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Bound9B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Unies/ Bound

 

par Melissa Good

 

Traduction : Katell et Fryda

 

 

***********

Partie 9B

*********

 

 

Chapitre 68

 

 

" Alors ", fit Elaini en enroulant une corde autour de sa main. " Vous avez passé un bon après-midi relaxant toutes les deux ? On ne vous a pas vues. " Elle esquissa un sourire.

 

Gabrielle se mordit la lèvre pour s'empêcher de sourire. " Oh… ouais… on a passé une très bonne journée ", assura-t-elle à l'être de la forêt. " Enfin… on a eu une petite dispute le matin, mais après ça, pas de problème. "

 

Ça non… elle avait été déçue de se réveiller en fin d'après-midi… enfin déçue, en tout cas jusqu'à ce qu'elle lève les yeux et trouve sa compagne profondément endormie, un bras enroulé autour d'un Arès tout aussi somnolent, et l'autre autour de Gabrielle, dans un geste très protecteur.

 

Ce n'est pas que je lui aie laissé le choix, s'était dit le barde en gloussant. Puisque je me suis endormie pratiquement sur elle. Mais quand même. Elle avait pensé pendant un instant réveiller Xena en sursaut, puis s'était dit que faire ce genre de surprise à Xena n'était jamais une bonne idée, car ses réflexes étaient vraiment trop rapides… et c'était presque douloureux que de la regarder essayer de s'empêcher de faire quelque chose.

 

Alors elle s'était blottie contre sa compagne et s'était mise à déposer de doux baisers, si légers, sur la peau du bras qui l'entourait, et lorsqu'elle avait atteint le coude, elle avait été récompensée par un mordillement à la base de sa nuque qui lui avait envoyé des frissons dans le dos. Beaucoup mieux.

 

Elle avait refusé de laisser sa compagne retourner sous la pluie, alors elles avaient dû se contenter pour le dîner de ce qu'elles avaient trouvé sur place, ce qui avait été en fin de compte assez marrant, et le restant de la soirée avait été passé de façon très intime. Cela avait été… Gabrielle sourit. Très décadent. Et elle avait vraiment aimé ça, tout comme Xena, une fois qu'elle avait accepté l'embarras d'avoir dormi toute la journée.

 

" Oh… une bonne dispute, il n'y a rien de tel. " Elaini sourit, montrant ses crocs. " Qui a gagné ? "

 

Le barde fourra une paire de gants en cuir dans son sac et leva les yeux en souriant. " On a gagné toutes les deux ", répondit-elle avec un petit rire. Et d'une certaine manière, c'était vrai ; même si la dispute les avait blessées… et il n'y avait pas de doute là-dessus… elle leur avait aussi permis de faire un pas de plus sur le chemin de leur vie commune.

 

Cela les avait rapprochées encore davantage, et à la fin d'une longue et merveilleuse soirée, elle avait levé les yeux vers ceux de Xena et les mots étaient sortis de sa bouche presque contre son gré. " Grâce à toi, Xena, ma vie… vaut la peine d'être vécue. "

 

Une dizaine d'émotions différentes étaient apparues sur le visage de sa compagne alors qu'elle absorbait la signification de ces mots. Les yeux bleus s'étaient fermés un instant, puis rouverts, et elle avait inspiré profondément, avant de lever la main de Gabrielle, et la bague qu'elle portait, entre leurs yeux.

 

" Je veux que ça soit officiel, Gabrielle ", avait-elle répondu de façon totalement inattendue, mais aussi totalement sérieuse. " Je veux qu'on l'inscrive auprès du bourgmestre d'Amphipolis… d'après la loi, tu as des droits… les dieux savent que je n'ai pas grand-chose, mais… " Elle s'était interrompue, se ressaisissant un peu. " Mais… " et l'insécurité avait été de retour dans ses yeux. " J'ai beaucoup d'ennemis, Gabrielle… et je ne suis pas… " Elle avait dégluti, et Gabrielle n'avait pas dit un seul mot, de crainte qu'un seul son la fasse taire. " Je ne suis pas… très facile à vivre… je comprendrais que tu ne veuilles pas… "

 

" Oui ", avait enfin murmuré Gabrielle, mettant un terme aux doutes qui avaient assailli sa compagne. Elle avait joint leurs mains, et y avait posé ses lèvres, se penchant ensuite jusqu'à ce que leurs souffles se mêlent. " Tu es mon Elue, à moi. " Elle avait senti l'intensité croître entre elles. " Et quiconque voudra t'atteindre devra d'abord avoir affaire à moi. " Cela avait été ridicule. Elle avait carrément offert ses services de protection au meilleur guerrier de toute la Grèce.

 

Elaini se mit à rire en voyant l'expression sur son visage. " Ça a dû être une sacrée dispute ", fit-elle pour taquiner le barde. " Bon, on y va ? "

 

" OK… j'ai hâte de voir cet endroit ", fit Gabrielle avec un petit soupir heureux. " Et en plus, c'est ça ou les regarder se taper dessus toute la journée, alors… " Elle eut un petit sourire supérieur, et fit un signe de tête vers la fenêtre, là où les bruits de l'entraînement à l'épée leur parvenaient.

 

" Oh… tu veux dire regarder Xena leur taper dessus ", répliqua Elaini en balançant son sac sur son épaule. " Ils l'adorent, tu sais. " Un petit rire. " Ah, ces guerriers. "

 

Gabrielle sourit de bon cœur. " Je ne sais pas… aujourd'hui, je crois qu'ils auront de la chance. Elle est plutôt de bonne humeur. "

 

Elles sortirent, et étaient sur le point de quitter le porche lorsqu'une petite silhouette rousse et familière arriva en trottinant, la main sur la rambarde pour mieux trouver son chemin. " Salut. "

 

" Salut, Tody ", répondit Elaini, en s'arrêtant pour l'attendre. " Quoi de neuf ? "

 

Le garçon tourna ses oreilles vers elle. " Est-ce que je peux venir avec vous ? " Il pencha la tête sur le côté. " S'il vous plaît ? On dit qu'il y a des échos vraiment cool dans la grotte. "

 

Elaini et Gabrielle échangèrent un coup d'œil. Le barde haussa les épaules.

 

" OK ", décida Elaini. " Viens ici. "

 

Tody s'approcha, une main tendue devant lui pour s'arrêter une fois arrivé près d'elle.

 

" Tiens. " Sa sœur lui prit la main et lui donna un sac. " Tu peux nous aider à porter des trucs. " Elle reprit son propre sac. " Reste bien derrière moi, OK ? Et devant Gabrielle. "

 

Ils se mirent en route, traversèrent la place centrale du village, et passèrent devant les guerriers. Les yeux de Gabrielle trouvèrent la silhouette de sa compagne, qui était appuyée contre un arbre, les bras croisés, et regardait deux jeunes êtres de la forêt s'entraîner, tout en leur criant des conseils. Jessan se trouvait de l'autre côté du terrain, et observait lui aussi ; il secoua la tête, amusé, lorsque les deux jeunes guerriers donnèrent un coup maladroit et réussirent à se frapper mutuellement à la tête.

 

Xena étouffa un ricanement et se redressa, avança jusqu'au milieu du terrain, faisant signe à Jessan de la rejoindre.

 

Elaini se contenta de secouer la tête et pressa le pas. " Dépêchez-vous. S'ils voient qu'on regarde, ça va se transformer en concours de frime. "

 

Gabrielle sourit, sachant que c'était vrai. Elle suivit Elaini et Tody sur le chemin, vers la montée abrupte qui conduisait aux grottes.

 

************************************************

 

 

 

On ne manqua pourtant pas de les remarquer. Deux paires d'yeux les suivirent jusqu'à ce qu'ils disparaissent sur le chemin, derrière les arbres.

 

Xena se força à retourner son attention sur son adversaire, parant son attaque avec une facilité distraite. Le soleil avait finalement refait son apparition, et bientôt, ses pensées vagabondèrent, alors qu'elle profitait de la chaleur plaisante sur son dos, et du parfum sucré et frais de l'herbe sur laquelle ils s'entraînaient.

 

Allez, Xena. Réveille-toi un peu… tu es en train de te battre contre un type de deux mètres avec des crocs énormes et une épée très aiguisée.

 

Ça ne l'aida pas beaucoup. Son corps, habitué à ce genre de choses, continuait le combat, parant les coups d'un être de la forêt à bout de souffle sans qu'elle ait vraiment à y réfléchir. Ça tombe bien… se dit-elle… ma concentration n'est pas vraiment optimale, ce matin.

 

Elle avait envie de rire, ou de s'allonger dans l'herbe épaisse et de regarder les nuages flotter dans le ciel. Je sais pas pourquoi… rien n'a changé… pas vraiment. C'est pas parce qu'on va rendre les choses officielles que ça change quoique ce soit.

 

C'est ça. On y croit… alors pourquoi tu te conduis comme une gamine au marché avec un sac de bonbons, hein ? Oups. Xena arrêta le revers de son adversaire d'un coup très net, et avança d'un pas, le forçant à reculer, ce qui le déséquilibra. C'est ridicule. J'ai été un seigneur de guerre pendant dix ans, j'ai commandé des armées, et j'ai conquis des princes… et il n'est pas question que je me conduise comme une villageoise idiote qui a son premier béguin.

 

" Xena ? " La voix de Jessan interrompit sa critique mentale.

 

" Hmm ? " Elle recula de son adversaire et se tourna vers lui. " Quoi ? "

 

Il tourna sa tête dorée vers elle. " Est-ce que… euh… est-ce que tu souris pour une raison particulière, ou… ? "

 

" Euh… non. " La guerrière s'éclaircit la gorge et baissa les yeux vers l'herbe, coupant d'un geste distrait quelques brins du bout de son épée. " Pas de raison particulière. " Elle eut un petit haussement d'épaule. " Belle journée, le soleil et tout… je fais quelque chose que j'aime faire… je vois pas pourquoi je pourrais pas sourire… " Elle ouvrit ses yeux bleus bien grands et le regarda avec innocence.

 

Et remercia les dieux en silence de lui avoir donné une peau mate, parce que le sourire gentiment taquin de Jessan fit monter à ses joues une rougeur qu'elle sentit partir de la base de son cou. Elle l'ignora et leva un sourcil d'un air interrogateur.

