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INSURRECTION34

Page history last edited by PBworks 15 years, 10 months ago

INSURRECTION

 

De Sword'n'Quill (Susanne Beck)

 

SwordnQuil@aol.com

 

écrit avec T Novan et Okasha

 

 

Traduction : Kaktus (parties 1 à 22) et Fryda (partie 23 à la fin)

 

 

Table des matières

 

 

 

 

 

Ecrit par Susanne Beck et Okasha

 

Avertissement : Des scènes érotiques vont suivre. Si cela vous met mal à l’aise, s’il vous plait, arrêtez-vous de lire ici. Merci.

 

CHAPITRE TRENTE-QUATRE

 

Dakota lutte pour sortir de la profondeur de son sommeil, le corps brûlant, douloureux, jusqu’aux os. Elle tend la main vers sa compagne, mais ne la trouve pas. Elle ouvre des yeux assombris par le désir. « Kirsten ? Canteskuye ? »

 

Seul le silence lui répond, et elle se tortille pour s’asseoir, repoussant les lourdes couvertures de sa peau brûlante, puis elle grogne lorsque sa tête est sur le point d’exploser au changement brusque de position. Elle lève les mains pour se tenir le crâne. La mère de tous les maux de tête semble s’être installée dans son cerveau et elle prend son mal en patience face au désir de crier de douleur. « Dieux », grince-t-elle, piégée entre le feu déchirant dans sa tête et le besoin lancinant dans son corps. « Qu’est-ce qui m’arrive ? »

 

Elle ferme brusquement les yeux et prend plusieurs inspirations, légèrement laborieuses, essayant de ramener un semblant de contrôle. Mais c’est une erreur. L’essence de Kirsten, l’essence mêlée de leur passion, est lourdement présente dans la chambre, et fait se serrer tout son corps d’un désir inassouvi. Elle bondit sur ses pieds et va à la seule et petite fenêtre sur des jambes peu assurées. Elle l’ouvre brusquement et respire l’air printanier. Son mal de crâne bat, envoyant des élancements aigus de douleur le long de sa nuque, derrière ses yeux et même dans ses dents. Elle grogne et comprime de nouveau son crâne de ses doigts serrés. « Tunkashila, aide-moi », prie-t-elle, ses mots glissant dans la brise qui rafraîchit la sueur sur sa peau. « S’il te plait. »

 

Lentement, graduellement, avec la lenteur de l’éternité, une petite mesure de calme s’installe sur elle, lui permettant de se ressaisir un peu, ce qui aide à enlever la tension de ses muscles et de ses os stressés. « Merci », murmure-t-elle, en prenant une dernière inspiration profonde avant de se détourner de la fenêtre et de se diriger vers la petite salle de bains pour s’occuper d’autres besoins, facilement apparents.

 

La douche l’invite et elle ouvre le robinet avant d’entrer rapidement. Le peu de calme qu’elle a réussi à atteindre est immédiatement repoussé par la première explosion d’eau glacée sur sa peau. Son mal de crâne triple, la jetant à genoux avec sa force. Tous les muscles de son corps se raidissent en même temps, et un cri d’angoisse retentit, pleinement éclos, de sa mâchoire fermement serrée.

 

En quelques secondes, la douche glacée cesse sa danse soutenue et torturante sur sa peau, et elle se retrouve enveloppée dans les bras puissants de quelqu’un qu’elle connaît bien. L’odeur de son père, chaude et réconfortante, emplit ses sens, lui apportant un peu de paix, bien que son corps soit ruiné par les tremblements violents et que sa tête soit une agonie presque trop forte pour être supportée. « Ate », gémit-elle, se sentant comme une enfant effrayée, « qu’est-ce qui m’arrive ? »

 

« Chhh », chantonne Wanblee Wapka dans son oreille, l’aidant à travers le tremblement sauvage qui noue ses muscles jusqu’à ce qu’ils soient tels des rochers sous ses mains. « Chhh, chunkshi. Je suis là. Je suis là. Chhh. »

 

On porte une tasse fumante à ses lèvres. « Tiens. Bois ça. Ça t’aidera. »

 

