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Home2C

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Ton coeur est ton foyer

Home is where the Heart is

 

Melissa Good

 

Traductrice : Katell

 

*****

Partie 2C

*********

 

 

"Qu'est-ce qui t'amène, Lila ?" demanda Gabrielle, gardant son sérieux avec difficulté. Oh… elle aime Lennat, c'est sûr… mais personne ne sait mieux que moi à quel point il est difficile de ne pas regarder ma meilleure amie, pensa le barde, amusée. Elle se souvint de la première fois où elle avait vu Xena ainsi, après un bain, un soir, lorsque la guerrière était sortie du lac, et avait avancé dans la lumière dorée. Tout en puissance et en grâce, et le bleu glacé de ses yeux. Ça l'avait frappé en plein estomac, une réaction soudaine et primitive, qui avait changé à tout jamais sa conception de la beauté. Elle le ressentait encore, rien que d'y penser.

 

"Hmm…" répondit Lila, adoptant le compromis et fixant son regard sur le visage de Gabrielle. "Je voulais juste m'arrêter pour vous dire… tout le village parle de vous…" elle hésita, "… de vous deux." Elle lança un regard rapide vers Xena, qui leva les sourcils.

 

Elles se regardèrent, chacune connaissant les pensées de l'autre.

 

"Votre démonstration au bâton", clarifia Lila, intriguée par le manque de réaction.

 

"Oh… ça !" firent-elles en chœur. Elles échangèrent un coup d'œil, et éclatèrent de rire.

 

"Oui, ça", fit Lila en fronçant les sourcils. "De quoi croyiez-vous que je parlais…" Elle s'interrompit, puis rougit. "Oh."

 

"Bon, on ferait mieux d'y aller, alors", commenta Xena, se levant, appuyée sur ses bras. Elle balança les jambes au-dessus du rebord de la baignoire, puis marcha jusqu'à l'endroit où elles avaient laissé les serviettes. Elle en attrapa une et lança l'autre à Gabrielle qui s'était levée à son tour. "Tiens."

 

Le barde attrapa la serviette au vol et sourit, regardant sa sœur du coin de l'œil. Ouais… peut pas s'en empêcher. "Merci." Elle plaça la serviette sur ses épaules et s'apprêta à sortir du bain lorsque Xena vint jusqu'à elle, après s'être enroulée dans sa propre serviette.

 

"Attention", fit la guerrière. "C'est glissant." Elle lui tendit la main et, attrapant le bras de Gabrielle, elle la soutint alors qu'elle enjambait le rebord de la baignoire et attendit jusqu'à ce qu'elle soit en sécurité sur le sol avant de la relâcher, et de ramasser sa tunique. "Je vais aller voir Argo."

 

Gabrielle hocha la tête, lui fit un signe de la main, tout en se séchant, puis se tourna vers Lila. "Alors comme ça, on les a impressionnés, hein ?" Elle sourit à sa sœur. "J'y allais à fond et Xena, elle, dormait", fit-elle en riant. "Malgré ce qu'elle raconte."

 

Lila rit un peu. "Vous avez l'air de bien vous entendre", soupira-t-elle. "En parlant de ça, Papa t'a vue t'entraîner aujourd'hui, et ça ne lui a pas plu."

 

Gabrielle haussa les épaules. "Lila, je ne vais plus faire semblant. Ni pour lui, ni pour toi… ni pour Potadeia." Elle coinça la serviette et se tourna vers sa sœur. "C'est ce que je suis, et c'est ce que je fais. Cet entraînement est important pour moi… ça peut me sauver la vie."

 

Sa sœur baissa les yeux. "Je sais, Bree." Elle posa une main sur le bras de Gabrielle. "Je sais. Mais il pense qu'elle t'a transformée en… je ne sais pas quoi."

 

"Parce que je lui ai tenu tête ?" La voix de Gabrielle devint calme et froide.

 

Lila hocha la tête. "Oui."

 

Gabrielle mâchouilla sa lèvre un moment. "Il a raison", admit-elle. "Elle a eu une grande influence sur les changements que tu vois… les changements que je ressens en moi." Elle sourit. "La différence, c'est que lui les voit comme une mauvaise chose et moi, comme une bonne chose."

