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EYE OF THE STORM9

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

L'OEIL DU CYCLONE

Eye of the Storm

 

 

Par Melissa Good

 

Résumé et traductions : Fryda

 

 

**********

Partie 6 - Chap. 12A

*********

 

Les coups frappés à la porte firent se relever Dar si brutalement qu’ils la firent pratiquement grimper au plafond alors que son dos se contractait en une sourde protestation. « Bon Dieu ! » hurla-t-elle, terrifiant Kerry alors que cette dernière était elle aussi arrachée au sommeil.

 

« Que… qu… » Kerry s’accrocha à elle. « Qu’est-ce qui ne v… Bon Dieu, quelle heure est-il ? »

 

Les coups se répétèrent et le regard de Dar se plissa dangereusement. « Oh… mon grand… qui que tu sois. Tu vas faire vingt centimètres de moins quand j’en aurai fini avec toi. » Elle repoussa les couvertures et sortit du lit chaud, avança d’un grand pas vers la porte, un peu raide, mais néanmoins impressionnante pour son amante qui la regardait.

 

Elle ne prit même pas la peine de regarder par le judas, attrapa la poignée et la baissa, puis elle tira sur la porte pour se retrouver face à l’intrus bruyant, le regardant furieusement avec toute la colère noire dont elle pouvait faire preuve. « Quoi ? »

 

Un homme aux cheveux filasses, de taille moyenne se tenait là, un carnet à la main qu’il était en train de regarder. Il leva les yeux et commença à parler, puis s’interrompit. « Pardon. Je cherche quelqu’un du nom de Dar Roberts. »

 

« Félicitations. Vous m’avez trouvée », grogna Dar. « Vous avez vingt secondes pour expliquer pourquoi vous étiez en train de cogner à ma porte à six heures du matin ou bien je vous fais faire connaissance avec l’ascenseur la tête la première. »

 

Sa mâchoire s’affaissa légèrement. « Je suis de la police, madame. »

 

« Je me ficherais pas mal que vous soyez le putain de Procureur Général. » La voix de Dar monta d’un cran. « J’ai répondu à des questions jusqu’à deux foutues heures du mat’ hier. Alors il vous reste dix secondes. »

 

« Ecoutez, madame… vous n’avez pas l’air de comprendre… »

 

« Cinq secondes. » Dar fit un pas en avant et malgré le fait qu’elle était pieds nus et simplement vêtue d’un tee-shirt, l’homme recula.

 

« D’accord… d’accord… écoutez… on m’a juste dit de venir ici et de vous poser quelques questions… ce n’était pas une idée à moi. » Il leva la main. « Ne soyez pas agressive avec moi, madame. »

 

Dar croisa les bras et leva les sourcils. « Alors ? »

 

« Alors quoi ? »

 

« C’est quoi les questions ? »

 

Il jeta un coup d’œil vers le couloir. « Ecoutez… on peut entrer ? »

 

« Non. »

 

« Pourquoi non ? »

 

« Ma petite amie dort. »

 

Le policier regarda son carnet, puis revint vers elle. « Peut-être que je pourrais revenir plus tard. »

 

« Bonne idée. »

 

« Peut-être que je pourrais envoyer mon lieutenant. »

 

« C’est encore mieux. »

 

L’homme se retourna et alla vers l’ascenseur, en jetant des coups d’œil vers elle lorsque les portes se refermèrent alors qu’il secouait la tête. Dar soupira puis gloussa intérieurement avant de rentrer dans la pièce et de refermer la porte. Elle se traîna jusqu’au lit et grimpa sous les couvertures. « Abruti. »

 

« Qui c’était ? » demanda Kerry avec curiosité.

 

« La police », dit Dar en bâillant et en se blottissant dans le lit confortable.

 

« Qu’est-ce qu’ils voulaient ? » Kerry reprit sa place favorite.

 

« Je ne sais pas… encore des questions… je leur ai dit d’aller se faire foutre. »

 

Kerry réfléchit. « Dar… ma chérie… tu ne peux vraiment pas traiter la police comme ça. » Elle tressaillit. « Ça les rend vraiment furieux. »

 

« Il avait pas l’air de le savoir. » Dar ferma les yeux fermement. « Ils feraient mieux de ne pas revenir avant le petit déjeuner. » Elle enroula un bras autour de Kerry et se détendit. « Après, ils peuvent être aussi furieux qu’ils le veulent. »

 

***************

 

« Le FBI a rapporté aujourd’hui avoir abandonné tout espoir de retrouver des survivants dans l’explosion de l’hôpital, et se concentre maintenant sur l’examen des ruines pour trouver des preuves de ce qui l’a provoquée. »

 

« Une bombe peut-être ? » Kerry beurra un autre biscuit et le couvrit de miel puis le mordilla. « Combien de preuves il leur faut ? »

 

« Je pense… » Dar mâchouillait une épaisse gaufre belge. « Qu’ils veulent savoir quel genre de bombe. » Elle coupa une autre tranche couverte de mélasse et la fourra dans sa bouche.

 

On entendit un coup à la porte, rude et sans réplique. Dar et Kerry se regardèrent. « Et bien, ça a été juste. » Kerry sourit, lui faisant signe de rester assise. « Autant régler ça rapidement. » Elle se leva et alla à la porte, où elle jeta un coup d’œil dans le judas. Une femme petite et musclée, avec un air sérieux, se tenait là, et Kerry ouvrit la porte, lui jetant un coup d’œil inquisiteur. « Oui ? »

 

« Etes-vous Dar Roberts ? »

 

« Non. » Kerry secoua la tête. « Je ne le suis pas. »

 

« Est-ce qu’elle est dans cette pièce, madame ? » Dit la femme d’un ton sec.

 

« Oui. » Kerry recula. « Vous voulez entrer ? » Elle tira sur la porte en reculant et l’agent de police lui passa tout près, brusquement, et se dirigea vers l’endroit où Dar était affalée, un pied nu posé sur le lit, continuant à prendre son petit déjeuner. « J’étais sûre que vous voudriez », marmonna-t-elle en fermant la porte avant de la suivre.

 

« Etes-vous Dar Roberts ? » demanda la femme.

 

« On dirait bien », répondit Dar d’une voix traînante.

 

« Madame, je suis le lieutenant Jacobs, et je n’apprécie pas la façon dont vous avez traité mon agent ce matin. »

 

Dar leva son verre de lait et en prit une gorgée. « On est deux dans ce cas. » Elle reposa le verre. « Je n’apprécie pas d’être réveillée à six heures du matin. »

 

« Est-ce que vous comprenez que nous enquêtons sur un crime ? » La femme était très vive, visiblement très en colère, et visiblement irritée de l’attitude nonchalante de Dar.

 

« Ayant été une des victimes… ouais, j’ai compris ça », répondit Dar. « Ecoutez… on a répondu à des questions jusqu’à deux heures du matin… je n’allais pas me lever à nouveau avant l’aube… si ça vous pose un problème… Lieutenant… c’est dommage. »

 

« Dar a raison. » Kerry reprit sa place et sirota son café. « Ils nous ont trouvées à l’hôpital… on est toutes les deux sous traitement, et je ne pense pas qu’il soit juste que vous vous attendiez à ce que nous tenions ce genre d’emploi du temps… ce n’est pas nous qui avons fait ça. »

 

La femme s’interrompit et réfléchit. « Nous n’avons interrogé personne hier soir. »

 

« Le FBI l’a fait », répondit Dar. « Vous n’échangez pas vos notes ? »

 

L’officier soupira. « Pas souvent. Ecoutez… je suis désolée que vous ayez été dérangées. Mais il y a une grosse pression pour qu’on trouve qui a fait ça… et on ne peut pas attendre que les gens aient fini de déjeuner avant de poser les questions. »

 

« Alors… qu’est-ce que vous voulez savoir ? » demanda Kerry. « Vous voulez du café ? »

 

La femme la regarda. « Hum… non merci… Ms… ?? »

 

« Stuart. » Kerry tendit la main. « Kerry Stuart. »

 

La femme prit sa main avant de réaliser le nom. « K… attendez une minute… vous êtes une parente du Sénateur ? »

 

« Mm… oui, c’est mon père », admit Kerry, en la relâchant. « Désolée… vous ne prenez pas de notes sur ce genre de choses ? »

 

L’officier la regarda, puis Dar, puis elle de nouveau. « Ms Stuart… depuis combien de temps connaissez-vous cette personne ? »

 

Kerry jeta un coup d’œil à Dar, qui leva un sourcil. « Qui… elle ? » Elle montra Dar. « Hum… près d’un an ? »

 

« Je peux vous parler dehors ? »

 

« Bien sûr. » Kerry se leva et la suivit avec peine, sortit et ferma la porte derrière elles. « Oui ? »

 

La femme la regarda. « Avez-vous une quelconque raison de soupçonner votre amie là-dedans d’être une personne violente ? »

 

Kerry la fixa. « Pardon ? »

 

« Ecoutez… Ms Stuart… la personne qui a placé la bombe dans cet hôpital vous en voulait probablement, ainsi qu’à votre famille », déclara la policière. « Le Sénateur nous a informés que votre amie avait un bon motif de le voir blessé. »

