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Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Ton coeur est ton foyer

Home is where the Heart is

 

Melissa Good

 

Traductrice : Katell

 

*****

Partie 2A

*********

 

 

"Dieux", fit Gabrielle, la bouche pleine de biscuits. "Elle en a envoyé assez pour dix." Elle lança un biscuit à Xena. "Tiens." Puis elle s'appuya en arrière et sourit à la guerrière, qui était assise sur la chaise en face d'elle, réparant une charnière de son armure dans la lumière de cette fin de matinée.

 

Xena examina le biscuit qu'elle venait d'attraper en plein vol et, avec un haussement d'épaule, mordit dedans à belles dents. "C'est toujours mieux que ce qu'ils servent ici, ça c'est sûr." Elle retourna son attention vers l'armure, fronçant les sourcils devant la charnière bloquée. "Je crois qu'il va falloir que je demande au forgeron de lui donner un bon coup de marteau", grommela-t-elle. Puis elle leva les yeux pour trouver le regard de Gabrielle fixé sur elle. "Quoi ?"

 

Le barde ricana. "Rien." Un peu hésitante, elle poussa du doigt ses propres côtes. "Pas si mal." Puis elle se pencha en avant et posa la main sur le bras de la guerrière. "Xena…"

 

"Mmm ?" fit la guerrière, levant les yeux. "Qu'est-ce qu'il y a ?"

 

"J'aimerais…" elle hésita. "Tu voudrais bien t'entraîner avec moi, aujourd'hui ?"

 

Xena posa l'armure sur la table et observa son visage. "Tu es sûre ?"

 

Gabrielle inspira profondément et la fixa franchement. "Je suis sûre." C'est vrai. Ce qui s'est passé hier… il va me falloir un bon moment pour… tout digérer. Mais je ne peux pas me permettre d'avoir peur d'utiliser un objet qui parfois me sauve la vie.

 

"OK", fit la guerrière. "Mais doucement… je ne veux pas que tu te fasses mal, avec tous ces bleus." Ouf. J'avais peur qu'elle ait un problème avec le bâton pendant quelque temps… apparemment, ce n'était pas la peine de m'inquiéter. "Je vais m'occuper de ça. Tu reste à fainéanter un peu ici ?" Elle adressa au barde un sourire taquin.

 

"Ça te va bien", répliqua Gabrielle, tirant sur la chemise de nuit de Xena. "Et je n'ai même pas eu besoin de te piéger pour que tu fasses la grasse matinée." Elle ne s'en plaignait pas, bien sûr. Etre réveillée par la douce lumière du soleil et trouver Xena encore profondément endormie dans ses bras lui avait tout à fait convenu. Elle en avait profité - ça n'arrivait pas si souvent - pour réveiller sa compagne de la façon la plus douce, avec un baiser, ce qui avait très bien fait l'affaire, mais bien sûr, Xena avait répondu à ce baiser, ce qui avait entraîné une exploration longue et attentive, durant laquelle Xena avait pris garde de ne pas heurter son ventre douloureux. Et puis elles s'étaient reposées tranquillement dans les bras l'une de l'autre, jusqu'à ce que Gabrielle ne décide, n'ayant rien mangé la veille, qu'elle avait faim. D'où leur discussion actuelle.

 

"Ouais, et ben…" soupira Xena, "je me suis réveillée, et j'ai décidé que… je ne voulais pas me réveiller." Et c'était bien ce qui s'était passé, à son grand regret. J'avais plus de volonté que ça, si je me souviens bien. "J'ai bien dit que tu avais une mauvaise influence sur moi." Elle se leva et alla jusqu'à son équipement. "Il est temps d'aller distraire les autochtones."

 

"Tu pourrais faire la même chose qu'à Amphipolis", commenta Gabrielle, tapota un peu l'armure. "Et ne pas enfiler ce truc."

 

"Mmm…la situation est différente, Gabrielle." Xena hésita. "Mais… par Hadès, ça vaut la peine d'essayer. Pas vrai, Arès ?"

 

"Roo", approuva le chiot, se détournant du morceau de viande que Xena lui avait donné. "Grr", ajouta-t-il, puis il retourna à son petit déjeuner.

 

Xena ricana, et enfila une simple tunique, la noua à l'aide d'une ceinture, puis alla s'asseoir pour enfiler ses bottes ; Gabrielle se leva et alla se placer derrière la chaise, avant de glisser les bras autour du cou de la guerrière et d'appuyer doucement sa tête contre celle de Xena. Sans rien dire.

 

Xena termina d'enfiler sa deuxième botte, puis laissa sa tête reposer contre la poitrine de Gabrielle, prenant quelques instants pour laisser cette sensation chaleureuse l'envahir. Oh, oh… je crois que je suis accro… je me demande si c'est dangereux… je me demande si ça m'importe ? Non, je crois bien que je m'en fiche… Dieux, c'est tellement bon… Elle ferma les yeux et sourit lorsque le barde se mit à mordiller gentiment son oreille. Allez, allez, Xena… tu as des choses à faire, des gens à intimider… Mais son corps, rebelle à tout mouvement, aimait l'endroit où elle se trouvait, et elle se tourna pour capturer les lèvres du barde, avant de passer quelques minutes à l'embrasser.

 

Enfin, elle s'éclaircit la gorge. "Alors… quel est ton plan ?" demanda-t-elle à Gabrielle par-dessus son épaule.

 

"Hmm ?? Il faut que j'aie un plan ?" répondit le barde, d'une voix rêveuse. "Oh. OK… euh… je crois que je vais aller voir si je peux raconter quelques histoires à l'auberge."

 

"Bonne idée", fit Xena, amusée. "Tu vas aller…"

 

"Non", répondit doucement Gabrielle. "Pas aujourd'hui."

 

Xena acquiesça. "Fais-moi plaisir…

 

Un sourire paresseux se dessina sur les lèvres du barde. "Hercule uniquement ?" Elle rit en voyant l'expression penaude sur le visage de la guerrière. "Pas question, Princesse Guerrière."

