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INSURRECTION5

Page history last edited by PBworks 15 years, 9 months ago

INSURRECTION

 

De Sword'n'Quill (Susanne Beck)

 

SwordnQuil@aol.com

 

écrit avec T Novan et Okasha

 

 

Traduction : Kaktus et Fryda

 

 

Table des matières

 

 

 

CINQUIEME CHAPITRE

 

 

 

« J’entends à nouveau cette voix. Elle m’endort. Un voyage sans fin vers un endroit qui n’a jamais changé. » Mark Austin

 

 

 

 

1.

 

 

 

Koda se réveille tout à fait, silencieusement et avec rapidité. Son rêve persiste même si son corps et son esprit sont revenus à la réalité. Elle sourit en sentant le corps ferme entre ses bras, l’entourant comme une deuxième peau. D’une main, elle caresse les cheveux noirs, riant silencieusement quand la femme dans ses bras ronronne presque comme un vrai chat, en tentant de l’étreindre encore plus fort, bien qu’elle soit toujours endormie.

 

 

 

Après un moment, Dakota se dégage de l’étreinte de la Colonel et se dirige, nue, vers la petite fenêtre. La nuit est claire et assurément froide. Elle regarde vers le Nord, sachant maintenant que c’est sa destination, puis elle se remémore les deux derniers jours.

 

 

 

Quand les restes du convoi militaire parvinrent à la base, ils furent arrêtés par une longue ligne de soldats armés jusqu’aux dents. Koda put les entendre, via la radio, ordonner à tous de sortir des véhicules pour qu’ils puisent s’assurer qu’ils étaient bien humains.

 

 

 

Dakota, qui était en train de s’occuper d’un pilote blessé à la poitrine, refusa. Quand un fusil se pointa sur elle, ce ne fut que grâce aux réflexes rapides de Manny, courtisé d’ailleurs par tous les collèges de la région et même une ligue nationale, qui l’empêchèrent de se faire sauter la cervelle.

 

 

 

Quatre têtes surgirent immédiatement derrière les portes du camion, quatre têtes rasées au bol, dans la plus pure tradition militaire. Par chance, ils se détendirent tout de suite en réalisant qu’Allen leur avait dit la vérité. Trois d’entre eux montèrent à bord et commencèrent à aider la vétérinaire fourbue tandis que le quatrième courut avertir ses coéquipiers et ordonna d’ouvrir les portes pour que le convoi progresse rapidement.

 

 

 

En arrivant, Dakota vit très peu de choses mais elle sentit l’épaisse et âcre fumée qui enveloppait l’air comme un linceul. Par chance, la base possédait un hôpital assez moderne et plusieurs médecins toujours en vie pour soigner les blessés.

 

 

 

L’électricité fonctionnait toujours grâce à un petit équipement hydroélectrique, et Koda passa les 36 heures suivantes à aider le staff médical.

 

 

 

Quand finalement, une Allen insistante vint la chercher, elle ne combattit pas la main qui encercla son poignet et qui la tira loin des blessés.

 

 

 

Elle s’arrêta toutefois en découvrant l’enceinte de la base. On aurait dit qu’elle avait été noyée sous les bombes. La plupart des bâtiments n’étaient plus que des décombres fumants et presque toutes les personnes en uniforme qu’elles croisèrent arboraient soit un bandage soit une expression choquée et un regard vide.

 

 

 

Des tas de neige fraîche recouvraient les corps de ceux qui ne se relèveraient jamais. Ils étaient protégés par un garde en uniforme et ainsi honorés de la seule façon qu’ils connaissaient.

 

 

 

« Allez, viens. » lui avait dit doucement Maggie, l’entraînant par le bras. «Je t’emmène dans un endroit chaud où tu pourras remplir ton estomac avant que tu t’évanouisses. »

 

 

 

« Je vais bien. » marmonna Koda d’un ton préoccupé en regardant les monticules de neige recouvrant les victimes.

 

 

 

« Tu es aussi pâle que la neige, Koda, et s’il le faut, ceci sera un ordre, pas autre chose. »

 

 

 

Allen résista courageusement aux yeux qui se posèrent sur les siens.

 

 

 

« Oui, je sais que tu es une civile, mais je peux être très persuasive s’il le faut. »

 

 

 

Cela lui valut un sourire, bref mais encourageant.

 

 

 

Le mess ressemblait à ce à quoi Dakota s’attendait et elle mangea son repas sans vraiment le savourer, simplement heureuse d’avoir quelque chose de chaud et nourrissant à se mettre dans l’estomac, son dernier repas ayant consisté en un café noir et rien d’autre.

 

 

 

Le logement, toutefois, fut une bonne surprise. Quand Maggie l’emmena dans une petite maison sur la base, elle regarda autour d’elle avec un air approbateur et eut son premier vrai sourire de la journée.

 

 

 

Une douche fut la première chose sur son agenda, et il lui fallut presque une heure pour nettoyer tout le sang incrusté sur sa peau et dans ses cheveux.

 

 

 

Vêtue d’un t-shirt propre et d’un pantalon de survêtement, elle tomba sur le lit deux places et s’endormit avant même que sa tête ne touche l’oreiller.

 

 

 

Maggie revint tard dans la soirée et quand Koda s’éveilla, elles tombèrent dans les bras l’une de l’autre. Ce fut primal et passionné plutôt que tendre, simplement la connexion de deux corps tentant de remettre la vie en avant après avoir vu tant de morts autour d’elles.

 

Elles s’étaient endormies ensuite, complètement vidées de leur énergie.

 

 

 

 

 

2.

 

 

 

Il y a un corps sur la route. Une jeune femme. En sang. Malheureusement, en dépit de la présence d’une demi douzaine de corbeaux qui attendent, elle est encore en vie. Malgré la neige qui tombe, Kirsten peut voir le faible mouvement d’une main écartant les oiseaux qui tentent de s’approcher de trop près.

 

 

 

Bon Sang. Je n’avais pas besoin de ça.

 

 

 

C’est risqué. Trop risqué.

 

 

 

Pourtant, même si elle commence à virer pour s’écarter et passer de l’autre côté de la route, le pied de Kirsten appuie sur les freins. Près d’elle, Asimov s’est relevé, les oreilles dressées. Il gémit doucement, puis émet un court jappement.

 

 

 

« Oui, mon chien. » murmure-t-elle. « Je l’ai vue. »

 

 

 

Pendant plusieurs minutes, Kirsten ne fait rien à part observer la scène devant elle. La femme – non, une toute jeune fille, d’après sa poitrine à peine formée sous la masse de sa veste et ses cheveux châtains dépassant de sous une casquette – est étendue non loin du bord de la route. Des traces de pas, en train de s’effacer rapidement sous la neige qui tombe s’éloignent d’elle en direction du Nord.

 

 

 

A mi-chemin, un creux prononcé indique une chute. Même à cette distance, Kirsten peut voir une tache rose qui teinte la neige. Un peu plus près, une longue traînée pourpre est le témoin d’une deuxième chute.