 

Lila lui serra le bras. "Je pense que c'est une bonne chose aussi", dit-elle doucement. "Je suis contente, Bree. Je suis contente que tu voyages dans tous ces endroits, et que tu rencontres tous ces gens." Elle fit une pause et baissa les yeux, puis regarda à nouveau sa sœur. "Et je suis contente que tu aies trouvé quelqu'un qui s'occupe si bien de toi… je le vois bien… maintenant."

 

Le barde le regarda un moment, réfléchissant. "Lila…" dit-elle finalement? "Merci. Ça me fait très plaisir de t'entendre dire ça." Elle s'approcha et regarda sa sœur droit dans les yeux. "Elle trouvera un moyen pour toi et Lennat aussi. Je le sais."

 

Lila inspira, une fois, puis deux. "Ne me laisse pas espérer, Gabrielle. Ce n'est pas juste", murmura-t-elle, enroulant ses bras autour d'elle.

 

Le barde la saisit par les épaules. "S'il y a un moyen, elle le trouvera. Crois-moi, Lila… crois-moi."

 

"Il faut que j'aille préparer le dîner", répondit sa sœur. "Bonne chance pour ce soir." La bouche de Lila se tordit un peu. "Peut-être à plus tard."

 

Gabrielle la regarda partir, puis soupira profondément. Elle ramassa ensuite ses affaires et se glissa dans le couloir, puis dans la petite chambre qu'elle partageait avec Xena. En poussant la porte, elle fut un peu surprise de trouver sa compagne debout près de la fenêtre, vêtue de sa combinaison de cuir, regardant le soleil se coucher sur la place du village.

 

"Je croyais que tu allais voir Argo ?" commenta-t-elle, venant se placer derrière Xena avant de poser sa joue contre l'épaule de la guerrière.

 

"Hmm ?" fit Xena, puis elle baissa les yeux vers elle. "Bon sang. Désolée… j'étais ailleurs." Encore en train de rêvasser. Ça devient ridicule. "Lila va bien ?"

 

Le barde soupira. "Pas vraiment." Elle leva les yeux. "Tu crois vraiment que tu peux arranger tout ça ?" Et voilà que je recommence… pourquoi ne pas lui mettre encore un peu plus la pression, hein, Gabrielle ? "Non… fais comme si je n'avais rien dit."

 

Xena se retourna et lui fit face, laissant les avant-bras reposer sur les épaules de Gabrielle. "Oui, j'y arriverai", répondit-elle, regardant le barde avec intensité. "Alors arrête de t'inquiéter." Elle vit la lueur de confiance dans les yeux vert brume, alors que la jeune femme enroulait ses bras autour de la taille de la guerrière et s'appuyait contre elle. Elle sentit ses bras s'enrouler autour du barde en réaction, presque sans qu'elle en soit consciente. "On a toutes les deux des choses à faire", remarqua-t-elle, une seconde avant que leurs lèvres ne se rejoignent, puis il y eut une longue période de silence, durant laquelle elles se perdirent l'une dans l'autre. Dans la lueur dorée de leur lien qui les entoura d'une paix sensuelle.

 

Enfin, à regret, Xena se redressa et inspira profondément, poussant doucement les cheveux encore humides des yeux de Gabrielle. "Il faut que tu ailles manger un morceau et que tu te prépares pour ta performance, mon barde."

 

Elle reçut un sourire paresseux en réponse. "Et je suppose que tu dois vraiment aller voir Argo." Elle poussa très doucement la guerrière dans l'estomac. "Et aussi manger un bout. OK ?"

 

Xena acquiesça. "OK." Elle baissa les yeux. "OK, Arès ?"

 

"Roo", répondit le chiot sérieusement, se relevant pour venir mâchouiller la botte de Xena. "Roo", répéta-t-il, levant les yeux vers elle, un bout de cuir entre les dents.

 

Xena rit, puis s'accroupit, caressant sa fourrure, le faisant rouler sur le dos. "Oui, tu peux manger un bout de mon dîner aussi, comme d'habitude." Elle lui chatouilla le ventre, et il agita ses quatre pattes vers elle. "Grr."

