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INSURRECTION31

Page history last edited by PBworks 15 years, 9 months ago

INSURRECTION

 

De Sword'n'Quill (Susanne Beck)

 

SwordnQuil@aol.com

 

écrit avec T Novan et Okasha

 

 

Traduction : Kaktus (parties 1 à 22) et Fryda (partie 23 à la fin)

 

 

Table des matières

 

 

 

Ecrit par Susanne Beck et Okasha

 

CHAPITRE TRENTE ET UN

 

 

 

La forme émerge lentement sous ses mains. Un éclat par ici, un copeau par là, une entaille plus profonde du bout du couteau pour définir le creux d’une oreille, la pupille d’un œil. La profession de Dakota lui a donné la précision nécessaire avec une lame, et le bout arrondi de la branche de chêne tombée prend l’apparence de plus en plus reconnaissable d’un loup.

 

 

 

La quiétude de la matinée s’accroît autour d’elle tandis qu’elle œuvre, avec les mouvements assurés de ses mains et le calme de son esprit. La lumière matinale descend à travers les feuilles de sycomore pour tacheter la rivière de reflets d’or, ondulant et se tortillant avec le mouvement rapide de l’eau sur les rochers qui se trouvent au-dessous. La terre humide de la rive porte les marques profondes des sabots de cerf et les traces aplaties de pattes de skunk ; un peu plus bas, où elle a trouvé la branche qu’elle est en train de sculpter en un bâton spirituel pour Wa Uspewikakiyapi, Koda a vu les marques émoussées et arrondies d’un grand lynx. Ce sera un bon endroit pour relâcher Igmú quand le moment sera venu. Elle est presque prête pour sa liberté à venir, son pelage a repoussé sur sa patte blessée à part la ligne fine d’une cicatrice, presque prête, aussi, pour avoir un compagnon.

 

 

 

Un sourire recourbe brièvement ses lèvres à cette pensée. C’est la saison, pas seulement pour Igmú mais pour elle-même.

 

 

 

Elle s’était éveillée tôt, la lumière de l’aube scintillant sur ses yeux à travers la fenêtre basse. Son rêve s’était doucement transformé en une légère brume matinale, lui laissant l’esprit clair et sans surprise à la chaleur étirée à son côté sur la couette. Elle avait ouvert les yeux pour croiser ceux de Kirsten, verts comme un étang moussu dans des bois profonds, obscurcis par de longs cils posés comme de la barbe de maïs sur ses joues quand elle avait baissé le regard et que sa bouche avait cherché celle de Dakota. Le baiser avait été long et doux, et quand Kirsten avait relevé les yeux, Koda lui avait demandé. « Que souhaites-tu comme cadeau matinal, Wiyo Winan ? »

 

 

 

Kirsten avait laissé traîner une main dans les cheveux posés sur l’épaule de Dakota, les amenant entre ses seins. Koda avait senti son cœur battre contre le contact. « Ceci », avait dit Kirsten.

 

 

 

« Juste ceci. »

 

 

 

Koda l’avait embrassée de nouveau. « Et que me donneras-tu en retour ? »

 

 

 

Kirsten avait doucement guidé la main de Dakota jusqu’au pouls qui battait fortement contre la cage de ses clavicules. « Ceci. Tout ceci. »

 

 

 

En réponse, Koda s’était contentée de prendre Kirsten contre elle, sentant la peau douce et le muscle dur, sa force chaleureuse tout le long de son propre corps. Après un moment, elle avait étendu les jambes sous la couette, ressentant le bourdonnement somnolent de son sang alors que la lumière augmentait, et tombait sur le visage de Kirsten dans un angle serré. « Canske mitawa, il faut qu’on se lève. »

 

 

 

« Non », avait dit Kirsten.

 

 

 

« Si », avait répondu Koda, un soupçon de rire sous-jacent. « Au moins pour la bonne raison que Papa va bientôt arriver, avec Manny et Tacoma à sa traîne dans l’espoir d’un petit déjeuner chaud. Et quelqu’un va devoir faire sortir Asi bientôt. Il a été un parfait petit ange toute la nuit. »

 

 

 

Elles avaient lentement repoussé la couette et s’étaient levées. Dans la lumière du matin, la peau de Kirsten brillait, ses cheveux tels une cascade d’or fondu. Un frisson était passé sur sa peau. « Mon Dieu, je déteste la pensée d’une douche froide. »

 

 

 

« Tu sors Asi quelques minutes. Je vais mettre de l’eau sur le feu. »

 

 

 

Kirsten avait trottiné jusqu’à sa petite chambre au bout du couloir, pendant que Koda ramassait la couette et la posait sur une chaise dans la chambre à coucher. Depuis l’entrée étaient parvenus les bruits sourds et les grattements de pattes sur le plancher, suivis par les cris haut perchés d’Asimov. Un autre aboiement perçant fut suivi de la voix de Kirsten. « C’est bon, mon chien. C’est bon, j’arrive. »

