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Ce petit quelque chose

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

FANS FICTIONS FRANCOPHONES

Entre elles

 

Ce texte m’appartient, toute duplication en est interdite sans mon autorisation, merci.

 

 

Ce petit "quelque chose"

 

 

de Lorelei

 

 

 

 

 

J’attends depuis deux heures qu’il arrive mais je suis sûre maintenant qu’il ne viendra plus. Je suis triste. Un peu. Il fait nuit et je sors du bar anonyme et sans cachet dans lequel je l’ai attendu. Il est loin de tout ce bar et il est tard. Les rues désertes m’inquiètent, les lampadaires trop éloignés éclairent chichement la rue, je fouille mes poches mais je n’ai pas assez pour prendre un taxi. Je suis condamnée à marcher. J’entends une grosse moto pétarader derrière moi, elle roule lentement et je me colle contre le mur pour passer inaperçue. Peine perdue. Je la vois du coin de l’œil qui s’approche, qui ralentit encore, et ma respiration s’accélère, je transpire et je dois me faire violence pour ne pas me mettre à courir. J’attrape mes clefs dans ma poche, glisse une clef entre chaque doigt, comme mon père m’a appris à le faire, pour pouvoir m’en servir comme d’une arme, et j’accélère le pas. La moto repart d’un coup et je soupire de soulagement, mais mon soulagement est de courte durée, elle s’arrête un peu plus loin. Le moteur stoppe, d’un coup de pied le pilote pousse la béquille et il reste assis, comme s’il attendait que j’arrive à sa hauteur. J’hésite longuement, cependant je n’ai guère le choix, je ne vais pas passer la nuit dans la rue. J’accélère le pas et passe à côté de lui en rasant le mur. Il enlève son casque juste quand je passe.

 

 

- Je te dépose quelque part ?

 

 

Sa voix m’arrête net. Quelque chose…

 

 

- C’est dangereux dans le coin, ajoute-t-il.

 

 

Je me tourne franchement vers lui en plissant les yeux. Il me sourit, hausse un sourcil, beau comme un jeune dieu mais inquiétant dans ce lieu. Je m’avance d’un pas pour mieux le voir, il y a ce petit quelque chose…

 

 

- Allez petite fille, viens, je te dépose où tu veux.

 

 

Je ne suis pas sûre encore de vouloir, pourquoi lui ferais-je confiance ? Son sourire franc et ses yeux brillants m’attirent, sa carrure et sa mâchoire crispée m’inquiètent, tout comme ce gros blouson de cuir, ce jean qui enserre ses cuisses gonflées de muscles, cette moto chromée qui ressemble à un tigre assoupi… Il ne fait aucun geste vers moi, il me laisse réfléchir. Je suis fatiguée, loin de chez moi, j’ai peur d’être seule, je veux lui faire confiance. Je m’approche, il me sourit davantage et me tend sa main gantée. Je la prend, prête à lui échapper s’il serre trop fort, mais non : il me tient du bout des doigts comme quand on apprend à un enfant à marcher. Je ne sais pas trop comment enjamber un tel engin, je ne suis jamais montée sur un monstre pareil, ma jupe en jean, courte, remonte plus encore sur mes cuisses et je me sens gênée. Il me tend un casque identique au sien, retire sa grosse veste de cuir pour que je l’enfile, je trouve ça bêtement chevaleresque, ça me fait rire. Il se tourne vers moi et la forme de son oreille, la douceur de sa joue, m’émeuvent bizarrement. De près, il est encore plus beau, je n’avais vu de ces dieux que sur papier glacé, je n’en reviens pas qu’il me regarde, qu’il me sourit, de voir ses yeux bleu tendre de bébé au milieu de ce visage aux traits sévères, viril mais si doux… ce petit quelque chose encore… J’en retiens mon souffle. Il enfile son casque en me disant d’en faire autant puis il lance la moto sur la route. J’ai les mains derrière moi, je serre la poignée métallique en sentant les vibrations, je serre les cuisses mais j’ai l’impression que je vais tomber. Au premier feu, il tend la main vers moi, m’attrape le bras et me tire contre lui. Intimidée, je l’enlace en tremblant, je pose sagement mes mains croisées au creux de son estomac, je sens son dos vibrer de rire, il me dit de le serrer plus fort au moment où il démarre. La surprise me crispe et je le serre très fort. Je tremble longtemps avant d’arriver à me détendre et à profiter de l’instant. Les vibrations puissantes et sourdes me bercent et m’agacent les reins, comme un chatouillis plutôt agréable, comme un bonbon si acide qu’il vous fait monter les larmes aux yeux, mais si bon en même temps. Il roule et je me rends compte que je ne lui ai rien dit de ma destination. Je ressens un pincement de peur au creux du ventre, féroce et brutal. Pendant quelques secondes de panique, la tête me tourne, puis plus rien, je m’en fous. Son corps est si dur et si chaud contre moi… je me fous de tout. Il est beau, si beau… Au feu suivant je retire mon casque pour pouvoir sentir. Le sentir vraiment, au sens animal, le renifler. J’écrase mon nez sur son dos, sur son T-shirt blanc, je ferme les yeux et l’odeur est comme une vague de plaisir physique. Ça me fait venir l’eau à la bouche, comme le fumet d’un gâteau juste sorti du four. Mes mains se crispent sur son ventre et je me rends à peine compte que je le caresse. Je prends appui sur le marchepied pour enfouir mon nez dans les cheveux blond foncé très courts de sa nuque, ils me chatouillent les narines, mouillés de sueur chaude à l’odeur enivrante. Les hommes ne sentent pas comme ça, jamais. Lui oui. Je caresse les muscles de ses cuisses, je me frotte contre lui, je n’en peux plus. Je n’ai jamais connu ce désir, cette morsure que j’ai parfois entendu décrite et à laquelle je n’ai jamais cru. Pour moi, le sexe est facile, je n’en attends rien, je le fais parce qu’il faut bien, sinon je serais encore plus seule. Mais je n’ai jamais envie. Je me laisse faire, sans passion, ni dégoût, sans envie mais sans dérobade. Ils s’allongent sur moi, soufflent à mon oreille des mots que je n’entends pas vraiment, ils viennent en moi, ils sont lourds et suants, ils prennent leur plaisir et pas moi mais ça n’a pas d’importance, après je suis avec eux, après j’existe, il n’y a que ça qui importe.