 

"OK", soupira Xena. "Il faut vraiment que j'y aille." Elle se releva, et tapota doucement la joue du barde. "Je te retrouve dans la taverne dans un moment."

 

Gabrielle sourit. "OK. Dis bonjour à Argo pour moi."

 

"Pas de problème." La guerrière fit une pause. "Je lui ai promis d'aller faire un tour avec elle, alors ça va sans doute prendre un petit moment." Le barde acquiesça, et elle sortit, Gabrielle la suivant des yeux.

 

 

 

 

La brise fraîche qui soufflait dehors était agréable, pensa Xena, amusée, tout en traversant la cour, avant de passer la double-porte de la grange. A l'intérieur, pour changer, personne ne taquinait personne et il ne régnait que le silence, interrompu par le bruit des sabots bougeant sur la paille et le craquement du foin qu'on mastique.

 

Argo l'entendit approcher et leva la tête, la regardant avec un intérêt modéré, sa mâchoire mastiquant de façon ininterrompue.

 

"Salut, ma fille", fit doucement Xena en venant près de la jument ; elle tendit la main et la gratta doucement derrière les oreilles. "Tu t'es trouvée de quoi te remplir la panse, hein ?" Elle sourit en entendant Argo souffler un peu, puis lui pousser un peu le ventre du museau ; elle sentit le souffle chaud de la jument à travers le cuir. "Oui, oui… je sais, je t'ai promis une ballade. Tu es prête ?" La jument la poussa à nouveau. "Ok… ok… ça va. Allez, viens."

 

Elle glissa la bride par-dessus la tête d'Argo et attacha les boucles, plaça le mors dans la mâchoire de la jument qui continuait à mastiquer le foin. "A cru, aujourd'hui, ma fille. Pas la peine de te coller tout ça sur le dos." Argo hennit un peu, apparemment d'accord, et suivit Xena de son plein gré jusqu'à la porte de la grange, mâchouillant les longs cheveux noirs de la guerrière en chemin. "Hé, arrête ça", protesta-t-elle. Elle attendit qu'elles aient toutes les deux passé la porte avant de se hisser sur le dos nu de la jument et de placer ses genoux fermement derrière ses épaules dorées.

 

"Allez", fit Xena, serrant les genoux et poussant la jument en avant. Elles traversèrent lentement la cour et se dirigèrent vers un chemin qui, Xena le savait, suivait la rivière. Et elles arrivèrent à une certaine clairière familière, où Xena amena le galop de la jument à l'arrêt. "Oh là, ma belle." Elle resta assise sans rien dire sur le dos de la jument, se laissant absorber par le soleil couchant qui envoyait des traits rouges sur l'herbe et colorait les feuilles ; elle respira l'air qui sentait le pin et, en cette fraîche soirée, aussi un peu le jasmin.

 

Et elle se laissa emporter un long moment par le souvenir de cette journée, plus de deux ans auparavant, cette journée où elle avait enterré ses armes et où elle s'était arrêtée, le cœur gros, dans cette clairière. C'était à cet endroit qu'elle avait trouvé une raison de continuer, grâce à ces gens, les derniers auxquels elle aurait pensé. "Au bon endroit au bon moment, Argo", soupira-t-elle, tapotant le doux pelage sur le cou de la jument. "Allons-y."

 

Elle lança Argo au galop jusqu'au chemin de la rivière, sautant par-dessus les troncs tombés et envoyant les petits animaux se réfugier dans les buissons. Puis elle dirigea la jument à travers les champs en haut de la route, et reprit le chemin du village, appuyée en avant sur l'encolure dorée de sa monture, laissant les jambes puissantes du cheval avaler la distance. Elle sentit son corps en parfaite harmonie et en parfait équilibre avec les mouvements d'Argo et laissa un sourire sauvage se dessiner sur ses lèvres.