 

" Oh…OK. C'est juste que tu avais l'air un peu distrait, c'est tout. " Jessan ricana doucement, puis étouffa un cri lorsque son épée se trouva arrachée de ses mains dans un mouvement si rapide qu'il ne put le suivre.

 

" Vraiment ? " fit Xena d'une voix traînante.

 

" Euh. Peut-être pas ", répondit-il, un peu penaud.

 

Xena lui lança un sourire radieux. " Très bonne réponse. " C'est ça, il vaut mieux garder la réputation de guerrière méchante et dangereuse intacte.

 

Il leva les mains et sourit. " Est-ce que je peux m'entraîner un peu avec le maître ? "

 

Elle lui sourit à son tour, fit un pas à droite et, attrapant la garde de l'épée de Jessan avec la pointe de sa botte, elle la fit sauter dans les airs et l'attrapa de sa main libre. " Tiens ", dit-elle doucement, posant la lame sur son bras avant de lui présenter la garde. Il s'avança pour la saisir et elle dut retenir un sourire.

 

" Tu sais où se trouve Amphipolis, Jess ? "

 

Il écarquilla un peu les yeux, puis fronça les sourcils. " Je crois, oui… oui. Je sais où c'est. " Il saisit la garde de son épée et souleva l'arme. " Pourquoi ? "

 

Elle inspecta la lame de son épée, soufflant légèrement sur une tâche de poussière imaginaire. " Si tu es dans le coin vers le solstice d'hiver, passe nous voir. " Leurs yeux se croisèrent, et elle y lut une lueur de compréhension.

 

Puis elle recula et fit tourner son épée autour de sa main avec un geste décontracté. " Bon alors… on se bat ou on reste plantés là ? "

 

************************************************

 

" Ouf. " Gabrielle fit une pause et prit une gorgée d'eau de l'outre qu'elle transportait, contente de tous ces mois passés à parcourir la moitié de la Grèce à pied. Son cœur battait plus vite, et elle savait que sa respiration était devenue un peu plus difficile… mais pas autant que celle d'Elaini, remarqua-t-elle avec fierté. Mais bon… Elaini n'avait pas à suivre la cadence de Xena non plus.

 

Ils étaient presque arrivés au sommet du chemin ; encore un petit effort, et ils y seraient. Elle inspira puis expira profondément avant de se remettre en marche, se servant de son bâton pour progresser plus facilement sur le sentier abrupt. Mais elle avait l'habitude de ce genre de choses, pas comme lorsqu'elles avaient commencé à voyager. Dieux… il lui avait fallu tellement de temps pour ne pas s'écrouler d'épuisement à la fin de chaque journée.

 

Et elle se souvint d'une journée en particulier, une longue, très longue journée. Elles s'étaient mises en route de très bonne heure, lorsqu'un orage violent les avait forcées à lever le camp avant l'aube, et à le devancer toute la journée. Sur une route de montagne qui était devenue de plus en plus abrupte.

 

Elle s'était forcée à suivre le rythme imposé par Xena, dont les longues enjambées ne semblaient jamais faiblir, et qui avançait avec facilité, dans un mouvement puissant que Gabrielle lui enviait de tout son cœur. Au cours des mois où elles avaient voyagé ensemble, elle avait découvert des choses intéressantes sur sa taciturne compagne, comme par exemple le fait qu'elle pouvait dormir debout si nécessaire. Et le fait qu'elle pouvait jeûner et rester éveillée plus longtemps que Gabrielle pensait humainement possible.

 

Qu'elle avait une mémoire extraordinaire, et une ouïe incroyable, qu'elle pouvait attraper des poissons à mains nues, qu'elle pouvait sauter par-dessus la tête de Gabrielle et chevaucher et diriger Argo sans les mains.

 

Elle était aussi, soupira Gabrielle, dans une condition physique extraordinaire, ce qui rendait les choses encore plus difficiles pour une petite paysanne dont le plus grand effort physique, jusque-là, avait été d'aller chercher de l'eau à la rivière. Bien qu'elle s'était améliorée depuis… et Xena, pour être honnête, ne l'avait jamais réprimandée lorsqu'elle avait besoin d'une pause, se contentant de rester debout et d'attendre qu'elle ait fini de reprendre son souffle avant de continuer.

 

Mais ce jour-là, c'était bien pire, parce qu'elles ne pouvaient pas s'arrêter, et elle se poussa de plus en plus, sentant son souffle devenir de plus en plus court dans sa poitrine, alors que la nuit commençait à tomber et qu'elles n'avaient toujours pas trouvé d'abri. Le chemin de montagne sur lequel elles se trouvaient était étroit et caillouteux ; elles ne pouvaient pas se mettre en selle à cause ses branches basses et tombantes, même si elle avait eu le courage de demander. Ce que, étant donné le tempérament imprévisible de Xena, elle n'était pas prête de faire.

 

Elle avait commencé à avoir des crampes à la tombée de la nuit, mais elle n'avait rien dit et avait continué, contente que l'obscurité naissante dissimule les larmes de douleur qui roulaient le long de ses joues, et elle se mordait la lèvre fermement pour ne pas faire de bruit jusqu'à ce que les spasmes passent. Puis elle trébucha sur une racine et elle tomba en avant, ses jambes étant incapables de bouger assez vite pour l'empêcher de s'effondrer sur le sol.

 

Les cailloux acérés du chemin lui avaient coupé les mains lorsqu'elle les avait tendues devant elle pour retenir sa chute et elle avait atterri brutalement, grinçant des dents en entendant les sabots d'Argo s'arrêter et la voix de Xena dire doucement à la jument de ne pas bouger. Puis les pas de Xena étaient revenus vers elle.

 

" Désolée…. Ça va… je vais bien… " Gabrielle savait très bien qu'elle bafouillait.

 

" Gabrielle ", avait soupiré Xena. " Ne bouge pas. "

 

" Non, non… vraiment… ça va ", avait-elle protesté en se mettant à genoux avant de se relever.

 

Et de tomber en avant parce que les crampes n'avaient pas disparu. Elle était tombée dans les bras de Xena. La douleur fut telle qu'elle n'avait pu retenir un gémissement, et ses mains s'étaient agrippées avec désespoir à la tunique en cuir épais de Xena.

 

" Doucement ", avait murmuré la guerrière à son oreille. " Doucement… " Et elle avait inspiré, le souffle tremblant, une fois, puis deux, et puis avait essayé de se relever, mais avait été incapable de le faire. " Je peux pas ", avait-elle balbutié, en fermant les yeux. " Laisse… laisse-moi ici… " Et elle s'était à moitié attendue à ce que sa compagne ne la laisse là. Mais elle avait bientôt senti un bras entourer ses épaules, et la pression soudaine d'un autre sous ses genoux lorsqu'elle se retrouva soulevée et bercée comme une enfant.

 

" Passe tes bras autour de mon cou ", fit doucement Xena, et elle était trop… bref, elle fit ce que Xena lui demandait de faire, voilà tout. Cela aurait dû être un vrai cauchemar, avec le vent qui se levait, et le mauvais caractère de Xena qui les entourait. Mais Gabrielle avait trouvé un havre de paix au cœur de cet orage, une sensation de sécurité chaleureuse, et l'odeur du métal et du cuir qui l'avait pénétrée et l'avait fait se détendre complètement.

 

Elle ne se souvenait pas s'être endormie ; seulement s'être réveillée à l'abri, dans une grotte obscure, tout près d'un feu si chaleureux. Ses mains étaient douloureuses, et elle avait baissé les yeux, découvrant qu'elles étaient bandées, sous une couverture qu'on avait enroulée avec précautions autour d'elle, alors qu'elle était allongée sur son sac de couchage.

 

Gabrielle avait cligné des yeux pour recouvrer ses esprits, et regardé autour d'elle, repérant Xena appuyée contre le mur opposé, un genou levé, entouré de ses deux bras puissants. Elle avait posé son menton sur son genou et fixait le feu, perdue dans ses pensées. Le barde bougea un peu et elle se trouva prise dans le regard d'aigle qui venait de se poser sur elle.

 

" Euh… merci ", avait-elle dit doucement, en baissant les yeux vers ses mains, son sac de couchage, elle-même. " Je ne voulais pas te causer tant de problèmes. "

 

Xena s'était levée, avait essuyé distraitement sa tenue, puis était venue s'accroupir près du barde, avant de s'asseoir en tailleur. Elle avait tendu la main et saisit fermement la mâchoire de Gabrielle, la fixant droit dans les yeux. " Ne refais plus jamais ça. " Sa voix était grave et envoya un frisson dans le dos du barde. " Si tu as mal, tu me le dis. "

 

" Mais… je savais qu'il fallait qu'on trouve un abri, Xena. Et je ne suis pas… enfin… j'essaie de ne pas me conduire comme un bébé ", avait-elle doucement protesté. " Je sais que je te ralentis… je sais… que tu serais mieux sans moi qui te suis partout…. "

 

La prise sur sa mâchoire s'était relâchée et puis Xena avait posé sa main sur son épaule. " Ce n'est pas grave ", avait répondu la guerrière. " Je ne… tu… " Contrairement à son habitude, Xena s'était arrêtée, et n'avait pas eu l'air très sûre d'elle. " La prochaine fois, tu me le dis, OK ? " avait-elle enfin dit. Et lorsqu'elle avait levé ses yeux bleus et les avait posés sur ceux de Gabrielle, il y avait eu une légère lueur, une minuscule fenêtre par-delà cet extérieur froid et effrayant.

 

Gabrielle l'avait vu et l'avait reconnu, et avait saisi l'occasion. Elle avait levé sa main couverte de bandages et l'avait posée sur celle de Xena, laissant ses yeux montrer la véritable affection qu'elle ressentait pour la guerrière. " Merci. Je te le dirai. "

 

Xena avait légèrement levé les sourcils, et ses lèvres avaient même esquissé un sourire si rare et un peu maladroit. Elle avait serré l'épaule du barde. " Tu as faim ? "

 

Gabrielle avait levé les yeux au ciel, amusée. " J'ai toujours faim ", avait-elle soupiré devant la blague habituelle entre elles. Elle avait cru pendant un moment que cela ne devait pas être normal, jusqu'à ce que Xena prenne le temps de lui expliquer que son corps devait s'adapter au besoin maintenant constant d'énergie qu'exigeait sa nouvelle vie. " Xena ? "

 

" Quoi ? " Bourrue, comme toujours.