 

 

 

S’enroulant dans sa robe de chambre, Koda était allée dans la cuisine, et avait préparé la cafetière ainsi que deux grandes marmites à bouillir. Ce n’était pas vraiment une solution de remplacement à un cumulus en état de marche mais le bain serait au moins chaud. A l’extérieur, Asi aboya tel le chien des Baskerville et elle se retourna pour regarder par la fenêtre de la cuisine juste à temps pour voir un écureuil grimper à un chêne, filer, et se percher hors de portée du grand chien, poussant des cris chuintants et remuant la queue avec outrage. « Attention au langage des signes, mon grand », avait murmuré Koda alors qu’Asi se positionnait au pied de l’arbre, apparemment satisfait de simplement observer. Kirsten, la tête penchée en arrière, avait ri à ses prétentions. « Quel chasseur, ça oui », et elle avait doucement tiré sur son collier pour le détourner.

 

 

 

Quand l’eau eut fini de bouillir, Koda remplit une demi baignoire d’eau froide, y versa une pleine marmite et ajouta une poignée de sels de bain à la lavande. La vapeur s’éleva brièvement, sa douce odeur prononcée se dissipant dans l’air frais. Koda posa l’autre marmite et son eau bouillante sur le carrelage, puis elle laissa tomber sa robe de chambre et entra dans la baignoire juste au moment où la porte s’ouvrait brusquement et qu’Asi bondissait dans la cuisine en quête de son bol. Les pas de Kirsten suivirent, plus calmement tandis qu’elle appelait, « Dakota ? Je suis de retour. »

 

 

 

« Ici », avait-elle répondu. « Entre donc. L’eau est parfaite. »

 

 

 

Dans ce printemps dévasté par le contrecoup de la destruction et de la mort gratuite, Koda sait qu’une petite racine verte s’est frayée un chemin hors de sa propre douleur, poussant vers la lumière. Igmú va bientôt rejoindre les siens, chasser en toute liberté pour se nourrir et, à la fin de l’été, nourrir ses petits. Le coyote, ils vont le relâcher près de l’endroit où Manny et Andrews l’ont trouvé, c’est une créature sociable et il va rejoindre sa meute. La maman louve et son petit sont un problème plus ardu. Leur abri est maintenant une tombe, et Wanblee Wapka et Tacoma sont partis ce matin pour construire la structure d’inhumation de Wa Uspewikakiyapi tout près. Quelque part près de la rivière peut-être, ou plus près de la maison, près du village de Wanblee Wapka. Son peuple le respectera.

 

 

 

La forme du loup devient plus claire alors que Dakota rétrécit le museau, taillant des lignes peu profondes pour les moustaches, entaillant la courbe naturelle du bâton juste sous les oreilles pour montrer le collier. Elle fait tourner la sculpture dans ses mains, laissant la lumière claire couler sur la longueur lisse de la branche où elle dénude l’écorce. Personne ne confondrait sa découpe avec de la sculpture, pas même les connaisseurs en art « primitif », s’il en reste. Mais c’est clairement une représentation d’un loup, et c’est fait avec amour. Et c’est tout ce qui compte.

 

 

 

Elle passe le pouce sur le museau avec délicatesse. Tu vas me manquer, mon ami. Et pourtant la douleur a perdu de sa violence, la souffrance ne la déchire plus, ne menace plus de la plonger dans ce vide sourd qui a tourbillonné autour d’elle quand elle l’a trouvé mourant. Au cours de l'année qui vient, elle sera la gardienne de l’esprit de Wa Uspewikakiyapi, lui offrant sa force pendant qu’il se fraye son chemin le long de la Route Bleue, sur le chemin des étoiles. Au fond de son esprit, à demi accepté seulement, vit un petit espoir égoïste, qu’il choisira de revenir à la vie sur Ina Maka. Pour moi, oui, mais pas seulement pour moi. Pour Ate et Fenton et Maggie et Tacoma et Kirsten, et pour le peuple qui l’a aidé sur son chemin. Pour tous ceux d’entre nous qui doivent d’une façon ou d’une autre refaire le monde sans aucun plan. Surtout maintenant, pour Kirsten.

 

 

 

Un froncement s’installe entre les sourcils de Koda. Le monde a fait intrusion chez elles trop tôt, avec trop d’insistance. Il n’y aurait pas de lune de miel dans les îles grecques cette fois-ci.

 

 

 

La joie de Kirsten ce matin l’avait éclairée de l’intérieur, ses yeux brillants, sa peau presque translucide. Quand l’eau chaude était tout d’abord devenue tiède puis fraîche, elle s’était accrochée à Koda alors qu’elles se tenaient toutes deux sous le jet toujours froid de la douche, enfouissant son visage dans la poitrine de Dakota et marmonnant quelque chose au sujet d’une ‘eau de montagne’. Piégées pour la seconde fois par le sens de l’humour de Kirsten, elles avaient ri et s’étaient serrées un peu plus ‘juste pour ne pas mourir d’hypothermie’.