 

Elle atteignit bientôt le dernier virage et les premières maisons du village ; elle fit passer Argo, qui était en nage, au petit galop. "Doucement", murmura-t-elle, caressant l'encolure couverte de sueur. "Reprends ton souffle. Il faut qu'on fasse ça plus souvent, ma fille." Un court hennissement lui répondit. "Maman t'a trop gâtée toi aussi, hein ? Je parie qu'elle avait tout le temps les poches pleines de carottes…" Un éternuement combiné à un hennissement. Xena ricana un peu, tira les rênes et la jument passa au pas en entrant dans la cour. La guerrière leva les yeux vers le soleil couchant et réfléchit. "C'est la bonne heure, Argo. Je m'occupe de toi, et ensuite, il faut que j'aille voir quelqu'un."

 

Alain passa la tête par la porte lorsqu'elle s'approcha et lui adressa un sourire ravi. "Salut, Xena." Il vint vers elle en courant et attrapa doucement la bride d'Argo, la maintenant en place tandis que Xena passait la jambe au-dessus du cou de la jument et se laissait glisser sur le sol.

 

"Bonsoir, Alain", fit la guerrière en souriant. "Merci." Puis elle tendit la main vers les rênes de la jument, mais s'arrêta en voyant le garçon secouer la tête. "Il y a un problème ?"

 

"Non…" répondit Alain en lui souriant gentiment. "Je m'occupe d'elle, ok ?" Il tapota l'encolure de la jument. "Je crois qu'elle m'aime bien." En effet, Argo balança la tête et poussa le visage d'Alain, soufflant des cheveux blonds en arrière, découvrant ainsi ses yeux gris.

 

Xena esquissa un sourire. "Ça me ferait très plaisir, et à elle aussi."

 

Alain hocha la tête. "Je la panserai, mais d'abord je vais la faire marcher un peu pour qu'elle reprenne son souffle." Il se dirigea vers la petite cour derrière la grange, chuchotant des encouragements à la jument qui suivait facilement son pas inégal.

 

Xena hocha un peu la tête, puis entra dans la grange, et trouva la selle d'Argo. Elle ouvrit un compartiment. "Il est temps de tenir cette promesse", fit-elle, sortant une petite bourse, avant de refermer le compartiment.

 

Elle ressortit et se dirigea dans la direction opposée à l'auberge. Vers le centre du village, au-delà de la maison de la famille de Gabrielle. Au-delà de la forge. Jusqu'à une petite maison dont elle avait repéré la position le matin même. Une torche brûlait dehors, et on pouvait distinguer la lumière scintillante d'un feu à l'intérieur. Elle s'arrêta dans l'obscurité, immobile, en voyant la porte s'ouvrir et une silhouette blonde et élancée sortir, fumante de colère ; Lennat, pensa-t-elle, amusée… et il n'est pas content. Métrus lui a probablement interdit d'aller à l'auberge.

 

Elle attendit qu'il passe devant elle sans la remarquer, puis se glissa jusqu'à la porte en prenant garde de ne pas alerter l'homme qu'elle savait se trouver à l'intérieur. Sur le seuil, elle fit une pause. Sans arme, ouais… mais quelle différence ça fait ? Si je voulais vraiment trouver un moyen direct de m'occuper de ce… problème… je pourrais très bien le faire à mains nues. La pensée envoya un frisson le long de son dos, et lui donna la chair de poule. Revoilà la vilaine bête… Elle sourit. Non, non… Xena… il faut que tu fasses ça diplomatiquement. Elle inspira et se reprit, puis s'arrêta à nouveau. Mais un peu de bestialité n'a jamais fait de mal à personne… Et elle laissa délibérément son côté obscur refaire un peu surface, sentant une énergie tendue la traverser. Elle savait que cela se verrait dans ses mouvements, sur les traits de son visage et dans la lueur de ses yeux.

 

Lorsque Métrus leva la tête, elle était déjà dans la pièce, debout devant la table. Le regardant. Son visage devint pâle et il recula, renversant sa chaise et s'éloignant d'elle. Il tendit les mains devant lui.

 

"Bonsoir, Métrus." Sa voix grave roula de l'autre côté de la pièce. "Je peux m'asseoir deux minutes ?" Elle n'attendit pas qu'il réponde et tira une chaise avant de s'asseoir, s'appuyant un peu en arrière contre le dossier, détendue, attendant qu'il se ressaisisse un peu.