Elle respire la fumée odorante et prend une gorgée avec précaution, puis une autre plus importante alors que le goût familier et aimé du miel apaise son palais et la réchauffe au-dedans. Ses muscles commencent à se détendre et elle s’appuie avec gratitude sur la force tranquille de son père, et prend sa première inspiration complète en ce qui lui semble avoir été des heures. « Merci. »

 

Il sourit et écarte la tasse. « Si tu peux tenir ça un moment, je vais chercher une serviette. »

 

Elle tend des mains tremblantes et attrape la tasse pour la tenir comme si sa vie en dépendait. Wanblee Wapka relâche graduellement sa prise et, lorsqu’il est satisfait de voir qu’elle peut se tenir sans aide, il attrape une grande serviette sur la barre et revient, l’enveloppe à l’intérieur et la serre contre lui. « Ça va mieux ? » Demande-t-il, en la regardant prendre une autre pleine gorgée de la tasse.

 

« Tu ne sais pas à quel point », répond Dakota tandis que ses paupières commencent à tomber. « Qu’est-ce que tu… ? »

 

« Juste quelque chose pour te détendre, chunkshi. Est-ce que le mal de crâne diminue ? »

 

« Un peu, oui. »

 

« Bien. Tu penses que tu peux te lever ? »

 

« Avec un peu d’aide, je pense. Quelles que soient les herbes que tu as utilisées… » Elle bâille de toute sa mâchoire. « … elles sont en train de me mettre hors jeu. » Elle tourne la tête et cligne des yeux vers lui. « Comment as-tu su ? »

 

« Je suis ton père », répond-il simplement, en lui donnant toute la réponse dont elle a besoin.

 

Avec l’aide de Wanblee Wapka, Dakota se met lentement debout et le laisse la ramener dans la chambre. Alors qu’il se dirige vers le lit, Koda secoue la tête et s’arrête. « Le canapé », dit-elle. « C’est mieux. »

 

Il la regarde un instant, puis hoche la tête. « Je vais chercher ta robe de chambre. »

 

Après avoir échangé la serviette contre la robe de chambre, Koda réussit à marcher seule jusqu’au séjour et, remerciant les dieux qu’il n’y ait que son père pour être témoin de sa faiblesse, elle s’effondre tout sauf dignement sur le canapé. Les herbes de ce dernier ont diminué l’étau de son crâne et relâché la tension des crampes dans ses muscles, mais rien, semble-t-il, ne peut diminuer la brûlure dans son sang. Cet état d’hyper-excitation est, à sa façon, plus douloureux que le mal de crâne à son pire moment, et elle bouge sur le canapé, les yeux regardant farouchement alentours, cherchant son amante dans les ombres profondes de la maison.

 

« Elle va bientôt revenir », dit Wanblee Wapka, qui arrive de la cuisine en portant un bol de soupe épaisse et fumante. Il le tend à sa fille, et lui rend son regard brillant. « Oui, je l’ai renvoyée pour un petit moment. Je savais que tu étais prête à te réveiller, et j’avais besoin de temps pour te parler. » Il sourit légèrement et montre le bol. « Mange. Ça va t’aider à retrouver ta force. »

 

« Je… »

 

« Mange. »

 

C’est un ton dont elle se souvient bien, et s’y pliant instinctivement, elle commence à faire ce qu’il lui ordonne. Après quelques cuillerées, cependant, elle s’interrompt, la soupe posée sur son ventre. « Ate, je… »

 

Avec un petit soupir, Wanblee Wapka s’installe sur le coffre qui fait face à sa fille. Il pose la main sur son poignet, le pressant légèrement. « Chunkshi, ce besoin que tu ressens… c’est une chose normale. »

 

« Normale ! ? » Lâche-t-elle, les yeux écarquillés.