 

Xena soupira, mélodramatique, mais était en fait ravie du ton taquin de Gabrielle. "Ce qu'il faut que je supporte, je vous jure", grommela-t-elle en se levant. "Fais attention, ou je raconte notre dernière petite aventure." Elle vit la lueur de surprise dans les yeux de Gabrielle. "T'avais oublié, hein ?"

 

Le barde lui tira la langue. "Pas juste. Ce n'est pas gentil."

 

"Ouais, ouais", acquiesça Xena joyeusement. "A plus." Elle marcha jusqu'à la porte, se retourna en l'ouvrant, et saisit quelque chose dans l'expression de Gabrielle, quelque chose qui la fit revenir sur ses pas. "Hé." Elle posa la main sur l'épaule du barde. "Ça va ?" fit-elle, tout en l'observant.

 

Gabrielle secoua la tête, comme pour se libérer de toute pensée encombrante, et acquiesça. "Oui… oui,.. ça va." Allez, Gabrielle, tu n'es plus une gamine. Ressaisis-toi, bon sang. "Ça va."

 

Xena l'observa d'un œil critique. "Tu mens." Elle leva les deux sourcils et attendit une explication.

 

Le barde fronça les sourcils. "Xena, vraiment… je suis juste… je… ne veux pas…"

 

"Etre toute seule ?" fit doucement la guerrière, adoucissant son expression et sa voix. "Gabrielle, quelque chose de vraiment traumatisant t'est arrivé hier. Il va te falloir du temps pour t'en remettre. Ce n'est pas grave. Je t'attendrai."

 

Gabrielle la regarda, un sourire retissant sur les lèvres. "Merci. Mais… vas-y. Si je commence, ça n'en finira jamais. Ça va aller. Je vais aller voir l'aubergiste et puis, je te retrouve dehors, au marché. D'accord ?"

 

"Mmm… d'accord." Xena acquiesça, à contrecœur, serrant doucement son épaule. "Vas-y doucement." Elle relâcha le barde et retourna à la porte, l'ouvrant cette fois en entier, et la franchit, mais pas sans avoir jeté un dernier coup d'œil à Gabrielle et levé un sourcil une dernière fois.

 

Gabrielle sourit et secoua doucement la tête. "En plus, je t'ai, toi. Pas vrai, Arès ?" Ceci à l'attention du chiot qui était roulé en boule sur le tapis près de la cheminée.

 

"Grr", répondit Arès, avec un bâillement. Gabrielle alla s'asseoir près de lui et joua avec lui un long moment, la sensation de sa douce fourrure la calmant ; ses mimiques de chiot firent bientôt apparaître un sourire sur ses lèvres. Enfin, elle se releva, s'étira avec précaution, et réfléchit à ce qu'elle allait porter.

 

Elle finit par prendre une décision et se changea, rangeant ses autres vêtements dans son sac, et optant pour une tunique blanche sans manche qu'elle avait achetée à Amphipolis. Avec les bandages, pensa-t-elle, sa tenue habituelle en dirait trop long sur ce qu'elle souhaitait garder privé. Elle jeta un œil à son reflet dans le miroir et, pensivement, sa main vint effleurer les marques sur son visage.

 

"Bon sang", soupira-t-elle. "Elle a oublié de mentionner que j'ai l'air d'avoir été renversée par un char." Mais bien sûr, Xena n'allait pas dire une chose pareille.

 

Distraitement, elle ramassa la chemise de nuit que la guerrière avait pliée consciencieusement et l'examina ; un sourire se dessina bientôt sur ses lèvres. C'était la même qu'elle avait elle-même portée durant le mois passé dans le village amazone. L'a-t-elle prise par hasard ? se demanda-t-elle, amusée. Au hasard ? Xena ne choisissait même pas ses cuillères au hasard. Elle serra la chemise contre elle, respirant l'odeur familière dont elle était imprégnée. Elle est si… terre à terre, et… pragmatique… et puis, à côté de ça, elle fait des trucs dans ce genre… j'adore ça.

 

De meilleure humeur, elle rangea la chemise, caressa un peu Arès et prit un moment pour reprendre ses esprits. Elle allait sortir, lorsqu'elle entendit quelqu'un frapper à la porte.

 

Prudente, elle bougea un peu pour être à portée de son bâton. "Entrez", dit-elle, croisant tranquillement les bras.

 

La porte s'ouvrit et l'aubergiste glissa une tête grisonnante à l'intérieur. Il l'observa un instant, puis hocha la tête. "Ton… amie m'a dit que tu étais un barde maintenant", dit-il, s'avança un peu plus dans la chambre.

 

"C'est vrai", fit Gabrielle plus gentiment, se détendant un peu. "Tu as besoin d'un scribe ?" Tu peux compter sur Xena ; elle ne laisse jamais rien au hasard.

 

L'aubergiste secoua la tête. "Nan. Tu pourrais venir, à l'heure du dîner, et raconter quelques bonnes histoires ?" demanda-t-il, un peu brusquement. "Tu peux garder ce que les gens te donneront. C'est juste pour attirer des clients. Ses yeux gris l'observaient, puis firent le tour de la chambre. Enfin, son regard se posa à nouveau sur elle, puis sur les armes et l'armure rangées dans un coin.

 

Gabrielle cligna des yeux, surprise. "D'accord", fit-elle en souriant. "Je comptais t'en parler de toute façon."

 

"Très bien", répondit-il, puis il recula vers la porte. "Ce soir, alors." Et elle entendit bientôt ses pas dans l'escalier.

 

Le barde ricana un peu. "C'était facile", commenta-t-elle, puis elle alla à la fenêtre, pour jeter un œil dehors. Elle repéra immédiatement Xena qui discutait avec un homme grand et costaud, portant un tablier de forgeron, et observa depuis sa fenêtre les villageois qui s'arrêtaient et regardaient la guerrière de loin.

