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Home4C

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Ton coeur est ton foyer

Home is where the Heart is

 

Melissa Good

 

Traductrice : Katell

 

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Partie 4C

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Xena ouvrit un œil et observa rapidement la pièce. Calme. C'était bien. Obscurité. Encore mieux, parce que ça voulait dire qu'elle n'avait aucune raison de se lever. Chaleur… En tout cas, elle avait chaud, malgré la brise fraîche qui entrait par la fenêtre., parce que Gabrielle était collée à elle comme une bernique. Dans l'ensemble, une bonne façon de se réveiller. Comme si je pensais sérieusement à me lever maintenant. C'est ça, pensa-t-elle, en se moquant d'elle-même. Oh, non… je ne pourrais pas m'extirper de ses bras même s'il y avait le feu à la chambre d'à côté. Je crois que j'aime ça beaucoup, beaucoup trop.

 

Elle étira un peu son dos, et sentit Arès se rouler encore un peu plus en boule derrière ses genoux. Tu ne m'aides pas beaucoup, là… grogna-t-elle en pensées à l'attention du chiot. Il leva la tête, clignant de ses yeux endormis, puis s'étira et se blottit à nouveau contre elle, laissant échapper un soupir chaleureux qui lui chatouilla la jambe et la força à se mordre la lèvre pour ne pas rire.

 

Un murmure endormi s'échappa sous son menton. "Qu'y a-t-il de si drôle ?"

 

Xena baissa le regard et tomba sur les yeux verts à peine ouverts qui la dévisageaient. "Oh… bonjour… pardon… ce n'est rien. J'étais juste…" Elle s'interrompit et sentit la main de Gabrielle se glisser sous sa chemise et se poser sur sa peau. "Hmm."

 

"Je t'ai senti rire", commenta le barde, la poussant un peu du doigt.

 

"Arès… a fait une grimace. C'était mignon", répliqua tranquillement la guerrière.

 

En entendant son nom, le chiot se réveilla à nouveau, levant la tête et les regardant. "Roo ?" fit-il, puis il replongea et se blottit à nouveau contre la jambe de Xena.

 

Oh, dieux… Elle lutta bravement contre la sensation de chatouillement, se forçant à rester calme et à ne pas réagir. Puis elle le sentit qui commençait à la lécher et elle soupira. "Arès, arrête ça."

 

Gabrielle s'appuya sur un coude pour mieux voir. "Ohh… c'est trop mignon…" Elle gloussa, puis vit les muscles de la jambe de Xena se contracter et leva les yeux vers son visage. "Hééé… il est en train de te chatouiller, là !" Un sourire démoniaque apparut sur son visage. "Je le savais…" Le juron étouffé qui s'échappa des lèvres de Xena confirma bientôt ses soupçons.

 

"Hé…" gloussa Gabrielle. Puis elle glissa sa main le long de la jambe de Xena jusqu'à ce qu'elle remplace la langue d'Arès.

 

"Gabrielle." Xena leva un sourcil en guise d'avertissement. "Attention à ce que tu fais…"

 

"OK… je ferai attention", fit le barde en souriant et elle commença avec un effleurement qui fit glapir sa compagne et continua jusqu'à ce que Xena soit secouée d'éclats de rire et ne puisse plus résister et passe elle-même à l'attaque. "Ah !" s'écria Gabrielle, essayant d'échapper à l'assaut. Elles finirent l'une sur l'autre, à bout de souffle, chacune essayant de protéger les points stratégiques.

 

"Dieux", finit par soupirer Xena, en roulant sur le dos, les bras étendus. "C'est une façon comme une autre de se réveiller." Mais, surprise et un peu écoeurée, elle réalisa que son corps se rebellait à cette idée, préférant rester là où il était, et désirant aussi la présence du barde.

 

"On se lève ?" demanda innocemment le barde en bougeant un peu pour venir poser sa tête sur l'épaule de Xena, moulant son corps contre celui de la guerrière avant de commencer à tracer des lignes imaginaires sur son ventre. "Il fait encore sombre… rien à voir dehors…" Elle sentit Xena inspirer profondément puis expirer ; en même temps, les muscles sous sa main se détendirent. "On est bien au chaud ici…" Elle leva les yeux vers le visage de sa compagne et fut ravie de voir ses yeux déjà à moitié fermés. "Ahh… voilà qui est mieux." Elle ferma les yeux et continua à la caresser doucement. "Ça te fait vraiment dormir comme un bébé, pas vrai ?"

 

Xena acquiesça, ensommeillée. "Mm, mm", murmura-t-elle. "J'aime ça…" Sa voix disparut doucement lorsqu'elle abandonna et laissa le sommeil l'envahir.

 

Gabrielle rit doucement et ferma les yeux à son tour.

 

 

 

"Tu es prête ?" demanda Xena, en levant les yeux alors qu'elle finissait de régler son brassard et observait pensivement le visage tendu du barde. "Gabrielle ?"

 

"Hmm ?" Gabrielle leva les yeux et sourit à Xena. "Oh… oui. Je suis prête…"

 

Xena pencha la tête sur le côté et avança un peu vers elle. "Ça va ?"

 

"Très bien… tout va bien", répondit Gabrielle en se levant, inspirant profondément.

 

"Hmm, hmm. Tu mens", fit-elle, sûre d'elle, ce qui énerva Gabrielle.

 

"Hé… j'ai dit que ça allait… n'abuse pas de ce lien, OK ?" Elle le dit sur le ton de la plaisanterie, mais les mots sortirent un peu vite, et elle s'en rendit compte trop tard. "Dieux… pardon… je ne voulais pas dire ça."

 

Xena l'observa un moment, et se sentit un peu triste. "A vrai dire, Gabrielle, je basais mon affirmation sur le fait que tu n'as pas touché à ton petit déjeuner", répondit-elle doucement. "Pardon."

 

"Non". Le barde appuya la tête contre l'épaule de Xena. "Tu as raison. J'ai une peur atroce. Je ne devrais pas essayer de te le cacher, surtout pas à toi." Et elle sentit Xena embrasser le sommet de son crâne et lui ébouriffer un peu les cheveux.

 

"Il faut s'y habituer…" admit la guerrière. "Je voudrais vraiment poser des questions à Jessan sur tout ça… plutôt que d'avoir à procéder par tâtonnements."

 

Gabrielle acquiesça. "Ouais… mais en attendant, j'ai quelque chose à faire. Alors… je ferais mieux de m'y mettre tout de suite, et je serai débarrassée." Elle se redressa et regarda Xena dans les yeux. Qui, pensa-t-elle pour la millième fois, étaient de la couleur la plus magnifique qu'elle ait jamais vue. Réveille-toi, Gabrielle. Bon sang. Concentre-toi deux minutes, tu veux. "Tu m'accompagnes ?"

 

Xena leva un sourcil très expressif. "T'accompagne et t'attends à la porte, mon amie." Elle posa une main sur l'épaule de Gabrielle et la dirigea vers la porte.

 

"Oh…" sourit le barde. "C'est pour ça que tu es passée en mode Totale Intimidation ?" Elle jeta un coup d'œil à la combinaison de cuir et à l'armure de Xena, ainsi qu'à toutes les armes dont elle s'était équipée. "Ta mère avait raison… tu as l'air plus costaud quand tu enfiles tout ça." Elle observa la guerrière. "Tu as même l'air plus grand."

 

Ce qui fit lever les deux sourcils en même temps. "Si tu le dis."

 

Elles descendirent les escaliers et sortirent de l'auberge, avant de traverser la cour et de prendre le chemin en silence.

 

 

 

 

Hérodotus fixait, sombre, le bol de céréales posé devant lui, y plongeant sa cuillère avant d'enfourner une autre bouchée vers son estomac capricieux. C'était ce qu'il y avait de pire, quand on buvait… et aussi la raison pour laquelle il faisait souvent suivre une longue nuit par un petit déjeuner liquide. Mais ils n'avaient plus de boissons sous la main… alors il devait rester seul avec son mal de crâne et son bol.

 

La maison était silencieuse. Hécuba savait qu'il n'était pas prudent de faire du bruit quand il était dans cet état. Ses lèvres esquissèrent un sourire ironique. Elle le connaissait bien… et surtout après la brève visite d'Agtès, qui lui avait rendu ses dinars et lui avait dit "pas question", qu'il n'allait sûrement pas essayer à nouveau de faire peur à cette maudite bonne femme qui pouvait faire ce qu'aucune femme ne pouvait faire. Pas question.

 

Et après avoir posé sa tête bourdonnante d'alcool contre le mur de l'auberge et regardé par la fenêtre la nuit dernière… il ne pouvait pas trouver le courage de mépriser Agtès. Bon sang. Et elle lui avait pris sa fille… c'était vraiment écœurant, mais néanmoins tout à fait clair à ses yeux, même si Métrus et lui n'avaient pas vu l'étreinte tranquille et délibérée qu'elles avaient partagée, là, devant la fenêtre. Bon sang.

 

Il la haïssait. Il haïssait ce qu'elle avait, et qu'il n'avait pas.

 

Il leva la tête en entendant des pas à l'extérieur. Des pas légers et d'autres plus lourds. Ces derniers s'arrêtèrent bientôt et les autres continuèrent, montèrent les marches et s'interrompirent derrière la porte.

