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INSURRECTION2

Page history last edited by PBworks 15 years, 10 months ago

INSURRECTION

 

De Sword'n'Quill ((Susanne Beck))

 

SwordnQuil@aol.com

 

écrit avec T Novan et Okasha

 

 

Traduction : Kaktus et Fryda

 

 

 

Table des matières

 

 

 

 

DEUXIEME CHAPITRE

 

 

 

« Au revoir tout le monde. Je dois m’en aller et faire face à la vérité. »

 

QUEEN

 

 

 

 

 

1.

 

 

 

Dakota commence à trouver l’endroit trop peuplé pour elle et sort sur le porche de la maison, fermant la porte derrière elle et révélant un de ces soirs d’hiver silencieux du Sud Dakota. Il neige à nouveau. Les flocons, lourds et humides, tombent dans un bruissement monotone.

 

 

 

Deux jours ont passé depuis l’assaut, et sa blessure, une écorchure en fait, est en train de cicatriser mais lui fait encore mal.

 

 

 

La porte grince sa protestation quand elle s’ouvre à nouveau et le plancher gémit sous les pas de son père qui la rejoint sur le porche. Elle entend le frottement d’une allumette contre le châssis de la fenêtre et l’air est bientôt empli de la douce odeur du tabac de sa pipe. Cette odeur et la silhouette de cet homme debout face à elle renvoient Dakota dans le monde de son enfance, quand son seul but était de voir briller une lueur de fierté dans ces yeux-là. Des yeux qui, comme les siens, sont d’un bleu pale mais intense, une étrange anomalie génétique remontant à plusieurs générations.

 

 

 

Pendant un long moment, le porche est silencieux mis à part deux respirations calmes et le bruissement de la neige.

 

 

 

Les membres restants de la famille MacGregor, Kimberly, ses deux filles adultes et ses deux petites-filles, se sont installées dans une petite maison juste à l’est de leur ranch. La mère de Dakota les aide à surmonter leur douleur du mieux qu’elle le peut, tentant de briser leur silence et l’état de choc qui les cloître dans leurs lits ou sur leurs chaises, telles des statues sculptées par la main d’un aliéné.

 

 

 

Le reste de la famille passe ses journées entières entassé près de la CB, tentant de glaner la moindre petite information, tels des prospecteurs en quête d’un peu de poussière d’or. Les ondes de la radio renvoient des conjectures complètement folles. Des extra-terrestres auraient atterri à Washington DC. Peter Westerhaus aurait offert les Etats-Unis sur un plateau d’argent à un pays du Moyen Orient. Et la plus populaire : Dieu utiliserait des envoyés de Satan pour purifier la Terre afin de préparer le retour de son Fils.

 

 

 

Chaque rumeur est considérée comme une parole d’Evangile, examinée comme un diamant, avec sa pureté et ses imperfections, puis conservée ou mise de côté, selon sa valeur.

 

 

 

« Ton esprit vagabonde. »

 

 

 

Sortant de sa rêverie, Dakota pousse un petit soupir, relève légèrement la tête et appuie une épaule contre la charpente solide du porche. Elle fixe son père, encouragée par son attitude calme.

 

 

 

« Où vas-tu aller ? »

 

 

 

« Chez moi. Du moins, en premier lieu. J’ai besoin de… »

 

 

 

Elle s’interrompt mais son père comprend et hoche la tête.

 

 

 

« Et ensuite ? »

 

 

 

« Vers le sud, je pense. A Rapid City. »

 

 

 

« A la base ? »

 

 

 

« Oui. »

 

 

 

« Très dangereux. »

 

 

 

« Je sais. »

 

 

 

« Ta mère te l’interdira. »

 

 

 

Dakota opine, fixant les planches usées. « Je le sais aussi. » Sa voix est à peine un murmure et se confond avec le bruissement de la neige.

 

 

 

Un froissement de tissu rompt le silence et quand Dakota relève la tête, son père lui tend un objet. Elle écarquille les yeux quand la signification de cet objet devient claire.

 

 

 

« Ta bourse de remèdes…. »

 

 

 

« Prends-la. »

 

« Mais… »

 

 

 

 

« Le icu wo, chunkshi. “

 

 

 

Elle saisit la petite bourse usée. Les doigts de son père entourent les siens. Leur regard se croise. Il lui offre un rare et précieux sourire.

 

 

 

« Si j’étais plus jeune et que je n’avais pas de famille à protéger, je ferais ce que tu vas faire maintenant, Dakota. » Son visage redevient sérieux et il relâche sa main. « Va. Dis au revoir à tes frères et sœurs. Je parlerai à ta mère. »

 

 

 

Il s’en va avant qu’elle ait pu ouvrir la bouche pour le remercier.

 

 

 

 

 

2.

 

 

 

Vingt minutes plus tard, Dakota est debout près de son pick up, regardant une dernière fois sa famille, dont les visages pressés contre les grandes fenêtres les font apparaître brouillés et indistincts comme dans un rêve.

 

 

 

Le visage de sa mère est le seul qu’elle peut voir clairement, et son expression est un mélange de peur, d’amour et de colère. Ses bras sont croisés sur son ample poitrine et quand Dakota croise son regard, sa mère fronce les sourcils et se détourne.

 

 

 

Dakota serre les dents de frustration, se tourne elle aussi et ouvre la portière de son pick up. Avant de pouvoir y entrer, sa mère arrive derrière elle et l’entoure de ses bras pour la retenir.

 

"Yé shni ye, chunkshi. Yé shni ye."

 

Dakota pose ses mains glacées sur le doux visage angoissé de sa mère. « Je dois partir, Mère. J’ai besoin de le faire. »

 

 

 

« Et moi, j’ai besoin de toi ici, Dakota. Ici, avec ta famille. »

 

 

 

« Mère… »

 

 

 

« Femme. »

 

 

 

La mère de Dakota se tourne vers son mari puis à nouveau vers sa fille. « S’il te plaît, je te le demande. Reste. »

 

 

 

« Mère, je… ne peux pas. »

 

 

 

L’expression sur le visage de la femme se durcit. « Alors, tu n’es plus ma fille. » Puis dans un soupir. « C’est ce que tu veux ? »

 

 

 

Dakota secoue la tête. « Non, ce n’est pas du tout ce que je veux. »

 

 

 

Sa mère sourit triomphalement.

 

 

 

Dakota continue. « Mais si tu penses que c’est comme ça que cela doit être, alors je ne peux rien faire pour t’arrêter, Mère. C’est quelque chose que je dois faire. » Lâchant sa mère, elle recule d’un pas. « Je t’aime, Mère. Pour toujours. »

 

 

 

Un long moment, plein de tension, les réunit.

 

 

 

« Je dois partir. » La voix de Dakota est douce et pleine de regrets.

 

 

 

Avant qu’elle puisse se détourner, sa mère l’étreint à nouveau contre son corps, avec intensité et presque du désespoir, avant de la relâcher.

 

 

 

Rapidement, Dakota saute dans son véhicule, le met en marche et démarre, ignorant férocement les larmes qui scintillent dans ses yeux.

 

 

 

 

 

 

3.