 

" Merci de me supporter. " Courageusement, Gabrielle avait laissé son autre main tomber sur le genou bronzé tout près d'elle.

 

Xena avait haussé les épaules. " C'est à ça que servent les amis. " Et cette fois, Gabrielle avait eu droit au vrai sourire, celui qui faisait pétiller ses yeux.

 

Alors elle lui avait répondu de la même manière, et de tout son cœur. " On dirait que j'ai de la chance que tu sois la mienne, alors, hein ? "

 

Gabrielle sourit en s'appuyant sur son bâton, alors qu'elle arrivait enfin au sommet. Elle était vraiment devenue plus forte, et à leur bain suivant, Xena avait passé un moment à lui montrer les changements qu'elle n'avait pas remarqués sur son corps. Ça… avait été un bain intéressant… et elle en avait appris beaucoup sur Xena, et encore plus sur elle-même, plus que ce à quoi elle s'attendait. Comme la façon dont le toucher tranquille et clinique des doigts de Xena sur sa taille devenue musclée lui faisait trembler les genoux. Ou comme elle avait remarqué soudainement, pour la première fois, la façon dont le coucher de soleil créait des ombres intéressantes sur les courbes du corps bronzé de sa compagne.

 

Elle s'appuya sur son bâton, et attendit qu'Elaini termine son ascension du plateau, guidant Tody avec précautions par la main. " Eh ben ", fit-elle doucement, en regardant la crête sur laquelle elle se tenait. C'était plutôt étroit, avec un terrain un peu accidenté. Et à la surface de la falaise en granite sombre se trouvait une petite ouverture, peut-être un peu plus grande que la silhouette d'Elaini.

 

" C'est là ", soupira Elaini en s'arrêtant aux côtés du barde silencieux. Elle sortit une torche de son sac et l'alluma d'un coup de pierre à feu. " Allez, venez. " Elle se pencha à l'intérieur de l'ouverture, tandis que Tody s'agrippait fermement à sa tunique.

 

Gabrielle fit une pause, une main posée sur l'ouverture, et se lécha les lèvres, sentant le malaise la saisir. Mais ce n'était pas assez fort pour l'arrêter, et après avoir pris quelques inspirations, elle se força à entrer, rassurée par le scintillement chaleureux de la torche devant elle. S'il avait fait totalement noir… mais ça, ce n'est pas trop mal. Elle eut une pensée coupable à l'attention de sa compagne, mais la repoussa pour le moment et regarda autour d'elle.

 

La salle était vide, avec un plafond plutôt haut, et des murs sombres un peu en pente qui portaient des traces très nettes de couleurs dans leurs profondeurs de grisaille. " Wow… ", fit-elle en souriant, avant de sortir à son tour une torche de son sac et de l'allumer.

 

" Par ici ", appela Elaini en montrant du doigt une ouverture sombre dans la roche. " C'est juste la salle extérieure ici. Le reste est par-là. "

 

Tout est très tranquille là-dedans, se dit Gabrielle. On n'entendait que le léger craquement des torches et le bruit de leurs pas sur le sol sablonneux. Elle jeta un dernier coup d'œil vers le soleil qui entrait par l'ouverture dans la falaise, puis elle inspira un grand coup et suivit Elaini et Tody dans les ténèbres de la salle intérieure.

 

 

 

Chapitre 69

 

 

" Tu es en super forme ", commenta Jessan alors qu'ils se reposaient sous un grand arbre, après plusieurs heures passées à s'entraîner. " Je veux dire… " Il étendit ses jambes et grimaça. " Arès sait que je ne suis pas en position de te juger, mais… " Il ne finit pas sa phrase, et lui jeta un coup d'œil, laissant ses yeux parcourir toute sa silhouette.

 

Xena roula la tête sur le côté et ouvrit un œil pour le regarder. Elle haussa les épaules, puis referma les yeux. " Je n'étais pas en super forme la dernière fois que tu m'as vue ", admit-elle doucement.

 

Jessan cligna des yeux. " Ah. Bon. Ça m'aide pas vraiment, tu sais ? " Il eut un petit rire. " Crois-moi, j'aurais jamais deviné. "

 

Elle eut un sourire paresseux. Puis elle soupira et rouvrit les yeux. " C'est vrai, pourtant. Je ne m'étais pas vraiment remise complètement de ma dernière blessure. "

 

" La bûche ? " La voix de Jessan était soudainement très douce.

 

Elle acquiesça.

 

" Ouais… tu sais… Xena… c'était vraiment incroyable que tu y survives ", répliqua-t-il, hésitant. " Gabrielle… m'a raconté ce qui s'était passé. "

 

Xena leva les sourcils. " La prochaine fois, tu me demandes à moi, OK ? C'est difficile pour elle. " Une pointe de colère teintait ses mots. " Ça a été suffisamment difficile comme ça pour elle sans en plus avoir à tout revivre. "

 

Jessan baissa les yeux vers le sol. " Je… mais… elle était… Xena, c'est elle qui a offert de me raconter. " Il leva les mains dans un geste d'impuissance. " Ça n'avait pas l'air de trop la déranger. "

 

" Ouais, tu parles. " Xena se redressa un peu sur ses coudes et lui lança un regard noir. " C'est tout Gabrielle, ça. " Sa voix devint un peu plus froide. " Tu te souviens quand tu voyageais avec nous, je l'avais réveillée parce qu'elle faisait un mauvais rêve ? "

 

Jessan acquiesça et lui fit un petit sourire hésitant.

 

" C'était de cela qu'elle rêvait ", répondit-elle sérieusement. " Et elle en rêve encore. Alors rends-moi un service, OK ? Ne lui parle pas de ça. "

 

Jessan posa la main sur son bras et soupira. " Je suis désolée. " Ses yeux dorés croisèrent les siens. " Tu sais que je ne lui ferais jamais du mal intentionnellement. "

 

La guerrière s'appuya à nouveau en arrière et glissa ses mains derrière sa tête. " Je sais ", marmonna-t-elle. " Bref, pour répondre à ta question… c'est allé de mal en pis après Cirron. " Mais sur ses lèvres se forma un petit sourire. Oui, c'est ça… je peux toujours mettre ça sur le compte de la blessure… mais… je sais bien que ce n'est pas vrai…

 

Elle s'était rendue compte qu'elle perdait le fil de ses pensées sans raison… qu'elle oubliait ce qu'elle venait de faire… qu'elle se mettait à rêvasser à n'importe quel moment… et que nuit après nuit, elle ne pouvait plus s'arracher du campement pour aller faire son entraînement solitaire.

 

C'était… plus facile… de rester là après le dîner, étendue sur le côté, et d'écouter la voix claire de Gabrielle qui s'entraînait à raconter ses nouvelles histoires, ou lisait un poème sur lequel elle travaillait… ou… bref. Bien qu'elle n'était pas certaine que c'était plus facile pour le barde parce qu'elle ne comptait plus le nombre de fois où Gabrielle avait levé les yeux vers l'autre côté des flammes et croisé son regard, et en conséquence totalement perdu le fil de ses pensées.

 

Et puis elle riait, et se penchait à nouveau sur son ouvrage, avant de se frotter les tempes jusqu'à ce qu'elle se souvienne de ce qu'elle disait. Parfois, elle abandonnait complètement, et venait jusqu'à leurs sacs de couchage, avant de s'écrouler à côté de Xena et de s'appuyer contre elle. Elle n'avait plus besoin de trouver une excuse ou de demander la permission.

 

Elles regardaient dans les flammes, profitant de cette intimité, les doigts de Xena caressant distraitement les cheveux de Gabrielle, alors que le barde enroulait tranquillement son bras autour de la cuisse musclée de la guerrière, traçant du doigt les lignes tendues qui ressortaient si nettement sur la peau.

 

Elle était en train de perdre sa concentration, sa précision, et elle en était consciente. Elle le savait par les réponses de son corps qui se ralentissaient de façon subtile, et par l'effort qui lui fallait faire pour accomplir des choses auxquelles elle ne pensait d'habitude jamais. Mais… elle n'arrivait pas à retrouver le sens d'urgence dont elle avait besoin pour se bouger. Elle se trouvait… avalée dans cette sensation de chaleur heureuse qui l'assaillait toujours sans prévenir.

 

Elle avait essayé, et essayé dur, de s'en inquiéter, mais… ces yeux verts la regardaient soudain et croisaient les siens, et…

 

Par tous les dieux de l'Olympe… elle avait été amoureuse avant, mais cela n'avait jamais été comme ça. C'était incontrôlable… elle avait regardé toutes ses défenses disparaître… et avait vu les signes qui lui indiquaient que Gabrielle, d'une façon tranquille et émerveillée, répondait à l'attirance qui les rapprochait de façon irrésistible.

 

La seule chose qui l'avait retenue était sa conscience, née de ses crimes passés… et la certitude que Gabrielle méritait mieux que cela. Mais c'était difficile. Si difficile de ne pas s'abandonner. Surtout lorsqu'elle baissait les yeux et trouvait là le petit sourire incrédule sur les lèvres de Gabrielle lorsqu'elles étaient blotties l'une contre l'autre, la nuit, et qu'elles laissaient cette chaleur les envahir.

 

C'était une bataille qu'elle ne pouvait gagner, et elle le savait bien. L'arrivée d'Ephiny cette nuit-là dans les bois n'avait fait que repousser l'inévitable.