 

C'était amusant, vraiment. Ce n'est pas que Xena ne méritait pas d'être observée, pensa-t-elle, amusée, regardant sa compagne de l'autre côté de la cour. Même sans armure, elle se déplaçait avec un air doucement dangereux qui incitait les gens à s'écarter de son chemin sans qu'elle ait à dire un mot, une intensité musculaire qui portait son propre avertissement, ainsi qu'une assurance qu'elle arborait comme un vêtement précieux. Ajoutez à cela sa taille et son apparence des plus avantageuses, et… elle avait l'habitude de voir les gens la dévisager, en tout cas, c'est ce qu'elle disait. Gabrielle pensait quant à elle que sa compagne était souvent surprise par la réaction des gens. Le barde ne l'était plus depuis longtemps.

 

Encore un coup à la porte, et elle se retourna. "Oui ?" appela-t-elle et elle vit apparaître sa sœur dans l'entrebâillement de la porte. "Lila", dit-elle en souriant. "Bonjour."

 

"Bonjour", fit Lila, avançant un peu pour la voir de plus près. "Aïe. Ça doit faire mal", commenta-t-elle, plissant les yeux en voyant les marques sur le visage de Gabrielle.

 

Le barde haussa les épaules. "Ça ne fait pas si mal que ça. Comment ça va là-bas ?" Pas la maison. Ce n'était plus sa maison. "Maman va bien ?"

 

Lila acquiesça. "Maman va bien." Elle fit une pause. "Il va bien aussi, je crois, il n'arrête pas de pester. Mais Métrus…" elle baissa les yeux. "Il dit qu'il ne veut plus jamais avoir affaire à toi."

 

Gabrielle parut soulagée. "J'ai dû lui faire peur", fit-elle, sarcastique, levant les yeux au ciel.

 

"Mmm." Lila eut une petite grimace. "En fait, je crois que c'est plutôt Xena qui lui a fait peur." Elle rit un peu en voyant l'expression sur le visage de sa sœur. "Oh… elle ne t'a pas raconté, hein ?"

 

"Mmm… on n'a pas beaucoup parlé…euh… je veux dire… pas de ça", expliqua Gabrielle, essayant d'ignorer la rougeur qui envahissait ses joues, elle le savait. "Qu'est-ce qu'elle a fait ?"

 

Lila lui saisit le bras. "Je te raconterai en marchant. Une nouvelle caravane de marchands arrive aujourd'hui." Elle inspecta la courte tunique de Gabrielle. "Tu ne crois pas que tu aurais pu choisir quelque chose d'un peu moins provocant ?"

 

Gabrielle cligna des yeux d'un air innocent. "Bien sûr. Je peux enfiler mon costume de cérémonie amazone, si tu y tiens." Elle adora le regard exaspéré que lui lança Lila. "Ecoute… je porte cette tenue à Amphipolis et personne ne m'a jamais fait de remarque… alors, du calme, d'accord ?"

 

Lila soupira. "Au moins, on voit ton bronzage." Elle leva un peu la manche et un sourcil du même coup. "Est-ce que j'ose te demander si tu as une marque de bronzage ?" Elle hésita. Et vit Gabrielle soudainement rougir. "Mmm… il ne vaut mieux pas."

 

Elles descendirent l'escalier ensemble, puis sortirent de l'auberge. Gabrielle se tourna vers elle alors qu'elles quittaient le bâtiment et lui saisit doucement le bras. "Qu'est-ce qui va se passer pour toi et Lennat ?"

 

Lila regarda au loin et continua à marcher. Enfin, elle jeta un coup d'œil vers sa sœur. "Je ne sais pas. Nous n'avons pas encore pris de décision." Elle soupira. "Et après ce qui s'est passé hier…"

 

"Ah, oui. Qu'est-ce qui s'est passé ?" demanda le barde.

 

"Maman dit qu'il était agité et qu'il voulait aller te dénoncer au bailli", expliqua Lila à voix basse.

 

Gabrielle la regardait, surprise. "Pour… mais…"

 

"Je sais… je sais", fit Lila, comme pour la calmer. "Maman dit qu'il a eu le temps de dire une phrase et puis… je n'arrive pas à le croire… Métrus est costaud… mais… elle dit que Xena l'a attrapé par la gorge et l'a jeté par terre, et qu'elle s'est… agenouillée sur lui."

 

"Je te crois", fit Gabrielle dans un souffle. "Elle est… si forte, c'est… vraiment effrayant parfois." Elle vit le l'expression de surprise sur le visage de Lila. "Tu n'as pas idée."

 

"Vraiment ??" demanda la jeune fille brune, intriguée. "Bref, Maman dit qu'en gros elle a dit à Métrus que s'il essayait quoique ce soit contre toi, elle le tuerait." Elle déglutit. "Et elle a dit qu'ils avaient de la chance que le bâton ait été entre tes mains et pas les siennes, et que si elle avait vu Papa te frapper, elle l'aurait découpé en petits morceaux."

 

Gabrielle tressaillit. "Ah…" Tout était vrai, elle le savait. "Maintenant, tu comprends pourquoi je ne voulais pas lui dire…"répondit-elle doucement. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de ressentir une douce chaleur au creux de son estomac malgré tout.

 

"Oui", fit Lila. "Tu as peur d'elle, Bree ?"

 

"Non", Gabrielle répondit distraitement, sans même avoir besoin de réfléchir à la question. "Pas du tout."

 

Elles se turent, continuant leur marche vers la foule rassemblée autour de la caravane des marchands.

 

 

 

Xena avait quitté la chambre dans une humeur relativement bonne, et même les regards hostiles qui l'avaient dévisagée à l'auberge ne l'avaient pas dérangée. Je suis d'assez bonne humeur pour… m'occuper un peu de cet endroit. Secouer un peu ces gens, et leur esprit étroit. Cette pensée en tête, elle s'arrêta au milieu de la grande salle et se retourna, cherchant l'aubergiste.

 

Elle le repéra près des gros tonneaux de bière, l'observant de loin. Elle sourit. "Toi", fit-elle d'une voix traînante, tout en s'approchant de lui. "Comment vont les affaires ?"

 

L'aubergiste la regarda. "Mal", répondit-il, brusquement, d'un ton hostile. "Qu'est-ce que ça peut te faire ?"

