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LA FACE AVEUGLE DE L'AMOUR21

Page history last edited by PBworks 15 years, 9 months ago

LA FACE AVEUGLE DE L'AMOUR

 

 

par Dreams

 

Traduction : Emilie (happymeal@hotmail.fr)

 

 

 

 

Table des matières

 

 

Chapitres 45, 46 et 47.

 

 


 

 

Chapitre 45

 

« Tu dois le faire, » supplia Leigh, le lendemain matin. « S’il te plaît. »

 

Kris prit une gorgée du café qu’elle tenait dans sa main et regarda son amie. « Mais qu’est-ce que je ferai là-bas ? » questionna-t-elle, pas du tout emballée à l’idée d’accompagner Leigh sur le plateau du film. Elle s’y sentirait tellement en intrus. Comme un élément du décor… ou un projecteur.

 

« Tu peux regarder ! » répondit Leigh comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. « Allez, j’en ai déjà parlé avec la directrice. Tu ne dérangeras personne. »

 

« Mais c’est le premier jour, » répondit Kris, hésitant à accepter la requête de Leigh pour une tonne de raisons. « Je me sentir vraiment la à l’aise. »

 

Leigh fronça les sourcils. « Je ne peux pas le faire sans toi, Kris, » dit-elle en pleurnichant légèrement. « J’aurai une crise cardiaque à tout les coups. S’il te plaît. J’aurai vraiment besoin de toi là-bas. Tu pourras partir quand tu voudras si tu te sens mal. »

 

Kris aurait souhaité avoir plus de conviction lorsqu’il s’agissait de dire non. « Ok, » accepta-t-elle enfin. Mais ça ne lui plaisait pas, elle était sûre de se sentir ridicule à se tenir là sans rien faire. Elle pourrait peut-être entrer avec un calepin. Elle pourrait alors dessiner.

 

Leigh soupira de soulagement. « Merci, » dit-elle.

 

Kris fit un mouvement de tête vers le petit déjeuner de Leigh. L’assiette était encore pleine. « Tu vas manger ? »

 

« Impossible, » répondit Leigh en éloignant l’assiette. « Mon estomac est complètement noué. J’ai de la chance d’avoir réussi à avaler un café. »

 

Kris finit sa propre tasse en hochant la tête et posa la tasse dans l’évier. « Tu es sûre que je ne dérangerait pas ? » demanda-t-elle.

 

« Je te promets que j’ai tout arrangé, » lui assura Leigh. Elle se leva et attrapa la main de Kris. Guidant Kris de la cuisine jusqu’à sa chambre, Leigh dit, « Il faut qu’on t’habille. »

 

Kris se laissa entraîner. Une fois dans la chambre, Leigh lâcha sa main et s’approcha du placard. « Qu’est-ce que tu fais ? » demanda Kris.

 

« Il faut te trouver des vêtements appropriés, » expliqua Leigh. Elle commença à fouiller parmi les vêtements devant elle. « Non… non... Peut-être… euh… mon dieu non… »

 

Kris se tenait en arrière et regardait son amie en action. Cela prit quelques minutes, mais Leigh finit par se décider et jeta les affaires à Kris.

 

« Je vais nettoyer la cuisine pendant que tu t’habilles, » l’informa Leigh en fermant la porte derrière elle.

 

Kris regarda la porte fermée puis les vêtements dans ses bras. « Elle est tellement bizarre, » se marmonna-t-elle. Elle se résigna à l’inévitable en secouant la tête.

 

****

 

Julianne prit une gorgée de sa canette de Sprite. Ça ne changeait rien à sa fatigue, mais c’était bon. Sachant qu’elle n’avait pas du tout dormi la nuit passée, elle n’était pas sûre que la caféine soit assez forte pour la faire tenir toute la journée.

 

Un regard au plateau lui confirma qu’elle était la première actrice sur place. Quelques personnes de l’équipe construisaient ce qui ressemblait à une chambre. Mais ils paradaient la plupart du temps devant elle, apportant du matériel, ou chargés de transmettre les ordres du directeur assistant

 

Naomi Mosier se faufila derrière Julianne sans que l’actrice ne la remarque. « Vous êtes arrivée tôt, » remarqua la directrice.

 

Surprise, Julianne tourna la tête pour faire face à la directrice. « Je suis une lève-tôt, » répondit-elle. Surtout quand je ne dors pas.

 

Naomi sourit. « On dirait bien. » Avant que la directrice ne puisse ajouter un mot, elle était appelée autre part par le travail.

 

Julianne l’observa s’éloigner, désarçonnée par les manières de la directrice. « Pas encore influencée par Hollywood, » décida-t-elle en silence. « Ça ne durera pas. » Elle reprit sa surveillance des alentours et essaya d’ignorer le fait qu’elle anticipait secrètement l’arrivée de Leigh.

 

Ennuyée, et n’ayant rien de mieux à faire que d’attendre, Julianne plongea la main dans son sac et en sortit son achat le plus récent: Harry Potter et

la Chambre

des Secret. Elle sourit légèrement face à la couverture. Kris avait vu juste; elle ne pouvait pas ne pas lire le deuxième livre. Mais elle refusait toujours de lire le troisième. Et ne parlons pas du quatrième.

 

Souriant en amusement, elle ouvrit le livre et commença à lire.

 

*****

 

Kris s’assurait de toujours rester près de Leigh. Elle était terrifiée, et elle ne participait même pas au film. Kris n’avait aucune idée de comment se sentait Leigh. En fait, elle était bien trop nerveuse pour y réfléchir vraiment.

 

Elles arrivèrent au plateau, qui ressemblait plus à un entrepôt désaffecté qu’à autre chose. La sécurité n’était pas très serrée. En fait, Kris et Leigh entrèrent comme si elles possédaient les lieux. Personne ne les arrêta.

 

L’intérieur de l’entrepôt-plateau était bien plus accueillant que l’extérieur. Kris observait les environs avec admiration. Une fausse chambre semblait être le centre d’intérêt. Il y avait des gens portant des spots, portant des câbles, des échelles et des pots de peinture. Tout le monde avait l’air occupé.

 

Excepté une personne.

 

Kris loucha sur l’individu. « C’est elle ? » murmura-t-elle à Leigh en indiquant la silhouette solitaire assise sur le sol dans un coin, complètement envoûtée par un livre.

 

« C’est elle, » confirma Leigh. « Viens. Allons lui parler. »

 

Kris se figea. « Tu es sérieuse ? »

 

Leigh jeta un regard aux alentours. « Je ne vois pas la directrice. Julianne sait probablement ce qu’il se passe, » expliqua-t-elle, logique.

 

« Tu l’appelles déjà par son prénom ? » questionna Kris, curieuse, en essayant de gagner du temps. Elle n’avait pas prévu de parler avec Julianne Franqui. Elle avait prévu de se tenir dans un coin en ayant l’air ennuyée. Tout activité plus complexe était bien au-delà de son domaine de compréhension.

 

Leigh n’avait pas l’air de vouloir s’approcher plus de l’actrice. « Elle a l’air plutôt occupée, » dit-elle après un moment. « On devrait peut-être se contenter d’attendre Naomi. »

 

Kris était on ne peut plus d’accord. « Qui est Naomi ? »

 

« La directrice, » dit Leigh en jetant un coup d’œil à Kris. « Je te l’ai dit un million de fois. »

 

Exact. Elle le savait. « Désolée, je suis juste un peu submergée, » expliqua Kris. Elle observa les alentours à nouveau, essayant de deviner qui était la directrice.

 

Un instant plus tard, elle eut la réponse. Naomi Mosier apparut face à elles, un sourire sur les lèvres. « Heureuse de vous voir, Leigh, » dit la femme en serrant la main de Leigh. Elle regarda Kris, curieuse. « Je suis Naomi. »

 

« Kris, » se présenta-t-elle. « Merci de m’avoir laissée venir sur le plateau. »

 

Naomi sourit facilement. « Heureuse de vous avoir avec nous, » répondit-elle. Elle observa les alentours un moment. Rien n’avait l’air de nécessiter son attention. Le chaos avait probablement un sens pour elle. Elle regarda Leigh. « J’attends simplement que tout le monde soit là. Ensuite nous pourrons commencer. »

 

Leigh hocha la tête.

 

La directrice sourit, fit un hochement de tête à Kris, et s’excusa.

 

Kris était soulagée qu’on ne lui ait pas crié dessus pour être entrée sur un plateau privé. La directrice avait l’air gentille. Jeune, aussi.

 

« Ne restons pas dans le passage, » suggéra Leigh en guidant Kris vers un mur. Elles s’adossèrent toutes deux et observèrent les alentours.

 

Kris suivait du regard la directrice à chacun de ses mouvements. La blonde marchait à droite à gauche. Tout le monde semblait vouloir lui parler de quelque chose. Certains avaient l’air contrariés, d’autres relativement calmes. Malgré leur état, la jeune directrice restait calme et polie. Kris se demandait quel genre de personne pouvait rester aussi posé face à tant de pression.

 

De temps à autre, Kris remarquait que la directrice regardait Julianne Franqui. Pour sa part, l’actrice semblait parfaitement inconsciente de ce qui l’entourait. Le livre qu’elle lisait, quel qu’il soit, retenait toute son attention. La directrice observait l’actrice puis tournait à nouveau son attention vers la personne à laquelle elle parlait.

 

Malgré elle, Kris s’amusait à regarder les interactions entre les membres de l’équipe. « Qui d’autre joue dans ce film ? » se surprit-elle à demander. Kris s’était aperçue qu’à part Julianne Franqui, elle n’avait aucune idée de qui partagerait l’écran avec sa meilleure amie.

 

Leigh haussa les épaules. « Je n’en ai aucune idée, » répondit-elle. Elle indiqua Julianne du menton. « J’aurais pensé qu’elle serait entourée de gens. »

 

Kris observa l’actrice dont le nez restait plongé dans le livre. Elle avait du mal à se faire à l’idée que la personne assise à quelques mètres d’elle était celle qu’elle avait vue si souvent à la télévision. C’était presque irréel. « Je pensais qu’elle donnerait des ordres aux gens autour d’elle, » murmura-t-elle.

 

Leigh haussa les épaules.

 

« Tu sais ce qu’elle lit ? » demanda Kris en essayant d’apercevoir la couverture du livre que tenait Julianne. Elle avait l’impression de la connaître.

 

« Je crois que c’est < i>Harry Potter, » répondit Leigh sur un ton amusé. « J’imagine qu’elle aime la lecture facile. »

 

Kris sourit. « Je ne peux rien dire, » admit-elle. « J’ai dit à Julia de le lire. J’ai promis que je lirais

La Couleur

Pourpre

si elle le faisait. »

 

« Vous êtes bizarres, » dit Leigh en riant. Elle regarda à nouveau Julianne. « Et si on allait lui parler ? »

 

« Pour dire quoi ? » demanda Kris.

 

« Je ne sais pas, » dit Leigh. « Mais on a déjà fait la première étape. Lui parler ne devrait pas être si dur. »

 

Kris haussa les épaules. « Si tu veux aller lui parler, fais toi plaisir. Je reste où je suis. »

 

« Mais vous avez quelque chose en commun, » annonça Leigh.

 

« Et cette chose est…? » lui demanda Kris.

 

Leigh sourit. « Vous aimez toutes les deux Harry Potter. »

 

*****

 

Julianne gardait le regard fixé sur le livre dans ses mains, mais elle ne lisait pas les mots sur la page. Elle se concentrait sur sa respiration. Elle se concentrait pour ne pas s’évanouir. Elle se concentrait pour garder les yeux collés au livre. La dernière chose qu’elle voulait était de croiser le regard errant de Kris.

 

Que fait-elle ici ? Julianne continuait de se le demander. Elle voulait tellement lever les yeux. Elle voulait tellement s’enfuir. Elle ne savait plus ce qu’elle voulait.

 

Après un moment, Julianne réalisa qu’elle n’était pas convaincante en prétendant lire. Elle regardait l’image de Dobby depuis dix minutes. Elle tourna la page et essaya de se concentrer. Mais elle n’avait en fait pas lu la page précédente. Elle se mit à débattre pour savoir si oui ou non elle devait revenir en arrière. Est-ce que cela se verrait ? Est-ce que Kris la regardait seulement ?