 

" Bref… " fit Xena en bâillant. " Quand Gabrielle était avec les Amazones, et j'étais à la maison, j'ai enfin eu le temps de me reposer un peu, et de manger convenablement pour une fois, et je crois que ça a aidé. " Voilà… c'est la version abrégée. Elle haussa les épaules d'un air désabusé. " Je me sens… " Merveilleusement bien… heureuse… joyeuse… " plutôt bien. "

 

Jessan s'étira sur son côté et appuya sa tête sur sa main. Ses yeux brillaient. " Ben, tu sais, moi… " il se pencha en avant et chuchota à son oreille. " Ça me donne envie de sautiller tout le temps comme un gamin. "

 

Xena se tourna à moitié vers lui et lui lança un coup d'œil, s'efforçant de contrôler le sourire qui se dessinait sur ses lèvres malgré elle. Elle finit par abandonner et se détendit, secouant la tête, avant de tourner son visage vers le soleil. " Ouais ", fit-elle dans un soupir, puis elle inspira une grande bouffée d'air froid. " Je ne peux pas me permettre de faire ça. "

 

L'être de la forêt laissa un doux sourire se dessiner sur ses lèvres. Ah… mon amie. C'est tellement bon de voir cette expression sur ton visage. Il soupira intérieurement. Si seulement... ses yeux se promenèrent sur les traits anguleux de Xena avec regret, tout en repensant à la conversation qu'il avait eue avec Gabrielle ce matin-là.

 

" Non ", avait-elle dit, en posant sa main sur la poitrine de Jessan. " Pas cette fois, Jess. Et je ne vais pas non plus la laisser essayer. "

 

" Mais… " avait-il commencé à dire, puis il avait arrêté lorsque les doigts du barde s'étaient agrippés fermement dans sa fourrure.

 

" Jessan. " Gabrielle le fixa droit dans les yeux. " Non. Et n'essaie pas non plus de lui en parler. Si elle pense qu'on attend d'elle qu'elle fasse quelque chose, elle le fera, juste pour prouver qu'elle peut le faire, et bon sang, je ne veux pas qu'elle endure ça en ce moment. " Et puis ses yeux s'étaient radoucis. " Merci… d'avoir posé la question. "

 

" OK ", avait-il dit tranquillement. " Mais Gabrielle… je te le dis parce que je suis comme elle… elle ne peut pas vivre avec une telle menace au-dessus de sa tête. "

 

Le barde avait alors posé la tête sur son épaule. " Je sais ", avait-elle répondu doucement. " Je m'occuperai d'elle. "

 

C'était étrange, se dit Jessan, de penser que Xena avait besoin qu'on s'occupe d'elle. La guerrière était étendue dans l'herbe, les bras pliés, les jambes croisées, son corps légèrement tendu comme il l'était toujours. Un souffle, un son, un mouvement de sa part pouvait déclencher une réaction mortelle. Elle n'avait de toute évidence, indubitablement et très agressivement besoin de personne pour s'occuper d'elle.

 

Et pourtant… Gabrielle avait raison. Elle était aussi de nature extrêmement compétitive… les effets résiduels de son emprisonnement dans l'éboulement devaient la miner, et Jessan se demanda si la guerrière voulait, ou même pouvait, oublier l'incident. Il se demanda si Gabrielle lui rendait vraiment service en ne la poussant pas à le faire… en fait…

 

" Alors. Parle-moi de cette cérémonie, Jessan ", fit la voix grave et vibrante de la guerrière, flottant au-dessus des vagues qui se dessinaient dans l'herbe.

 

En fait, je crois qu'elle arrive à lire dans les pensées, se dit tristement l'être de la forêt. Il roula sur le ventre et se redressa sur les coudes. Il lui décrivit alors la cérémonie, puis hésita un peu. " Euh… je me disais que… euh… "

 

" Du calme ", soupira doucement Xena. " Je dois y faire face depuis que j'ai six ans, Jess. " Elle tourna la tête et le regarda. " C'est juste un de ces trucs, tu sais… "

 

" Ça doit être dur pour toi ", répondit-il avec sympathie.

 

Elle eut un petit haussement d'épaule. " Nan, pas vraiment. " Puis ses yeux croisèrent les siens et elle soutint son regard. " L'invitation tient toujours ? "

 

Il cligna des yeux. " Qu… euh… bien sûr… je veux dire… mais… Gabrielle a dit que… "

 

La guerrière esquissa un sourire. " Oui… je sais. " Elle se frotta les yeux avec les doigts d'une main. " Je crois que j'aimerais lui faire la surprise. " Et à moi aussi.

 

La grosse main de Jessan se posa sur son épaule. " OK. Fais-le si tu peux ", répondit-il. Et je ne vais sûrement pas parier contre toi. Non. Pas moi. " Ça te dit d'aller manger un morceau ? "

 

Xena réfléchit à la question. " Ouais, ça me dit bien ", décida-t-elle, avant de sourire. Je ferais mieux de manger. Sinon, je vais me faire engueuler… ça devrait me rendre dingue. Une sensation chaleureuse l'envahit à cette pensée. Mais pas avec elle, non. Elle s'étira paresseusement, puis se renversa d'un mouvement fluide avant de se propulser en un saut avant qui l'amena sur ses pieds, à côté de Jessan. Elle essuya distraitement les plis de sa tunique. Dieux… ce que j'aime faire ça. Elle ricana doucement en remarquant l'expression sur le visage de Jessan. Elle lui tendit la main. " Allez, viens. "

 

Il prit la main offerte et la laissa le hisser sur ses pieds. " Je me fatigue rien qu'en te regardant parfois, tu sais ça ? " Il essuya son pantalon de la même façon, puis ramassa son fourreau dans lequel était rangée son épée. Il étouffa un bâillement alors qu'ils se mettaient en route à travers l'herbe épaisse et retournaient vers le village.

 

" Hm. Gabrielle dit la même chose ", commenta tranquillement Xena en se penchant en avant pour arracher un brin d'herbe. Elle en examina l'extrémité pensivement, puis se mit à la mordiller, appréciant son goût un peu poussiéreux. Elle aimait la sensation du soleil sur son dos, et elle laissa avec plaisir le vent souffler dans ses cheveux. Je crois… pendant un petit moment en tout cas, que je vais arrêter de m'inquiéter. Il y des jours sombres devant nous… je le sens… Mais pour l'instant… pour l'instant, il y a le soleil, et le bon air, et cette… sensation. Et je vais en profiter pendant que je le peux encore. Elle lança un coup d'œil en coin à Jessan. " Hé. "

 

Il tourna la tête et leva un sourcil doré. " Quoi ? "

 

Elle lui donna un bon coup dans les côtes. " On fait la course ? " Puis elle lui prit son épée des mains et se mit à courir tranquillement, tout en le regardant du coin l'œil.

 

" Hé ! " balbutia Jessan. " Oh… arrête un peu… Xena !!! " Il secoua la tête et se lança à ses trousses. " C'est pas juste ! "

 

************************************************

 

 

 

Gabrielle regarda au coin de l'ouverture de la grotte intérieure, ses yeux se promenant avec intérêt sur les murs inégaux et le sol poussiéreux. Ces murs étaient composés de plusieurs couches de granite, comme ceux des salles extérieures… de la roche sombre parsemée de traits rouille et bleu foncé, ainsi que de petits éclats de gypse un peu partout.

 

A l'intérieur, la lueur des torches exposait une série d'objets recouverts de poussière et qui ressemblaient apparemment à une couchette, contenant les restes désintégrés de deux squelettes. " Oh ", fit le barde avant de tousser, alors que les pas de Tody soulevaient un nuage de poussière. Il y avait une légère brise dans la grotte et, levant les yeux, Gabrielle remarqua deux autres passages qui plongeaient dans les ténèbres. La brise provenait de l'un d'entre eux, et elle détecta de légères traces d'humidité qui, d'après ce que Xena lui avait appris, lui indiquait la présence d'un cours d'eau. Un ruisseau souterrain ? L'air était aussi un peu froid et elle frissonna, par réflexe.

 

A cet instant, Tody poussa un cri et elle sursauta.

 

" Désolé ", fit-il en souriant, tournant la tête vers les ouvertures. " Il y a de l'écho. " Il avança lentement vers les sons, et s'arrêta devant l'une des ouvertures. " Et de l'eau, aussi ", fit-il par-dessus son épaule. " On l'entend couler. "

 

Elaini s'accroupit près de la couchette et passa doucement ses doigts sur un morceau de tuile poussiéreux, à moitié enfoui sous les débris. " Tiens, la voilà ", dit-elle en se tournant vers Gabrielle.

 

Le barde avança de quelques pas et s'agenouilla à côté de la tablette, tenant sa torche au-dessus tout en soufflant sur la surface. Des lettres à moitié formées apparurent dans l'obscurité, sous ses yeux, et elle attendit patiemment, jusqu'à ce que la forme des mots commence à prendre une signification précise. " C'est très vieux, pas de doute là-dessus ", murmura-t-elle en s'asseyant en tailleur par terre, contente que ses chausses et ses bottes soient là pour la protéger des morceaux de granites acérés. Cela lui avait fait bizarre d'enfiler les chausses pour la première fois, mais elle appréciait la chaleur qu'elles lui apportaient, et en plus, Xena avait insisté.

 

" Et pourquoi tu n'en mets pas, toi ? " avait-elle dit en posant ses mains sur ses hanches, lançant un regard accusateur à sa compagne.

 

Ce qui lui avait valu un sourcil levé. " Parce que je ne vais pas aller ramper dans une grotte froide et sombre, moi ", avait répondu Xena, avant de lui toucher le bout du nez.

 

Alors elle avait enfilé les chausses, et elle ne le regrettait pas. Elles étaient douces, et elle les aimait bien, maintenant qu'elle s'y était habituée. Elles étaient longues, évidemment, puisqu'elles étaient à Xena, mais elle les avait rentrées dans ses bottes et elles n'étaient qu'à peine un peu trop grandes, conçues à l'origine pour être portées plus près de la peau.

 

" C'est… vraiment un dialecte très ancien, mais… " soupira le barde, fronçant les sourcils. " C'est presque comme si ça avait été écrit par quelqu'un qui ne parlait pas très bien la langue. Les mots ne sont pas dans le bon ordre. "

 

Elaini renifla un peu, réfléchissant. " Alors… qu'est-ce que ça dit ? "

 

Gabrielle se concentra. " Je vais essayer de déplacer les mots pour mieux comprendre… on dirait une espèce de journal. "

 

L'être de la forêt ricana. " Sur une tablette ??? "

 

" Ils n'avaient rien d'autre ", répondit Gabrielle très doucement. " Rien que la pierre. " Elle inspira, puis commença à lire, lentement, hésitante, mais régulièrement.