 

Xena appuya les avant-bras sur le comptoir derrière lequel il se trouvait et le regarda un moment sans rien dire. "Je voulais juste t'aider", fit-elle d'une voix ronronnante, "Tu sais, tu pourrais rendre l'endroit un peu plus attrayant le soir avec un peu de divertissement."

 

L'aubergiste baissa les yeux et cracha par terre. "Ouais, c'est ça. Je vais demander à ma femme de faire la danse des sept voiles."

 

Xena se souvint de sa femme, qui faisait aussi office de cuisinière. Elle frissonna rien que d'y penser. "Mmm… mais un barde serait une bonne idée", suggéra-t-elle, levant un sourcil à son attention.

 

L'aubergiste cracha à nouveau par terre. "Pas de problème. Je vais siffler pour en appeler un." Il lui lança un regard réticent. "C'est pas que ça soit une mauvaise idée."

 

Xena hocha la tête un peu brusquement. "Il y en a un là-haut, dans ma chambre. Va lui demander."

 

"Mmm. La petite Bree, hein ?" fit l'aubergiste, hésitant. "J'ai entendu ce qui s'est passé."

 

"C'est elle", confirma Xena. "Tu trouveras pire, comme barde."

 

L'aubergiste grogna un peu. "Merci." Il jeta un œil vers l'étage. "Peut-être que j'irai lui demander."

 

"Tant mieux", fit Xena. "Vas-y." Elle lui lança un dernier regard, puis se retourna et sortit.

 

Une fois dehors, elle sourit et se dirigea vers les écuries pour aller voir Argo. Elle y était presque, lorsqu'elle entendit de jeunes voix et s'arrêta pour écouter. Une sombre expression envahit son visage, puis elle se glissa dans l'entrebâillement de la porte, et avançant en silence sur le sol couvert de paille.

 

Un geste rapide de la main à l'attention d'Argo, pour faire taire le hennissement de bienvenue de la jument, puis elle traversa l'écurie, se rapprochant des voix. Jeunes, pensa-t-elle. Quatre, peut-être, non, cinq. Elle passa le dernier box, puis s'immobilisa, observant.

 

Cinq garçons, en fait, des villageois, portant des chemises grossièrement coupées, et des pantalons étroits, ainsi que de grosses bottes. Ils encerclaient Alain, surpris et pathétique, qui avait placé ses mains au-dessus de sa tête pour se protéger. Les gamins, tour à tour, s'avançaient vers lui pour pincer et frapper le garçon blond et, alors qu'elle regardait, le plus grand d'entre eux s'élança et frappa violemment Alain sur son épaule difforme, envoyant le garçon au sol, dans l'un des box.

 

Xena traversa le sol couvert de paille si vite qu'il ne la vit pas arriver. Il ne vit pas le poing qui l'envoya voler sur le mur de l'autre côté de la pièce. Il se releva, essuyant un filet de sang au coin de la bouche, et la regarda, furieux.

 

"Allez, viens, le courageux", fit Xena, s'arrêtant à quelques pas de lui et le fixant intensément. "Voyons si tu as du cran."

 

Il en avait. Il s'élança vers elle, lança son poing à toute volée sur sa poitrine, et fut stoppé lorsqu'elle lui rendit le coup, l'envoyant voler à nouveau contre la paroi de bois. Puis elle se rua sur lui et le souleva par son pantalon et le col de sa chemise et, inspirant profondément, le fit passer par-dessus le box et dans le tas de fumier.

 

Un silence suivit, ses acolytes immobiles, trop effrayés pour courir ou attaquer. Xena leur lança un regard dégoûté, puis vint jusqu'à Alain, qui était accroupi, l'observant, et elle lui tendit la main pour l'aider à se relever. "Hé", fit-elle, comme s'il ne s'était rien passé.

 

Alain leva les yeux vers elle, un gentil sourire sur les lèvres. "'Jour, Xena." Il prit sa main et elle le releva, essuyant un peu sa tenue. Puis elle remit un peu ses cheveux en place avant de se tourner vers les autres gamins.

 

"Vous avez un problème ?" gronda-t-elle, laissant la menace apparaître très clairement dans sa voix. "Vous n'avez vraiment rien de mieux à faire que de vous conduire comme une bande de sales petits lâches ?" Elle les toisa, le regard glacial. "Je vais vous dire un truc sur les gros bras, petits." Elle fit un pas vers eux, un regard dégoûté sur le visage. "Il y a toujours… toujours quelqu'un de plus grand, de plus costaud et de plus méchant que vous." Sa voix tomba d'un octave. "Et ce quelqu'un va venir, comme moi aujourd'hui, et vous écraser comme des mouches." Pour illustrer son propos, elle lança la main et donna une bonne claque à celui qui était le plus près, l'envoyant voler dans la paille. "Alors… faites ce que je vous dis, les gamins. Soyez gentils."

 

Elle jeta un coup d'œil derrière elle, vers Alain, qui regardait la scène avec grand intérêt. "En particulier avec mon ami Alain." Elle revint vers lui et entoura de son bras ses épaules bancales. "Parce qu'il a déjà fait preuve de plus de courage dans sa vie que vous ne pourrez jamais le faire." Une longue pause, durant laquelle elle étudia leurs visages pétrifiés. "Compris ? Fichez-lui la paix, ou je reviendrai pour vous découper en petits morceaux." Cette dernière menace fut énoncée sur un ton grondant qui envoya des vibrations dans sa poitrine et résonna dans la grange, devenue soudainement trop petite. "Alors, allez sortir votre copain du tas de fumier et fichez le camp. Avant que… je ne m'énerve." Elle plissa les yeux. "Vous ne voulez pas que je m'énerve, pas vrai ?"

 

Silence. "Pas vrai ?"

 

En chœur, ils secouèrent la tête.

 

"Bien. Vous n'êtes pas tous des idiots, après tout. Dehors", fit-elle enfin, brusquement, et eut la satisfaction de les voir s'échapper, lançant des regards terrifiés dans sa direction. Secouant la tête, elle jeta un coup d'œil vers Alain et l'observa un instant. "Ça va ?"

