu'est-ce que ça à voir avec tout ça ? "

 

Il cligna plusieurs fois des yeux, stupéfait. " Dieux… ils ne vous ont rien dit là-dessus ou quoi ? " Il but une gorgée de thé. " Les gens méchants n'ont pas le don. "

 

Heureusement, il ne pouvait pas voir son visage. " Vraiment ? "

 

" Oh, non ", fit-il en secouant la tête vigoureusement. " Il faut être super gentil… ou alors pas question. " Il lui tapota le genou. " Même Warrin… il était bon à l'intérieur, je le Voyais bien. Gentil et chaud, et doré comme… comme Wennid… et toi. "

 

Les êtres de la forêt peuvent-ils voir le bien et le mal ? se demanda-t-elle. " Et Sécan et ses amis… comment les voyez-vous ? "

 

Tody fit une grimace. " Beurk. J'aime pas les regarder. Ils sont méchants et moches. " Il se pencha un peu vers elle. " Gabrielle… dis-moi… à quoi ressemble Xena ? Je me demandais… "

 

Gabrielle réfléchit un moment à la question. " A quoi ressemble-t-elle pour toi ? " demanda-t-elle, puis elle retint son souffle en attendant la réponse.

 

Il sourit. " Oh… en fait, elle est différente. Toute… solide… et chaude. " Il s'arrêta pour réfléchir. " Forte, surtout. Douce. " Il lui tapota le bras. " Mais à quoi elle ressemble vraiment ? "

 

Je le savais. Je l'ai toujours su. Un rire s'échappa de sa poitrine. " A quoi ressemble-t-elle… Hmm. OK… elle est grande. "

 

Tody ricana. " Ça, je le sais. "

 

" OK. Et elle a des cheveux noirs, avec des reflets presque rouges quand le soleil les caresse juste comme il faut. " Elle réfléchit une minute, et pensa à la façon dont Xena avait employé les sons et les odeurs pour la décrire. " Euh… tu sais, dans la forêt, dans les endroits sombres, si tu creuses pour trouver des racines, il y a cette terre magnifique, sombre et humide ? "

 

Tody acquiesça. " Oui… je vois exactement ce que tu veux dire. Wennid en rapporte pour ses roses. "

 

Gabrielle sourit. " Et bien, cette odeur… ça me rappelle la couleur de ses cheveux. "

 

" Oh ", soupira le garçon.

 

Le barde inspira. " Et elle a des yeux magnifiques ", ajouta-t-elle doucement. " Si bleus… on dirait le son d'un ruisseau quand le soleil brille. Il y a de petites lumières qui dansent au fond de ses yeux. "

 

Tody sourit doucement, écoutant la musique de sa voix alors qu'elle décrivait sa compagne. Les mots eux-mêmes étaient entourés d'une affection chaleureuse qui le ravit. Il aurait pu en rire… il avait entendu les guerriers décrire Xena, et leurs mots parlaient tous de force et de puissance et de férocité au combat. Mais il savait, s'il posait d'autres questions, que tous les mots de Gabrielle seraient doux et remplis d'amour. Il n'avait toutefois pas oublié sa requête originale. " Gabrielle… " fit-il, un tantinet suppliant. " S'il te plaît ? Raconte-moi la bataille ? "

 

Le barde ébouriffa sa fourrure. " OK. " Elle inspira, et composa les événements dans son esprit. " C'est du brut, parce que je n'ai pas encore écrit l'histoire, mais… " Et elle lui raconta, en commençant par la marche dans la brume, avant l'aurore.

 

" Eh ben ", fit-il dans un souffle. " Elle a obligé Lestan à s'incliner devant elle ? " Il posa son menton dans ses mains.

 

" Hm, hmm ", confirma Gabrielle. " Parce qu'elle savait que de cette façon, Sécan accepterait son défi. " Elle finit sa tasse, puis lui jeta un coup d'œil. " Mmm. " Elle ne manquerait pas de me taquiner si elle était là, mais elle n'est pas là, alors… " Attends une minute, je vais faire une autre tasse de thé. " Rapidement, elle s'exécuta, puis reprit son récit.

 

Tody pencha la tête tout en l'écoutant décrire le combat, et le sacrifice héroïque de Warrin. " Oh… " fit le garçon dans un souffle. Puis il la regarda d'un air pensif. " Tu avais peur ? "

 

" Non ", répliqua le barde. " Pas… " Elle hésita. " Pas quand elle se bat… c'est comme… " Elle chercha ses mots. " … regarder quelque chose comme une cascade… elle coule, tout simplement, et… cette force… c'est comme si rien ne pouvait l'arrêter. " Elle eut un petit rire. " Je veux dire… je sais qu'elle est humaine… et elle fait des trucs idiots de temps en temps, tu sais ? " Elle secoua la tête. " Elle trébuche, et elle se fait mal, et elle tombe dans des flaques de boue, et elle fait des trucs vraiment atroces quand elle essaie de cuisiner. "

 

" Tu rigoles ", fit Tody en ricanant.

 

" Pas du tout. Et je l'ai fichue dans un lac plus d'une fois ", fit le barde en riant, puis elle soupira. " Mais quand elle se bat… c'est comme un art… j'adore la regarder. C'est… " Sexy. Admets-le. C'est animal, Gabrielle. " Euh… très… prenant. " Toute cette force… reconnut Gabrielle intérieurement. Oui… ça touche quelque chose en moi que… dieux… je n'y avais jamais pensé auparavant. C'est primitif. Elle sourit doucement. D'une façon positive.