 

Il attendit et vit bientôt la porte s'ouvrir lentement, laissant une explosion de soleil aveuglante entrer dans la pièce, toutefois bloquée par un corps, puis tout disparut lorsque la porte se referma. Il cligna des yeux, et attendit que la silhouette sombre qui se déplaçait vers lui devienne sa fille aînée.

 

Héra… pensa-t-il, amusé. Elle a bien grandi, c'est sûr… Ses mouvements étaient grâce et assurance, des mouvements qui n'étaient pas ceux d'une enfant, et sa tenue ne laissait pas grande place à l'imagination, exposant une souplesse musculaire qui le surprit, maintenant qu'il la voyait sous un nouveau jour.

 

Gabrielle traversa la pièce et s'arrêta en atteignant la table, posant ses avant-bras sur le dossier de la chaise la plus proche et le regarda.

 

"Tu as laissé ton chien de garde dehors ?" demanda-t-il d'une voix doucement amusée. Il attendit sa réaction. Et elle le surprit.

 

Elle sourit et secoua la tête. "Elle est probablement en train de parler à Maman." Une pause, puis elle finit doucement : "En train de regarder comment va son bras."

 

Ses yeux se plissèrent un peu. "A en juger par ton petit spectacle la nuit dernière, je suppose que tu as décidé de nous abandonner. Pas vrai ?"

 

Gabrielle tira la chaise devant elle et s'assit, croisant les bras sur la table et l'observant. "Est-ce que tu avais quelque chose à voir avec ce qui s'est passé dans l'écurie ?" Directs et froids, ses yeux fixaient les siens avec une intensité impressionnante.

 

Hérodotus haussa les épaules et s'appuya sur le dossier de sa chaise. "Je ne voulais pas qu'elle puisse influencer ta… décision." Il joua un peu avec sa cuillère. "Ça n'a pas servi à grand-chose, à ce que je vois."

 

"J'aime qu'elle m'influence", répondit Gabrielle, en inspirant et en baissant les yeux. "Je suis désolée, Papa. Je ne peux pas changer ce que tu es. Et je ne vais pas rester ici et devenir une autre…" elle fit une longue pause… "cible." Sa voix devint dure en prononçant le mot. "C'est à toi de choisir… de changer."

 

Ils se regardèrent un long moment, les bruits légers de la maison les entourant, la poussière volant doucement dans les pâles rayons du soleil qui filtraient à travers les fenêtres.

 

"Après le mariage, demain…" déclara enfin Hérodotus, froid et bref. "Je veux que toi et ton… amie… fichiez le camp d'ici. Je ne te connais pas. Tu n'es plus ma fille." Il s'arrêta, regardant ses mots la frapper comme des briques et il aima ça. "Tu n'es plus la bienvenue ici. Ceci n'est plus ta maison." Et il se leva, repoussant sa chaise, avant de quitter la pièce.

 

Gabrielle resta assise, fixant ses mains pendant un très long moment, repoussant les larmes qui menaçaient de la submerger. Déterminée à ne pas s'effondrer. C'était ma décision… je savais que ça risquait d'arriver, pas vrai ? Oui. Oh, dieux.

 

Elle leva les yeux et vit sa mère entrer, un peu hésitante. "Est-ce que c'est ce que tu penses aussi ?" demanda-t-elle, forçant les mots à sortir, reprenant le contrôle. Mieux vaut savoir tout de suite.

 

Hécuba soupira et se laissa tomber sur une chaise près d'elle, tendit la main et la posa sur les poings serrés de sa fille. "C'est sa maison, et c'est lui qui commande, ici." Elle toucha doucement la joue de Gabrielle. "Mais tu seras toujours ma fille… quoi qu'il arrive."

 

Gabrielle avala avec difficulté. "Merci", murmura-t-elle, les yeux toujours baissés.

 

Hécuba resta silencieuse un moment, puis soupira. Pensant à la conversation qu'elle venait d'avoir dehors et à ce qu'elle avait vu la veille. "Gabrielle, vaut-elle vraiment la peine que tu…"

 

"Je ne peux pas vivre sans elle", répondit-elle doucement. "Cela me déchirerait si je…" Elle ferma les yeux et laissa sa tête tomber dans ses mains. "Tu ne voudrais pas de ce qui resterait."

 

Hécuba la regarda en silence. "J'ai ressenti ça, une fois", dit-elle, regardant ses mains jouer distraitement avec la cuillère qu'Hérodotus avait laissée. "Lorsque j'étais très jeune." Elle soupira. "Mais mes parents avaient d'autres projets pour moi. Et pour lui. " Elle fit une pause, pensive. "Souvent, je… la vie nous traite durement, Gabrielle… tu dois saisir les bonnes choses lorsque tu les trouves. Ta sœur et toi… vous êtes de bonnes choses pour moi. Le reste…" Elle haussa les épaules.

 

"Tu l'aimes ?" Gabrielle posa son menton sur ses poings et croisa les yeux de sa mère.

 

"Oui", répondit-elle brièvement. "Mais ce n'est pas comme cela aurait été avec Berran. Ou comme pour toi." Elle se pencha en avant. "N'abandonne pas ce que tu as, Gabrielle."

 

Le barde se leva, les mains toujours posées sur la table. "Jamais." Par delà la mort, par delà la raison, par delà la compréhension. "Je dois partir." Elle essaya d'ignorer dans sa tête le martèlement douloureux qui empirait à chaque instant. "Dis à Lila…"

 

"Je l'enverrai te voir", assura Hécuba en lui donnant une petite tape sur le bras. "Va prendre l'air… tu es blanche comme un linge."

 

Gabrielle acquiesça et traversa la pièce, ouvrit la porte et plissa un peu les yeux devant la lumière aveuglante du soleil qui contrastait avec l'intérieur sombre. Il lui fallut quelques secondes pour ajuster sa vue, et elle sentit bientôt une présence familière à ses côtés.

 

"Tu as entendu ?" demanda le barde.

 

"Oui", répondit Xena dans un soupir.

 

"Tout ?" répliqua-t-elle doucement. Sachant que Xena l'entendrait.

 

"Oui." Une réponse à peine audible.

 

"Tant mieux." Et Gabrielle inspira profondément et redressa les épaules. "Est-ce qu'on peut… aller quelque part ? Ma tête va exploser."

 

"Gabrielle…" fit Xena, puis elle s'interrompit lorsque le barde se tourna vers elle et posa sa main sur ses lèvres.

 

"Ne dis rien, d'accord ?" Elle se pencha en avant et posa les mains à plat sur l'armure de Xena, levant les yeux vers elle. "Ça fait deux ans que ce n'est plus ma maison."

 

Xena inspira et tapota doucement sa joue. "D'accord. Allez, viens… je vais peut-être pouvoir te rendre le même service que tu m'as rendu hier."

 

 

 

 

"Chh… attention" fit Xena, posant une main douce sur la tête de Gabrielle. "Tu as la migraine, Gabrielle. C'est un très mauvais mal de crâne."

 

Cela avait commencé avec des troubles de la vision alors qu'elles retournaient à l'auberge, et la nausée, qui avait rapidement empiré et entraîné des vomissements secs qui l'avaient laissée tremblante dans les bras de Xena. "Oh dieux…" grogna-t-elle. "C'est pire que le mal de mer."

 

"Uhm… ouais, je crois bien que oui", admit la guerrière à contrecœur. "Heureusement que tu n'as pas pris de petit déjeuner, après tout."

 

"Merci", marmonna Gabrielle, sarcastique. "Tu es si réconfortante."

 

Xena appuya son dos contre le mur et attira le barde contre elle, la serrant contre son épaule. Elle rinça un morceau de lin dans un seau d'eau froide et l'essora jusqu'à ce qu'il soit presque sec, puis le posa sur le front de Gabrielle, sentant le barde fondre contre son épaule.

 

"Ce n'est pas ce que je voulais dire", murmura Gabrielle en fermant les yeux.

 

"Quoi donc ?" demanda Xena, changeant un peu sa position.

 

"Que tu n'es pas réconfortante", répondit-elle. "Si je dois me sentir si mal, je préfère que ça soit dans tes bras."

 

La guerrière sourit et rinça à nouveau le linge. "Je préférerais que tu ne te sentes pas si mal."

 

"Hm", fit Gabrielle, sarcastique. "Tu as de ces migraines, parfois ?" Elle garda les yeux fermés, portant à ses lèvres la tasse que Xena avait préparée pour elle, et en prit une gorgée. "Beurk… Xena, c'est atroce."

 

"Je sais que c'est atroce", soupira Xena. "Et oui, ça m'arrive… parfois."

 

Gabrielle but le reste de la mixture en grimaçant. "Tu ne dis jamais rien…" Elle leva la tête et regarda sa compagne. "Tu continues. Comme si de rien n'était."

 

Xena haussa les épaules et reposa le linge froid. "Ce n'est pas facile, de ne jamais admettre que tu as mal… ça doit être un truc de guerrier, sans doute." Et je suis assez sensée pour boire la mixture sans faire de grimaces.

 

Gabrielle ferma les yeux et sentit un faible sourire envahir son visage lorsque la douleur diminua un peu et qu'elle sentit une vague de sommeil l'assaillir. "Je ne sais pas ce que c'était, mais ça marche…" marmonna-t-elle, reposant la tasse et sentant la tension quitter son corps alors qu'elle se détendait contre l'armure de Xena.