 

"Je te l'ai dit, je ne veux pas d'ennuis", souffla enfin Métrus, cherchant sa chaise à l'aveuglette derrière lui, car il ne voulait pas la quitter des yeux. "Je ne plaisante pas."

 

"Du calme", fit Xena d'une voix traînante, levant la jambe et posant sa botte sur la chaise près d'elle, avant d'appuyer son avant-bras sur son genou. "Je veux seulement discuter."

 

"Discuter", répéta Métrus. "A propos de quoi ?" Il s'assit sur la chaise qu'il avait redressée et plaça doucement ses bras sur la table. "De quoi pourrait-on bien discuter ?"

 

Xena fit une pause et l'observa. Il doit ressembler au père… pensa-t-elle, amusée, parce qu'il ne ressemble vraiment pas à Lennat, qui lui, ressemble plutôt à Alain. "Lennat est un gentil garçon", remarqua-t-elle en voyant ses yeux se couvrir de suspicion.

 

"Il n'est pas mal", admit Métrus brusquement. "Qu'est-ce que ça peut te faire ?" Ses yeux se mirent soudainement à briller. "Il t'intéresse ? Je croyais que tu avais déjà quelqu'un pour cirer tes bottes." Il regretta immédiatement ses paroles en voyant la lueur glaciale dans le regard de Xena. "Ok… ok… j'ai rien dit." Il s'appuya sur le dossier de sa chaise, un peu plus à l'aise. Elle veut quelque chose. Très bien… je suis un homme d'affaires. "Qu'est-ce que tu veux de moi, Xena ?" Droit au but.

 

"Ce que je veux ?" répliqua la guerrière. "Je ne sais pas. Je suis peut-être juste un peu curieuse." Elle se pencha un peu en avant et appuya son menton sur une main, l'observant. "Pourquoi le prendre comme apprenti, Métrus ? Ce n'est pas un marchand."

 

Le villageois haussa les épaules. "C'est une personne… il faut qu'il fasse quelque chose de son temps. Appelle ça de la charité de ma part, si tu veux."

 

"Ou de la main-d'œuvre gratuite, puisque tu ne lui apprends rien de toute façon", répondit Xena, avec un sourire féroce. "Dis-moi, Métrus, tu le détestes ?"

 

Métrus fronça les sourcils. "Ça va pas, non ? C'est mon frère."

 

"Et ?" fit Xena, haussant les épaules. "D'après ce que j'ai vu dans ce village… ça ne fait pas grande différence…" Elle secoua la tête. "J'ai vu plus d'intolérance et de haine ici que dans les armées de certains seigneurs de guerre."

 

L'homme lui lança un regard noir. "On aime nos traditions. On n'aime pas que les gens viennent les piétiner, Xena, surtout pas des gens comme toi."

 

"Comme moi ?" répéta la guerrière, se penchant encore un peu plus. "Qu'est-ce que tu veux dire, 'Comme moi ?' Qu'est-ce qui te dérange en moi, Métrus ? Que je sois plus grande que toi ? Que je puisse te coller une raclée ? Hein ?"

 

Il ne répondit pas, mais l'observa un long moment. "Qu'est-ce que tu veux ?" demanda-t-il sèchement.

 

Xena se redressa et le regarda, les yeux à demi clos. "Qu'est-ce que ton frère vaut à tes yeux ?"

 

Ses yeux étincelèrent alors qu'il commençait à comprendre. "Tu veux l'acheter ?" Son visage se détendit. "Remarque, je te comprends… il est plutôt bien fait de sa personne. Et toi…" Sa bouche se tordit. "Bref… Il a un contrat d'apprentissage avec moi… je ne suis pas sûr de vouloir le vendre."

 

Elle bougea si vite qu'il n'eut pas le temps de respirer, de penser, de bouger. Une seconde elle était affalée dans la chaise devant lui et la seconde suivante, il se retrouvait soulevé dans les airs, de sa chaise et allait s'écraser si fort contre le mur que les poutres tremblèrent.