 

Tody était fasciné, et voulut poser d'autres questions, mais il n'en eut pas l'occasion, car la voix de Gabrielle l'interrompit d'abord, puis ses oreilles repérèrent des bruits de pas qui s'approchaient. Des bruits de bottes, en fait, qui gravissaient les marches et résonnaient sur les planches en bois du porche. Il entendit le petit rire de Gabrielle qui confirma ses soupçons. " Oh, cool ", s'écria-t-il, ravi.

 

Gabrielle leva les yeux alors que la porte s'ouvrait, puis étouffa un juron et se leva immédiatement. " Xena ! " s'écria-t-elle en se précipitant vers la grande guerrière d'où dégoulinaient des gouttes de pluie glacée sur le plancher poussiéreux. Le barde attrapa la couverture du lit en passant. " Mais qu'est-ce que je vais faire de toi ? " marmonna-t-elle en jetant la couverture sur les épaules trempées de sa compagne. " Dieux… tu es gelée. Viens par-là, près du feu. " Les cheveux noirs de Xena étaient collés sur sa tête et ses épaules, et la couleur de ses lèvres tiraient fortement sur le bleu.

 

Xena lui sourit. " Oui, maman ", fit-elle pour la taquiner, mais Gabrielle remarqua qu'elle tira un peu plus la couverture sur ses épaules, après avoir séché rapidement Arès et l'avoir reposé par terre. " On s'est fait un peu mouiller dehors ", marmonna la guerrière en se laissant conduire près du feu. " Salut, Tody. "

 

" Assieds-toi. " Gabrielle lui poussa franchement l'épaule, et fut ravie de ne pas voir Xena protester, mais au contraire s'installer près de l'âtre, contre le mur, avec un petit soupir de soulagement. Elle observa le visage de la guerrière, puis tendit la main et repoussa les cheveux trempés collés sur son front. " Bon sang… tu es gelée. " Elle passa sa tasse à Xena, et en prit une autre dans l'âtre. " Tiens… bois ça. Je vais en faire d'autre. "

 

Sa compagne, d'habitude si têtue, ne protesta pas et avala une grosse gorgée de thé brûlant, avant de lever un sourcil en regardant le thé, puis le barde. " Et c'est moi qui aime trop le sucre ? " Elle tendit la main et chatouilla les côtes de Gabrielle. " Et si tu mettais un peu de thé dans ton miel, mon barde, hein ? "

 

" Ahhh… arrête. " Le barde lui frappa gentiment la main. " Tu vas me faire tout renverser. " Elle lança un coup d'œil à Xena. " Ce n'est pas si sucré que ça. " Elle s'arrêta. " Si ? "

 

Elle n'eut qu'un sourcil encore plus levé pour toute réponse.

 

" Oh. Bon… " fit Gabrielle en haussant les épaules, puis elle eut un petit sourire penaud. " Désolée. " Elle préféra ignorer le gloussement de Tody.

 

Xena eut un petit rire. " C'est pas grave. " Elle but une autre longue gorgée puis étendit ses jambes, les croisant au niveau des chevilles. Alors, une lueur espiègle apparut dans ses yeux. " Pour être honnête… je le ferais comme ça tout le temps moi aussi… si je me laissais faire. "

 

Gabrielle s'arrêta au milieu de ce qu'elle était en train de faire et lança un coup d'œil à sa compagne. " Vraiment ? " Elle se mordit la lèvre, puis sourit. " Il faudra que je m'en souvienne la prochaine fois que je te prépare une tasse. "

 

Xena eut un petit haussement d'épaule las, puis passa sa tasse dans son autre main et tendit son bras droit, avant de faire signe au barde d'un coup de tête de s'approcher.

 

Gabrielle se glissa en arrière, jusqu'à ce qu'elle soit appuyée contre la poitrine de Xena et la couverture qui la recouvrait, et qu'elle sente le bras de la guerrière s'enrouler fermement autour d'elle. " Mmm… " soupira-t-elle, ravi, puis elle appuya sa tête contre l'épaule de sa compagne. " Tody me demandait à quoi tu ressemblais ? " commenta-t-elle.

 

" Je fais plutôt peur en ce moment ", fit Xena en plaisantant. " Pas vrai, Arès ? " Le loup s'était installé en boule sur le tapis et il leva la tête avant d'éternuer. " Oh… c'est vrai… " fit Xena en glissant la main sous la couverture avant d'en ressortir un petit sac en lin qu'elle déposa sur les genoux de Gabrielle. " Tes mûres, comme promis. "

 

Gabrielle ouvrit le sac et sélectionna un spécimen, qui était presque aussi gros que son pouce, et brillant d'humidité. " Tu es restée si longtemps sous cette pluie horrible pour aller me chercher des mûres ? " Elle lança un regard noir à Xena. " Xena, mais qu'est-ce que je vais faire de toi ? "

 

" Je tiens mes promesses, Gabrielle ", dit-elle d'une voix tranquille et sérieuse. " En plus, tu n'as pas pris de petit déjeuner, je me trompe ? "

 

" Je le sais bien ", répondit Gabrielle sur le même ton. " Et j'aurais pu me passer de petit déjeuner, tu sais ", grogna-t-elle. " Tiens. " Elle lui offrit la mûre, que Xena saisit entre ses dents et mastiqua avec un plaisir évident. " Oh… wow. " Le barde marmonna un moment. " Tody, tends tes mains. "

 

" OK ", fit le garçon en souriant. " J'adore les mûres. " Puis il jeta un coup d'œil autour de lui. " Mais ne le dis à personne, OK ? " Il retira ses mains pleines et en prit une au sommet du tas que Gabrielle venait de lui donner. " Oh, elles sont vraiment délicieuses. "

 

Gabrielle avala une autre mûre et la savoura, le jus sucré explosant dans sa bouche lorsqu'elle la croqua. " Mmm. " Elle en offrit une à Xena, surprise de voir la guerrière secouer la tête. " Hé… " fit-elle, en fronçant les sourcils. " Tu as pris ton petit déjeuner, toi ? "

 

" J'en ai déjà mangé ", fit Xena en refusant le fruit. " J'en ai mangé plein en fait. " Ses yeux pétillaient et elle tendit le bout d'une langue toute bleue.