 

« Oui. C’est une conséquence de ta marche spirituelle. »

 

« Jamais », murmure à demi Koda, en amenant sa main libre à son front, « jamais, pas même avec Tali. »

 

« Tali était ta bien-aimée. Mais elle n’était pas l’égale de ton esprit, Dakota. Kirsten l’est. Elle est mashke naghi. Tu sens ce lien entre vous. Tu sais que je dis la vérité. » Il sourit un peu pour adoucir ses mots. « C’est quelque chose dont j’ai l’expérience, chunkshi. Après tout, pourquoi penses-tu que tu as autant de frères et de sœurs ? »

 

Koda écarte la tasse de thé refroidi de sa bouche, tousse et s’étouffe avant de tourner des yeux larmoyants vers son père. « Pas besoin d’en dire autant, Ate ! » Hoquette-t-elle. « Pas besoin ! »

 

Le rire de Wanblee Wapka est profond et mélodieux lorsqu’il se penche et tapote doucement le dos de sa fille pour l’aider à faire passer sa toux. « Pas besoin, peut-être, mais il faut que tu saches que je parle d’expérience. Tu n’es pas seule à avoir ces sentiments. »

 

La quinte de toux finit par passer et elle se penche, avec gratitude, contre la main de son père, avec une expression assombrie. « Combien… combien de temps… dure cette douleur, Ate ? Je sais que je ne peux pas vivre comme ça, et Kirsten… » Son regard s’agrandit alors qu’une nouvelle inquiétude s’installe dans son esprit en marche.

 

« Sois en paix avec ton cœur, chunkshi. Ce besoin de ta thehila ne passera jamais, mais sa force va diminuer avec le temps. »

 

« Combien de temps ? »

 

« Deux ou trois jours encore, peut-être. C’est différent selon les personnes. »

 

« Et Kirsten ? »

 

« Elle ? C’est une femme très forte. »

 

Dakota ne rate pas la forte tonalité d’approbation dans la voix de son père, et ça la réchauffe un peu. « Oui, mais comment va-t-elle se sentir… liée à moi de cette façon ? Maman comprend, elle est Lakota. Mais Kirsten… » Elle secoue la tête. « Dieux, Ate ! Et si elle dit ‘non’ » et que je ne peux pas… je ne peux pas… »

 

« Elle ne dira jamais non. »

 

Dakota redresse brusquement la tête, et regarde férocement dans l’ombre alors que celle qui a prononcé ces mots entre lentement, tel un esprit brillant qui se fraye son chemin dans la lumière. Kirsten est lumineuse, radieuse, irradiant une lumière intérieure qui captive complètement son observatrice passionnée. La faim qui s’est un peu apaisée revient avec une pleine force, et Dakota sent tout son corps battre d’un désir renouvelé et submergeant. Un grognement presque silencieux sort de ses lèvres soudain écartées alors que Wanblee Wapka la regarde, tout en souriant pour lui-même.

 

Il soulève silencieusement son corps du coffre et appelle Asi qui semble presque vouloir se mettre sur la tête et chanter ‘La Rose Jaune du Texas’ pour obtenir l’attention de sa maîtresse qui l’ignore. Avec un soupir très humain, le chien délaissé trottine vers Wanblee Wapka et se laisse emmener dans l’air frais.

 

« Jamais, », répète Kirsten, la voix basse et ronronnante, tout en continuant son avancée délibérée et lente. Elle atteint l’accoudoir du canapé et se penche à la taille pour couvrir les lèvres de Dakota d’un baiser incendiaire qui envoie son amante dans un univers entier d’étoiles.

 

Elle finit par reculer et passe le doigt sur les lèvres gonflées de passion de Koda. « Viens, mon amour. Laisse-moi apaiser ta douleur. »

 

Incapable de ressentir quoi que ce soit à part les tressautements de feu qui incendient ses terminaisons nerveuses, Dakota se laisse relever du canapé et emmener dans la chambre. Quand la porte est refermée derrière elles et que Kirsten la prend dans ses bras, le brasier rugit et prend vie, et elle s’y laisse volontiers plonger.

 

******

 

Deux heures plus tard, les deux amantes sont légèrement endormies, leurs corps toujours pressés l’un contre l’autre, les jambes confortablement emmêlées. Kirsten est à demi allongée au-dessus de Dakota, la tête dans le cou de son amante. « Koda ? » Murmure-t-elle d’un ton ensommeillé, les lèvres effleurant la peau au goût de sueur salée.