 

C'est le milieu de la seconde lune après que notre navire s'est échoué sur la plage, et que nous avons été rejetées ici, solitaires. La grotte qui est devenue notre abri, écrase Elevown et elle fait les cent pas tel un chat sauvage sur ce sol rugueux.

 

Je souhaiterais avoir une réponse à sa fébrilité, mais je n'en ai pas, et ne peux en trouver - car elle est de la race des guerriers, et étrangère à mes yeux, et elle ne me parle que par rudes aboiements et jurons furieux. La neige bloque les cols, et même sa force entêtée n'est pas de taille face à cela. Et pourtant elle a essayé, et échoué, et elle est revenue dans ce misérable petit trou dans la roche, emplie de fureur. Nous ne pouvons même pas échanger un mot - car elle est de la race des seigneurs de la mer du Nord, et je suis Galloise dans l'âme, et ne parle aucun des dialectes du nord, bien que je sois douée dans ma propre langue, et celle des marchands, et un peu dans celle que j'ai entendue au loin sur la côte.

 

Elle m'effraie. Je sais qu'elle me trouve ridicule car je ne suis qu'une serve, et sans aucun talent à part quelques traits maternels qui ne nous apportent rien dans ce pays sauvage et fruste.

 

J'écris dans la langue de ces contrées, ainsi elle ne peut pas connaître mes pensées, ou voir la peur qui hante mon cœur quand elle s'assied là, maussade et silencieuse dans notre retraite obscure.

 

Elevown a réussi, tant bien que mal, à trouver du gibier ce soir, alors que nous sommes maintenant entrées dans notre troisième lune, et nous avons quelque chose de chaud à manger pour la première fois depuis quinze jours. J'ai constamment froid, mais je ne dis rien, car elle ne se plaint pas, bien que je puisse voir la faim laisser des traces en elle, et les yeux blafards qu'elle tourne vers le vide me disent qu'elle le sait bien.

 

Qu'elle sait bien que toutes les deux… nous nous approchons du Long Hiver, et je prie en silence, pour que nos dieux si éloignés nous entendent, et nous aident dans cet endroit étrange et étranger.

 

Ce soir, j'ai si froid que je peux à peine tourner mes pensées sur la tablette, et mes mains tremblent et se crispent dans le froid glacé. La soupe est enfin prête, et je reste là assise, attendant patiemment qu'elle ait mangé sa part avant d'oser approcher de la marmite.

 

Et… Elevown remplit le plus grand des deux bols de fortune qu'elle a sculptés, et je ne peux le croire, elle se penche et me le tend, ses yeux clairs sans expression comme à l'habitude, et sans un mot. Je prends le bol et elle remplit l'autre, et elle va s'asseoir près du mur du fond, solitaire. Cela m'effraie grandement - car je comprends qu'Elevown sait, au fond de son cœur, que cette grotte sera notre dernière demeure. Et en voyant ses yeux creusés, et en imaginant les miens, je sais bien aussi que c'est ce qui nous attend.

 

Gabrielle s'arrêta de lire, et baissa les yeux, regardant quelques larmes laver la poussière de la tablette. Tody et Elaini ne disaient pas un mot, et elle entendait le faible sifflement du vent qui rentrait par l'ouverture de la grotte, et le cliquetis lointain et triste de l'eau dans les tunnels sur sa gauche.

 

" C'est tellement triste ", fit Elaini, brisant enfin le silence. Elle bougea un peu pour trouver une meilleure position. " D'où venaient-elles, tu le sais, Gabrielle ? "

 

Sans un mot, le barde secoua la tête. Elle but une longue gorgée d'eau de son outre, puis s'éclaircit la gorge et reprit sa lecture.

 

Une autre petite victoire sur le long chemin des défaites. Nous avons de nouveau de la nourriture ce soir, mais à quel prix… Elevown a dû combattre des loups pour garder sa proie, et son sang tâche ses vêtements ; ses yeux montrent sa souffrance, bien qu'aucune plainte ne passe ses lèvres. Elle se blottit dans son coin et je prends la viande si durement gagnée et fais de mon mieux pour la préparer

 

Mon cœur se serre, j'apporte son bol à Elevown et avec un regard de regret tranquille, elle repousse ses fourrures et je vois le trou fait par le loup. Elle fait une grimace alors qu'elle essaie de me sourire, et repousse le bol vers mes mains. Son propos est clair. Elle n'a plus besoin de nourriture.

 

Je souffre. Cette personne étrange et froide a fait son chemin vers mon cœur, et je ne souhaite pas la voir finir son existence ici dans cet endroit horrible. Je vais chercher des bandages, des tissus, de l'eau bouillante et je lui demande, par signes, de me permettre de faire ce que je peux pour ces terribles blessures.

 

Elle commence par me repousser. Puis, trop fatiguée, ou peut-être simplement parce qu'elle a renoncé, elle me laisse faire et ferme les yeux. Son corps a été durement éprouvé et porte de terribles cicatrices qui marquent sa peau claire. Plus claire que la mienne encore, tout comme ses cheveux portent la pâleur des pays du Nord, et ses yeux ont le gris d'un ciel orageux. Elle a la haute taille des gens du Nord, et la carrure d'un marin, des bras puissants, et les épaules larges et arrondies d'une guerrière.

 

Je soigne ses blessures et, à la fin, lorsque j'ai fait le peu que je pouvais pour l'apaiser, elle ouvre les yeux et son regard croise le mien, et elle me fait un petit sourire. Je souris à mon tour du mieux que je peux, et elle lève la main pour m'effleurer la joue.

 

Oh… ma mère… j'ai entendu des histoires sur ceux qui ont donné leur cœur… oui, je n'imaginais pas pouvoir moi-même ressentir cela. Mais ce jour arrive, et sans même crier gare, et c'est si facilement à cette étrangère rustre et brutale que je le donne, et avec si peu de mise en garde que j'en ai presque le tournis.

 

Gabrielle s'arrêta à nouveau et s'appuya en arrière, croisant les mains sur ses genoux, attendant que les émotions se dissipent. Un peu trop familier, hein, Gabrielle ? Je sais… ce que l'auteur ressentait.

 

" Gabrielle ? " fit la voix d'Elaini, gentiment. " Arrête… s'il te plaît. Tu as l'air troublée. "

 

Tody s'éloigna du tunnel et vint se blottir doucement contre elle, enroula sa taille de son petit bras. " Tu… arrives à le Voir ", dit-il à voix basse.

 

" Oui ", avoua le barde. " C'est vrai. " Elle inspira profondément et secoua la tête. " Une autre époque, un autre endroit… " Elle se frotta doucement les tempes. " OK… bon, et si on finissait pour voir si on y parle de ces parchemins, hein ? "

 

Elaini posa la main sur son bras. " Non… arrête-toi, ma sœur. "

 

Gabrielle secoua la tête. " C'est bon, vraiment. " Elle retourna son attention vers les tablettes.

 

Elle dort d'un sommeil agité cette nuit, et ses blessures la font beaucoup souffrir, parce que je peux voir la blancheur de ses phalanges quand elle serre les mains. Je fais ce que je peux, mais les humeurs malades la ravagent avec leur fièvre, et elle ne sait plus qui elle est, ni qui je suis, mais elle parle doucement, avec difficulté dans sa langue aride, des mots qui ne signifient rien pour moi. Je la laisse attraper ma main, et j'essaie d'humecter ses lèvres lorsque la raison la reprend, mais je sais que ce n'est pas assez.

 

Jusqu'à l'aube, elle repose calmement, et je baisse la tête pour voir ces yeux gris me fixer avec une expression de… je ne saurais dire. De tristesse peut-être. De regret, je connais ça aussi. Elle serre ma main dans les siennes bien que je ne sache pas d'où vient cette force, et si doucement, elle touche mes doigts de ses lèvres avant de refermer les yeux.

 

Je suis perdue. Je n'ai jamais ressenti une telle force, un besoin aussi intense qu'en ce jour, ce matin clair et froid. Je prie la Dame de nous laisser. Je la prie de ne pas me prendre ce cadeau étrange, mais je sais, par la pâleur de son visage, et la légèreté de son souffle, que mes prières ne seront pas exaucées

 

Je me sens ébranlée, et je sais, oh comme je sais, que cet hiver froid sera la fin pour nous deux, mais je frissonne à l'idée que je connaîtrai la mienne en dernier, et seule, privée même de sa présence silencieuse. Mon cœur hurle d'agonie et c'est comme si c'était moi, et pas elle qui avait reçu la blessure mortelle tant la douleur est forte. Quelle est cette chose terrible ? Je souffre de simplement la regarder. Je prie pour qu'elle ouvre les yeux une fois encore, parce que je ne veux pas encore lui dire adieu.

 

Mais la fin est proche, alors que je sens les mains froides de l'Ankou planer au-dessus d'elle, et je fais de mon mieux, c'est-à-dire que je la prends dans mes bras et je la réchauffe de mon corps et du peu de forces en moi, pour compenser celles qui se meurent en elle. Je prie, une dernière supplique à la Mère pour qu'elle me prenne vite, parce que je ne veux pas connaître la solitude et le vide de cet endroit oublié.

 

Je ferme les yeux, comme elle l'a fait, et je me recommande au Long Sommeil, et espère que la Mère nous emportera doucement dans ses bras.

 

Je suis Ardwyn. Elle est Elevown du Nord.

 

" Je ne peux pas lire le reste ", soupira Gabrielle en essuyant les larmes de son visage du revers de sa main couverte de poussière.

 

" Chhh… ce n'est pas grave ", fit Elaini d'une voix rassurante en lui tapotant la jambe pour la réconforter. " Plus tard. "

 

Gabrielle leva les yeux, repoussant les cheveux qui lui tombaient dans les yeux avec une expression épuisée. " Non… ce n'est pas que je ne veux pas, je ne peux pas. C'est une langue différente…. Ecrite d'une autre main. "

 

L'être de la forêt s'approcha un peu plus et regarda la tablette. " Bon sang… tu as raison. " Un coup d'œil vers Gabrielle. " Tu ne reconnais pas cette langue ? "

 

Le barde secoua la tête. " Non. "

 

" Peut-être… celui qui les a trouvées ? " fit Elaini.