 

 

 

Il y a une demi douzaine de possibilités pour que ce soit un piège. La jeune fille peut être équipée d’un micro ou d’un émetteur. Elle peut avoir une arme sous sa veste. Il peut y avoir une troupe de droïdes cachés derrière les arbres non loin du bord de la route. Pire encore, ce sont peut-être des humains qui utilisent leur dernière victime comme appât.

 

 

 

Alors que toutes ces suppositions emplissent sa tête, un des corbeaux s’approche de la jeune fille en se dandinant. Penchant la tête, il paraît étudier son visage pendant un moment, puis il saisit une mèche de cheveux dans son bec et tire dessus. La jeune fille se débat et crie faiblement. « Non ! Oh non ! Mon Dieu, aidez-moi ! »

 

 

 

Kirsten n’a jamais cru qu’il puisse exister un destin pire que la mort, pourtant être dévorée vivante semble en être un. Elle contrôle le chargeur de son pistolet, quitte son véhicule et s’avance vers la jeune fille qui, elle le sait, va devenir un fâcheux fardeau. Asimov bondit vers la jeune victime envoyant valser la neige sur les corbeaux qui, peu impressionnés, s’éloignent tout de même du chien avec un regard dédaigneux. La jeune fille, par contre, hurle de terreur. « Un loup ! Oh mon Dieu ! Noooonnnn ! »

 

 

 

« Non, ce n’est pas un loup, même s’il croit en être un. » s’irrite un peu Kirsten. « Stop, Asi ! »

 

 

 

La jeune fille s’agite dans la neige et se retourne vers Kirsten. Cette dernière constate que le jean sur sa jambe droite est déchiré et taché de sang frais. Ses yeux sont si emplis de douleur et de peur qu’elle n’arrive pas à en discerner la couleur. Son visage est couvert d’éraflures qui semblent superficielles, peut-être le résultat de sa fuite dans les sous bois. Son bras gauche présente un angle étrange et paraît cassé ou luxé.

 

 

 

Oh merveilleux, pense Kirsten. Quels sont mes choix ? (a) achever son calvaire ; (b) l’emmener avec moi ; (c) la laisser aux corbeaux.

 

 

 

L’abandonner aux oiseaux n’est pas une option. Si c’était le cas, Kirsten serait déjà à 10 kilomètres d’ici, 10 précieux kilomètres plus près de la fin de son voyage.

 

L’euthanasier » avec son 9mm ?

 

Elle ne peut envisager de le faire, du moins pas sans être sûre que la jeune fille couchée sur la route ne peut être sauvée.

 

 

 

Bien. Il reste la solution (b).

 

 

 

Avec un soupir, elle remet son arme en sécurité sous sa ceinture. Cette bonne action lui coûtera cher, elle le sait. Un prix exorbitant, même, pense-t-elle ironiquement. Sauver la vie de cette jeune fille, si elle le peut, retardera son arrivée à l’usine de Minot. Ce qui résultera certainement à causer d’autres morts, quelque part. Elle a déjà tué des gens innocents pour parvenir jusqu’ici. Elle ne veut plus le faire, sauf en cas de situations plus extrêmes que celles-ci.

 

 

 

Elle s’agenouille dans la neige près de la jeune fille dont le regard sombre ne l’a pas quittée. Forçant sa voix à être aussi douce que l’était celle de sa mère, Kirsten lui prend la main, qui continue de s’agiter dans la neige. « Tout va bien. Je ne vais pas te faire de mal. Comment t’appelles-tu ? »

 

 

 

L’unique réponse de la jeune fille est un sanglot étouffé. Elle se recule quand Kirsten saisit la fermeture éclair de sa veste.

 

 

 

« Tout va bien. Mon nom est – mon nom est Annie. Je vais regarder ta jambe, si tu veux bien. Je ferai attention de ne pas te faire mal. »

 

 

 

Bon sang, c’est comme si je parlais à un chien à demi fou.

 

Tu ferais pareil avec un chien. Prétendre qu’elle en est un, c’est exactement ce qu’il faut faire. Tu dois être patiente.

 

 

 

« Doucement. » murmure-t-elle. « Calme-toi. »

 

 

 

Kirsten écarte le pantalon déchiré de la jambe de la jeune fille et y découvre une blessure probablement causée par la balle d’un fusil à gros calibre. La bonne nouvelle, dans la mesure où c’en est une, est que le sang qui s’en écoule est foncé, presque noir. Ce qui signifie qu’il est possible que la jeune fille ne va pas se vider de son sang et mourir. Si l’artère fémorale avait été touchée, elle serait déjà morte. Et nous n’aurions pas cette charmante conversation. Malheureusement, elle ne peut pas voir où la balle est ressortie et quels dommages elle a causés. Pour cela, il faut qu’elle puisse retirer la veste et elle ne peut le faire avec sa patiente étendue dans la neige.

 

 

 

« Ecoute-moi. » dit-elle gentiment. « Je n’arriverai pas à bien regarder comme ceci. Je vais aller chercher la camionnette et te faire monter à l’intérieur. J’ai quelques médicaments et des vivres qui vont t’aider. Tu comprends ? »

 

 

 

Silence. Les yeux fixés sur elle sont toujours écarquillés et vides. Kirsten commence à se demander si elle n’est pas, en plus, en état de choc, voir même sourde. Pourtant, elle sait parler, c’est certain. Bon sang. « Ok, tu n’as pas à me parler si tu ne le veux pas. Peux-tu au moins lever la main si tu comprends ce que je dis ? »

 

 

 

Rien. Puis, très lentement, deux doigts s’élèvent au-dessus de la neige.

 

 

 

Kirsten laisse échapper un long soupir. « Bien. Je reviens dans une minute. Voici Asimov. » Elle désigne le chien du doigt. Il est assis de l’autre côté de la jeune fille, sa langue pendante lui donnant une expression idiote. « Il surveillera les corbeaux. Ce n’est pas un loup. » Même s’il y croit ferme.

 

 

 

Cela lui prend plus de temps qu’elle voudrait pour amener la camionnette à quelques centimètres de sa patiente. Puis elle ouvre la porte arrière et dégage le plancher. Sa tâche est plus rapide qu’elle ne l’aurait été quelques jours avant et elle fronce les sourcils. Ses provisions ont diminué. Elle a assez d’essence dans les jerrycans pour traverser le reste du Minnesota et la moitié du Dakota Nord, avec un récipient de réserve. Mais elle ne peut pas emmener cette survivante avec elle, ni perdre du temps à lui chercher un refuge sûr.

 

 

 

Dans cette région peu peuplée, il devrait y avoir moins de droïdes que dans les villes. Elle a lu quelque part- dans le National Geographic ? Le Scientific American ? – qu’il y a encore ici des groupes de Mennonites (NDLT : communauté protestante prônant un rejet plus ou moins accentué du monde ainsi qu'un style de vie frugal) ayant refusé de quitter le mode de vie du 19ème siècle et qui vivent sans électricité ni matériel technologique. Lors des derniers deux cents kilomètres, Kirsten a noté les traces occasionnelles de roues de chariots, ainsi que des colonnes de fumées provenant de cheminées. N’importe quel groupe de survivants sera content de compter sur une autre paire de bras, même jointe à un jeune et solide appétit.