 

« Mm ? »

 

« Je me demandais… »

 

Koda penche le cou de côté, l’encourageant silencieusement à continuer son exploration. « A quel sujet ? »

 

Kirsten mordille légèrement la peau contre ses lèvres, puis se recule un peu. « Ces mots que tu utilises quand tu fais l’amour… »

 

« Oui ? » Ronronne Koda en attirant Kirsten contre elle tout en faisant glisser un pied nu sur la courbe lisse du mollet de celle-ci.

 

« Je présume que… je veux dire, je les comprends dans le contexte, je pense… »

 

« Oh oui. »

 

« Merci », réplique Kirsten en rougissant légèrement. « Mais… bon… tu penses que tu pourrais m’apprendre ce qu’ils signifient réellement ? Je veux dire, j’aimerais… apprendre. »

 

« T’aimerais, hein ? »

 

« Oui. J’aimerais. »

 

« Très bien alors. » Dakota bouge juste un peu les jambes et tourne le corps, et Kirsten se retrouve soudainement à plat sur le dos avec une Lakota amoureuse de plus d’un mètre quatre-vingts sur elle, une lueur espiègle dans les yeux. « Considère ça comme ta première leçon. »

 

« Maintenant ? » Couine Kirsten.

 

« Il n’y a pas mieux que le présent. » Koda donne un petit baiser sur les lèvres de Kirsten et s’installe plus confortablement, puis elle tend la main et la fait glisser dans les cheveux dorés de celle-ci, regardant la masse soyeuse et épaisse passer dans ses doigts comme de l’eau. « Pehin. » Elle tire doucement sur les mèches pour indiquer son point.

 

« Pehin », répète obligeamment Kirsten. « Cheveux. »

 

« Du premier coup », répond Koda, en se penchant vers le bas pour donner un baiser plus profond et prolongé. « Tu es une bonne élève », dit-elle quand elle reprend son souffle.

 

« Avec une telle motivation, comment pourrait-il en être autrement ? »

 

Tout en riant, Dakota l’attire contre elle et glisse à nouveau la main dans ses cheveux, écartant les doigts sur le crâne de Kirsten. « Nata. »

 

Cette dernière plisse le front tandis que ses dents blanches et droites mordent sa lèvre inférieure. « Nata. Crâne ? »

 

« Presque. »

 

Elle réfléchit un moment encore, bien que ses pensées soient distraites par les ongles courts de Koda qui grattent la base de sa chevelure. « La tête ? » Devine-t-elle.

 

« Parfait. » Un autre baiser.

 

« Oooh. J’aime bien ce genre de récompense », dit Kirsten en riant quand son amante relâche ses lèvres. « Ça bat assurément les bons points que M. Price distribuait en CP ! »

 

Dakota sourit et retire sa main. Les longs doigts tracent doucement le front de Kirsten, ses joues, son menton. « Ite. » Elle répète la douce caresse. « Ite. Ite hopa. »

 

« Visage », finit par répondre Kirsten, puis elle rougit. « Beau visage. »

 

« Très beau », murmura Koda, en se baissant pour un autre baiser. Elle penche légèrement la tête et effleure le nez de Kirsten de ses lèvres. « Pasu. » Elle penche un peu plus la tête et effleure d’un baiser les paupières de son amante. « Ista. »

 

« Nez… et yeux », chantonne Kirsten, en se tortillant tandis que son corps commence à se réchauffer.

 

« Nuge », souffle Koda dans le creux délicat d’une oreille tandis que sa langue excite la peau, lui valant un gémissement et un frisson de son amante réceptive.

 

« O… oreille. »

 

« Mmm. »

 

« Dakota… je… Doux Jésus ! » Ses oreilles sont des parties extrêmement sensibles de son corps, et ce que Dakota leur fait la fait plonger à toute vitesse.