 

" Peut-être ", acquiesça doucement Gabrielle. " Il n'y a rien sur les parchemins. " Elle fit des yeux le tour de la salle. " Mais je pense qu'ils doivent être quelque part dans une boîte, et sans doute sous tous ces trucs. "

 

" OK… " Elaini lui jeta un coup d'œil. " Est-ce que… tu veux quelque chose ?… un peu d'eau… est-ce que… voilà ce qu'on va faire. " Elle inspira. " Si on ressortait pour manger un morceau, OK ? " Elle se leva. " Ensuite, on pourra chercher les parchemins. "

 

" OK. " Le barde laissa ses doigts glisser sur la surface de la tablette, et soupira. Ardwyn… Les syllabes étaient étranges dans son esprit, et elle avait du mal à les prononcer à voix haute. Elle tapota le bras de Tody. " Ça va, toi ? "

 

Il tourna la tête et ses oreilles pivotèrent vers elle. " C'est tellement triste ", soupira-t-il. " Elles n'ont même pas eu le temps de… "

 

On était si près, Xena… est-ce que tu sais que je mets à genoux tous les jours et remercie les dieux de nous avoir donné une seconde chance ? " Je sais… parfois, tu ne te rends pas compte à quel point tu as de la chance jusqu'à ce que tu entendes une histoire comme celle-ci, hein ? "

 

Tody lui sourit doucement et la serra fort contre lui.

 

Gabrielle choisit un endroit bien ensoleillé où s'installer, appuyée contre les rochers chauds, et entoura ses genoux de ses bras. Elle mordilla d'un air absent le petit sandwich qu'elle avait sorti de son sac, et laissa ses yeux se promener sur la cime des arbres qui s'élevaient sur les pentes près d'eux.

 

Ce qu'elles ont dû ressentir, se dit-elle, alors que la scène ensoleillée sous ses yeux disparaissait pour faire place dans son esprit à une autre, entourée de silence et de neige, qui la fit frissonner par réflexe. Dieux. J'ai affronté la mort… on a toutes les deux affronté la mort… mais savoir qu'elle va venir comme ça… Puis elle s'arrêta de mâcher son déjeuner et regarda la montagne un long moment. Je me demande si c'est ce que Xena a ressenti, pendant cette journée tout entière, piégée là-dedans. Oh, dieux… comment a-t-elle fait ? Qu'est-ce que j'aurais fait, moi. Est-ce que je me serais battu aussi dur, et aussi longtemps qu'elle l'a fait ? Ou est-ce que j'aurais fait comme Ardwyn et… abandonné ?

 

Un souvenir lui revint à l'esprit, celui de ces dernières secondes, suspendues au-dessus d'une rivière de lave en fusion, tandis que deux déesses enragées se livraient bataille. Le souvenir d'une voix qui lui avait dit : " Ne me quitte pas des yeux. "

 

Mais elle l'avait fait. Elle avait senti la corde tomber, puis vu deux formes passer tout près d'elle et plonger vers la chaleur montante de la rivière.

 

Et son corps avait abandonné. Elle avait lâché la corde avec un murmure. " Pardon… " Pour elle-même… pour Xena, qui se tenait sur le bord juste au-dessus d'elle. Elle était épuisée… et devoir revoir Callisto l'avait épuisée plus qu'elle n'aurait cru possible. Elle avait fermé les yeux, et s'était laissé tomber, sa dernière pensée allant à Xena. Et elle avait entendu la vibration de l'air, et puis on l'avait brusquement tirée par les bras, son corps arrêtant net sa chute. Et puis elle avait entendu à nouveau cette même voix, calme, presque détendue. " Je te tiens. " Xena n'avait pas abandonné, même si elle… non, sa meilleure amie, parfois si énervante, qui parfois la rendait folle, et qui était toujours si têtue, avait plongé du haut de la falaise la tête la première sans la moindre pensée pour sa propre sécurité pour tenter contre toute attente de saisir le barde dans les airs.

 

Bien sûr, cela avait marché.

 

Mais cela aurait pu ne pas marcher… Qu'aurait fait Xena ? Elle avait levé la tête et leurs yeux se croisèrent… pendant un moment, elle avait lu une étrange expression de paix sur le visage de sa compagne, comme si Xena n'avait jamais douté de ce dénouement. D'une façon ou d'une autre… et Gabrielle avait soudain senti qu'elles auraient toutes les deux remonté cette corde…

 

Ou pas du tout.

 

Une main chaude se posa sur son épaule et elle leva les yeux, surprise. " Hm ?… désolée. Salut. "

 

Elaini vint s'asseoir près d'elle et observa son visage. " Tu vas finir ça ou tu attends qu'il disparaisse tout seul ? "

 

" Désolée ", fit Gabrielle avec un petit rire penaud, puis elle mordit à belles dents dans le sandwich. " Je réfléchissais, c'est tout. " Elle avala, puis jeta un coup d'œil à son déjeuner. " Mmm. " Elle l'examina, puis se mit à rire doucement. Xena lui avait lancé le paquet d'un air tranquille, en faisant une remarque sarcastique sur les bardes et la nourriture, remarque que Gabrielle avait choisi d'ignorer. Tous les trucs que j'aime. Dieux… je pense toujours qu'elle ne fait pas attention aux choses de ce genre, et elle arrive toujours à me surprendre. Et pour une raison un peu confuse, ce petit geste lui réchauffa le cœur. Elle leva les yeux vers Elaini et lui sourit, franchement cette fois. " Alors… qu'est-ce qui te fait croire qu'il y a des parchemins là-dedans, Elaini ? "

 

L'être de la forêt se détendit un peu et s'installa contre le mur. " En fait, c'est une de nos légendes. " Elle soupira. " Nous avons l'un des parchemins… dans un coffret dans la réserve de Wennid. Le coffret a pris l'eau et a été endommagé… mais certains passages expliquent comment réduire des fractures, et recoudre des blessures, et des choses comme ça. Le parchemin fait référence à d'autres parchemins… et on raconte qu'il y a un autre coffret quelque part par ici. "

 

" Où l'avez-vous trouvé ? " demanda le barde en prenant une autre bouchée et en la mâchant avec un plaisir presque sensuel. Hmm… je ne m'étais pas rendue compte que j'avais faim.

 

Elaini haussa les épaules. " Un groupe de chasseurs l'a trouvé… dans une petite cabane, un jour. " Elle poussa du doigt le pack déjeuner de Gabrielle et sourit. " Hé… comment tu as fait ton coup ? Tout ce que j'ai eu, moi, c'est du pain et du fromage. "

 

Le barde lui fit un clin d'œil. " Il faut savoir choisir celui qui prépare le déjeuner. " Elle regarda ce qu'elle avait en plus, et sortit une framboise, avant de la passer à Elaini. " J'ai le meilleur du marché. "

 

" Merci ", fit la guérisseuse, amusée. " Ça doit être sympa. "

 

Gabrielle avala une noix enrobée de miel et hocha la tête. " Hm, hmm. " Elle partagea ses framboises avec Elaini et Tody, qui s'était un peu éloigné et jouait avec quelques cailloux qu'il avait ramassés.

 

" C'est bon ", fit Elaini en se tournant vers le soleil avec un petit bâillement. " Je ne les ai pas vues ce matin dans la cuisine, sinon… j'en aurais pris moi aussi. "

 

Gabrielle repensa au matin, lorsque Xena était rentrée dans leur chalet alors qu'elle se réveillait à peine et que la guerrière avait posé un petit paquet près de ses sacoches avant de récupérer son équipement d'entraînement. " Non… je crois que la grande chasseresse de framboises a encore frappé. " Elle s'appuya en arrière, les mains sur le ventre et soupira d'aise, prenant un moment pour profiter du soleil sur son visage malgré la brise froide. Puis elle roula la tête vers Elaini et ouvrit un œil. " On devrait reprendre les recherches, hein ? "

 

La guérisseuse grogna. " Ouais… Par Arès, cette marche m'a vraiment épuisée ", fit-elle en se plaignant un peu, alors que Gabrielle se levait et s'étirait. " Je n'ai pas l'habitude, comme toi. "

 

Le barde sourit doucement et lui tendit la main. " Tiens… tu veux que je t'aide ? "

 

L'être de la forêt ricana. " Je ne suis pas si épuisée que ça. " Elle se leva tant bien que mal et essuya rapidement sa salopette. Elle prit Tody par la main et avança vers l'ouverture. " Encore que… " fit-elle avec un petit rire triste. " Avec Jess… je crois que tous les deux, on va plutôt renforcer nos tendances paresseuses mutuelles… on risque d'avoir des problèmes. " Elle ralluma la torche et fit passer Tody devant elle. " C'est pas un problème pour toi, je sais. "

 

Mmmm… pensa Gabrielle. " En fait, on n'arrête pas de m'accuser d'avoir une mauvaise influence ", fit-elle en riant alors qu'ils entraient à nouveau dans la grotte extérieure. " Et j'avoue aussi mener une campagne active pour la forcer à se détendre un peu. " Un petit sourire triste. " Mais c'est pas facile. "

 

Elaini coinça la torche dans une crevasse du mur, et en alluma une deuxième, jetant un coup d'œil à Gabrielle par-dessus son épaule. " Elle a l'air… vraiment intense. "

 

" On peut dire ça ", marmonna le barde entre ses dents tout en allumant sa torche. " OK, allons-y. " Elle prit la tête cette fois, et entra la première dans la caverne intérieure, avant de placer sa torche entre deux rochers. La moitié de la salle avait subi une sorte de glissement de terrain, car un tas de morceaux d'ardoise recouvraient une bonne partie des objets, et Gabrielle comprit qu'elles allaient devoir creuser. " On ferait aussi bien de commencer. "

 

Ils mirent en place une chaîne : Gabrielle et Elaini creusèrent avec précautions dans les morceaux tranchants d'ardoise, avant de les empiler dans un sac. Tody prenait alors le sac et le traînait jusqu'à la salle extérieure, avant de le vider dans un coin. Le soleil avait commencé son chemin vers l'ouest lorsqu'ils découvrirent enfin un gros bloc de pierre plate qui bougea un peu lorsque Gabrielle y posa son pied. " On dirait que ça bouge ", commenta le barde en s'agenouillant pour examiner la surface.