 

Il y eut un silence, interrompu par son souffle court. Xena était totalement immobile, ses mains enroulées dans le tissu de sa tunique, le maintenant au-dessus du sol avec une facilité qu'il trouva terrifiante, des yeux bleus plus froids que l'hiver transperçant son regard. "Mettons tout de suite les choses au point, Métrus." Sa voix tomba d'un octave et le fit frissonner. "On peut parler de tout ça poliment, et je peux obtenir ce que je veux. Ou je peux t'arracher la colonne vertébrale et te ficher une raclée avec. Et j'obtiendrai quand même ce que je veux. C'est toi qui choisis." Elle obligea ses bras à ne pas bouger sous le poids se son corps obèse et elle ne broncha pas.

 

"D… d… d'accord", gémit-il en bégayant. Il eut le souffle coupé lorsqu'elle le souleva et le fit tourner pour le rasseoir brutalement dans sa chaise avec une force douloureuse. Il essaya de contenir la terreur qu'il ressentait face à elle. Sachant que ce qu'il venait de ressentir n'avait rien d'humain. Il la regarda faire le tour de la table et aller se rasseoir, posant ses deux avant-bras sur la table, les doigts entrelacés.

 

"Qu'est-ce qu'il vaut à tes yeux ?" répéta-t-elle d'un ton neutre.

 

Il énonça le prix du contrat, un prix standard pour un apprenti. Pas le peine d'essayer d'en rajouter avec elle.

 

Il n'entendait à présent que le craquement du feu et les doux sons de la nuit de l'autre côté de la fenêtre, alors qu'elle l'observait, pensive. Il y eut un éclair argent de sa part, un mouvement, puis le cliquetis étouffé de pièces lorsqu'une petite bourse atterrit devant lui. Il avala avec difficulté, puis tendit la main, hésitant, et ouvrit la bourse prudemment, en déversant le contenu sur la table. Son prix plus un petit extra. "De toute façon, il ne me sert à rien comme apprenti, tu as raison. Je ne vois pas pourquoi je continuerais à le nourrir gratis. J'accepte." Il soupira, soulagé. "Il me manquera quand même."

 

Xena rit un peu, et vit Métrus pâlir en réaction. "Il n'ira nulle part, Métrus. Je ne suis pas une marchande d'esclaves."

 

Il la regarda, un peu confus. "Alors pourquoi ? J'ai accepté, Xena… je ne reviendrai pas sur ma parole, mais… je me dis que ce n'est pas ton style, de toute façon. Alors pourquoi ?"

 

La guerrière s'appuya en arrière contre le dossier de sa chaise et haussa les épaules. "Qu'est-ce que ça peut faire ?" Elle laissa un sourire se dessiner lentement sur ses lèvres. "Je pourrais te dire que je vais pouvoir tenir une promesse faite à une amie, mais tu ne le croirais pas. Alors… disons simplement que… c'est un caprice de ma part." Elle se leva et lui tendit le bras. "Marché conclu ?"

 

Il hésita, combattant la peur irraisonnée qu'il avait d'elle. Lentement, il se leva et se força enfin à saisir son bras tendu. Surpris en sentant la chaleur et la douceur de sa peau, attentif à la tension souple des muscles qu'il sentit sous ses doigts. Comme du velours sur de l'acier, pensa-t-il. "Marché conclu", dit-il, croisant furtivement ses yeux. "Mais pourquoi le laisser ici ?" Ses yeux s'agrandirent soudain. "Cette fille."

 

Xena sourit. "Elle est gentille, elle aussi." Elle ne lui lâcha pas le bras. "Et il fera un bon forgeron."

 

Métrus ouvrit la bouche, stupéfait. "Hein ?… tu…"

 

"Ahh… attention, Métrus", fit la guerrière en riant. "Je suis un seigneur de guerre cruel et sans pitié, tu n'as pas oublié ?" Elle resserra son emprise sur son bras, et l'épingla du regard. "Fiche-leur la paix, tu as compris ?"

 

"Il y a du mauvais sang entre nous, espèce de…" siffla-t-il, la colère assombrissant ses traits. "Non, ça ne se passera pas comme ça. Ce salopard de…" Sa voix se brisa lorsqu'une secousse de douleur lui traversa le bras.