 

Julianne leva presque la tête pour regarder. Elle se rattrapa juste à temps. Ne regarde pas. Si tu la regardes, tu ne t’arrêteras plus. Puis tu commenceras probablement à baver, ou à faire quelque chose dans ce genre et…

 

« Bon livre ? »

 

Merde. Julianne prit une seconde pour jurer silencieusement et leva les yeux pour trouver Leigh qui la regardait. Kris se tenait un peu en arrière, et regardant partout sauf vers Julianne. La technique marcha, car Julianne regardait partout sauf vers Kris. Enfin, Julianne croisa le regard de Leigh. « Une amie me l’a recommandé, » se surprit-elle à dire en baissant légèrement le regard.

 

« Quelle coïncidence, » dit Leigh en se tournant légèrement pour regarder Kris. Elle dit à Julianne, « J’ai pensé venir me présenter. Je n’ai pas pour habitude d’embrasser quelqu’un et de partir tout de suite après. » Elle s’arrêta une seconde pour réfléchir à ses mots. « En fait, je l’ai fait une fois avec ce type vraiment horrible à ce qu’il faisait. Il bavait énormément. C’était vraiment écoeurant et je… m’emporte. Désolée. » Elle tendit la main. « Leigh Radlin. »

 

Julianne n’hésita qu’une milliseconde avec de serrer la main de Leigh. « Julianne Franqui, » dit-elle, bien qu’elles devaient probablement déjà le savoir. Inconsciemment, elle regarda Kris. Elle essaya de détourner le regard immédiatement mais Leigh l’avait remarquée.

 

Leigh indiqua Kris. « C’est ma meilleure amie, » dit-elle en introduction. « Elle a été assez gentille pour m’accompagner à cette petite fête. »

 

Julianne n’eut d’autre choix que de rassembler son courage et de regarder Kris. Deux yeux noisette rencontrèrent les siens avec hésitation. Julianne aurait tout donné pour regarder indéfiniment dans ces yeux. « Généralement, on vous appelle Ma Meilleure Amie ou avez-vous un autre nom par lequel je devrais vous appeler ? » demanda-t-elle, faisant tout en son pouvoir pour ne pas se noyer dans les yeux de Kris. Ou au moins ne pas s’évanouir en sa présence.

 

Les yeux de Kris se levèrent légèrement au commentaire de Julianne. Un demi sourire apparut aux coins de ses lèvres lorsqu’elle répondit. « La plupart des gens m’appellent Kris, » dit-elle. « Kris Milano. »

 

Julianne réfléchit à se présenter comme Complètement Accro. Parce que c’était le cas. Pas de doute là-dessus. « Heureuse de vous rencontrer, » dit-elle.

 

« On peut se joindre à vous ? » demanda Leigh en pointant le sol près de Julianne.

 

L’actrice secoua la tête.

 

Leigh s’assit à côté de Julianne, et Kris suivit le mouvement, hésitante. Lorsqu’elles furent toutes deux assises, Leigh regarda Julianne. « Vous savez qui d’autre est dans le film ? » demanda-t-elle avec curiosité.

 

Julianne dut admettre qu’elle n’en avait pas la moindre idée. Eric lui avait donné plusieurs noms à un moment ou à un autre, mais ils ne lui étaient pas restés en mémoire. « Qui jouez-vous ? » demanda-t-elle, bien qu’elle connaisse déjà la réponse.

 

« Votre sœur, » répondit Leigh. « C’est bizarre de passer de votre petite amie à votre sœur. »

 

Julianne se surprit à rire. Elle n’avait encore jamais senti un pareil mélange d’aise, d’amusent et… de nausée. Elle avait parlé à Leigh plusieurs fois au téléphone. Elle avait parlé à Kris une centaine de fois. Et aucune des deux n’en avait la moindre idée. Julianne se sentit légèrement isolée. Mais ça ne changeait pas le fait que dans ce monde pas-si-grand… elle les considérait comme ses amies. « C’est un bon rôle, » dit-elle.

 

Leigh hocha la tête. « Ça l’est, » confirma-t-elle. « Le votre est impressionnant. Je suis sûre que vous avez été enchantée quand vous avez lu le script pour la première fois. »

 

Les souvenirs de son embrouille avec Adrian, de ses nuits blanches et de sa conversation avec Kris revinrent à Julianne. « C’est un bon rôle, » répondit-elle. Elle aurait probablement menti en disant autre chose. Julianne regarda Kris, mécontente qu’elle garde le silence. Julianne pouvait penser à mille et une choses à dire à l’artiste silencieuse. Et chaque de ces choses la trahirait.

 

Leigh aperçu le regard de Julianne. « J’ai en quelque sorte dû la traîner de force, » expliqua-t-elle à Julianne.

 

Julianne ne répondit pas. Elle pensait à tellement de choses qu’elle avait du mal à se concentrer sur de simples mots. Tout d’abord, elle n’était pas encore habituée à ce que Kris la regarde. Essayer de découvrir l’impression qu’elle lui faisait était exténuant. Julianne voulait lui dire tellement de choses. Tellement de choses qu’elle devait garder cachées. Et cela faisait seulement cinq minutes qu’elles s’étaient rencontrées.

 

« Oh mon Dieu! » s’exclama doucement Leigh en tirant sur le bras de Kris. « Voilà Jeremy. Celui dont je t’ai parlé. »

 

Julianne regarda la personne qu’indiquait Leigh et remarqua l’assistant de Naomi Mosier. Elle fit de son mieux en l’observant, mais elle avait beau essayer, elle ne comprenait pas ce que Leigh lui trouvait. Elle regarda plutôt Kris, et fut ravie de voir qu’elle non plus n’avait pas l’air particulièrement impressionnée.

 

« Il est… mignon, » dit enfin Kris.

 

Julianne sourit intérieurement, ravie de la réponse de Kris. Elle essaya de ne pas penser au fait que Kris avait maintenant un petit ami dont elle se vantait sûrement.

 

« Je vais aller lui parler, » annonça Leigh.

 

Kris parut surprise. « Quoi ? »

 

Julianne elle-même paniqua à l’idée d’être seule avec Kris. Ne pars pas s’il te plaît. Ne pars pas s’il te plaît.

 

Leigh se leva. « Je reviens, » dit-elle. Elle regarda Julianne. « Kris adore Harry Potter. » Cela dit, elle s’éloigna.

 

Julianne comprit enfin qu’elle rêvait. Elle ne pouvait encore décider si c’était un cauchemar ou non.

 

*****

 

Kris était prête à tuer sa meilleure amie. Elle n’arrivait pas à croire que Leigh venait de la laisser seule avec Julianne Franqui. Qu’était-elle sensée lui dire ? Elles pouvaient peut-être rester là en silence. Si Kris ne disait rien, Julianne finirait peut-être par s’ennuyer et retournerait à sa lecture.

 

« Personnellement, je préfère Hermione, » entendit-elle commenter l’actrice.

 

Kris mit un moment avant de réaliser qu’elle parlait du livre. « Dumbledore est mon préféré, » se surprit-elle à dire tout en ayant du mal à croire qu’elle parlait des personnages de Harry Potter avec Julianne Franqui. Et pourtant… c’est ce qu’elle faisait.

 

« Il me rappelle M. Bennet, » dit Julianne.

 

Kris regarda dans une paire d’yeux azur qui brillaient avec plus d’intensité que tout ce qu’elle avait vu jusqu’ici. Elle savait maintenant pourquoi tant de gens trouvaient Julianne Franqui intimidante. Et pourtant, Kris la trouvait seulement…

 

« Pride and Prejudice, » expliqua Julianne avant que Kris n’ait la possibilité de dire un mot. « C’est le père d’Elizabeth. Le même genre de sarcasme parental. »

 

Kris haussa un sourcil, indécise sur la réponse à donner. « Je n’ai pas lu ce livre, » admit-elle.

 

« C’est un bon libre, » dit Julianne. « Lisez-le si vous vous ennuyez un jour. » Elle s’arrêta. « Enfin, si vous voulez. Vous n’y êtes pas obligée, bien sûr. »

 

Il y avait quelque chose d’étrangement familier avec Julianne Franqui, et Kris n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. C’était probablement dû au fait qu’elle avait vu tellement d’interviews d’elle à la télévision ces deux derniers mois. « Je le lirai peut-être, » répondit-elle. Elle arracha son regard de l’actrice pour chercher Leigh dans la foule. Elle la trouva un instant plus tard, en grande conversation avec Jeremy.

 

« Vous savez, si elle veut que je dise qu’elle embrasse bien… »

 

Le regard de Kris revint immédiatement sur Julianne. Les mots pénétrèrent l’esprit de Kris et une seconde plus tard, elle se surprit à rire. « Ne la laissez pas vous entendre dire ça, elle vous prendrait au mot. »

 

Julianne sourit.

 

Le sourire surprit Kris. Elle l’avait vu des millions de fois à la télévision, mais il ne lui avait jamais paru aussi sincère que celui qu’elle voyait aujourd’hui. Cela lui donna un étrange sentiment de satisfaction de savoir qu’elle, Kris Milano, venait à l’instant de faire sourire Julianne Franqui.

 

Mais elle se souvint rapidement qu’elle s’en fichait. Royalement

 

 

 

*************

 

Chapitre 46

 

 

 

Julianne s’assit sur le sol de son nouvel appartement. La seule chose qu’elle avait daigné déballer était son téléphone, qui reposait à quelques mètres d’elle. Face à elle, le script de

La Fin

de l’Été, ouvert à l’un des passages qu’elle peinait à mémoriser. L’appartement était sombre à part les quelques bougies allumées et éparpillées autour d’elle. Des cartons formaient de nombreuses colonnes autour de ce qui deviendrait un jour un salon. Enfin, si Julianne décidait de garder l’appartement après le tournage. Autrement, elle ne déballerait probablement rien. Elle sortirait ses affaires selon ses besoins.

 

Julianne essayait de se concentrer sur le script depuis maintenant une heure et demie, mais elle ne pensait qu’à Kris. Leur conversation n’avait pas duré très longtemps. Leigh était revenue en agitant le numéro de Jeremy en signe de victoire. Peu après, le reste du casting était arrivé et Naomi les avait réunis.

 

Julianne loucha sur les mots devant elle, essayant désespérément de leur donner un sens. Mais plus rien n’avait de sens.

 

La sonnerie du téléphone arracha Julianne de sa torpeur. « Allô ? » accueillit-elle. Depuis son dérapage avec Kris, Julianne avait décidé que décrocher en annonçant ‘Franqui’ était une mauvaise idée. A moins que Kris pense que Julianne était tout le temps au téléphone avec le nettoyeur de sa piscine.

 

« Tout va bien à New York ? »

 

Julianne sourit en entendant la voix d’Adrian. Elle détestait l’admettre, mais elle se sentait seule sans lui. « Tu me connais, je sors tous les soirs. »

 

Adrian rit. « Désolé de t’interrompre, » la taquina-t-il. « J’ai manqué quelque chose ? Tu as embrassé d’autres jolies filles ? »

 

« Mon côté errant lesbien est apparu par-ci par-là, » répondit Julianne. « Mais j’ai réussi à me contrôler la plupart du temps. »

 

« Si seulement c’était vrai. »

 

« Que je suis capable de me contrôler ? »

 

« Non. Le côté errant lesbien, » éclaircit Adrian. « Alors, qu’est-ce que tu as fait ? »

 

Julianne baissa les yeux sur le script au sol. À part ses essais infructueux pour le mémoriser, elle n’avait pas fait grand-chose. « Comme d’habitude, » dit-elle. « Mais euh… » Incapable de trouver une manière subtile d’introduire le sujet, elle décida de le lancer tel quel. « J’ai rencontré Kris aujourd’hui. »

 

Il y eut une courte pause de la part d’Adrian, suivit d’un, « Répète-moi ça ? »

 

« Leigh l’a amenée au plateau, » expliqua Julianne. « Avant de nous laisser seules pendant qu’elle flirtait avec l’assistant de la directrice. »

 

« Et… ? »

 

« On a parlé d’Harry Potter. »

 

« C’est tout ? Tu lui as dit que tu es… »

 

« Oui bien sûr, » l’interrompit Julianne. « Je ne peux pas lui dire comme ça. »

 

Adrian soupira. « Tu ne crois pas que le Destin essaie de te dire quelque chose ? »

 

« Si, » reconnut Julianne. « Il me dit qu’Internet est un moyen horrible de rencontrer des femmes. »

 

« Ou parfois le bon moyen. »

 

Julianne préférait son interprétation du Destin. Celle d’Adrian était… compliquée. « Bref, » dit-elle enfin.