 

La guerrière attendit quelques minutes, écartant distraitement les cheveux des yeux fermés du barde, puis elle la souleva et alla jusqu'au lit, avant de l'étendre doucement. Puis elle resta debout, près d'elle, pendant un long moment, regardant sa respiration régulière. Elle a dit à sa mère… qu'elle ne pouvait pas vivre sans moi. Je pensais… je sais ce que je ressens… mais je n'aurais pas cru… je ne mérite pas ça. Elle toucha doucement la joue du barde et un petit sourire apparut sur le visage endormi. Xena y répondit, puis soupira et recula, plaçant une couverture légère sur le corps de sa compagne. Et, pendant un long moment, elle hésita à la rejoindre. Xena, arrête un peu, tu veux. Elle a une excuse, pas toi. Alors, bouge un peu, et va faire ce que tu as à faire.

 

Alors elle alla à l'écurie et affronta les hennissements pleins de reproches d'Argo. Elle emmena la jument en promenade, une longue promenade à travers les champs et l'orée de la forêt qui entourait Potadeia, galopant jusqu'à ce qu'elle transpire, puis elle ralentit le rythme en traversant la vallée, s'arrêtant même sur la colline qui surplombait la rivière, et se détendit un peu sur la selle.

 

Elle trouva la brise fraîche très agréable, alors qu'elle soufflait sur ses cheveux et les écartait de son front, et faisait fouetter la crinière d'Argo contre ses bras qui reposaient contre le pommeau de la selle. Le vent apportait le parfum de la rivière et de la terre gorgée de soleil de chaque côté, et, au loin, un soupçon de fumée de bois. "Ça va, ma fille ?" murmura-t-elle à la jument qui broutait l'herbe fraîche de la rivière avec enthousiasme, après des jours de foin sec dans l'écurie. "Ça te plaît, ça, hein ?"

 

Elle posa les mains sur le pommeau et se laissa glisser de la selle, relâchant les rênes d'Argo, puis elle marcha tranquillement dans l'herbe qui lui arrivait aux mollets, avant de se laisser tomber sur le sol près du bord de la rivière, entourant ses genoux de ses bras, laissant le bruit apaisant de l'eau l'envahir et qui correspondait si bien à la sensation chaleureuse en elle. Et elle pensa à quel point sa vie avait changé au cours des deux dernières années. Et quelle différence une seule personne avait faite. Je peux m'asseoir ici… et profiter de la vue… et pour la première fois depuis que j'étais à peine assez grande pour penser, je commence à imaginer qu'il y aura un… avenir. Même si tous mes instincts me crient que c'est une très mauvaise idée… je ne peux pas m'en empêcher… bon sang… je veux qu'il y ait un avenir. Elle sourit et ramassa une petite pierre près de sa botte, étudiant sa surface plate pendant un instant, avant de soulever le bras rapidement et d'envoyer la pierre rebondir sur la surface de l'eau avant d'être engloutie dans la rivière. On dirait que c'est encore un de mes nombreux talents, se moqua-t-elle doucement. C'est ça, Xena… apprends à ne pas te prendre au sérieux. Un sourire se dessina sur ses lèvres et elle s'apprêtait à ramasser un deuxième caillou lorsque son ouïe fine repérera des bruits de pas derrière elle.

 

Elle s'immobilisa et se concentra sur cette direction, entendant maintenant le son d'une respiration difficile et des mains qui cassaient les feuilles, des pieds qui brisaient des brindilles par terre, ce qui voulait dire que la personne en question ne pourrait sans doute pas attraper de lapins, et encore moins elle. Elle attendit, et regarda avec intérêt, alors que les poils fins sur ses bras se dressaient en réaction au danger que son corps avait détecté.

 

Il s'approcha, près de l'orée de la forêt, et puis s'arrêta et regarda vers l'endroit où elle était assise.

 

Elle entendit le craquement caractéristique du mécanisme d'une arbalète, et jura en pensée, avant de se lever et de se retourner en un mouvement fluide. Elle fit face à son assaillant, mettant ses mains sur les hanches et affichant son meilleur air mauvais.

 

"Hérodotus. Quelle surprise", soupira-t-elle en le voyant s'immobiliser lorsqu'elle le regarda. "Vas-y. N'hésite pas." Elle écarta les bras et attendit. "Ou ne peux-tu frapper que sur les enfants et tirer dans le dos des gens ?" Sa voix devint un grognement méprisant.

 

Hérodotus la regarda un près long moment, puis souleva le nez de l'arbalète et la reprit contre lui. "Tu iras au Tartare", souffla-t-il, d'une voix grave.

 

"Déjà fait", répondit Xena, baissant les bras et avançant de quelques pas. Jusqu'à ce qu'elle puisse voir plus clairement son visage, dans l'ombre des arbres. Et elle vit, un instant, si bref, un souvenir qui lui rappela l'expression dans ses yeux. Celui d'une Gabrielle si différente, dans une réalité où elle n'avait pas arrêté les marchands d'esclave, une haine pleine de rancune qu'elle savait dirigée aussi bien vers l'extérieur que l'intérieur. "Tu n'as pas fait assez de mal, aujourd'hui ?"

 

"Qu'est-ce que tu en sais ?" fit-il en s'approchant. "Tu crois que ça m'a fait plaisir ? Pas du tout. Mais c'était la seule chose qui aurait pu… aurait pu, la forcer à repenser à tout ça, et à prendre la bonne décision."

 

Xena l'observa, pensive. "Qu'est-ce qui te fait croire qu'elle n'a pas pris la bonne décision ?"

 

"Tu vas la faire tuer. C'est ça que tu veux ?" demanda-t-il. "Tu sais que c'est vrai, Xena. Elle a déjà été blessée… pourquoi ne la laisses-tu pas tranquille ? Qu'est-ce que tu veux ? De l'argent, des chevaux ? Quoi ?"

 

Tiens. C'est un bavard, comme elle. Maintenant, je sais de qui elle tient ça. "Et je suis censée croire que tu fais ça parce que tu t'inquiètes pour elle, c'est ça ?" Xena sentait maintenant la colère monter en elle. "Dis-moi comment ? Dis-moi comment tu peux t'inquiéter alors que tu lui tapes dessus depuis qu'elle n'est qu'une gamine ? Explique-moi pourquoi une enfant intelligente et innocente a dû subir cela, et alors nous pourrons peut-être parler des dangers qu'elle affronte en restant avec moi." Ses yeux lançaient des éclairs, et elle le savait, la rage accumulée au cours des journées où elle avait dû regarder sa compagne souffrir commençait à ressortir à la surface.

 

Hérodotus la fixa un long moment. "Parce qu'elle avait quelque chose que je ne pouvais plus avoir. Et je n'allais sûrement pas regarder ça sans rien faire." Il se surprit lui-même par cette réponse honnête.

 

Xena le regarda, commençant à comprendre. "Tu es un conteur."

 

Des yeux verts morts la regardèrent. "Je suis un fermier", répliqua-t-il simplement. "Autrefois, je voyais des images, comme elle. Et puis je me suis dit qu'en buvant assez, les images disparaîtraient." Il fit une pause. "Et c'est ce qui s'est passé."

 

"C'est ce qui lui serait arrivé", répondit doucement Xena. "C'est ça que tu veux ?"

 

Il éclata d'un rire triste. "Ce que je veux ? Je veux quelqu'un qui s'occupe de moi, qui s'assure que ma tête n'est pas par terre à la fin de la nuit, et qui me distrait assez pour m'empêcher de taper sur ma femme. Pourquoi la veux-tu, toi ?… est-ce qu'elle fait bien la cuisine ?"

 

Xena perdit son calme et avant qu'il ne puisse prendre un autre souffle, elle était sur lui, le secouant comme un chien, envoyant voler l'arbalète d'un coup de poing. "Je vais t'apprendre ce que ça fait d'être un gamin, espèce de salopard." Elle le souleva par le devant de sa tunique et le plaqua contre un arbre. "Ça te plaît ?" Sa voix était mielleuse. "Et ça ?" Et elle le frappa du revers de la main, comme il l'avait fait à Gabrielle. "Ou ça." Elle le ramassa et l'envoyer voler de quelques pas, contre une souche d'arbre.

 

Il la fixa et ne bougea plus, le dos contre la souche. "Non… n'approche pas", bredouilla-t-il, levant la main devant son visage.

 

"Oh, tu en as assez ?" siffla Xena. "C'est drôle comme les plus gros lâches peuvent donner des coups, mais ils ne savent pas en prendre." Elle s'accroupit devant lui et saisit sa mâchoire, le forçant à la regarder dans les yeux. "Maintenant, écoute. Ta fille a plus de courage que tout ce village réuni, tu m'entends ? Elle est douce, elle est intelligente, c'est un merveilleux barde, elle est forte, et elle a le droit de choisir ce qu'elle veut faire de sa vie." Son regard transperça Hérodotus. "Même si cette vie est dure, et dangereuse et qu'elle risque de se faire tuer." Sa voix baissa un peu. "Mais tu ferais mieux de comprendre que je donnerais bien volontiers ma vie pour sauver la sienne."

 

Ils se regardèrent pendant ce qui sembla un très long moment, jusqu'à ce que Xena le relâche enfin et se lève, avant de lui tourner le dos et de marcher vers Argo. Elle sentit plus qu'elle n'entendit le mouvement derrière elle. La vibration de l'air contre la corde, l'air sur les plumes, le ressort qui lançait la flèche dans les airs.