 

 

 

Ils auront peut-être aussi besoin d’un chien bien entraîné.

 

 

 

Cette idée vient de surgir spontanément. C’est quelque chose à laquelle elle a essayé de ne pas penser, même si elle a su dès le début qu’elle ne pourrait pas emmener Asimov là où elle se rend. L’abandonner purement et simplement est impensable, de même qu’elle n’aurait pu le laisser derrière elle. Elle avait relégué très loin dans son esprit le dernier choix qui lui restait. Mais maintenant, avec un peu de chance, elle n’aura pas à choisir.

 

 

 

Cette pensée suffit à la rendre plus bienveillante envers la jeune inconnue. Elle étend un sac de couchage sur le plancher de la camionnette, puis le recouvre d’une bâche et d’une couverture en une sorte de table de soins rudimentaire. Elle prépare ensuite une boîte de bandages, une ampoule de pénicilline, une seringue et une précieuse fiole de Demerol (NDLT : narcotique puissant). Elle songe que peut-être elle pourrait céder certains médicaments en échange d’un toit pour Asimov. Même une aspirine devrait valoir plus qu’un diamant maintenant. Devrait valoir davantage. Devrait même valoir des vies humaines, pour ceux qui auraient la chance de mettre la main dessus.

 

 

 

Le monde a irrévocablement changé et elle le sait. Même si elle parvient à stopper les droïdes, même s’il y a dans les survivants assez de chimistes, de physiciens, de microbiologistes ou de spécialistes en Intelligence Artificielle comme elle-même, pour faire renaître la technologie, la vie qu’elle a connue n’existe plus. L’ordre social qui émergera probablement des ruines sera radicalement différent, avec très peu d’hommes et pratiquement plus aucune personne âgée. Des nations entières ont été détruites. Elle a peur de ce qui pourra être rebâti. Des villes-états ? Des Tribus ? L’Empire de Miami ?

 

 

 

Elle se secoue et revient dans le présent. Peu importe ce qui va se passer, elle ne sera certainement plus là pour le voir.

 

 

 

Elle s’agenouille dans la neige avec précaution, près de la jeune inconnue. « Ecoute-moi. » dit-elle doucement. « Je vais te transporter dans la camionnette. Il faut que tu essaies de m’aider si tu le peux. Tu comprends ? »

 

 

 

Cette fois, elle obtient un hochement de tête. Elle note le progrès.

 

 

 

Kirsten enjambe le corps de la jeune fille puis la saisit sous les bras. « Ok, je compte jusqu’à trois. »

 

 

 

Un autre hochement de tête.

 

 

 

A trois, Kirsten la soulève et la tire vers le haut pour l’asseoir à l’arrière de la camionnette. C’est plus facile qu’elle le pensait, la blessée l’aidant en s’appuyant sur sa jambe valide

 

 

 

Après cela, elle passe aux premiers soins.

 

Kirsten coupe une partie du jean sur la jambe droite de la jeune fille et applique un pansement compressif sur la plaie afin de stopper le saignement. Le trou par où la balle est sortie est plus grand que celui par lequel elle est entrée, mais de très peu. Elle nettoie la plaie avec de l’antiseptique et bande la jambe. Pour le bras, c’est plus compliqué. L’énorme bleu et l’œdème au-dessus de l’épaule indiquent une fracture. Kirsten n’est pas capable de la réduire, elle utilise une triple épaisseur de carton découpé sur une boîte de nourriture pour chien en guise d’attelle afin d’immobiliser le bras. Elle remplace la couverture tachée de sang par une autre et lui injecte la pénicilline. Les soins auront duré presque deux heures et le soir tombe.

 

La jeune fille a enduré la douleur en silence, tout en continuant de la fixer avec ses grands yeux sombres. Kirsten prépare une autre seringue avec le Demerol. « Maintenant, je vais te donner quelque chose qui va te faire dormir. Je ne peux pas te promettre que tu te sentiras mieux à ton réveil, mais ça devrait t’aider. Il faut que nous trouvions quelqu’un qui se chargera de toi. » Elle enfonce doucement la pointe de la seringue. « Je ne peux pas t’emmener là où je vais. »

 

« Où est-ce ? »

 

La voix de la jeune fille est à peine plus forte qu’un souffle mais elle fait sursauter Kirsten. « Eh bien, » répond-elle après un moment. « Tu t’es décidée à me parler ? »

 

« Pardon. J’avais peur. »

 

« Je comprends. » Kirsten donne une petite tape sur son bras valide. « Tu peux me raconter ce qui t’est arrivé ? Et comment tu t’appelles ? »

 

« Lizzie. Lizzie Granger. Ma famille m’appelle Elizabeth, mais… » Lizzie suffoque soudain, détournant la tête. « Oh, mon Dieu, ils sont tous morts. Mon père, ma mère, mon petit frère. La Bête-Sauterelle les a tués ! »

 

« La Bête-Sauterelle ? »

 

« Oui, la Bête. Vous savez bien. 666 »

 

« Tu veux dire, celle de la bible ? L’antéchrist ? »

 

« Non, non. Celle qui est apparue avant l’antéchrist. Vous n’êtes pas chrétienne, n’est-ce pas ? »

 

« J’ai été élevée comme une méthodiste. Est-ce que ça compte ? »

 

« Il faut être une vraie chrétienne. » La voix de la jeune fille se brouille sous l’effet des calmants. « Pas comme moi. Je n’étais pas assez bien. La Bête est venue, celle avec un visage d’homme mais des dents de lion. Et une armure d’acier. Elle les a tous tués. »

 

Kirsten décide que cette conversation est la plus bizarre qu’elle ait eu depuis des années. Même le témoin de Jéhovah qui avait frappé à leur porte lorsque son père était en poste à Corpus Christi et qui pensait que les Etats-Unis étaient le diable et le drapeau une idole, ne lui avait pas semblé aussi bizarre. Les droïdes sont devenus incontrôlables et cette jeune fille est inquiète à cause de sauterelles ? Des sauterelles avec des visages humains et des corps de métal… Oh, bon sang ! « Des droïdes. » dit-elle tout haut. « Tu veux dire des droïdes ? »

 

« Les droïdes. » murmure Lizzie. « Les gentils droïdes ont emmené ma cousine et ses enfants. Il y avait une belle lumière. Et des anges. Ils les ont emmenées. Pour rencontrer Jésus. Dans le ciel. » Sa voix se brouille. « J’ai couru, j’avais peur. Je suis restée là. »

 

Les yeux de Lizzie se ferment. Elle dort. Son souffle est un peu trop rapide mais elle n’est plus en danger.

 

Le danger reviendra plus tard. Pour toutes les deux.

 

Kirsten dépose une couverture sur la jeune fille et s’installe devant le volant. Elle siffle Asimov et repart en direction de l’ouest même si la nuit vient.

 

 

 

 

3.