 

Xena durcit son expression et ses yeux étincelèrent de colère. "Ça suffit maintenant, Métrus. Ce qui s'est passé n'est pas de la faute de Lennat. Il a un don et il mérite une chance de le perfectionner." Elle écarquilla soudain les yeux. "Tout est une question de choix, Métrus. On a tous le droit de choisir comment vivre notre vie… et c'est pourquoi tu détestes autant les gens comme moi, hein, Métrus ?" Elle relâcha son bras mais se pencha en avant et captura ses yeux de son regard. "Vous collez vos gamins dans des boîtes, Métrus… vous ne leur laissez jamais la chance de grandir… et s'ils montrent le moindre signe de différence… vous les faites rentrer de force dans la boîte, pas vrai ?"

 

Pas de réponse. Métrus la fixait en silence. Puis… "Nos traditions sont importantes dans nos vies, Xena. Enlève-nous ça, et il ne reste rien. Tu laisses ces traditions se faire détruire, et tu te retrouves avec… des gens. Qui ne sont soudés par rien. C'est ça que tu veux ?"

 

La guerrière soupira. "On ne voit pas les choses de la même manière, Métrus. Laisse ces gamins en paix."

 

Le marchand acquiesça, un peu crispé. "Je respecterai ma parole. Mais ça ne ma plaît pas. Il ne sera pas le bienvenu dans cette maison s'il va… là-bas."

 

Xena inspira. "N'oublie pas de le lui dire, Métrus. Pour qu'il prenne lui-même la décision", dit-elle doucement. Puis elle tourna les talons, voulant à tout prix quitter cet endroit et cet esprit étroit. Dehors, sous les étoiles, où elle put lever les yeux et respirer l'air frais avec soulagement et laisser sa colère et sa frustration s'écouler.

 

Et où elle se retrouva nez à nez avec Lennat qui était là et la regardait avec une expression indescriptible sur le visage, ses cheveux clairs sans couleur sous la lumière de la lune.

 

"Elle a dit que tu faisais de la magie", chuchota le garçon, les yeux brillants.

 

Xena ricana. "Ce n'est pas de la magie, Lennat. Je l'ai menacé et puis je l'ai acheté. Pas de magie, pas de notions romantiques, rien de tout ça. Juste des affaires. Maintenant, c'est à toi de respecter ta part du marché." Elle fit une pause. "Tu as entendu ce que je lui ai dit ?"

 

Lennat hocha la tête. "Tout."

 

"Ça m'évitera de me répéter", remarqua Xena. "Qu'est-ce que tu comptes faire ?"

 

Il sourit. "Devenir forgeron. Et épouser Lila." Il se mordit la lèvre. "Pas nécessairement dans cet ordre." Puis son visage redevint sérieux. "Et toujours… toujours… me mettre à genoux et remercier les dieux de t'avoir envoyée à moi." Il inspira. "Et te rembourser jusqu'au dernier dinar, je te le jure."

 

Xena le regarda, à moitié embarrassée et à moitié admirative. "Pas la peine… ça sera sympa de savoir qu'il y a un bon forgeron dans les parages." Elle lui adressa un sourire en coin. "Et ce n'était pas pour toi. Alors ne va pas croire que je fais ça tous les jours."

 

Lennat lui sourit. "Je sais… ne t'inquiète pas, ta réputation est sauve."

 

"Très bien, tant qu'on est d'accord sur ce point." Elle lui serra l'épaule et se remit en route vers l'auberge. "Tu as des gens à voir, je crois. Je vais te laisser."

 

"Xena", appela-t-il doucement.

 

"Oui ?" répondit-elle avant de se retourner vers lui.

 

Il vint jusqu'à elle et lui toucha le bras. "Merci." Très doucement. Et tout ce que son âme ressentait à cet instant se vit dans ses yeux gris.

 

Xena inspira pour parler, avec l'intention de l'envoyer gentiment promener, mais quelque chose dans le son de sa voix l'arrêta. "De rien", fit-elle enfin, soulevant la main pour lui donner une petite tape sur l'épaule. "Allez, file."