 

Elle se retourna soudainement et laissa son corps réagir à l'attaque, ses mains se levant pour attraper les flèches… et les dévier avec mépris. Ses yeux devinrent froids. Elle laissa le loup resurgir et retourna vers lui, qui était toujours contre la souche. La regardant.

 

Il vit la grande guerrière marcher vers lui, passer du soleil dans l'ombre dans un mouvement tacheté qui envoya des éclairs de lumière sur elle et se refléta sur son armure. Puis elle s'arrêta en s'accroupissant, lui souriant férocement.

 

"Tu devrais remercier les dieux d'avoir une fille comme elle, Hérodotus." Sa voix l'enveloppa. "Parce que sans elle, tu serais en tout petits morceaux à l'heure qu'il est." Et elle ramassa l'arbalète, y jeta un coup d'œil, avant de placer ses mains de chaque côté ; elle fit pression, et l'arme se brisa en deux.

 

Elle se leva en silence et retourna à la jument qui l'attendait patiemment, et cette fois, elle se hissa sur la selle sans incident. Un dernier regard vers lui. Bon, je ne lui ai pas vraiment fait mal. Pas trop, soupira son esprit. Tu parles d'une promenade bien tranquille. "Allez, ma fille. On y va." Elle toucha le flanc d'Argo d'une petite pression du genou et la jument reprit tranquillement le chemin de la forêt.

 

 

 

 

"Te voilà, ça tombe bien." Lila sourit en la rencontrant peu de temps après, devant l'échoppe de la couturière. "Comment va-t-elle ?" un peu plus bas, sa voix pleine de sympathie.

 

Xena haussa un peu les épaules. "Elle avait un très mauvais mal de crâne en revenant. Je lui ai donné quelque chose pour la faire dormir… elle est y toujours." Une pause. "Ça a l'air d'aller."

 

Lila soupira. "Qu'il soit maudit." Elle écarta quelques mèches de cheveux sombres qui tombaient devant ses yeux. "Je passerai la voir plus tard, alors." Elle tendit un paquet qu'elle portait. "Tu veux bien lui apporter ça ? C'est la robe… elle est très jolie." Ses lèvres se pincèrent un peu. "Plus jolie que la mienne, en tout cas."

 

"Pas de problème", répliqua Xena, prenant le paquet et le plaçant sous son bras. "Comment va Lennat ?" Elle jeta un coup d'œil vers la forge où elle pouvait voir les ombres des deux hommes penchés sur leur ouvrage.

 

Lila lui sourit, enthousiaste. "Il adore ça." Elle secoua la tête et rit. "Marteler du métal chaud toute la journée, je ne sais pas… mais il rentre et il en parle comme si c'était la chose la plus merveilleuse au monde." Elle baissa les yeux. "Il dit qu'il va parler à Gabrielle un peu plus tard… tu sais que Métrus l'a mis lui aussi à la porte…"

 

"Je sais", répliqua doucement Xena.

 

"Alors…" Les yeux noisette se posèrent rapidement sur ceux de Xena. "On dirait qu'on a quelque chose en commun."

 

"Mmm…" acquiesça Xena, avec un petit sourire. "On dirait. Lennat a des regrets ?"

 

Un rire. "Dieux, non." Puis elle s'arrêta et la regarda intensément. "Pas plus que Gabrielle."

 

Xena haussa les épaules. "On n'est jamais sûr."

 

"Moi, si", répondit-elle avec certitude. "Xena, c'est ma sœur. Je la connais depuis toujours." Lila regarda rapidement autour d'elle et baissa la voix. "Elle n'a jamais…" Une pause puis un soupir. "Comment dire… elle n'a jamais laissé personne… toucher son cœur comme ça. Tu sais comment elle est… à faire des choses pour les autres, à plaisanter, à raconter des histoires, à essayer de rendre les choses plus faciles pour tout le monde… c'est ma grande sœur… elle a toujours essayé de me réconforter, de s'occuper de moi… essayé d'aider Maman, de la soulager un peu… maintenant que j'y repense, elle avait vraiment besoin que quelqu'un fasse la même chose pour elle. Mais il n'y avait personne. Alors elle ne laissait personne s'approcher." Encore une pause. "Elle se sentait responsable de nous."

 

"C'est vrai…" commenta Xena, désabusée, "… qu'elle a tendance à faire ça."

 

Lila secoua la tête. "C'est sûr. Mais… je ne sais pas ce qui lui a pris quand elle t'a suivie il y a deux ans. Je pensais qu'elle était dingue, pour être franche."

 

"Moi aussi", répondit la guerrière, avec une tendresse amusée.

 

"Mmm… ça ne m'étonne pas", fit Lila en riant. "J'ai entendu l'histoire de l'arbre." Elle redevint sérieuse. "Mais… cette fois, maintenant que j'ai eu l'occasion de passer un peu plus de temps avec elle… je vois des choses dans ma sœur que… je n'avais pas vues avant." Elle baissa les yeux. "Tu as vu une partie d'elle que je ne connaissais pas… et c'est ce qui m'a fait comprendre qu'elle… avait trouvé quelqu'un qu'elle pouvait… et qu'elle voulait… et qu'elle avait laissé toucher son cœur."

 

Un long silence s'établit entre elles. "Et j'en suis vraiment heureuse", dit enfin Lila. "Je suis désolée qu'on ait si mal commencé."

 

Une main se posa sur son épaule. "Tu avais de bonnes raisons", répliqua Xena calmement, résignée. "C'est ta sœur, et je suis plutôt effrayante."

 

Lila ricana. "Mmm… ce n'est pas ce que j'allais dire." Mais elle leva les yeux vers Xena et y vit un sourire. "Mais… ouais. Tu l'es, un peu."

 

Un sourcil levé. Puis une seconde. "Un peu ??" fit-elle, une lueur de malice dans les yeux.

 

"Euh… ok. Beaucoup", admit Lila. "En fait, tu es la personne la plus effrayante que j'ai jamais rencontrée. Remarque, je ne connais pas beaucoup de monde."

 

"Ah, voilà qui est mieux", répliqua Xena, sans broncher. "J'ai une réputation à maintenir, tu sais."

 

Elles se regardèrent, puis se mirent à rire. "Il faut que je rentre", fit Xena en ricanant, soulevant le panier qu'elle transportait. "J'ai le déjeuner, et tu sais comment est Gabrielle."

 

"Je te raccompagne un peu", proposa Lila, en se mettant en route. "Ce qui me rappelle… tu ne lui donnes rien à manger sur la route ou quoi ? Elle n'a que la peau et les os."

 

Xena ricana. "Oh, arrête un peu… ta sœur mange largement autant et même sans doute plus que moi. Elle brûle tout, c'est tout… c'est sans doute à force de parler."

 

Lila se mit à rire. "Contente de voir que certaines choses n'ont pas changé. Elle a toujours été comme ça."

 

 

 

 

Xena monta les escaliers, riant encore, et ouvrit doucement la porte, se glissant à l'intérieur sans un bruit. Elle posa le panier sur la table, le paquet sur la chaise et se tint en silence au pied du lit, regardant le barde encore profondément endormie. La voyant maintenant sous une perspective un peu différente, grâce à Lila. J'ai toujours vu… à quel point ça a été dur pour moi de sortir de ma coquille avec elle. Dieux… j'ai dû la rendre complètement dingue plus d'une fois… je n'ai jamais pensé qu'elle avait le même problème. Ça semblait toujours si naturel pour elle… mais… Elle repensa à ce qui s'était passé. Ce n'était pas facile. Elle a pris un risque, comme moi… pensa-t-elle, tout en retirant son armure, la passant au-dessus de sa tête avant de la poser sur une chaise.

 

Essayant de faire le moins de bruit possible, elle céda à son envie et rejoignit sa compagne, se blottissant contre son dos et glissant un bras autour de sa taille. Elle sentit un peu de tension quitter le corps du barde, et une main se poser sur la sienne, alors que Gabrielle se réinstallait contre elle avec un petit soupir. Elle laissa le rythme régulier de la respiration du barde l'entraîner dans un état second, entre l'éveil et le sommeil, dans une brume confortable qu'elle aimait beaucoup, elle s'en rendit compte.

 

Gabrielle garda les yeux fermés et laissa ses autres sens l'amener lentement du sommeil vers l'éveil. Elle sentit l'odeur propre du lin et celle un peu moisie mais chaude du parquet de la chambre. Elle entendit ce même parquet craquer un peu et sentit une présence chaleureuse et familière derrière son dos. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle reconnut le bras puissant et protecteur qui la serrait, et elle se laissa sombrer sans honte dans la merveilleuse sensation que cela provoqua en elle.

 

Elle y resta pendant un moment, puis s'étira et se retourna, se blottissant encore un peu plus contre le menton de Xena avec un murmure satisfait, clignant des yeux devant son sourire paresseux. Elle croisa deux yeux bleus amusés qui s'adoucirent aussitôt.

 

"Comment te sens-tu ?" demanda Xena, posant sa tête sur sa main.

 

"Beaucoup, beaucoup mieux", répondit le barde en touchant sa tête. "Et… soulagée." Que ça soit enfin fini… Que la pression qu'elle avait sentie depuis leur arrivée ait à présent… disparu. "Et triste." Une admission tranquille et honnête. "Alors… toi aussi, tu es venue roupiller ici ?" demanda-t-elle avec un sourire taquin, incapable d'empêcher ses mains de glisser vers la silhouette couverte de cuir, parcourant du bout des doigts les côtes qui se soulevaient tranquillement et sentant le souffle de sa compagne se couper sous son toucher le plus doux.