 

 

 

 

“Merde.” Kirsten jure lorsque le 4X4 pousse son dernier soupir et stoppe définitivement dans une petite ville de l’est de la Pennsylvanie. C’est la panne sèche. Elle frappe le volant de sa main gantée, ouvre la portière et sort dans l’air glacial, beaucoup moins loin de la destination qu’elle souhaitait atteindre.

 

 

 

Les larges autoroutes qu’elle avait projeté d’emprunter sont presque complètement impraticables. La nouvelle de l’insurrection a balayé le pays comme un ouragan et les gens ont sauté dans leur voiture avec seulement leurs vêtements sur le dos, tentant désespérément de se sauver vers une situation meilleure.

 

 

 

Certains ont été tués directement derrière leur volant. D’autres sont morts dans des carambolages monstres. Elle est même passée devant plusieurs postes militaires, construits à la hâte et maintenant abandonnés, où d’habitude, des citoyens innocents auraient été refoulés sans pitié par les soit disant protecteurs de leur liberté, leurs droits constitutionnels et leur bonheur.

 

 

 

Dégoûtée, la jeune scientifique a été forcée de quitter l’autoroute pour s’engager sur des routes secondaires. Même là, la mort est partout et elle a passé des heures précieuses à contourner des routes bloquées par les voitures accidentées et les corps sans vie.

 

 

 

Jusqu’à ce qu’elle atteigne la frontière de la Pennsylvanie et que son 4X4 tombe en panne sèche.

 

 

 

Elle se retrouve dans une ville fantôme, presque identique à celle d’un vieux western spaghetti. Il n’y a aucun signe de vie nulle part, hormis le gémissement du vent et le grincement d’une pancarte suspendue sous un avant-toit.

 

 

 

Immeubles Thomson. Indique la pancarte. Le lieu idéal pour votre chez-vous.

 

 

 

« Plus maintenant. » dit-elle, en souriant à cette pauvre plaisanterie. Asimov gémit en réponse et elle ouvre la portière plus largement pour qu’il puisse sortir.

 

 

 

Ils entendent tous deux le feulement d’un chat et avant que Kirsten puisse dire quoi que ce soit, Asimov disparaît en un éclair, pourchassant le félin qui se sauve dans la rue vide.

 

« Tu as avantage à ramener tes fesses ici ou je pars sans toi ! » crie Kirsten. Elle entend ses mots se répercuter en écho sur les vitrines des boutiques qui bordent chaque côté de la rue. Elle attend assez longtemps pour réaliser que sa menace est vaine. « Super. Même mon chien ne croit pas ce que je dis. »

 

 

 

Elle se retourne en entendant un autre bruit qu’elle ne parvient pas à reconnaître. Les battements de son cœur s’accélèrent. Elle passe le bras dans son véhicule et saisit son pistolet, le dirigeant vers l’origine du bruit.

 

 

 

« Qui est là ? »

 

 

 

La question reste sans réponse, mais le bruit est toujours là. La curiosité la pousse à avancer en direction d’une petite église dans le coin de la rue.

 

 

 

Une fois arrivée à cet endroit, elle se fige en découvrant l’origine du bruit.

 

 

 

Une grande croix domine le pré devant l’église et, sur cette croix deux corps sont suspendus par les bras. Leur visage est violacé, leurs yeux et leur langue protubérants. Les deux têtes pendent de la même façon, presque comique. On leur a brisé la nuque.

 

 

 

Les deux corps portent une pancarte de carton autour du cou, où est inscrite la même phrase écrite grossièrement.

 

 

 

REPENS-TOI ! L’HEURE DU JUGEMENT DERNIER EST ARRIVEE !!

 

 

 

« Jé-sus. »

 

 

 

La jeune femme se détourne de ce macabre spectacle et regarde le porche de l’église. Les portes, peintes en rouge, ont été brisées et sont éparpillées en plusieurs morceaux sur le sol. Elle ne peut s’empêcher de grimper les marches et de pénétrer à l’intérieur. A peine entrée, elle manque revenir sus ses pas. L’odeur de putréfaction est étouffante et elle a un haut le cœur.

 

 

 

« Oh mon Dieu ! »

 

 

 

L’église a dû, en un temps, être remplie à son maximum, mais maintenant, il ne reste que les hommes, les très vieux et les très jeunes. Elle n’a pas besoin de regarder pour savoir que chaque corps, adulte ou enfant, a reçu au moins une balle.

 

 

 

Les corps sont empilés sur les bancs et sur les côtés comme des stères de bois. Ces gens sont morts de façon atroce.

 

 

 

Quand elle regarde vers l’autel, elle se fige à nouveau, bouche ouverte.

 

 

 

Le diacre, vêtu d’un costume noir, repose sur l’autel, la moitié de sa tête arrachée. Une grande bible dorée, ses pages tachées de sang, est posée, ouverte devant lui. On dirait presque qu’il est en train de la lire avec l’unique œil qui lui reste.

 

 

 

Mais ce n’est pas encore la pire atrocité de cet endroit.

 

 

 

Non, cet honneur revient à la croix dressée derrière l’autel. Au lieu du corps crucifié de Jésus, son regard élevé vers les cieux, se trouve celui du prêtre, vêtu de son aube blanche, ornée de pourpre et de doré, de longs clous enfoncés dans ses poignets et ses chevilles.

 

 

 

Une grossière imitation de la couronne d’épines – du barbelé provenant certainement du magasin local – enserre sa tête chauve et des ruisselets de sang séché dessinent des larmes rouges sur son visage.

 

 

 

Une autre pancarte est accrochée autour de son cou, portant un seul mot cette fois.

 

 

 

HERETIQUE.

 

 

 

« D’accord… C’en est trop pour moi. Je crois que je ferais mieux de sortir d’ici. »

 

 

 

Kirsten se détourne et sort de l’église aussi vite que ses jambes peuvent la porter. Elle ne s’arrête qu’une fois passé le coin de la rue et qu’elle ne voit plus les deux corps pendus. Son cœur bat à tout rompre, comme s’il allait quitter sa poitrine où sa main est posée.

 

 

 

Une fois qu’elle a repris son souffle, elle jette un regard autour d’elle. La ville est toujours aussi vide et silencieuse qu’avant, ce qui finit de la rassurer.

 

 

 

« Bien, au travail maintenant. »

 

 

 

 

 

4.

 

 

 

Il est bien plus de minuit, et la seule lumière qui éclaire la maison provient du feu généreux qui brûle dans la grande cheminée de pierre. L’électricité et le téléphone sont coupés, mais en hiver dans le sud du Dakota, c’est plutôt habituel. Une lampe à huile est posée sur une table basse près d’un long divan.

 

 

 

Koda y est assise, une jambe pliée sous elle, l’autre jetée en travers de l’accoudoir. Elle manipule une pile de photos et s’attarde parfois sur certaines, un sourire aux lèvres. Elle fait passer les autres plus rapidement, une lueur de douleur assombrissant ses yeux bleus.

 

 

 

Contre le mur, une horloge de cuivre, représentant un cheval au galop, égrène les minutes d’un temps, qui elle le sent, sera bientôt révolu.