 

Il hocha la tête et sourit. "Qui aller voir en premier ? Métrus, sans doute. Et puis… Tectdus… et puis…" Sa voix prit un ton joyeux. "Lila". Il se mordit la lèvre, puis fit demi-tour et se dirigea vers la maison à peine éclairée qu'il venait de quitter.

 

La guerrière laissa échapper un long soupir puis secoua la tête. Bon sang… quelle sentimentale je suis en train de devenir. Pensant à sa sentimentalité récente, elle traversa la place du marché et s'arrêta devant la forge. Enfin, pendant que j'y suis, je ferais aussi bien de finir. Pas vrai ? Ouais, c'est ça, Xena. Elle traversa la forge et avança jusqu'à la petite maison de l'autre côté, où elle pouvait voir briller la lumière des chandelles à travers les fenêtres. Elle frappa doucement à la porte, entendit une chaise bouger et des pas lourds venir vers elle.

 

"Et qui vient nous voir à une heure… oh. Xena, bonsoir." La voix rauque de Tectdus s'adoucit en reconnaissant la guerrière. "Quelque chose ne va pas ? La pièce a cassé ou… ?"

 

"Non", répondit la guerrière en souriant. "Pas de problème avec la pièce. Alain est là ?"

 

Tectdus pencha la tête sur le côté. "Oui", fit-il d'une voix traînante, de toute évidence intrigué. "C'est le cheval alors ?"

 

"Non", fit à nouveau Xena. "Du calme, Tectdus. Tout va très bien. Je me suis simplement dit qu'il aimerait peut-être aller voir son ancienne camarade de jeu raconter quelques histoires. Et… je me suis dit qu'on lui ficherait sans doute la paix s'il y allait avec moi."

 

Le forgeron en resta muet, mais sourit quand même. "Ah… c'est gentil de ta part. Il voulait y aller, mais… je…"

 

Xena hocha la tête. "Je sais."

 

Tectdus grommela pour toute réponse. "Alain !" appela-t-il. "Tu as de la visite !"

 

"Moi ?" fit la voix surprise du gamin, alors qu'il arrivait en boitant dans l'encadrement de la porte et repéra la grande silhouette de Xena. "Oh. Salut !" Ses yeux s'allumèrent.

 

"Salut toi-même", fit Xena d'une voix traînante. "Ça te dit d'aller écouter quelques bonnes histoires ?"

 

Le visage d'Alain s'illumina et il jeta un coup d'œil à Tectdus, qui hocha la tête d'un air solennel. "Merci, papa…" bafouilla-t-il et passa la porte pour rejoindre la guerrière. "Merci…" lui dit-il, plus doucement.

 

Sentimentale, pensa-t-elle, amusée. "Allez, viens." Elle se prépara à partir puis se ravisa et se tourna vers Tectdus. "Oh… et… ne t'étonne pas si tu reçois une autre visite ce soir", dit-elle, alors qu'il pouvait voir ses yeux pétiller de malice.

 

Il la regarda, intrigué, puis vit son petit sourire et se demanda ce qui se passait. Mais avant qu'il n'ait eu le temps de poser la question, elle était partie, Alain sur les talons. "Qu'est-ce qu'elle manigance ?" se demanda-t-il, amusé. "C'est quelque chose, celle-là." Il s'apprêtait à refermer la porte lorsqu'il entendit des pas dans la forge et il repassa la tête par l'entrebâillement de la porte. Et fixa la grande silhouette dont les cheveux reflétaient si bien la lumière de la lune. "Lennat ?" Et il revit le pétillement dans les yeux bleus de la guerrière. J'y crois pas… elle y est arrivée ?

 

"Maître Tectdus…" fit Lennat, quittant la lumière de la lune pour venir le rejoindre sur le pas de la porte. "J'ai entendu dire que vous aviez besoin d'un apprenti."

 

Le forgeron se contenta de rire et secoua la tête. "Allez, entre, mon garçon." Et il referma la porte derrière eux.

 

FIN DE LA DEUXIEME PARTIE

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