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Bound7B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Unies/ Bound

 

par Melissa Good

 

Traduction : Katell et Fryda

 

 

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Partie 7B

********

 

 

Chapitre 58

 

Elaini plia la couverture qui était posée sur la paillasse et la rangea, secouant un peu la tête en marmonnant. Elle leva les yeux lorsque la porte s'ouvrit et un sourire involontaire se dessina sur ses lèvres. " Je ne pensais pas te revoir ", dit-elle en se retournant pour s'appuyer contre la table toute proche.

 

Jessan sourit timidement et traversa la pièce. " Hmm… ben… " C'était comme si… on avait retiré un nuage lourd qui l'oppressait et il ne savait pas exactement quoi faire. " On dirait que Xena a fait le bon choix… enfin, je crois. Je me sens beaucoup mieux. " Il avança tranquillement vers elle. " Et je te dois des excuses pour mon comportement. J'ai vraiment été odieux. "

 

Elaini baissa les yeux, évitant son regard doré à tout prix. " Pas grave ", fit-elle avec un haussement d'épaules. " Je suis contente que tu te sentes mieux. " Elle jeta un coup d'œil vers lui et vit son doux regard dans lequel elle se perdit. Et puis une seconde plus tard, les doigts de Jessan soulevaient doucement son menton et leurs yeux se croisaient, les défenses d'Elaini s'écroulant. " Jessan… "

 

Il sourit doucement. " Dis-moi que tu ne le sens pas ", provoqua-t-il, et il caressa doucement sa mâchoire du bout des doigts, regardant ses narines trembler sous le contact. " Dis-le-moi. "

 

" Je ne peux pas ", murmura Elaini. " Tu le sais bien. " Elle posa une main hésitante sur sa poitrine et sentit son cœur faire un bond. " Je ne peux pas… Jessan, on se connaît depuis toujours… je ne… "

 

Jessan s'approcha encore un peu, les mains d'Elaini maintenant à plat contre sa poitrine. " Ça arrive parfois, tu le sais bien. " Il leva la main et caressa la fourrure qui tombait dans ses yeux. " C'est réel, Elaini. Ma mère l'a Vu. "

 

Elaini ferma les yeux et sentit sa respiration s'intensifier. C'est impossible… Mais son esprit savait que c'était vrai. Nous sommes trop vieux… ça ne se passe jamais de cette façon… Mais son cœur, déjà occupé à construire un pont vers celui de Jessan, savait que c'était faux. " Dieux ", fit-elle dans un souffle.

 

" Mmm ", acquiesça Jessan et il la prit dans ses bras, sentant la chaleur dorée d'un lien nouveau pour la première fois. Maintenant je sais pourquoi ça a changé Xena… cela changerait n'importe qui… même Arès.

 

Ils demeurèrent ainsi un très long moment, puis se séparèrent à regret et se regardèrent.

 

" Hmm ", fit Jessan en rougissant violemment. " En fait, j'étais passé pour te demander de venir au dîner avec moi, ce soir. "

 

Elaini sourit un peu et traça du doigt la ligne de sa fourrure vers le centre de sa poitrine. " OK. "

 

Un autre long silence. Puis Jessan s'éclaircit la gorge. " On va avoir deux nouveaux membres dans le clan, ce soir, tu sais. "

 

" C'est ce que j'ai entedu ", répondit Elaini. " Elles ont accepté, alors. "

 

Jessan hocha la tête. " Oui. Je suis content. "

 

Encore un silence, plus court cette fois. " Alors… que va-t-il se passer demain, Jess ? " demanda doucement Elaini. " J'ai vu les guerriers de Sécan. On n'a aucune chance, pas vrai ? Que vont-ils faire de nous ? "

 

Jessan inspira profondément et posa ses poignets sur les épaules d'Elaini. " Ne t'inquiète pas. Xena est là. "

 

" Et après ? ? ? " objecta Elaini. " Qu'est-ce qu'une guerrière humaine, quels que soient ses talents, va faire contre une armée ? Elle tuera une demi douzaine de guerriers de Sécan… ça ne va pas changer l'issue de la bataille. "

 

" Elle nous sortira de là ", répliqua Jessan avec une confiance infinie dans la voix.

 

" Comment peux-tu dire ça ? Comment sais-tu cela, Jess ? " Elle commençait à s'énerver.

 

Il saisit son visage entre ses deux mains et la regarda droit dans les yeux. " Parce qu'elle a dit qu'elle le ferait. " Il se souvint du clan tout entier qui l'avait attaquée le matin même, et de sa lame qui bougeait si vite qu'ils pouvaient à peine la voir. Elle les avait tous affrontés avec une détermination qui ne laissait aucune place à la défaite.

 

" Et tu la crois ? " fit Elaini dans un souffle. " Tu la crois vraiment ? "

 

Des yeux ronds et dorés la regardèrent. " Oui ", répondit-il lentement. " Je crois qu'elle rend les choses possibles. "

 

Elaini soupira, et laissa sa tête retomber sur le bras de Jessan. " Si seulement j'avais ta foi. " Elle leva les yeux. " Parce que j'ai peur, Jessan. Très peur qu'après demain, il ne reste plus rien. "

 

Il sourit gentiment. " Tu verras. " Son pouce caressa sa joue. " A la même heure, demain, nous serons tranquillement assis dans la grande salle, à écouter l'histoire que la conteuse aura tissé de la bataille. " Il jeta un coup d'œil vers la fenêtre. " Allez, viens… Xena et Gabrielle nous attendent pour aller dîner. "

 

Il la guida vers la porte et l'ouvrit pour elle. Ils se sourirent puis passèrent le seuil et sortirent sur le porche où les attendaient tranquillement deux silhouettes qu'ils connaissaient bien. " Allons-y. "

 

Et ils s'avancèrent dans les ténèbres, des bouts lumière de lune éparpillée au milieu des nuages se reflétant sur des fourrures jaune et or, sur de la peau bronzée et du lin bleu foncé.

 

 

 

 

 

Chapitre 59

 

Un doux murmure résonnait dans la grande salle au plafond bas, alors qu'on faisait une pause dans la série d'histoires pour discuter un peu avec ses voisins. Les torches qui illuminaient les murs claquaient doucement dans la brise légère qui soufflait par les grandes fenêtres, et de la cheminée se répandait l'odeur chaude du granite chauffé par le feu ainsi que celle du repas qui avait cuit là.

 

Xena s'appuya en arrière dans la chaise et posa un pied contre un des supports de la table, observant la salle avec approbation. Tous les guerriers, en fait tous les habitants du village étaient là, entassés dans un espace qui semblait aux yeux de Xena bien trop petit pour tous les contenir. En fait, elle arrivait à le supporter uniquement parce qu'elle avait choisi une place près d'une des fenêtres ouvertes d'où soufflait une douce brise qui se prenait doucement dans ses cheveux, et qu'il y avait un espace ouvert juste derrière elle.

 

Pourtant, elle appuya son dos contre le dossier de la chaise, qui était coincée contre le mur et soupira, alors que ses yeux se promenaient sur la foule. Ils vinrent se poser sur la silhouette animée de Gabrielle au moment où le barde se penchait en avant sur la table pour parler. Xena sentit un sourire se dessiner sur ses lèvres et le laissa faire, regardant sa compagne appuyer son argument d'un geste précis de la main. Je l'ai vue faire ça dix mille fois. Et à chaque fois, c'est différent. Elle capture ces gens… se glisse dans leur cœur et elle ne s'en rend même pas compte.Elle se mordit la lèvre pour s'empêcher de sourire trop ouvertement. Tout comme elle a capturé mon cœur.

 

 

 

Cela avait été un choc, la première fois où elle était entrée, fatiguée, dans une taverne près de laquelle elles séjournaient et qu'elle avait surpris Gabrielle au beau milieu d'une histoire… sur elle. Elle n'avait pas trop su si elle devait se sentir embarrassée ou être en colère, ou un peu des deux, ou même un peu flattée, pour être honnête. Mais elle s'était glissée au fond de la salle et s'était assise, cachée dans les ombres et hors de vue du barde. Et elle avait écouté.

C'était l'une de leurs aventures les plus sobres, mais le son de la voix claire, parfois hésitante de Gabrielle qui décrivait ce qu'elles avaient fait… comme elles l'avaient fait…et elle avait eu l'occasion de se voir à travers les yeux honnêtes du barde pour la première fois.

Ce n'est pas de moi qu'elle parle. Ce fut sa première réaction. Mais elle connaissait l'histoire et elle avait fini par en déduire que cette… personne courageuse et héroïque que décrivait le barde était bien elle, même si elle n'y voyait aucune ressemblance.