 

 

 

Elle approche la dernière photo de la pile de son visage en souriant, reposant les autres sur la table rugueuse. La photo représente une mince et magnifique jeune femme Lakota. (NDLT : tribu indienne, synonyme des Sioux) Ses yeux en amande sont rieurs et pleins d’amour. Enveloppée dans un peignoir blanc, elle a un sourire espiègle et tient dans ses mains un grand morceau de cake recouvert de sucre glace. On dirait qu’elle a bien l’intention de jeter le gâteau au visage de la personne qui prend la photo.

 

 

 

« Tu m’as bien eue, hein ? » murmure Dakota, en passant doucement son pouce sur la photo. « Tu me manques. »

 

 

 

Pressant la photo contre sa poitrine, elle s’étend sur le divan, fixant les flammes crépitantes jusqu’à ce que le sommeil vienne.

 

 

 

 

 

5.

 

 

 

Au détour d’une allée, un bruit métallique, semblable à celui d’une poubelle que l’on renverse, fait sursauter Kirsten. Elle pointe immédiatement le pistolet en direction du bruit, le cœur battant à tout rompre. Un chien, famélique et galeux, surgit de l’allée, et elle est à deux doigts de lui tirer dessus.

 

 

 

En l’apercevant, le bâtard se met à grogner, les poils dressés sur son corps famélique, et découvrant ses crocs.

 

 

 

« Gentil chien. Gentil, le chien. »

 

 

 

Le chien grogne à nouveau, s’aplatissant et glissant sur le sol dans une position menaçante.

 

 

 

Kirsten suit sa progression avec la pointe de son arme. « Allons, corniaud, tu ne veux sûrement pas que ça aille plus loin. »

 

 

 

Le chien a apparemment un autre point de vue.

 

 

 

« Ok, tu veux que ça aille plus loin. » Elle agite son revolver. « Crois-moi, le chien, il y un moyen plus facile d’obtenir à manger. Je parie que je ne suis pas si appétissante. » Elle s’arrête. « Du moins, je l’entends au sens figuré, bien sûr. »

 

 

 

Continuant d’avancer, le chien replie ses pattes sous son corps, les muscles tendus, prêt à bondir.

 

 

 

« Oh, va au diable ! » Kirsten soupire, les doigts crispés sur la gâchette.

 

 

 

Avant que ni l’un ni l’autre ne puisse faire un seul mouvement, une masse noire et argent vient couper le fil invisible entre eux, et le chien glapit, son corps roulant plusieurs fois avant de retomber sur le côté, le souffle coupé.

 

 

 

« Asimov ! C’est le moment d’arriver ! »

 

 

 

Asimov la regarde par dessus son épaule, la langue pendante.

 

 

 

« Ne joue pas les innocents, espèce de sac à puces ! Maintenant, si tu as fini de jouer avec ton petit copain, on va s’en aller. Il ne va plus faire jour très longtemps tu sais. »

 

 

 

Asimov accède à sa demande en jappant et lève une énorme patte, tout en agitant la queue.

 

 

 

Glissant le revolver dans la ceinture de son jean, Kirsten se frotte ensuite les mains. « Bon, premièrement, il nous faut un nouveau véhicule. Une camionnette, je pense. Parce qu’elle aura un plus grand réservoir. Et avec les clefs sur le contact.

 

 

 

Asimov lui jette un coup d’œil.

 

 

 

« Oui, je sais. Je suis un peu difficile, mais ce n’est pas un crime tout de même ! »

 

 

 

Levant les yeux au ciel, Kirsten s’éloigne dans la rue, laissant derrière elle l’église et son spectacle macabre. Un peu plus loin, son regard s’éclaire à la vue d’un garage de voitures d’occasion. Ses drapeaux rouges, blancs et bleus claquent dans le vent en une danse un peu folle.

 

 

 

Elle longe lentement le trottoir, étudiant le choix des voitures, très restreint. La plupart des véhicules sont poussiéreux et commencent à rouiller, tandis que leurs pneus paraissent dégonflés et usés. Les pancartes, écrites à la main, à l’origine lumineuses et attrayantes, sont maintenant délavées par la brûlure du soleil et la morsure du vent.

 

 

 

Asimov regarde sa maîtresse et gémit.

 

 

 

« Je sais, mon chien. Nous trouverons quelque chose, ne t’inquiète pas. »

 

 

 

Passant la porte du parc d’exposition, elle évite plusieurs corps à terre, résolue à ne pas les regarder.

 

Du bois en stères, se dit-elle. Rien que du bois, empilé, comme quand on l’entasse derrière la maison, au Cap, avant l’hiver.

 

 

 

Au fond du parc, il y a une entrée de service et juste derrière se trouve une grande camionnette blanche qui a l’air parfaite. Elle présente bien quelques bosses et le siège du passager semble avoir connu des jours meilleurs, mais les pneus ont l’air neufs, et aussi longtemps que la batterie marchera, elle pense que ce véhicule fera l’affaire.

 

 

 

En passant du côté du conducteur, elle se fige. Le corps d’un jeune homme, à peine sorti de l’adolescence, est couché en travers de la portière. Il devait travailler ici, car il tient encore une éponge dans une main et un chiffon dans l’autre. Hormis la position peu naturelle de sa tête, elle pourrait penser qu’il se repose simplement, faisant une pause dans ce qui lui paraît un des travaux les plus monotones qu’elle connaisse. Il a un beau visage et le vent forme un halo de cheveux blonds autour de sa tête.

 

 

 

Il devrait être sur un terrain de foot en ce moment.

 

 

 

Elle sent des larmes poindre au coin de ses yeux et elle les essuie brutalement, n’ayant ni le temps ni les moyens de s’apitoyer.

 

 

 

Pas maintenant. Continue. Tu n’as pas le choix, K. sinon tu finiras comme lui.

 

 

 

Prenant une grande inspiration, elle saisit le jeune homme et l’extrait aussi doucement que possible de la camionnette. Aussitôt que son corps est allongé sur le sol, elle se redresse et frotte ses mains sur son jean, puis pénètre dans le véhicule.

 

 

 

Le jeune homme a très bien travaillé. La camionnette est immaculée et sent bon malgré le corps qui devait se trouver là depuis Dieu sait combien de jours. Il y a deux banquettes derrière les sièges avant. Le reste du véhicule est complètement vide. Elle regarde le panneau de contrôle. Bien que peu récente, la camionnette est une automatique, et cerise sur le gâteau, les clefs pendent au contact. Cette découverte amène un sourire à ses lèvres et elle se tourne vers le chien qui gémit toujours. « Asimov, je pense qu’on est tout bon. »

 

 

 

 

 

6.

 

 

 

L’aube est froide mais le temps est heureusement dégagé. Dakota est levée depuis plusieurs heures. Son solide sac à dos est plein à ras bord de vêtements et de denrées non périssables. Le feu est éteint et l’âtre a été vidé des ses cendres. Chaque expiration de Dakota envoie un petit nuage de buée dans l’air froid alors qu’elle visite toutes les pièces de sa maison afin de dire au revoir aux choses qu’elle pense ne jamais revoir.

 

 

 

Traversant la salle à manger, elle s’arrête devant la porte à gauche des escaliers conduisant à l’étage. Elle abaisse la poignée et pénètre dans une autre grande pièce glaciale.