 

Kerry s’éclaircit la voix. « En fait… j’ai un motif bien meilleur. »

 

Ce fut le tour de la femme-flic de la fixer. « Pardon ? »

 

« J’ai un motif bien meilleur. Mon père est un salaud, Lieutenant… quand il a appris que j’avais une liaison avec Ms Roberts, il m’a fait interner. »

 

Une inspiration. « Oh. »

 

« Et… vos questions sont vraiment idiotes… parce que même si Dar avait une raison de vouloir la mort de mon père … elle n’aurait pas de raison de vouloir la mienne … ou celle de son père… ou de sa mère… ou la sienne … ou celle de mes frère et sœur, qu’elle aime bien. »

 

« Alors… elle était avec vous dans l’hôpital… c’est ce que vous êtes en train de dire ? »

 

« Bien entendu… excusez-moi, mais tout ça est déjà dans notre déposition… pour l’amour de Dieu, ça fait deux jours que CNN passe des reportages sur nous ! »

 

« Ms Stuart… »

 

« Si, vraiment ! »

 

« On ne passe pas notre temps à regarder les infos, Ms Stuart », déclara la femme, brusquement. « Et comme vous pouvez l’imaginer, il y a pas mal de confusion en ce moment… je n’avais aucune idée du fait que vous deux étiez… hum… »

 

« Et bien, on l’est. » Kerry était agacée. « Dar a risqué sa vie pour sortir des gens de ce bâtiment… y compris mon père, en fait, et ça me rend furieuse… »

 

« D’accord… d’accord… Ms Stuart… s’il vous plaît… » L’agent de police soupira. « S’il vous plaît… comprenez-moi, il faut qu’on pose les questions, il faut qu’on suive toutes les pistes, peu importe si elles semblent ridicules à d’autres gens. On ne peut pas ignorer ce que nous dit quelqu’un à cause de ce que nous dit quelqu’un d’autre. »

 

« Mon père ne risque rien de Dar », répliqua Kerry, froidement. « Mais il ferait mieux de faire attention la prochaine fois que je le croise, moi. » Elle regarda la femme. « Je pensais que quelqu’un avait avoué ? »

 

La policière secoua la tête. « Ce n’est pas ça… le FBI le sait… ils s’accrochent à elle uniquement parce qu’ils n’ont rien d’autre pour l’instant… elle l’a fait pour attirer l’attention. » Elle soupira et se gratta l’oreille. « Alors comme ça… le sénateur nous a envoyé sur une mauvaise piste, hein ? »

 

« Oui », déclara fermement Kerry.

 

« Bon sang… c’est dommage. » La femme ricana légèrement. « J’avais hâte de l’emmener au commissariat et de rabattre un peu son caquet. »

 

« Tch. » Kerry secoua la tête. « Ce n’est pas du caquet, c’est juste Dar », lui dit-elle. « Vous auriez fini par être vraiment frustrée. »

 

« Ah ouais ? »

 

« Ouais. »

 

« Hm. » La femme croisa les bras. « Après qui pensez-vous que l’auteur en avait, Ms Stuart ? »

 

Kerry s’appuya sur la porte. « J’aimerais bien le savoir… je dois imaginer que c’est mon père… je n’ai pas l’habitude de me faire des ennemis… en fait… » Elle laissa sa voix traîner. « Sauf… »

 

« Quoi ? » demanda la femme doucement, le regard plus acéré.

 

« Et bien… » Le front de Kerry s’agrandit, puis elle leva les yeux lorsque la porte s’ouvrit et que Dar passa la tête avec curiosité. « Dar… Qu’est-ce que tu as dit que Mark avait trouvé au sujet d’Ankow… avant que tu n’ailles à cette réunion ? »

 

« Ankow ? » murmura Dar. « Bon sang… je l’avais oublié, lui… qu’est-ce qu’il a à voir avec ça ? »

 

Le regard du lieutenant passait d’un visage à l’autre. « On peut retourner à l’intérieur et parler de ça ? »

 

Dar ouvrit la porte et marcha vers le bureau, s’y assit et tapa quelques touches sur son portable. « Et bien, il n’y a pas grand-chose mais… » Elle étudia l’information. « Juste que son père était associé à ce groupe para-militaire… j’ai utilisé ça pour dévier son attaque sur nous. »

 

« Para-militaire… » L’agent s’assit et sortit un carnet. « Une attaque… attendez… de qui on parle là ? » Elle s’interrompit. « Est-ce que vous avez parlé de ça au FBI ? »

 

« Non », répondit Dar. « Ils n’ont rien demandé. »

 

La femme sourit. « D’accord… alors qui c’est, ça ? »

 

« Dar… raconte-lui quand tu as été empoisonnée ! » Balbutia soudain Kerry. « Le Docteur Steve a dit… »

 

« Empoisonnée ? » Dar avait toute l’attention de la femme maintenant. « Attendez. On va commencer par le début… peut-être qu’on cherche la mauvaise piste là. »

 

***************

 

Andrew et Céci étaient tranquillement assis sur un banc, juste en face du monument aux soldats du Vietnam, pas vraiment différents d'autres touristes, la plupart de l’âge d’Andrew ou plus âgés, certains seuls, certains avec des compagnes, qui regardaient les pierres de granite noir.

 

« Il y a eu bien des fois », commenta doucement Céci. « Où j’ai remercié la Déesse que tu soies un marin, et pas un soldat. »

 

« Oui », dit Andrew dans un soupir, en étirant ses jambes pour les croiser aux chevilles. « Il n’y a jamais eu de doute », répliqua-t-il en regardant sa femme. « Ça a été un sacré chemin, n’est-ce pas ? »

 

Céci rit doucement.

 

« Ça t’a pas mal fichu ta tranquillité en l’air. »

 

« Tu peux le dire », approuva la femme aux cheveux blond-argentés. « Dieu merci. »

 

Le regard bleu se posa sur elle avec une légère surprise.

 

« Tu sais… avant que tu reviennes, si j’avais une seule idée de peinture par mois, c’était beaucoup », murmura Céci. « Plus d’images me sont passées par la tête la semaine dernière que ces cinq dernières années. » Elle tourna la tête et regarda son mari. « Je veux faire un portrait de famille, Andy. »

 

« C’est vrai ? » Il sourit avec hésitation.

 

« C’est vrai », l’assura-t-elle. « Tu sais que je n’aime pas les portraits… pas le genre traditionnel, mais je veux vraiment en faire un… je veux que tu y sois, et Dar, et Kerry… et cet idiot de petit chien aussi. »

 

Andrew cligna des yeux. « Très bien… si c’est ça que tu veux. »

 

Céci s’appuya avec contentement sur son bras. « Et je pense que je veux un tatouage. »

 

Andrew tourna complètement la tête et la pencha vers le bas, la regardant avec deux yeux bleus totalement écarquillés surmontés de sourcils arqués. « Pardon ? »

 

« Mm… oui. »

 

« Attends, écoute un peu, Céci… j’ai voyagé sur chaque foutu océan de cette foutue terre et je ne me suis jamais fait faire de tatouage parce que je t’ai promis que je ne le ferais pas… et maintenant tu en veux un ? »

 

Elle hocha la tête. « Tu peux en avoir un aussi. On en aura qui vont ensemble… qu’est-ce que tu en penses ? »

 

« J’suis trop vieux pour avoir un tatouage… et en plus, Dar va se foutre de nous jusqu’à notre mort jamais», protesta Andrew.

 

« Oh… allez, Andy… » Elle plissa le nez malicieusement. « Juste deux petits… on les mettra dans un endroit qu’elle ne pourra pas voir. »

 

« Céci…. »

 

« Des petits nounours… »

 

« Bon Dieu, femme… je… » Andrew se tut et son regard alla vers l’avant, suivant une silhouette qui marchait. « Tiens… je me demande ce que ce salaud fait ici. »

 

« Qui est-ce ? » Céci regarda dans la même direction et vit un homme grand, de belle allure et bien musclé, qui semblait se promener sans s’occuper de rien.

 

« Quelqu’un que j’aime pas », murmura Andy. « Un type qu’a donné du fil à retordre à Dar… et peut-être plus que ça. »

 

« Tu le connais ? » Céci jeta un coup d’œil inconfortable à l’homme.

 

« On s’est rencontrés. » La mâchoire d’Andy bougeait d’une manière familière.

 

« Andy… ce n’est pas illégal de se promener dans Washington DC… peut-être qu’il est là pour les mêmes raisons que tout le monde… pour voir ce qui se passe », dit Cécilia d’un ton raisonnable. « C’est peut-être une coïncidence. »

 

« Peut-être. » Andrew n’avait pas l’air le moins du monde convaincu. « Content qu’on parte bientôt, en tout cas. Cet endroit me fout le frisson. » Il se leva et tendit la main à Céci. « Allez on se rentre. »

 

Ils marchèrent main dans la main sur le chemin, passèrent près des petits groupes de touristes et à travers une des allées de haies dans l’un des petits parcs entre le mémorial et l’hôtel. C’était une matinée ensoleillée, avec une brise fraîche qui faisait bouger les feuilles, et ils marchèrent en silence, savourant simplement la compagnie de l’autre.