 

" Ouais ", soupira Elaini en s'essuyant le front d'un geste las ; elle passa les doigts rapidement dans la fourrure qui lui couvrait la tête. Elle regarda le barde poser ses doigts sur la pierre aiguisée et la soulever légèrement, les muscles de son bras ressortant soudain sous sa peau bronzée.

 

" Ugh. " Elle relâcha la pierre, et appuya ses avant-bras sur ses genoux. " Je peux pas. Xena pourrait peut-être la soulever, mais pas moi. "

 

Elaini leva les sourcils tout en essayant à son tour. " Ça m'étonnerait ", fit-elle en riant. " On va avoir besoin de quelques gros bras pour la soulever. " Elle regarda autour d'elle. " Et il fait presque nuit. On ferait mieux de remettre ça à demain ; on pourra ramener de l'aide. "

 

Gabrielle tapota la surface du bout des doigts, et acquiesça. " Ça me va. " Elle regarda ses mains. " J'ai besoin d'un bon bain ", fit-elle en grimaçant ; la guérisseuse l'imita. " Heureusement que ça descend au retour. "

 

Elles sourirent toutes les deux, et Tody se mit à rire, tout en ramassant sa collection de petits cailloux dans un sac. " C'était cool ", fit-il en souriant. " Je peux revenir avec vous demain ? "

 

Elaini se redressa avec un grognement de soulagement et s'étira. " A condition que tu promettes de ne pas nous gêner pendant qu'on déplace les gravats ici, OK ? "

 

" OK ", accepta-t-il avec enthousiasme, en se secouant vigoureusement.

 

Gabrielle les laissa passer devant et se retourna à l'entrée de la caverne intérieure, pour regarder les squelettes et les tablettes. La dernière partie de l'histoire l'intriguait, et elle pensa pendant un instant à la recopier pour pouvoir l'étudier plus tard. Mais elle aurait bien le temps demain. Elle repassa alors dans la grotte extérieure, où Elaini et Tody ramassaient leurs affaires.

 

Elle les rejoignit et en fit de même, avant de les suivre à l'extérieur, sur le plateau, où le soleil couchant formait des taches rouges sur le granite.

 

" Brrr ", fit le barde en frissonnant, alors qu'un courant d'air froid remontait le long du chemin et lui repoussait les cheveux en arrière. Elle soupira et ouvrit son sac pour en sortir l'outre d'eau. " Si seulement… " Elle ne termina pas sa phrase et se mit à sourire lorsque sa main trouva la texture familière de son manteau léger, bien plié et placé au fond du sac. Oh… tu vas avoir droit à un gros câlin pour ça, ma chérie. Je croyais qu'on reviendrait avant la tombée de la nuit… Elle sortit le manteau et le secoua un peu avant de l'enrouler autour de ses épaules avec un petit rire et de commencer le trajet de retour.

 

 

 

Chapitre 70

 

 

 

" Si elle a des jumeaux, j'en veux un ", murmura Jessan à l'oreille de Xena alors qu'ils regardaient une Argo un peu méfiante flirter avec un Eris très intéressé.

 

Xena leva un sourcil. " Ah ouais ? " Ses yeux se promenèrent un moment sur la silhouette de l'étalon noir de Jessan. " Il a tendance à faire ça en double ? "

 

Jessan eut un petit sourire supérieur. " Ouais. "

 

La guerrière s'appuya sur la barrière de l'enclos et renifla, pensive. " Et toi ? "

 

Il rougit jusqu'au museau qui devint couleur brique et Xena éclata de rire, faisant sursauter Arès qui était debout sur ses pattes arrière, lui aussi appuyé contre la barrière de l'enclos.

 

" Roo ? " Il tourna sa tête sombre vers le bruit. " Grr. "

 

Xena se baissa et lui gratouilla les oreilles. " Désolée… je n'ai pas pu m'en empêcher ", fit-elle en riant, avant de poser son menton sur son bras, enroulé autour de la barrière.

 

Jessan soupira. " Ouais, ouais… " Il se frotta le visage, essayant de faire disparaître sa rougeur. " Xena, il faut que je te pose une question. " Il attendit.

 

Elle se tourna vers lui. " Alors… ta question ? ? "

 

" Oh. Ah oui… euh… " Il baissa les yeux. " Arès ? ? "

 

Xena soupira et tendit la main pour prendre le loup dans ses bras. Arès gigota joyeusement contre elle jusqu'à ce qu'il arrive à atteindre son visage d'un coup de langue et se mit à l'embrasser. " Arrête ça ", grogna-t-elle.

 

Il s'arrêta puis ses yeux jaunes clignèrent.

 

Enfin, il lui lécha le bout du nez et se mit à remuer la queue.

 

Ce fut son tour de rougir, et celui de Jessan de rire. Puis elle saisit le loup et pointa son museau vers Jessan. " Regarde ", fit-elle. " Les cheveux noirs, les yeux clairs… " Elle attrapa la barbichette du chiot. " La barbe noire… il lui ressemble vraiment. "

 

Jessan recula et mit ses mains sur ses hanches, la tête penché sur le côté. " Tu rigoles ! "

 

Elle leva les sourcils et sourit sans rien dire.

 

Il déglutit. " Tu le connais vraiment, hein ? " Ce n'était en fait pas une question.

 

" Oui ", répondit-elle doucement. " Mieux que j'aimerais le connaître. "

 

Un bref silence tomba entre eux. " Bref… " dit finalement Xena en reposant le loup par terre. " Quand je l'ai trouvé… je n'étais pas… " Elle s'arrêta et se tourna vers l'enclos, et regarda en souriant Argo glisser son cou par-dessus celui d'Eris. " Je n'étais pas dans un très bon état d'esprit. " Elle appuya son menton sur son poing, appuyé sur la barrière. " Ça m'avait paru être une bonne idée à l'époque, c'est tout. "

 

Jessan s'approcha et, hésitant, posa sa main sur le bras de la guerrière. " Xena… est-ce que… ça va… avec tout ça ? Je sais… ce n'est pas quelque chose que tu voulais vraiment. "

 

La guerrière garda le silence un long moment, les yeux fixés sur les chevaux et la cour qu'ils se faisaient. Elle frotta le bois rugueux de la barrière du doigt, puis leva les yeux vers Jessan. " Oui ", fit-elle en hochant la tête. " Je l'ai combattu pendant si longtemps… et quand j'ai finalement abandonné, c'était comme si je me noyais ". Elle fit une pause et esquissa un sourire. " D'une façon positive ", ajouta-t-elle. " Mais je nage plutôt bien ", dit-elle d'une voix traînante. " Ça ira très bien. " Encore une pause. " Mais merci de t'inquiéter. "

 

Il hocha rapidement la tête. " Ouais. Euh… bon, ils ont l'air de se débrouiller. " Il désigna d'un coup de tête les deux chevaux qui se frottaient l'un contre l'autre.

 

Xena regarda sa jument et se mit à rire. " Ouais. " Le soleil couchant donnait des teintes de feu à la robe d'Argo, et faisait ressortir les nuances de celle, plus sombre, d'Eris. Distraitement, elle promena son regard sur l'horizon, puis s'arrêta lorsque ses yeux se posèrent sur le chemin qui conduisait hors du village.

 

Il y avait du mouvement et Jessan l'avait lui aussi repéré. Ils regardèrent un moment, puis échangèrent un coup d'œil et sourirent tous les deux. " Je crois qu'on ferait mieux d'aller voir s'ils ont trouvé quelque chose ", commenta la guerrière. "

 

" Ouais ", acquiesça Jessan.

 

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Sur le chemin du retour, Gabrielle eut le temps de réfléchit à ce qu'elle avait lu sur les tablettes. Beaucoup trop de temps, en fait, et elle se rendit compte que l'histoire emmenait son esprit sur des chemins qu'elle ne voulait pas emprunter. Allez… pas la peine de jouer à ce petit jeu, OK ? Ton histoire ne s'est pas terminée de la même façon, Gabrielle.

 

Ils atteignirent le bout du chemin et entrèrent dans le village ; Gabrielle plaça sa main devant ses yeux pour se protéger de la lumière du soleil couchant lorsqu'elle repéra deux grandes silhouettes qui s'avançaient vers eux.

 

" Roo ! ! ! " s'écria Arès, bondissant dans l'herbe et sautant entre ses jambes.

 

" Salut, Arès ", fit le barde en souriant en ébouriffant sa fourrure. Puis elle leva les yeux. Et, mue par un instinct qu'elle ne se sentait pas la force de combattre, elle s'avança jusque dans les bras de Xena et enfouit son visage dans la tunique de la guerrière, se plongeant délibérément dans leur connexion, chaude et solide, et aussi réelle que le vent froid et l'odeur des pins autour d'eux.

 

" Hé… " fit doucement Xena tout contre son oreille. " Qu'est-ce qui ne va pas ? " Gabrielle ne répondit pas, et se contenta de la serrer encore plus fort. " OK… je te tiens… calme-toi. " Ses yeux bleus se posèrent froidement sur Elaini. " Qu'est-ce qui s'est passé ?

 

L'être de la forêt secoua la tête. " C'était… je ne sais pas, Xena. Il y avait une histoire sur une des tablettes dont on t'a parlées… elle l'a lue… et c'était… vraiment triste, mais… " Elle haussa les épaules, impuissante. " Je ne sais pas. " Elle leva les sourcils, inquiète, les yeux fixés sur le barde silencieux.

 

Gabrielle leva la tête et s'éclaircit la gorge. " Ça va aller. " Elle regarda sa compagne inquiète. " Désolée… je ne voulais pas… " Elle se détendit un peu et arrangea le tissu de la tunique de Xena à laquelle elle s'était agrippée. " Je n'ai pas réfléchi. Vraiment, ça va. J'ai juste un peu froid, c'est tout. "

 

Les yeux bleus de Xena se fixèrent avec intensité sur les siens. Et un sourcil levé bien haut lui indiqua qu'on ne la croyait pas. Elle répondit par un regard suppliant qui voulait dire 'plus tard'. Xena fronça les sourcils et ne dit rien pendant un long moment, puis elle céda et soupira. " Lestan nous a invitées à dîner. Tu as envie d'y aller ? " Son regard direct affirmait très clairement que le barde pouvait très bien refuser.