 

« Pute », énonce doucement Koda, en passant tendrement le pouce sur les lèvres de Kirsten tandis qu’elle continue sa magie sur l’oreille de son amante. Elle grogne lorsque ces lèvres s’écartent et sucent son pouce dans une bouche chaude et humide. La langue de Kirsten remue pour téter et Koda gémit, « Wichaceji. »

 

Ce gémissement cause pratiquement sa perte. Tendant la main, Kirsten sort celle de Koda de sa bouche et la fait audacieusement glisser le long de son corps. « Ma chérie, je pense que cette leçon va devoir attendre. »

 

« Oh oui », ronronne Dakota tandis que ses doigts baignent dans la passion de Kirsten. Elle suçote le lobe d’oreille de son amante et pénètre la chaleur de Kirsten d’une caresse souple et profonde. « Je pense que tu as raison. »

 

******

 

La nuit a étendu son rideau sur le soleil, laissant des milliards d’étoiles dans son sillage. Dans la maison tranquille, Dakota est assise sur le canapé, ses longues jambes sous elle, couvertes d’une couette en respect pour son système thermorégulateur qui fonctionne toujours mal. Son visage bronzé est ceint d’or par la lumière du feu qui craque joyeusement, et dans sa main, le livre de Spengler, tourné aux quelques pages dernièrement lues.

 

Kirsten est assise dans un fauteuil rembourré et usé, positionné au bon angle par rapport au canapé. Son portable est sur son torse qui sert de table de salon, et son visage est décoloré par le reflet de l’écran bleu-blanc brillant. Avec sa récente récompense du ‘centre nerveux’ de l’androïde, elle passe les résultats en fonction des données déjà établies, espérant trouver un fil commun qui lui permettra de lancer une coupure permanente de tous les systèmes androïdes où qu’ils se trouvent. Après plusieurs heures de recherche, elle n’a rien trouvé, mais sa confiance est haute, se déversant telle de l’eau fraîche coulant d’une source naturelle d’eau chaude. Asi est allongé avec un air adorateur à ses pieds en chaussettes, la tête posée sur son jouet à mâcher, rêvant de ce que rêve un chien au cours des douces nuits de printemps comme celle-ci.

 

Comme par un consentement mutuel et silencieux, les têtes sombres et claires se redressent et deux paires d’yeux se croisent, ridées par les sourires aimants et presque timides qu’elles échangent. Par-dessus le craquement du feu joyeux, le réfrigérateur bourdonne en se mettant en marche, puis se coupe aussi rapidement avec un claquement et un grognement mourants. Koda soupire et repose la tête sur le canapé. « Et voilà. La fin de notre ration de carburant pour la semaine. »

 

« Bon sang. On a encore des tonnes de nourriture là-dedans. »

 

« Je sais. » Repoussant la couette de ses genoux, Dakota déplie les jambes et est sur le point de se lever quand un bruit étrange et bourdonnant emplit brièvement la pièce, suivi par le clignotement des néons dans la cuisine et de deux lampes dans le séjour. Un craquement sourd et un fredonnement sortent des haut-parleurs de la stéréo oubliée.

 

Kirsten se redresse, surprise, et renverse presque son fauteuil. « Que… ? »

 

Asi se tortille et se met debout, aboyant furieusement en l’air.

 

« On dirait que Tacoma a réussi à faire fonctionner ces turbines au bout du compte », répond Koda en souriant. Le sourire glisse de son visage lorsque la lumière brille un peu plus pendant une seconde, clignote, et s’éteint, laissant la faible odeur d’ozone derrière elle. « Ou pas. »

 

Kirsten aboie un petit rire, en mettant la main devant son visage d’embarras. « Je ne peux pas croire que j’ai réagi comme ça. C’est comme si j’avais vu un fantôme ou quoi ! Bon sang ! »

 

Koda se met à rire. « Je dirais que c’est une réaction tout à fait normale, si on considère que nous n’avons pas eu d’électricité en permanence depuis quoi, un mois ? Deux ? »

 

« Ça semble être une éternité. Mais pourtant… » Elle secoue la tête, puis lève les yeux vers Dakota, l’expression assombrie. « Est-ce que tu penses que c’est comme ça que ça va être dans le futur ? » Demande-t-elle, un peu plaintivement. « Tu penses qu’on va retourner au temps où on croyait à la magie, que l’éclair était le moyen des dieux de montrer leur mécontentement ? Est-ce que la technologie va devenir quelque chose qu’on va craindre au lieu de l’accueillir et de l’utiliser ? » L’implication de ses questions cause un chatouillis le long de sa colonne vertébrale, et lui fait dresser les poils sur les bras. « Mon Dieu. Comme c’est morbide. »