Cela avait changé quelque chose pour toujours. Elle avait essayé de le nier, essayé de se convaincre que c'était seulement le culte du héros que Gabrielle entretenait qui parlait à travers la voix du barde. Essayé de se dire que c'était idiot.

Mais ces yeux verts si clairs étaient si décidés qu'ils l'avaient attirée et, pendant un court instant, dans cette taverne enfumée, elle avait entraperçu la lueur d'une possibilité.

Et puis cela avait pris fin et la foule l'avait remerciée avec enthousiasme, et avait demandé une autre histoire. Le barde avait souri, ravie, puis s'était immobilisée en levant les yeux par-dessus la foule et en croisant le regard de Xena, là-bas, dans l'ombre.

Elle avait bafouillé lorsqu'elles étaient sorties. " Euh… je ne savais pas que tu allais revenir… je voulais… essayer cette histoire… je veux dire… je ne voulais pas que tu… ou peut-être que tu serais embarrassée, ou en colère, ou… "

" Gabrielle ", avait-elle dit calmement.

" Ecoute… Xena, je suis désolée… je ne voulais pas… "

" GABRIELLE. " Xena avait levé la voix.

" Ouui ? " avait bafouillé le barde en évitant à tout prix le regard de Xena.

La guerrière avait saisi ses épaules, et le contact physique inhabituel avait surpris le barde qui avait levé les yeux vers elle. Elles s'étaient regardées un long moment, avant que Xena ne parle.

" Ecoute… " avait-elle dit, en cherchant ses mots. " Personne n'a jamais… ce que je veux dire, c'est que… la plupart des histoires… " Et puis elle avait abandonné. " Oh, par Hadès ", avait-elle soupiré. " Merci, Gabrielle. C'était une très bonne histoire. "

Les yeux du barde étaient devenus tout ronds puis s'étaient adoucis. " Ça ne t'a pas dérangée ? "

" Non ", avait répondu Xena. Et puis : " Tu es une très bonne conteuse. "

Et Gabrielle avait, avec une petite hésitation, posé ses mains sur celles qui couvraient encore ses épaules. " J'ai beaucoup d'inspiration ", avait-elle répondu.

Xena avait souri, et tapoté la joue du barde. " Allez, viens. Pour ça, tu mérites un bon repas, dans une auberge pour une fois. "

 

 

 

 

 

Avant, j'essayais de trouver un moyen de ne pas la laisser me rendre chèvre, et puis tout à coup, je me suis retrouvée à vouloir faire des choses pour elle… je me demande si elle s'en rendait compte ? Je me demande si elle s'est rendu compte qu'elle a volé mon cœur comme un butin de guerre. Et c'était une sensation étrange, se dit Xena. Parce que Gabrielle était la première personne à qui elle avait… tout abandonné. Sans rien retenir. Avec tous les autres… elle avait tout contrôlé. Dicté ce qu'elle était prête à donner, d'elle-même, de son temps…

 

Mais pas avec elle, admit la guerrière. Je n'ai pas plus de contrôle sur ça que je n'en ai sur le soleil dans le ciel. Ses yeux observèrent le visage de Gabrielle. Bon sang… comment quelque chose de si chaotique peut-il être si… Elle ferma les yeux et laissa une vague chaude se répandre en elle. Si merveilleux. Même la situation désespérée dans laquelle elles se trouvaient à présent ne pouvait changer cela.

 

" Hé. " La voix de Gabrielle la surprit, et elle leva les yeux pour trouver le barde à côté d'elle, une expression un peu inquiète sur le visage. " Tu vas bien ? "

 

Xena sourit d'un air penaud et se frotta les tempes d'une main. " Ouais… j'étais… hmm… " Elle glissa un regard vers le barde. Oups. " J'étais… euh… en train de réfléchir aux plans d'action. " Elle réussit même à ne pas sourire. " Pour demain. "

 

" Mouais ", fit Gabrielle en s'asseyant sur le bras du fauteuil de Xena. " Alors, dis-moi… quelle partie du plan de demain a mis ce sourire idiot sur tes lèvres, hm ? "

 

La guerrière éclata de rire. " Ok… j'avoue. Je rêvassais ", admit-elle en enroulant ses doigts autour de son genou relevé. " Contente ? "

 

" Toi ? " fit le barde avec un petit cri. " Toi, tu rêvassais ? A quoi ? " Et elle se trouva face à des yeux bleus intenses, et à un demi-sourire pour toute réponse. " Oh ", fit-elle dans un murmure, en sentant le sang lui monter au visage. J'ai mis ce regard sur son visage ? Moi ?

 

Xena détourna un peu la tête et inspira. " Bonnes histoires, au fait. " Elle leva les yeux. " Tu as changé la fin de celle sur la guerre de Troie. "

 

Gabrielle tressaillit un peu et posa son bras sur l'épaule de Xena. " Tu as remarqué ? " Elle eut un petit rire surpris. " Je ne pensais pas que tu faisais vraiment… " Et elle vit le regard dans les yeux se sa compagne, et s'interrompit. " Pardon. Je sais bien que si ", finit-elle doucement en caressant du dos de la main la joue de Xena. " Encore mon manque de confiance en moi qui parle. "

 

A sa surprise, Xena se contenta de hocher un peu la tête et d'inspirer profondément. " J'ai remarqué ", dit-elle en souriant. " J'aime bien les changements. "

 

" Merci ", murmura le barde en la regardant de près. " Comment te sens-tu ? Tu as l'air d'être un peu ailleurs. "

 

Ce qui lui valut un léger haussement d'épaule. " Je réfléchissais, c'est tout. A différentes possibilités, ce genre de trucs. " Xena tendit la main et souleva sa coupe, avant d'avaler une gorgée de bière. " C'est ce que je fais, en général, à la veille d'une bataille. " Elle poussa gentiment Gabrielle du coude. " Et en plus, j'ai fait une bonne sieste cet après-midi. "

 

Le barde leva les yeux au ciel et s'appuya contre l'épaule de la guerrière. " Ça, c'est toi qui le dis ", protesta-t-elle, puisque Xena l'avait réveillée doucement en lui mordillant le cou. " Moi, je ne sais pas. "

 

Xena rit doucement et appuya sa tête contre le côté de Gabrielle. " Juré craché, Gabrielle. " Elle but une autre gorgée de bière, et regarda la salle bondée. Lestan avait fait une brève annonce expliquant que le clan allait les adopter. Tant mieux… bref et simple, comme j'aime, pensa Xena. Et puis ils étaient passés au banquet, ce qui consistait principalement à remplir la panse de tout le monde de victuailles, à leur verser de la bière dans le gosier et puis à laisser les conteurs leur changer les idées avant la bataille.

 

Ça avait marché, se dit Xena en riant, même, plus ou moins, sur elle. Elle avait bien aimé le repas, la bière, et s'était laissée porter par les contes de Gabrielle pendant la plus grande partie de la soirée.

 

La sieste lui avait fait beaucoup de bien, et elle se sentait bien, malgré les activités du matin. Ça pourrait peut-être même marcher… se dit-elle en sentant les doigts de Gabrielle s'emmêler distraitement dans ses cheveux noirs. Et sinon… soupira-t-elle intérieurement. Il y a toujours le plan de secours.

 

Le plan de secours, qui voulait qu'elle participe beaucoup plus… personnellement… dans les événements du lendemain, et qu'elle prenne la tête des êtres de la forêt. Ce qui la placerait directement face au leader ennemi qui, d'après ce que tout le monde racontait et malgré les assurances de Lestan, était peut-être trop fort pour elle. Et c'était la première fois qu'elle pensait à un adversaire de cette façon. Même Hercule… que toute personne rationnelle aurait évité de provoquer, elle l'avait attaqué sans même y penser.