 

On frappa doucement à la porte, interrompant leurs chamailleries. " Entrez ", lança Xena.

 

La porte s'ouvrit et Elaini passa la tête à l'intérieur. " Bonjour ! " s'écria-t-elle en entrant, tenant un plateau recouvert dans les mains. " On m'a envoyée m'assurer que notre héroïne avait de quoi manger ce matin. "

 

Xena leva les yeux au ciel. " Dieux ", grogna-t-elle. " Vous vous êtes donnés le mot ou quoi ? "

 

" Tu es trempée ", fit Elaini en reniflant. Elle s'approcha et posa le plateau. " Salut, Tody ", fit-elle à l'attention de son frère. " En fait… " elle se tourna vers Gabrielle. " Je te cherchais. "

 

Gabrielle tendit la main vers le plateau, qu'Elaini lui passa, et offrit des mûres à la guérisseuse en échange. Elle posa le plateau sur ses genoux et le découvrit. Elle hocha la tête, approuvant, et assembla les ingrédients nécessaires pour un petit sandwich, qu'elle passa ensuite à sa compagne, se tournant à moitié vers elle.

 

Ce qui lui valut un regard noir en retour. " Merci, Gabrielle, mais… "

 

Elle pencha légèrement la tête sur le côté et lança à Xena son célèbre regard suppliant. Celui auquel la guerrière ne pouvait en général pas résister.

 

Un soupir. " OK. " Xena prit le sandwich et en mordilla un coin puis, sous le regard insistant du barde, esquissa un sourire. " OK… OK… " concéda-t-elle, avant de prendre une bonne bouchée, de la mastiquer fermement et de lever les deux sourcils.

 

Gabrielle lui sourit, puis se tourna vers Elaini, et s'appuya à nouveau contre la poitrine de Xena. " Merci, Elaini… pourquoi tu me cherchais ? "

 

La guérisseuse s'installa, examinant une mûre avant beaucoup d'intérêt, puis la mit dans sa bouche. " Eh bien… " Elle s'interrompit. " Oh… c'est délicieux, ça… où tu les as trouvées ? "

 

" La Grande Chasseresse de Mûres d'Amphipolis me les a rapportées ", fit Gabrielle en désignant Xena, ce qui lui valut une chatouille. " Aaah. Arrête. "

 

Elaini les regarda l'une après l'autre et se mit à rire. " Bref… voilà ce qui m'amène. On a trouvé une grande grotte juste au sud… on en a tiré des blocs de granite pour construire le nouvel âtre. Et quand ils ont tiré les blocs… " Elle toussota. " Ils ont trouvé des restes… et des objets qui ont l'air plutôt vieux. "

 

Gabrielle leva les sourcils. " Des restes… de votre peuple ? "

 

" Mmm… on n'en est pas sûr ", admit Elaini. " Mais en fait, ils sont si vieux… Et puis il y a une tablette couverte d'inscriptions qui indiquent qu'il existe quelque part dans la grotte une cachette où se trouvent des parchemins… et que ces parchemins sont censés être des textes anciens. "

 

" O…K… " fit Gabrielle lentement. " Mais qu'est-ce que j'ai à voir là-dedans, moi ? "

 

" Ah… " fit Elaini en souriant. " Mon petit… " elle rit doucement en voyant Xena lever un sourcil. " doigt m'a dit que tu savais lire la plupart des anciennes traductions. "

 

Gabrielle sourit tranquillement, sentant l'étreinte de Xena se resserrer autour d'elle. " Je peux toujours essayer ", fit-elle. " Quand comptes-tu aller les chercher ? "

 

" Demain matin ", répondit Elaini en souriant. " Ça t'intéresse ? "

 

Des grottes. Hmm. Est-ce que c'est vraiment une bonne idée ? Peut-être qu'une grande grotte ne serait pas trop mal… se dit Gabrielle, puis elle sentit la tension dans le bras de Xena. Elle se tourna à moitié et vit le regard dans les yeux de sa compagne. " J'irai avec toi ", dit-elle en jetant un coup d'œil vers Elaini. " Parce que je sais que mon associée sera sans doute obligée de passer sa journée sur le terrain d'entraînement. " Elle vit le petit sourire sur les lèvres de sa compagne et sentit Xena la serrer un peu comme pour lui répondre. Je sais, mon amour… pas encore. Mais tu y arriveras. Je sais que tu peux le faire.

 

" Super ", acquiesça Elaini. Elle se leva et repoussa un sourire. " Allez, Tody. Viens. J'ai besoin d'un coup de main à l'infirmerie. "

 

Le garçon eut l'air de vouloir protester un instant, puis il tourna la tête et sourit. " OK. " Il se leva et prit la main de sa sœur. " A plus… "

 

Ils sortirent et refermèrent la porte derrière eux.

 

Xena et Gabrielle échangèrent un regard.

 

" Subtils ", dirent-elles de concert. Puis elles éclatèrent de rire.