 

« Ce n’est pas morbide », la contre Koda, en se levant du canapé pour venir près d’elle. Elle s’assied sur le large accoudoir du fauteuil et tend la main pour caresser les cheveux de sa compagne. « Je ne pense pas qu’on perdra complètement la technologie », dit-elle doucement d’un ton songeur. « En temps qu’espèce, nous aimons trop notre confort pour l’abandonner aussi facilement. On pourrait bien manquer de charbon et autres carburants fossiles, mais on a d’autres sources inépuisables d’énergie, comme le vent et le soleil, et des moyens de les convertir en ce dont nous avons besoin pour éclairer nos maisons, refroidir notre nourriture et chauffer notre eau. »

 

« Certains d’entre nous, peut-être. »

 

Koda lui lance un regard acéré. « Qu’est-ce que tu veux dire ? »

 

« Nous mettons en place une dichotomie parfaite », commence lentement Kirsten, en rassemblant ses pensées. « Ceux ‘qui possèdent’ contre ceux ‘qui ne possèdent pas’. Ici, sur la base, ou dans une grande ville, je peux voir arriver ce que tu dis. Mais que deviennent les gens qui vivent hors des villes, hors des bases militaires, des gens qui sont habitués au même confort que le reste d’entre nous ? Peux-tu imaginer M. et Mme Toutlemonde et leurs 2,3 enfants, vivant en banlieue, se battre pour installer une éolienne dans leur vieux chez soi ? Et même s’ils pouvaient, qui leur apprendrait à l’accrocher pour que Martha puisse utiliser la machine à laver une fois par semaine ? Qui la réparerait quand elle est cassée ? Et avec quoi le ou la paieraient-ils ? »

 

« Et bien… »

 

« Pour chaque Tacoma », continue Kirsten, sur sa lancée, « il y a une centaine, peut-être un millier de gens dont la seule connaissance de la technologie c’est que quand ils appuient sur le bouton, le dragon se réveille. Ils se fichent de la façon dont ça fonctionne, ils veulent juste que ça fonctionne. » Elle lève des yeux tristes vers sa compagne. « Alors qu’est-ce qui va se passer quand ceux ‘qui ne possèdent pas’ vont se réunir devant Grand Rapids au milieu de l’hiver, enfoncés jusqu’au cou dans la neige, gelés, couverts de fourrure, et vont regarder ceux qui vivent la vie des dieux, avec le chauffage central et de l’eau chaude, et de la nourriture qui arrive avec un claquement de doigt ? A quoi vont-ils se résoudre, à vivre ce genre de vie ? A voler ? A kidnapper ? A tuer ? Est-ce que ce nouveau Dieu, la Technologie, sera finalement le nom sous lequel toutes les guerres du futur seront combattues ? »

 

Elle s’interrompt et penche la tête, regardant Dakota qui la fixe avec une expression indéchiffrable sur le visage. Elle rougit. « Je t’avais dit que c’était morbide. »

 

« Morbide ? Non. Quelque chose à quoi nous avons vraiment besoin de réfléchir ? Sûrement. »

 

Kirsten soupire. « C’est juste que… » Elle secoue la tête puis regarde sa compagne d’un air implorant. « Dakota, tu es née sur cette terre, tu y as grandi. Tu l’aimes et elle t’aime. Même une folle comme moi peut le voir. »

 

« Kirsten, tu n’es pas folle… »

 

« Ce que je veux dire, chérie, pour autant que tu aimes ton confort, tu es plus équipée pour gérer ce genre de choses que quatre-vingt dix-neuf pour cent de la population là-dehors. Des gens comme moi, et comme Andrews, et même Maggie. Quand on a perdu l’électricité la première fois, ça ne t’a même pas déconcertée. Non, tu as juste fait un feu, sorti les couvertures et les lampes à huile de Dieu sait d’où et continué comme si de rien n’était. Pendant que nous… »

 

« Tu t’adaptes… »