Ce soir pour la première fois, j’ai envie. De lui, de ce petit quelque chose…

 

 

Je garde les yeux fermés, la joue contre son dos large, et j’oublie le temps qui passe. Nous roulons des heures il me semble, puis la moto s’arrête. Je suis déçue, mon anxiété me revient comme un souvenir lointain qu’on voudrait enfouir à tout jamais. Je suis obligée de penser à l’endroit où nous sommes, à qui il est, à ce qu’il pourrait me faire, à la douleur, à la terreur, à la mort même. Je sais que je ne n’ai plus aucune maîtrise des événements, si je l’ai jamais eue. Tout lui appartient, il peut tout me prendre s’il le veut. Il est plus fort, plus beau, il a davantage le droit de vivre que moi. Je l’accepte avec fatalisme. Ce moment d’abandon tout contre lui, ce moment où je n’avais plus peur de rien n’existe plus.

 

 

Il retire son casque, la moto est silencieuse dans la nuit épaisse, j’entends le ressac au loin, je sais où nous sommes, j’attends. Il soupire, je frissonne, j’ai si peur qu’il se détourne de moi, qu’il ne soit déjà las. Je préfère qu’il me tue plutôt qu’il m’oublie déjà. Mes mains se posent à plat sur son dos, les larmes me montent aux yeux, je ne comprends rien à mon émoi, à mon désir féroce, ça me fait mal.

Il descend de la moto et me tend la main, je descends gauchement et me dresse face à lui. Il est bien plus grand que moi, mais il ne m’écrase pas de sa présence. J’ai vu un jour dans un livre, une photo d’un dieu en pierre, figé à jamais dans le marbre blanc, nu, et je n’arrivais pas à croire que l’artiste ait jamais trouvé un modèle à la semblance de ce dieu de pierre. Je l’ai en face de moi.

 

 

- Viens petite fille.

 

 

Son murmure me fait frissonner. Je crois que je sais ce qu’est ce petit quelque chose. Pourtant je n’hésite pas un instant. Je lève les bras et me serre contre lui, je l’attire à moi et j’ouvre mes lèvres pour qu’il m’embrasse. Sa bouche est douce et sucrée comme un rayon de miel, sa langue me goûte et caresse ma langue, c’est si différent… J’en suis sûre maintenant, je sais qui il est, et il sait que je sais.

 

 

- Qu’est-ce que tu veux ? Dis-moi, tout ce que tu veux. Dis-moi non et j’arrête, je ne te prendrai pas de force, tu le sais.

- Oui je sais. Je sais tout, mais je m’en fous, je veux.

- Tu es sûre ?

- Oui.

- Demande-le moi.

 

Et je lui demande, de me faire l’amour. Pour de vrai, pour la première fois, avec lui (elle ?) pour la première fois, je veux faire l’amour. Il n’est ni homme, ni femme, il n’existe que dans mes rêves, il est le genre à part, le genre parfait, il (elle) ne me fera jamais de mal, il (elle) pourtant saura me prendre, me posséder jusqu’à l’âme. Pour une nuit, je saurais tout de l’amour véritable, de la grâce et de la force mêlées, d’un secret bien gardé que très peu découvrent. S’ils savaient qui il (elle) est, ils le crucifieraient et moi avec.

 

Quand elle (il) me caresse, quand elle (il) vient en moi, je crois que je ris à la face du monde d’avoir ce qu’ils ne veulent pas connaître, ce qui les fait rire, ce qui les rend méchants et cruels. Quand son corps de centaure, plus qu’humain, tremble entre mes bras, je deviens une vraie femme. Et lorsqu’elle (il) s’endort contre moi, je suis plus forte que le monde entier, j’ai la sagesse, je sais ce qu’est l’amour.

 

FIN

 

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