 

 

 

La bonne humeur avait perduré tout le long du petit déjeuner. Kirsten et elle avaient préparé du bacon et des œufs prêts à frire dans la poêle lorsque les hommes étaient arrivés comme prévu, Wanblee Wapka suivi de près par Tacoma et Manny pleins d’espoir. Si elle n’avait pas été à l’affût, elle n’aurait pas saisi la lumière soudaine dans les yeux de Wanblee Wapka lorsqu’il était arrivé sur le seuil et les avait vues côte à côte, ne faisant rien, vraiment, de plus intime, que de rouler et de couper des petits pains. Et pourtant, c’était suffisant. Kirsten également l’avait vu. Elle avait rougi et s’était soudain absorbée dans la tâche de graisser une feuille de cuisson, et les yeux de Wanblee Wapka avaient dansé.

 

 

 

La conversation, lorsqu’ils s’étaient assis pour le petit déjeuner, était allée de la politique de la Base à la reproduction de chevaux, évitant prudemment quoi que ce soit de plus intime. Wanblee Wapka avait dit d’un ton neutre, en poussant des œufs brouillés sur sa fourchette d’un demi petit pain, « Chunksi, si ça te va, j’aimerais faire saillir Wamniyomni avec une ou deux des pouliches de Wakinyan Luta’s ce printemps. A moins que tu ne veuilles les amener à leur étalon ? »

 

 

 

« Le grand noir ? Bien sûr, ça devrait bien marcher. » Pour Kirsten, elle avait ajouté. « Son nom signifie ‘tornade’. Il est aussi rapide et tout aussi doux. »

 

 

 

« Il n’est pas mauvais », avait fait observer Tacoma, « juste indépendant. »

 

 

 

« Et combien de fois il t’a mis par terre ? Juste par bonne humeur, bien entendu ? »

 

 

 

« On a fini par se faire à l’idée. » Avait dit Tacoma en souriant, incluant Kirsten. « Il ne sera jamais un cheval ‘pour dames’ », ses longs doigts avaient fait des guillemets moqueurs en l’air, « mais bon, il n’y a pas de ‘dames’ dans notre famille. Que les dieux en soient remerciés. »

 

 

 

Dakota l’avait tapé avec sa serviette, « et si tu oses jamais m’appeler comme ça », (encore une tape) « Je te » (une tape) « scalpe. »

 

 

 

« Ouille. Rappelle-toi gentiment que je suis un héros blessé, là. » Tacoma avait levé le bras pour se défendre, tout en riant. « Kirsten, sauve-moi ! »

 

 

 

« Et est-ce que tu m’as insultée moi ? Frappe-le encore, Dakota. »

 

 

 

« Kirsten, avez-vous déjà possédé un cheval ? » Wanblee Wapka avait interrompu la bagarre, ses yeux plissés. « J’ai une pouliche grise que je forme à la monte, une de Wamniyomni, elle vous irait bien. »

 

 

 

Manny, bizarrement silencieux, avait suivi la conversation comme un spectateur à un match de tennis, sa tête tournant d’un côté et de l’autre. Un regard long et pesant sur Tacoma ne lui avait apporté aucune aide, juste une concentration accrue de son cousin sur son assiette. Il avait plissé le front, et fini par dire. « Je ne pige pas. On dirait un chat qui a avalé un canari, Leksi. »

 

 

 

Wanblee Wapka l’avait regardé d’un air neutre. « Tacoma et toi êtes les chats. Et ceci », avait-il dit, en piquant une bouchée de jambon de sa fourchette, « était un cochon. »

 

 

 

Une demi-heure plus tard, Kirsten était retournée au déroulement sans fin du code binaire qui défilait sur son écran d’ordinateur, passant sur la batterie autant que possible, sa voix et son pas vidés de tout rythme. Pour la première fois, Koda se permet de se demander ce qu’ils feront si le code n’est pas là du tout. S’il n’y a rien à trouver.

 

 

 

Et la réponse est que ce qu’ils ont à faire, c’est de battre les droïdes encore et encore jusqu’à ce qu’ils n’aient plus de force et plus de ressources. Et après ?

 

 

 

Mais elle refuse de suivre cette pensée. Pour tous les morts ; pour Wa Uspewikakiyapi ; pour les vivants à venir, l’échec n’est pas une option. Elle passe à nouveau les doigts dans la sculpture dans sa main. Elle est autant finie qu’elle le peut. Elle se lève, traîne un moment dans la clairière, absorbant sa paix, le faible soupçon de la présence de Kirsten. Puis elle se redirige vers la clinique et la rude séparation qui l’attend encore aujourd’hui.