 

« Bien sûr que je m’adapte, Dakota ! Je n’ai pas d’autre choix que de m’adapter ! Mais Dakota, ne vois-tu pas ? Je suis une scientifique. Plus que ça. Je suis une scientifique en technologie. Ceci », le mouvement de son bras montre l’ordinateur et la myriade d’autres gadgets électroniques qui partagent l’espace sur le large coffre, « ceci, fait autant partie de moi que tes animaux et tes visions et ta connexion à la terre font partie de toi. Puis-je m’adapter ? Tout est possible, je suppose. Est-ce que je le veux ? » Elle rit. D’un son vide. « Je… ne sais pas. »

 

« Et bien alors », finit par répondre Dakota après ce qui semble être une éternité de silence, « il faudra juste qu’on s’assure que le nouveau monde qu’on va construire contiendra assez pour nous deux, n’est-ce pas ? »

 

Cette fois, le rire de Kirsten est un peu plus vrai. « Tu ne demandes pas beaucoup, n’est-ce pas ? »

 

« Moi ? » Raille Koda en se levant du fauteuil, et elle se penche en avant pour rapprocher leurs lèvres. « Je demande tout. »

 

Leur baiser est interrompu par le bruit d’hommes et de femmes qui crient. Quelque part sur la base, une sirène se met à mugir.

 

« Qu’est-ce que c’est ? » Demande Kirsten en se levant pour suivre sa compagne qui s’est redressée et part à grands pas vers la porte.

 

« Le feu. »

 

*******

 

Dakota entre dans une scène pleine de paradoxes. Des hommes et des femmes en uniforme défilent en ordre, en rangs alors que des civils effrayés et hurlant se précipitent dans un chaos total, tenant leurs enfants et leurs biens contre leur poitrine comme si Armageddon était revenu leur rendre visite.

 

Des petits feux tachent le paysage ici et là, leurs flammes léchant la noirceur d’encre du ciel sans lune. L’air est mordant de fumée et des cris des gens effrayés, tandis que le son de la sirène mugissante continue à passer au-dessus d’eux comme un roi omnipotent sur un trône posé sur la montagne.

 

Koda lance un rapide coup d’œil dans la direction de la clinique et est soulagée de voir que pour l’instant elle est hors de danger. Elle peut bien deviner la signification de ces feux, des petits appareils laissés pendant la première insurrection, et oubliés dans l’actuelle perte d’électricité, sont revenus à la vie avec le retour du courant, bien que bref, à la base. Laissés sans surveillance, les petits appareils mal entretenus ont surchauffé et pris feu.

 

Tandis qu’elle regarde, un petit camion de pompier de la base passe avec importance, son klaxon qui résonne en faible compétition avec la sirène qui mugit encore et encore, causant plus de frayeur qu’elle n’apaise. Des groupes de gens fixent le ciel, craignant une invasion par les airs. Koda attrape un pilote et le fait s’arrêter. « Trouvez cette sirène et tirez sur sa corde. Ce foutu truc va démarrer une panique qu’aucun de vous n’est préparé à gérer. »

 

Le jeune homme arrogant pense à résister. L’impulsion est brève quand il reconnaît le visage dans l’obscurité zébrée d’éclairs de feu, et il se raidit au garde-à-vous. « Madame ! Oui, madame ! »

 

« Allez. Maintenant. »

 

Il part en courant tandis que ses camarades, en tenue de pompiers, se glissent hors du camion maintenant garé et tirent des tuyaux vers la borne d’incendie. En quelques instants, des jets d’eau puissants commencent à arroser les feux et Koda respire un peu mieux.

 

Elle ressent la présence de sa compagne une demi seconde avant de sentir le poids léger d’une couverture de laine sur ses épaules. Elle sourit et resserre la couverture autour d’elle tout en regardant Kirsten apparaître à sa gauche, les flammes en diminution reflétant les verres des lunettes qu’elle a oublié d’enlever. « C’est notre petite surprise due au courant qui a fait ça ? » Hasarde Kirsten en regardant les pilotes repousser les flammes d’une maison partiellement ravagée.