 

"Oh, oui", fit Alain d'une petite voix. "Eh ben…"

 

Ils se retournèrent en entendant un grognement sourd, et Alain poussa un cri, s'agenouillant dans la paille à côté de quelqu'un, couché à plat ventre. "Hé… hé !" s'exclama-t-il, inquiet.

 

Xena s'agenouilla près de lui et roula doucement le corps mince sur le dos. Le jeune homme avait une grosse bosse sur la tête, mais à part ça, il avait l'air intact. "Qui est-ce ?" demanda Xena à Alain, qui était toujours inquiet.

 

"Lennat", gémit Alain. "C'est… un ami. A moi."

 

Tiens donc, pensa Xena, amusée. C'était donc là Lennat, qui choisissait d'être l'ami d'un garçon comme Alain. Son estime pour le jeune homme monta d'un cran. Grand et blond comme Alain, il n'était pas mal non plus, et son estime pour Lila monta aussi d'un cran. Elle lui tapota doucement le visage. "Hé."

 

Encore un gémissement, puis il ouvrit les yeux, les posant d'abord, confus, sur Alain, puis sur elle. "Euh…" Il tressaillit lorsque son regard croisa les yeux bleus perçant de Xena. "Qu'est-ce…"

 

"Du calme." Xena posa sur lui une main apaisante. "Je ne vais pas te faire de mal." Puisque tout le monde supposait que c'est ce qu'elle faisait, pensa-t-elle, sombre, et que ce gamin avait sans doute entendu de la bouche de son frère ce qui s'était passé la veille. Elle toucha doucement la bosse sur sa tête. "Tu vas te remettre, c'est juste un mal de crâne." Elle se tourna vers Alain. "Qu'est-ce qui s'est passé ?"

 

Alain fronça les sourcils. "Il a essayé de les arrêter." Il lança un regard noir vers son ami. "Je t'avais dit de ne pas le faire."

 

"Qu'est-ce que… comment…" bafouilla Lennat, tourna sa tête douloureuse pour regarder autour de lui. "Où…"

 

"Elle les a arrêtés", informa Alain, lançant à Xena un regard admiratif. "Et net, en plus. Boum ! Et elle a envoyé Agtès voler dans la cuve à pâté."

 

Xena le regarda, amusée. "Ils l'avaient mérité." Elle eut un demi-sourire. "Alain, tu peux aller cherche un verre d'eau pour ton ami ? Je crois qu'il en a besoin."

 

"Bien sûr." Alain se leva immédiatement et sortit en courant.

 

Xena et Lennat se regardèrent.

 

"Alors… tu es celle qui a fichu une telle peur à mon frère qu'il s'est soûlé jusqu'à s'effondrer, pour la première fois depuis dix ans", remarqua Lennat, pensif. "D'après ce qu'il m'a raconté, je pensais que tu avais deux têtes."

 

Xena ricana. "Tu as le sens de l'humour. C'est bon signe." Elle se releva et lui tendit la main. "Je promets que je ne te jetterais pas dans la… qu'est-ce qu'il a dit ? La cuve à pâté."

 

Lennat agrippa sa main et se laissa hisser sur ses pieds. Il la regarda avec respect. "Lila m'a parlé de toi."

 

Xena leva un sourcil. "Et tu acceptes mon aide ? Courageux."

 

Lennat rit un peu, réfléchissant. "Non, non… elle m'a parlé de… Bree, et tout. Et de toi."

 

"Je vois", fit la guerrière d'une voix traînante. "Qu'est-ce que vous allez faire tous les deux ?"

 

Lennat soupira, baissant les yeux. "Rien, sans doute. Elle est coincée ici, je suis coincé ici, tu sais ce que c'est. Métrus ne la prendra pas, par mépris en tout cas, et je dois faire encore cinq années de satané apprentissage auprès de lui. Remarque, ce n'est pas que je serai marchand un jour … mais je lui sers de main-d'œuvre gratuite, en gros."

 

Xena le regarda, pensive. Je crois que je vais bien aimer ce gamin. Mais il a des ennuis. "Tu ne veux pas être marchand ?"

 

Il haussa les épaules. "Je ne suis pas doué pour les affaires."

 

"Pour quoi es-tu doué ?" demanda Xena.

 

Pour toute réponse, il sortit de sa poche un morceau de métal au motif compliqué, fabriqué de toute évidence à l'aide d'outils de forgeron. C'était une belle pièce, et Xena leva un sourcil. "C'est toi qui l'as fait ?"

 

Il hocha la tête et lui donna l'objet. "Pour ce que ça vaut. Oui."

 

La guerrière examina la pièce. "Pourquoi ne fais-tu pas ton apprentissage avec le forgeron ?" demanda-t-elle, confuse.

 

"C'est une vieille histoire", répondit Lenna, d'une voix distante. "Notre mère, à Métrus et à moi, elle a quitté notre père quand je n'étais qu'un petit garçon. Elle est allée vivre avec le forgeron."

 

"Ah", fit Xena, avec une expression compréhensive.

 

"Elle est morte. En couches… un garçon, qui était censé être son apprenti. Tu sais…" Il la regarda, son secret dissimulé derrière ses yeux gris.

 

Et Xena, examinant ces yeux, sut. "Alain", dit-elle dans un souffle, comprenant. "C'est ton frère."

 

"Il ne le sait pas", dit doucement Lennat, alors qu'Alain revenait en courant et lui tendait une coupe d'eau. "Merci, Ali."

 

Alain lui sourit, puis à Xena. "Merci. Je ne t'avais pas remercié."

 

"Pas de problème, Alain", fit Xena tranquillement. "Je crois qu'ils te ficheront la paix, pour un temps, en tout cas."

 

Le gamin hocha la tête. "Je crois que oui."