 

Est-ce que je peux risquer la vie de tout le village sur quelque chose que je ne suis même pas sûre de pouvoir faire ? C'était ce qu'elle se demandait. Seulement en dernier recours. La réponse lui revenait toujours, toujours la même à chaque fois. Parce que les conséquences seraient gigantesques pour le peuple de Lestan, mais aussi pour elle, parce qu'elle y perdrait sans doute la vie, et que cela voulait dire…

 

Son esprit repoussa délibérément la pensée. Qu'est-ce qu'elle avait dit à Hectator ? Les gens qui vont au combat en pensant qu'ils vont mourir meurent en général ? Allez, arrête un peu, Xena. Ce sont des êtres de la forêt, comme ceux-là, autour de toi, et tu en as battu une centaine ce matin. Ça ne peut quand même pas être pire…

 

La porte s'ouvrit et un être de la forêt à la fourrure très sombre entra en trébuchant, écartant des villageois surpris jusqu'à ce que Jessan ait la présence d'esprit de l'attraper. " Restie ? " fit Jessan d'une voix rauque en le retenant. " Que s'est-il passé ? "

 

Restie attrapa le bras doré de Jessan et resta silencieux un moment, le souffle court. " Attends ", articula-t-il. " Il faut que je reprenne mon souffle. "

 

A présent, le groupe était silencieux, et un petit cercle s'était formé autour d'eux. Jessan jeta un coup d'œil vers son père qui apparut derrière lui. " Il était de patrouille à la frontière nord ", dit-il tranquillement à l'intention de Lestan. " Restie ? "

 

" Il est fou ", balbutia Restie, après avoir inspiré profondément. " Il a perdu la tête, Jessan. Il va… " Ses yeux se posèrent sur le visage de Lestan, puis revinrent sur son ami. " S'il gagne demain, il va détruire le village… il va tuer tous ceux qui sont liés. "

 

" Hein ? " Wennid lui saisit le bras, apparaissant comme par magie aux côtés de son compagnon. " Tous ? "

 

Les yeux de Restie croisèrent son regard et ses narines frémirent. " Non. Un de chaque couple. "

 

Un frisson parcourut la salle et amena un silence de plomb ; on n'entendit bientôt plus que le craquement du feu dans la cheminée.

 

Et une voix tomba sur le silence. " Pourquoi ? " Xena avait réussi à se frayer un chemin à travers la foule dense et se tenait à présent à côté de Jessan. Ses yeux clairs croisèrent ceux, sombres, de Restie.

 

L'être de la forêt eut un ricanement dénué d'humour. " Parce qu'il peut le faire. Parce qu'il aime voir souffrir les gens. Cet archer qu'il a amené dans le village aujourd'hui… " Il s'arrêta de parler et baissa les yeux vers le sol. " Ils l'ont marqué au fer rouge. "

 

Un brouhaha s'éleva et Xena sentit la panique les saisir. Elle laissa faire pendant un moment, afin que Lestan puisse calmer lui-même son village, mais le grand leader fixait Restie avec une expression neutre sur son visage d'habitude si expressif.

 

Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Elle sentit son esprit se calmer, son corps se détendre alors qu'elle répondait au picotement familier de danger qui circulait dans la pièce. Il est temps d'arrêter ça. " OK, tout le monde se calme ", dit-elle d'une voix tranquille, mais ferme. Une main se posa sur son dos et elle s'appuya légèrement pour affermir le contact, ayant besoin de la présence apaisante de Gabrielle. Le barde se glissa près d'elle, et laissa sa main chaude sur le dos de Xena tout en regardant les visages qui les entouraient.

 

La voix de Xena détourna leur attention et, après une longue seconde pleine de tension, le brouhaha se dissipa, et un silence maladroit se posa à nouveau sur la salle. On me dit toujours que je suis un leader né, pensa Xena. C'est peut-être parce que je suis tout le temps en train de dire à tout le monde de la fermer, et puis ensuite, il faut bien que je leur explique pourquoi. " Tu as entendu tout ça ? " fit-elle en regardant tranquillement la silhouette sombre de Restie.

 

Il acquiesça, ne la lâchant pas du regard. " Ils font assez de bruit dans leur camp pour faire peur à un sanglier sourd. J'ai grimpé à un arbre pas loin, et j'ai écouté pendant un moment. J'ai entendu… cet archer hurler. "

 

Elle acquiesça. " Alors, ils sont plutôt sûrs d'eux, hein ? "

 

Restie hocha la tête. " Ils ne pensent même pas qu'ils vont avoir à se battre. "

 

" Un point en notre faveur ", dit Xena en lui lança un petit sourire, et elle sentit, dans le petit silence qui suivit ses mots, ce picotement d'excitation alors que les guerriers autour d'elle bougeaient un peu et comprenaient le sens de ses paroles.

 

" Ils pensent qu'on ne va pas se battre ", ajouta Restie en levant un peu la nuque en répondant de manière inconsciente à l'énergie croissante autour d'elle.

 

" Deuxième point en notre faveur. " A présent, le sourire de Xena était féroce, et elle se détendit délibérément, croisant les bras sur sa poitrine et appuyant une jambe tout en croisant l'autre aux chevilles.

 

Restie inspira profondément et hocha la tête. " Il te veut, toi. " Il jeta un coup d'œil vers Lestan dont le visage s'était assombri de colère. " Il te veut vraiment. "

 

Xena était consciente des yeux posés sur elle, du silence attentif de la salle qui attendait sa réponse. Conscience du corps tendu de Gabrielle tout près du sien, et des battements de cœur rapides du barde qu'elle pouvait voir à la base de sa gorge. " Ah oui ? ", fit-elle d'une voix traînante en levant un sourcil, ricanant un peu. " Il ferait mieux de faire attention. " Elle fit une pause. " Son vœu pourrait bien être exaucé. "

 

Elle sentit le cercle d'assurance dont elle était le centre s'agrandir, et elle laissa ses yeux se promener sur la salle, puisant dans leur force. Xena savait, à cet instant, qu'elle les tenait tous au creux de sa main, tout comme elle l'avait fait avec des armées depuis qu'elle avait quinze ans. Ils y croyaient, parce qu'elle y croyait. Ou en tout cas, ils pensent que j'y crois, pensa-t-elle. Si seulement j'avais cette option. J'aimerais avoir quelqu'un en qui croire en ce moment.

 

" OK. Donc, ils arrivent, trop sûrs d'eux, et ils pensent qu'il n'y aura presque pas de résistance. " Elle hocha la tête d'un air judicieux. " Ce n'est pas une mauvaise position. C'est un bon point de départ pour nous. "

 

" Nous ? " marmonna doucement Lestan.

 

" Hé ", marmonna Xena tout aussi doucement. " Vous m'avez adoptée, tu te souviens ? "

 

Lestan laissa un petit sourire se dessiner sur ses traits sombres. " Xena… " Sa voix était très grave, et fut couverte par le brouhaha qui montait à nouveau dans la pièce. " Il y a trop de risques. Je ne veux pas que tu mêles de ça. " Ses yeux se posèrent rapidement sur Gabrielle. " Je t'en prie. "

 

Xena inspira et sentit le bras de Gabrielle resserrer son emprise autour d'elle. Elle baissa les yeux vers le barde et trouva le regard vert brume braqué sur elle.

 

" Tu nous as pris dans ton clan, Lestan ", dit Gabrielle sans le regarder. " Quel genre de membres serions-nous si nous nous mettions à courir au premier signe de danger ? " Ses yeux restèrent sur ceux de Xena alors que de douces promesses passaient entre elles. " On est là jusqu'au bout. "

 

Ah, Gabrielle… l'esprit de Xena caressa la pensée. " Elle a raison ", dit-elle à Lestan, dont les yeux étaient compréhensifs et résignés. " Et puis, vous avez besoin de nous. " Elle sentit Gabrielle la serrer un peu plus à ces mots. Je me suis habituée à dire nous, mon barde. J'espère que tu apprécies. Même avec mes autres amants, ça n'a jamais été nous. Toujours moi, et eux. Mais toi et moi… je crois que je l'ai enfin accepté. " Je crois qu'il est temps d'aller prendre un peu de repos. "

 

Lestan hocha la tête, puis leva un bras pour attirer l'attention de tous. " Allez dormir, les guetteurs réveilleront les guerriers avant l'aube. Le reste du village va se préparer à partir, si nécessaire. Personne, je dis bien PERSONNE ne restera derrière… ces bouffeurs de charognes n'auront rien. "

 

Ils se dispersèrent, vidant lentement la salle et partirent dans la nuit, sous le ciel rempli de nuages. Xena resta un moment en arrière, revoyant avec Lestan leur stratégie de dernière minute, puis elle le poussa doucement vers la porte. " Allez, Lestan. Va dormir un peu. " Ses yeux se posèrent sur Jessan. " Et toi aussi. "

 

Jessan s'approcha d'elle et croisa son regard. Xena lui sourit.

 

" Tu sais ", fit-il dans un souffle, en réprimant un sourire. Comment fait-elle ça… c'est magique, sans doute. Comme d'habitude…

 

" J'ai deviné ", fit Xena d'une voix traînante, en lui tapotant la joue. " Jess, je suis vraiment contente pour toi. "

 

Gabrielle le serra simplement dans ses bras sans rien dire, puis tira doucement sur sa fourrure avec un petit sourire.