 

" Dieux ", soupira finalement Gabrielle avant de tirer un peu sur la couverture qui entourait sa compagne. " Il faut que tu enfiles des vêtements secs, chérie. " Elle lança un regard exaspéré à Xena. " Est-ce que c'était vraiment la peine ? "

 

La guerrière haussa les épaules. " Non. " Xena esquissa un sourire à contrecœur. " Je ne m'étais pas rendue compte qu'il pleuvait, mais j'étais trop têtue pour revenir. " Elle baissa les yeux. " Tu me connais. "

 

" Ahh… enfin, la vérité ", fit le barde d'un air suffisant, puis elle se massa un peu le cou. " La prochaine fois, oublie un peu le numéro de la princesse guerrière dure à cuire et reste au lit, où il fait bon et chaud, OK ? Tu m'aurais évité un réveil en sursaut. "

 

Xena leva sa main libre et caressa la joue de Gabrielle. " Tu as fait un mauvais rêve ? " demanda-t-elle gentiment. Bon sang… je sais à quel point elle a horreur de ça. J'aurais dû être là…

 

" Ouais ", soupira le barde, laissa sa tête retomber sur l'épaule de sa compagne. " C'était à propos de rien, en plus. C'était juste sombre et effrayant. "

 

Xena aurait pu se mettre une gifle. Imbécile. Comme si elle ne faisait pas assez de cauchemars comme ça… " Je suis désolée ", soupira-t-elle. J'ai oublié. Encore. Réveille-toi, Xena.

 

Le barde haussa les épaules. " C'est pas ta faute. " Elle laissa ses doigts tracer les poils si fins sur le bras de Xena qui l'entourait toujours. " Tu as bien couru, c'était sympa ? "

 

La guerrière garda le silence un moment. Je lui dis la vérité ou pas ? Est-ce qu'elle a besoin de savoir où je suis allée ce matin ? Ça ne va pas lui plaire, et ce n'est pas vraiment… non. Plus de mensonges entre nous. " C'était ma faute, et non, pas vraiment ", répondit-elle doucement.

 

Gabrielle se tourna à moitié, pour pouvoir lever les yeux et regarder le visage de Xena d'un air confus. Elle posa une main à plat sur la poitrine de la guerrière. " De quoi… tu par… " Et puis, se souvenant de bribes de son rêve, elle comprit. " Oh… Xena. "Elle est allée trouver un tout petit endroit et a essayé de… oh, par tous les dieux de l'Olympe. Je devrais être folle de rage. Non, je suis folle de rage.

 

Ses mains saisirent le tissu qui recouvrait le corps de Xena et elle la secoua un peu. " Je croyais t'avoir dit que ça n'avait pas d'importance. Tu m'as promis, Xena. Tu m'as PROMIS. " Ce dernier mot fut presque un cri, et elle s'écarta et se leva, avançant jusqu'à la petite table, les bras appuyés dessus.

 

Elle se retourna et cracha les mots suivants. " A quoi ça sert de faire une promesse si tu vas faire ce que tu veux de toute façon ? "

 

" Gabrielle… " commença Xena, puis elle se tut. Elle a raison. Quand est-ce que je vais apprendre à penser à autre chose qu'à moi ? Je n'ai pas le droit de partager… quoi que ce soit… avec qui que ce soit.

 

" Je t'ai fait confiance ", continua brusquement Gabrielle, énervée. " Mais je suppose que ça ne veut rien dire du tout pour toi. "

 

Ce ne sont que des mots. Elle ne le pense pas vraiment, se dit Xena. Si ? Elle regarda la froideur dans les yeux verts qui la fixaient, et y vit la confiance brisée. La confiance en elle. Elle sentit un doigt glacé se poser sur son âme.

 

Le barde soupira de dégoût et se détourna de la guerrière silencieuse. Puis elle se rendit compte de ce qu'elle venait de dire. Oh… Hadès. Je n'aurais pas dû dire ça… Elle entendit un bruit et se retourna, pour voir Xena se lever et plier en silence la couverture dans laquelle elle était enveloppée, son visage un véritable masque immobile.

 

La guerrière finit de plier la couverture, puis la posa sur le dossier de la chaise tout près d'elle et leva les yeux. " Tu as raison ", répondit-elle calmement. " Peut-être que tu étais folle de m'avoir fait confiance. " Les yeux bleus croisèrent les siens avec un doux regret. Puis elle baissa le regard et tapota une dernière fois la couverture, avant de marcher jusqu'à la porte du chalet.

 

" Où… où vas-tu ? " balbutia Gabrielle, alors que son esprit essayait désespérément de trouver comment réparer le mal qu'elle venait de causer.

 

Xena s'arrêta, la main sur la poignée de la porte. " Je ne sais pas ", répondit-elle enfin, d'une voix si faible et si lasse que le barde dut tendre l'oreille pour l'entendre. Puis elle inspira, et ouvrit la porte. N'importe où mais pas ici. Je ne peux pas supporter cette expression sur son visage.

 

Si tu la laisses partir, c'est fini, fit la voix dans la tête de Gabrielle, comme le tocsin qui sonnait l'alarme. Elle paniqua, et réagit par pur instinct, se jetant à travers la pièce et sur Xena, sans se préoccuper de leur sécurité.

 

Ses mains saisirent la tunique et elle resta ainsi, serrant de toutes ses forces. Elle savait bien que Xena pouvait la repousser sans beaucoup d'efforts, et l'envoyer promener à l'autre bout de la pièce. Et elle s'attendait à moitié à ce qu'elle le fasse. " Non… je t'en prie… dieux, non. " Elle sut que le murmure était le sien.