 

Puis Céci sentit les doigts dans les siens se raidir, et elle jeta un coup d’œil pour voir une minuscule vague de vigilance voyager le long de la haute silhouette de son mari, le soulevant légèrement, et faisant juste un peu plier sa nuque. « Andy ? » Elle regarda rapidement autour d’eux. « Qu’est-ce qui se passe ? »

 

« Continue à marcher », lui dit tranquillement Andrew. « Reste près de moi. »

 

Céci ne demanda pas d’explication. Elle mit la main sous le coude de son mari et resta dans son ombre, alors qu’un léger balancement s’installait dans sa démarche, et que son visage couvert de cicatrices devenait immobile. Ils traversèrent le parc jusqu’à l’autre côté, et alors qu’ils entraient dans le petit passage qui menait entre deux immeubles, Céci pensa entendre de légers bruits de pas derrière eux. Un léger coup d’œil révéla un petit sourire sur les lèvres d’Andy et elle déglutit, et ferma les yeux brièvement en murmurant quelques mots à un ange gardien.

 

Deux pas de plus et elle sentit le bras d’Andy se raidir, et elle relâcha sa main. Elle prit une autre inspiration, puis en une fraction de seconde, il ne fut plus près d’elle. Elle l’avait à peine vu se retourner et attraper l’homme qui était arrivé derrière eux, envoyant un coude dans sa mâchoire tout en lui accrochant la jambe pour l’emmener au sol.

 

Andy se laissa facilement glisser avec lui et le cloua au sol d’un genou, secouant une lame fine de sa main libre tout en tenant la gorge de l’homme de l’autre dans un mouvement très souple. « Et quoi monsieur », dit-il tranquillement à l’homme. « Vous cherchiez à attirer mon attention ? »

 

Le sang coulait de la bouche de l’homme, et il baissa lentement les mains sur le sol, paumes en haut, sans ôter son regard du visage d’Andy pendant une seule seconde. « Il y a un badge dans la poche intérieure de ma veste. »

 

« Tant mieux pour vous. » Andrew ne bougea pas. « Ça ne vous donne pas le droit de suivre les gens en douce, et de faire ça devant un mémorial pour la guerre du Vietnam me fait me poser des questions sur le plomb dans votre tête. »

 

« Je suis un agent du FBI. »

 

« Ça explique pour le plomb. » Andrew ne bougea toujours pas. « Qu’est-ce que vous m’voulez, à moi et à ma femme ? »

 

« Andy, il sera peut-être un peu plus bavard si tu te lèves de sa poitrine », dit Céci. « Je sais que je ne pourrais pas sortir un seul mot si j’étais à sa place. »

 

Bon. Andrew examina le visage de l’homme, qui avait pris une teinte rouge brique. Peut-être qu’elle avait pas tort là. « D’accord. » Il relâcha l’homme et se mit debout d’un seul mouvement, referma le couteau et le remit dans sa poche. « Vous pouvez vous l’ver maint’nant. » Il recula et mit le bras autour de Céci, qui s’appuyait sur lui avec reconnaissance.

 

L’agent du FBI se mit lentement debout et ajusta ses vêtements. « M. Roberts… je ne suis pas ici pour vous attirer des ennuis… on est juste pas sûrs de ce qui se passe, ou de qui est responsable pour ce qui s’est passé l’autre jour, et mes chefs m’ont dit de garder un œil sur les choses, et de s’assurer que vous et votre femme êtes en sécurité. »

 

Andrew se gratta la mâchoire. « Vous étiez censé me protéger ? » Un soupçon d’amusement passa dans sa voix.

 

« Oui… je suppose qu’on peut le voir comme ça », répliqua l’homme.

 

« Mon garçon… je peux m’occuper de moi tout seul… allez vous trouver un criminel ou autre chose, d’accord ? » Lui dit Andrew. « Dans trois heures on sera dans un avion pour Miami et loin de cet endroit de tarés. » Il réfléchit à quelque chose. « Mais… d’un autre côté… je viens juste de voir un type qui pourrait vous intéresser. »

 

« Vraiment ? » L’homme se rapprocha avec précautions. « Je m’appelle Edgar Bird, à propos. » Il tendit la main. « Désolé pour tout ça, M. Roberts. »

 

« C’est bon. » Andy lui serra la main avec grâce. « Voici ma femme, Cécilia. »

 

« Ravi de vous rencontrer, madame. » L’agent sortit un carnet. « Bon… et à propos de ce type ? »

 

***************

 

« Tu as bientôt fini de faire les bagages ? » Kerry sortit pour trouver Dar affairée sur son portable. « Dar ? »

 

« Mm ? » Dar leva les yeux. « Oh… oui presque. » Elle hocha la tête. « J’envoyais juste quelques détails mineurs au lieutenant Jacobs. » Elle eut un sourire diabolique. « Elle est pas mal, pour un flic. »

 

« Ah oui ? Elle voulait t’emmener au poste pour te cuisiner », l’informa Kerry, pince-sans-rire, tout en pliant ses dernières affaires avant de les ranger dans son sac.

 

« Moi ? Pourquoi ? » Dar leva les yeux vers elle, mystifiée.

 

« Elle voulait te faire ravaler ton caquet… je lui ai dit que ça n’était pas un caquet. »

 

« Quel caquet ? »

 

« Tu vois ? C’est ce que je lui ai dit. » Kerry rangea deux Tee-shirts qu’elle avait achetés comme souvenirs dans la poche sur le côté. « Ce n’est pas un caquet… c’est juste toi. Si on creuse un peu plus, on trouve juste plus de Dar. » Elle soupira. « Mon père lui a dit que tu avais une bonne raison de lui vouloir du mal. »

 

Dar devint très sérieuse. Elle se leva et alla vers Kerry, puis mit les deux mains sur ses épaules. « Il a raison. » Elle fit tourner Kerry et étudia son visage. « Pour ce qu’il t’a fait… j’aimerais qu’il prenne une raclée mais… » Elle mit le doigt sur le nez de Kerry. « Je ne le ferais jamais, parce que ça te ferait plus de mal qu’à lui. »

 

Kerry soupira. « Est-ce que je suis aussi stupide de l’aimer, Dar ? Malgré tout ça ? »

 

« Non. » Dar s’appuya sur ses épaules, et fit se toucher leurs fronts. « C’est du Kerry, d’un bout à l’autre… et si on creuse un peu plus, on en trouve encore plus. »

 

« Mm. » Les yeux verts prirent une teinte pensive. « Je ne sais pas, Dar… je pense que j’ai un fond méchant. »

 

« Sûrement pas. »

 

« Ouais… parce que quand tu as dit à cet officier combien Ankow méprisait les femmes fortes, je rigolais à fond. »

 

Dar sourit.

 

« On aurait dit un Rottweiler devant l’étal du boucher. » Kerry essaya d’avoir l’air contrit, mais rata complètement son coup. « C’était vraiment méchant. »

 

Dar se redressa et commença à ranger son portable. « Je ne disais que la vérité, Kerry », dit-elle fermement à sa compagne.

 

« Et quand tu lui as dit que c’était un homophobe violent ? »

 

« J’ai vu l’arc-en-ciel sous sa chemise », marmonna Dar. « Je me suis dit que j’avais une chance. »

 

« Tch, tch. »

 

On entendit gratter à la porte dans un rythme familier. « C’est papa », dit Dar en riant doucement, avant d’aller à la porte pour l’ouvrir et faire un pas en arrière pour laisser entrer ses parents. « Vous êtes prêts à partir ? »

 

Andrew et Cécilia entrèrent. Andrew portait leurs deux sacs et il s’avança d’un grand pas pour aller prendre possession de ceux de Dar et Kerry.

 

« Hé ! » Dar mit les mains sur ses hanches. « Je suis capable de porter deux sacs. »

 

« Ne t’inquiète pas. » Sa mère lui fit un geste de dénégation. « J’ai essayé aussi… il est d’humeur fougueuse aujourd’hui on dirait bien. »

 

Dar secoua la tête et finit de ranger son portable. « Bien… bien… fichons le camp d’ici. J’entends une poêle à frire pleine de conques m’appeler. »

 

 

 

« Attends. » Kerry sourit et sortit son appareil photo. « Je veux faire une photo. » Elle leur fit signe de se rapprocher. « Allez… » Elle attendit qu’Andrew pose son fardeau, puis rejoigne sa femme et sa fille devant la fenêtre. La lumière entrait de l’autre côté de la pièce et Kerry sourit en concentrant son objectif, bougeant légèrement la lentille pour ajuster ses sujets. Andrew était au centre, et avait un bras posé sur chacune des deux femmes. Céci, bien entendu, était presque rapetissée par sa taille à lui, mais elle s’appuyait sur lui avec un sentiment chaleureux de familiarité. Dar entourait le dos de son père de son bras et regardait l’appareil avec son air habituel d’auto-dépréciation. « Parfait. » Elle prit la photo puis baissa l’appareil. « Merci. » Elle sourit à Céci.