 

« Je pense que oui », répond Koda, en ramenant un peu plus la couverture tandis que l’air frais et enfumé de la soirée la refroidit plus qu’il ne devrait. Kirsten lève les yeux vers elle, inquiète, juste un peu apaisée par le sourire et le petit haussement d’épaules qu’elle reçoit en retour.

 

Avant qu’elle ne puisse en dire plus, Tacoma surgit, le visage tâché de poussière et de suie, les cheveux qui pendent en mèches filiformes. Son expression est à demi dépitée, à demi irritée.

 

« Jolie manière de faire une déclaration, nigaud », le raille Koda, en appuyant de son pied nu contre sa botte trempée. « Tu pouvais pas trouver quelque chose de moins… dramatique ? »

 

« Ha. Ha », réplique-t-il, en la regardant avec soin. « C’est bon de voir que tu n’as plus l’air d’être touchée par la mort. » En fait, songe-t-il, elle a l’air d’aller bien mieux qu’il n’aurait jamais osé espérer. Elle a une sorte de… lueur… autour d’elle que… son regard bouge très légèrement… Kirsten semble partager. Il ressent une rougeur chauffer sa peau et espère, prie, pour que l’obscurité soit assez forte pour la cacher à l’œil d’aigle de sa sœur. Le sourire connaisseur qu’elle lui fait quand il ose regarder lui dit qu’il a tort sur ce point également.

 

« En tous cas », dit-il d’un ton traînant en s’éclaircissant la gorge tout en repoussant la rougeur, « il est plutôt évident qu’on a merdé. Je ne peux pas croire qu’aucun de nous n’a réfléchi au danger qu’il y avait de simplement mettre en marche ces appareils comme ça de nulle part. » Il lance un regard implorant vers Kirsten. « Je sais que tu as pas mal de choses à l’esprit, mais je vais devoir reparler d’une mairie ou un truc comme ça sur ces trajets. S’appuyer sur le téléphone arabe comme on l’a fait ne va plus aller. On a besoin d’une communication plus efficace ou des choses comme ça vont continuer à se produire. »

 

Kirsten hoche la tête, embarrassée de ne pas avoir eu la prévoyance de répondre à la requête de Tacoma il y a des semaines de ça.

 

« Tu as eu d’autres choses en tête », murmure Koda, en coupant court à l’autodénigrement de Kirsten. Elle regarde son frère. « Quand tu pourras, va chercher Maggie, Horace, Ate, et qui d’autre tu penses avoir besoin et fais les venir à la maison demain soir, après dîner. On en parlera à ce moment, d’accord ? »

 

Tacoma essuie la sueur de son front et grogne son assentiment.

 

Koda sourit. « Bien. » Elle regarde alentours pour voir que les feux ont lentement, mais sûrement, été domptés. « Ça aurait pu être pire », dit-elle. « Est-ce que l’équipement a subi beaucoup de dommages ? »

 

« Nan », répond Tacoma, en haussant les épaules. « Il a basculé assez vite. Juste quelques mètres de fil soudé qu’on a dû réenrouler. Peut-être encore une semaine et on pourra réessayer. »

 

« Ça me parait bien. »

 

« Ouais, bon… » Il fait un sourire fatigué à sa sœur et à Kirsten. « Je vous laisse rentrer… vers quoi que ce soit que vous faisiez. On se voit demain, ok ? »

 

« A demain alors. »

 

Alors qu’elles le regardent partir avec lassitude, Kirsten entoure la taille fine de Koda de son bras. « Ton frère avait une bonne idée », murmure-t-elle.

 

Koda tourne des yeux écarquillés vers elle. « Quoi, encore du Spengler et de la recherche de codes ? Quelle joie. »

 

Kirsten sourit. « Je pensais plutôt à quelque chose comme ce que nous faisions un peu plus tôt ce soir. »

 

« Mm. Je pourrais définitivement adhérer à cette idée. »

 

« Je ne suis pas sûre que ce soit tout ce à quoi tu vas ‘adhérer’ », blague Kirsten, puis elle s’éloigne, laissant sa compagne déconcertée la rattraper du mieux qu’elle peut.

 

 

Table des matières

 

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