 

Adrian comprit immédiatement. « Alors… Harry Potter ? Je sais que tu es nouvelle à ça, Julianne, mais si tu veux que je t’apprenne de meilleurs sujets de conversation, je t’aiderai avec joie. »

 

« En fait, j’en aurai sûrement besoin, » dit Julianne, sans une touche d’humour dans la voix. « La directrice veut qu’on sorte pour faire des recherches sur le style de vie des lesbiennes. »

 

La première réaction d’Adrian fut de rire. Suivit de près par, « Quel genre de recherches. »

 

« Pas celui auquel tu penses, » répondit Julianne. Elle s’interrompit pour réfléchir au discours de Naomi. « Quelque chose comme se mettre à leur place. »

 

Adrian ricana. « Je suis sûr que ça sera très dur pour toi. »

 

Julianne ignora le commentaire. « Tu sais quoi, j’en sais strictement rien. Je suis tellement détachée du reste du monde que je n’ai aucune idée de ce que ça peut faire d’être lesbienne. »

 

« Bien sûr que si, » répliqua Adrian. « Tu es une lesbienne célèbre, je te rappelle. »

 

« Je ne suis pas une lesbienne célèbre. »

 

« Si tu l’es. Ils ne le savent pas, c’est tout. »

 

Julianne secoua la tête. « Qu’est-ce que je dois faire ? Aller à la librairie et lire des livres sur le sujet ? Sortir en boîte ? Les deux ? » Elle réfléchit à sa propre question. « Je devrais probablement aller à la librairie puisque le film se déroule dans les années 1920. Je ne crois pas qu’une lesbienne pourrait m’aider à comprendre mon personnage. »

 

« Tu devrais quand même y aller. »

 

« Pourquoi ? »

 

« Parce que tu en as envie, » répondit Adrian.

 

Julianne leva les yeux au ciel. « Comme si ça n’allait pas faire la une des journaux demain: ‘D’ange à Super Gay… le récit complet de la transformation de Julianne Franqui.’ »

 

Adrian fut prit d’un fou rire. Il réussit à prononcer les mots, « Super Gay, » avant d’être emporté par un nouvel éclat de rire.

 

« Ok, bonne nuit, Adrian, » commença Julianne. Lorsqu’elle n’eut d’autre réponse que des éclats de rire, elle dit, « Je te rappellerai. » Puis elle raccrocha le téléphone.

 

Son attention fut attirée par l’ordinateur portable, toujours dans sa housse. Elle avait évité ses emails toute la journée, mais n’en pouvait plus d’attendre. Que dirait Kris de leur rencontre ? Voulait-elle vraiment savoir ? Kris avait-elle seulement écrit aujourd’hui ? Elle regardait le sac de cuir noir, partagée entre son désir de ne pas savoir, et celui de ne pas attendre une seconde de plus pour découvrir la réponse.

 

La curiosité finit par l’emporter.

 

Elle tira l’objet jusqu’à elle, et attendit qu’il s’allume. L’email qu’elle avait attendu et redouté avait pour titre: « Tu ne devineras jamais la journée que je viens de passer… »

 

« Je suis sûre que si, » répondit Julianne à l’écran de l’ordinateur. Après un moment, elle double-cliqua.

 

 

Chère Julia,

 

Ce matin, Leigh m’a convaincue de venir au plateau du film avec elle. Je ne voulais vraiment pas y aller. Mais bien sûr, je ne pouvais pas refuser. Je dois travailler mon assurance. ;)

 

Bref, j’y suis allée. Bla bla, voyage en train ennuyant. Nous sommes arrivées, et devine qui était assise dans un coin à lire Harry Potter ? Julianne Franqui! Sans raison, Leigh s’est dit que parler avec Julianne Franqui serait une bonne idée. Je n’ai pas pu la convaincre du contraire. Elle m’a donc traînée. Ensuite elle a eu le culot de me laisser seule ! J’aurais pu la tuer.

 

Je n’ai donc eu d’autre choix que de parler avec l’actrice que j’ai détesté dès le premier jour. Et tu sais ce qui est bizarre ? Je crois que je ne la déteste plus. Elle m’a conseillé de lire Pride and Prejudice… tu l’as lu ? Pourquoi je rencontre toujours des femmes qui me disent de lire quelque chose ? Ca doit être un don. :)

 

Ok, donc je l’ai vue de près, et en personne… À quel point lui ressembles-tu ? ;) C’est une manière subtile de te demander une photo :)

 

Passons à mon sujet de conversation suivant. Apparemment, la directrice de Leigh veut que les acteurs principaux sortent et découvrent le style de vie des lesbiennes… alors bien sûr, Leigh m’emmène aussi. Elle veut aller au… Cat Mix ? Quelque chose comme ça. Je suis presque sûre qu’il y avait chat dedans. J’espère que ce n’était pas l’autre mot.

 

Je suis un peu effrayée. Mais si je repère quelque jolie lesbienne, je lui donnerai ton numéro ;) Je plaisante. Je suis sûre que tu me tuerais si je le faisais.

 

Il n’y a vraiment personne qui te plaît ? Allez Julia, avoue :)

 

Je n’ai pas dit à Anthony que je vais dans un bar lesbien. Je suis sûre qu’il désapprouverait, de toute façon. Je crois que c’est une chose qui ne me plaît pas chez lui… il est un peu homophobe. Je ne lui ai même pas encore parlé de William. Ce n’est pas bon signe, pas vrai ? Hum. Je pourrai peut-être le ramener du côté des gens ouverts d’esprit. Ca vaut le coup d’essayer.

 

Bon, je dois aller me préparer. Qu’est-ce qu’il faut porter là-bas ? Euh. Il est temps de fouiller le côté obscur du placard. Mais j’ai encore du temps... Leigh ne veut pas y aller avant minuit. Je crois que je l’ai entendue vider son placard. Je devrais peut-être aller l’aider avant qu’elle ne casse quelque chose…

 

Souhaite-moi bonne chance :)

 

Je t’embrasse,

Kris

 

 

Julianne observa l’email qu’elle venait de lire, incertaine de la réaction à adopter aux mots à l’écran. Sans y penser, elle regarda l’heure au coin de l’écran. Il était 11h20. « Non, » dit-elle fermement. « Je ne ferai pas ce que je viens de penser. »

 

Elle se surprit à regarder à nouveau l’heure. Contre sa volonté, son esprit calcula le temps nécessaire pour atteindre sa destination. « Je n’irai pas, » se résolut-elle. « C’est une belle idée, mais non. Des complications. Des tonnes de complications. Un lot énorme de complications! » Elle soupira. « Et je recommence à me parler à moi-même. »

 

Julianne regarda l’appartement sombre, silencieux, vide et par-dessus tout déprimant. Résignée à une nouvelle nuit de solitude, elle ferma l’ordinateur portable et attrapa le script. « Je dois me concentrer. »

 

*****

 

« Bon, » commença Kris sur la défensive, « j’aurai vingt et un ans dans trois jours. » Elle s’adossa au mur du club qui venait de la refuser.(NDLT: 21 ans est l’âge de majorité aux Etats-Unis)

 

Leigh hocha la tête. « On reviendra pour ton anniversaire, » décida-t-elle.

 

« Rien de mieux que d’aller dans un bar lesbien le jour de ses vingt et un ans, » commenta Kris sèchement, même si peu lui importait. Pas vraiment. En fait, elle était déçue qu’elles n’aient pas réussi à entrer. Ou plutôt qu’elle n’ait pas réussi à entrer. Leigh avait eu vingt et un ans le mois passé.

 

Leigh regarda les alentours. « Qu’est-ce que tu veux faire ? » demanda-t-elle.

 

Kris haussa les épaules. « Pourquoi tu n’entrerais pas ? » suggéra-t-elle. « C’est ton projet de recherches. Je vais rester ici. »

 

« Dehors ? » demanda Leigh, dubitative. Elle regarda autour d’elle. « C’est dangereux. »

 

Kris se rapprocha de la porte. « Je suis sûre que si je crie, une tonne de lesbiennes viendront à mon secours, » plaisanta-t-elle. Elle fit un geste en direction du bar. « Je t’attendrai. J’ai amené un carnet de dessin, de toute façon. Je ne m’ennuierai pas. »

 

Leigh fronça les sourcils, l’idée ne lui plaisait pas particulièrement. « Ça ne me dérange vraiment pas de revenir dans quelques jours, » dit-elle.

 

« Oui, mais d’ici là, le film sera déjà lancé et tu n’auras plus le temps de sortir comme ça, » répondit Kris. « Et puis on est déjà là. Autant en profiter. »

 

Leigh hésita mais ne répondit pas. « Ok, » dit-elle après un moment. « Mais tu restes près de la porte, et si tu vois quelque chose de bizarre, tu entres immédiatement. » Elle leva les yeux vers l’enseigne. « Je n’arrive pas à croire que je vais faire ça. »

 

« C’est pour une bonne cause, » lui assura Kris.

 

Leigh hocha la tête, encouragée par ces mots. « Le rôle, oui. » Elle regarda à nouveau les environs. Kris ne savait pas si c’était pour s’assurer que personne ne la reconnaîtrait, ou pour vérifier que personne n’avait l’air suspect. « Ok, j’entre. »

 

« Je croyais que c’était ‘sortir du placard’ ? » Kris sourit.

 

« Ha. Ha, » répliqua Leigh en atteignant la porte. « Je serai probablement terrifiée dans cinq minutes. Je ne serai pas longue, promis. »

 

Kris lui fit un geste de la main. « Amuse-toi bien. »

 

Et Leigh disparut à l’intérieur. Ennuyée et seule, Kris posa sa tête contre le mur derrière elle et observa l’activité nocturne de la ville. Beaucoup de gens étaient de sortie; la plupart apparemment saouls. Elle s’assura de rester près de la porte, au cas où. Mais personne ne semblait la remarquer, et elle en était soulagée.

 

Elle avait vraiment apporté un petit carnet de croquis avec elle. On ne sait jamais quand on peut en avoir besoin. Après quelques minutes, elle décida qu’elle mourrait d’ennui si elle ne commençait pas à dessiner immédiatement. Elle sortit donc le petit carnet et se mit à l’œuvre. Elle ne savait pas combien de temps les lesbiennes réussiraient à garder l’attention de Leigh.

 

*******

 

Julianne se maudit lorsqu’elle sortit de son appartement. Et lorsqu’elle traversa le couloir. Et dans l’ascenseur. Elle se maudit sur le chemin du métro. Et dans le métro. Et elle se maudissait toujours lorsqu’elle trouva le bar.

 

Je ne fais que passer, décida-t-elle. Je me promène, c’est tout. C’est une belle nuit. Rien de mal à se promener.

 

Julianne s’apprêtait à traverser la rue lorsqu’elle remarqua la silhouette assise à quelques mètres d’elle. Elle se figea. Fais demi tour. Elle ne t’a pas vue. Retourne à l’appartement et plonge-toi dans de l’eau froide. En fait, grimpe dans le frigo, et restes-y.

 

Mais bien sûr, elle ne s’écouta pas. Probablement parce que son cœur battait si fort qu’elle n’entendait plus rien. Complications, complications, chantonnait son côté le plus rationnel. Malheureusement, la logique n’était pas de son côté cette nuit. Il y avait un côté d’elle bien plus important qui l’encourageait à trouver quelque chose à dire.

 

Mille et une possibilités traversèrent l’esprit de Julianne alors qu’elle traversait la rue. Le monde est petit. Où que j’aille, vous êtes là. Vous me suivez ? Toutes stupides. Et pourtant, il est clair que je suis idiote.

 

A environ un mètre de Kris, Julianne s’arrêta. Elle était presque à destination et ne savait pas quoi dire. Elle pouvait peut-être faire semblant de ne pas voir Kris et essayer de passer devant elle. Et si elle ne te remarque pas, que feras-tu ? Tu te retourneras et tu feras des va-et-vient jusqu’à ce qu’elle te remarque ?

 

Probablement.

 

Je suis folle. Je suis complètement folle.

 

Kris choisit ce moment pour lever les yeux de son occupation. Un dessin, apparemment. Ses yeux noisette parcoururent les environs avant de tomber finalement sur Julianne. La reconnaissance fut lente, mais une fois terminée, la surprise prit le dessus. Et quelque chose d’autre que Julianne ne put déchiffrer.

 

Julianne réduisit l’espace entre elles. Elle leva les yeux vers l’enseigne du bar et sourit à Kris. « Vous venez souvent ici ? » C’était une phrase dont Adrian serait fier.