 

 

 

*******

 

 

 

La clinique est tranquille pour une fois lorsque Koda y revient. Derrière le bureau, Shannon est occupée à mettre à jour des fichiers sur une machine à écrire mécanique récupérée Dieu sait où, tapant sur les touches dans un rythme incertain entrecoupé par la réponse molle du mécanisme. « Ce truc a besoin d’être huilé », fait observer Dakota en s’arrêtant pour vérifier la feuille d’entrée de la matinée ; aucun patient en attente, une perfusion à un animal châtré. « Appelez Kimberly et voyez si le quartier-maître a quelqu’un à nous envoyer pour nettoyer un peu. »

 

 

 

« J’ai déjà – merde ! » Shannon s’interrompt pour examiner sa main droite. Ses doigts sont toujours tachés suite à une lutte apparente pour changer le ruban encreur rouge et noir. « C’est le deuxième ongle ce matin. Il parait qu’il y a un vieux type en ville qui était réparateur de machines à écrire. Le Colonel Grueneman a envoyé un pilote le chercher. »

 

 

 

« S’il se montre, voyez ce qu’il peut faire d’autre. On va finir par avoir besoin de tous les réparateurs qu’on pourra trouver, et pas seulement pour la clinique. »

 

 

 

« Docteur ? »

 

 

 

Koda s’arrête en chemin vers son petit bureau et les cages. Il y a une note plaintive dans la voix de la jeune femme. « Oui, Shannon ? »

 

 

 

« Ça ne va pas s’arranger, hein ? »

 

 

 

Elle dit très doucement, « Ça ne va plus être pareil, non. Sur certains points, ça pourrait être mieux. Ou bien il pourrait ne plus rester personne pour qui ça aura de l’importance. On ne sait pas encore. »

 

 

 

La couleur des joues de Shannon passe du rose de l’agacement à la pâleur mortelle. Mais elle réussit à produire un sourire tordu. « Merci. Enfin, je pense. »

 

 

 

Dakota lui retourne son sourire. « De rien. Enfin, je pense. »

 

 

 

Laissant Shannon à sa frappe incertaine, Koda examine ses patients pour la seconde fois depuis l’aube. Sœur Matilda et ses petits sont rentrés à la maison pour des retrouvailles générales chez les Burgess. Le scottish, plus triste et avec un peu de chance, plus sage, s’est remis de sa rencontre infortunée avec le porc-épic. Le lapin à l’œil infecté, cependant, ne progresse pas aussi bien qu’au début. L’inflammation s’est réduite, et il mâchouille tranquillement ses boulettes de luzerne tandis qu’elle passe la main le long de son dos. Mais l’infection persiste, évidente dans la chair fine sur ses côtes et la pâle couleur de sa peau et de ses membranes exposées. Elle inscrit une note sur sa fiche pour ajouter un second antibiotique à sa dose du soir, de la pénicilline et des sulfamides ensemble élimineront la plus grande partie de toutes les bactéries. Si ça n’y fait rien, il faudra passer à un antiviral et ils en manquent.

 

 

 

Un frisson passe le long de son dos et pas pour la première fois. Ce lapin a peut-être une particularité constitutionnelle ou une condition sous-jacente qui le rend plus vulnérable que la plupart. Mais les conditions sont idéales pour la diffusion de maladie de toutes sortes. L’hiver a retardé la plupart des infections, à part les bronchites et rhumes habituels pour la saison. Avec le retour du soleil, la fonte des corps enfouis sous un mètre ou plus de neige, la possibilité d’une épidémie va transpirer. Et il n’y a plus de service public de santé, plus de Centre de Contrôle des Maladies, plus de compagnies pharmaceutiques pour lancer une campagne d’urgence pour un médicament ou un vaccin effectif.

 

 

 

Pendant la plus grande partie de l’après-midi, elle inventorie les fournitures de la clinique, faisant des listes de médicaments à chercher ou tenter de trouver sur le marché noir qui émerge rapidement. Ou plutôt, le marché ouvert, résultat de pillages ou pas, la marchandise recommence à circuler, payée en biens ou en services. S’ils ne le sont pas déjà, les médicaments vaudront une fortune. Il lui vient la pensée déplaisante, et pas pour la première fois, qu’il pourrait redevenir nécessaire d’instaurer des taxes sur une population qui survit à peine.

 

 

 

A midi elle retourne à la maison pour un déjeuner rapide et une brève balade avec Asi. Kirsten est allée à Rapid City pour la session de l’après-midi du procès des violeurs. Les témoignages sont pratiquement terminés et les arguments de clôture vont bientôt commencer. En tant que seule survivante nationale de la loi, Kirsten se doit d’être présente quand le verdict tombera. Un sourire touche les lèvres de Dakota pendant un instant, et puis s’en va. La force de Kirsten n’est pas en cause, mais elle n’a jamais fait face aux responsabilités froides du pouvoir auparavant, le froid qui raidit les doigts de tous sauf de l’autorité la plus brutale qui griffonne une signature sur un ordre d’exécution.