 

Elle sentit les mains de la guerrière saisir ses poignets, et son cœur se briser alors qu'elle était sur le point d'être repoussée. " Arrête… non… je t'en supplie… " Et la pression diminua. " Ne pars pas. "

 

Xena dut prendre une décision. Une partie d'elle-même voulait partir, sans se retourner, mais cette partie d'elle-même livrait un combat vicieux contre l'autre partie qui voulait rester et essayer de guérir les plaies à vif que les mots du barde avaient ouvertes. Son instinct défensif lui hurlait de partir. De ficher le camp, de fuir loin de cette source de douleur infinie contre laquelle elle n'avait aucune défense. Savoir qu'elle était si vulnérable devant de simples mots la mit à genoux, des poignards la déchirant si facilement, lui coupant le souffle.

 

Mais les doigts agrippés à sa tunique avec un tel désespoir lui rappelèrent brusquement que la décision n'était pas seulement la sienne. N'était plus seulement la sienne. Alors elle relâcha la poignée de la porte et la referma doucement, avant de sentir la poigne du barde se relâcher un peu.

 

Gabrielle entendit la porte se refermer et desserra un peu ses doigts, fixant la tunique froissée comme si elle la voyait pour la première fois. Elle la regarda alors qu'elle retombait doucement sur le corps humide et immobile de Xena. Elle attendit une minute avant de se redresser, et de lever les yeux, et de regarder la guerrière bien en face. " Pardon. " Elle s'éclaircit la gorge. " Je ne pensais pas ce que j'ai dit. " Elle entendit la guerrière inspirer. " Je sais… je… tu vas… je ne voulais pas… je voulais seulement… "

 

Elle n'a aucune raison de me demander pardon, pensa Xena avec angoisse. Mais les mots lui enveloppèrent le cœur et couvrirent doucement les plaies béantes. " Ce n'est pas de ta… "

 

" Je n'aurais pas dû dire ça ", soupira Gabrielle. Une main se posa sur sa joue et elle ferma les yeux et accepta le geste. " Je t'ai demandé de promettre quelque chose et je n'aurais pas dû le faire ", murmura-t-elle, et elle sut que c'était là la vérité.

 

" Ça n'excuse pas ce que j'ai fait ", répondit sa compagne doucement, avec regret.

 

Et à présent, enfin, elle ouvrit les yeux et les leva, vit l'angoisse silencieuse et sut qu'elle en était la source. " Je t'excuse, moi ", répondit Gabrielle. " Si tu me pardonnes de t'aimer tellement que je t'ai demandé de ne pas faire quelque chose que tu devais faire. "

 

" Tu avais raison de me le demander. " Xena inspira, le souffle un peu tremblant. " Parce que je n'aurais pas dû essayer. " Elle ferma à nouveau les yeux, repoussant les souvenirs de la matinée.

 

Le toucher soudain et chaud de Gabrielle traversa la froideur humide de sa tunique et suffit à lui faire ouvrir les yeux. Elle regarda le barde tristement.

 

" C'était si dur que ça ? " demanda doucement Gabrielle. " Ce que tu as fait… "

 

Xena inspira profondément et soupira. " Oui ", admit-elle. " Je n'ai pas pu… le faire. " Elle referma les yeux. " Ça va… prendre un peu de temps. "

 

Gabrielle hocha fermement la tête. " OK… on a tout le temps. On ne va pas le faire tout de suite, c'est tout. " Ses yeux croisèrent ceux de Xena et elle leva la main pour stopper toute protestation. " Non… écoute… je veux le faire… tu le sais bien… mais pas à ce prix. Cet endroit ne va pas s'envoler, Xena… grâce à toi. " La guerrière leva un sourcil et pencha un peu la tête, lui concédant ce point. " On reviendra quand tu seras prête. "

 

Un long silence. " Et si je ne suis jamais prête ? " demanda enfin Xena.

 

Gabrielle rit doucement et tapota la tunique humide de la main. " Je te connais, Xena, tu seras prête. " Puis sa voix se brisa, et ses mains retombèrent. " Je… ce que j'ai dit… " Elle déglutit. " Ça t'a vraiment blessée. Je ne… le pensais pas… je ne voulais pas… "

 

" Chh… ce n'est pas grave ", répondit Xena en posant le bout de ses doigts sur les lèvres du barde. " On a… beaucoup à apprendre… sur tout ça. J'ai oublié… que tu sentirais ce que je sentais… ce n'était pas juste envers toi. "

 

Gabrielle réfléchit un moment. " Tu aurais pu me laisser penser que c'était un rêve, Xena. Tu n'avais pas besoin de me le dire. "

 

" Je sais ", répliqua la guerrière avec un petit sourire triste. " Mais je voulais le faire. "

 

" Même en sachant que je me mettrais en colère ? " Les yeux verts observèrent son visage avec intensité.

 

" Oui. Je me suis dit que la vérité était plus importante. J'espérais… que ce que nous partageons serait assez fort pour supporter ça. " Sa réponse était honnête. Et qu'est-ce que j'aurais fait si ça n'avait pas suffi ? C'était juste… et je tremble comme une feuille.

 

Le barde sourit. " Tu avais raison ", répondit-elle simplement. " Et tu as bien fait de me le dire. " Gabrielle leva les yeux vers le regard assombri de sa compagne et sentit l'angoisse qu'elle ressentait. " Merci. " Puis elle tendit la main et sursauta. " Tu frissonnes. " Elle fronça les sourcils. " Est-ce que tu vas mettre des vêtements secs oui ou non ? Tu avais l'intention de ressortir dans cet état ? "

 

Xena se cogna la tête du poing. " J'ai pris trop de coups sur le crâne. " Elle tira sur la boucle de sa ceinture. " Je crois que c'est gelé ", fit-elle en plaisantant, essayant d'obliger ses mains à arrêter de trembler assez longtemps pour pouvoir défaire la ceinture.