 

"Non", répondit Xena. "Je suis allée faire faire un peu d'exercice à Argo, j'ai discuté un peu avec ta sœur et je t'ai rapporté ta robe pour demain ; j'ai fait réparer un truc sur ma selle et je suis allée te chercher de quoi déjeuner." Une pause. "Et puis je suis revenue ici et tu avais l'air si tranquille, que j'ai décidé de venir auprès de toi pendant un moment."

 

"Déjeuner ?" fit le barde en souriant, se concentrant sur l'essentiel. "Je meurs de faim."

 

"Ça doit aller mieux, alors", ricana la guerrière.

 

"Beaucoup", répondit Gabrielle. "C'est bizarre… je devrais me sentir vraiment mal… avec tout ce qui s'est passé… mais…" Elle inspira puis expira profondément. "C'est si bon de ne plus avoir ce poids sur la poitrine… je sais que ça va me tomber dessus plus tard, mais pour l'instant, je suis plus soulagée qu'autre chose." Elle fit une pause. "Maintenant... tu parlais de déjeuner ?"

 

"Dieux, Gabrielle", répondit Xena, secouant la tête avec une incrédulité moqueuse. Elle roula sur elle-même, attrapa le poteau au pied du lit, s'appuya sur les mains, puis sauta sur ses pieds avant d'aller jusqu'à la table où l'attendait le panier. "Tiens." Elle se retourna et retourna au lit. "Le déjeuner."

 

Gabrielle examina le contenu du panier et tapota le lit à ses côtés. "Tu viens ?" demanda-t-elle, la bouche pleine. Puis, et bien qu'elle essayât de l'ignorer, la voix de son père résonna dans sa tête, et elle arrêta de manger. Je ne devrais pas y penser. Il m'a fait des choses horribles, et à maman, et à Lila aussi. Ses yeux se fermèrent. Mais c'est impossible.

 

"D'accord." Xena s'assit et prit un morceau de pain dans le panier, en rompant un bout et l'observant un long moment, avant de le mettre dans sa bouche et de le mâcher lentement. Puis elle leva les yeux et vit le visage de Gabrielle. Alors elle se débarrassa rapidement du panier. "Hé…" S'approchant plus près, elle posa la main sur l'épaule du barde, et prit le sandwich des doigts soudain amorphes.

 

"Je ne devrais pas y penser", murmura Gabrielle en regardant vers la fenêtre. "Je savais qu'il allait probablement faire ça." Elle inspira, tremblant un peu. "Je sais qu'il… nous a fait… des choses… affreuses." Elle regarda ses mains. "Mais ça fait quand même mal." Sans regarder, elle tendit la main et enroula ses doigts dans la combinaison de cuir de Xena, tirant dessus pour venir près d'elle avant d'enfouir son visage dans la senteur forte et piquante, si familière, de cette cachette ; puis elle laissa tomber ses défenses et les larmes vinrent enfin.

 

"Ça va pas être facile d'enlever toutes ces marques d'eau du cuir", fit-elle enfin d'une voix rauque, un peu plus tard, et elle sentit la main de Xena caresser doucement son visage pour toute réponse. "Je crois que je te devrais une nouvelle tenue après tout ça. Heureusement que tu n'avais pas ton armure… je n'aurais jamais réussi à ravoir la rouille." Elle leva les yeux et laissa échapper un souffle longtemps retenu. "Merci… pour la centième fois depuis qu'on est arrivées. Je suis désolée de m'effondrer tout le temps comme ça."

 

Devrais-je lui parler de ma petite rencontre avec son père ? se demanda Xena, hésitante. A-t-elle besoin de le savoir ? Sans doute pas. Est-ce que j'ai besoin de lui dire ? Sans doute pas. Mais avec cette… connexion… ce n'est vraiment pas facile de lui cacher des choses, et ce n'est peut-être pas une bonne chose. Elle soupira. "Je… quand je suis allée me promener avec Argo, j'ai… ton père m'a suivie."

 

Les yeux de Gabrielle se plissèrent et elle leva la tête pour observer le visage de sa compagne. "Qu'est-ce qui s'est passé ?"

 

Et elle lui raconta tout, sans omettre un détail, jusqu'au plus petit mouvement, d'un ton froid et détaché. Elle vit le regard du barde s'intérioriser, et elle attendit un long moment qu'elle réagisse.

 

"Je crois que je viens de découvrir quelque chose d'horrible sur moi, Xena", murmura enfin Gabrielle, entourant ses bras autour de sa poitrine.

 

La guerrière posa une main hésitante sur son épaule et sentit le frisson la parcourir. En silence, elle laissa sa main retomber, ignorant le coup de poignard au cœur que cette réaction provoqua. "Qu'est-ce que…" Et puis elle dût s'arrêter et s'éclaircir la gorge.

 

"Je voulais que tu le fasses", répondit le barde, d'une voix distante. "Je voulais te voir lui coller une raclée et le voir ressentir…"

 

"Ce que tu as ressenti ?" La voix de Xena était douce. "Ce que ta mère et Lila ont ressenti ? Gabrielle, c'est un sentiment naturel." Dieux… je savais que je n'aurais pas dû lui dire.

 

"Pas pour moi", répondit-elle tristement. "Briser le cycle de la haine, tu te souviens, Xena ? Maintenant, je fais partie de ce cycle."

 

"Non." Un mot grondant et sourd qui surprit Arès dans son coin et le fit cligner des yeux. "C'est faux, Gabrielle, tu m'entends ?" Elle descendit rapidement du lit et mit un genou à terre, saisissant le visage du barde entre ses deux mains et la forçant à la regarder dans les yeux. "Ne dis pas cela. Tu as souffert… dieux, il t'a fait souffrir, Gabrielle… Tu as tous les droits… tu as… besoin… de le voir ressentir ce que tu as ressenti." Sa voix s'assombrit. "Tu ne ressens pas de haine, Gabrielle - elle n'est pas en toi… parce que je la connais bien mieux que tu ne la connaîtras jamais… et que je connais tous ses visages… et que je n'en vois aucun dans ton cœur." Elle s'interrompit et étudia les yeux verts qui la fixaient. "Je te connais… d'une certaine façon mieux que je me connais moi-même. Je ferais confiance à ton cœur pour tout… pour n'importe qui… parce que tu es la personne la plus aimante, la plus indulgente, et la plus belle que j'ai jamais connue." Une pause plus longue. "N'en doute jamais un instant."

 

Combien de fois m'as-tu dit que c'est parce que je crois en toi que tu trouves la force de continuer, Xena ? Son esprit joua avec les mots, les goûtant avec une intensité douce-amère. Et je le savais. Mais je ne pensais jamais que j'aurais autant besoin que tu croies en moi qu'en ce moment. Elle libéra ses bras de son étreinte et les tendit, enroulant ses doigts avec ceux de Xena, tirant leurs mains entre elles. Elle les leva jusqu'à ses lèvres et les pressa contre elles. Puis elle s'abandonna à la foi de Xena, sentant le lourd et sombre sentiment de culpabilité disparaître doucement sous le regard bleu.

 

Un silence s'ensuivit, brisé seulement lorsque Xena se glissa à nouveau sur le lit et entoura ses bras autour du barde. Et puis il n'y eut plus que le son d'un souffle presque inaudible, et le craquement des planches autour d'elles.

 

Gabrielle avait sombré dans un demi-sommeil peuplé de rêves lorsqu'elle sentit Xena se raidir contre elle et une poussée presque physique la traverser. "Quoi ?" demanda-t-elle, levant la tête.

 

Xena posa un doigt sur ses lèvres et pencha la tête sur le côté. Au lointain, un grondement faible et sourd.

 

"Des chevaux", répondit-elle en se concentrant. "En approche rapide." Puis elle entendit les grognements et se leva, allant droit à son armure. "Des pillards… sans doute une bande errante…" Et puis les premiers hurlements. "Des problèmes."

 

En deux mouvements rapides, son armure fut fixée et un de plus assura son fourreau sur son dos. "Bon timing", soupira-t-elle en partant vers la fenêtre. "Je te retrouve en bas." Pas question de demander à Gabrielle de rester dans la chambre… ça faisait déjà un bon moment qu'elle ne le lui demandait plus.

 

"D'accord", affirma le barde en attrapant son bâton, regardant sa compagne enjamber la fenêtre et sauter sur le toit du porche, avant de faire un dernier bond vers le sol. "Je ne pourrais pas inventer quelqu'un de plus extraordinaire que ça", marmonna-t-elle à l'attention d'Arès, tout en ouvrant la porte, avant de se diriger vers les escaliers.

 

Xena atterrit en bas au moment où les premiers cavaliers lançaient la charge sur le village, balançant des torches enflammées et se dirigeant droit sur les villageois, armés de lances et de piques en fer. Plutôt communs, pensa la guerrière tout en se dirigeant vers le premier d'entre eux en courant, l'épée à la main.

 

Le premier des pillards balança sa pique vers le bas, manquant de très peu une femme qui s'enfuyait en courant. Il leva les yeux au moment où un corps couvert de cuir le désarçonna et l'envoya rouler avec lui sur le sol. Il commença à se relever, balançant la pique qu'il tenait toujours à la main, mais Xena para le coup et le frappa en plein visage d'un uppercut rapide mais vicieux. Il s'écroula sans un bruit, et elle en profita pour se hisser rapidement sur son cheval hennissant avant de diriger l'animal vers les pillards en approche.