 

 

 

Laissant Asi à sa sieste devant le foyer, Koda retourne à la clinique. L’opération de castration se passe bien, et le basset commence à émerger de son anesthésie avant d’être bien installé dans la salle d’hôpital. La maman louve et son petit sont allongés sous le soleil, dormant si profondément qu’ils ne bougent même pas quand elle passe tout près. Igmú, qui s’agite de plus en plus au fur et à mesure que le printemps s’installe autour d’elle et que l’appel de son sang devient de plus en plus insistent, ronge son frein contre son enfermement avec une rage croissante ; Coyote, plus détendu, remue sa queue raccourcie et gémit, poussant le grillage de son nez mince pour une tape et un gratouillis.

 

 

 

Alors que le soleil descend à l’horizon, Dakota pose son travail. Dans la réserve, elle étend la robe en peau de buffle que son père a apportée de la maison et la déplie sur la table de travail. Elle déverrouille le réfrigérateur et en retire doucement le corps gelé de Wa Uspewikakiyapi, avant d’écarter l’emballage de plastique lourd. Elle exécute chaque mouvement avec conviction, retenant sa colère et sa douleur. Pendant un moment, elle pose la main sur sa large tête. Ça n’arrivera plus jamais, lui jure-t-elle silencieusement.Plus jamais. Ton peuple sera libre, et en sécurité.

 

 

 

Avec une paire de ciseaux chirurgicaux, elle coupe une boucle de poils de sa crinière, là où elle est préservée du sang. Elle en prend une seconde du panache de sa queue. Elle les attache au bâton spirituel avec une lanière de cuir, en faisant une crinière à la tête et à la gorge du loup qu’elle a sculpté. Avec ceci, elle va entreprendre de se souvenir de lui et de l’honorer comme un membre aimé de sa famille pour l’année de deuil formel et ajouter un cadeau au bout. Peu importe qu’il soit d’une autre nation. Il a été plus proche d’elle que n’importe quel autre être qui n’est pas de son sang, sauf une. Kola mitawa. Mon ami. Mon mentor.

 

 

 

Et maintenant il y en a une autre. Comme invoquée par la pensée, un pas léger résonne dans le couloir, suivi d’un coup à la porte. « Dakota ? »

 

 

 

« Entre. »

 

 

 

Kirsten ouvre la porte et entre tranquillement. Elle s’arrête un instant, observant le corps du loup, le poil toujours dans la main de Dakota, la robe en buffle. Elle traverse la pièce en silence jusque dans les bras de Koda. Celle-ci la serre fort, sans parler, posant juste la joue sur la douceur soyeuse des cheveux clairs. Après un moment, Kirsten dit, « Je voulais être avec toi quand… c’est-à-dire, pour la cérémonie. » Elle recule légèrement et lève le visage en questionnement. « Si tu es d’accord ? »

 

 

 

Koda pose sa paume contre la joue de la jeune femme. « Bien sûr que je suis d’accord. Tu fais partie de la famille maintenant, pour nous deux. Pour nous tous. »

 

 

 

Loin derrière l’inquiétude scrutatrice, une étincelle de joie éclaire les yeux verts, et puis s’en va. « Je vais t’aider. »

 

 

 

Ensemble, ensuite, elles enveloppent le corps de Wa Uspewikakiyapi dans la robe en buffle, l’attachant avec de longues lanières de tendon tressé. D’un seul nœud, Dakota fait un anneau médicinal fait d’une branche de saule flexible, avec des petits morceaux de tissu – blanc, jaune, rouge et noir – attachés aux pattes arrières et des lanières de cuir qui passent à angle droit entre elles. D’un autre elle attache une plume d’aigle et deux pennes d’une aile de queue rouge. « Parce que, » explique-t-elle, « c’était un chef de sa nation. »

 

 

 

Quand elles ont fini, elles attendent tranquillement auprès du mort honoré, les mains jointes.