 

Les mains du barde couvrirent doucement les siennes. " Je vais le faire. " Gabrielle glissa ses doigts sous la ceinture et tira jusqu'à ce qu'elles soient toutes les deux devant le feu. Un petit silence s'installa tandis qu'elle défaisait la ceinture et devenait lentement consciente de la peau chaude sous ses doigts, et du mouvement régulier du souffle de Xena. " Voilà. " La boucle se défit entre ses mains et elle laissa la ceinture tomber par terre, tirant sur la tunique trempée avant de poser la paume de sa main sur la peau de Xena. " Tu es gelée, mon amour ", dit-elle, goûtant le mot dans sa bouche comme si elle le prononçait pour la première fois.

 

" Oui. Je sais ", soupira Xena en se débarrassant de sa tunique avant d'enfiler une chemise sèche avec une sensation de soulagement presque sensuel. Gabrielle enroula le tissu autour d'elle et le ferma bien, puis leva les yeux. Le visage de Xena était tendu, et immobile, ses yeux toujours dans l'ombre.

 

" On dirait que tu aurais bien besoin d'un câlin ", fit le barde, et elle vit la mâchoire et les muscles de la gorge de sa compagne se contracter alors qu'elle déglutissait. On va dire que c'est un oui. Elle glissa ses bras autour de sa compagne et l'attira contre elle, sentant l'inspiration tremblante de Xena. Puis son étreinte lui fut rendue et elle s'abandonna à la chaleur croissante entre elles avec un soulagement infini. Qui de nous deux avait le plus besoin d'un câlin ?

 

Un peu désorientée, Xena se laissa retomber sur le tapis devant le feu et attira Gabrielle avec elle, se retrouvant bientôt blottie dans une position très confortable avec aucune intention d'en bouger.

 

Jamais.

 

Elles restèrent ainsi un moment. Puis Gabrielle ramassa distraitement une mûre qui restait et l'examina. " Tu sais quoi ? "

 

" Hmmm ? " fit Xena en ouvrant un œil pour la regarder avec curiosité.

 

" Ça fait trop mal de se disputer. Je ne veux plus faire ça ", soupira le barde.

 

" Mmm ", acquiesça Xena en hochant la tête. " Tu sais quoi ? " murmura à son tour la guerrière.

 

" Quoi ? " demanda Gabrielle en plaçant la mûre entre ses dents avant de lever les yeux.

 

" Tu as encore plus mauvais caractère que moi ", observa la guerrière en baissant la tête pour mordre la mûre.

 

Le barde s'offusqua et avala rapidement. " Absolument pas ! " Elle se tourna et tira sur le devant de la chemise de sa compagne. " Tu te ballades en intimidant tout ce qui marche, parle et cancane comme un canard, et tu as le toupet de me dire que j'ai mauvais caractère ? ? " Elle leva ses mains et leva les yeux au ciel. " Je n'arrive pas croire que tu puisses dire ça. Je ne… "

 

Une longue pause suivit. Gabrielle se rassit et croisa les bras sur sa poitrine, avant de réfléchir un long moment. Puis elle soupira doucement. " J'ai un sale caractère, hein ? " Je me mets en colère plus souvent et plus vite qu'elle. Et je reste en colère plus longtemps. Dieux… elle a raison.

 

Xena pencha la tête jusqu'à ce que ses lèvres viennent effleurer l'oreille du barde. " Couac ", fit-elle dans un souffle.

 

Gabrielle sourit et laissa sa tête retomber doucement contre l'épaule de Xena. " OK… tu gagnes pour cette fois. " Elle joua distraitement avec le bord de la tunique de Xena, puis tendit la main vers le sac de mûres. " Tu m'aides à les finir ? "

 

Et c'est ce qu'elles firent, tout en discutant des parchemins dont avait parlé Elaini. " Ça devrait être intéressant ", commenta Xena tout en regardant Gabrielle finir le plateau. Elle sourit au barde, amusée. " Tu en as eu assez ? " fit-elle pour la taquiner gentiment, en tapotant doucement le ventre du barde. " Je me demande toujours où tu arrives à mettre tout ça. "

 

Gabrielle eut un petit rire et lui offrit la moitié du dernier biscuit sombre et moelleux qu'elle avait recouvert de miel. " Tiens. " Elle se plaça dans la bouche de la guerrière et la regarda mastiquer avec plaisir.

 

" C'est bon ", commenta Xena après avoir avalé. " Je me disais qu'on pourrait partir après demain. " Elle se frotta les doigts pour se débarrasser des miettes de biscuits. " J'ai passé un peu de temps avec Argo ce matin… elle adore le troupeau des êtres de la forêt. "

 

Le barde acquiesça. " Tant mieux. "

 

Xena hésita, puis continua. " Elle va bientôt être en chaleur. Je me suis dit que je pourrais peut-être… laisser l'un des étalons la monter. Cette fois-ci. " Un petit haussement d'épaule. " Je ne l'ai jamais fait avant… je m'étais dit que ce n'était pas très juste envers elle… puisque j'étais tout le temps sur les routes. "

 

Gabrielle se glissa un peu plus près et posa sa main sur le genou de sa compagne. " Je trouve que c'est une très bonne idée. "

 

La guerrière hocha lentement la tête. " Elle vient d'une bonne lignée. J'aimerais bien avoir une petite pouliche, ou un poulain d'elle. " Elle regarda ses mains, puis leva les yeux vers Gabrielle. " Avant qu'il ne soit trop tard. "

 