 

 

 

Elle abaisse l’interrupteur et, grâce au générateur installé derrière la maison, une lumière crue jaillit de plusieurs néons et révèle un espace blanc et stérile. Deux tables d’examen se dressent côte à côte, brillantes et immaculées. Deux des murs supportent des étagères vitrées sur lesquelles sont posés une grande variété d’instruments chirurgicaux. Le long du troisième mur se trouvent plusieurs cages en métal entassées les unes sur les autres ainsi que quatre couveuses, toutes vides.

 

 

 

Dakota a passé la majeure partie de sa vie d’adulte dans cette pièce, en qualité de médecin vétérinaire, spécialisée dans la réhabilitation des animaux sauvages. Elle y a patiemment soigné, nourri et ramené à la vie quantité d’animaux de son état natal qui avaient été blessés ou abandonnés.

 

 

 

Si elle écoute attentivement, elle imagine qu’elle entend les miaulements, cris, grognements, ronronnements et plaintes de chaque animal qu’elle a soignés ici. Elle a déploré chaque mort et célébré chaque seconde chance que ses talents, parfois aidés par la chance, ont pu leur accorder. Son regard attentif explore la pièce, imprimant dans sa mémoire tout ce qui s’y trouve, y incluant les défaites comme les succès.

 

 

 

Puis, avec un léger soupir, elle quitte la pièce, la plongeant à nouveau dans l’obscurité.

 

 

 

 

 

 

 

7

 

 

 

Laissant son pick up tourner afin de le réchauffer, Dakota fait un dernier voyage vers l’arrière de sa maison, avançant péniblement dans la neige. Ses chevaux ont été nourris et elle les a laissés détachés. Ils peuvent rester ou reprendre leur liberté s’ils le désirent. Elle a vidé sa maison de tous les objets qui peuvent lui être utiles mais il lui reste une chose à faire avant de partir vers l’inconnu.

 

 

 

 

La pierre est recouverte de neige, formant une petite bosse dans le paysage. S’agenouillant, elle balaye la neige avec précaution.

 

 

 

Trois mots sont incrustés sur la pierre, taillés avec amour.

 

Tali.

 

mitháwichu ki

 

Tali

 

Ma femme

 

Otant un de ses gants, elle effleure les mots de ses doigts, plongeant dans les souvenirs pendant un long moment, jusqu’à ce que les rayons du soleil passent par-dessus la maison et viennent éclairer la pierre tombale.

 

Dakota cligne des paupières pour chasser les larmes de ses yeux. Elle retire l’anneau doré de son doigt et le regarde scintiller sous le soleil. Elle le caresse une dernière fois avant de l’introduire respectueusement dans une fissure de la pierre.

 

“Je ne t’oublierai jamais.”

 

 

 

 

8.

 

Elle se déplace dans un monde totalement blanc. La terre, le ciel, les arbres nus, recouverts de neige. Des cristaux de glace, aussi réguliers que les motifs de la plus belle nappe au crochet de sa grand-mère, se sont formés sur le pare-brise, là où le mouvement régulier des essuies glace ne peut les atteindre. Son souffle projette un nuage blanc dans l’habitacle non chauffé de son pick up.

 

Le blanc est la couleur du Nord. Le blanc est la couleur de la mort.

 

Devant elle, la route est immaculée. Elle est à vingt kilomètres de sa maison et aucun véhicule n’est passé par ici depuis que la neige a cessé de tomber tôt ce matin. Les empreintes laissées par un animal le long d’une haie de fil de fer sont le seul signe de vie visible. Un renard, qui se déplaçait rapidement.

 

Les mains gantées de Koda sont crispées sur le volant. Ses pieds, engourdis malgré les trois paires de chaussettes en laine et ses bottes rembourrées, parviennent toutefois à manœuvrer sur l’accélérateur et le frein. La glace et la neige limitent sa vitesse, même avec les chaînes, ce qui n’est pas si mal, pense-t-elle. Elle ne peut se permettre un accident.

 

Elle ne peut pas non plus mettre le chauffage. Ce n’est pas par peur des détecteurs ou des satellites espions. Elle a assez d’essence pour faire les quatre-vingts kilomètres jusqu’à Rapid City et revenir, en prenant les petites routes comme celles-ci, afin d’éviter l’autoroute. Assez pour se rendre compte de l’état de dévastation de ce coin du Sud Dakota. Le problème, c’est qu’elle ne sait pas si elle pourra acheter ou récupérer du carburant entre maintenant et son retour.

 

N’aie confiance en personne, lui a dit son père en lui disant au revoir. Et reviens saine et sauve.

 

Sa blessure la fait souffrir à cause du froid. Elle éloigne la douleur, ainsi que les souvenirs de la nuit précédente. Il y aura un temps pour la colère et un temps pour le deuil. Elle ne peut se le permettre maintenant.

 

Vingt kilomètres plus loin, une pancarte apparaît sur sa droite, celle du Ranch Buffalo, appartenant à Paul et Virginia Hurley et leurs cinq enfants. Le portail, recouvert de neige, est ouvert. Il n’y a aucune trace de pneus sur la petite route qui conduit au ranch et aux écuries, dissimulés par une petite colline. Koda aperçoit seulement les ailes du moulin, recouvertes de neige. Pas de traces de pneu, certainement pas d’électricité.

 

Elle engage son véhicule dans l’allée, ses chaînes raclant sur les barres en fer empêchant le bétail de sortir. Derrière son siège, elle a posé l’Uzi qu’elle a pris à un de celui qui a tué les MacGregor. Si ce qu’elle craint s’est passé ici, elle n’en aura pas besoin. Mais savoir qu’elle a cette arme lui donne un certain réconfort.

 

Détruire une de ces choses lui en amènerait plus encore.

 

Combien de morts ? Combien de gens prisonniers ?

 

Elle n’a aucune réponse à ces questions.

 

Pourquoi ? Dieu, pourquoi ? Esprits de mes ancêtres, pourquoi ?

 

Elle n’a aucune réponse à cette question non plus.

 

Koda réalise qu’elle peut abandonner tout espoir quand elle voit la porte du ranch entrouverte et la neige dans l’entrée. Cette étincelle d’espoir, infiniment petite, s’éteint. L’espace entre la maison et l’écurie est immaculé. Deux véhicules sont parqués à leur place. La Dodge de Paul Hurley et un 4X4 qu’elle ne reconnaît pas. Elle s’immobilise juste derrière et attend. Il n’y a aucun mouvement derrière les rideaux ni derrière la petite fenêtre près de l’allée où sont posés une bouteille de détergent, une éponge et un chiffon. Quand elle pense avoir assez attendu, elle décide d’attendre encore un peu. Toujours rien.

 

Lentement, Koda retire ses mains du volant. Elle saisit l’Uzi derrière son siège et passe la courroie en travers de son épaule gauche, en évitant le bord de son chapeau. Elle contrôle brièvement le chargeur. Puis, avec précaution, elle se glisse hors du véhicule dont elle a laissé tourner le moteur et se tapit derrière lui. L’espace d’un court instant, elle se sent bien protégée du froid. Mais le vent se raffermit et ses pieds lui rappellent qu’elle est debout dans plus d’un mètre de neige.