 

 

 

*******

 

 

 

Le coup résonne doucement sur la porte de service. « Tanksi ? »

 

 

 

Dakota ouvre pour voir Tacoma sur le quai de déchargement, le pick-up de Wanblee Wapka garé sur la rampe. Son frère est de nouveau en civil, il porte un jean et une chemise bleu foncé à rubans, ses cheveux tirés en arrière sur la nuque. Son regard passe derrière vers Kirsten qui se tient près de la table, puis revient. « Tu es prête ? »

 

 

 

En guise de réponse elle hoche la tête, et ensemble, tous les trois, ils portent le corps de Wa Uspewikakiyapi jusqu’au véhicule. Bien que Tacoma boite encore lourdement, il a posé ses béquilles. Il marche maladroitement mais avec assurance alors qu’ils descendent les marches de côté sur le quai et que Koda s’abaisse, les mains fermement en prise sur leur fardeau froid, jusque dans l’espace de chargement du camion. Un tambour et un fouet occupent un coin, ainsi qu’un paquet long et étroit, que Koda reconnaît comme le canupah de son père, sa pipe de cérémonie. Un sac à franges, fabriqué il y a des générations de ça avec des coquillages et des épines de porc-épic, contient ses herbes et d’autres choses sacrées. Kirsten et Tacoma la suivent et posent Wa Uspewikakiyapi sur la peau de daim étalée qui couvre une grande partie de la plateforme. S’appuyant sur la housse de la roue, Tacoma se déplie graduellement jusqu’à ce qu’il soit perché près du tambour, puis il le soulève pour le poser entre ses genoux. Kirsten bouge avec hésitation comme pour l’aider, et il secoue la tête presque imperceptiblement. « Merci. Je l’ai. »

 

 

 

Koda vient sur le côté et se laisse tomber d’un seul coup, Kirsten la suit entre le hayon et le pare-choc. Manny ouvre la portière de l’arrière du camion, et Kirsten grimpe suivie par Koda. Wanblee Wapka regarde dans le rétroviseur, et examine ses passagers. « Tout le monde y est ? »

 

 

 

« C’est bon, Leksi », répond Manny, et Koda suit son regard qui passe de Tacoma sur la plateforme à sa main jointe à celle de Kirsten sur la banquette. Ses yeux s’écarquillent une seconde, et il mime le geste de se cogner la tête contre l’armature de métal de la vitre à sa gauche. « Tout le monde sauf moi, hein ? »

 

 

 

« Pas tout le monde », dit Koda.

 

 

 

Le moment de légèreté passe tandis que Wanblee Wapka amène le camion sur la rue, et que de derrière eux parvient le rythme profond du tambour, lentement. Il y a peu de trafic, automobile ou pédestre, mais ici et là, un soldat en uniforme s’arrête pour les regarder lorsqu’ils passent. Un ou deux d’entre eux, reconnaissant le profil de Kirsten, assise à la vitre de droite, salue ; un autre encore, dont les pommettes hautes et larges, et la peau cuivrée, dénotent ses racines cheyennes, retire son béret et baisse la tête. Les gardes à l’entrée se mettent au garde-à-vous et les laissent passer avec des expressions intriguées sur leurs visages honnêtes, mais ils ne font pas barrage. Une fois hors de la base, ils tournent en direction de la route du comté, le grand camion passant sur les ornières avec aisance tandis qu’ils commencent à grimper vers l’ancien lit de la rivière et sa lisière d’arbres, l’endroit où Wa Uspewikakiyapi a vécu et où il est mort. Ils voyagent en silence une grande partie de la route, Koda perdue dans le souvenir et avec un sentiment grandissant de soulagement, ancré dans le temps et l’espace par la petite main forte dans la sienne.

 

 

 

Wanblee Wapka lutte pour faire grimper au camion la pente du surplomb rocailleux qui abrite la tanière scellée. Le regard de Dakota glisse vers le sol le long de la lisière d'arbres, vers le lit tari de l’ancien cours d’eau qui se frayait autrefois un chemin à travers le calcaire, pour créer le creux peu profond des résidus étroits de la prairie boisée, avec son défilé d’arbres. Au milieu se trouve maintenant une structure faite de branches fortes et droites et de cordages, sa plateforme environ à deux mètres au-dessus de l’herbe. Des branches de pin et de mélèze le recouvrent, entremêlées des trompettes fluettes de garance cramoisie, des étoiles bleues d’anémones. A chaque coin pend une lanière de cuir à laquelle sont attachés de la calcédoine blanche et de l’agate striée, des épines de porc-épic et les plumes d’un faucon. Un cercle de galets de rivière forme une roue autour de la structure, des pierres plates et plus grandes posées aux quatre côtés. C’est une tombe de chef. « Washte », dit Koda. « Merci, Ate. »

 

 

 

Manny et Wanblee Wapka soulèvent le corps de Wa Uspewikakiyapi et le déposent sur la structure. Tacoma pose le tambour à l’extrémité sud et se positionne devant. Wanblee Wapka sort plusieurs brins d’herbe de son petit sac, de la sauge et du pin, de l’herbe, un petit paquet en cuir dont Koda sait qu’il contient du pollen et un autre de farine de maïs. Enfin il déballe sa pipe. A Kirsten il dit, « Voici ce que nous faisons pour la famille lorsque quelqu’un part emprunter la Route Bleue. Tout le monde y participe. »

 

 

 

Dakota observe la scène tandis que ses mots prennent une signification, et Kirsten hoche la tête solennellement. Wanblee Wapka lui tend le paquet de farine de maïs. « Quand le moment sera venu, frotte un peu de ceci sur chacun des piliers de la structure. Puis sur les couvertures de Wa Uspewikakiyapi. Je te dirai quand le faire, d’accord ? » Elle hoche à nouveau la tête, tenant le cuir plié comme si c’était la chose la plus précieuse au monde. Dans cette lumière, ses yeux sont du vert le plus clair de l’océan.