 

Elle les laissa discuter de la bataille et alla voir Argo, passant les doigts dans la crinière en désordre de la jument. "Il faut que je t'emmène faire un tour plus tard, ma fille", dit-elle, d'un ton distrait, en réfléchissant à la situation qu'on l'avait chargé de résoudre. Bon sang, ça commence à se corser. Mais… toutes les pièces étaient là… tout ce qu'elle avait à faire, c'était les remettre en place. J'ai conquis la moitié de la Grèce, soupira-t-elle en pensée. Je devrais pouvoir arranger un petit problème dans ce genre pour ma meilleure amie, non ? C'était là qu'il fallait être prudente… ouais. Et je ferais mieux de ne pas dire à Gabrielle ce que je compte faire… elle en ferait tout un plat. Et elle a dit que… ouais. Je crois que je peux le faire. Je sais que je peux le faire.

 

Argo hennit un peu, la poussant du bout du museau. "Oui, j'ai dit qu'on irait faire un tour, plus tard, ma fille… après le dîner, ça te va ?" Elle caressa l'épaule dorée de la jument. "Ou est-ce que tu deviendrais aussi fainéante que moi ? Hein ?" Elle rit doucement, puis avança vers la porte de la grange, préparant sa stratégie. D'abord, le forgeron.

 

 

 

"Alors, tu vas raconter des histoires, ce soir ?" demanda Lila, un peu surprise, alors qu'elles s'approchaient de la caravane.

 

"Mmm, hmm", confirma Gabrielle, regardant les nouveaux arrivants, les sourcils froncés. "Excuse-moi une minute, Lila." Et elle partit en direction de l'un des marchands, qui se retourna vers elle avec un gentil sourire. "Johan ?"

 

"Bonjour, ma grande." Ses yeux pétillaient. "Tu ne croyais pas me trouver ici, hein ?" Il la regarda intensément, les marques sur le visage du barde faisant très vite disparaître le sourire sur ses lèvres. "Qu'est-ce qui s'est passé ?"

 

Gabrielle inspira une fois, puis deux. "D'abord, dis-moi ce que tu fais ici", répliqua-t-elle, observant son visage. Essayant de penser à quelque chose à lui dire.

 

Johan sourit, un peu penaud. "Ben, tu vois, c'est Cyrène, ma grande. Je crois qu'elle t'aime bien." Ses yeux pétillaient à nouveau. "Et elle n'était pas tranquille alors elle m'a envoyé ici pour voir, tu vois, si tout allait bien." Sa voix et son visage s'assombrirent. "Et on dirait bien que ce n'est pas le cas."

 

Le barde soupira, et hocha doucement la tête. "Ça va mieux, maintenant", dit-elle, le rassurant. "C'est… compliqué. Xena y travaille."

 

Comme si cela suffisait. Et pour lui, cela parut suffire, parce qu'il se détendit et lui tapota doucement l'épaule. "Tant mieux, ma grande." Il leva les yeux. "Et où est-elle passée ? Cyrène m'a confié des paquets pour toutes les deux."

 

Lila s'était rapprochée, et écoutait à présent la conversation avec intérêt. Elle ne savait pas qui était le marchand, bien que son visage lui dise quelque chose, mais sa sœur le connaissait bien, de toute évidence. Mais qui était Cyrène, et pourquoi envoyait-elle des paquets ?

 

"Mmm… probablement chez le forgeron", répondit Gabrielle en souriant. "Qu'est-ce qu'il y a dans les paquets ?" Ses yeux pétillèrent. "Je parie que je peux deviner." Elle se tourna vers Lila. "Lila, voici Johan. Il aide la mère de Xena à Amphipolis."

 

Lila lui adressa un sourire timide. "Bonjour." Et à Gabrielle : "C'est elle, Cyrène ? La mère de Xena ?"

 

Johan et Gabrielle hochèrent la tête en chœur. "Je parie que ce sont des gâteaux", prédit Gabrielle. "Je me trompe ?"

 

Johan gloussa. "Oh non, ma grande. Et je suis bien désolé de te trouver là, parce que sinon, j'aurais pu les finir si tu avais déjà été partie." Il se tourna vers sa monture. "Ah, enfin, laisse-moi décharger." Il vit l'expression surprise sur le visage de Gabrielle. "Ah, tu ne savais pas que j'étais un marchand ambulant avant d'aller m'installer à Amphipolis ? J'allais pas perdre un voyage sur la route, pas vrai ? J'ai demandé à trois ou quatre artisans de me préparer des choses à vendre, et c'est bien ce que j'ai l'intention de faire maintenant." Il lui tapota la joue. "Je vous retrouve tout à l'heure, ne t'inquiète pas."

 

Gabrielle le serra dans ses bras et se mit à rire. "Tu as intérêt", fit-elle, puis elle le laissa à ses affaires, s'éloignant avec Lila. "Eh bien, c'était une surprise", dit-elle, lentement, mais elle sentait une douce gratitude envers lui.

 

"Je ne comprends pas, Bree. Qu'est-ce qu'il fait ici ? C'est un marchand ou pas ? Je croyais que si, mais d'après ce qu'il disait…" Lila ne comprenait pas.

 

Sa sœur laissa échapper un petit rire. "Uhm… ce n'est pas un marchand. En fait, Cyrène l'a envoyé pour s'assurer que tout allait bien. Elle… a vu la lettre que Papa a envoyée." Elle jeta un coup d'œil à Lila. "Elle est vraiment adorable." Une pensée traversa son esprit. Elle n'aurait jamais permis… non, Gabrielle, n'y pense pas. C'est le passé, tout ça, et tu ne peux rien y changer. Mais la pensée, le souhait étaient toujours là. "C'était vraiment agréable là-bas. Très agréable", ajouta-t-elle, s'obligeant à sourire, pour Lila. "C'est une excellente cuisinière… et…" Elle leva un peu les mains, "Elle m'a un peu adoptée… elle me considère comme faisant partie de la famille."

Lila réfléchit un moment. "Wow", fit-elle, et elle s'apprêtait à continuer, lorsqu'elle leva les yeux et aperçut Lennat qui s'approchait d'elles. "Lennat !" balbutia-t-elle, surprise, voyant ses vêtements en désordre. "Qu'est-ce qui t'est arrivé ?" Elle inspira profondément en voyant la bosse sur son front."