 

" Merci ", dit-il timidement. Puis ses yeux s'assombrirent et il déglutit. " Mais si… "

 

Xena posa ses mains sur les épaules de Gabrielle et s'approcha de lui, croisant son regard par-dessus la tête du barde. " Non ", dit-elle doucement. " Parce que ça n'arrivera pas… je ne le permettrai pas. " Et avec ces mots, elle sauta le pas et tout devint très personnel.

 

Parce qu'elle était, elle s'en rendit compte tout à coup, l'un de ceux que Sécan cherchait à dévaster avec sa folie. Il tuerait Gabrielle… et une poussée de rage intense secoua le corps de Xena et posa un masque de glace sur ses traits. " Va dormir, Jess. " Sa voix était encore froide et l'être de forêt recula d'un pas.

 

Gabrielle le sentit, vit le changement subtil dans ses traits, et se retourna, glissant ses bras autour de la taille de Xena. Elle leva les yeux vers elle. " Hé ", fit-elle doucement en regardant les yeux bleus de glace se poser lentement sur les siens et la transpercer pendant un très long moment, avant de se reprendre et de redevenir chauds ; elle ramena sa compagne vers elle. Elle tira fermement sur la guerrière et en fut récompensée par un demi-sourire en coin. " Toi aussi, héros. "

 

Xena acquiesça. " Ouais ", fit-elle. " Allons-y. " Elle poussa doucement le barde vers la porte, Jessan ouvrant la marche. " Demain, la journée va être longue. "

 

Gabrielle avança lentement dans l'obscurité de la place couverte d'herbe au centre du village, consciente des voix qu'on entendait de tous les côtés, et de la présence chaude et rassurante de Xena qui avait posé tranquillement sa main sur son dos. Elle jeta un coup d'œil de côté et vit le visage tendu et immobile de la guerrière ; elle ne dit rien, donnant à Xena le temps d'assimiler les événements de la soirée.

 

A quoi pense-t-elle ? se demanda le barde en étudiant le profil anguleux. Et puis il lui vint une idée. Je pourrais lui demander, tout simplement. C'était nouveau, pour elle, de penser à faire cela, et même de penser au fait que sa compagne taciturne pourrait bien le dire elle-même. Elle attendit toutefois qu'elles soient à l'intérieur pour poser sa main sur le côté de Xena, et sentir la peau chaude à travers le tissu froid.

 

La guerrière se tourna à demi vers elle et leva un sourcil, se concentrant sur le barde. " Quoi ? "

 

" A quoi penses-tu ? " fit tranquillement Gabrielle en s'approchant un peu, laissant leur lien l'envahir. Elle savait que Xena le sentait aussi, à cause du sourire involontaire qui se dessina sur ses lèvres, et du mouvement presque inconscient de sa main vers la joue du barde. " Qu'est-ce qui te tracasse ? " Et… tout a tellement changé, se dit-elle, pour que je puisse lui poser cette question. La question est : est-ce qu'elle va me le dire ?

 

Les yeux de Xena observèrent les siens et sa bouche se tordit un peu. " Le fait qu'on va batailler contre un fou furieux demain ? " dit-elle, un peu hésitante, en frottant doucement son pouce contre la joue du barde. " Beaucoup de choses peuvent mal tourner, Gabrielle. " Sa voix n'était plus qu'un murmure. " Je ne… " Elle s'interrompit, incapable de parler de ses peurs.

 

Mais le barde comprit et alla s'asseoir sur le canapé, tirant gentiment Xena derrière elle. La guerrière s'écroula sur la surface recouverte de tissu avec un manque de grâce inhabituel et étendit ses deux bras sur le dos du canapé, tout en allongeant ses longues jambes, les croisant aux chevilles. Après une minute, elle tourna la tête sur le côté et regarda sobrement Gabrielle.

 

" Les enjeux viennent de monter, hein ? " fit Gabrielle très sérieusement. Xena lui répondit d'un hochement de tête. Est-ce que je la joue sérieux, ou j'essaie de détendre un peu l'atmosphère ? Non… pas de truc sérieux avant d'aller au lit. On aura bien le temps pour ça demain. " Alors… qu'est-ce qui se passe tout le temps, avec nous ? On attire les catastrophes ou quoi ? " Elle émit un bruit dégoûté et en fut récompensée par un merveilleux et franc sourire. " Je ne plaisante pas, Xena. On va acheter à déjeuner, et on se retrouve avec au moins une petite guerre, le vol de l'autel du temple du village, et la naissance d'une chèvre à trois têtes. Je te jure… "

 

Xena se mit à rire et tendit la main pour attraper le bras de Gabrielle. Elle la tira vers elle depuis l'autre bout du canapé. " Viens ici ", dit-elle en serrant le barde très fort dans ses bras.

 

En tout cas, ça a marché. Gabrielle soupira avec satisfaction, tout en profitant avec plaisir de l'étreinte chaleureuse de la guerrière. " Je t'ai déjà dit à quel point j'aime quand tu fais ça ? " marmonna-t-elle, puis elle renversa la tête en arrière pour regarder tendrement Xena.

 

La guerrière sourit à son tour et l'embrassa doucement.

 

" Mmm… " Gabrielle eut un petit rire au fond de la gorge. " Et ça aussi. " Elle posa la tête contre l'épaule de Xena et inspira. " Tout ça… ça rend les choses plus difficiles, pas vrai ? " Les mots étaient sortis avant qu'elle ait pu y réfléchir, et elle sentit le souffle de Xena se couper. Je croyais qu'on n'allait pas discuter de trucs sérieux, Gabrielle… par Hadès, d'où est-ce que c'est sorti, ça ?

 

Xena écarta doucement les cheveux blonds-roux des yeux de sa compagne et laissa ses doigts courir lentement le long de sa joue. " Oui, c'est vrai ", admit-elle tranquillement. " Les enjeux sont plus grands… trop grands. "

 

Un long moment de silence, seulement rempli par deux souffles réguliers, le doux craquement du feu, et les bruits distants du dehors qui filtraient par la fenêtre. Même Arès était immobile, allongé sous les jambes de Xena.

 

" Est-ce que tu… " chuchota Gabrielle, puis elle s'arrêta lorsque Xena posa ses doigts sur ses lèvres.

 

" Aucun regret, Gabrielle ", murmura la guerrière. " Pas de reconsidération, pas de 'si'. " Ses yeux étaient très sérieux. " Seulement quelque chose qu'il me faut prendre en considération, c'est tout. "

 

Le barde ferma les yeux et laissa ses doigts s'emmêler dans la douce chemise que portait Xena. Puis elle soupira et leva à nouveau les yeux. " Je vais avec toi demain matin. " Son ton était inflexible. " Je ne reste pas ici. "

 

Non, plus jamais, mon barde, pensa Xena. On fait ce qu'on doit faire ensemble. " Bien sûr que non ", fit-elle, sentant le cœur de Gabrielle s'arrêter un instant là où le barde était serrée si près contre elle. " Est-ce que tu veux bien couvrir mes arrières ? " Elle posa un doigt sur le nez du barde. " Je compte sur toi. "

 

Mais elle inspira alors. " Gabrielle… si les choses tournent mal demain… " Le corps du barde devint soudain immobile. " Je… veux que tu rentres à la maison. " Elle fit une pause. " Je t'en prie. Je veux penser que tu seras à un endroit… " Elle s'interrompit. Les mains de Gabrielle étreignaient sa chemise avec force et elle s'éclaircit un peu la gorge. " Un endroit où on t'aime. "

 

Gabrielle resta immobile, laissant les mots passer et repasser dans son esprit, jusqu'à ce que son souffle se stabilise, et qu'elle puisse être capable de parler. Et ce qu'elle dit alors reflétait la décision qu'elle avait prise, pendant cette longue chevauchée à la lumière des torches, de retour de la montagne, alors qu'elle berçait doucement le corps si faible de Xena dans ses bras. " Non. " Sa voix était stable, et elle vit les yeux bleus s'agrandirent, fixant les siens. " S'il… arrive quelque chose. " Elle posa la main sur la joue de Xena. " Tu n'auras qu'à m'attendre un instant, d'accord ? "

 

" Non. " Elle souffla violemment le mot. " Tu ne… "

 

" Oh si ", répondit fermement Gabrielle. " Je peux et je le ferai, et rien de ce que tu pourras dire ou faire ne va changer ça. " Ses doigts s'enroulèrent dans le tissu. " Je ne vivrai pas comme Warrin, Xena. Ne me demande pas ça. " Sa voix se brisa un peu. " Je t'en supplie. Promets-moi que tu m'attendras. "

 

Xena sentit tout son monde tourbillonner, puis se stabiliser à nouveau. Allez, Xena. Tu le savais bien. Malgré ce que tu as dit à Lestan, et ce dont tu essaies de te convaincre, tu le savais. Elle sentit la tension se dissoudre et laissa son cœur accepter l'inévitable. " A une seule condition ", répondit-elle doucement.