 

 

 

A Manny il donne un tambourin fait de carapace de tortue et d’andouiller. « Traduis-lui, tu veux bien ? »

 

 

 

Enfin, il va se tenir près de Tacoma et du tambour. « Tout le monde par ici, s’il vous plait. »

 

 

 

Alors qu’ils forment un cercle serré autour de lui, Dakota ressent la paix commencer à monter en elle. Elle sait qu’une partie en est la fin du sentiment d’injustice qu’elle a ressenti depuis qu’elle a découvert que le corps de Wa Uspewikakiyapi n’avait pas été abandonné avec dignité. Une autre partie est la présence forte de son père, centre du compas de son monde. Une autre partie en est l’honneur du guerrier qui entoure Tacoma, corps et esprit. Encore une autre, l’énergie que son cousin Manny transporte, l’esprit du tonnerre qui peut jaillir comme l’humour d’un farceur heyoka ou comme l’éclair porteur de mort.

 

 

 

Et au centre de son cœur se trouve Kirsten, l’amour qui revient encore et encore à travers les cycles du soleil et la rotation de la terre.

 

 

 

Les yeux fermés, elle entend le petit bruit de la pierre à feu et de la pyrite frottées l’une contre l’autre, sent l’odeur alors que l’étincelle s’empare d’un brin de sauge. Alors que Wanblee Wapka la lui tend, Dakota remue la fumée vers elle, s’imprégnant la tête et les mains, tout son corps. Tout d’abord maladroitement, puis avec plus de confiance, Kirsten suit son exemple, puis Manny, Tacoma et enfin Wanblee Wapka. Il en couvre la plateforme derrière lui, le tambour, la peau de buffle qui enveloppe Wa Uspewikakiyape. Tandis que Tacoma reprend le sourd et régulier battement de tambour, ponctué par le grattement dans les mains de Manny, Dakota porte un brin d’herbe tout autour du cercle, le levant vers le ciel, l’abaissant vers la terre aux quatre coins, invoquant Invan le Créateur, Wakan Tanka, Ina Maka. Elle sent le regard de Kirsten sur elle alors qu’elle fait le tour, le toucher calme de ses pensées.

 

 

 

Lorsqu’elle revient au centre, Wanblee Wapka découvre sa pipe. C’est un bel objet, fait il y a plus d’une centaine d’années. Le bol, sculpté dans la pierre rouge en forme de buffle, est surmonté d’une longueur de bois creux. Là où il rejoint le tuyau, trois plumes d’aigle sont retenues par une lanière de cuir à laquelle sont attachés des coquillages et des turquoises. Une pique se trouve juste après pour maintenir la pipe enfoncée droite dans la terre.

 

 

 

« Ho ! Wanblee Gleshka !

 

 

 

Aigle Tacheté, Esprit de l’Est,

 

 

 

Entends-nous !

 

 

 

Parle-nous des remerciements.

 

 

 

Parle-nous de la sagesse.

 

 

 

Parle-nous de la compréhension.

 

 

 

Parle-nous de la gratitude

 

 

 

Pour la vie de notre frère,

 

 

 

Wa Uspewikakiyapi, qui est parti

 

 

 

Marcher sur la Route Spirituelle avec toi.

 

 

 

Nous te remercions pour lui.

 

 

 

Nous te remercions pour le passé,

 

 

 

Le présent et l’avenir.

 

 

 

Nous te remercions pour tous ceux qui sont réunis ici. »

 

 

 

Il s’interrompt, et Koda répond, « Han, washte. » Elle prend la pipe offerte de sa main et s’avance vers le côté sud avant de la lever.

 

 

 

« Ho ! Ina Mato !

 

 

 

Grand-mère Ourse, Esprit du Sud !

 

 

 

Entends-nous !

 

 

 

Parle-nous de la fertilité.

 

 

 

Parle-nous des enfants.

 

 

 

Parle-nous de la santé.

 

 

 

Parle-nous de la maîtrise de soi.

 

 

 

Parle-nous de la création de bonnes choses pour tous les peuples,

 

 

 

De la création de notre frère

 

 

 

Wa Uspewikakiyapi qui est parti

 

 

 

Marcher sur la Route Spirituelle avec toi.