 

De toute évidence, Kris fut prise au dépourvu. Mais elle dit, « Leigh essaye de contacter son côté lesbien. »

 

« Pourquoi êtes-vous dehors ? » demanda Julianne.

 

Kris haussa les épaules. « Pas vingt et un ans, » répondit-elle.

 

Julianne se rappela immédiatement que l’anniversaire de Kris était proche. En fait, elle n’avait pas oublié; elle ne pourrait pas oublier. Pourtant, le fait qu’elle n’ait pas trouvé le cadeau idéal la gênait. « Je vois, » dit-elle.

 

« Vous vouliez entrer, aussi ? » demanda Kris au bout d’un moment.

 

Julianne chercha la meilleure réponse. Pour tout dire, elle voulait seulement être là où Kris se trouvait. Mais elle ne pouvait l’admettre. « Je préfère rester dehors, » répondit-elle enfin.

 

Kris parut surprise mais ne posa pas d’autre question. « Leigh devrait sortir d’un moment à l’autre, » dit-elle. « Elle y est depuis plus d’une demi-heure. Je ne pense pas qu’elle reste encore très longtemps. »

 

Julianne fronça légèrement les sourcils. Elle n’aimait pas l’idée que Kris avait passé tant de temps assise là. Et seule. « Vous vous ennuyez ? » demanda-t-elle.

 

« Pas vraiment, » répondit Kris en levant un petit carnet de croquis.

 

« Vous êtes une artiste, » dit Julianne. Ce n’était pas une question puisqu’elle connaissait déjà la réponse.

 

Kris hocha légèrement la tête. « Quelque chose comme ça, » répondit-elle.

 

« Je peux voir ? » Julianne montrait le carnet. Elle ne savait pas d’où lui venait ce courage, mais elle comprit que c’était bien mieux que de rester assise à baver et à bavasser de manière incohérente.

 

Kris hésita un instant, puis lui tendit le carnet. Julianne s’assura que ses doigts ne touchent pas les œuvres. « Ce n’est pas grand-chose, » dit Kris, clairement embarrassée à l’idée que Julianne Franqui regarde ses dessins. « Ce ne sont que des griffonnages, vraiment. »

 

Julianne essaya de ne pas sourire devant la nervosité de Kris. Si seulement elle entendait la vitesse à laquelle bat mon cœur. Elle baissa les yeux vers le carnet dans ses mains et l’ouvrit à la première page. Wow. Elle perdait le souffle à chaque page. « Vous êtes incroyable, » se surprit-elle à dire. Elle leva les yeux et rencontra deux yeux noisette surpris. « Je veux dire, les dessins sont incroyables. Vous avez du talent. »

 

« Merci, » répondit Kris, un petit sourire au coin des lèvres.

 

La porte au-dessus d’elles s’ouvrit et Kris leva instantanément les yeux. Mais ce n’était pas Leigh. Deux femmes sortirent en riant hystériquement à une blague. Elles s’éloignèrent sans jeter un regard en direction de Kris et Julianne.

 

« Vous ne devriez pas faire vos recherches ? » demanda Kris au bout d’un moment.

 

Julianne regarda la porte puis haussa les épaules. « Je ne suis pas très bar, » répondit-elle. « C’est bondé, et enfumé, et… » Elle ne savait comment expliquer qu’elle ne voulait pas être surprise dans un bar gay, sauf si Kris y était. Elle haussa de nouveau les épaules.

 

Kris hocha la tête en silence.

 

Leur conversation à un point d’arrêt, Julianne en profita pour observer les rues fréquentées de New York. Même si les passants formaient un flot presque continu, personne ne semblait s’intéresser à qui elle était. Ou peut-être ne voulaient-ils pas qu’on remarque qu’ils regardaient intensément le bâtiment devant lequel elle était assise.

 

« Vous vous asseyez souvent devant des bars dans lesquels vous ne voulez pas entrer ? » demanda Kris.

 

Julianne sourit. « Je dois admettre que c’est une première, » répondit-elle. « Et vous ? »

 

Kris retourna le sourire. « C’est aussi une première. »

 

Julianne décida à ce moment et à cet endroit précis que si un million de caméras de télé apparaissaient devant elle, et que son secret était révélé au monde, le sourire de Kris en vaudrait la peine. Je suis complètement accro.

 

« Je peux vous demander pourquoi vous êtes ici ? » demanda Kris sur un ton léger et sans offense. « J’ai une bonne excuse… »

 

« Je me sentais seule et je cherchais quelqu’un avec qui parler, » répondit Julianne. Quelque part, c’était précisément la raison pour laquelle elle était là.

 

Kris rit. « Vous vous sentiez seule ? »

 

Julianne regarda Kris avec curiosité. Elle se demandait ce que Kris pensait qu’elle faisait de ses journées. « Vous êtes-vous déjà sentie seule… même en étant entourée d’une foule de gens ? »

 

La question prit de nouveau Kris de court. Les yeux noisette observèrent Julianne comme pour la première fois. Julianne en vint à se demander à quoi pensait Kris. « C’est ce que vous ressentez ? » demanda Kris, au lieu de répondre à la question.

 

« De temps en temps, » répondit Julianne, bien que ‘toujours’ soit plus exact.

 

Kris s’apprêtait à répondre lorsqu’elle une femme passa près d’elles. Elle allait entrer dans le bar lorsqu’elle remarqua Julianne.

 

Merde.

 

« Oh mon Dieu, » s’écria la femme. « Vous êtes Julianne Franqui ? »

 

Julianne craint que la fille fasse de l’hyperventilation. Elle sourit. « Dans le mille, » répondit-elle.

 

« Je savais que vous étiez gay, je le savais! » cria la fille. « Je peux avoir un autographe ? Je peux vous offrir un verre ? Vous voulez danser ? »

 

Julianne ne savait pas par où commencer. « Je bois peu, et je n’aime pas vraiment danser. Mais je peux vous signer cet autographe si vous voulez. »

 

« Carrément! » s’écria la fille. Elle commença à fouiller frénétiquement dans son sac. « J’ai un stylo quelque part. » Elle trouva enfin un marqueur fin et le tendit à Julianne. Une seconde plus tard, elle souleva son T-shirt pour exposer sa poitrine. « Signez le gauche. »

 

Julianne se mordit la lèvre. On ne lui avait encore jamais demandé de faire ça. Précautionneusement, en s’assurant de ne pas toucher de partie vitale, elle griffonna sa signature sur le sein gauche de la femme. « Et voilà, » dit-elle, rebouchant le marqueur avant de le rendre à la femme.

 

« Vous êtes sûre que vous ne voulez pas prendre un verre ? » Elle eut l’air de remarquer la présence de Kris à cet instant. Un sourire connaisseur apparut. « Oh, je vois. » Elle cligna de l’œil pour Julianne. « Merci pour l’autographe. »

 

« De rien, » répondit Julianne, profondément embarrassée. Elle ne voulait pas que la femme crie sur les toits que Kris était sa petite amie. Kris n’avait pas besoin de ce genre de publicité. Elle prit la main de la fille et la tira doucement. Dans son oreille, elle murmura, « J’apprécierais vraiment que vous gardiez ça pour vous. Juste entre nous. » Elle lâcha sa prise et offrit le sourire le plus mielleux qu’elle put.

 

La fille rougit violemment. « Je comprends. Pas de problème. » Elle sourit à Kris et disparut dans le bar.

 

Julianne savait qu’il valait mieux partir. Mais elle ne voulait pas se lever. Quelque part, rien ne lui paraissait plus important que d’être près de Kris. « Désolée pour ça, » s’excusa-t-elle rapidement. « Vous n’avez pas besoin de ce genre de rumeurs. »

 

« Elle est probablement en train de dire à tout le monde que vous êtes lesbienne, et vous vous en faites pour des rumeurs sur moi ? » demanda Kris.

 

Julianne plongea son regard dans celui de Kris et dit, très sérieusement, « Je suis habituée aux rumeurs à mon propos. Mais je n’aime pas qu’elles touchent les gens que j… » Elle se rattrapa. « …je connais. » Elle ne parvenait pas à croire qu’elle avait presque dit j’aime. A quoi pensait-elle ?

 

Kris s’aperçut de la pause. Elle regarda Julianne avec curiosité. « Je vois, » dit-elle. « Merci, » ajouta-t-elle après un moment. « Je suis sûre que si j’étais gay ça ne ferait pas un grand scandale. » Elle s’arrêta et réfléchit. « Sauf dans ma famille. »

 

Julianne sourit doucement. Elle se demandait ce qui pourrait se passer chez Kris si elle se découvrait gay. Même si ça n’arrivera jamais, se sermonna rapidement Julianne. En fait, elle devait tout le temps se remettre ça en tête. « Eh bien je n’ai pas encore fait le sujet d’un gros scandale, alors j’imagine qu’il est temps. »

 

Kris l’observa avec curiosité, comme indécise sur la manière de prendre le commentaire. Enfin, elle dit, « Je me demande ce qui prend tant de temps à Leigh ? »

 

Par réflexe, Julianne leva les yeux vers la porte. Elle ne pouvait distinguer l’intérieur. « Vous voulez que j’aille voir ? » proposa-t-elle.

 

« Vous voulez vraiment déclencher ce scandale, pas vrai ? » plaisanta Kris.

 

Julianne rit doucement. « Je ne veux simplement pas que vous restiez seule ici. »

 

« Vous êtes là, » remarqua Kris. Puis elle ajouta, « Sauf si vous avez autre chose faire ? »

 

« Non. Je n’ai rien d’autre à faire. » C’était la triste vérité. Sauf si on prenait en compte les pages de dialogue qu’elle devait toujours mémoriser. Mais à part ça…

 

Avant que Kris n’ait la chance de répondre, la porte s’ouvrit et cette fois Leigh sortit. En fait, elle tituba. Julianne se leva juste à temps pour l’empêcher de tomber.

 

Kris se redressa immédiatement. « Ça va ? » Elle s’approcha de sa meilleure amie et fut immédiatement assaillie par une odeur d’alcool. « Tu as bu ? »

 

C’était une question stupide puisque Leigh était visiblement saoule. « Cette lesbienne m’a mise au défi, » répondit Leigh d’une voix indistincte. « Il y avait l’autre qui faisait son intéressante. Elle dit que Julianne Franqui a signé ses seins… Oh salut Julianne. » Elle parut enfin s’apercevoir de la présence de l’actrice, dont les bras entouraient sa taille.

 

« Salut, Leigh, » l’accueillit Julianne, indécise sur quoi faire dans cette situation.

 

Leigh observa Julianne un long moment. « Vous savez, vous me faites penser à quelqu’un, » dit-elle. Elle se tourna vers Kris. « Elle ne te fait pas penser à quelqu’un ? »

 

Kris prit le bras de Leigh et l’enroula autour de ses épaules en essayant de reprendre un peu de poids à Julianne. « Allez, on rentre. »

 

« Je vais vous aider, » proposa Julianne. Elle voulait s’assurer qu’elles rentreraient sans problème. Et puis elle n’était pas sûre que Kris puisse supporter Leigh seule.

 

Kris commença à répondre mais réalisa instantanément qu’elle mettrait un temps fou à rentrer sans l’aide de Julianne. « Ok, » accepta-t-elle enfin. « Mais ne vous sentez pas obligée, » ajouta-t-elle, mal à l’aise.

 

« Je sais, » dit Julianne. « Je veux vous aider. » Et elle les aida. Laisser Kris seule était hors de question. Elles commencèrent leur chemin. « Combien avez-vous bu ? » demanda-t-elle.

 

« Oh… à peu près un zillion de ces… trucs, » répondit Leigh, sa main formant un genre de cercle. « Elle m’a menacée de me proposer un rencard si je ne le faisais pas. »

 

Julianne arqua un sourcil.

 

« Un simple non aurait suffi, » dit Kris d’un ton sévère.

 

« Je sais pas, » répondit Leigh. « Les lesbiennes ont peut-être des règles différentes. » elle regarda Julianne. « Vous avez vraiment signé ses seins ? »

 

« Seulement le gauche, » répondit Julianne. Elle jeta un regard à Kris et vit un semblant de sourire.

 

« Julia, » dit Leigh tout d’un coup.

 

Les têtes de Julianne et de Kris se relevèrent en même temps.