 

Le grand garçon blond passa ses doigts dans ses cheveux, grimaçant en effleurant la bosse. "Agtès et sa bande", marmonna-t-il, jetant un coup d'œil vers elle. "Comme d'habitude."

 

Gabrielle l'observa en silence. Lennat lui rappelait des souvenirs… d'un après-midi pluvieux dans la grange… et des histoires qu'elle avait racontées à son groupe d'amis. Elle pouvait encore entendre les gouttes d'eau tomber et sentir l'odeur humide de l'air si elle se concentrait. Mais elle ne le fit pas, parce que ce souvenir se terminait toujours par la porte de la grange s'ouvrant et le visage furibond de son père. Une main qui se tendait vers elle et la soulevait et la jetait contre la paroi du box… elle pouvait encore sentir les échardes lui mordre le dos…Non. Elle cessa d'y penser, et se força à écouter ce que disait Lennat.

 

"Non, parce qu'Agtès m'a fichu un coup sur la tête avec un manche de fourche." Il soupira. "Et je me suis effondré." Il jeta un œil vers Gabrielle et sourit. "Et puis, je me réveille et je vois Alain et Xena, agenouillés près de moi." Il eut un clin d'œil à l'attention de Gabrielle. "Faut bien le dire, Bree - Xena, c'est quelque chose."

 

"Tu l'as dit", répondit le barde en se forçant à rire. "Elle a fichu la trouille à Agtès et compagnie ?" Agtès. Encore un mauvais souvenir.

 

"Je n'ai rien vu", répondit Lennat à regret. "Mais Alain, quand il a réussit à se calmer, a dit qu'elle avait fichu une trempe à Agtès et l'avait envoyé dans le tas de fumier. " Il rit. "Et puis qu'elle avait insulté les autres et qu'ils étaient partis en courant."

 

Gabrielle rit, par pur réflexe. "Oh, j'aurais payé pour voir ça."

 

"Ouais, Alain affirme qu'elle leur a dit qu'il était un de ses amis et que s'ils l'embêtaient encore, elle reviendrait pour les découper en petits morceaux." Il termina, avec un petit gloussement. "Je ne savais même pas qu'ils se connaissaient."

 

Le barde réfléchit. "Je ne savais pas non plus, mais c'est du Xena tout craché." Alain, son ami d'enfance, qui avait eu encore moins de chance qu'elle, elle l'avait toujours pensé. Alain qui devait subir les taquineries et les raclées à cause de son apparence. Au moins, je pouvais me taire, pensa-t-elle. Pas Alain. "Je me demande… oh, il travaille toujours à l'écurie, pas vrai ? Argo. C'est logique." Ça expliquait comment Xena l'avait rencontré… et puis elle interrompit le cours de ses pensées. Alain savait… tout. Ce qu'elle avait enduré, et c'était un garçon simple, amical, malgré les tourments de son existence, et qui faisait facilement confiance aux autres. Avait-il parlé à Xena ? Aurait-elle posé des questions, sachant ce qui c'était passé… Oui, elle m'en aurait parlé.

 

Cette froide explosion de colère, l'autre nuit. Son esprit se concentra et elle se souvint. Elle avait dit qu'ils s'en étaient pris à Arès, mais… non… Arès n'avait pas provoqué une telle réaction. Gabrielle sentit sa gorge se nouer. C'était moi. Elle savait… et au lieu de m'en parler directement, elle a tout gardé pour elle et a attendu que je lui en parle. Dieux. Je l'ai vraiment sous-estimée. C'était vraiment stupide de ma part. Et maintenant, elle pense sans doute que je ne lui fais pas assez confiance pour lui en parler…

 

Qu'est-ce que j'aurais fait, à sa place ? pensa-t-elle, sarcastique, oubliant la conversation de Lila et Lennat. Je lui aurais crié dessus pour ne pas m'en avoir parlé. Ouais, voilà ce que j'aurais fait… et elle m'aurait donné ce petit regard tolérant, et elle aurait levé les yeux au ciel, et peut-être se serait-elle excusée. Peut-être. Comme si j'avais le droit de tout savoir sur elle… Quelle hypocrite je fais.

 

"Bree ?" La voix de Lila la sortit de ses pensées. "Hé, reste avec nous."

 

Gabrielle sourit rapidement. "Ouais, je suis là. Je réfléchissais, c'est tout… aux histoires que je vais raconter ce soir."

 

Lennat se mit à rire. "Bree et ses histoires. Ça sera sympa. On y sera, pas vrai, Lila ?"

 

Lila hésita. "J'essaierai." Elle adressa à sa sœur un regard désolé. "Maman ou moi… l'une de nous devra rester à la maison." Elle haussa les épaules. "J'aimerais qu'elle puisse venir t'écouter."

 

Gabrielle baissa les yeux et croisa les bras sur la poitrine. "Comment il va ?" demanda-t-elle doucement.

 

Lila haussa à nouveau les épaules. "Comme Xena l'a dit… c'est juste un mal de tête, mais il fait comme si c'était pire. Je crois…" Les lèvres se tordirent un peu, "qu'il ne veut pas admettre que tu l'as assommé. Il a honte. Il dit qu'il a glissé et que sa tête a heurté un banc."

 

"Les mensonges sont parfois plus faciles à croire", répondit le barde. Oui, tu en sais quelque chose, hein ? "Bon, on va voir ces marchands, ou quoi ?" Fermement, elle attrapa le bras de Lila et ils se mirent en route.

 

 

 

La forge était installée dans un grand bâtiment ouvert, pour laisser circuler l'air à l'intérieur. Au fond se trouvait le grand âtre, où brûlait le feu nuit et jour ; devant, les enclumes et les outils. Tectdus, le forgeron, se tenait derrière la plus grosse enclume, frappant une lame de labourage, lorsqu'il sentit le regard posé sur lui.

 

Il se retourna et vit une grande femme aux cheveux noirs, appuyée contre le mur, les bras croisés, et qui le regardait. Même sans arme et sans armure, il savait qu'il ne pouvait s'agir que d'une seule personne ; il posa son marteau, s'essuya les mains sur son tablier et s'avança jusqu'à elle.