 

Les yeux de Gabrielle l'observèrent un moment. " Quoi ? " Tu peux faire confiance à Xena pour poser des conditions sur ce genre de choses.

 

" Tu me fais la même promesse ", répliqua Xena.

 

Oh, se dit le barde. Bien sûr. " Je te le promets. "

 

Un hochement de tête. " Je te le promets aussi. "

 

Gabrielle reposa la tête contre la poitrine de Xena et laissa échapper un long soupir. Elles restèrent assises en silence pendant un moment, regardant le feu, perdues dans leurs pensées. Enfin, Xena embrassa doucement le haut du crâne du barde et la serra un peu plus contre elle. " On ferait mieux d'aller se coucher. "

 

Gabrielle bâilla. " OK. " Elle s'extirpa des bras de Xena et se leva, avant de s'étirer avec volupté. " Très bonne idée. " Elle tendit la main vers la guerrière encore assise et sourit lorsque Xena la saisit fermement. " Allez, viens. "

 

Xena se laissa hisser sur ses pieds, puis avança et retira sa tunique légère, avant de sortir une chemise de nuit de ses sacoches. Elle se tourna juste à temps pour voir Gabrielle en faire de même, et s'approcha du barde, jeta un œil critique sur les égratignures légèrement visibles sur son estomac. " Ça a bien guéri ", fit-elle en passant un doigt sur la peau douce. " Heureusement pour lui. "

 

Gabrielle savait ce qu'elle voulait dire et passa elle-même son doigt sur les traces. " Ouais ", fit-elle doucement. " Ça ne pique même plus maintenant. "

 

Xena prit la chemise de ses mains et rassembla les manches, avant de passer le tissu par-dessus la tête blonde du barde. " Voilà ", fit-elle en riant, puis elle lui donna une petite tape sur le côté.

 

" Merci ", murmura Gabrielle en la regardant. " Les hématomes ont disparu ", commenta-t-elle en tapotant doucement la poitrine de Xena, avant de laisser courir ses doigts vers le ventre de la guerrière et de sentir les muscles bouger sous sa main. Alors elle tendit la main et la posa sur le front de Xena. " Et là-haut, ça va ? "

 

Xena soupira et haussa les épaules. " Plus ou moins ", fit-elle. " Je n'aime toujours pas les endroits confinés. " Elle enfila la chemise. " Mais je ne les ai jamais aimés, alors… "

 

Gabrielle choisit d'ignorer la remarque. " Je sais ce que tu ressens ", dit-elle doucement.

 

Xena s'arrêta et leva les yeux vers elle. " Pardon ? "

 

" Le cercueil ", répondit succinctement le barde.

 

" Ah ", fit Xena dans un souffle, en levant les mains pour saisir doucement le visage de Gabrielle. " J'aurai dû m'en rendre compte. "

 

" Oh, tu sais ", soupira Gabrielle en se laissant tomber en avant contre le corps chaud de Xena. " On n'a jamais eu l'occasion d'en parler. "

 

" Non, c'est vrai ", marmonna la guerrière en inclinant le visage du barde vers elle pour l'étudier avec un froncement de sourcils. " Dieux, je suis désolée. Si seulement j'avais fait un peu plus vite… "

 

" Oh là ! ! ! " aboya Gabrielle en saisissant Xena autour de la taille et en la secouant. " Ne commence pas. " Elle aurait pu rire devant l'expression de surprise totale de la guerrière si elle n'avait pas été aussi furieuse.

 

" OK…OK… " Xena cligna les yeux. " Je voulais seulement… "

 

" Oh, je sais ce que tu étais en train de faire ", grogna le barde. " Mais je te demande de ne pas le faire… ok ? " Elle cogna un peu sa tête sur la clavicule de Xena. " Pas ce soir. "

 

Xena redressa à nouveau le visage du barde vers elle et l'embrassa. " OK ", murmura-t-elle alors qu'elles se séparaient une seconde avant de recommencer. La guerrière se mit à rire lorsque Gabrielle se rapprocha, collant son corps au sien sur toute sa longueur. Elle enroula ses bras autour du barde et se redressa en la soulevant. " Je crois qu'il y a un meilleur endroit où on pourrait continuer cette conversation ", fit-elle en marchant jusqu'au lit. Sa compagne toujours dans ses bras, elle s'élança un peu dans les airs et se tourna avant d'atterrir sur le dos, le barde blottie contre elle. " Et voilà. "

 

" Beaucoup mieux ", marmonna Gabrielle en laissant ses mains explorer à la découverte de peau nue ; puis elle inspira brusquement en sentant le toucher sûr et familier qu'elle reçut en retour. " Dieux… je suis contente que tu n'aies pas les mains froides ", balbutia-t-elle.

 

Elle n'entendit qu'un rire bas pour toute réponse.

 

 

 

 

 

Chapitre 60

 

 

 

Juste avant l'aube, une brise humide et froide entra par la fenêtre et Xena sut qu'il y aurait du brouillard dehors. Super, soupira-t-elle intérieurement. Une matinée brumeuse, humide et froide. Tout ce que j'aime. Elle était contente d'avoir préparé sa combinaison de cuir la veille et de l'avoir installée près de la cheminée pour s'assurer qu'elle serait bien sèche. Enfiler du cuir froid et moite, et puis une armure glacée était une excellente façon de la mettre de mauvaise humeur. Et ce n'est pas la meilleure façon de commencer une journée de combats, se dit Xena, puis elle s'interrompit et réfléchit à tout cela. Ou n'importe quelle journée, en fait. Dieux, et dire que je faisais ça tout le temps avant. J'étais idiote ou quoi ?

 

Mais à cet instant, elle était toujours au lit, Gabrielle profondément endormie à ses côtés, la tête du barde reposant sur son épaule et sa main posée sur son abdomen, et elle s'octroya quelques minutes de plus à profiter de cette sensation chaude et plaisante avant de commencer ce qui serait sans aucun doute une très longue journée.

 

Bon… il est temps de bouger. A contrecœur, Xena leva sa main gauche et tapota doucement le dos de Gabrielle. " Hé ", dit-elle à voix basse.

 

" Mmm ? " Le barde bougea un peu et cligna des yeux. " Quoi ? Oh… " Elle jeta un coup d'œil au chalet encore sombre. " Ne me dis rien… c'est l'heure, hein ? "

 

" Mouais ", fit Xena en lui frottant doucement le dos. " A peu près ouais. " Et malgré ses propres doutes, Xena sentit ce picotement familier dans son estomac, une anticipation venant de son passé ténébreux qui aimait tester ses talents de combattante contre un adversaire. Cette partie d'elle qu'elle libérait toujours pendant la bataille, et qui entraînait des conséquences redoutables et un rire qui glaçait le sang. " Il faut y aller, ma chérie. "

 

Gabrielle soupira et serra son bras un peu plus autour de sa compagne pendant un moment. " Ok. Je vais aller nous chercher à manger ", marmonna-t-elle en libérant son étreinte, avant de s'appuyer sur son coude.

 

" Oh, tu sais, je ne… " commença Xena, puis elle s'arrêta en voyant le regard que lui lança Gabrielle. " OK, c'est une bonne idée ", ajouta-t-elle en réussissant à ne pas sourire. " J'ai un petit creux. " Du doigt, elle poussa un barde bâillant hors du lit et se leva à son tour, avant de s'étirer longuement et de se secouer un peu. Pas la peine de lui dire que je ne mange d'habitude pas avant un combat, parce qu'elle va me faire manger quand même. Pas vrai ? Vrai. Alors, ne discute pas.

 

Gabrielle enfila une tunique à manches longues contre le froid et attacha rapidement ses bottes, puis fila dehors ; elle s'arrêta un moment sur les marches pour ajuster sa vision à l'obscurité. Déjà, on allait et venait sur la place centrale, les silhouettes sombres passant devant elle, repoussant la brume en vagues qui venaient lécher le porche où elle se trouvait. Au loin, dans un halo créé par le brouillard, se trouvaient les torches qui entouraient le cercle de chalets et lançaient des ombres vagues sur les arbres, les casiers d'armes et les silhouettes en mouvement des êtres de la forêt.