 

« Vous me faites penser à elle, » continua Leigh. « Mais vous en faites pas, votre voix est bien plus sexy. Quoi que la sienne ressemble à une voix d’opératrice de téléphone rose… »

 

Julianne était trop préoccupée par la réaction de Kris pour s’occuper de la sienne. Elle entendit vaguement les mots ‘opératrice de téléphone rose’. Julianne n’arrivait pas à déterminer ce que pensait Kris; son visage demeurait impassible. À demi consciente, et plus qu’un peu pétrifiée, Julianne garda le silence.

 

Mais peu importait puisque Leigh parlait sans arrêt. « …voulait que je la touche et j’étais genre, ‘Je suis pas gay, ma grande’. Et elle était genre, ‘Qu’est-ce que tu fais là alors ?’ Et j’étais genre, ‘Recherches pour mon rôle’. Ça l’a vraiment impressionnée. J’aurais pu décrocher un rencard ce soir… »

 

Kris secouait la tête et levait les yeux au ciel en même temps. Julianne trouva ce geste adorable. Elle réalisa qu’elle fixait Kris et détourna le regard, mais pas avant de remarquer à quel point Kris était belle. Julianne fit de son mieux pour se concentrer sur le trottoir ou les boutiques sur le chemin. Si elle regardait de nouveau Kris, elle ne savait pas si elle pourrait détourner à nouveau le regard.

 

******

 

Kris était furieuse après Leigh. Comment avait-elle pu se saouler ? Elle n’était jamais saoule. Bon, elle l’avait été quelques fois, mais… pourquoi ce soir ? Si Julianne n’était pas apparue, Kris se serait retrouvée seule là-bas.

 

Ça avait commencé, elle le sentait. Leigh commençait à l’oublier. La pensée s’ancra douloureusement en Kris.

 

Elle regarda son amie qui n’arrêtait pas de parler depuis un moment déjà. Puis son regard atterrit sur la célèbre actrice à moins d’un mètre d’elle. Comment est-ce arrivé ? Kris étudia l’expression de concentration sur le visage de Julianne. Julianne semblait concentrée sur les alentours. Kris se demanda à quoi elle pensait. Elle se demande probablement comment elle s’est retrouvée forcée à nous accompagner jusqu’à l’appartement.

 

Kris détourna le regard après un moment, effrayée à l’idée d’être surprise en pleine observation. A vrai dire, elle ne pensait pas que les raccompagner embêtait Julianne. Mais pourquoi ? Kris ne parvenait pas à savoir. Les célébrités ne faisaient pas ce genre de choses. Elles n’apparaissaient pas de nulle part pour s’asseoir et faire la conversation. Il y avait quelque chose de vraiment bizarre dans cette situation et Kris ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

 

Le commentaire de Leigh refit surface et Kris se surprit à froncer les sourcils. Julianne avait-elle la même voix que Julia ? Un peu, c’est vrai. Mais la voix de Julia était différente. Elle n’était pas si… retenue. On sentait de la légèreté en elle. La voix de Julianne paraissait si… contenue. Comme si l’actrice avait peur de parler; peur de dire la mauvaise chose.

 

Elle risqua un nouveau regard vers Julianne et se retrouva à regarder dans une paire d’yeux bleus. Elle détourna rapidement le regard, embarrassée, et pas tout à fait sûre de savoir pourquoi. En fait, elle doutait de beaucoup de choses concernant Julianne Franqui. Elle est tellement… tellement… indescriptible. C’était le seul mot auquel Kris parvenait à penser. Bien que le mot ‘belle’ lui vint aussi à l’esprit. C’était une beauté étrange. Le genre qui vous donne envie de regarder pendant des heures.

 

Pendant des heures ? Kris fronça soudain des sourcils en voyant la direction que prenaient ses pensées. Non, décida-t-elle au bout d’un moment. ‘Pendant des heures’ était une bonne estimation. Julianne Franqui était indéniablement magnifique. Pas de doute qu’elle ait fait tant de couvertures de magazines. Et pas de doute qu’elle soit payée des millions de dollars juste pour apparaître à la télévision. Les gens ne pouvaient pas se lasser d’elle.

 

Kris fit de son mieux pour ne pas regarder Julianne. La dernière chose dont elle avait besoin était que l’actrice pense qu’elle l’observait. Elle va probablement penser que je suis en admiration devant elle. Bizarrement, Kris voulait s’accrocher à l’idée que Julianne Franqui était complètement coincée.

 

Inconsciemment, Kris se permit un autre coup d’œil. Heureusement, Julianne était de nouveau concentrée sur le trottoir.

 

Une énigme. Kris décida que Julianne Franqui était une énigme. Parce que malgré le fait que Kris ne voulait pas apprécier l’actrice, elle n’y parvenait pas. Jusqu’ici, Julianne avait été gentille… et drôle et… peut-être même charmante. Mais il y avait quelque chose d’autre que Kris ne parvenait pas à déterminer.

 

Avant d’avoir une chance d’y réfléchir davantage, son immeuble apparut devant elles. « C’est l’immeuble prochain, » dit-elle pour Julianne. Kris regarda l’actrice en essayant de voir sa réaction. Elle était certaine que Julianne était habituée à des endroits bien plus exotiques. Ça ressemble sûrement à un dépotoir pour elle. Mais si l’actrice était dégoûtée par l’endroit, elle faisait un excellent travail en le cachant.

 

« J’ai pas très chaud, » annonça Leigh. En fait, elle était même légèrement verte.

 

Kris pria pour qu’elles arrivent dans l’appartement avant que Leigh ne vomisse. Sa meilleure amie ne se pardonnerait jamais si elle vomissait sur Julianne Franqui. « On y est presque, » lui assura-t-elle.

 

Une fois dans le bâtiment, elles se dirigèrent vers l’ascenseur. Sur le chemin, Kris se souvint que Leigh avait les clés de l’appartement. « Où sont les clés ? »

 

« Poche, » répondit Leigh, apparemment malade.

 

« Laquelle ? »

 

« Gauche. »

 

C’était du côté de Julianne. Kris regarda Julianne. « Vous pourriez ? » demanda-t-elle, incroyablement embarrassée par la situation.

 

Julianne parut hésitante, mais accepta. Le temps que les portes de l’ascenseur s’ouvrent, Kris avait les clés dans la main. C’était à seulement quelques pas de leur appartement. Elle parvint à ouvrir la porte juste à temps pour voir Leigh se ruer à l’intérieur. Quelques secondes plus tard, la porte de la salle de bain claqua.

 

De nouveau seule avec Julianne, Kris chercha quelque chose à dire. « Merci, » dit-elle enfin.

 

Deux yeux bleu rencontrèrent les siens. « De rien. » Julianne pointa la direction dans laquelle était partie Leigh. « Elle va s’en tirer ? »

 

Le regard de Kris suivit la ligne de celui de Julianne. « Ouais, » dit-elle. « Je suis sûre qu’elle va s’en tirer. Elle est rarement saoule comme ça, » se surprit-elle à dire. Bizarrement, elle ne voulait pas que Julianne pense que c’était une habitude de Leigh.

 

Il y eut une courte pause pendant laquelle Kris se demanda si Julianne voulait rester ou partir. Comme l’actrice ne semblait pas vouloir partir, Kris ferma la porte de l’appartement. « Vous voulez boire quelque chose ? » proposa-t-elle en espérant avoir quelque chose à donner à Julianne.

 

« Bien sûr, » accepta Julianne.

 

Kris se dirigea vers le réfrigérateur. « Que voulez-vous ? » demanda-t-elle, pas sûre d’avoir beaucoup d’options.

 

« De l’eau Evian avec deux zestes de citron pressé, » répondit Julianne.

 

Kris jeta un coup d’œil au réfrigérateur presque vide puis à l’actrice. Deux yeux bleu rieurs lui rendirent son regard, et Kris réalisa que l’actrice plaisantait. « Vous voulez un joli petit parapluie avec ? » demanda-t-elle en se détendant légèrement.

 

« Un bleu alors, » répondit Julianne, rassurée que Kris ait compris la plaisanterie. Elle marcha jusqu’à Kris et jeta un coup d’œil dans le réfrigérateur. « En fait, j’ai soudain envie de… ça, là. » Elle pointa l’objet en question.

 

« Vous êtes sûre ? » demanda Kris en sortant le verre du frigo.

 

« Absolument, » répondit Julianne. « Qu’est-ce que c’est ? »

 

Kris renifla le contenu et se frotta le visage. « Aucune idée. »

 

Julianne rit. « Une boisson mystérieuse… ce que je préfère. »

 

Kris marcha jusqu’à l’évier et versa la substance mystérieuse au fond. « Si vous vous empoisonnez et que vous mourez, je suis sûre que j’aurai des problèmes. »

 

« Nan, je ne leur manquerai pas, » répondit Julianne, tournant à nouveau son attention vers le réfrigérateur.

 

Kris observa l’actrice un long moment sans penser à quoi que ce soit en particulier. Le fait que Julianne Franqui était dans sa cuisine en train de regarder pensivement l’intérieur de son réfrigérateur était particulièrement amusant. Bizarre… mais amusant. « Je suis désolée, je n’ai pas grand chose, » s’excusa-t-elle.

 

Julianne haussa les épaules et ferma le frigo. « En fait, vous n’avez pas beaucoup plus que moi. Je n’ai pas encore fait les courses. »

 

« Comment ça se fait ? » demanda Kris. Elle se souvint soudain qu’il restait une boîte de soda dans le placard. Elle s’agenouilla pour prendre une cannette. « Ça vous va du pepsi ? »

 

« Oui, merci, » répondit Julianne. « Oh, et euh… parce que je n’ai pas encore eu le temps. »

 

« Vous ne pouvez pas embaucher quelqu’un pour faire vos courses ? » demanda Kris. Elle remplit un verre avec des glaçons et le tendit à Julianne. « Asseyez-vous si vous voulez. »

 

Julianne ouvrit la canette de soda et la versa dans le verre. « Je suppose que oui, » dit-elle en s’asseyant à la table. « Mais je me sentirais vraiment mal et flemmarde de demander à quelqu’un de faire ça. » Elle prit une gorgée. « Pourquoi ? Vous voulez faire mes courses ? »

 

Kris sourit mais n’eut pas la possibilité de répondre car Leigh choisit ce moment pour entre dans la cuisine.

 

« Lit, » dit Leigh en montrant sa chambre. « Nuit. » Sans un autre mot, elle se dirigea dans la direction qu’elle avait indiquée.

 

Kris la regarda une seconde puis secoua la tête. « Je suis sûre qu’elle va être un amour demain. »

 

Julianne sourit. « Bonne chance. » Elle s’arrêta un moment. « Vous êtes fatiguée ? » demanda-t-elle, presque timidement.

 

Kris regarda Julianne, pas sûre de ce que lui demandait Julianne. « Pas vraiment, » répondit-elle enfin. « Pourquoi ? »

 

« Vous voulez aller faire des courses ? »

 

Kris regarda l’heure sur le micro-ondes. Il était presque deux heures du matin. « Maintenant ? » demanda-t-elle.

 

« Bien sûr. Il y aura bien quelque chose d’ouvert, » dit Julianne.

 

********

 

Quelque chose était effectivement ouvert. Elle finirent par acheter de la nourriture dans un petit magasin près de l’appartement de Julianne. Julianne ne parvenait à croire qu’elle avait trouvé le courage de demander à Kris de faire ses courses avec elle. Encore plus de mal à croire que Kris ait accepté. Qui faisait ses courses à deux heures de matin ? Apparemment, quelques personnes, parce qu’elles n’étaient pas seules.

 

« Jif ou Skippy ? » demanda Kris, tenant en main les deux genre de beurre de cacahuètes disponibles.

 

« Jif, » répondit immédiatement Julianne en se tournant pour regarder les céréales. « Je suis contente que vous soyez là pour me conseiller les choses essentielles. »

 

Kris sourit. « Eh bien tout le monde doit avoir du beurre de cacahuète. En fait c’est dans la loi. Je l’ai lu dans un des livres de Nathan. »

 

Julianne grinça des dents en entendant ce nom.

 

« Mon ex-petit ami, » expliqua Kris sans s’apercevoir de la réaction de Kris. « Il étudie le droit à Harvard. »

 

Elle le dit avec tellement de fierté. Mais la douleur était visible dans les yeux de Kris. « Quelle chance il a, » dit Julianne, son attention fixée sur les boîtes de céréales. « C’est un choix délicat. »

 

Kris hocha la tête. « Les Honey Nut Cheerios, » dit-elle en tenant la boîte de céréales.

 

« C’est ce que vous aimez ? » demanda Julianne. Bizarrement elle prenait en note les préférences de Kris. Elle ne savait pas pourquoi. Et ne voulait pas se demander pourquoi.