 

Koda s’extirpe de derrière sa voiture et court aussi vite qu’elle le peut vers le porche de la maison. Elle se colle dos au mur, son arme brandie. Pour la première fois, elle entend un bruit qui provient de la maison : l’aboiement incessant d’un chien. Elle pénètre à l’intérieur et stoppe dans le couloir d’entrée. Rien. Au bout se trouve le salon où une fine couche de neige saupoudre le tapis vert ainsi qu’un aquarium où nagent des petits poissons tropicaux, brillants et éthérés, tels des bijoux de glace. La salle à manger, séparée du salon par une voûte, semble en ordre. Le service de majolique qui fait la fierté de Virginia est toujours à sa place d’honneur sur le buffet. (NDLT : la majolique est une technique céramique née au Moyen Orient, imitant la porcelaine chinoise). Seule la tour de rangement des cd est renversée, les boîtes de plastique éparpillées autour d’elle.

 

Koda sait déjà ce qu’elle va trouver quand elle pénètre dans la pièce et elle s’y prépare. Paul Hurley est bien là, installé sur le divan, devant la télévision, ses yeux vides fixant le plafond, la tête rejetée en arrière à un angle de 90 degrés sur les coussins. Une Budweiser repose dans sa main à moitié ouverte sur le sol. David, le plus jeune des cinq enfants, est couché à ses pieds, une plaie sanglante obscène au milieu de son dos, due à un fusil de chasse. Eddie, son frère plus âgé de cinq ans, est étendu sur l’autre canapé, la nuque brisée comme celle de son père, un paquet de chips posé sur ses genoux.

 

Il fait froid à l’intérieur maintenant. Koda prend doucement la canette de bière dans la main de Paul et tente de faire bouger ses doigts. Leur rigidité lui indique ce qu’elle sait déjà. Quand elle retourne David, pour être certaine que c’est bien lui, il glisse et se cogne contre le meuble de la télévision. Son corps est gelé et définitivement mort.

 

 

 

 

C’est un extrait d’un poème qui lui revint en mémoire, un moment oublié de son enfance, à des années lumière du présent. Et cette phrase tourne dans sa tête, encore et encore. Gelé. Gelé et définitivement mort. L’horreur surpasse l’incompréhension. Elle a vu des morts très dures à supporter et disséquer des corps faisait partie de son métier. Pourtant la phrase de ce poème continue de la hanter, comme pour éviter que son esprit ne s’égare.

 

Gelé. Gelé et définitivement mort.

 

L’aboiement du chien est plus fort qu’à l’extérieur. Koda passe derrière la table basse et monte les escaliers avec précaution, évitant de faire grincer les marches. L’aboiement se rapproche à chaque pas, plus fort et plus frénétique. Sur le palier, elle tombe sur la chambre des parents dont la porte est ouverte. La couette bleue et brune qui recouvre le vieux lit des Hurley est bien en place. Dans une autre chambre, des bigoudis et du maquillage traînent sur une commode. Une armoire est à moitié ouverte et des jeans ainsi que des pulls sont éparpillés sur le sol parmi du verre cassé provenant d’un cadre contenant la photo de Britney Spears encore accroché de travers sur le mur. Il n’y a aucun corps dans cette pièce, en dépit des signes évidents d’une lutte.

 

Les aboiements proviennent de derrière la porte close d’une troisième chambre. Quand Koda l’ouvre, une boule de poils en surgit telle une furie et vient heurter ses jambes, en continuant d’aboyer. Elle fait passer l’Uzi derrière son dos, hors d’atteinte du chien, et s’accroupit pour calmer la petite créature en la grattant derrière les oreilles. « Là, doucement, le chien. » chantonne-t-elle. « Doucement, petit. Tout va bien. Je suis là. »

 

Une fois l’animal calmé grâce à ses paroles et à ses caresses, elle constate qu’il s’agit d’un jeune Yorkshire Terrier, déshydraté et affamé. Un ruban bleu fatigué est accroché à une touffe de poils au-dessus de ses yeux, de la même couleur que le vernis à ongles qui couvre ses griffes manucurées.

 

Ce n’est pas un chien de ferme. L’inscription sur son collier indique qu’il se nomme Louie et qu’il appartient à Adele Hurley, dont l’adresse et le numéro de téléphone à Pierre sont aussi notés.

 

Ce qui explique la présence de l’autre voiture, note-t-elle avec soulagement.

 

Elle finit par entrer dans la pièce, Louie, qui gémit encore faiblement, sur ses talons. Elle trouve Adèle, renversée sur le tapis. A cause du froid, le sang a coagulé sur ses cheveux gris coupés courts, formant des pointes écarlates. Un homme âgé est couché en travers du lit, son crâne défoncé à moitié caché par le bord du couvre-lit. Gênée par ses gants, Koda extrait maladroitement le portefeuille de sa poche arrière et cherche dans les enveloppes plastifiées jusqu’à ce qu’elle trouve son permis de conduire. Cet homme est était Théodore Hurley, habitant Pierre.

 

Koda sait que le père de Paul est décédé depuis trois ans. Théodore devait être un de ses oncles.

 

Elle ne trouve aucune trace de Virginia ou des ses trois filles dans le reste de la maison. Dans la cuisine, elle découvre qu’il y a encore de l’eau chaude. Remercions Dieu pour le propane. Elle donne à boire et à manger à Louie puis examine le contenu du garde-manger de Virginia. Alors qu’elle compte les boîtes de conserve et les nombreux bocaux, un frisson qui n’a rien à voir avec le froid, la parcourt. Elle a l’impression d’être une voleuse.

 

Pourtant ces réserves l’aideront à nourrir sa propre famille et ceux qui se réfugieront là-bas. Virginia n’aurait pas voulu que ses provisions soient perdues. Et il n’y aura pas de courses prévues au Safeway du coin avant longtemps.

 

Koda trouve les allumettes et enclenche la gazinière afin de se préparer un Nescafé. Puis elle met le four en marche et le laisse ouvert afin de chauffer la pièce. Elle ferme la porte derrière elle et remonte à l’étage. Elle en ramène des couvertures qu’elle pose sur une chaise. Elle installe la plus épaisse près du poêle pour Louie. Elle réchauffe ses doigts contre la tasse de breuvage noir – presque du café, songe-t-elle ironiquement. Elle se sent mieux et sourit presque en voyant Louie tourner deux fois sur lui-même et se laisser tomber sur la couverture avec un soupir de contentement, le ventre plein et en sécurité. Après quelques secondes, il se met à ronfler.

 

Tout en se promettant un autre café à son retour, Koda remet ses gants et se dirige péniblement jusqu’aux écuries. Les portes sont fermées mais pas verrouillées. Une fois ses yeux habitués à la semi pénombre, elle y découvre deux vaches et une génisse, leur haleine créant des nuages humides autour d’elles. Un Appaloosa (NDLT : race de cheval robuste, née de la sélection effectuée par les Indiens de la tribu des Nez-Percés) tourne sa tête vers elle quand elle s’approche de sa stalle ; son voisin, un Quarter Horse (NDLT : autre race de cheval née en Amérique), plus impatient, hennit bruyamment en piaffant. Koda caresse leur museau en leur parlant avec douceur.