 

« Attends juste de voir ce que j’ai en tête pour me venger », l’avertit-elle en lui souriant. Ils récolèrent leurs affaires, essayant d’atteindre l‘ascenseur de service sans trop de problème. Ils arrivaient au rez-de-chaussée et s’apprêtaient à partir quand Dar s’entendit appeler. « Bon sang. » Elle se retourna. « Oui, Hamilton ? »

 

Le grand juriste raffiné les rattrapa et les fit entrer dans une petite antichambre, hors de vue de la presse. « Où est-ce que vous croyez aller comme ça ? »

 

« A la maison », répliqua Dar. « Pourquoi ? »

 

« Pas encore », lui dit Hamilton allègrement. « Cet après-midi vous devez rester pour que le maire, qu’il soit béni, vous donne à tous les deux une petite médaille en or. » Il remua deux doigts vers Dar et Andy. « Alors Dar, ne me crée pas d’embûche avec ça, c’est génial pour les relations publiques de la compagnie… et j’ai deux interviews de choix, pas des longues, avec des personnalités nouvelles de premier choix. »

 

« Bon Dieu », jura Dar.

 

« Allons, allons… la flatterie ne te mènera nulle part, Paladar », lui dit Hamilton. « Tu poses juste tes fesses et tu nous fais de la bonne pub, et ce sera fini avant même que tu ne t’en rendes compte. » Il lui tapota l’épaule. « J’ai vraiment trimé pour que la presse nous soit favorable, et je t’ai décrite comme juste en dessous de l’archange dans la hiérarchie, alors ne va pas mettre le bazar dans mon jardin, compris ? »

 

« Hamilton, je vais te tuer », lui dit Dar d’un air sérieux. « J’ai des billets pour le vol de treize heures pour me casser d’ici. »

 

« Un coup de fil et on t’arrange ça, alors détends-toi », dit le juriste en riant. « Allez… combien de fois tu as eu l’occasion de passer à la télé et qu’on te donne une médaille ? » Il jeta un coup d’œil à sa montre. « Vite Dar ! Dans la Batmobile… on a une heure ou deux avant le premier spot télé… attendez ici. Je vais nous trouver une sortie. » Il passa la porte les laissant se regarder.

 

« Je ne vais pas rester plantée là pour tout… », commença Dar, la voix haut perchée, alors que Kerry posait la main sur son bras.

 

« Dar », dit Andrew très doucement en intimant le silence à sa fille. « J’ai une boîte de médailles pour avoir tué des gens. J’pense que j’aimerais en avoir une pour les avoir sauvés. »

 

On aurait facilement entendu voler une mouche dans le silence qui s’ensuivit, songea Kerry, comme dans ce vieux cliché.

 

« D’accord », répliqua Dar d’une voix retenue. Elle alla vers un banc près de la porte et s’assit pour attendre, laissant sa mallette sur le sol. Céci s’approcha et s’assit près d’elle, mais ne dit pas un mot. Kerry se tenait près d’Andrew, soutenant son bras, incapable de dire quoi que ce soit.

 

***************

 

Dar plissa les yeux et se protégea les yeux alors que les lumières crues envahissaient ce qu’Hamilton insistait à appeler la Batmobile. Des techniciens s’affairaient autour, bougeant des câbles et arrangeant des caméras ; la journaliste se tenait d’un côté, passant en revue des notes avec deux assistants. On était à l’étroit dans le bus, mais à l’abri, et les gens d’infos appréciaient les endroits fermés et l’accès immédiat au téléphone, au courant et à un télécopieur.

 

Kerry était blottie dans l’un des fauteuils en cuir tout près et se contentait de regarder, et ses parents étaient sur le long canapé, étudiant le chaos ambiant avec des regards intéressés comme si ça avait été arrangé pour leur propre profit. Hamilton avait voulu qu’elle s’habille bien, mais Dar avait tapé du pied, refusant d’exiger de son corps encore fatigué et douloureux, qu’il se contraigne dans une jupe en laine et une veste, sans parler des talons hauts. Elle s’était entêtée à garder son jean usé et ses baskets, et elle avait accepté en ronchonnant de porter la veste gris métal sur son tee-shirt blanc, c’était sa seule concession.

 

Une maquilleuse s’approchait, la mallette à la main. Dar la regarda d’un œil noir jusqu’à ce qu’elle ralentisse, faisant une pause hésitante hors de sa portée tout en lui lançant un sourire ouvertement radieux. « Salut. » La femme était de taille moyenne, de corpulence athlétique, avec des cheveux blonds ondulés un peu comme Kerry.

 

Dar leva stratégiquement un sourcil. « Vous avez un problème ? »

 

« Et bien, je pensais que vous aimeriez un peu de fond de teint… ou… autre chose… de l’ombre à paupières ? »

 

« Non merci », répliqua Dar. « Je suis allergique. »

 

« Oh… » La maquilleuse sourit avec aisance. « C’est hypoallergénique… c’est sans danger, vraiment… je veux dire, vous n’avez pas besoin de blush, peut-être un peu de couleur… brosser vos cheveux ? »

 

Dar écarta les narines et elle tourna les yeux vers l’endroit où Kerry se mordait les phalanges pour ne pas rire. « Vous pouvez me coiffer comme elle ? » Elle montra les boucles ondulées de sa compagne.

 

« Hum… non… je ne pense pas. » La femme regarda Kerry avec un air contrit.

 

« Alors oubliez. » Dar se réinstalla, en sirotant sa root beer (ndlt : une boisson sans alcool au goût de coca cola avec un arrière goût de clou de girofle.). « Je suis bien comme je suis, merci. » Elle jeta un coup d’œil à la journaliste qui s’approchait avant de s’installer dans le fauteuil près d’elle. Cheryl Abramson était grande, presque autant que Dar elle-même, et mince, avec des pommettes hautes et une chevelure auburn volumineuse. Elle avait la peau parsemée de minuscules taches de rousseur et des yeux marron vivants, qu’elle tourna vers Dar en même temps qu’un sourire épanoui. Elle portait une veste bleu marine bien coupée, la jupe en soie bleu clair, et l’effet rendu était net et sophistiqué, et plutôt attirant.

 

« Ms Roberts ? Passons quelques petites choses en revue avant de commencer. » Cheryl Abramson parlait d’une voix basse et mélodieuse. « J’ai la plupart des détails vous concernant, mais je voudrais juste vérifier quelques petites choses. »

 

Dar s’appuya sur l’accoudoir du fauteuil et suçota sa paille. « D’accord. » Elle injecta délibérément une note d’accent du Sud dans sa voix. « Qu’est-ce que vous aimeriez savoir ? » Elle regarda l’autre femme lui jeter un coup d’œil, et se redresser inconsciemment, une main levée pour se toucher les cheveux dans un geste instinctif que Dar comprenait bien. Intéressant.

 

« Et bien, nous avons des détails professionnels – ILS nous les a fournis. Vous travaillez pour eux depuis quinze ans ? » La voix monta sur la question et elle regarda par-dessus ses papiers vers l’apparence juvénile de Dar.

 

« C’est juste. » Dar ne vit aucune raison de se délecter de sa confusion.

 

« Bien. » Cheryl Abramson revint à sa liste. « Vous êtes DSI de la compagnie depuis… six mois ? Et avant vous étiez directrice déléguée aux opérations depuis trois ans, c’est ça ? »

 

« Ouais », approuva vivement Dar.

 

« Bien… vous travaillez habituellement à Miami, correct ? »

 

Dar approuva de la tête.

 

« Et vous êtes à Washington pour… ? » Elle leva des yeux interrogateurs.

 

Pourquoi en effet ? Kerry et Dar avaient discuté de ce qu’elles allaient raconter à la presse, qui avait tout autant reniflé avec intérêt autour de Kerry, et là Dar étira ses jambes pour les croiser aux chevilles avant de répondre. « Ma collègue, et amie, Ms Stuart a été convoquée pour témoigner à l’audition de son père… je suis juste ici pour lui apporter mon soutien moral. » La vérité stricte et absolue.

 

Cheryl Abramson jeta un coup d’œil vers le fauteuil où Kerry s’était affalée, une jambe posée par-dessus l’accoudoir, en train de sommeiller. « Je vois. » Elle gribouilla une note. « Vous repartez pour Miami, si j’ai compris, après la cérémonie ? »

 

Dar approuva de la tête.

 

« D’accord. » Cheryl gribouilla encore. « Voyons voir si j’ai bien saisi… vous êtes arrivée, avez été embarquée dans le crash des distributeurs de billets, vous avez été interviewée par l’un de mes collègues, vous êtes allée rendre visite à la sœur de Ms Stuart, l’explosion s’est produite, vous avez extirpé des survivants, avez organisé la sortie et sauvé les gens que vous trouviez, puis vous êtes sortie… est-ce que ce sont les événements principaux de votre semaine ? » Son ton était sèchement empli d’humour.

 

« Essentiellement », dit Dar en riant, s’apercevant qu’elle aimait bien cette femme. « On espérait une enquête courte, quelques jours de promenade, et peut-être une visite de la Maison Blanche, mais on prend ce qu’on trouve. » Elle laissa son visage se détendre dans un sourire facile.