" Ça serait sympa ", fit le barde en souriant. Puis une pensée qu'elle avait eu à l'esprit refit surface. Oh… dieux. C'est un sujet plutôt délicat, mais… " Tu sais… Xena… Hmm… "

 

Des doigts se posèrent sur ses lèvres, l'arrêtant net. Les yeux bleus de Xena se posèrent sur les siens avec intensité. " Non. "

 

" Mais… " protesta-t-elle doucement. " Tu n'es plus toute seule maintenant… il a une grand-mère, et un oncle… "

 

" Et une tante. " Xena eut un petit sourire mélancolique, puis soupira. " Et pleins d'ennemis, qui adoreraient savoir qui il est ", finit Xena en appuya sa tête contre l'âtre. " Je ne suis pas… ce qu'il lui faut, Gabrielle. " Elle prit Arès, qui passait par-là, dans ses bras et lui gratouilla le menton. Le chiot gigota, ravi, et s'étala sur ses genoux, la tête appuyée contre son bras tandis qu'elle lui grattait le dos. " Je n'ai pas l'instinct maternel. "

 

Gabrielle la regarda, amusée, puis rampa jusqu'à elle et se blottit contre le côté gauche de la guerrière, l'entourant d'un bras, sentant le poids chaleureux de sa compagne alors que celle-ci installait son propre bras autour des épaules du barde.

 

" Hé, mon vieux… ça te plaît ? " fit Xena ne souriant, écoutant les couinements ravis du jeune loup. Elle sentit Gabrielle se blottir un peu plus contre elle, et serrer ses épaules pour toute réponse. Profitant de cette sensation d'amour chaleureux, elle comprit qu'elle avait maintenant… besoin de cette sensation. Et elle décida, à cet instant, qu'elle s'en fichait pas mal.

 

Puis elle baissa les yeux, juste à temps pour voir le sourire espiègle du barde qui laissa ses yeux verts les observer toutes les deux, et le chiot, pour revenir se poser sur le visage de Xena. Et elle comprit exactement ce qu'elle était en train de faire.

 

" C'était très rusé, Gabrielle. " Mais elle ne put s'empêcher de sourire.

 

" OK, tu m'as eue ", fit le barde en riant, tout en lui frottant doucement le ventre. " Tu ne peux pas t'en empêcher. " Puis elle redevint sérieuse. " Un jour, peut-être ? "

 

Un long silence de Xena, qui se redressa, plongée dans ses pensées, caressant distraitement Arès. Enfin, elle leva les yeux et croisa le regard patient du barde. " Peut-être. " Une pause. " Est-ce que les enfants sont importants pour toi, Gabrielle ? " Mon barde, qui n'est pas si loin de l'enfance elle-même ?

 

Ce fut au tour de Gabrielle de réfléchir en silence. " Je me suis toujours dit que… je finirais par devenir une sorte de professeur… tu sais, les histoires, les écrits, tout ça ", fit-elle. " Et… je me disais aussi que j'aurais sans doute des enfants un jour. Mais… je n'y ai jamais vraiment réfléchi. " Elle haussa les épaules. " Je pourrais enseigner aux enfants à Amphipolis. "

 

" Mph ", grogna Xena rapidement. " Ça ne te dérangerait pas de ne pas avoir d'enfants à toi ? "

 

Gabrielle comprit soudain où elle voulait en venir. " Ne sois pas bête. Xena. J'y ai pensé, tu sais. "

 

" Ah ouais ? " fit la guerrière en passant son autre bras autour de Gabrielle avant de la serrer contre elle.

 

" Mmmm… " Le barde lui rendit son étreinte. " Ben ouais ", répondit-elle. " Si je ne supporte pas l'idée de ne pas en avoir, je m'arrangerai avec Toris, c'est tout. " Elle attendit la réaction, qui arriva sous la forme d'un éclat de rires. Elle sourit, espiègle. " Et vous vous ressemblez pas mal. Quel joli petit bambin ça ferait. " Dans son esprit, elle imagina un gamin aux cheveux sombres avec de grands et magnifiques yeux bleus. Ses lèvres esquissèrent un sourire. Et un sacré tempérament. Et ça aussi, c'était de famille.

 

Xena se mit à rire. " Dieux… je n'y avais jamais pensé… mais… " Ses yeux pétillaient de malice. " Gabrielle, je tiens à être là quand tu lui demanderas. " Elle se réinstalla contre l'âtre, écoutant les gouttes de pluie tomber tristement sur le toit en chaume. Gabrielle ne dit plus rien après sa dernière plaisanterie, et ses yeux se fermèrent bientôt. " Hé. " La guerrière la poussa un peu du bout du doigt. " Tu t'endors ou quoi ? "

 

" Mmm ", répliqua le barde. " Quelques minutes. " Elle ferma lentement les poings. " C'est tout doux. "

 

La guerrière leva un sourcil noir. Xena, Guerrière Polochon, pensa-t-elle, amusée, puis elle se réinstalla et laissa disparaître les dernières traces de tension créée par leur dispute. On a tant de choses à apprendre... sur tout cela, sur nous... dieux, ça me fait tellement peur, parfois, se dit-elle, sentant le souffle de Gabrielle devenir plus profond sous ses doigts. Ça doit être le temps... ça donne envie de dormir. Elle regarda distraitement la pluie tomber dehors et écouta les sons assourdis du village autour d'elles. Aujourd'hui, tout serait calme ; les villageois avaient tous l'air d'être encore en train de récupérer après la soirée de la veille.