 

L'odeur du feu et de la fumée vinrent jusqu'à elle, ainsi que le parfum moite et piquant de la brume elle-même qui se glissa dans ses poumons et lui fit venir un goût désagréable dans la bouche. " Beurk ", marmonna-t-elle en descendant les marches avant de se diriger vers la cuisine commune. " J'espère que Xena va penser à faire bouillir de l'eau pour le thé pendant que je vais piller le garde-manger. "

 

Xena y pensa, bien sûr, et elle mit de l'eau à bouillir sur le feu avant de passer dans la salle de bains et laisser l'eau du réservoir, rendue froide par la nuit, glisser sur sa peau. Elle se sécha, puis enfila sa combinaison en lin et retourna vers le feu. Elle resta là quelques instants, à le regarder, puis prit sa combinaison de cuir qu'elle avait posée sur une chaise et l'enfila, attachant les bretelles sur ses épaules avec une précision distraite. Elle passa ensuite les protections de bras et les brassards, mais sans les nouer.

 

Gabrielle entra alors qu'elle passait l'armure par-dessus sa tête et installait les protections d'épaules ; elle s'interrompit alors que le barde posait ce qu'elle avait rapporté et venait l'aider.

 

" Attends… laisse-moi faire ", fit-elle en tirant sur les bretelles et les boucles. " Attends, elles ne sont pas assez serrées. " Elle soupira, tirant sur les bretelles pour les resserrer. " Arrête de bouger, tu veux ? " Elle donna une petite tape à la guerrière. " Voilà… " Elle revint se placer face à sa compagne et tapota l'armure. " Je l'ai mise au dernier cran, tu sais. " Elle tira un peu sur le cuir. " C'est plutôt lâche… Tu as perdu beaucoup de poids, cette fois, hein ? "

 

Xena expira longuement et tripota sa protection d'épaule. " Ça sera facile d'en reprendre ", répliqua-t-elle en embrassant le barde sur le nez. " Surtout si on va à la maison. " Ce qui fit sourire Gabrielle. " Tu me donnes un coup de main avec ces satanés brassards ? "

 

Gabrielle tira sur les lacets sans faire de commentaire, plaça les brassards comme il le fallait, puis elle alla s'asseoir sur le rebord du lit et regarda Xena attacher ses bottes et les sangles de la lourde jambière, l'ajustant d'une main experte.

 

La guerrière se redressa et rebondit deux fois sur la plante des pieds, pour mette l'armure en place avec un petit cliquettement ; puis elle tourna la tête et regarda Gabrielle en souriant. " Tu as parlé de petit déjeuner ? "

 

Elles partagèrent un repas fait de viande et de fromage que le barde était allée chercher, ainsi qu'une miche de pain encore fumante que Gabrielle rompit en plusieurs morceaux et qu'elle recouvrit de miel avant de les coller dans la bouche de sa compagne.

 

" Mmm ", fit Xena, ravie, tout en mastiquant le pain. " Très bon choix, Gabrielle. " Elle cligna de l'œil, puis se leva en s'essuyant les mains et alla jusqu'à la petite table où elle avait déposé ses armes étincelantes. Elle attacha le fourreau à son armure et installa les dagues dans les emplacements prévus à cet effet, et finit par le chakram. Elle inspira, puis fit un petit signe de tête à Gabrielle. " Il est temps. "

 

Le barde s'approcha et posa ses deux mains sur l'armure qui brillait un peu dans l'obscurité. " Sois prudente ", fit-elle doucement.

 

Xena prit les mains du barde dans les siennes et les porta à ses lèvres. " Toujours. " Puis elle attira Gabrielle contre elle et leurs lèvres se touchèrent. Et lorsqu'elle se séparèrent, Xena enroula ses bras autour de sa compagne et serra très fort, puis la relâcha. " Allez, viens. "

 

Elle s'agenouilla et caressa avec affection les oreilles d'Arès. " Tu restes là, mon grand ", dit-elle gentiment au loup, puis elle sourit en voyant ses oreilles tomber. " Ton tour viendra. "

 

" Roo ", soupira-t-il en mâchouillant un peu son doigt.

 

" Aww… " soupira Gabrielle en s'agenouillant près de Xena. Elle gratta un peu le loup derrière les oreilles. " C'est pas grave, Arès. Quand tu seras un peu plus grand, maman t'emmènera avec elle et te montrera comment on mord les gens… " Ce qui lui valut un regard désabusé de la guerrière.

 

" Je pourrais même me servir de toi pour ma démonstration ", fit Xena et, d'un seul coup, avança la tête et vint capturer entre ses dents un morceau de peau sur le bras du barde. " Mmm… " Ses yeux pétillaient de malice.

 

" Hé ! " fit Gabrielle en riant. Elle attrapa une mèche de cheveux sombres et tira. " Arrête ! "

 

" Roo ? " Arès tourna la tête vers elles.

 

Xena ne desserra pas les dents pendant un moment, puis lâcha sa prise, alors que Gabrielle avait arrêté de tirer sur ses cheveux pour les caresser doucement, avant de suivre du bout des doigts les traits anguleux du visage de sa compagne. Ses yeux verts s'adoucirent et un sourire se dessina sur ses lèvres. " Je t'aime ", murmura-t-elle en secouant la tête de façon imperceptible.

 

Les yeux bleus la fixèrent un moment en silence, puis Xena sourit. " Je t'aime aussi ", répondit-elle en tendant la main pour capturer celle du barde. " Allez, viens. " Elle relâcha les doigts de Gabrielle, donna une dernière tape à Arès et se leva, inspira profondément, et partit vers la porte.

 

Gabrielle attrapa son bâton et la suivit.

 

 

 

 

 

Chapitre 61

 

 

 

Les guerriers s'étaient réunis devant le chalet de Lestan, la lumière des torches se reflétant sur le brillant de leurs cottes de mailles qui les couvraient des épaules aux cuisses. La brume lourde flottait doucement entre leurs jambes, et on avait l'impression qu'ils se tenaient sur une mare changeante d'eau ; et cette mare se fendit en deux lorsqu'ils entendirent Xena approcher et s'écartèrent pour la laisser passer.

 

En silence, avec seulement la brise et les torches frémissantes en toile de fond, elle s'avança, ses pas étouffés jusqu'à ce qu'elle atteigne le porche, et puis les planches firent un peu plus de bruit en supportant son poids. Encore un pas, et elle fut devant Lestan. Les yeux de l'être de la forêt croisèrent les siens avec une lueur qui ressemblait fort à du soulagement. " Xena ", dit-il avec un hochement de tête.

 

" Bonjour ", répondit la guerrière d'une voix normale. Elle regarda la foule autour d'eux et posa ses mains sur ses hanches. " Belle brume. "

 

Les visages sérieux couverts de fourrure sourirent avec hésitation. Dieux… pensa Jessan, qui était lui-même au premier rang. Quelle différence elle fait. En armure, qu'elle n'avait pas portée depuis qu'ils l'avaient sortie, une énergie sombre émanait de tout son être, une énergie qui lui faisait dresser les poils sur la nuque alors qu'il sentait l'excitation monter en lui.

 

Lestan réprima un sourire et décida de passer en revue le plan de bataille, pour s'assurer que chacun savait ce qu'il avait à faire. Des regards étonnés passèrent dans la foule, puis un sentiment palpable de soulagement envahit les guerriers.

 

" Ça peut marcher ", chuchota Deggis en donnant un petit coup à Jessan dans les côtes. " C'est elle qui a eu cette idée ? "

 

Jessan ricana. " Elle a conquis la moitié de la Grèce. Tu crois quand même pas que ça a été très difficile pour elle de trouver une tactique de bataille entre deux petits clans ? " Il leva les yeux au ciel. " Vous autres ne comprenez vraiment rien… " Il approcha ses mâchoires puissantes de l'oreille sensible de Deggis. " C'est pas seulement les batailles… elle est intelligente, andouille. "

 

Son cousin tressaillit un peu et se frotta l'oreille. " Aïe ", fit-il en fronçant les sourcils. " Ok…ok… j'ai compris ", soupira-t-il en donnant un coup de pied dans la brume qui entourait ses genoux. " J'espère seulement que ça suffira ", ajouta-t-il en la regardant se disperser.