 

Cheryl leva les yeux et croisa son regard, puis elle revint à ses notes, le coin des lèvres légèrement relevé. « Vous avez une idée de qui a fait ça ? »

 

« Non », répondit Dar. « Je laisse ça à la police. »

 

« Vous pensez que le sénateur était visé ? »

 

Dar secoua la tête. « Encore une fois, je ne veux pas spéculer là-dessus. »

 

« D’accord. » Cheryl Abramson hocha la tête vers son cadreur. « On est prêtes… vous avez un bon angle ? » Elle bougea dans son fauteuil, et fit signe à la maquilleuse de s’avancer, s’ajustant dans le miroir providentiellement tendu. La maquilleuse prit une brosse ronde et fit bouffer les mèches de la présentatrice avec précautions, puis elle recula pour étudier son travail. « Vous voulez un éclaircissant ? »

 

Cheryl regarda son reflet, puis lança un regard en coin à Dar, qui se passait les doigts dans ses cheveux noirs, les ajustant tant soit peu avant de croiser les mains sur son estomac dans une position d’attente. « Non… ça ira. » Elle repoussa la maquilleuse et s’ajusta elle-même, prenant la pose de la Journaliste Parfaite, le carnet en main. « Prête ? »

 

Dar pencha la tête. « Si vous l’êtes. »

 

***************

 

« Et bien, Dar, je dois admettre que tu as fait une super interview », la complimenta Hamilton. « Tu es faite pour la caméra… bon, encore une petite ballade sur cette scène là-bas et tu peux aller prendre ton petit avion et prendre la piste de l’Etat du Soleil. »

 

« Génial », soupira Dar, en souhaitant avoir une demi-bouteille d’aspirine à portée de main. « Papa… tu es prêt ? »

 

« Dar, tu ne penses pas que tu pourrais porter un chemisier ? On dirait une plagiste », se plaignit Hamilton.

 

« Non. » Le regard bleu le transperça. « Encore un commentaire comme celui-là et je reprends en soutien-gorge. »

 

Le juriste se tapota une dent de son long doigt. « Hmmm… sois gentil, Hamilton, sois gentil. »

 

Andrew s’avança et posa la main sur l’épaule de sa fille. « J’pense qu’elle est juste comme il faut », dit-il à Hamilton. « Laissez-la tranquille. »

 

« Ou bien ? » demanda Hamilton d’un ton espiègle. « Je dois connaître les conséquences de l’abandon de mon amusement favori. »

 

Andrew cligna d’un œil. « Ou bien j’attrape c’qui fait d’vous un homme et j’vous les remonte jusqu’aux oreilles », dit-il d’une voix rauque et sérieuse.

 

Dar regarda le visage d’Hamilton avec intérêt, connaissant le degré d’imperturbabilité du responsable du département juridique. Assurément, elle, n’avait jamais réussi à l’écorner. Hamilton étudia un Andrew plus grand et plus costaud, puis son regard passa à Dar.

 

« Tu sais, Dar… j’ai toujours su que je trouverais quelque chose pour te racheter à mes yeux… je ne m’attendais tout simplement pas à ce que tu aies le parfait père du Sud. » Il inclina la tête vers Andrew. « Mes excuses, monsieur. Je la laisserai tranquille. » Il alla vers le bar et se versa un verre, gloussant entre ses dents.

 

Dar fit les cent pas de la fenêtre au bus, appuyant ses bras contre le mur pour essayer d’étirer son dos tendu. La longue interview avec la charmante Cheryl l’avait raidie et tout ce qu’elle voulait, c’était que la cérémonie soit finie, et partir. Kerry était blottie dans un coin du canapé ; les analgésiques qu’elle avait pris pour son épaule la sonnaient, et Céci avait posé son manteau sur les épaules de la jeune blonde, assise à côté d’elle en train de dessiner.

 

Dar regarda au-dehors la foule qui s’amassait, les techniciens divers qui préparaient la plate-forme, mettant les caméras en place, ainsi que les micros. Elle sentit une main chaude sur son dos et se retourna pour voir son père regarder par-dessus son épaule.

 

« Tout va bien, Dardar ? »

 

Dar se frotta les yeux et soupira. « Tu as de l’aspirine ? »

 

« Ouais. » Andrew fourragea dans le petit sac qu’il portait autour de la taille et en sortit un flacon. « On m’a donné ce truc à l’hôpital quand je suis revenu. Ça soigne tous les types de maux de tête du monde, je peux te le dire. »

 

Dar accepta les cachets avec gratitude, alla au bar et se versa un verre d'eau, puis elle avala les petites pilules. « Merci. » Elle jeta un regard d’envie à Kerry endormie. « Encore combien de temps ? »

 

« Une heure, Dar. » Hamilton haussa les épaules dans sa veste bien coupée. « Je vais aller faire les yeux doux à la presse. Je vais vous envoyer un gars quand ils seront prêts. » Il passa la porte et la referma derrière lui, les laissant dans une paix et une tranquillité relatives. Céci se leva et alla à un autre fauteuil, passa une jambe sous elle, réajusta son carnet. Elle croisa le regard de Dar, puis lui fit signe d’aller sur le canapé, souriant en voyant que sa fille ne discutait pas, prenait la place qu’elle avait laissée et essayait de se détendre.

 

Kerry dut sentir sa présence, songea Dar, parce que la jeune femme blonde bougea, tendit la main et toucha Dar, puis elle inversa sa position pour poser sa tête sur les genoux de Dar, un bras autour de la cuisse de sa compagne.

 

« Oooooh », dit Andrew en riant.

 

Dar entoura Kerry de son bras et étira ses jambes, puis elle posa la tête sur le dossier du canapé. Les cachets semblaient faire effet, se dit-elle nonchalamment, en sentant les courbatures de son dos passer un peu, ainsi que la douleur sourde dans sa tête commencer à diminuer. Elle ferma les yeux et soupira de soulagement.

 

Le bus resta silencieux quelques minutes puis la mère de Dar passa la tête par-dessus son dessin et la secoua. « Elle est hors-jeu », dit Céci en riant doucement. « Qu’est-ce que tu lui as donné ? »

 

Andrew jongla avec la petite bouteille, puis la lui lança. « Je sais pas, mais ça m’a assommé, alors je me suis dit que ça marcherait aussi sur elle. »

 

Cécilia lut l’étiquette. « Relaxant musculaire, et analgésique. » Elle leva les yeux vers son mari. « J’espère qu’elles vont se réveiller avant la cérémonie, ou tu vas y être tout seul, moussaillon. »

 

Andrew s’avança et s’assit près d’elle, entrelaçant leurs doigts tout en penchant la tête vers son dessin. « La gamine était plus raide qu’une planche… je me suis dit qu’une sieste serait une bonne idée… c’est quoi ça ? »

 

Céci pencha le carnet. « C’est cette scène dehors. »

 

Andy grogna. « Elle est vide. »

 

Sa femme sourit. « Ça ne va pas durer. »

 

***************

 

Le vent s’était tu, et le soleil de fin d’après-midi était arrivé en pleine force chauffant légèrement la scène maintenant décorée de fanions rouges, blancs et bleus. Le personnel avait aussi installé les chaises, et les dignitaires se rassemblaient, papotant ensemble en partageant des verres d’eau distillée potable pendant que l’équipe de télévision chauffait les équipements.

 

L’heure arriva enfin, et chacun prit sa place. Kerry passa les pieds sous elle dans la chaise plutôt inconfortable au premier rang du public, et elle cloua son regard sur les deux silhouettes dans les chaises plus luxueuses à un bout de la scène.

 

Andrew était assis avec toute sa raideur militaire, bien qu’il portât un jean bleu marine et un de ses sweat-shirts à capuche et pas un uniforme. Ses mains étaient croisées sur ses genoux, et sa tête dirigée vers l’avant, mais ses yeux allaient partout, regardant la foule, les dignitaires et les officiers de sécurité.

 

Dar avait l’air… Kerry soupira. Son aimée avait l’air de se réveiller, ce qui était juste puisque c’était pratiquement le cas, et ses yeux avaient une lueur légèrement brumeuse alors qu’elle regardait autour d’elle nonchalamment. « Je pense que Dar est hors-jeu. »

 

« Mm », approuva Céci ironiquement. « J’ai dit à Andy qu’il n’aurait pas dû lui donner deux de ces cachets. Il les prend mais il oublie qu’il est deux fois plus large qu’elle. » Elle soupira. « Pauvre gamine. »

 

« Ben », analysa Kerry. « Au moins elle n’est pas nerveuse. » Elle tourna la tête l’air de rien pour passer la foule en revue, pas surprise, mais déçue de ne pas voir sa famille.

 

L’équipe de télévision donna un signal et le maire alla au micro, et s’éclaircit la voix d’un air important. « Mesdames et Messieurs, merci de vous joindre à moi, ici sur le Mall, pour une célébration de gratitude envers des gens, des gens ordinaires qui ont risqué leur vie pour sauver celles de leurs congénères.