 

 

 

Donne-nous la fertilité dans tout ce que nous faisons. »

 

 

 

De nouveau, les légers murmures de « Hau ! Waste ! » et de la part de Kirsten, « Han ! » Recevant de nouveau la pipe des mains de Dakota, Wanblee Wapka s’avance vers le côté ouest et la lève.

 

 

 

« Ho ! Tatanka Wakan !

 

 

 

Buffle Sacré, Esprit de l’Ouest !

 

 

 

Entends-nous !

 

 

 

Parle-nous de purification.

 

 

 

Parle-nous du sacrifice de nous-même.

 

 

 

Parle-nous de renouveau.

 

 

 

Parle–nous du Tonnerre.

 

 

 

Délivre-nous de ces choses

 

 

 

Du passé.

 

 

 

Parle-nous des dons de notre frère,

 

 

 

Wa Uspewikakiyapi, qui est parti

 

 

 

Marcher sur la Route Spirituelle avec toi.

 

 

 

Libère-nous de la lassitude dans tout ce que nous faisons. »

 

 

 

Dakota prend la pipe à nouveau et s’avance vers le nord. Elle la lève et prie.

 

 

 

« Ho ! Tshunkmanitu Tunkashila !

 

 

 

Grand père Loup, Esprit du Nord !

 

 

 

Entends-nous !

 

 

 

Parle-nous de renaissance.

 

 

 

Parle-nous de l’hiver qui passe.

 

 

 

Parle-nous de la graine sous la neige.

 

 

 

Parle-nous de la vie qui revient.

 

 

 

Parle-nous de notre destinée.

 

 

 

Parle-nous de la destinée de notre frère,

 

 

 

Wa Uspewikakiyapi, qui est parti

 

 

 

Marcher sur la Route Spirituelle avec toi.

 

 

 

Libère-nous de la peur.

 

 

 

Koda tend la pipe à son père pour la dernière fois. Il se tient près de la structure et la baisse vers le sol, puis la relève vers le ciel. Enfin, il la tient devant lui au centre. Il psalmodie,

 

 

 

« Ho ! Ina Maka, Wakan Tanka, Inyan !

 

 

 

Mère Terre, Grand Mystère, Créateur !

 

 

 

Entends-nous !

 

 

 

Notre frère, Wa Uspewikakiyapi

 

 

 

Est parti marcher sur la Route Spirituelle avec toi.

 

 

 

Fais que ses pas soient assurés lorsqu’il viendra vers toi.

 

 

 

Fais que ses yeux soient lumineux quand il te regardera.

 

 

 

Fais que son cœur soit content quand il demeurera avec toi

 

 

 

Dans le Campement de l’Autre Côté,

 

 

 

Au milieu de la Nation Etoilée.

 

 

 

Nous gardons son souvenir,

 

 

 

Ses amis, son élève,

 

 

 

Sa compagne et ses enfants.

 

 

 

Nous prions et le remercions

 

 

 

Pour tout ce qu’il nous a donné.

 

 

 

Donne-nous son courage,

 

 

 

Donne-nous sa force,

 

 

 

Donne-nous sa sagesse,

 

 

 

Pour qu’un jour nous puissions le rejoindre

 

 

 

Et venir vers toi sans danger.

 

 

 

Un léger murmure parcourt le cercle à nouveau, et Wanblee Wapka pousse la longue pique de sa pipe dans la terre près de la structure. Le tambour et le tambourin battent régulièrement. Suivant son indication, Kirsten s’avance et frotte une pincée de farine de maïs sur chacun des quatre piliers, saupoudrant le reste sur la peau de buffle qui enveloppe Wa Uspewikakiyapi. Puis Koda et son père soulèvent le paquet pour le placer sur la plateforme, et la cérémonie est terminée.

 

 

 

Tandis que Manny et Wanblee Wapka ramassent la pipe, le petit sac et le tambour, et les rangent dans le camion, Koda s’écarte du groupe et s’adosse contre le tronc droit d’un jeune bouleau. Le soleil se tient juste au bord de l’horizon, le ciel par-dessus est strié de cramoisi et d’or. Une brise remue les feuilles au-dessus de sa tête, rafraîchie par l’arrivée du soir. Tranquillement, Kirsten vient se tenir près d’elle, sans un mot, offrant sa présence. Dakota tend la main en silence, et Kirsten la prend. La paix s’installe autour d’elle, douce et profonde. Après un moment, elle bouge. « Ils nous attendent. »

 

 

 

« Oui », répond Kirsten.

 

 

 

« Tu vas bien ? »

 

 

 

Kirsten murmure son assentiment, puis dit, « Et toi ? »

 

 

 

« Je vais mieux. » Koda se tourne, la main toujours dans celle de Kirsten. Ensemble elles descendent la pente, et prennent leur place sur la banquette arrière du camion.

 

 

 

Ensemble. A la maison.

 

Table des matières

 

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