 

Une demi-heure plus tard, les vaches et les chevaux sont nourris et pansés, et leurs stalles nettoyées. En cherchant un sac de nourriture, Koda a découvert une douzaine de poules et un coq, installés dans un box vide. Elle les a nourris aussi et ils sont maintenant de retour sur leur perchoir

 

Comme pour Louie, elle a fait tout ce qu’elle a pu pour qu’ils se sentent bien.

 

Il lui reste encore une chose à faire maintenant.

 

Koda saisit la pelle à neige appuyée contre le mur de l’écurie et se dirige vers le côté nord de la maison, où le soleil, quand il apparaîtra, mettra plus de temps à faire fondre la neige. Elle creuse une tranchée peu profonde, longue mais étroite, sous l’avant-toit. Le sol en dessous est gelé.

 

Un par un, elle transporte les corps depuis la maison et les dépose dans la tombe qu’elle a réussi à creuser. Elle s’attend à ce que le plus dur soit d’y amener les enfants. Son cœur se serre quand elle porte leurs corps, aussi froids que la pierre. Mais c’est quand elle termine avec les plus vieux qu’elle craque. Ils auraient dû mourir dans leur lit, chez eux, leurs enfants et petits-enfants les entourant. Sereins.

 

« Ate, mon père, Ina, ma mère : je ne vous laisserai pas mourir ainsi ». Promet-elle, des larmes silencieuses coulant sur son visage.

 

Doucement, Koda recouvre les corps de neige, tassant et égalisant la surface, afin qu’ils ne soient pas découverts trop vite. Puis elle se tourne pour partir.

 

C’est trop rude ; il faudrait une sorte de cérémonie. Les Hurleys étaient catholiques, depuis quatre générations et certainement bien avant déjà. Elle ne peut trouver leur prêtre à Rapid City et l’envoyer ici ; c’est trop dangereux, même s’il est encore vivant.

 

Elle cherche dans sa mémoire, les mots de la prière qu’elle connaît, destinée à ceux qui vont s’engager sur la route du ciel. Elle fait un signe de croix sur la neige et murmure : « Allez en paix, âmes chrétiennes, au nom du Père qui vous a créées, au nom du Fils qui vous a rachetées et au nom de l’Esprit Saint qui vous a sanctifiées. Que les Anges vous guident au Paradis, que les Saints vous y reçoivent et vous montrent la cité sainte de Jérusalem. Amen. »

 

Koda reste debout près de la tombe un moment, la tête inclinée respectueusement. Puis elle s’en va retrouver le monde des vivants.

 

De retour dans la maison, sa seconde tasse de « semblant de café » dans la main, Koda se demande brièvement si elle peut laisser le four branché pour Louie. Elle opte pour la sécurité et l’éteint, avant d’ébouriffer les oreilles du chien toujours endormi, puis elle retourne à son véhicule. Quand elle débouche sur la route principale, elle enclenche la CB. « Tacoma, Tacoma, réponds. »

 

 

 

« Hé, Koda ! Tu rentres déjà à la maison ? Tu as un pneu crevé ? Tu as besoin de moi ? »

 

« Salut petit frère ! On en a déjà parlé. Maman et papa ont besoin de toi à la maison. »

 

« Oui, je sais. » Toute la déception de l’adolescent transparaît dans ces trois mots.

 

Virginia. Charleston. Les mains de Koda se crispent sur la CB. Je ne laisserai pas ça t’arriver, petit frère. Pas tant que je vis. Elle reprend fermement. « Est-ce que papa est dans les environs ? Ou Phoenix ? »

 

« Je vais les chercher. Bouge pas. »

 

C’est Phoenix qui lui répond ensuite. « Papa est à l’écurie. Que se passe-t-il ? »

 

Brièvement, Koda décrit ce qui s’est passé au Ranch des Hurley. « Tout est pareil. Paul et les garçons sont morts ainsi qu’un couple âgé, qui devaient être son oncle et sa tante. Les filles et Virginia ont disparu. Dès que vous le pourrez, il faut que papa et toi alliez là-bas pour vider le garde-manger et emmener avec vous un jeune chien du nom de Louie. »

 

« Louie ? » Phoenix a un petit rire.

 

« Oui, Louie. Maman l’aimera. »

 

« Ok. »

 

« Ecoute. Personne n’est venu ici depuis qu’ils ont été tués. Si vous voyez d’autres traces de pneus que les miennes… »

 

« J’ai compris. » l’interrompt-il. « On sera prudents. Et toi aussi. »

 

« Oui. A plus tard. »

 

« A plus tard. » termine-t-il en coupant la connexion.

 

 

 

 

9.

 

 

 

Kirtsen s’arrête devant le Shop’n Go. Sautant hors de la camionnette, elle va ouvrir les portes arrière qui révèlent une dizaine de jerricans d’essence pleins. Sans électricité pour actionner les pompes, elle a dû utiliser un siphon, ce qui la laissée quelque peu nauséeuse, avec un goût d’essence dans la bouche.

 

Asimov gémit depuis le siège arrière en la regardant. « Tu restes ici et tu gardes la camionnette, mon vieux. Pas de chasse aux chats, chiens, rats ou autre chose de plus fantaisiste. Tu restes ici, ok ? Je serai vite de retour. »

 

Le grand chien gémit à nouveau, la regardant par-dessus l’appui-tête du siège avec des yeux humides.

 

« Pas cette fois, mon chien. J’ai besoin de faire vite et je ne pourrai pas te chercher dans tout le magasin. On reprend la route très rapidement, promis. »

 

Avec un profond soupir de souffrance qui rendrait fière une mère juive, Asimov semble accepter ce que lui dit sa maîtresse. Il pose la tête sur ses pattes, se préparant à une sieste.

 

Satisfaite, Kirsten sort de l’arrière de la camionnette et s’avance vers les portes vitrées du supermarché. Perdue dans ses pensées, elle s’arrête net, le corps pressé contre les portes. Perplexe, elle se recule et les regarde pendant un moment.

 

Puis elle émet un rire grinçant, se frappant mentalement le front. Sans électricité, les portes automatiques sont devenues complètement inutiles. Plus précautionneusement cette fois, comme si des crocs pouvaient soudain apparaître sur les portes et la mordre, elle s’approche à nouveau, saisit la poignée et tire. Il lui faut toutes ses forces mais elle parvient à écarter un peu les portes pour pouvoir passer.

 

Mais elle ressort précipitamment du magasin sous l’assaut des odeurs qui l’assaillent, un mélange de nourriture moisie et de pourriture. C’est une chance que son estomac soit vide, sinon elle aurait vomi.

 

Elle se frotte les yeux des deux mains et inspire plusieurs fois l’air glacial. Elle considère ses options.

 

Il n’y en a pas beaucoup. Le prochain magasin est une pharmacie, mais à moins qu’elle ne veuille passer le reste de son voyage à manger des crackers au fromage accompagnés de potion laxative à la cerise, ce supermarché est la seule alternative.