 

La foule applaudit à tout rompre.

 

Il remercia ensuite la police et les pompiers, et donna une plaque à la compagnie de pompiers qui les avait sauvés de l’immeuble. Kerry sourit en voyant ça, contente de voir qu’ils recevaient un peu de reconnaissance. Puis le maire fit un long discours un peu ennuyeux sur le fait que les terroristes ne réussissent que quand ils inspirent la terreur…

 

« Merci de l’info », dirent Céci et Kerry en même temps.

 

Et que la ville ne cèderait jamais à ce genre de pression, étant la capitale du pays des braves, et tout ce truc patriotique. Kerry, qui avait entendu des discours politiques toute sa vie, en éluda la plus grande partie. Elle savait que le maire se présentait à sa réélection cette année, et la plus grande partie de son discours était plus dirigée vers ses électeurs supplémentaires potentiels que dans la célébration des héros.

 

Ce fut enfin fini et il s’éclaircit la voix, posant avec précaution deux mallettes en velours sur le podium.

 

Céci poussa Kerry, ayant repéré une silhouette connue qui se frayait un chemin vers le maire. « Hé. »

 

Kerry regarda surprise de voir son père ici. « Qu’est-ce qu’il fiche bon sang ? »

 

Roger Stuart arriva près du maire et ajusta sa veste d’un geste souple. Le maire se tourna et lui fit un sourire accueillant.

 

« Le sénateur Stuart a requis, puisque sa vie fait partie de celles qui ont été sauvées, l’autorisation de remettre les médailles. Je suis heureux de lui céder le podium. »

 

« Quoi ? » Bredouilla Kerry, qui faillit tomber de sa chaise.

 

« Cchhh… doucement », murmura Céci, en regardant son mari et sa fille échanger des regards identiquement surpris.

 

Roger Stuart mit les mains de chaque côté du podium et accepta les applaudissements. « Merci. » Il avait une voix basse et puissante. « Ça a été une semaine dure et pleine d’anxiété pour nous tous. »

 

Applaudissements.

 

« Mais malgré ça, les étrangers et les amis, les membres d’une famille et les adversaires, se sont alliés pour sauver des vies, et dépasser les désagréments quotidiens normaux pour travailler ensemble dans ce qui a été, sans aucun doute, une horrible tragédie. »

 

« Je n’arrive pas à croire qu’il fait ça », marmonna Kerry.

 

« Pendant que ma femme et moi nous étions piégés dans cet immeuble, nous pensions que nos vies arrivaient à leur fin. Au lieu de ça, grâce au courage des deux personnes que nous sommes ici pour honorer aujourd’hui, nos vies ont été sauvées, ainsi que celles de sept enfants sans défenses, et beaucoup d’autres. »

 

« Je pense que Dar va vomir son déjeuner », commenta Céci. « Il me semble que je reconnais cette expression particulière sur son visage. »

 

« Oh. Ouais », approuva Kerry. « J’espère qu’elle va attendre d’être tout près pour le faire. » Sa voix prit un ton de colère. « Je ne peux pas croire qu’il galvaude ça juste pour un peu de publicité. »

 

« Kerry… » Cécilia regarda son mari et sa fille se lever, alors que Stuart prononçait leurs noms. « Peut-être que c’est la seule façon qu’il a trouvé de dire merci, sans avoir à le dire. »

 

Andrew et Dar traversèrent tranquillement la scène, leurs pas faisant légèrement résonner les planches en bois. Dar était un pas derrière son père, et elle se tenait droite, les mains dans le dos dans une pose très militaire bien qu’inconsciente, alors que la médaille dorée brillante était levée et passée par-dessus la tête penchée d'Andrew.

 

« Beau travail. » Roger Stuart tendit la main, son regard croisant celui d’Andrew. « Merci, Commandant. »

 

« De rien, Sénateur », répliqua Andrew d’une voix calme. Puis il recula et jeta un coup d’œil à sa droite où Dar attendait.

 

Stuart avait beaucoup de chance, songeait Dar, que les médicaments encore dans son système mettent une barrière un peu floue entre elle et son envie de lui mettre son genou dans le bas-ventre. En direct à la télé.

 

« Ms Roberts ? » Stuart ouvrit la seconde mallette et en sortit la médaille. Dar se força à avancer, consciente des objectifs des caméras qui la reluquait voracement, et elle se tint absolument immobile alors que les mains du sénateur s’approchaient d’elle, se levant de chaque côté de son visage pour ajuster le ruban sur son cou.

 

Pendant l’espace d’un instant, leurs regards se croisèrent.

 

« Beau travail », déclara platement le sénateur. Puis son regard vacilla. « Merci Dar. »

 

Elle était trop choquée pour même dresser un sourcil.

 

« Et merci également d’avoir été une si bonne amie pour ma fille », finit le sénateur, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde ici à la télévision et face à des milliers de téléspectateurs, alors que ses mots faisaient écho doucement par-dessus la pelouse.

 

Dans le silence tendu, Dar prit la parole. « De rien. »

 

La foule applaudit et se leva et fit l’ovation. Roger Stuart hocha brusquement la tête, leva la main et la remua tout en se retournant pour descendre de la scène.

 

Andrew repartit dans l’autre direction, tenant Dar par le coude en se dirigeant vers l’escalier qui menait à une foule déjà agglutinée et à des journalistes qui les inondait de questions. « Bon sang de bois », marmonna-t-il entre ses dents.

 

Dar se contenta de soupirer.

 

Puis un mouvement soudain sur sa droite attira son regard et on entendit crier.

 

Puis un coup de feu.

 

 

 

 

Dar sauta, agissant par un instinct qu’elle reconnut à peine. Son plongeon l’amena sur le premier rang des gens qui se bousculaient et elle atterrit dans la rangée de chaises, repoussant des spectateurs avec un total désintérêt pour sa sécurité ou la leur. « Kerry ! »

 

« C’est bon ! C’est bon… Dar !! » Kerry se tortilla vers elle et s’accrocha d’un bras. « Hé ! »

 

Dar les traîna toutes les deux à travers la foule hurlante, avec la seule idée de se frayer un chemin à travers les gens et les chaises comme un camion fou. Elles finirent derrière un des massifs de plantes en pots sur la pelouse, Kerry blottie dans les bras de Dar, essayant toujours de la calmer.

 

« Détends-toi, je t’en prie. » Kerry parla avec patience, tendant la main pour attraper le menton de Dar. « Dar, je ne trouve pas les mots pour te dire que je suis flattée que tu aies remué ciel et terre pour moi, mais dans ce cas… ce n’est pas nécessaire. »

 

« Qu’est-ce que tu veux dire ? » Répliqua Dar. « Tu n’as pas entendu ce coup de feu ? »

 

« Mon trésor. » Kerry transforma sa prise en une douce caresse. « Chérie, l’officier de sécurité reculait, et il a glissé sur l’un de ces câbles télé, et il est tombé, son arme a fait feu. »

 

Les yeux bleus clignèrent un peu brumeux. « C’est vrai ? »

 

« Oui. » Kerry regarda vite autour d’elle puis baissa la tête de Dar et l’embrassa. » Mais merci d’être mon héroïne. » Elle passa le pouce sur la médaille en or de Dar. « Maintenant tout le monde sait ce que moi j’ai toujours. »

 

« Oh. » Dar tressaillit. « Ouille. » Elle tendit la main vers son dos. « On peut rentrer à la maison maintenant ? »

 

Kerry regarda son hamac humain et sourit. « Je suis à la maison. »

 

C’était marrant qu’elle dise ça, pensa Dar, mais c’était mignon. Elle aida Kerry à se lever puis se releva à son tour, et elle firent le tour des plantes en douce, pour arriver en plein espace et s’arrêter brutalement quand elles virent la foule rassemblée. « Je pensais que rien n’était arrivé», accusa Dar, montrant un groupe de policiers autour d’une silhouette allongée.

 

« Mais… je pen… » Kerry fixa le point.

 

« Vous voilà vous deux. » Cécilia arriva derrière elles. « Bon sang… vous nous avez fichu une trouille bleue en disparaissant comme ça… qu’est-ce qui vous a pris ? »

 

« Qu’est-ce qui s’est passé ? » Demanda Dar. « Qui c’est par terre ? »

 

« Si je savais. » Son père apparut de l’autre côté soudainement. « J’ai failli d’venir fou quand t’es partie comme une chauve-souris, Dardar… j’ai essayé de te suivre mais bon Dieu. »

 

Dar rassembla les morceaux épars de sa dignité. « Je m’assurais que Kerry allait bien », marmonna-t-elle. « Ça te pose un problème ? »

 

Andy et Céci échangèrent des regards amusés, et Kerry tapota discrètement la jambe de Dar. « Qui est-ce ? » demanda Kerry curieuse, incapable de voir quoi que ce soit au milieu de la foule de policiers. Ils se rapprochèrent comme le reste des badauds, qui s’étaient maintenant calmés puisqu’il ne semblait plus y avoir de danger. Même la taille d’Andrew n’y fit rien, cependant, parce que la police avait cloué sa cible au sol.