 

« Rendors-toi. On est encore au milieu de la nuit. »

 

La voix douce mais profonde fait sursauter Maggie et la sort de sa contemplation. Même à moitié endormie, elle sait qu’elle admire certainement le corps le plus parfait que Dieu, dans son infinie sagesse, ait jamais créé. Sentant la chaleur qui se répand sur ses joues, elle est heureuse qu’il fasse noir. « Comment as-tu su… »

 

« Que tu étais réveillée ? J’ai de nombreux talents. »

 

« Mm, » répond Maggie. « Je confirme. »

 

Mais le petit rire qu’elle espérait entendre ne vient pas, alors la Colonel s’appuie contre la tête du lit et s’enveloppe dans l’épaisse couverture. Puis elle retourne à son inspection, mais cette fois avec un regard plus professionnel. Elle remarque la tension sur les épaules et la colonne vertébrale de Koda. « Quelque chose ne va pas ? » se hasarde-t-elle.

 

Après un instant de silence, Dakota laisse échapper un petit soupir, continuant de fixer la fenêtre. « Quels sont tes plans ? »

 

La question interpelle la Colonel. Il y a plusieurs interprétations possibles derrière la franchise de ces mots. « Tu veux dire… avec mes troupes ? »

 

Koda acquiesce, toujours regardant par la fenêtre. « Oui. »

 

C’est au tour de Maggie de soupirer. « Même si je n’aime pas trop ça, je vais les diviser en petites unités.

 

« Pourquoi ? »

 

« Eh bien, pendant que tu étais occupée à soigner les blessés, j’ai parlé avec le commandant de la base, le major Hart. Un petit groupe de survivants est arrivé ici depuis « l’accident » comme il le nomme. Des hommes et des enfants pour la plupart. Quelques femmes âgées aussi mais seulement une ou deux plus jeunes. » Maggie s’arrête un instant, rassemblant ses idées. « Comme mous le supposions, il semblerait que les droïdes aient emmené les jeunes femmes, en âge d’enfanter, et qu’ils les ont enfermées en prison. Personne ne sait pourquoi, ou ce qu’ils leur font là-dedans. Mais ce ne sont sûrement pas des choses agréables. »

 

« Tu veux y aller et les libérer. »

 

Maggie hoche la tête. « C’est le plan oui. » Elle regarde ses mains. « La plupart des prisons dans cette partie de l’état, sont plutôt petites. Et c’est foutrement sûr que les droïdes vont être armés jusqu’aux dents. Ce qui signifie que si nous leur envoyons des troupes en trop grand nombre, ils tueront les prisonnières avant que nous ayons passé la porte. Avec des escadrons plus petits, on pourrait y arriver. »

 

« Ça va être une vraie partie de plaisir. »

 

Maggie, choquée, en reste bouche bée. Koda se détourne de la fenêtre et le petit sourire qu’elle arbore indique à la Colonel qu’elle ne plaisante pas totalement. Maggie ne peut s’empêcher de répondre au sourire, la part d’elle-même qui a voulu être soldat depuis l’enfance comprenant le sens du challenge. « Eh bien, je n’ai pas vraiment l’habitude d’être aussi proche de l’ennemi, mais… ouais, ça pourrait être plaisant. » Avec un petit sourire sexy, elle baisse la couverture, découvrant ses seins. « Tu veux te joindre à moi ? »

 

Une autre question sous-entendant plusieurs interprétations.

 

Avec regret, Koda décline toutes les propositions possibles. « Je dois aller vers le Nord. »

 

Maggie cache sa déception. « Tu es inquiète pour ta famille ? »

 

Secouant la tête, Dakota sourit. « Ma famille est capable de prendre soin d’elle-même. »

 

« Alors, pourquoi le Nord ? »

 

Dakota la fixe si longuement et intensément que la Colonel a peur d’avoir franchi une ligne invisible. Elle retient son souffle, attendant une réponse et priant Dieu pour que cette femme si déterminée soit réellement de son côté.

 

« J’ai fait un rêve. » La voix de Koda est à peine un murmure, mais dans la chambre aussi silencieuse qu’une tombe, Maggie n’a aucune peine à l’entendre. La phrase lui paraît si incongrue qu’elle se retrouve soudain à l’âge de 7 ans, assise au premier rang de la classe de Mr Dobbins, en train de regarder sur un écran l’image d’un homme de couleur qui prononce ces mêmes mots sur les marches du Lincoln Memorial.

 

On dirait que votre rêve est devenu réalité, Révérend King, pense-t-elle. Grâce à Dieu, vous n’êtes plus là pour voir le résultat.

 

Repoussant cette pensée déprimante, elle revient à la réalité et constate que Koda la fixe toujours de ses yeux perçants. L’intensité de son aura vibre autour de son corps comme une charge électrique.

 

« Et dans ce rêve, tu allais vers le Nord ? »

 

Koda hoche la tête, la tension toujours nette autour d’elle. Maggie jurerait qu’elle peut sentir les poils de ses bras se dresser.

 

« Ça doit être très important pour toi, alors. »

 

C’est comme si un abcès avait crevé, la tension disparaît immédiatement dans la chambre et Maggie sait qu’elle a répondu correctement.

 

Dakota acquiesce. « Ça l’est. »

 

« Jusqu’où iras-tu ? »

 

« Très loin. »

 

Maggie se raidit quand la réponse s’imprègne en elle. « Pas à Minot. »

 

Koda hoche à nouveau la tête.

 

« Dakota, c’est… »

 

« De la folie ? » La vétérinaire lui sourit à moitié, mais ses yeux sont aussi froids qu’un glacier.

 

« De la folie, oui, et tu le sais bien ! » répond Maggie, laissant entrevoir sa colère. Elle respire profondément, pour reprendre son sang-froid légendaire. « Koda, » recommence-t-elle calmement. « Ce n’est pas renier ton rêve, si tu n’y vas pas. J’ai prévu d’emmener deux ou trois combattants pour bombarder et faire exploser cette foutue usine. Et tu sais que j’ai assez d’explosifs sous mes avions pour le faire. »

 

« Et les humains à l’intérieur de cette usine ? »

 

« Tu crois vraiment qu’ils ont laissé quelqu’un en vie là-dedans ? » Maggie est incrédule. « Pourquoi ? Cette usine fonctionne toute seule. Les droïdes font tout le travail. »

 

« Je ne peux pas prendre ce risque, Colonel. » répond Koda, se retournant vers la fenêtre. « Chaque vie est précieuse. Surtout maintenant. »

 

« Et ta vie à toi ? » lui rétorque Maggie, les poings serrés sous la couverture.

 

Un sourire triste reflété par la fenêtre répond à la Colonel.

 

 

 

 

4.

 

C’est un cauchemar à répétition. Cent mètres plus loin, une rangée de pick up, pare-choc contre pare-choc, barrent la route. Impossible de passer au travers ni de changer de direction. A gauche du barrage se trouve un fossé d’au moins deux mètres de profondeur où quelque chose de métallique à l’allure vaguement humaine brille sous le soleil couchant. La demi douzaine de canons de fusils braqués sur elle et sa voiture scintillent aussi. Elle freine et réfléchit rapidement à ses options.

 

La liste est très brève. Zéro option en fait.

 

Le fossé, contenant peut-être un droïde détruit pourrait être un bon signe. Un large portail fait de tuyaux en fer soudés entre eux. surmonté d’une pancarte en acier annonce Shiloh Farm. Un mauvais signe puisqu’elle indique qu’on ne peut y pénétrer.