 

Ils étaient environ une petite vingtaine et trois d'entre eux tombèrent sous son épée avant que le restant comprenne que ce petit village abritait beaucoup plus que ce à quoi ils s'attendaient. Avec un cri sauvage, Xena se rua sur eux, alternant coups d'épée violents et coups de poings brutaux qui écrasaient leurs armures comme si c'était du tissu.

 

Une hutte était en feu. Etouffant un juron, Xena arrêta sa monture, regarda autour d'elle et repéra Gabrielle qui se dirigeait vers la maison. "Je m'en occupe !" cria le barde en lui faisant un signe de la main, avant de balancer son bâton avec précision et de désarçonner un pillard. Elle frappa en pleine tête, et il s'effondra sans un cri.

 

"Joli", marmonna Xena, puis elle se laissa glisser de son cheval et attaqua les pillards à pied. Le plus grand parvint à l'attraper et envoya son avant-bras à toute volée dans sa tête. Elle roula par terre sous le choc, puis se releva immédiatement, avança et le frappa en plein visage d'un puissant coup de coude. Son expression fut celle du choc qu'il ressentit avant de s'effondrer le long du corps de la guerrière sur le sol de la cour.

 

Des bruits de sabots approchaient et elle leva les yeux pour voir un cavalier brandissant une lance se diriger droit sur elle, les yeux plissés sous son masque de cuir. Xena sourit et attendit que la pointe de la lance soit juste devant elle pour se baisser et la saisir, les deux pieds fermement enfoncés dans le sol.

 

Elle désarçonna le cavalier et le frappa un grand coup en pleine figure à l'aide de l'extrémité de la lance. Il mourut sur le coup.

 

Des bruits de sabots plus lourds, et lorsqu'elle leva les yeux cette fois-ci, elle sentit son sang se glacer dans ses veines. Un autre cavalier, se dirigeant cette fois non pas sur elle mais sur une silhouette se tenant sur le chemin d'une maison qu'elle connaissant bien.

 

L'animal était énorme, une fois et demi plus gros qu'Argo, et son cavalier… l'esprit de Xena se figea. Plus grand qu'un homme, avec une tête et un cou de taureau. "Un minotaure", fit-elle dans un souffle, sentant son cœur battre de plus en plus fort. Et Hérodotus droit sur son chemin.

 

Le temps se ralentit, comme il le faisait toujours pour elle dans ces cas-là. Et elle eut un seul instant pour comprendre qu'elle pouvait ne rien faire et laisser cet homme qui avait tant fait souffrir sa famille, tant fait souffrir sa Gabrielle, recevoir ce qu'il méritait.

 

"Bon sang." Et elle était partie, lançant son corps en poussées puissantes qui couvrirent la distance avec une vitesse croissante. Elle dégaina son épée et se rua sur le cheval et le minotaure, et Hérodotus.

 

Le minotaure leva sa masse pour porter le coup de grâce, laissant échapper un grognement furieux qui fit trembler le sol. Il balança son bras vers le bas, mais la masse fut soudainement bloquée par une forme lancée dans les airs qui se tourna et stoppa le coup sur son armure de cuivre.

 

Aïe. Xena grimaça lorsque la masse s'écrasa sur son armure, mais ça ne l'empêcha pas de saisir son harnais de cuir à pleine main, et de se servir de son mouvement avant pour passer de l'autre côté du cheval, espérant qu'elle entraînerait le cavalier avec elle.

 

Ce qu'elle fit, de justesse. Ils s'écroulèrent tous les deux par terre, s'écrasant contre le tronc de l'arbre contre lequel s'était réfugié Hérodotus. Xena sentit sa tête trembler sous la puissance de l'impact, mais elle ignora la sensation et rebondit sur le tronc, puis sur ses pieds, face au minotaure. Oh… bravo. Je suis morte. "Dégage." Un grognement en aparté, destiné à Hérodotus. "Bouge !" Et il partit, mais pas loin, juste hors de portée de son épée, et du minotaure bavant et fumant.

 

"Tu vas mourir", fit l'être mi-homme, mi-bête en se lançant sur elle.

 

"Déjà fait", répondit Xena, arrêtant le coup avec son brassard avant de le rendre, ce qui fit reculer un peu la bête, étonnée. Qu'est-ce que m'a dit Gabrielle, déjà ? Me convaincre que je peux faire ces choses-là ? Ok… voyons si j'arrive à me convaincre que je peux tuer… cette chose.

 

Le minotaure dégaina son épée et se rua sur elle, et elle répondit à l'attaque, échangeant avec lui des coups qui firent jaillirent des étincelles de leur lames, et firent résonner le sifflement de leurs armes vers le village.

 

Il attaqua à nouveau, frappant un grand coup, profitant de sa taille pour essayer de la coincer contre l'arbre, mais Xena glissa sur le côté et dévia la force de l'assaut, avant de lui frapper le flanc avec sa garde. Il grogna sous le coup de la douleur et lui rendit un coup qui lui fit sonner la tête comme une cloche.

 

Il savait qu'il l'avait assommée et il laissa échapper un grognement triomphant en serrant ses mains autour de la gorge de la guerrière. Elle ne put l'arrêter.

 

Et le monde commença à disparaître sous la pression de ses énormes mains. Elle sentit un doux bourdonnement lui emplir les oreilles. Tout était silencieux à présent, à part le bourdonnement, et son corps était trop fatigué pour répondre à ses instincts qui lui criaient de se battre.

 

Je ne peux pas… Son esprit se perdait dans une brume grise. Je ne peux pas partir… j'ai quelque chose… à faire. Quelqu'un… à voir. Et une terreur soudaine et si claire transperça les ténèbres, bannissant le bourdonnement. Elle reprit le contrôle de son corps et, levant les mains, elle les accrocha à ses bras couverts de fourrure. C'est tout ou rien, pensa-t-elle calmement.

 

Elle se redressa d'un coup, ramenant son pied contre la poitrine du monstre et le repoussa avec toute la force que ses jambes pouvaient rassembler. Ça aurait dû lui casser le cou, mais au lieu de ça, il relâcha son étreinte et fut projetéeen arrière contre l'arbre. Sous la poussée, elle s'envola dans un salto arrière qu'elle parvint tant bien que mal à contrôler, avant d'atterrir dans la poussière, ses poumons buvant l'air à grandes gorgées.

 

Elle le vit fondre sur elle, les bras grands ouverts, trop enragé pour se souvenir de qui elle était ou de ce qu'elle tenait à la main. Elle se laissa tomber accroupie, puis se redressa alors qu'il sautait, et son épée transperça son armure et s'enfonça dans son énorme poitrine alors que sa poussée stoppait sa chute. Il retomba en arrière, l'arme de Xena enfoncée jusqu'à la garde dans sa chair.

 

Ils s'écroulèrent tous les deux par terre, et Xena roula tout de suite, se releva sur un genou, s'appuyant sur l'autre, attendant que son corps arrête de trembler, et que le monde s'arrête de tourner autour d'elle.

 

Elle entendit des pas qui couraient et qui lui étaient si familiers, et une présence qui ne fit retentir aucune alarme dans ses défenses à moitié effondrées. Elle trouva la force de se relever complètement, juste à temps pour stopper la ruée de Gabrielle et entourer ses bras tremblant autour du barde. "Chh… tout va bien."

 

"Dieux… j'ai cru… il t'a presque…" bafouilla le barde en laissant ses mains courir sur le cou couvert d'hématomes de Xena. "Oh… Xena."

 

"Tout va bien, Gabrielle. Je vais bien. Va… va voir comment va ta mère. J'ai juste besoin de reprendre ma respiration", assura la guerrière en la serrant contre elle pour insister sur ce fait. "Allez, va…"

 

Des yeux verts la fixèrent un très long moment. "Je reviens tout de suite", promit le barde. "Et puis je vais m'occuper de toi, parce que tu n'as pas l'air si 'bien' que ça. OK ?"

 

Xena lui adressa un sourire un peu las. "Ça roule."

 

Et elle descendit le chemin, regardant à peine son père en passant.

 

Xena fixa le visage d'Hérodotus qui regardait sa fille, puis ses yeux croisèrent ceux de la guerrière. Et elle vit, pendant une seule seconde, une lueur d'un garçon émerveillé dont l'esprit lui était si familier.

 

Et puis c'était parti et ses yeux se voilèrent à nouveau.

 

"Tu encourageais qui, lui ou moi ?" demanda tranquillement Xena alors qu'elle sentait son énergie et sa force revenir en elle. Elle alla jusqu'à la forme écroulée du minotaure et posa sa botte sur sa poitrine, attrapa son épée à deux mains et la tira d'un seul coup qui libéra l'arme.

 

Hérodotus la regarda un long moment. "Je ne sais pas." Il fit une pause. "Pourquoi ne l'as-tu pas laissé me tuer ? Pas une grosse perte pour toi."

 

Xena leva les yeux alors qu'elle nettoyait sa lame sur les vêtements du minotaure, et le regarda. "J'ai beaucoup de sang sur les mains. Je ne veux pas avoir le tien." Elle rengaina son épée et s'avança vers lui. "Désolée de te décevoir."

 

"Mais ça n'aurait pas été tes mains", fit-il doucement.