 

Deux personnes, taciturnes par nature, échangèrent un regard, s'observèrent un moment, dans un silence rythmé par le bruit des flammes dans l'âtre. "Tu dois être Xena", dit enfin Tectdus, tendant le bras vers elle. "Mon fils m'a parlé de toi."

 

Xena prit son bras et le serra. "C'est un gentil garçon'", fit-elle. "Il ne mérite pas d'être traité ainsi."

 

Tectdus grogna. "Tout le monde s'en fiche." Il relâcha son bras et fit un geste vers le fond de son atelier. "Je peux t'offrir de l'eau fraîche ?" Il fit des yeux le tour de la forge. "Il fait plutôt chaud ici." Ses yeux se posèrent, mal à l'aise, sur elle, puis l'évitèrent.

 

Xena baissa les yeux, laissant un sourire effleurer ses lèvres. "Non, merci. Je suis venue pour savoir si tu pouvais me réparer ça." Elle lui passa la charnière d'armure et le regarda l'examiner. C'était un homme d'âge moyen, à la carrure puissante de forgeron, mais elle pouvait voir dans ses mouvements les débuts du déclin, la douleur dans les articulations qui rendrait insupportables les heures passées debout dans la forge. Elle éprouva une sympathie silencieuse pour lui.

 

"Pas de problème", grogna Tectdus, puis il s'avança vers une enclume plus petite, choisit une paire de pinces, s'en servit pour saisir l'armure, puis plongea le tout dans les cendres incandescentes de l'âtre. Il alla à son établi et sélectionna un marteau beaucoup plus petit que celui qu'il avait utilisé avant et s'interrompit un moment, attendant que le métal chauffe.

 

"Pas d'apprenti ?" demanda Xena tranquillement, s'appuyant contre le mur et le regardant avec un intérêt relatif.

 

Le forgeron secoua la tête. "Alain ne peut pas. Personne d'autre n'est intéressé." Il fit une pause et tourna un peu les pinces, pour chauffer le métal de façon régulière.

 

Xena inspira profondément, tout en se glissant avec précaution dans la bataille, comme si elle l'avait fait l'épée à la main. "Son frère l'est", dit-il simplement. "Et il a du talent."

 

Tectdus la regarda. "Demi-frère", fit-il d'une voix rauque, sortant brusquement les pinces du feu. Il marcha jusqu'à l'enclume, plus près d'elle. "C'est pas du bon sang, tout ça."

 

La guerrière se redressa et se glissa jusqu'à lui, capturant de son regard ses yeux presque sans couleur. "Ce n'est pas de sa faute." Elle laissa sa colère refaire un peu surface. "Dis-moi, Tectdus, pourquoi les gens d'ici s'acharnent-ils à tout mettre sur le dos des enfants ?"

 

Le forgeron ne répondit pas, mais il pencha la tête vers sa tâche, frappant le métal d'une main précise et habituée. Il termina la réparation délicate, et plongea les pinces dans le baquet d'eau près de l'enclume, où elles sifflèrent et fumèrent, envoyant un nuage de vapeur entre lui et les yeux bleu ciel qui ne le quittaient pas. Enfin, il leva les yeux vers elle. "Qu'est-ce que tu veux ?"

 

"Ce que je veux ?" fit Xena, s'avançant un peu plus près, mais gardant un ton neutre. "Je ne veux rien. Ce n'est pas mon village, et ce ne sont pas mes affaires." Elle fit une pause et son expression s'adoucit. "J'essaie simplement d'aider une amie."

 

Tectdus l'observa un moment, et cette fois, il n'évita pas ses yeux. "La petite Bree… c'est vraiment une amie à toi, alors ?" demanda-t-il. "C'était une bonne amie d'Alain, aussi, quand ils étaient petits."

 

"Je sais", répondit Xena. "Et oui, c'est vraiment une amie." Une longue pause. "Une amie qui a un problème… que je m'efforce de résoudre." Elle ramassa son marteau et l'examina, le soupesant.

 

Tectdus lui saisit doucement la main et la tourna, examina son bras. "Tu aurais pu faire ce travail toi aussi… avec ces poignets", dit-il calmement, croisant son regard avec une sincère candeur.

 

"Non", soupira Xena. "Je ne crée rien, Tectdus. C'est l'épée qui a forgé ces poignets." Elle pencha la tête vers lui. "Mais Lennat a le don. Tu le sais bien… c'est si rare, d'avoir le don… tu trouves ça juste de le gâcher ?" Elle tendit la main et saisit la sienne, puis la tourna. "Combien de temps, Tectdus ? Combien de temps avant que tu ne puisses plus rien enseigner ?" Ses doigts effleurèrent l'articulation enflée, avec l'habitude d'une guérisseuse.

 

Le forgeron ferma les yeux, pour acquiescer. "Ça ne change rien, Xena. Il est lié pour cinq années encore. Et d'ici là…" Il secoua la tête. "Le don mourra avec moi, et ils devront attendre qu'un autre comme moi vienne."

 

Les yeux bleus soutinrent les siens, lui faisant un moment oublier la chaleur de la forge. "S'il était libre, le prendrais-tu avec toi ?"

 

Tectdus hésita. "Mais il est…", incapable de détacher ses yeux de ceux de la guerrière.

 

"S'il ne l'était pas", répéta Xena, sa voix devenant plus grave, plus profonde.

 

"Oui", répondit le forgeron, calmement, sûr de lui. "Je le prendrais avec moi." Il soupira. "Pour être honnête, Xena… j'ai essayé, il y a des années. Mais Métrus ne voulait rien avoir à faire avec moi. Il m'en veut, depuis longtemps, à cause de sa mère."

 

Xena hocha lentement la tête. "C'est bien ce que je pensais."

 

"Qu'est-ce que tu vas faire ?" chuchota Tectdus. Il croyait à présent qu'elle pouvait tout accomplir.

 

La guerrière retira sa pièce d'armure du baquet de refroidissement et la détacha des pinces d'une main experte. "Ce que je peux." Puis elle posa une pièce sur l'enclume. "Merci."

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