 

Elle soupira et baissa les yeux vers le visage à présent tranquille de Gabrielle. Je sais ce qu'elle a dit. Elle hocha lentement la tête. Et je sais aussi que c'est quelque chose dont elle a besoin. Elle leva la main et se frotta les yeux, énervée. Je n'arrive pas à croire que je vais laisser quelque chose d'aussi irréel… quelque chose qui n'existe que dans ma tête, pour l'amour d'Arès, m'empêcher de lui faire ce cadeau. Elle laissa sa tête retomber contre le mur en pierre avec un soupir.

 

Une cérémonie d'union… ça n'avait jamais été le problème, se dit Xena. En fait, elle avait vu cette lueur dans les yeux de sa mère après le mariage de Lila, cette lueur qui ne lui laissait rien présager de bon.

 

" Alors… " avait dit Cyrène alors qu'elles se tenaient là, toutes les deux, à siroter tranquillement leur vin chaud tout en regardant les gens danser à la réception de Lila. " Tu t'amuses ? "

 

Xena lui avait lancé un coup d'œil et levé un sourcil. " C'est… très sympathique. "

 

" Mm ", avait dit sa mère. " Je ne suis pas contente après toi, Xena. "

 

Celle-ci avait levé les deux sourcils. " Moi ? Et pourquoi ça ? "

 

Cyrène lui avait tapoté la poitrine d'un doigt assuré. " Je suis ta mère. Je mérite de savoir quand ma fille unique commence à distribuer des bagues. "

 

" Ah ", avait fait la guerrière, s'intéressant soudainement de très près à sa coupe. " Désolée… c'était… "

 

" Ah, ah, ah ", avait interrompu Cyrène en secouant un doigt. " Ne me dis pas que c'était une décision de dernière minute, ma chérie. Cette bague ne s'est fabriquée pas toute seule en une nuit. "

 

" Oui, enfin… " Xena avait ri un peu. " Ça faisait un moment que je l'avais avec moi… je n'avais pas… je veux dire… " Elle s'était interrompue et avait haussé les épaules. " C'était le bon moment, je crois. "

 

" Hmm, hm ", avait acquiescé Cyrène. " Alors… " Elle s'était approchée de Xena et lui avait donné un petit coup d'épaule, qui techniquement, avait atterri sur le coude de la guerrière. " Je peux commencer les préparatifs ? "

 

Xena avait levé la tête brusquement et regardé sa mère un long moment. " Maman… non. " Puis elle s'était rendue compte du ton qu'elle avait pris. " Je veux dire… ce n'est pas quelque chose dont nous… je ne crois pas que ça soit quelque chose qu'on veuille faire. "

 

Cyrène l'avait observée en silence. " Tu as demandé à Gabrielle ce qu'elle voulait ? J'ai vu son visage pendant la cérémonie, ma chérie. " Elle avait fait une pause. " A moins… que tu ne penses pas que vous deux… je veux dire… vous avez l'air très dévouées l'une à l'autre. "

 

" Nous le sommes ", avait tranquillement admis Xena. " C'est juste que je ne suis pas à l'aise avec l'idée de la voir faire publiquement partie de ce que je suis. " Voilà… elle avait fini par le dire, et elle avait vu l'expression douloureuse mais pleine de compréhension sur le visage de sa mère. " Je ne veux pas qu'elle souffre à cause de cela. "

 

Elles étaient restées là sans rien dire un moment, à boire leur vin et à regarder les invités. Enfin, Xena avait remarqué le regard de sa mère fixé sur quelque chose sur sa gauche. " Qu'y a-t-il de si intéressant ? " avait-elle demandé doucement.

 

Cyrène avait levé les yeux vers elle avec une expression douce et pleine de compassion. " Je regardais Gabrielle te regarder. " Elle eut un sourire. " L'expression de son regard… tu es tout pour elle, tu le sais, non ? "

 

Xena avait inspiré profondément puis lentement expiré. " C'est un sentiment mutuel ", avait-elle murmuré, les yeux fixés sur le sol. Un silence était tombé. Puis Cyrène avait glissé son bras autour de sa taille et l'avait serrée contre elle.

 

" Penses-y ", avait-elle dit doucement. " Je crois que ça la rendrait très heureuse, et tu sais que j'aimerais vraiment faire ça à la maison. "

 

" J'y penserai ", avait promis Xena, puis elle avait rangé cette idée au plus profond de ses pensées, où elle était restée jusqu'à présent.

 

C'était une solution possible, après tout ? Dieux, en tout cas, ça ferait très plaisir à sa mère. Xena sourit. Et… je crois que ça ferait aussi plaisir à Gabrielle.

 

Et elle ? Xena réfléchit sérieusement à la question, renversant la tête en arrière, pensant à ce ça ferait que de se tenir devant l'autel d'un temple, et de rendre public ce qu'elle savait être un engagement irrévocable. Etait-elle prête à franchir le pas ? Elle ferma les yeux et s'auto-analysa sans pitié.

 

Je suis destructrice, instable, et fondamentalement violente. Est-ce que j'ai le droit d'être responsable de quelqu'un d'autre… quand je ne peux pas prendre mes propres responsabilités la plupart du temps ?

 

Non. La réponse était brutale et honnête. Je n'ai pas le droit.

 

Est-ce que je peux vivre sans elle ?

 

Non. Tout aussi brutal, tout aussi honnête. Alors, qu'est-ce que je vais faire ?

 

Un long silence tomba sur la pièce, aussi tranquille que le bruit des feuilles gorgées de pluie qui laissaient tomber leur fardeau sur les planches en bois du porche, créant des tatouages sporadiques ; alors le craquement discret du feu devint plus fort, masquant bientôt le doux murmure du souffle de deux humaines et d'un bébé loup.

 

************

Comments (0)

You don't have permission to comment on this page.