 

 

 

 

Elle sort un bandana gris de sa poche arrière, le déplie et se l’attache autour du nez et de la bouche. Ce n’est pas l’idéal mais c’est toujours mieux que rien.

 

Elle l’espère.

 

Elle écarte à nouveau les portes. Son estomac est immédiatement pris d’une forte nausée et gargouille bruyamment, mais elle lui enjoint mentalement de la fermer et pénètre dans le magasin.

 

Son regard tombe tout de suite sur une large pancarte qui capte les rayons du soleil couchant.

 

Tous les mercredis, réductions spéciales pour les Seniors dans votre Shop’n Go !

 

Elle compte rapidement les jours et réalise en grimaçant que nous sommes vendredi. Elle écarte son regard de la pancarte et se retrouve au milieu d’un véritable abattoir.

 

Quantité de gens âgés sont venus ce mercredi et sont morts dans la foule. Ils sont éparpillés dans les allées comme des arbres abattus, encore vêtus de leurs habits du dimanche. Quelques personnes plus jeunes, des adolescents pour la plupart, ainsi qu’un couple d’âge moyen, sont étendus près des caisses enregistreuses. L’ennemi les a pris par surprise et ils n’ont pas eu le temps de se défendre, même s’ils n’auraient pu faire grand-chose contre ces meurtriers inhumains.

 

Les lumières vacillent, s’éteignent et se rallument, grâce au générateur qui est visiblement en train de pousser son dernier soupir.

 

Les allées sont tellement remplies de corps qu’elle ne pourra jamais y passer avec un caddie. Elle se résigne et saisit deux paniers, avant de s’engager entre les morts, à la recherche de ce dont elle aura besoin pour survivre au long voyage qui l’attend.

 

Une heure et cinq voyages plus tard, elle a rempli la camionnette. Des boîtes de conserve, de la nourriture pour chien, les fruits et légumes frais qu’elle a pu trouver, des bouteilles d’eau et plusieurs recharges de camping gaz ont rejoint les jerrycans d’essence. Un aller retour à la pharmacie, elle aussi bondée de corps en putréfaction, lui a permis de ramener une trousse de premier secours, quelques affaires de toilette et assez de narcotiques pour l’envoyer en prison, si quelqu’un venait à l’arrêter.

 

 

 

Elle réfléchit un moment, puis pénètre dans l’arrière de la camionnette où elle ouvre son sac à dos et en sort des vêtements propres. Ceux qu’elle porte puent, et une fois qu’elle les a retirés – désirant un bain plus que tout- elle les jette au-dehors. Elle ne les remettra jamais.

 

Sautant de la camionnette, elle ferme les portes et les verrouille, puis rejoint le siège du conducteur. Asimov se réveille et saute sur le siège passager. En souriant, elle le gratte derrière les oreilles et lui donne un os à mastiquer, puis met en marche son véhicule, quittant rapidement la petite ville, la laissant à nouveau vide de toute vie humaine.

 

 

 

10

 

Elle est de retour dans un monde de blancheur immaculée. La neige a cessé de tomber mais elle n’a pas fondu. Elle s’étend dans toutes les directions, seulement interrompue par les intervalles des poteaux électriques. Des glaçons sont accrochés aux fils comme des décorations de Noël. Le ciel est vierge de toute lumière et ne projette aucune ombre. C’est un monde de mort, pour les morts.

 

Pour la première fois, Koda est reconnaissante envers le froid. Sans ce froid et sans le ronronnement du puissant moteur de son pick up, ses sens n’auraient rien à quoi s’accrocher. Elle a vécu dans ces plaines du nord toute sa vie, avec des hivers glaciaux provenant du cercle arctique. Elle a conduit sur des routes enneigées, au milieu de janvier, quand son véhicule était la seule chose en mouvement hormis le vent hurlant.

 

Mais là, c’est différent.

 

Elle n’a pas peur de la solitude. Mais ceci n’est pas de la solitude. C’est un isolement total.

 

Koda frappe violemment le volant de sa main. Et merde. Elle déteste se sentir impuissante face à un désastre qu’elle ne comprend pas et dont elle n’arrive pas à remettre les pièces ensemble. Ok, Rivers. Concentre-toi. Prends ça comme une épidémie. Trouve le patient zéro, évalue l’étendue des dégâts.

 

Elle sait que ses données sont insuffisantes, mais cette routine l’a aidée pour les MacGregor, pour les Hurley et pour tous les survivants q’elle a entendus au travers de la CB.

 

Point un. L’insurrection semble être étendue à toute l’Amérique du Nord. Elle ne sait pas ce qui s’est passé en Europe, en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud. Il est évident que les endroits moins évolués technologiquement auront plus de survivants. Du moins temporairement.

 

Point deux. Dans tous les cas, les hommes et les jeunes garçons ont été abattus, ainsi que les femmes âgées. Les jeunes femmes et les jeunes filles ont disparu.

 

Point trois. Deux mille ans plus tôt, ce scénario aurait été normal. Tuer les hommes, violer les femmes et vendre les jeunes filles comme esclaves.

 

Cela n’a aucun sens.

 

Essaie encore.

 

Une attaque étrangère ? Le Sud Dakota est criblé depuis des années d’armes nucléaires et de missiles pour contre-attaquer au cas où. Le Nord Dakota aussi. Les traités de non agression les ont gardés en lieu sûr. Est-ce que les codes du département de la Défense seraient tombés en mains ennemies ? Et si c’est le cas, quels ennemis ?

 

Et pourquoi maintenant ?

 

Elle stoppe abruptement son pick up. Devant elle, elle voit les traces d’un autre véhicule dans la neige. Elle étudie les empreintes avec attention. De grands pneus avec des chaînes. L’asphalte apparaît même à certains endroits. Un camion ou un engin du même style, lourdement chargé.

 

Elle sort de son pick up, l’Uzi à nouveau passé sur son épaule. Elle avance sur la route, lentement, entre les ornières, mais ne voit rien d’autre qui pourrait lui en dire plus. Aucun papier de bonbon, pas de canette de bière, pas de mégot non plus, rien qui pourrait lui dire si les occupants de ce véhicule sont humains ou non. Après avoir parcouru une centaine de mètres, elle abandonne et retourne sur ses pas.

 

Et maintenant ?

 

Elle regarde l’étendue neigeuse dans toutes les directions. Des poteaux, des arbres, la ligne noire des enclos. C’est ce qu’elle verra sur une grande partie de sa route vers Rapid City. Elle se trouve à environ 10 kilomètres de Elm Creek où se dresse un pont.

 

La neige est trop profonde pour qu’elle empreinte des raccourcis. La prochaine intersection avec une autre route se trouve de l’autre côté du pont.

 

Elle peut l’éviter ou elle peut s’y engager.

 

Pas de réel choix. De retour derrière le volant du pick up, Koda retire le gant de laine de sa main droite. En dessous, elle en porte un autre plus fin en cuir. Elle allume le moteur et conduit de la main gauche. La droite reste posée sur le métal glacé de l’Uzi, sur ses genoux.