 

« Et Cap’n Crunch Berries. » Kris tendit la main vers cette boîte aussi.

 

Julianne sourit. « Très nutritif, » dit-elle en attrapant les deux boîtes. « Je vais leur donner une chance. »

 

« Vous n’en avez jamais mangé avant ? »

 

« Je préfère les Kashi Go Lean, » répondit Julianne.

 

« Quoi ? »

 

Julianne promena son regard aux alentours et trouva enfin les céréales de son choix. Elle pointa l’avant de la boîte. « Vous voyez ? Riche en protéines et en fibres. »

 

Kris lui prit la boîte des mains et l’inspecta. En se frottant le nez, elle dit, « Dégoûtant. »

 

« Bon pour la santé, » rectifia Julianne en reprenant la boîte. Elle posa les céréales Kashi dans le panier avec les Cap’n Crunch’s Crunch Berries et les Honey Nut Cheerios. » De quoi d’autre ai-je besoin ? »

 

« De lait ? » proposa Kris.

 

Julianne la suivit. C’était amusant que Julianne se fiche pas mal de ce qu’elle achetait tant que Kris était avec elle.

 

« Vous voulez du lait écrémé ? » demanda Kris. « Puisque vous êtes tellement attentive à votre santé. Vous êtes au régime ? »

 

« Régime ? » demanda Julianne. « Pas vraiment. Pourquoi ? »

 

Kris haussa les épaules en plaçant la brique de lait dans le panier. « Vous n’êtes pas tous au régime ? »

 

« Je ne suis pas top model, » répondit Julianne. « Mais pour tout vous dire, je préfère l’écrémé. »

 

« Dégoûtant, » répondit à nouveau Kris.

 

Julianne sourit. « Difficile, difficile. » Elle suivit Kris dans une autre allée et attrapa quelques aliments qu’elle voudrait peut-être plus tard. « Je devrais prendre quelques pâtes. Je les mangerai au dîner demain. »

 

Kris la regarda. « Vous avez un bon cuisinier ? »

 

« Pardon ? » demanda Julianne, confuse.

 

« Quelqu’un qui cuisine pour vous ? » clarifia Kris. « Vous en avez un ? »

 

Julianne sourit. « Je suis parfaitement capable de faire la cuisine moi-même, merci, » répondit-elle. « Que croyez-vous que je fais toute la journée ? Que je reste assise pendant que mes esclaves m’éventent et me donnent du raisin à manger ? »

 

« Ce n’est pas le cas ? » demanda Kris, un léger sourire sur les lèvres. « J’ai regardé ces émissions de Lifestyles of the Rich and Famous.”

 

Julianne sourit et prit quelques paquets de spaghettis sur les étagères. « Eh bien, vous n’êtes pas près de me voir là-dedans. Si j’avais un cuisinier il ou elle mourrait d’ennui. Je suis rarement chez moi. »

 

« Des soirées entre célébrités ? » essaya Kris.

 

« Je déteste les fêtes, » dit Julianne.

 

Kris secoua la tête. « Est-ce que votre fan club est au courant ? » demanda-t-elle. « Je ne dévoilerais pas ma vie privée à la télévision si j’étais vous. »

 

Deux yeux bleu se levèrent généralement au ciel. « C’est votre manière subtile de me qualifier d’ennuyante ? »

 

« J’étais subtile ? » demanda Kris, un petit sourire aux lèvres.

 

Julianne sourit, étonnée que Kris lui parle comme ça. Elle m’insulte ouvertement et j’adore ça. « Je garderai ça en tête, merci, » dit-elle après un moment. Elle baissa les yeux sur le panier de courses. « Je crois que c’est bon. » Elle se dirigea vers les caisses enregistreuses.

 

Kris la suivit.

 

L’homme derrière le comptoir leva à peine les yeux lorsque Julianne passa en caisse. J’adore New York, pensa Julianne. Personne ne me remarque jamais. Il lui donna ses achats, elle lui donna l’argent. Et elles sortirent par la porte.

 

« Où vivez-vous ? » demanda Kris.

 

« À un pâté de maisons par là, » Julianne pointa du menton. Ses mains étaient occupées par les sacs. « Merci de venir avec moi. »

 

« De rien, » répondit Kris. Elle portait la moitié des courses. « Ce n’est pas tous les jours qu’une personne célèbre me demande de faire les courses avec elle. »

 

Une personne célèbre, pensa Julianne soudain déprimée. Elle ne me verra jamais autrement. Pas qu’elle attendait une autre réaction. C’était juste… nul. « Eh bien, j’ai entendu que Brad Pitt était dans les environs, » se surprit-elle à dire. « Peut-être qu’il vous invitera demain à acheter des chaussures. »

 

Kris rit. « On verra, » répondit-elle.

 

Elles tombèrent dans le silence qui n’était pas aussi tendu que les précédents. Quelques minutes plus tard, Julianne indiqua son immeuble.

 

« Wow, » souffla Kris en levant les yeux. « Ça doit coûter une fortune. »

 

Julianne ne répondit pas, embarrassée. Elle guida Kris dans le bâtiment et dans l’ascenseur. Elle espérait que Kris ne la pensait pas complètement coincée. Elle regarda les numéros dans l’ascenseur en cherchant quelque chose à dire. « Mon assistante l’a choisi pour moi, » dit-elle avant de réaliser que ça n’arrangeait pas son cas.

 

« Ah, » dit Kris. « Alors vous avez un larbin. »

 

« Je ne vois pas Karen comme un larbin, » répondit Julianne en défendant sa pas-tout-à-fait-amie-mais-pas-du-tout-larbin. « Elle m’aide à m’organiser. Parfois les choses sont un peu mouvementées. Et c’est vraiment une gentille fille… » Elle décida de se taire.

 

« Désolée, » dit Kris après un moment. « Je ne voulais pas vous insulter. »

 

Julianne plongea son regard dans deux yeux noisette. « Je ne me sens pas insultée. »

 

La tension revint à pleine puissance et Julianne se sentit soudain mal à l’aise. Elle savait Kris mal à l’aise, elle aussi, ce qui accentuait le sentiment de Julianne.

 

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et Julianne en sortit. Son appartement était le seul de l’étage, et cela ne demanda que quelques pas pour atteindre la porte. Elle sortit ses clés et invita Kris à entrer.

 

Kris observa l’appartement au moment où elle y entra. « Vous avez décoré vous-même ? » demanda-t-elle.

 

Julianne aperçut les piles de cartons dispersées un peu partout et sourit. « Vous plaisantez ? J’ai payé mon décorateur une fortune. » Elle avança vers la cuisine.

 

« Ça valait le coup, » plaisanta Kris en suivant l’actrice. « J’aime le motif carton d’emballage. » Elle déposa les sacs qu’elle portait sur le comptoir et se recula, en observant la cuisine. « Depuis combien de temps vous vivez ici ? »

 

Julianne regarda les alentours en se demandant ce que Kris voyait… ce qu’elle en pensait; ce qu’elle pensait d’elle. « Depuis quelques jours, » répondit-elle enfin. « Je ne me sens pas encore chez moi. »

 

« Ça pourrait aider de déballer, » suggéra Kris, ses yeux noisette revenant à Julianne. « C’est juste une idée. »

 

« Je garderai ça en tête, » répondit Julianne, combattant l’envie de plonger dans les yeux de Kris. Elle n’était pas sûre de pouvoir à nouveau parler si elle s’abandonnait à la tentation. « Vous voulez quelque chose à boire ? J’ai… » elle commença à fourrager dans les sacs. « …du lait, de

la Mountain Dew

chaude, du jus de raisin chaud, et de l’eau chaude. » Elle leva les yeux en attendant la réponse.

 

Kris secoua la tête. « Je devrais y aller. » Elle regarda l’heure sur le micro-ondes. 00:00 clignotait sur l’écran. Elle regarda donc sa montre. Il était près de trois heures et demie du matin.

 

« Je vais vous ramener, » répondit aussitôt Julianne. « Laissez-moi juste mettre quelques trucs au frais. »

 

Kris fronça les sourcils. « Vous n’êtes pas obligée de faire ça. »

 

« Eh bien, je crois que le lait va tourner si je ne le fais pas, » répondit Julianne en faisant un clin d’œil à Kris avant de poser le carton de lait dans le frigo.

 

Kris ouvrit la bouche pour répondre. La referma. Puis l’ouvrit à nouveau. « Vous n’êtes pas obligée de me reconduire chez moi, » parvint-elle enfin à articuler. « Ca ne me dérange pas de marcher. »

 

Julianne arrêta de ranger ses achats assez longtemps pour regarder pensivement le placard. « Ouais, mais si quelque chose vous arrivait, ça me ferait une publicité horrible. » Elle sourit une nouvelle fois. « Et puis, je ne pourrais pas m’endormir en vous sachant seule dans la rue. Je devrais vous demander de faire quelque chose de vraiment embarrassant comme de m’appeler à l’instant où vous arriverez chez vous… et j’aurais l’air folle. Alors, vous m’épargnez ? »

 

Kris regarda Julianne Franqui un long moment. « Ok, » accepta-t-elle. « Je ne voudrais pas être la cause de votre insomnie. »

 

Si seulement tu savais. Julianne sourit et recommença à ranger les achats. Une fois terminé, elle fit face à son invitée. « Merci d’avoir fait ça avec moi, » dit-elle. « Je sais que c’était un peu bizarre. »

 

Kris lui offrit un petit sourire. « Je commence à penser que je ne peux attendre que des choses bizarres de votre part, » dit-elle.

 

« Je prends ça comme un compliment, » plaisanta Julianne. Elle chercha ses clés de voiture et pointa la porte d’entrée. « Prête ? »

 

Kris hocha la tête. « Si vous insistez. »

 

*******

 

Kris se pinça le bras dans l’ascenseur sur le chemin du retour. Elle ne s’attendait pas vraiment à être en train de rêver mais, à certains moments, ça semblait être la seule explication. Les évènements de cette nuit défiaient complètement les lois de… quelque chose. Elle n’en trouvait pas une qui s’applique à sa situation. Peut-être qu’elle devrait l’inventer elle-même. Mais bizarrement, elle avait du mal à se concentrer.

 

Le fait que Julianne Franqui était adossée au mur de l’ascenseur, comme si tout était parfaitement normal était particulièrement distrayant pour Kris. Elle se sentait comme dans un dessin dans le journal du dimanche. Qu’est-ce qui cloche dans cette image ? Elle pouvait presque imaginer un gros crayon rouge apparaître de nulle part et dessiner un cercle rouge autour d’elle. Ou peut-être qu’il dessinerait un cercle autour de l’ascenseur complet. Ou juste de Julianne. Peu importait parce que, quelle que soit la façon dont on regardait la scène, quelque chose n’était pas à sa place.

 

Kris décida que c’était elle qui n’était pas à sa place, parce que l’ascenseur fantaisiste avec ses ornements dorés autour des boutons n’avait certainement rien à voir avec elle. Julianne Franqui, d’un autre côté, paraissait parfaitement à l’aise. L’actrice était probablement habituée aux ornements dorés. Sa vie entière avait probablement baigné dans l’or.

 

Lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, Kris sortit en première. Le hall était occupé par un homme en uniforme bleu assis derrière un long bureau de marbre. Il toucha le bord de son chapeau lorsqu’elles passèrent.

 

« Soyez prudente, Ms. Franqui, » prononça l’homme.

 

Julianne lui fit un léger signe de tête. « Merci, Terry, » répondit-elle. « Passez une bonne nuit. »

 

Kris trouvait étrange… et bizarrement fascinant… la façon dont Julianne appelait par son prénom un homme qu’elle ne pouvait connaître que depuis quelques jours. Elle décida alors de parler. « Vous devenez souvent amie avec votre portier aussi vite ? »

 

« Terry ? » demanda Julianne en tenant la porte d’entrée pour laisse Kris passer. « Ce n’est pas mon portier. » Elle pointa l’homme en uniforme adossé à une autre des portes de verre. L’homme ronflait doucement. « C’est lui mon portier. » Elle sembla amusée. « Terry est l’un de mes gardes du corps. Mais il est en civil. Il aime se fondre dans la foule. »

 

Kris essaya de ne pas penser aux implications. « Il ne devrait pas vous suivre partout, alors ? » demanda-t-elle.