 

" OK ", fit-elle en souriant, avec une petite tape. " Mais il faut que je me débarbouille. J'ai de la poussière de granite dans des endroits pas possibles. "

 

Xena acquiesça à contrecœur. " OK. On vous retrouve là-bas ", dit-elle à l'intention de Jessan et Elaini qui attendaient sans rien dire. Jessan acquiesça et glissa son bras sous celui d'Elaini avec un petit sourire.

 

Ils regardèrent les deux humaines s'éloigner vers leur chalet, puis Jessan se tourna et regarda sa compagne sérieusement. " Qu'est-ce qui s'est passé, là-bas ? "

 

Elaini lui lança un regard étonné. " Vraiment, Jess… je n'en sais rien. OK, l'histoire était triste… ça parlait de deux étrangères qui ont fait naufrage et ont fini par s'abriter dans la grotte. L'hiver était rude et elles n'ont pas survécu. Je ne… elle avait l'air d'aller bien quand on est parti… je ne comprends pas. "

 

Jessan secoua la tête. " On saura peut-être plus tard. " Il lui donna un petit coup d'épaule. " Allez, viens… maman est en train de préparer ses petits pâtés à la viande… t'en veux quelques-uns avant le dîner ? "

 

Elaini se battit un instant contre sa conscience, mais perdit très vite. " OK ", fit-elle en souriant, prenant son bras, alors qu'ils partaient vers la maison de Jessan.

 

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Gabrielle entendit la porte se refermer doucement derrière elle, alors qu'elle avançait vers le canapé où elle s'effondra. Le dîner avait été… plutôt sympa, en fait. Elle avait réussi à ne raconter que trois histoires avant que Xena n'intervienne, une main sur son épaule, et n'explique aux êtres de la forêt qu'elle avait besoin de repos. Mais elle avait pensé à autre chose toute la soirée, et elle savait que sa compagne l'avait remarqué, elle le savait par l'intensité de son regard, et le bras qu'elle avait enveloppé de façon protectrice autour des épaules de Gabrielle.

 

Le barde renversa la tête en arrière et se détendit sur le canapé, les yeux levés vers le plafond, tout en écoutant Xena réarranger le feu et faire un peu de bruit autour d'elle. Puis elle sentit une main fraîche sur son front et elle ouvrit les yeux. " Salut. "

 

Xena s'assit à moitié sur le bras du canapé et posa deux doigts sous le menton de Gabrielle, relevant doucement son visage jusqu'à ce que le barde la regarde droit dans les yeux. " Tu vas me dire ce qui ne va pas maintenant ? "

 

Droit au but, comme toujours, se dit Gabrielle. C'est bien ma Xena, ça. Et elle s'arrêta et réfléchit à cette pensée ; elle sourit. " La journée a été longue… "

 

Xena n'en croyait pas un mot et elle leva un sourcil pour bien le faire comprendre.

 

" Je sais… je sais… " fit le barde en riant. " Je mens. Non… en fait, c'est vrai, la journée a été longue. Et… cette histoire. " Elle ferma les yeux et se frotta les tempes d'une main. " Ça m'a… touchée, je crois ", finit-elle doucement. Elle sentit les mains de Xena lui caresser doucement le cou et elle entendit la guerrière soupirer, puis se lever et retourner vers la cheminée.

 

Gabrielle fixa les poutres du plafond dans une atmosphère tendue. " Enfin, c'est pas comme si… je veux dire, que j'ai l'habitude des histoires tristes, Xena… les dieux savent qu'on en a vues pas mal, tu sais ? "

 

" Mmm ", acquiesça la guerrière en s'agenouillant près du feu.

 

" Ouais… alors… je sais pas… c'est… je crois que c'est tellement triste de penser à ces deux pauvres femmes, seules dans le froid… " Elle secoua la tête. " Et ne pas pouvoir lire la fin… ahh… une vraie torture. "

 

Xena revint et s'installa à l'autre bout du canapé, tendant une tasse au barde. " Tiens. " Elle se rassit ensuite avec sa propre tasse. " J'y ai mis quelque chose qui devrait te détendre un peu. "

 

Gabrielle renifla, suspicieuse, puis esquissa un sourire. " Ah, je vois. Tu t'es dit que si tu collais assez de menthe et de miel dans n'importe quoi, je le boirais, hein ? "

 

La remarque lui valut un superbe sourire qui la réchauffa et la détendit plus vite que n'importe quelle potion. Mais elle but quand même le thé, parce qu'il était chaud et que Xena avait raison… avec assez de menthe et de miel, elle boirait n'importe quoi. " Merci. " Ses yeux croisèrent ceux de Xena. " Et merci pour le déjeuner, et pour avoir mis mon manteau dans le sac, parce que je n'y avais pas pensé. "

 

" Hé… il faut bien que les ex-seigneurs de guerre servent à quelque chose, hein ? On fait très attention aux détails ", fit Xena très sérieusement en buvant tranquillement son thé. " OK… tu veux me parler de cette histoire ? "

 

Gabrielle hésita. " Je ne… "

 

Xena posa la main sur sa poitrine et pencha la tête vers le barde. " Viens là. "

 

Le barde obéit et vint se blottir contre le côté droit de Xena, sentant le poids du bras de la guerrière autour d'elle.

 

" C'est mieux ? " demanda doucement Xena.

 

Gabrielle acquiesça et inspira profondément. " Oui… maintenant, je devrais pouvoir te raconter. "

 

Et c'est ce qu'elle fit, tissant lentement le récit, tout en essayant de se souvenir des détails du langage étrange. C'était plus facile… l'histoire avait l'air beaucoup plus distante, maintenant qu'elle était dans les bras de Xena. Elle sentit son corps se détendre, grâce au thé, sans doute, et aussi aux caresses de la guerrière qui faisaient disparaître la tension de ses muscles. Enfin, sa tête retomba sur la poitrine de Xena et elle ferma les yeux, sentant le sommeil la gagner.

 

" Ça va mieux ? " La voix était grave contre son oreille et elle acquiesça, à moitié endormie.

 

" Je veux connaître la fin… Xe… " marmonna-t-elle. " Cette bon sang de langue… "

 

Xena leva un sourcil, tout aussi intriguée par l'emploi du surnom que Gabrielle n'utilisait d'habitude jamais, que par le presque juron. Je ferais mieux de vérifier ce que je lui ai mis dans cette tasse, se dit-elle, légèrement étonnée.

 

" Et si… " chuchota Gabrielle.

 

La guerrière lui caressa doucement les cheveux et sentit Gabrielle se blottir un peu plus contre elle. " Et si quoi, mon amour ? " murmura-t-elle.

 

Le souffle du barde commença à devenir plus régulier. " Ça aurait pu être nous ", marmonna-t-elle, puis Xena sentit son corps se détendre.

 

Et la guerrière comprit alors. Bon sang… comprit en entendant ce dernier murmure. Pas étonnant que ça l'ait secouée. Oui, ça aurait pu être nous. Oh, Gabrielle. Elle appuya doucement sa joue contre les cheveux du barde et soupira longuement.

 

Alors elle repensa aux tablettes, qui avaient piqué sa curiosité. Les Celtes… tenaient dans son cœur une place à part… et l'histoire de cette Galloise et de sa compagne viking avait attisé la curiosité de Xena plus qu'elle ne l'avait avoué.

 

Une langue runique, avait dit le barde ? Non… Gabrielle ne pouvait pas la connaître… elle venait d'une terre lointaine au-delà des mers, et n'apparaissaient pas souvent dans les écrits grecs. Le barde ne pouvait pas la connaître… mais pour un certain ex-seigneur de guerre, c'était une toute autre paire de manches. Elle avait appris sur le tas les dialectes des marins, aussi bien écrits que parlés. Elle aurait pu, se dit-elle, probablement communiquer avec elles. Un peu.

 

Je pourrais lire le texte. L'idée effleura son esprit. Je pourrais… et… NON, Xena… bon sang, la tentative lamentable d'hier ne t'a pas suffi ou quoi ?

 

Mais… je pourrais le faire. Je pourrais entrer et ressortir… et elle dort…l'idée commença à faire son chemin. Je ne peux pas. Non… il fait froid et sombre là-dedans, pour l'amour d'Arès, espèce d'idiote, alors arrête un peu !

 

Ses yeux se posèrent sur le visage de Gabrielle qui dormait paisiblement, les courbes de sa joue reflétant doucement les flammes de l'âtre. Elle veut connaître la fin… c'est important pour elle.

 

Je pourrais aussi, se dit Xena, attendre demain et la laisser copier le texte et me le rapporter. Mais la pensée des tablettes et des secrets de la grotte… et si je pouvais… ça ne prendrait qu'une minute, une fois à l'intérieur.

 

Une fois à l'intérieur. C'est bien ça qui pose problème, hein ? Xena caressa les doux cheveux de sa compagne du revers de la main. Tu ne le sentiras même pas, mon amour, tu dors si profondément. Est-ce que tu me pardonneras ? Il faut que j'essaie. Je te promets… j'entre, je lis le texte et je reviens tout de suite… et quand tu te réveilleras, je te raconterai la fin…

 

Le barde se blottit un peu plus, et ses mains se refermèrent doucement sur la tunique de Xena. La guerrière la tint contre elle un long moment, lui chuchotant doucement à l'oreille. Puis elle se leva et avança jusqu'au lit rond, pour y déposer sa compagne endormie. Elle tira les couvertures sur elle puis tendit la main pour arranger avec une tendresse infinie les cheveux autour des yeux de Gabrielle ; elle se pencha alors en avant et appuya ses lèvres sur le front du barde. " Je reviens tout de suite ", promit-elle.

 

Elle traversa la pièce, ramassa son manteau lourd là où elle l'avait laissé sur le canapé et l'enroula sur ses épaules. Une dernière fois, ses yeux se posèrent sur la silhouette endormie de sa compagne, puis elle se glissa par la porte et sortit dans l'air froid et sombre de la nuit.

 

Suite et fin : 10ème partie

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