 

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La marche silencieuse à travers la forêt juste avant l'aube était en partie irréelle ; les êtres de la forêt, pas plus que des ombres, avançaient à travers une couche épaisse de brume, projetant de petits morceaux devant leurs pas. Même les oiseaux nocturnes étaient silencieux, comme si la forêt retenait son souffle, en attendant la violence à venir.

 

Ils arrivèrent à l'endroit convenu, à l'heure convenue, alors que les premières teintes de gris envahissaient le ciel à l'est, et ils s'arrêtèrent, avant de se placer en ligne avec précaution. Xena se tenait derrière un arbre abattu, une main posée doucement sur l'écorce, l'autre jouant distraitement avec une lanière de cuir de son armure. Ses yeux balayaient constamment l'autre côté de la forêt, trouvant les ombres et observant les mouvements.

 

Gabrielle se glissa près d'elle, avec un coup d'œil vers la ligne des arbres toujours plongée dans l'obscurité. Puis elle leva les yeux vers sa compagne. " Xena ? " fit-elle dans un souffle, ne voulant pas déranger le silence.

 

Des yeux bleus de glace à moitié voilés se posèrent sur elle et un sourcil noir se leva.

 

Gabrielle s'approcha un peu plus, jusqu'à ce que chacune sente la chaleur du corps de l'autre. " C'est quoi, le plan de secours ? " demanda-t-elle sans quitter sa compagne des yeux.

 

Xena pencha légèrement la tête sur le côté et ses lèvres se tordirent un peu. " Sécan contre moi ", répondit-elle en regardant le visage du barde avec intensité.

 

Sa compagne hocha la tête. " C'est bien ce que je pensais. " Puis Gabrielle regarda à nouveau de l'autre côté, puis revint vers elle. " Et pourquoi ce n'est pas le plan principal ? "

 

Une question inattendue ; une question à laquelle Xena espérait ne pas avoir à répondre. " Qu'est-ce que tu veux dire ? " demanda-t-elle pour gagner du temps. Dieux… qu'est-ce que je vais lui dire ? Qu'est-ce que je me dis à moi ? Que j'ai trop peur de l'affronter ? De risquer ma vie ?

 

Le barde inspira, puis jeta un coup d'œil autour d'elle. " Toi contre le leader ennemi… c'est pas nouveau, Xena. On l'a déjà fait… alors… je veux dire, si les deux armées s'affrontent, beaucoup de gens vont mourir, pas vrai ? "

 

Un petit signe de la tête. " Peut-être ", répondit rapidement Xena.

 

" Ouais ", soupira Gabrielle. " Et ce n'est pas que j'ai envie de te voir faire ça… mais tu serais plutôt du genre à vouloir sauver des vies et prendre la responsabilité de toute l'affaire. Alors… pourquoi ? "

 

Xena se tourna à moitié et posa ses avant-bras sur l'écorce rêche, avec un petit mouvement de tête vers la zone devant elles qu'on voyait un peu mieux maintenant que l'aube commençait à pointer. On pouvait voir des ombres qui ressemblaient à des silhouettes, et parmi elles, un corps massif, immobile et couvert de fourrure. Elle sentit les battements de son cœur s'accélérer. " Parce que je ne suis pas sûre de pouvoir gagner ", dit-elle dans un souffle.

 

Gabrielle fronça les sourcils. " Tu es toujours sûre d'habitude ? " demanda-t-elle en posant la main sur le bras tendu de la guerrière. " Je veux dire… "

 

" Toujours ", répliqua Xena en se tournant enfin pour regarder Gabrielle droit dans les yeux. " Mais pas cette fois. "

 

Le barde inspira une fois, puis deux. " Pourquoi ? " Oh, là… Gabrielle… c'est très, très dangereux. Fais très attention.

 

" Je ne sais pas ", répondit Xena, tendue, énervée. " Je… " Elle s'interrompit et fixa le tronc d'arbre ; puis, dans un mouvement sauvage et rempli de frustration, elle écrasa son poing contre l'écorce qui explosa et fut projetée en petits morceaux sur elles. " Tu avais raison ", soupira la guerrière.

 

Gabrielle déglutit plusieurs fois, puis lança un regard nerveux vers leurs adversaires, voyant un peu mieux à quoi ressemblait celui qu'elle soupçonnait d'être Sécan. Dieux… pensa-t-elle en frissonnant. Il est gigantesque. " Raison à propos de quoi ? " demanda-t-elle. " Xena, tu arrives toujours à l'emporter, tu le sais bien. "

 

La guerrière observa Sécan, qui s'avançait maintenant lentement dans l'espace ouvert qui séparait les deux groupes et faisait signe d'un geste paresseux à Lestan de s'approcher. " Tu te souviens quand tu m'as dit que tu pensais que j'arrivais à me convaincre de faire des choses ? "

 

" Oui ", répliqua Gabrielle d'une petite voix. " Je m'en souviens. "

 

" Et bien je crois que tu avais raison. Sauf que je n'arrive plus à me convaincre de me jeter dans la bataille sans peur, Gabrielle, et c'est pourtant comme ça qu'il faudrait que je me batte. " Le visage de Xena était tendu et Gabrielle pouvait voir cette tension dans chaque muscle de son corps.

 

" Mais tu… " objecta doucement le barde. " Lorsque Warrin… et avec Jess… "

 

" Réflexes purs ", répondit succinctement Xena. " Une menace, et mon corps réagit. Pas besoin de réfléchir. "

 

" Mais là, c'est différent ", fit Gabrielle. " Parce qu'il faut que tu décides à l'avance. "

 

Un hochement de tête. " Oui. " La guerrière se tourna à moitié et étudia le barde, une expression de regret sur son visage. Elle ramassa des morceaux d'écorce qui avaient atterri sur l'épaule de Gabrielle. " Désolée. "

 

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La voix de Sécan résonna dans la forêt où le jour pointait enfin et elles se tournèrent pour écouter. " Alors comme ça… vous êtes venus. Inattendu, mais ça nous fera un peu d'entraînement. " L'être de la forêt à la fourrure feuille morte coinça ses pouces dans la ceinture qui retenait son épée et s'appuya un peu en arrière, de toute évidence détendu et de bonne humeur.

 

Lestan ne répondit pas. Ses yeux rouge sombre étudiaient Sécan puis se posèrent sur les guerriers qui attendaient derrière lui. Trop nombreux, soupira-t-il en pensées. Mais ce n'est pas une surprise. Tranquillement, il cracha dans l'herbe à ses pieds et croisa les bras sur sa poitrine. Reste calme.

 

Sécan leva un sourcil et se mit à rire. " On est de bonne humeur à ce que je vois. " Il s'approcha un peu plus près et ramassa une fleur sauvage, faisant tourner la queue entre ses doigts. " Alors… tu as amené tes petites humaines avec toi ? " Ses yeux passèrent en revue les rangs de Lestan, cherchant leurs proies. " J'ai prévu des choses pour elles, tu sais. " Il éclata de rire et ses guerriers l'imitèrent. " Mes guerriers veulent savoir… d'un point de vue purement intellectuel, bien sûr, s'il est possible de procréer avec cette race lamentable. " Ses crocs apparurent soudain lorsqu'il sourit. " Ça ne pourrait que les aider, tu ne crois pas ? "

 

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Gabrielle sentit sa poitrine se serrer et son souffle s'accélérer. " Il est fou ", murmura-t-elle en levant les yeux vers Xena.

 

" Il a le Don d'Arès ", répondit tranquillement la guerrière, mais il y avait quelque chose de très froid dans ses yeux bleus qui observaient les alentours sans relâche.

 

Gabrielle inspira et réfléchit à ce que sa compagne était, et ce qu'elle espérait devenir. Et elle se demanda s'il existait un moment pour réconcilier ces deux réalités. Ça pourrait être ma plus grosse erreur. Que les dieux me protègent si je me trompe. " Toi aussi. " Sa voix était claire et nette, et parcourut calmement la distance qui les séparait.