 

« Nan, » répondit Julianne en marchant sur le trottoir. « Je ne suis pas aussi parano. »Puis elle s’arrêta soudain et fit face à Kris qui s’arrêta à son tour. « En fait ce n’est pas toute la vérité, » admit-elle. « La vérité c’est que ma mère aime être au courant de tout ce que je fais et mon déménagement à New York lui a donné une excuse parfaite pour me coller un de ses espions sur le dos. »

 

« Je ne comprends pas, » dit Kris, parce qu’elle ne comprenait vraiment pas.

 

Julianne se remit à marcher. « Venez. Je vais vous déposer. » Cette fois, sa voix était triste et un peu distante. Kris sentit immédiatement le changement de ton et se demanda quelle en était la cause. Après un moment, Julianne se remit à parler. « Ma mère a peur que je fasse quelque chose de scandaleux. Elle a tendance à engager des gens pour me suivre afin que, si je m’attire des ennuis, elle puisse intervenir avant que la nouvelle n’atteigne les médias. » Julianne haussa les épaules. « Elle est un peu… folle. »

 

Kris était dubitative. « Votre propre mère vous espionne ? »

 

« Eh bien, » commença Julianne avec un sourire méchant que Kris commençait à aimer. « Elle pense m’espionner. Mais j’ai accepté de les payer le double de ce que ma mère les payait. Alors ils lui envoient de faux rapports. Ils ont écrit des histoires incroyables sur ma vie. » Elle rit à un souvenir distant, puis haussa les épaules et regarda Kris. « De temps à autre, je demande à l’un d’eux, comme Terry, de vérifier si quelque chose ne semble pas à sa place. D’habitude quand je voyage jusqu’à un endroit que je connais peu ou quand je déménage. Les admirateurs peuvent être énervants. »

 

« Ça a l’air… compliqué, » commenta Kris. À première vue, elle ne pouvait se l’imaginer, mais elle était mal à l’aise à l’idée que Julianne doive traverser tant de problèmes juste pour exister. J’imagine que c’est le prix à payer…

 

Julianne s’arrêta soudain devant un Rav4 blanc. Kris mit un moment à réaliser que c’était la voiture de Julianne. Elle avait espéré quelque chose de différent. Une Ferrari ou une Porsche… ou même une limousine. « Vous avez un penchant pour les Rav4 blanches ? » demanda-t-elle en s’installant sur le siège passager.

 

« Nan, ce n’est pas la voiture que je conduis d’habitude, » répondit Julianne. « C’est une location. »

 

« Ah, » prononça Kris. Elle ne voulait probablement pas que sa Ferrari soit garée en plein milieu de New York.

 

« La mienne est bleue » expliqua Julianne.

 

Kris fut pris de court. « Pardon ? »

 

Julianne la regarda et alluma le moteur. « Ma Rav4 est bleue. »

 

« Ah, » fut la seule chose que Kris parvint à prononcer. Soudain, elle avait hâte d’être chez elle. Être avec Julianne Franqui était exténuant. L’actrice plongeait l’esprit de Kris dans un tourbillon de confusion et de sentiments divers. Elle voulait comprendre Julianne, mais plus elle essayait et plus elle se sentait confuse. Et elle était trop fatiguée pour essayer à nouveau.

 

Du moins pour ce soir.

 

La trafic était horrible, même à quatre heures du matin. Des feux clignotants bleu et rouge annonçaient un accident droit devant. Kris était sûre que Julianne regrettait son offre de la raccompagner. « Vous pouvez me déposer ici, » proposa-t-elle, voulant éviter le trajet à l’actrice. « Je peux finir à pied. »

 

Julianne hocha la tête. « Je vous déposerai, » dit-elle et Kris se trouva étrangement déçue. « Devant votre porte, » ajouta l’actrice un instant plus tard.

 

Kris fut secrètement rassurée, surtout parce qu’un instant plus tard la pluie commençait à tomber. La dernière chose qu’elle voulait était une deuxième nuit de promo. Marcher sous un rideau de pluie n’était absolument pas drôle. Même si la situation était différente. Très différente. Ce n’est pas comme si Julianne Franqui allait essayer de la séduire avec des bougies et une chambre d’hôtel.

 

C’est à ce moment là que Kris réalisa à quel point elle devait être fatiguée.

 

Elle jeta un coup d’œil à l’actrice qui était occupée à chercher quelque chose sur la banquette arrière. Un instant plus tard, Julianne posa un objet noir sur les genoux de Kris.

 

Kris reconnut une pochette de CD. « Vous m’achetez avec de la musique maintenant ? » demanda-t-elle.

 

Julianne rit, et Kris ne put s’empêcher de sourire à ce son. « Choisissez ce que vous voulez écouter, » dit Julianne.

 

Kris dézippa la pochette et l’ouvrit à la première page. Elle avait le sentiment que Julianne aimait les choses bien rangées car tout était trié par ordre alphabétique. Elle lut le nom des artistes. « Ani Difranco ? » demanda-t-elle en relevant la tête. Leigh écoutait cela aussi.

 

« J’aime les paroles, » répondit Julianne. « Très poétique. »

 

« Je n’ai jamais vraiment accroché, » admit Kris en tournant à nouveau son attention vers les CDs sur ses genoux. Elle parcourut les pages. Julianne écoutait de tout. Depuis Alanis Morissette jusqu’à Metallica, Schubert, SWV, John Michael Montgomery… la liste continuait. « Miss Saigon est excellente, » se surprit-elle à commenter. « Leigh l’écoute souvent. Et Phantom et Cats… Tout ça. » Elle s’aperçut que Julianne les avait tous.

 

Finalement, après qu’elles aient avancé de deux mètres dans le trafic, Kris opta pour un CD non identifié. « Qu’est-ce qu’il y a là-dessus ? » demanda-t-elle.

 

Julianne y jeta un coup d’œil et haussa les épaules. « Adr… euh, mon ami me l’a gravé, » dit-elle, momentanément troublée. « C’est votre choix ? »

 

« Oui, » répondit Kris en se disant que ça ne pouvait pas faire de mal. Elle passa le CD à Julianne et sentit ses doigts effleurer ceux de l’actrice pendant un dixième de seconde. « J’espère que ce n’est pas de

la Country

, » se surprit-elle à dire, essayant d’ignorer la sensation étrange de picotements à l’endroit auquel leurs doigts s’étaient touchés. Je deviens trop sensible, décida-t-elle.

 

« Je crois comprendre que vous n’êtes pas fan, » répondit Julianne en plaçant le CD dans le lecteur. « Il peut y avoir une chanson de country perdue ici ou là, juste pour vous prévenir. Je n’ai pas vraiment de préférence de style. »

 

Ça ne dérangeait pas Kris, parce qu’elle était bien plus curieuse de découvrir le genre de chansons que Julianne Franqui avait choisi de rassembler. C’était un genre d’indice; un indice musical.

 

Un instant plus tard, une chanson que Kris ne reconnut pas emplit la voiture.

 

« Pas de

la Country

, » annonça Julianne. « Vous avez de la chance. »

 

Kris se surprit à sourire. « C’est quoi ? »

 

« ‘Naked’, » répondit Julianne. « Avril Lavigne. C’est la chanson qui me représente le mieux, je crois. »

 

Kris essaya de deviner ce que signifiait cette phrase en écoutant les paroles. Mais c’était plus une chanson d’amour qu’autre chose. Elle se demanda brièvement à qui pensait Julianne lorsqu’elle entendait cette chanson. « Vous avez un petit ami ? » se surprit-elle à demander.

 

« Je suis on ne peut plus célibataire, » répondit Julianne en la regardant.

 

Intéressant. Kris décida de simplement profiter de la chanson, car comprendre Julianne Franqui allait être un long projet.

 

Et bizarrement, elle était prête à relever le défi.

 

 

*******

 

Chapitre 47

 

« Pendant les trois jours à venir, » commença Naomi Mosier, jetant un coup d’œil rapide au bloc-notes dans sa main, « nous allons tourner quelques-unes unes des 2002 scènes. Alors Katherine et Neal, préparez-vous à vous lever tôt et à travailler tard. Je partirai vendredi pour un meeting en Californie, alors vous aurez tous votre journée libre. Lundi matin, nous débuterons avec les scènes de 1920. Julianne, Leigh, Alexa, John, Kevin et Samantha, vous êtes libre d’ici là. »

 

La directrice s’arrêta et fit le tour de la table du regard. « Des questions ? » Comme personne ne répondait, elle continua. « Julianne et Samantha, » elle attendit que les deux actrices la regardent, « nous allons garder les scènes les plus… intenses… pour la fin. » Elle regarda Leigh. « Vous trois… » Elle fit un geste en direction de Leigh, Julianne et Samantha Chelsom. « … allez devoir être très proches. Alors j’espère que vous travaillerez vos relations en dehors et sur le plateau. »

 

Julianne regarda Leigh, apparemment sur le point de s’évanouir. Elles n’avaient pas eu l’opportunité de parler durant la matinée, mais la façon dont Leigh s’obstinait à éviter le regard de Julianne laissait penser que Leigh se souvenait au moins des évènements de la nuit passée.

 

Julianne tourna à nouveau son attention vers Naomi. Que la directrice l’ait traînée jusqu’au plateau simplement pour écouter un discours ennuyant l’énervait. La directrice aurait pu lui dire la même chose au téléphone. Mais elle était plus énervée par le fait qu’elle n’ait pas réussi à dormir… une fois de plus. C’était sa faute, bien sûr. Mais ce détail ne la rendait pas moins bougonne. Elle prévoyait de rentrer chez elle et de dormir jusqu’au Lundi suivant.

 

Lorsque Naomi arrêta de parler, elle libéra tout le monde sauf Julianne, Leigh, et les deux acteurs principaux de la journée. « Je peux vous parler à toutes les deux, » demanda la directrice à l’intention de Julianne et Leigh.

 

Julianne se demanda si elle avait déjà des problèmes. Elle ne pouvait rien avoir fait de mal en restant assise là. « Bien sûr, » répondit-elle avant de suivre la directrice à l’écart du reste de l’équipe. Leigh la suivit. « On doit rester en retenue ? » demanda Julianne une fois loin des oreilles indiscrètes.

 

Naomi eut un grand sourire et secoua la tête. Quelques mèches courtes blonde tombèrent devant ses yeux et elle les repoussa. « Je voulais seulement m’assurer que vous alliez bien, » dit-elle. « Vous avez l’air… crevées. »

 

« Dure nuit. »

 

« J’arrivais pas à dormir. »

 

Les deux réponses volèrent en même temps et Naomi hocha la tête. « Eh bien, j’espère juste que vous dormirez bien pour Lundi. On commencera par une scène entre vous deux. Page quarante-deux. Travaillez la. » Elle serra le bras de Julianne, fit un hochement de tête en direction de Leigh et se remit au travail.

 

Julianne observait Leigh, mal à l’aise. Enfin, elle demanda, « Comment vous sentez-vous ? »

 

« Comme si un camion m’avait roulé dessus, » répondit Leigh en grognant légèrement. « Encore et encore. » Elle bailla. « Je suis exténuée avant même d’avoir commencé. »

 

Julianne hocha la tête en sympathie. « Ça va aller, » dit-elle. « Du sommeil et de la caféine et vous serez comme neuve. »

 

Leigh acquiesça. Mais elle était doutait de l’effet du café. Elle regarda les alentours un instant puis croisa le regard de Julianne. « Merci de m’avoir aidée la nuit dernière, et d’avoir tenu compagnie à Kris. »

 

« C’était un plaisir, » répondit Julianne en essayant de ne pas paraître trop enthousiaste. A vrai dire, Julianne était ravie d’avoir pu passer tant de temps avec Kris. Mais elle ne pouvait l’expliquer à Leigh sans éveiller de soupçons. Elle garda donc le silence.