 

Elle pourrait lancer sa camionnette à grande allure et faire demi-tour sur un kilomètre pour le contourner. Mais elle est déjà à portée des fusils et elle ne pourrait aller bien loin avec un pneu crevé ou son réservoir d’essence perforé. Si ce sont des humains, elle devrait pouvoir passer sans problèmes. Ou acheter son passage avec les vivres et les médicaments dont elle n’aura plus besoin bien longtemps.

 

D’un autre côté, ils pourraient tout autant la tuer et s’emparer de tout ce qu’elle possède.

 

Kirsten stoppe à une douzaine de mètres du barrage. Avec précaution, elle glisse son pistolet sur ses genoux. Un regard rapide derrière elle lui indique que sa patiente dort toujours profondément sous l’effet de la morphine. Kirsten lui en a donné quand elle a changé le bandage sur sa jambe. Asimov relève la tête juste assez pour observer par-dessus le tableau de bord, puis se réinstalle derrière elle.

 

Trois gardes quittent le barrage et s’approchent, mais s’arrêtent à mi-chemin de la camionnette. La première, une femme, reconnaissable à la longue natte rousse qui brille sur l’orange de sa veste de chasse crie : « Déverrouillez la portière. Puis posez vos deux mains sur le volant pour qu’on puisse les voir ! »

 

Kirsten glisse son 9mm dans sa ceinture, où il restera dissimulé, même brièvement, sous la masse de sa veste. Puis elle presse le bouton qui déverrouille la porte et pose ses mains bien en évidence, serrées sur le volant.

 

Un des hommes qui s’approche s’arrête et crache un long jet de salive couleur caramel et Kirsten soupire de soulagement. Les droïdes ne chiquent pas de tabac. Des brigands l’auraient déjà tuée. De plus, le troisième membre du groupe ne porte pas d’armes. Plus petit que ses compagnons, il arbore un crâne presque chauve, rougi par le froid et une barbe d’une semaine au-dessus d’un col romain. Kirsten jette un œil à Asimov, qui s’est redressé mais ne bouge pas. « Reste, mon chien. » murmure-t-elle. L’ordre ne semble pas nécessaire, il est totalement immobile.

 

Le prêtre ouvre la porte côté conducteur et la regarde avec des yeux d’un gris que Kirsten n’a encore jamais vus. Ils ressemblent presque à du verre, ou à l’eau d’un torrent au printemps. « Bonjour. » dit-il aimablement. Sa voix résonne étrangement. « Je suis Dan Griffin et mes amis sont Toussaint Marchand, » il désigne l’homme de grande taille qui porte un fusil de chasse et dont il est difficile de voir le visage caché entre son écharpe et un bonnet de marin enfoncé sur les yeux- « Et Caitlin Drummond » La femme rousse, évidemment.

 

Le silence s’installe et Kirsten réalise qu’il attend qu’elle se présente elle aussi. Le pseudonyme lui vient naturellement aux lèvres. « Annie Hutchinson. Heureuse de faire votre connaissance. »

 

Sa voix est un peu plus sèche qu’elle ne le voudrait et les yeux de Griffin s’éclairent d’une lueur amusée. « Moi de même. Avez-vous une arme avec vous, Annie ? » Comme elle ne répond pas tout de suite, il ajoute. « Dites-le moi si c’est le cas. Sinon, Toussaint ou Caitlin fouilleront votre camionnette. Simplifions-nous la vie. »

 

Elle hoche la tête. « A l’arrière. Et vous y trouverez aussi une jeune fille blessée. »

 

« Gardez vos mains sur le volant, s’il vous plaît. » dit-il en s’écartant pour aller ouvrir la porte coulissante sur le côté. Elle entend le son de sa respiration derrière elle et le bruissement du tissu quand il rabat la couverture sur le corps inconscient de Lizzie. « Que s’est-il passé ? »

 

« Je ne sais pas exactement. On lui a tiré sur la jambe et son bras est cassé. »

 

« Oui, j’ai vu. Elle est inconsciente depuis longtemps ? »

 

Elle peut dire la vérité ou être prise en flagrant délit de mensonge. « Depuis que je lui ai administré un anti-douleur. C’est la seule chose que je pouvais faire pour la facture. »

 

« Vous êtes médecin ? »

 

« Ma grand-mère avait du diabète. C’est moi qui lui administrais ses médicaments. » Kirsten sait qu’elle n’a répondu qu’à la moitié de la vraie question – où s’est-elle procurée les médicaments ? – mais elle ne dit rien d’autre.

 

« Ok. » Il réapparaît à la porte du conducteur. « Maintenant, Annie, si vous et votre chien vouliez bien descendre et laisser mes camarades inspecter ce que vous transportez, nous pourrons emmener cette jeune fille jusqu’à la ferme et regarder ses blessures de plus près. » Alors qu’elle se glisse de son siège, il ajoute. « Oh, et donnez-moi votre pistolet, s’il vous plaît. »

 

Elle ouvre lentement sa veste afin qu’il puisse voir tous ses mouvements avant de lui tendre son arme. « Comment avez-vous su ? »

 

Il sourit et fait signe aux deux autres, qui abaissent leurs armes et viennent inspecter la camionnette. A côté d’elle, Asimov agite sa queue et Griffin le gratte derrière les oreilles. « Parce que vous seriez stupide si vous n’aviez pas une arme cachée sur vous. Et vous n’êtes pas stupide. Venez prendre une tasse de thé et bienvenue à Shiloh Farm. »

 

 

 

5.

 

« Pour la dernière fois, Manny, c’est non. »

 

Le visage de Manny Rivers, déjà rouge, prend une teinte cramoisie, tandis que ses poings se serrent et sa poitrine se gonfle au point de faire presque craquer la fermeture éclair de sa combinaison. Les autres membres du petit groupe s’agitent nerveusement. Manny est généralement le plus placide des hommes, mais quand il se fâche, le résultat n’est pas toujours beau à voir.

 

Jetant un œil rapide aux personnes qui les entourent, Dakota fait signe à son cousin et ils s’éloignent vers un endroit moins fréquenté de la base.

 

« Je ne suis plus un petit garçon que tu peux diriger, shic’eshi »

 

« Je le sais bien Manny, et je suis désolée si tu as l’impression que c’est ce que je fais. »

 

Manny se calme un peu mais la tension se lit toujours sur son visage. « Au moins, dis-moi pourquoi. »

 

« Parce que j’ai besoin que tu sois ici. »

 

« Pour faire quoi ? C’est cette partie que tu ne m’as pas expliquée, Koda. »

 

Rassemblant toute la patience qui lui reste, Koda tire une carte militaire de la large poche de son manteau. Elle l’étale sur une caisse devant elle et trace du doigt une ligne minuscule vers le nord.

 

« C’est un trajet plutôt inhabituel. » Observe Manny, penchant la tête pour avoir une meilleure vue.