 

Elle vit les épaules de sa compagne tressaillir et n'eut que quelques secondes pour se préparer avant que Xena ne se tourne et croise son regard ; elle dut se croiser les mains dans le dos pour s'empêcher de les tendre vers sa compagne et de la serrer dans ses bras, tant le regard de douleur silencieuse était intense dans les yeux de la guerrière. " C'est vrai… ça fait partie de toi, Xena. "

 

La tête sombre tomba et Xena étudia ses bottes en silence. " Je sais ", dit-elle enfin d'une voix lasse. " C'est de là que viennent mes talents de combattante. " Elle tourna la tête et lança un regard vers Sécan qui narguait toujours Lestan, qui lui restait silencieux. " Et à chaque fois que je le laisse sortir, je glisse un peu plus vers les ténèbres, Gabrielle. "

 

" Non. " Le barde s'approcha et la saisit par les épaules. " Non… ce n'est pas vrai. " Sa voix tremblait. " C'est peut-être son don, mais ce qui compte, c'est que tu en fais, Xena, ça compte plus que tout le reste. Et… " Ses yeux passèrent par-dessus la tête toujours baissée et se posèrent sur le leader ennemi. " Si tu t'en sers pour vaincre le mal… c'est ça qui compte. "

 

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" Alors. " Sécan s'étira. " Et si on en finissait avec cette farce ? J'ai un banquet de prévu, et je ne veux pas être en retard. " Il bâilla. " On peut supposer que tu ne vas pas me provoquer ? " Il leva un sourcil roux.

 

Lestan ne fit pas un geste, mais ses épaules bougèrent d'une certaine façon et ses guerriers préparèrent leurs armes. Je vais mourir aujourd'hui, pensa Lestan, sachant que Sécan s'en prendrait d'abord à lui. J'ai vécu une belle vie. Son esprit alla un instant vers Wennid, et les moments tranquilles qu'ils avaient passés le matin même, dans le chalet, en se disant au revoir. J'ai été plus béni que la plupart de ma race. " Allez, viens, fils de lapin. " Sa voix résonna dans la lumière teintée de l'aube.

 

" Imbécile ", cracha Sécan, puis il se tourna et retourna auprès de ses troupes, en levant tranquillement la main pour donner le signal. Les silhouettes commencèrent alors à bouger, en formation, et attendirent qu'il reprenne sa place dans leurs rangs.

 

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" Si seulement je pouvais croire ça, Gabrielle ", répliqua doucement Xena en levant la tête pour croiser le regard du barde. " Attends un peu… tu es en train de me dire que la fin justifie les moyens ? "

 

Les yeux vert brume réagirent et plongèrent intérieurement pendant un moment, puis se mirent à briller, pleins de compréhension. " C'est toi qui m'as appris ça. " Un sourire triste se dessina sur ses lèvres. " Et… la fin que je veux, c'est toi saine et sauve et ce village aussi. Alors quoique tu aies à faire… fais-le. "

 

Pas de réponse, mais Xena se tourna et observa Sécan, le regarda retourner auprès de ses guerriers. Son visage était impassible, mais ses yeux étaient en mouvement constant et reflétaient l'état de ses pensées. Elle tourna rapidement la tête. " N'oublie pas que tu as dit ça ", dit-elle lentement et puis leurs yeux se croisèrent un long moment avant qu'elle ne se tourne à nouveau et pose les mains sur le tronc d'arbre ; d'un bond, elle sauta par-dessus.

 

Gabrielle se laissa aller contre l'arbre et attendit que le tremblement ne cesse. Dieux… dieux… mais qu'est-ce qui m'a pris ? Mais en regardant sa compagne marcher vers l'ennemi et disperser la brume comme un vent sec, elle vit une certaine vivacité revenir dans ses pas, un rythme qui amena un sourire triste sur les lèvres du barde. Admets-le, Gabrielle. Cette démarche fanfaronne lui va comme un gant.

 

Quoiqu'il faille faire, hein Gabrielle ? Xena laissa les mots repasser dans son esprit en avançant vers Lestan, écrasant à chaque pas le côté le plus doux de sa personnalité qu'elle avait développé récemment. Très bien. Un frisson familier la parcourut et elle le sentit affiner ses sens.

 

A l'angle auquel elle arrivait…Lestan n'eut qu'une seconde pour repérer sa présence avant qu'elle n'arrive à ses côtés et le jette à terre avec une efficacité sauvage. Elle dégaina son épée et rasa une touffe de fourrure sur son cou, sans le quitter des yeux. " Incline-toi devant moi, Lestan. " Sa voix était presque aussi froide que la brume qui les entourait.

 

Lestan leva les yeux vers elle sous le choc, ne voyant rien qu'il reconnut dans ces yeux de glace, sentant le poids de son genou sur sa poitrine et la morsure exquise de la lame sur son cou. Son esprit de guerrier se réveilla... mais seulement pendant un instant. Puis il tourna lentement la tête et leva sa mâchoire ronde, exposant sa jugulaire. " Devant toi, Xena d'Amphipolis, je m'incline. " Sa voix était très calme. Je croyais qu'elle suivait ses propres règles… et voilà que je découvre qu'elle suit les nôtres. Ne la sous-estime jamais, avait dit Jessan. J'aurais dû l'écouter. Il cligna tristement des yeux et, pendant un instant, un sourcil sombre se leva, une étincelle apparut dans les yeux bleus et elle lui fit un clin d'œil.

 

Xena se pencha vers lui. " Souhaite-moi bonne chance ", dit-elle en posant sa main sur sa poitrine.

 

Un lent sourire hésitant se dessina sur les lèvres de Lestan. " Envoie-le au Tartare, Xena. "

 

Et elle partit. Elle se redressa et reprit sa marche lente vers l'ennemi, vers l'endroit où se tenait Sécan, l'épée dégainé et regardait d'un air amusé.

 

OK. Elle inspira profondément plusieurs fois, avalant le parfum des pins dans ses poumons, et elle sentit son cœur battre lentement, avec puissance, envoyant des torrents de sang à travers tout son corps. Elle fixa Sécan, et son air supérieur ; elle se souvint de ce qu'il avait prévu de leur faire, et laissa cette pensée la faire bouillir un peu plus, puisant dans son côté obscur et le laissa faire surface avec peu d'effort et envoyer un frisson attendu le long de son dos. Ça faisait longtemps.

 

Xena s'arrêta, à mi-chemin de la zone ouverte et tendit les mains avec un sourire. Puis elle dégaina lentement son épée et plia les bras jusqu'à ce que ses mains soient à la hauteur de son menton. Elle attendit que les yeux de Sécan croisent les siens, puis elle plia l'index vers lui. " Tu me cherchais, boule de poil ? " Sa voix résonna, assez forte pour atteindre les lignes ennemies et les siennes. " Me voilà. " Elle laissa ses mains retomber à sa ceinture et attendit.

 

Le silence régnait sur la forêt, seulement entrecoupé par le vent qui soufflait dans les branches et dissipait la brume. La lumière rosée de l'aube filtrait à présent à travers les arbres, et envoyait un drap tacheté sur sa silhouette sombre en armure.

 

Sécan avança à sa rencontre, s'arrêtant à environ quatre mètres d'elle, et laissa ses yeux courir sur elle d'un air possessif. " En effet ", dit-il doucement. " Ne me dis pas que tu es le champion de cette bande de mangeurs d'herbe ? " Il éclata de rire. " On dirait que personne ne t'a expliqué les règles. "

 

Xena le toisa lentement, laissant son regard s'attarder sur lui comme il l'avait fait pour elle. " Oh, si, si ", fit-elle d'une voix traînante, en montrant le petit médaillon du clan que Lestan leur avait donné, à elle et Gabrielle, la veille au soir. " C'est mon clan. " Elle lui sourit. " Et je viens d'en prendre le commandement. " D'un mouvement rapide, elle attacha le médaillon à sa ceinture. " Et la troisième règle… " Elle s'avança, à sa portée, avec pour seule arme son sourire. " Je crois que tu me laisseras l'ignorer. Pas vrai ? "

 

Les narines de Sécan frémirent et il sentit sa fourrure se dresser en réponse à sa présence. " On dit que tu es liée. "

 

Xena tourna la tête vers lui. " Je le suis. "

 

Il acquiesça très lentement. " Je vais te tuer, pourriture humaine. Et j'espère que ta petite compagne n'en manquera pas une miette. "

 

Cela arriva si vite qu'il n'eut pas le temps de respirer, pas le temps de réagir, pas le temps de penser ; le poing de la guerrière frappa son nez avec tant de force que sa tête fut projetée en arrière et qu'une pluie de sang les recouvrit tous les deux. Et puis elle bondit hors de portée, et se tint à l'écart, le gratifiant d'un sourire insupportable et suffisant. Il sentit son sang bouillir dans ses veines.

 

" Tu peux toujours essayer. " Sa voix s'enroula autour de lui comme la brume. " Et je te garantis qu'elle a adoré ça. " Et Xena se mit à rire. " Moi aussi, d'ailleurs. "

 

Alors il dégaina son épée et se rua sur elle, avec une vitesse et une force qu'aucun de son peuple ne possédait.

 

A suivre : 8ème partie

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