 

"Oh si", répliqua la guerrière. "Je savais que je pouvais l'empêcher de te tuer." Elle s'interrompit et secoua la tête. "Mais je ne savais pas si je pouvais l'empêcher de me tuer, moi."

 

"Je ne comprends rien", fit Hérodotus. "Pourquoi irais-tu risquer ta vie pour moi ?"

 

Xena fit un pas vers lui, le forçant à lever les yeux vers elle et garda le silence pendant un moment. Puis elle soupira. "Parce qu'elle t'aime."

 

Hérodotus la regarda. "C'est aussi simple que ça ?"

 

"C'est aussi simple que ça", répondit-elle. Elle fit demi-tour et regarda le village qui retournait lentement à son état normal. C'était chose courante, dans cette partie du monde, les pillards. Elle soupira à nouveau et se retourna vers l'auberge.

 

"Xena." La voix d'Hérodotus la suivit.

 

"Oui ?" Elle se retourna et la regarda.

 

"C'était toi que j'encourageais." Et pendant un instant, le garçon aux yeux émerveillés refit son apparition. Puis il disparut à nouveau et un homme âgé, brisé par trop d'années, reprit le chemin qui conduisait chez lui.

 

Xena secoua lentement la tête et ricana un peu, avant de se retourner à nouveau et de reprendre le chemin de l'auberge, passant devant le regard intense des villageois. Bon… au moins, ce n'est plus de l'hostilité ouverte… pensa-t-elle, amusée. Ça s'améliore. Elle ralentit lorsqu'une jeune fille s'approcha et lui offrit une outre pleine d'eau. "Merci." Elle prit l'outre et lui sourit.

 

Timidement, la gamine lui rendit son sourire et baissa la tête en retournant vers sa mère, sans doute. Dieux… je ne me souviens pas d'avoir été si jeune, soupira Xena tout en débouchant l'outre avant d'avaler une longue gorgée. Puis elle reprit son chemin, faisant un détour par les écuries pour s'assurer qu'Argo allait bien. "Tu as manqué le spectacle, ma fille", dit-elle à la jument, qui mâchonnait tranquillement son foin. "Tu aurais détesté le minotaure, remarque." Elle posa les bras sur le dos de la jument et sa tête contre l'épaule dorée. "C'était beaucoup trop juste, Argo", marmonna-t-elle dans la robe du cheval. "Pendant une minute…" Elle inspira, puis se redressa, repoussant la pensée. Ce n'est pas arrivé. C'est tout.

 

Elle se retourna et appuya son dos contre la jument, prit encore une longue gorgée d'eau, grimaçant en reconnaissant le goût métallique du sang, et elle comprit que le dernier coup du minotaure lui avait fait se mordre l'intérieur de la joue. Oh… ça va faire mal. Elle soupira, balançant doucement sa tête d'avant en arrière pour détendre les muscles de son cou, et elle entendit bientôt une vertèbre se remettre en place. Et pourtant, une petite voix très satisfaite dans sa tête ne pouvait s'empêcher de remarquer qu'elle s'était débarrassée de pratiquement tous les pillards et qu'elle avait tué un minotaure en combat singulier. Ses lèvres esquissèrent un sourire. Il faut croire que je ne suis pas tout à fait prête à prendre ma retraite, après tout.

 

La porte s'ouvrit et elle leva les yeux pour voir entrer Gabrielle, qui referma la porte derrière elle et avança doucement sur la paille jusqu'à elle. "Salut", fit-elle, une fois qu'elle fut aux côtés d'Argo.

 

"Salut toi-même", répliqua Xena en lui tendant l'outre.

 

"Merci." Elle la prit et but. Puis elle regarda intensément le visage de Xena. "C'était vraiment effrayant." Elle s'avança et leva une main vers les marques violettes qui couvraient le cou de la guerrière. "Je n'étais pas… j'ai eu vraiment, vraiment peur pendant une minute."

 

Xena l'entoura de ses longs bras. "Moi aussi", admit-elle en fermant les yeux, enfouissant son visage dans les cheveux clairs de Gabrielle pendant un long moment. Je ne pouvais pas laisser cela… pas maintenant. Pas encore. "Alors on dirait que je peux rayer Minotaure de ma liste de défis, pas vrai ?"

 

Elle sentit le barde rire un peu. "Ouais, sans doute." Elle redressa la tête et leva les yeux vers sa compagne. "Tu as vraiment une liste ?"

 

Xena sourit. "Bien sûr, comme tout le monde." Elle serra le barde contre elle. "Oh… et au fait, rends-moi un service… n'oublie pas de raconter à Hercule une petite histoire sur moi et le minotaure la prochaine fois qu'on le croisera, OK ?"

 

Gabrielle se détacha et lui adressa un regard perplexe. "Attends une minute. Tu as pris un coup sur la tête ou quoi ? Je croyais que tu… tu es en train de me demander de raconter une histoire sur toi ?"

 

"Hmm, hmm", confirma Xena en glissant un bras autour des épaules de Gabrielle et en les dirigeant vers la porte. "Je lui ai parié 50 dinars que je pouvais battre un minotaure en combat singulier."

 

Le barde éclata de rire. "50 dinars ? Vous n'êtes pas bien tous les deux ou quoi ? Et quoi d'autre… oh… attends. Ne réponds pas à cette question. Il peut battre un minotaure, lui ?"

 

"Sans doute…" répondit Xena. "C'est un demi-dieu, tu sais."

 

"Hmm." Gabrielle réfléchit à la question une minute. "Est-ce que vous pariez l'un contre l'autre ?" demanda-t-elle curieuse. "Je veux dire, lui contre toi ?"

 

"Gabrielle… c'est le fils de Zeus", fit la guerrière en riant. "Et aux dernières nouvelles…" Elle tâta le côté de sa mâchoire et grimaça un peu de douleur. "… je suis mortelle. Ça ne serait pas très sportif."

 

Elles traversèrent la cour qui était à présent vide et dont on avait nettoyé les cadavres, et sur laquelle le soleil couchant peignait des traces écarlates. Elles étaient presque à la porte de l'auberge lorsque Gabrielle parla : "Je parierais sur toi."

 

"Quoi ?" fit Xena, manquant presque la poignée de la porte en se retournant vers sa compagne.

 

"J'ai dit que si tu te battais contre lui, je parierais sur toi", répéta calmement le barde. "Maintenant, tu vas me laisser m'occuper de ces bleus, oui ou non ?" Elle leva les sourcils à l'attention de Xena qui lui tenait la porte, les sourcils froncés.

 

"Je vais bien, Gabrielle, vraiment…" Elle vit le regard dans ces yeux verts. "Ok… ok… d'accord, comme tu veux." Et elle s'empêcha à grand effort de ricaner. "Après toi, ta majesté."

 

 

 

 

A la réflexion... pensa Xena, amusée, peu de temps après. Ce n'est pas une si mauvaise idée. Elle était étendue sur le lit, Gabrielle assise en tailleur près d'elle, et le barde appliquait consciencieusement l'huile guérissante sur les blessures faites par les brigands et le minotaure.

 

"Dieux… ça, ça a dû faire mal", fit le barde en grimaçant, touchant l'endroit où elle avait pris le coup destiné à Hérodotus. Elle appliqua doucement l'huile avec les doigts, puis leva les yeux et croisa le regard bleu amusé qui l'observait. Elle sentit un sourire se dessiner sur ses lèvres en voyant cela, auquel Xena répondit immédiatement. "Tu sais… quand j'ai vu ce truc lui foncer dessus… j'ai compris que tu avais raison, Xena. Je ne le hais pas."

 

"C'est ce que je t'ai dit", répondit doucement la guerrière.

 

"Oui… c'est vrai… je me suis mise à courir vers lui… remarque, je ne sais pas ce que j'aurais bien pu faire une fois que je l'aurai rejoint." Elle adressa à Xena un regard désabusé. "Et puis tu m'as dépassée comme si j'étais immobile… et je ne savais plus si j'avais plus peur pour toi, ou que j'étais soulagée pour lui. Bizarre." Elle s'interrompit, puis se remit à sourire, et tapota la cuisse de Xena. "C'est sûr que tu bouges bien, quand tu veux."

 

"Pas trop mal", fit Xena d'un ton un peu dénigrant. "Et si ça peut te consoler, je ne savais pas trop non plus ce que j'allais faire une fois que je l'aurais rejoint."

 

Gabrielle la regarda, puis émit un petit gloussement. "Vraiment ?"

 

Xena posa tranquillement une main sur son genou. "Vraiment… je n'ai pas de plan d'urgence pour les minotaures."

 

"J'aurais bien voulu pouvoir t'aider", soupira le barde en regardant ses mains. "Mais au lieu de ça, je suis restée là à mourir de peur."

 

La main posée sur son genou se serra un peu et elle leva les yeux, étonnée, pour voir le regard maintenant sérieux de Xena. "Quoi ? Oh… tu sais bien ce que je veux dire, Xena… je…"

 

"Tu as dit quelque chose à ta mère, ce matin." La voix de la guerrière était devenue très douce.

 

J'ai dit beaucoup de ch… Oh. "Oui." Sachant presque pour sûr de quoi Xena parlait. "Et c'est vrai." Vrai que je ne pourrais plus vivre sans toi… sans tout cela… j'ai oublié qu'elle avait entendu ça. Elle sourit intérieurement. Mais je suis contente qu'elle l'ait entendu, même si je l'ai un peu embarrassée… d'abord ce truc de Lien, et puis…

 

Xena hocha lentement la tête. "Tu sais que c'est valable dans les deux sens, pas vrai ?"