 

« Nous aurons moins de chance d’être détectés. » répond Koda. Son doigt s’arrête. « C’est la seule prison que nous visiterons. Elle est petite, pas plus de vingt cellules maximum. »

 

« Tu dois m’emmener avec toi, Koda ! Je suis le meilleur combattant que tu puisses avoir. La plupart de ces gars rateraient un poisson dans un bocal. »

 

« Super. Et c’est pourtant toi qui les as sélectionnés pour moi, non ? »

 

Il fronce les sourcils. « Tu comprends très bien ce que je veux dire. »

 

« Une fois que nous aurons libéré ces femmes, il nous faudra un endroit où les emmener, temporairement. Je pense que je connais un ou deux endroits sûrs. »

 

Manny lui sourit à contrecœur. Il se souvient du temps où il espérait la visite de sa cousine plus âgée. Dans son pick up, elle l’emmenait dans les endroits où leurs ancêtres avaient vécu. Ce sont les plus chers souvenirs de son enfance.

 

Koda le regarde avec l’ébauche d’un sourire. Quand il revient au présent, elle hoche la tête. « J’aurai besoin de quelqu’un à qui communiquer leur position pour qu’on puisse venir les chercher. »

 

Manny hausse les épaules. « Et alors ? Tu as ici un des téléphones satellites les plus perfectionnés au monde. Où est le problème ? »

 

« Pour que tous les droïdes à l’est et l’ouest du Mississipi connaissent leur position ? Réfléchis Manny ! »

 

« Tu vas faire quoi ? Comme dans un western ? Des signaux de fumée depuis le sommet des Collines sacrées ? »

 

Koda lève les yeux au ciel. « Bon, écoute-moi bien Manny, parce que je ne le répéterai pas, ok ? »

 

Manny hoche la tête avec réticence.

 

« Je vais utiliser ce téléphone et faire en sorte que les droïdes ne sachent pas où seront ces femmes. »

 

« Comment ?

 

« Uniyapi Lakota »

 

La compréhension se lit enfin sur les traits de Manny, partagé toutefois entre l’admiration et la rancœur.

 

« J’ai parlé au commandant de la base ce matin. Selon lui, les droïdes n’ont pas été programmés pour parler le Lakota. Cela nous donne l’avantage dont nous avons besoin et avant que tu dises autre chose, j’ai contrôlé. Nous sommes les seuls Lakota ici. » Elle regarde son cousin pendant un long moment. Quant elle reprend la parole, sa voix est douce. « Maintenant, tu comprends pourquoi j’ai besoin de toi ici ? »

 

La rancœur est quand même la plus forte. « Je comprends. Mais je n’aime pas ça. »

 

« Bon. »

 

« Je te donne dix jours. » l’avertit-il en pointant un doigt sur elle. « Dix jours, pas plus. Et je me pointe avec mon Tomcat, tu m’entends ? »

 

Elle acquiesce en repliant sa carte et la range dans sa poche. Il s’approche et l’entoure de ses bras. Ce n’est plus le soldat, ni l’as du pilotage, mais plutôt le petit garçon qui s’accrochait à elle pour qu’elle ne parte pas. Elle referme ses propres bras autour du corps musclé. Elle respire son odeur familière et l’emporte comme une sorte de gardien face aux démons de l’inconnu auquel elle va faire face bientôt.

 

L’étreinte se termine bien trop tôt et ils s’écartent, refusant tout deux de voir l’éclat des larmes dans le coin de leurs yeux.

 

 

 

6.

 

Une heure et demie plus tard, Lizzie dort paisiblement dans l’infirmerie de Shiloh, son bras immobilisé dans une attelle. D’autres réfugiés lui tiennent compagnie, un ou deux avec des blessures pires que les siennes. Le pistolet de Kirsten est accroché à nouveau à sa ceinture. Elle est en train de terminer la meilleure soupe de légumes qu’elle ait jamais mangée dans sa vie. Pour la seconde fois depuis son départ, elle se sent presque en sécurité.

 

Asimov ronfle, étendu sur le sol pavé de la salle commune de la ferme, une patte posée près de son museau éraflé. Au-dessus de lui, blotti au centre de la table, une chatte calico au museau blanc (NDLT : chat femelle tricolore : mélange de blanc, roux et noir) ronronne sous les caresses machinales du Père Griffin. Les deux larges fenêtres du réfectoire donnent sur une grande prairie recouverte d’une nouvelle couche de neige et un petit étang gelé qui reflète le bleu mêlé d’or et de lilas du soleil couchant.

 

Dan sourit. « Encore ? Ou vous tiendrez jusqu’au souper ? »

 

Kirsten rit, repoussant le bol. « Merci, ça ira pour le moment. Vous n’avez pas idée de la saveur que ça a après une douzaine de boîtes de conserves. »

 

Dan ne dit rien et attend. C’est le moment des confessions, hein ? Se dit Kirsten pour elle-même. Pas maintenant. Peut-être jamais. Peu importe l’atmosphère chaleureuse, elle ne peut oublier qu’elle constitue un danger pour chaque être humain qu’elle rencontrera. À cause de la connaissance qu’elle possède.

 

Elle passe ses doigts sur la surface de la table de pin et y suit les nœuds qui dessinent un motif semblable à l’eau d’une rivière. « C’est superbe. » dit-elle. « Vous faites des meubles ici ? »

 

« Un de nos membres est menuisier-charpentier. Il est Kabbaliste. Vous le rencontrerez au souper. »

 

« Kabbaliste ? Je pensais- désolée, mais je pensais que cet endroit était un monastère ou quelque chose du même genre. »

 

« Des moines qui portent des fusils ? » Dan hausse les sourcils, surpris. « Je sais que ça existe, remarquez. Non, Shiloh est une communauté internationale, composée de brebis perdues et d’aventuriers d’une douzaine de traditions différentes. Nous comptons parmi nous des pacifistes, des chevaliers mystiques, des célibataires, des couples et des familles, des chamanes indiens et des disciples de Kali. Nous recherchons les points communs de tous ces chemins et tentons de vivre aussi près que possible de notre Mère la Terre. »

 

« C’est pour cela que vous ne possédiez aucun droïde. »

 

« C’est pour cela que nous ne possédions aucun droïde et que nous avons survécu. Par chance, nous avions d’excellents moyens de communication avant l’insurrection. Nous parvenons toujours à surfer sur ce qu’il reste du Net et nous écoutons la CB. Mais nous ne captons pas grand-chose. »

 

« Il reste peu de survivants, Dan. Lizzie est la troisième personne en vie que j’ai vue entre la Pennsylvanie et ici. »

 

« Je sais. » Les doigts de Dan s’enroulent autour de sa tasse de thé, comme s’il recherchait de la chaleur et Kirsten l’imite inconsciemment. « Nous, les humains, allons sans doute disparaître, Annie. Nous sommes comme le tigre de Sibérie ou le hibou tacheté il y a vingt ans en arrière. Mais personne ne va monter un programme pour empêcher notre extinction. »

 

« Non, cela n’arrivera pas. » Kirsten est surprise par la passion de sa propre voix. « Je ne laisserai… »

 

« YO ! JE SUIS RENTRE ! »

 

La porte de la salle commune heurte le mur et un géant apparaît derrière elle, se débarrassant de ses moufles, sa casquette, son écharpe et sa veste épaisse. Kirsten écarquille les yeux., observant les boucles poivre et sel, toujours luxuriantes malgré un crâne qui se dégarnit, le nez retroussé au milieu d’un visage buriné par le vent, et enfin l’énorme poitrine rattachée au-dit visage par un col en grosse laine.