 

« Bon Dieu », grogna Andrew. « Viens par ici, Céci. »

 

« Qu…. » Sa femme se tourna alors qu’il la saisissait fermement autour de la taille. « Andy, qu’est-ce… oh… oups… hé ! » Elle s’accrocha pour garder l’équilibre alors qu’il la soulevait. « Andrew Roberts arrête-ça… je suis trop vieille pour… Andy ! »

 

« Tiens-toi. » Andrew la souleva jusqu’à ses larges épaules. « Voilà… arrête de causer et regarde. »

 

Bon. Cécilia se força à ne pas s’accrocher à ses oreilles pour se venger, et préféra laisser sa forte poigne lui tenir les jambes pour la rassurer. Elle se redressa et regarda par-dessus les policiers agglutinés, maintenant capable de voir. « C’est un homme » annonça-t-elle. « Du moins, je crois… il a les cheveux courts, une chemise en coton, et un jean… bien que de nos jours ça corresponde à tout le monde. »

 

Kerry se mit à rire, enfouissant son visage dans l’épaule de Dar pendant un instant.

 

« Attendez… on dirait qu’il est rasé de près encore que de nos jours… »

 

« On a compris, Céci » Andrew lui tapota le genou.

 

« Tu sais, Andy… je n’en suis pas trop sûre, mais on dirait bien ce type dont tu parlais dans le parc. »

 

Andrew soupira lentement. « Ah. »

 

« Quel type ? » Demanda Dar.

 

La foule bondit en avant alors que les policiers relevaient leur prise et deux officiers plus costauds commencèrent à leur frayer un chemin. Par hasard, ce chemin passait juste par Dar et Kerry, qui se retrouvèrent au premier rang alors que le nœud de policiers commençait à bouger.

 

« Bon Dieu, laissez-moi partir. Je n’ai rien fait ! »

 

Les sourcils de Dar grimpèrent jusqu’à sa frange en entendant cette voix familière. « Bon sang de… c’est Ankow ! »

 

« Quoi ? » Kerry s’accrocha à son épaule et se souleva sur la pointe des pieds pour mieux voir. « Ooooh… ohhhh… c’est bien lui ! » Couina-t-elle doucement. « Mais je pensais que… oh… regarde, c’est le Lieutenant Jacobs. »

 

Dar sourit. Et pas d’un gentil sourire. Le groupe s’avança vers eux, Ankow luttant au centre, couvert de bonne terre de Washington.

 

« Je vous traînerai tous en justice ! » Grognait Ankow. « Je n’ai rien fait bon sang… j’étais juste assis là ! »

 

« Ouais… racontez-ça au juge. » Dit le sergent en charge d’une voix traînante. « Tout le monde dit ça… »

 

« Espèce de stupi… » Ankow leva soudain les yeux et son regard tomba sur Dar. « Toi ! » Cria-t-il de rage. « Espèce de putaindemerdeusedefilledepute ! »

 

Céci parla depuis son perchoir. « Mauvaise pioche, pas le bon sexe, mais j’accepte pour ‘merdeuse’. »

 

Ankow l’ignora. « C’est ta faute ça… tu leur as demandé de le faire ! TOUT est de ta faute ! » Il lutta et plongea vers Dar, la serrant de ses mains menottées. « Je vais te tuer !!! »

 

Les équipes de télévision, ne ratant jamais une bonne occasion, étaient accroupies sur la scène, filmant de tout leur cœur, et deux des journalistes locaux étaient transportés par l’extase en décrivant la scène.

 

Le lieutenant écrivait tout joyeusement dans son carnet. « Emmenez-le, les gars… on a une jolie cellule qui l’attend. » Elle regarda vers Ankow avec une lueur sadique. « Avec quelques motards qu’on a chopés hier. »

 

L’homme grand et musclé se secoua de droite à gauche et se tortilla pour essayer d’attraper Dar. « J’aurai ta peau… je te le promets… » Son regard était déjanté. « Espèce de malade, pervertie… ouf. » Il libéra brusquement sa tête et mordit celui qui le tenait, puis plongea vers l’avant, se précipitant vers Dar.

 

Elle aurait pu faire un millier de choses. Pourtant, elle prit une rapide décision raisonnée et sortit simplement du chemin, le laissant lui passer tout près et atterrir sur la boue piétinée, face la première, avec un bruit sourd.

 

Les policiers lui fondirent à nouveau dessus, et le mirent brutalement debout, maintenant couvert de boue.

 

« On dirait un porc qu’on aurait tiré du purin », dit Andrew d’une voix traînante.

 

« Allez. » Le lieutenant lui attrapa le bras et le tira brusquement.

 

« Est-ce qu’il a un rapport avec l’explosion, Lieutenant ? » cria un des journalistes depuis la scène, en dirigeant un projecteur vers la femme musclée.

 

« Nous ne sommes pas en mesure d’en discuter maintenant », répondit la femme, avec un sourire suffisant léger mais visible. « Notre enquête n’est pas terminée. » Elle jeta un coup d’œil à sa prise. « Encore. »

 

On entendit un bourdonnement et la foule s’agglutina derrière eux alors qu’ils traînaient un Ankow qui luttait et donnait des coups de pieds vers une estafette juste à l’extérieur du parc. Alors qu’ils atteignaient le trottoir, deux hommes en costume se précipitèrent et parlèrent au lieutenant qui les repoussa de la main.

 

« Vous pensez qu’il a quelque chose à voir avec ça ? » demanda Kerry curieuse.

 

Dar haussa les épaules. « Je n’en ai aucune idée… mais quand ils en auront fini avec lui, ça n’aura plus d’importance », répliqua-t-elle avec satisfaction. Elle leva les yeux alors que le lieutenant Jacobs se frayait un chemin dans la foule dans leur direction. « Jolie prise. »

 

« Ouais… écoutez, il faut encore qu’on vous interroge… n’allez nulle part », l’avertit la femme.

 

« Désolée. On prend le prochain vol. »

 

« Ms Roberts… » aboya le lieutenant.

 

« Si vous nous voulez, venez à Key West », lui dit Dar d’un ton neutre.

 

« Si vous pensez que je vais… » L’officier de police s’interrompit, son regard intelligent brillant de réflexion.

 

« A nos frais, d’accord ? » Dit Dar d’une voix traînante.

 

« Vous savez quoi, Roberts… » Un doigt fin pointa vers la poitrine de Dar. « Vous êtes trop maligne pour votre propre bien. » Le lieutenant secoua la tête et se fraya à nouveau un chemin dans la foule, en marmonnant des mots sans suite.

 

Dar gloussa doucement. « C’est ce qu’ils disent tous. »

 

 

 

**

 

Kerry laissa ses yeux s'ouvrir lentement, et s'emplir du ciel bleu et clair qu'elle pouvait voir derrière le coin du toit du porche. C'était une belle journée ensoleillée, avec une douce brise fraîche venue de l'océan, qui effleurait les deux silhouettes somnolentes blotties l'une contre l'autre dans le hamac de cordes.

 

Elle était parfaitement satisfaite de se trouver pile à l'endroit où elle était, blottie contre Dar dans la lumière de la fin d'après-midi, le ventre plein de salade de homard, de rouleaux à l'ail et d'un milk-shake à la banane en pleine digestion. On était mercredi, et elles en étaient à la moitié de leurs vacances, après cinq jours de plongée, de bains de soleil, et de longues marches sur la plage. Chino s'était amusée comme une folle elle aussi, et elle était affalée près du hamac à cet instant, le nez couvert de sable.

 

Kerry soupira de joie, en se blottissant un peu plus contre une Dar profondément endormie. Les bras de celle-ci l'entouraient, et elle pouvait sentir l'odeur de noisette de l'huile solaire, avec son soupçon de noix de coco qui traînait encore sur la peau de Dar. Elles portaient des grands shorts en coton doux et des tee-shirts, après être revenues juste avant le déjeuner d'une longue plongée matinale depuis un catamaran. Elles avaient prévu une ballade en vélo juste avant le dîner, puis Dar avait suggéré qu'elles se contentent de flâner le long de la rue principale de Key West, avant de trouver un nouveau resto pour manger.

 

Ça lui plaisait bien. Kerry remua les orteils. Elle ne s'était jamais sentie aussi détendue de sa vie, et elle remercia encore une fois Dar en pensée pour avoir suggéré ce repos. Son épaule allait bien mieux, ainsi que le dos de Dar, qu'elles avaient fait attention de ne pas stresser par des plongées faciles, en laissant le responsable du bateau de plongée leur passer leurs bouteilles alors qu'elles étaient déjà dans l'eau.

 

Elle avait pris des photos géantes, incluant une de Dar assise au fond de l'océan clair et teinté de vert, nez à nez avec un dauphin curieux. Celle-là, elle allait l'agrandir et l'encadrer… elle serait super sur le mur près de la table dans la salle à manger, et elle en avait deux plus petites de poissons bigarrés qu’elle pourrait mettre de chaque côté. Dar était dubitative sur celle qui la représentait, mais Kerry savait qu’elle allait être géniale, d’autant que, comme elle ne portait que les bouteilles, on pouvait voir une grande partie de son corps, y compris ces jambes vraiment longues étendues sur le sable blanc, les palmes croisées aux chevilles.