 

Gabrielle sentit une rougeur l'envahir. "Je… euh…" Respire, Gabrielle, respire… "Non, je ne sais pas", finit-elle, dans un murmure à peine audible.

 

"Je voulais… être sûre que tu le saches." Xena inspira profondément. "Parce que… quand ce minotaure était en train de m'étrangler tout à l'heure… la seule chose que m'a fait tenir bon…" Elle fit une pause et tendit la main avant de serrer les doigts immobiles du barde entre les siens. "… c'était de savoir que j'avais une raison de ne pas mourir." Elle attendit que les yeux verts se lèvent vers elle, ce qu'ils firent. "Je t'ai sentie avoir peur… et ça m'a donnée la volonté de me libérer, Gabrielle. Alors… ne viens pas me dire que tu n'as rien fait." Une courte pause. "Parce que tu as fait beaucoup."

 

Gabrielle inspira plusieurs fois comme pour dire quelque chose, puis finit par lever leurs mains jointes et par appuyer sa joue contre les doigts de Xena, fermant les yeux, souriant. Et sachant que le lien qui les unissait parlerait pour elle. Pour un barde, j'ai vraiment tendance à rester sans voix devant elle. Que c'est… embarrassant. Mais je crois qu'elle a compris ce que je voulais dire.

 

Et le lien parla pour elle, alors qu'elle se laissait tirer vers le bas et s'écroulait dans les bras de Xena, tombant dans la lumière écarlate qui les entourait.

 

"Hé", murmura Gabrielle, un peu plus tard. "Je t'ai vu te faire toucher… comment va la tête ? Tu n'as pas une commotion, au moins ?"

 

"Mmm." Xena ouvrit les yeux à contrecœur et considéra la question. "Non… crois pas. D'habitude, il y a une espèce de… sensation un peu brumeuse tout de suite après. Mais pas cette fois." Elle leva paresseusement sa main et tapota le côté de sa tête. "J'ai la tête dure."

 

Le barde pencha la tête et regarda Xena. "Ça arrive si souvent que ça ? Tu sais que ce n'est pas bon." Elle fronça un peu plus les sourcils. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Dieux, Gabrielle, ce que tu peux être aveugle !

 

"Une ou deux fois", fit Xena avec un haussement d'épaules. "J'essaie de l'éviter, mon amour. Je ne fais pas exprès de me faire écraser la tête, tu sais." Et elle sourit doucement en réalisant à quel point le mot d'affection lui avait échappé facilement. Même avec Marcus, il lui fallait penser avant d'utiliser des mots comme celui-là. Mais pas avec Gabrielle. Ça arrivait, c'est tout. Le barde ne fit pas de commentaire, remarqua-t-elle, mais elle ne put masquer la petite étincelle dans ses yeux non plus.

 

"Non, sans doute pas", répondit Gabrielle plus joyeusement. Elle jeta un coup d'œil vers la fenêtre. "Joli coucher de soleil." Elle plissa les yeux et regarda dans la lumière écarlate, sentant la chaleur sur son visage. "J'aime les voir dans la nature."

 

"Vraiment ?" fit Xena, curieuse. "Je pensais que tu préférais avoir un toit au-dessus de la tête." Pas comme moi.

 

Le barde secoua la tête et roula sur le dos, regardant maintenant le plafond couverts de tâches anthracites. "Non… ça me manque de ne pas regarder les étoiles avec toi", répondit-elle d'un ton rêveur. "Ou les nuages… ou le soleil se coucher. Ecouter les bruits que font les animaux lorsque le jour devint nuit. Entendre les chutes d'eau que tu sais si bien dénicher pour camper." Elle fit une pause. "Je suis contente qu'on parte demain."

 

Xena réfléchit un instant. "Moi aussi." Elle rit un peu. "Et on a encore de la route à faire avant Cirron."

 

"Mmm", acquiesça Gabrielle. "J'ai hâte de revoir Jess."

 

"Oh, oui", soupira la guerrière. "Attends que je l'attrape, celui-là."

 

Le barde pencha la tête sur le côté. "Pourquoi ? Oh… à cause de…" Ses yeux parcourant rapidement la distance entre elles.

 

"Ouais", fit la guerrière d'un ton chagriné.

 

Gabrielle gloussa. "Alors c'était à propos de ça, toutes ces remarques ?"

 

Un soupir lui répondit.

 

"Ne t'inquiète pas", fit-elle en tapota l'épaule de Xena. "Je te protégerai. Je lui dirai de te ficher la paix ou j'inventerai une histoire sur lui et je la raconterai à tous ses amis."

 

Ce qui lui valut un grand et généreux sourire. "Viens ici."

 

"Hein ? Qu'est-ce que… oh." Gabrielle ferma les yeux et profita du baiser, laissant la chaleur la traverser comme un bon vin chaud par une nuit d'hiver. "Est-ce que je t'ai déjà dit que tu étais vraiment douée pour ça ?" marmonna-t-elle lorsqu'elles s'arrêtèrent pour reprendre leur souffle.

 

"Hmm, hmm", répondit la guerrière d'une voix traînante. "Mais ça ne fait jamais de mal de s'entraîner."

 

"Nan…" répliqua le barde. "En plus…" Elle glissa la main sur les côtes de Xena et sentit les muscles bouger sous ses doigts. "Il faut faire attention avec les coups sur la tête. Mieux vaut ne pas dormir pendant un moment."

 

"Oh… bien trouvé", fit Xena en riant. "Ça me plaît, ça." Elle attira Gabrielle dans une position plus confortable et caressa son corps d'une main, souriant en voyant le souffle du barde devenir irrégulier. "Il va falloir que je prenne des coups sur la tête plus souvent." Puis elle arrêta de parler et se contenta de réagir.

 

 

 

 

"Xena ?" Gabrielle leva la tête de sa position confortable, étalée sur la poitrine de Xena, pour regarder la guerrière à moitié endormie. Beaucoup plus tard.

 

"Hmm ?" Xena ouvrit un œil et la regarda avec une affectation véritable.

 

"Est-ce que c'est bon si… je veux dire, tu es à l'aise ? Quand je… me sers de toi comme d'un oreiller ?" Elle rougit. Il serait temps que tu lui poses la question, tu ne crois pas ? "Je veux dire… franchement ?" Du genre, tu arrives à respirer avec tout ce poids sur la cage thoracique par exemple ?

 

Xena leva les sourcils et elle rit en silence, un grondement que Gabrielle pouvait néanmoins sentir. "Bien sûr que c'est bon, Gabrielle. C'est ta place." Elle ébouriffa gentiment les cheveux du barde. "Je… j'aime ça."

 

Des mots désinvoltes… pensa Gabrielle alors qu'il se glissaient dans son âme et saisissait son cœur avec une intensité très nette. Ma place. Un cri de joie éclata en elle et traversa tout son corps, se terminant par un sourire ravi et une profonde respiration. "Tant mieux", soupira-t-elle, reposant sa tête et se détendant.

 

Tiens… j'ai dit quelque chose de bien pour une fois. Xena jeta un coup d'œil perplexe vers le barde, sentant la réaction dans son corps à travers le lien qui les unissait. Puis elle se souvint… d'une scène il y avait plus de deux ans. "Ce n'est pas ma place ici", avait dit la jeune villageoise blonde. Et Xena avait senti que c'était vrai, même à l'époque… Mais tu ne t'attendais pas à ça, pas vrai ? Elle en rit intérieurement. Elles cherchaient toutes les deux quelque chose… Et c'est grâce à l'autre que nous l'avons trouvé. Quelles sont les chances que ça arrive ?

 

Elles restèrent allongées un long moment, chacune plongée dans ses pensées. De l'extérieur venait le son léger de l'activité qui régnait dans la cour, et la brise apportait l'odeur de la fumée de bois. "Tout le monde doit être en train de se préparer pour le mariage, demain", commenta Xena, et le barde acquiesça.

 

"Ouais", fit Gabrielle en bâillant, puis elle leva la tête, reposant son menton sur l'épaule de Xena. "Je ne crois pas que mon père osera dire quoique ce soit si tu viens, maintenant." Ses lèvres esquissèrent un sourire. "Ça serait bien de ne pas y aller en armure, quand même."

 

Xena leva un sourcil. "On verra," commenta-t-elle. "Tu n'as rien mangé de la journée. Tu as faim ?"

 

"Un peu", fit Gabrielle en la regardant d'un air rêveur. "Mais pas assez pour bouger ou faire quoique ce soit." Ses yeux glissèrent sur la gorge de Xena, à quelques centimètres d'elle. "Ça disparaît déjà." Elle secoua la tête et leva la main pour tracer doucement du bout des doigts les marques sur le cou de la guerrière. "Incroyable."

 

Xena tourna soudain la tête sur le côté, écoutant. Des bruits de sabots, encore, mais cette fois plus lents, plus dignes.

 

"Qu'est-ce qu'il y a ?" demanda doucement Gabrielle, sentant le changement en elle, voyant ses yeux se brouiller alors qu'elle se concentrait sur ses autres sens.

 

"Des chevaux. Deux", répondit Xena, un léger sourire se dessinant sur les lèvres, alors que les bruits de sabots venaient de s'arrêter dans la cour et que le doux murmure de voix fut transporté par la brise jusqu'à elle. "On ferait mieux de s'habiller."

 

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