 

C’est comme si un chêne de deux cents ans s’était pourvu de pieds pour envahir la maison.

 

L’arbre ambulant se penche vers Dan et donne un léger baiser sur ses lèvres. « Salut, chéri. Je vais me chercher une tasse de thé. »

 

Kirsten, stupéfaite, regarde l’homme s’en aller. « Qui est-ce ? Fangorn ? » (NDLT : Fangorn est la forêt d’arbres vivants dans le Seigneur des Anneaux. »

 

« Pas loin. C’est notre ingénieur en électricité, Alan Stephanos. Mon compagnon. »

 

« Un mouton noir ? »

 

« Mon évêque le voit comme ça, oui. »

 

Kirsten se sent rougir. Embarrassée, elle fixe la table. Le silence dure, devenant pénible. Finalement, elle reprend la parole. « Je suis désolée. C’était rude. Il ne semble pas appartenir, eh bien, à votre catégorie. »

 

« Celle de la spiritualité ? Disons que c’est un prêtre ouvrier. Je l’ai rencontré lors de la marche de la paix en 2002. »

 

« La guerre en Irak ? Mon père était à Bagdad avec la première troupe d’attaquants. »

 

Dan hoche la tête. « Nous avons été arrêtés en même temps. La police de L.A. nous a parqués dans un fourgon spécial et Alan a défoncé la porte d’un coup de pied. Puis il a assommé le policier qui avait essayé de nous ‘gazer’ avec son spray anti-agression.

 

« Agression envers un officier ? »

 

« Il s’est avancé vers le type et lui est tombé dessus. Comme un arbre. »

 

« Vous parlez de moi ? » Alan s’installe à la table, pliant son corps musculeux pour passer entre le banc et la table. Il gratte machinalement les oreilles de la chatte calico. « J’ai rencontré Dieu pendant que je grattais la glace accrochée sur un générateur il y a 20 ans. Et aujourd’hui, je lui ai encore parlé, en faisant exactement la même chose. » Ses yeux pétillent en rencontrant ceux de Dan. « Au cas où il ne m’aurait pas présenté pendant mon absence, je suis- Bon sang ! »

 

La main d’Alan reste suspendue en l’air, en travers de la table. Il regarde Kirsten, comme s’il venait juste de trouver quelque chose d’inattendu dans sa chaussure. Quelque chose de désagréable. Un serpent, par exemple.

 

« Tout va bien. » La voix de Dan est douce. « Votre deuxième prénom est Anne, n’est-ce pas Kirsten ? »

 

Merde. Oh merdre merde merde.

 

Dis la vérité et défie le démon. Sa grand-mère était adepte de cette sentence. Kirsten se rend bien compte qu’au point où elle en est, autant le faire.

 

« Oui. » répond-elle. « Oui, c’est ça. »

 

« Votre visage s’est étalé dans les journaux de temps à autres, vous savez. Alan, tu te décides à serrer la main du Dr King, oui ou non ? »

 

« Vous vous rendez à Minot, n’est-ce pas ? »

 

La question reste en suspens dans l’air, comme l’a fait la main d’Alan. Après l’avoir dûment serrée, cette dernière recouvre la tasse de thé devant lui. Sa question, toutefois, attend une réponse. Les options de Kirsten sont limitées. Mentir et être prise sur le fait. Dire la vérité et mettre en danger les hommes qui lui ont offert l’hospitalité et un répit passager.

 

« Kirsten, c’est plutôt évident. Il n’y a rien d’autre dans cette région qui pourrait intéresser une cyber-experte telle que vous. Si vous tentiez simplement de vous éloigner le plus possible de Washington, vous auriez pris une route plus au sud. »

 

Kirsten sourit amèrement. « Vous être tellement raisonnable quand vous parlez de tout ça, Dan. Continuez comme ça et je vous confesserai tous mes péchés depuis le jour où j’ai piraté le compte en banque du Parti Républicain d’Orange County quand j’étais en CE2. »

 

« Si jeune, si douée, si dangereuse. » observe pieusement Dan. « Et qu’avez-vous fait de cet argent ? »

 

« Je l’ai reversé au Sierra Club et à la SPCA. » (NDLT : deux organisation de protection de la nature. »

 

Alan, qui a imprudemment pris une gorgée de thé, tousse et la recrache. « Doux Jésus, femme. Avertissez-moi la prochaine fois. » Il fouille dans sa poche, en sort un mouchoir bleu décoloré et essuie son menton. « Du coup, pénétrer dans une usine de droïdes hyper-protégée devrait être de la tarte pour vous, non ? »

 

Le cœur de Kirsten bat à tout rompre dans sa poitrine dans un état proche de la panique. « Ecoutez, c’est évident, vous avez raison. Je crois qu’il faut que je m’en aille. Maintenant. »

 

Alors qu’elle fait mine de se lever, Dan intervient. « Toussaint et Caitlin vous ont déjà vue. Vous ne pouvez empêcher la communauté de savoir que vous êtes ici, et de ne pas s’imaginer l’endroit où vous voulez vous rendre. En fait, nous pouvons vous aider. »

 

« Non, c’est trop dangereux. »

 

« Kirsten, c’est encore plus dangereux si vous vous y rendez toute seule. Aucun d’entre nous ici n’a probablement les connaissances suffisantes pour aller jusqu’à la base et sait encore moins ce qu’il faudrait faire une fois là-bas. Mais nous pouvons au moins vous accompagner. Si vous avez peur d’être un danger pour nous, augmenter les chances de votre succès, c’est augmenter aussi les chances de notre survie. »

 

« Et vous ne pourrez pas nous empêcher de vous suivre, de toute façon. » Le regard d’Alan la défie. « Vous pouvez rendre la chose plus facile ou plus compliquée. A vous de choisir. »

 

Kirtsen regarde tour à tour les deux hommes. Ils ont la logique de leur côté.

 

Elle ne peut s’empêcher d’être soulagée. Elle se doit de les remercier, mais au lieu de cela, elle laisse échapper : « Vous vous occuperez d’Asimov ? Je ne peux pas l’emmener avec moi. »

 

« Il peut rester avec nous, bien entendu. » Quelque part, une sonnerie retentit et Dan pose sa tasse de thé. « Nous préparerons un plan avec la communauté après le souper. En attendant, aidez-moi à mettre la table. »

 

 

 

 

7.

 

Elle se retrouve à nouveau dans un monde de blanc. Monotone, peut-être, mais connu.

 

L’impression est accentuée par la machine complètement blanche aussi sur laquelle elle est assise. Les soldats l’appellent « punaise puante » et c’est un terme plus ou moins bien approprié pour cette motoneige fonctionnant au méthane et qui bourdonne comme un insecte.