 

Mmm. Kerry se la représentait, la forme élancée dans son maillot de bain noir, avec le tissu léger qui… laissait… voir sa peau dessous.

 

Superbe. Elle espérait juste que Dar lui laisserait le temps d’encadrer ce truc et de l’accrocher avant de se rendre compte de combien elle avait l’air sexy là-dessus. Kerry gloussa pour elle-même.

 

L’endroit où elles se trouvaient était une sorte de petite résidence privée avec des petits bungalows, et elle s’aperçut qu’elle préférait ça aux hôtels entassés un peu plus loin le long de la côte. Elles avaient leur intimité, au moins. Le bungalow était entouré de plantes de bord de l'eau et de palmiers, avec deux portes, dont l’une donnait sur un chemin qui menait vers les petits restaurants et les boutiques de la résidence, l’autre menant directement sur une plage de sable fin et la mer.

 

A l’intérieur le bungalow était confortable, plus patiné que fantaisiste, avec des murs en bois et des meubles, et des tissus colorés rugueux. Il y avait un petit frigo et deux plaques au gaz, et par-dessus tout, un porche arrière superbe avec une balancelle pour deux, un fauteuil, et l’énorme hamac en corde dans lequel elles étaient actuellement nichées.

 

Le paradis. Kerry s’étira, sentant le tiraillement d’un léger coup de soleil sur sa peau.

 

Bien sûr, au bureau, c’était le chaos. Elle et Dar avaient opté pour un compromis, et chaque soir, après le dîner, elles s’asseyaient et récupéraient leur courrier électronique échangeant les morceaux les plus frénétiques alors que leurs équipes respectives se bousculaient pour essayer de gérer les choses pendant qu’elles étaient au loin. Et pour être honnête, elles portaient leur bipeurs, regardant avec précaution les divers messages en décidant de ceux qui étaient vraiment urgents, et ceux qu’il serait bon de laisser des moins expérimentés régler.

 

Tout le monde devait apprendre, et ça n’était pas une mauvaise chose. Kerry se demanda rapidement si elles ne pouvaient pas rendre cet arrangement permanent, avec de la télé-conférence et tout et tout, puis elle admit qu’à leur niveau, il fallait un peu plus que ça, au moins pour que ça soit bien fait.

 

D’un autre côté… Kerry regarda un morceau de couleur passer vite. Elle n’avait pas eu le loisir d’essayer le parachute ascensionnel, eu égard à son épaule en guérison, elle voulait vraiment essayer. Peut-être qu’elle pourrait demander à Dar de prolonger un peu plus leur exil…

 

« Non. » Un grondement sexy lui chatouilla l’oreille.

 

Kerry jeta un coup d’œil vers le haut et sourit. « Si on reste ici assez longtemps, je pourrai. » Elle remua les doigts. « Ça va bien mieux… honnêtement. »

 

Dar ouvrit les yeux à demi et la regarda. « Hmm… peut-être », répondit-elle pensivement. « Si on y allait ensemble… je pourrais te tenir … »

 

« Oooooohhhh. » Le regard de Kerry s’éclaira. « Ouais !!! » Elle se tortilla et finit à moitié affalée sur Dar. « J’adore cette idée !!! »

 

« Vraiment ? » Dar lui chatouilla les côtes et la regarda se tortiller un peu plus. « D’accord… on va essayer demain… le pire qu’on puisse nous dire, c’est non. » Elle bâilla et referma les yeux, en prenant une inspiration de l’air salé avec une sensation de plaisir décadent. « Mm…. je pourrais m’habituer à tout ça. »

 

Kerry réfréna son propre bâillement. « Moi aussi. » Elle mordilla nonchalamment le tee-shirt de Dar. « Et si on laissait tomber ILS et qu’on ouvrait une société de conseil d’E-commerce ici… quelque chose qu’on peut diriger avec deux téléphones et un ordinateur portable. »

 

« D’accord. »

 

Kerry s’interrompit et leva la tête, regardant sa compagne à demi-endormie. « Tu n’es pas sérieuse. »

 

Dar acquiesça de la tête.

 

« Vraiment ? »

 

Un œil bleu apparut. « Y’a même pas photo. » Il se referma.

 

« Hm. » Kerry reposa la tête. Dar s’était visiblement détendue ces derniers jours, effaçant quelques années, aux yeux de Kerry, et retrouvant un sens de l’amusement malicieux qu’elle soupçonnait d’être enfoui quelque part là-dessous. Même son débit de parole s’était un peu ralenti prenant un soupçon du traînaillement de voix distinct de son père, et Kerry soupçonnait son amante d’avoir plus de mal qu’elle à retrouver le mode travail lundi prochain. « Ça te plaît de traîner sur la plage, hein ? »

 

Dar rouvrit les yeux et étudia le plafond de bois qui balançait au-dessus de leurs têtes. « Je crois », répondit-elle. « Ouais… peut-être bien… je veux dire… » Elle bougea un peu. « Ça ne me dérange pas de travailler beaucoup, mais ouais.. j’aime bien le faire en bermudas et baskets parfois. »

 

« Et bien… tu es la DSI et le boss à Miami… change le code vestimentaire » répliqua Kerry pratique.

 

Puis elle s’interrompit et tressaillit. « Oh… attends… non… José en short… » Elle enfouit son visage dans le tee-shirt de Dar. « Oublie ça. »

 

Dar se mit à rire. « Je sais… je sais… » Elle pinça légèrement les lèvres. « Par ailleurs… je suis sûre que tu ne penses pas la même chose… je pense que tu aimes le style classe… et que ça te correspond. »

 

Kerry leva les yeux, surprise.

 

« C’était un compliment », l’assura Dar.

 

« Mmm… tu me donnes l’impression d’être si BCBG. » Kerry plissa le nez. « Mais oui… tu as raison. J’aime bien m’habiller… ça rend les week-ends négligés encore plus sympas. »

 

« Et bien », dit Dar en réfléchissant à ce point. « Et si je te laissais prendre le contrôle d’ILS… et je pourrais diriger une société de conseil depuis la maison en pyjama… et on pourrait se trouver un coin comme celui-ci pour traîner le week-end ? »

 

Kerry plissa le front en essayant de savoir si Dar blaguait ou si elle était sérieuse, ou à mi-chemin entre les deux. Peut-être que c’était le chaos général qu’elles avaient traversé qui n’était pas encore passé.

 

Peut-être que Dar blaguait seulement.

 

Kerry regarda les yeux bleus s’ouvrir et fixer rêveusement un merle noir perché sur le bord du toit. « C’est vraiment ce que tu veux ? » demanda-t-elle tranquillement. « Quitter la boîte ? »

 

Dar prit un long moment pour répondre, comme si elle étudiait la question sous un grand nombre d’angles. « J’y ai beaucoup donné », dit-elle.

 

« Oui, c’est vrai… mais il en reste encore bien plus à donner », répliqua Kerry. « Tu changes complètement la façon dont la compagnie mène les affaires, Dar… et tu fais un travail génial. »

 

« Merci. » Une pause. « Une partie de moi souhaite terminer ça. » Elle regarda Kerry. « Une partie de moi veut rester ici… la part de moi qui a été terrifiée dans l’immeuble. »

 

Kerry garda le silence.

 

« Je ne veux plus mettre autant d’énergie dans mon travail, Kerry », admit Dar. « Je veux passer plus de temps à faire des choses comme celles-ci… à savourer la vie… savourer être avec toi. » Un mouvement de la tête. « Ça peut aller si vite. »

 

Kerry laissa passer un petit souffle. « Et bien… si c’est ce que tu veux… fais-le. »

 

« Mais ce n’est pas ce que tu veux. » Dar lui toucha le nez. « Je ne sais pas… peut-être qu’on peut trouver un compromis. »

 

« Peut-être. » Un sourire. « On va trouver un moyen, Dar… mais tu sais, un endroit comme celui-ci pour le week-end, ce n’est pas un mauvais début. »

 

Dar lui sourit. « Non ? Hmm… et bien, c’est plutôt au nord, mais je connais un petit coin qui pourrait t’intéresser… mais il faudra y travailler pas mal. L’endroit est plutôt délabré. »

 

Kerry leva la tête tout droit. « Je te verrai utiliser des outils électriques ? » Elle regarda le sourire se former. « Oooh… je ne vais pas laisser passer ça… ça sera marrant. J’aime bien commencer à zéro… voir ce qu’on peut faire d’un endroit. »

 

« On ira voir alors », lui promit Dar, puis elle regarda le soleil. « Hmm… je pense qu’on a rendez-vous avec des vélos, non ? » Elle s’étira en bâillant à nouveau. « Et quelque chose d’épicé pour dîner ? »

 

« Ça me va bien », approuva Kerry en se redressant avant de sortir avec précaution du hamac, le sol en bois chaud sous ses pieds nus. Elle alla vers la rambarde et s’y appuya, puis se retourna quand Dar la rejoignit, et marcha main dans la main avec sa compagne jusque dans le bungalow.

 

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