 

Deux kilomètres plus loin, elle aperçoit le premier signe de vie depuis son départ. Dans un champ, sur sa gauche, une tache noire sur la neige. Un mouvement et elle se sépare en deux. Des corbeaux. Elle lève son regard vers l’horizon. Un autre oiseau prend son envol, ombre noire dans le ciel. Avec si peu de lumière, tout ce qu’elle peut voir est une silhouette. Un oiseau de proie, mais pas un hibou. Ni un faucon d’après la forme de ses ailes. Un aigle ou une buse plutôt.

 

Cette vision la réchauffe. Elle ne sait pas vraiment pourquoi, sauf qu’elle est contente de voir une forme de vie dans ce paysage stérile. Des oiseaux qui continuent leur routine, indifférents au désastre qui est survenu aux humains à côté desquels ils vivent. L’oiseau vire et disparaît dans la vallée.

 

A un kilomètre du pont, elle suit toujours les traces du véhicule inconnu. La route tourne maintenant, longeant une rangée de pins, et l’amenant à environ deux cent mètres de la petite vallée. S’il y a du danger, il sera à cet endroit.

 

Il l’attend au pont.

 

Un grand calme l’envahit quand elle aperçoit le barrage. Deux camions militaires sont arrêtés au milieu de la route, bloquant l’entrée du pont. Quatre militaires vêtus de leurs treillis verts sont postés devant, trois d’entre eux brandissent un M-1 (NDLT : carabine), le quatrième porte un lance-grenades sur l’épaule et ses munitions sont accrochées en évidence à travers sa poitrine. Malgré l’épaisseur de leur tenue, elle peut apercevoir les revolvers accrochés à leurs ceintures. Dans son rétroviseur, elle voit sortir de derrière les arbres deux hommes tout aussi armés.

 

Elle n’a aucune chance de passer. Koda stoppe le pick up à mi-chemin entre le bois et le barrage. Elle attend.

 

Un des hommes brandit un porte-voix. La voix qui en sort est plate, presque métallique. « Descendez de votre véhicule, les mains sur la tête. »

 

 

 

Il y a trois possibilités. Ces soldats ne sont peut-être pas humains. Ils peuvent être des criminels évadés grâce à l’insurrection. Ou ils peuvent être ce qu’ils devraient être.

 

Gardant délibérément sa main droite visible à travers le pare-brise, Koda sort du pick up, plaçant ensuite ses deux mains sur le bord de son stetson, mais gardant la portière ouverte entre elle et les soldats.

 

« Eloignez-vous du véhicule ! »

 

Koda hésite l’espace d’un battement de cœur. Une fois à découvert, ils découvriront l’Uzi. Elle calcule ses chances de pouvoir abattre quelques-uns de ces salauds, si ce sont bien ce qu’elle croit, avant qu’ils ne l’abattent, elle.

 

Un autre homme s’avance, une grenade dans la main. « Eloignez-vous. Maintenant !! »

 

C’est une voix de femme, avec un fort accent issu des bayous de Louisiane. Certainement une voix humaine. Entre sa casquette de soldat et le col qui cache une partie de son visage, Koda peut seulement distinguer l’étincelle d’un regard noir. Lentement, elle s’écarte de derrière la portière.

 

Elle crie : « Vous pourriez peut-être vous présenter ? » au moment ou un des soldats s’exclame : « Merde ! Il a une arme ! »

 

La femme avec la grenade s’avance encore d’un pas. « Ecartez les mains de votre arme ! »

 

« C’est déjà fait ! Qui êtes-vous, bordel ? »

 

« Nous sommes des américains libres ! Ecartez votre main gauche de votre tête et ouvrez votre veste. Laissez-nous voir votre gorge ! »

 

« Vous d’abord ! »

 

« Faites-le ! Ou je désintègre votre véhicule et je vous incinère avec ! »

 

Pas de négociation possible. Pas assez de temps pour réfléchir.

 

La femme se prépare à dégoupiller la grenade. Mais avant qu’elle puisse le faire, un oiseau de proie plonge soudain sur elle en criant. Il stoppe à quelques pouces de son visage, les serres écartées, prêtes à frapper. Puis il repart vers le haut, à un angle presque vertical. La femme hurle, recule et trébuche dans la neige, sa grenade disparaissant sous elle.

 

Un rire s’échappe de la gorge de Koda, mais un des soldats brandit son arme dans l’intention de tirer sur l’oiseau. « Non ! » crie-t-elle, tirant furieusement sur le col de sa veste avec sa main droite, la gauche levée, poing fermé. Elle siffle puis crie encore : « Wiyo! Wiyo Cetan !”

 

Elle siffle trois fois. A la troisième, l’oiseau plane un instant, puis descend à nouveau. Koda siffle une quatrième fois, sur un ton plus bas, et le corps de l’oiseau pivote puis vient se poser doucement sur son poing dressé. Face aux soldats sidérés, il grimpe sur l’épaule de Koda. Une de ses ailes heurte le bord de son chapeau qui tombe, laissant échapper ses cheveux. L’oiseau de proie s’immobilise, le regard perçant fixé sur les soldats.

 

La femme, qui semble être leur chef, s’est relevée. Un large sourire éclaire son visage et elle ouvre son manteau, présentant elle aussi une peau vierge de toute marque. “Colonel Margareth Allen, Air Force des Etats-Unis. Contente de vous rencontrer.”

 

« Dakota Rivers. Nation Lakota. »

 

La Colonel lui tend la main et Koda la saisit. « Vous êtes vétérinaire ? »

 

« Oui. »

 

« J’ai vu votre plaque d’immatriculation. » Koda suit son regard vers le pick up où est effectivement collé l’insigne des vétérinaires. « Nous pensions que vous étiez humaine, mais nous n’en étions pas sûrs. »

 

« Vous êtes de la base ? »

 

La Colonel grimace : « Ce qu’il en reste. » Puis : « Que faites-vous sur les routes ? Vous voulez rejoindre la ville ? »

 

Koda secoue la tête. « Je suis en reconnaissance. »

 

« Avec un oiseau ? C’est une buse n’est-ce pas ? »

 

« Une buse à queue rousse. Une femelle. »

 

Un autre soldat s’approche. Koda le fixe. C’est le premier homme en vie, autre qu’un membre de sa famille, qu’elle voit depuis trois jours. Sa main droite vient effleurer sa hanche, près de l’Uzi. Il suit son regard, puis écarte son manteau. « Je suis humain, moi aussi. Auguste Schimmel. C’est un sacré animal que vous avez là. »

 

Wiyo frémit et Koda sourit. Mais ce n’est pas un sourire des plus rassurant. « Ce n’est pas juste un animal. C’est une amie. »

 

La Colonel Allen se penche et ramasse son chapeau avant de le lui tendre. « Venez dans un des camions. On aura un peu plus chaud pour parler. »

 

Koda opine. Elle suit l’autre femme derrière les camions vert olive, et Wiyo quitte son épaule avec un sifflement. L’oiseau va se percher sur un sycomore près du pont. La petite lueur d’espoir qu’elle avait abandonnée en découvrant le massacre chez les Hurleys réapparaît dans un coin de l’esprit de Koda. Il y a d’autres gens en vie. Des gens qui se battent. Elle n’est pas seule.

 

 

Table des matières

 

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