 

Les vêtements portés par le petit groupe ajoute encore à la monotonie. Le blanc est vraiment à l’ordre du jour et Koda ne peut s’empêcher de penser à un film qu’elle a vue quand elle était enfant. Willie…quelque chose, se souvient-elle. Quelque chose à propos d’une fabrique de chocolat et d’un jeune garçon, vêtu exactement comme elle en ce moment, se faisant réduire en atomes pour traverser une pièce et se matérialiser dans un téléviseur, mais en beaucoup plus petit.

 

« Et me voici, en route pour sauver les habitants de « Oompa Loopa Land »(NDLT : référence au film tiré du livre « Charlie et la chocolaterie » de Roald Dahl)

 

Cette pensée ironique est balayée par le vent. Avec un sourire, elle se remémore l’au revoir de Maggie. Une étreinte sincère, accompagnée d’un « sois prudente » et c’est tout. C’est comme si elle avait lu dans son esprit et fait exactement ce que Koda attendait d’elle.

 

Une ombre passe au-dessus d’elle. Elle lève la tête et son sourire s’élargit. Wiyo chevauche les vents au-dessus d’elle, l’élégance personnifiée.

 

Ange ou démon, qu'importe !

 

Ton aigle dans son vol, haletants, nous emporte.

 

L'oeil même qui te fuit te retrouve partout.

 

Toujours dans nos tableaux tu jettes ta grande ombre ;

 

(NDLT : tiré de LUI, poème de Victor Hugo, Les Orientales.)

 

 

 

Le passé ressurgit derrière un voile pas si opaque.

 

Elle sent l’odeur de la craie et entend le tic tac de l’horloge. Un soleil somnolent réchauffe ses épaules. Elle voit même le visage pincé de Mr Hancock surmonté de son crâne chauve qui brille sous la lumière du néon qui éclaire la minuscule classe. Il voudrait qu’elle se trompe. Elle peut le sentir, de la même façon qu’elle sent l’ancien préjudice qui coule dans ses veines comme un sang entaché. Ce n’est pas nouveau pour elle qui vit dans un pays qui prône la liberté pour tous, mais un pays qui a été conquis.

 

Mais elle ne fera aucune erreur. Elle n’en fait jamais. Sa soif de connaissances a déjà devancé les pauvres talents de son professeur et il le sait. La colère transparaît dans ses yeux gris, affûtés comme du silex, et son expression aigrie en permanence se durcit encore plus. Si elle avait été élevée différemment, elle pourrait se sentir fière face à cette colère qu’elle provoque. Mais elle ne ressent que de la tristesse.

 

Un cri d’alarme perçant referme le rideau de son passé, et Dakota, une fois de plus, regarde le ciel, ses yeux se rétrécissant en voyant Wiyo virer sur la gauche puis revenir lentement vers elle.

 

«On s’arrête.» murmure-t-elle dans le micro fixé dans son col.

 

Bien qu’elle ne porte aucun brassard qui indiquerait qu’elle est la chef, les soldats l’écoutent comme si elle l’était. Ils se séparent et la moitié du groupe va se placer sur le côté gauche de la route tandis que les autres font pareil de l’autre côté. Ils tiennent leur arme prête alors qu’ils sont encore à califourchon sur leur moto neige.

 

Koda lève un bras et Wiyo vient s’y percher, repliant ses ailes alors que son regard se dirige vers un danger que seul lui peut voir.

 

« Sacré chien de garde que vous avez là, m’dame » commente le jeune Lieutenant sur sa gauche, d’une voix respectueuse.

 

Wiyo ne lui prête aucune attention et Koda sourit intérieurement quand l’oiseau s’installe plus confortablement contre elle.

 

Un moment plus tard, ils entendent le bruit d’un moteur de camionnette qui semble rendre son dernier souffle. Quand le véhicule apparaît, Wiyo s’envole, ses ailes puissantes fendant l’air froid.

 

Les armes sont immédiatement brandies et visent la camionnette. Koda lève à nouveau son bras. « Du calme ! Voyons d’abord de qui il s’agit. »

 

Pas d’un droïde en tout cas. Dakota distingue nettement du sang sur ce qu’il reste du pare brise. Et l’homme, ou la femme, assis à l’intérieur, s’appuie sur le volant tel un sac de pommes de terre, sa tête secouée violemment à chaque ornière de la route.

 

« Il va nous heurter. » avertit calmement le jeune Lieutenant- Andrews, se souvient Koda, ses mains serrant son arme avec plus de force.

 

« Ne bougez pas… »

 

« M’dame ? »

 

« Pas encore. »

 

Alors l’homme, si c’en est un, les voit, et ses yeux s’élargissent. Il tourne brusquement le volant vers la droite, mais il est trop tard. Un des pneus avant passe sur une plaque de glace et le pare-chocs va heurter le tas de neige sur le bord de la route. La camionnette se retourne sur le toit. Le pare-brise cède définitivement et l’homme est éjecté du véhicule, tel un oiseau incapable de voler.

 

La camionnette termine sa glissade contre un arbre. Il reste assez d’essence pour causer une explosion. Au lieu de cela, le véhicule a un dernier tremblement avant de mourir tout à fait.

 

Dakota est la première à réagir. Elle bondit vers l’homme aussi vite que lui permettent les 70 cm de neige dans lesquelles s’enfoncent ses bottes. L’homme repose sur un tas de neige, ses membres présentant des angles anormaux. Deux trous dans sa parka épaisse mais sale laissent échapper du sang noir. Ses yeux sont ouverts. L’un des deux est ensanglanté et pend quasiment sur le côté. L’autre, par contre, est totalement conscient, mais empli de terreur.

 

Comprenant pourquoi, Koda ouvre immédiatement son col, découvrant sa gorge. Andrews, qui l’a rejointe, fait de même.

 

L’homme se calme légèrement. La peur quitte son regard mais pas l’horreur. Une de ses mains, horriblement mutilée, saisit la jambe de Koda, en tremblant. « F-Fille. » dit-il dans un râle, toussant et crachant un filet de sang. « Ma fille. Aidez… Aidez ma fille. »

 

« Où est votre fille ? » questionne Andrews

 

« P-Prison. Ils… Ils l’ont emmenée… T-tiré sur moi… D-Deux fois. Aidez…Aidez-la…S-S’il vous…plaît. »

 

« Nous allons l’aider. » le rassure Andrews. « Nous allons l’aider, mais vous aider vous d’abord. Vous… »

 

Mais les mots du jeune Lieutenant expirent sur ses lèvres en voyant le regard de l’homme se voiler lentement puis devenir fixes et vitreux.

 

« Bon Dieu de merde. » Une main se pose sur son épaule et la presse brièvement. « Ça craint, M’dame. »

 

« Oui, ça craint. » Koda regarde le cadavre. « Recouvrons-le de neige. Nous donnerons sa position à la base une fois que nous aurons récupéré les femmes. D’accord ? »

 

Après un moment, Andrews hoche la tête, avec une sorte de résignation. « Il méritait mieux. Mais j’imagine que vous avez raison. C’est le mieux qu’on puisse faire pour lui. »

 

 

 

 

 

NDLT : un merci spécial à Annaïck pour son aide d’un soir dans les méandres de l’œuvre de Mr Victor Hugo :O)

 

 

Table des matières

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