 

Leigh passa une main dans ses cheveux et se mordilla la lèvre nerveusement. Elle avait l’air de vouloir dire quelque chose, alors Julianne attendit. Finalement, Leigh dit, « Ça va paraître ringard mais je suis vierge de cinéma, alors… euh, ça vous dirait de trouver un peu de temps d’ici Lundi pour se voir et répéter quelques scènes ? J’ai du mal avec le rythme et je ne veux pas passer pour une parfaite imbécile devant tout le monde… »

 

Julianne ne savait pas quoi dire. D’un côté, cela voulait sûrement dire passer plus de temps avec Kris ou du moins Leigh. D’un autre côté, cela signifiait… des complications. Oh de qui je me moque ? Je suis au-delà des complications. C’est maintenant, officiellement,

la Quatrième

Dimension

des drames lesbiens. « Ça a l’air bien, » se surprit-elle à dire. « Quand… Où ? » (NDT: Quatrième Dimension est une série fantastique américaine)

 

Leigh réfléchit. « Demain ? Mon appartement, puisque vous savez déjà où c’est. À moins que vous vouliez faire ça autre part. Je m’en fiche. C’est vous qui décidez puisque vous êtes… euh… vous. »

 

« Votre appartement me convient, » répondit Julianne en essayant de ne pas paraître trop enjouée par l’idée. Kris ne sera peut-être pas là. Elle va sûrement prévoir de sortir avec Anthony. Elle essaya de ne pas trop réfléchir à cette possibilité. « À quelle heure ? »

 

« Quand êtes-vous libre ? »

 

Julianne fit semblant de réfléchir à son emploi du temps non existant. « Je prévois de dormir jusqu’au moins quatre heures, » dit-elle. « Alors n’importe quand après ça. »

 

« Cinq heures, ça vous va ? » demanda Leigh. « Ou six… ou sept heures… »

 

Julianne essaya de ne pas rire. Leigh était plutôt amusante, même quand elle n’essayait pas de l’être. « Cinq heures, alors, » dit-elle. « Je serai là. »

 

Leigh hocha la tête. « Ouais, ok. Demain à cinq heures, chez moi. »

 

Sur un coup de tête, Julianne fouilla dans son sac et en sortit un petit bloc note et un stylo. Elle écrivit son adresse et son numéro de portable. « Au cas où, » dit-elle en tendant le morceau de papier à Leigh. Elle commença à s’éloigner. « À demain. »

 

« Ok, » dit Leigh. « À la prochaine. »

 

Julianne secoua la tête sur le chemin de sa voiture. J’ai embrassé sa meilleure amie. J’ai fouillé dans la poche de sa meilleure amie pour trouver des clés. Et j’ai donné mon numéro à sa meilleure amie. Je dois vraiment, vraiment mal me débrouiller…

 

*****

 

« Tu rentres tôt, » commenta Kris depuis la table de la cuisine.

 

Leigh se dirigea directement vers la machine à café. Elle avait décidé de suivre le conseil de Julianne. Du café et du sommeil. Le Paradis. « Ouais, ils ne commenceront pas les années 20 avant Lundi matin. Alors je suis libre. » Elle enfourna sa tasse de café dans le micro-ondes et attendit. « Oh, j’espère que ça ne t’embête pas, mais j’ai demandé à Julianne de venir demain pour répéter avec moi. »

 

Kris se figea légèrement en entendant la nouvelle. « Elle va venir ici ? »

 

« Ouais, » répondit Leigh. « C’est d’accord ? C’est ce que je me suis dit puisqu’elle sait déjà où on habite. » Elle parut momentanément soucieuse. « Je n’ai rien fait de trop embarrassant hier, hein ? »

 

« Non, » répondit distraitement Kris.

 

Leigh s’arrêta suffisamment longtemps pour récupérer le café. « Non, c’est pas d’accord, ou non, je n’ai rien fait d’embarrassant ? »

 

« La deuxième, » répondit Kris. Elle regarda Leigh. « Je m’en fiche si elle vient, » dit-elle. En fait, l’idée l’excitait un peu. « On est allé faire les courses la nuit dernière, » se surprit-elle à dire. Elle n’avait pas eu la chance de parler des évènements de la nuit passée à Leigh ce matin. Leigh était partie pour le plateau du film avant que Kris ne se réveille.

 

Leigh s’assit à la table en soufflant sur sa tasse. « C’est vrai ? Je ne me souviens pas de ça. »

 

« Julianne et moi. »

 

Cela retint l’attention de Leigh. « Quoi ? »

 

« Elle m’a demandé d’aller faire les courses avec elle après que tu te sois couchée hier soir, » raconta Kris. « Ensuite on est allé dans son appartement et elle m’a reconduit ici. »

 

Leigh fut momentanément sans voix. « Tu as fait des courses avec Julianne Franqui ? »

 

Kris rit doucement et hocha la tête. « Bizarre, hein ? » Elle se leva pour laver la vaisselle dans laquelle elle avait mangé son petit déjeuner.

 

« Et vous êtes allées jusqu’à son appartement, » répéta Leigh.

 

Kris ne se détourna pas de l’évier lorsqu’elle répondit. « Ouais, elle n’a rien déballé encore. C’est plutôt désolé. Mais bon sang… la vue est magnifique. Les fenêtres vont du sol jusqu’au plafond. Je suis sûre que si on s’appuie dessus on a l’impression de voler au-dessus de New York City. » Elle ne pouvait enlever l’émerveillement de sa voix. « Et tout a l’air si brillant et neuf. Je n’ai jamais rien vu de pareil. Du moins de près. »

 

« Vraiment, » dit Leigh, mais elle ne semblait pas vraiment contente. En fait, elle avait plutôt l’air en colère. « Et elle t’a reconduit ici ? »

 

« Dans une Rav4, »répondit Kris en se tournant pour cette annonce. « Et on s’est retrouvé coincées dans le trafic parce qu’un taxi a renversé un gamin en vélo. C’était plutôt moche. » Leigh ne commentant pas, Kris fronça les sourcils. « Tout va bien ? »

 

Leigh haussa les éapules. « Ouais, » elle prit une gorgée de café. « Bien. » Elle s’arrêta et baissa les yeux. « C’est juste que… tu sais, j’étais malade la nuit dernière et tu m’as simplement laissée ici toute seule. »

 

Kris ne savait pas quoi dire. Est-ce que Leigh était en colère à cause de ça ? « Tu es sérieuse ? »

 

« Ben, ouais, » répondit Leigh, ses yeux emplis de douleur. « Je pensais que tu te serais inquiété un peu plus pour moi au lieu d’aller faire amie-amie avec Julianne Franqui. »

 

Kris resta légèrement bouche bée. Puis elle s’énerva. « Hé, c’est pas de ma faute si tu t’es saoulée hier soir. Et c’est toi qui m’as laissée seule dehors pendant une heure… »

 

« Tu m’as dit que ça ne te dérangeait pas! » cria Leigh. « Je ne voulais pas te laisser là. »

 

Kris secoua la tête en se demandant d’où venait cette dispute. « Je ne veux pas m’engueuler pour ça. C’est stupide. »

 

« Oh, alors mes sentiments sont stupides, maintenant ? » répondit Leigh en se levant. « Merci beaucoup. »

 

« Ce n’est pas ce que je voulais dire, » lui dit Kris, sa voix calme. « Et pourquoi es-tu vraiment énervée ? Ce n’est pas parce que je suis sortie la nuit dernière. Si j’étais sortie avec Anthony, on n’aurait pas cette discussion. »

 

Cela surprit Leigh. « Tu as raison, » dit-elle au bout d’un moment. « Je ne me serais pas énervée si tu étais sortie avec Anthony. »

 

« Alors quel est le problème ? » questionna Kris, soudain confuse.

 

Leigh soupira et se rassit sur sa chaise. « J’imagine que je suis jalouse. »

 

« De quoi ? »

 

« Je ne sais pas, » dit Leigh doucement. Elle haussa les épaules et regarda Kris. « J’imagine que c’est parce que c’est elle et moi qui sommes supposées apprendre à nous connaître. On va jouer ensemble et tout, tu vois… »

 

Kris sentit les mots la poignarder à un millier d’emplacements. Elle est jalouse que je m’entende avec Julianne ?! « Je vois, » dit-elle en essayant de ne pas laisser sa douleur transparaître. Elle doutait d’avoir réussi.

 

Leigh s’en aperçut. « Oh allez Kris, » dit-elle. « Tu sais à quel point ce film est important pour moi. Pour ma carrière. Ne sois pas comme ça. Ce n’est pas contre toi. »

 

Apparemment pas. Kris se retourna et finit de rincer la vaisselle. Lorsqu’elle eut fini, elle dit, « Je vais appeler Anthony. T’en fais pas, je ne serai pas dans tes pattes demain. Tu pourras tisser des liens avec elle tant que tu veux. »

 

« Kris, » appela Leigh.

 

Mais Kris partit dans sa chambre et claqua sa porte sans un mot de plus.

 

*****

 

Julianne regardait le plafond au-dessus de son lit, comme elle le faisait depuis une heure et trente-trois minutes. Elle avait réussi à dormir quelques heures, mais des pensées concernant Kris l’avaient ramenée à la réalité.

 

Je suis tombée amoureuse d’une hétéro. Une hétéro qui a un petit ami. Une hétéro qui ne sait pas qu’elle communique avec moi par email depuis près de cinq mois. Avec un grognement, elle se couvrit le visage sous un oreiller et cria dedans. Mais ça ne réglait pas ses problèmes. Mais elle réussit à se faire mal à la gorge.

 

Elle envoya l’oreiller au loin et attrapa le téléphone. Elle allait appeler la seule autre personne au monde, à sa connaissance, capable de l’aider.

 

« Karen ? » questionna Julianne lorsque quelqu’un décrocha.

 

« Salut Julianne, » répondit Karen.

 

Julianne se redressa sur son lit et se concentra sur ce qu’elle s’apprêtait à dire. « J’ai un énorme problème, » annonça-t-elle.

 

« Est-ce que ça concerne la disposition de ton appartement, parce que je te jure… »

 

« Non non, » interrompit l’actrice. « Ça n’a rien à voir avec le travail. C’est un problème personnel. »

 

Cela surprit Karen. « Pardon ? »

 

Julianne prit une profonde inspiration. « Tu es déjà tombée amoureuse d’une femme hétéro ? »

 

Il y eut un long silence à l’autre bout de la ligne. « Euh, Julianne si c’est à propos de ce que j’ai dit l’autre jour, je ne franchirai jamais cette ligne avec vous, même en rêve… »

 

Ca allait être une longue conversation réalisa soudain Julianne. « Non, je veux ton avis sur quoi faire, en fait. Comment les convertit-on ? »

 

Un nouveau silence. Puis, « Je suis vraiment confuse, Julianne. Tu aimes un homme gay c’est ça ? »

 

Si Julianne n’avait pas été aussi nerveuse, elle aurait ri. « Pas exactement, » répondit-elle. « Je suis amoureuse d’une femme hétéro. »

 

Longue Pause. Très longue pause. Si longue que Julianne se demanda si Karen était toujours en ligne.

 

« Allô ? » risqua Julianne.

 

La voix de Karen était un peu rauque lorsqu’elle répondit enfin. Elle s’éclaircit la gorge. « Je suis désolée, je pensais t’avoir entendu dire… »

 

« Je suis lesbienne, » répondit Julianne, les mots laissant une sensation étrange sur ses lèvres. Ce n’était pas quelque chose qu’elle disait souvent. Mais elle n’avait pas le temps de s’étendre là-dessus.Elle continua. « Et tu es la seule autre que je connaisse, donc tu es ma seule chance de m’en sortir. »

 

« Je… vois, » répondit Karen. « Euh, Julianne ? »

 

« Ouais ? »

 

« Tu peux me rappeler dans à peu près cinq minutes ? » demanda Karen.

 

Julianne se sentit soudain embarrassée. Elle se demanda si elle interrompait quelque chose. « Oui bien sûr. Je peux rappeler plus tard. Je n’ai pas réalisé que tu étais occupée. »

 

« Non, je ne suis pas du tout occupée, » répliqua immédiatement Karen. « Choquée… mais pas occupée. Juste cinq minutes. »

 

« Ok, à dans cinq minutes, » répondit Julianne. Elle raccrocha le téléphone et le posa sur son estomac. Elle regarda l’heure à son réveil. Une minute passa… deux… Julianne n’avait jamais réalisé à quel point une minute pouvait être longue. Elle essaya de calculer depuis combien de minutes elle vivait mais elle abandonna lorsqu’elle réalisa à quel point cette activité était stupide. Finalement les cinq minutes passèrent. Par précaution, elle attendit deux minutes de plus. Juste au cas où.

 

« Salut Julianne, » répondit Karen. « Je devais juste extérioriser un peu et je me suis dit que je pouvais t’épargner. Ça va mieux maintenant. Des femmes hétéros, donc ? »

 

Julianne n’était pas sûre de ce que Karen entendait par extérioriser, mais elle décida de ne pas s’étendre là-dessus non plus. « Juste une femme hétéro, en fait. Qu’est-ce que je fais ? »

 

« Hmm, » dit Karen, pensive. « Ben c’est une question piège. Mais il y a un remède sûr. »

 

Julianne se redressa, prête à prendre des notes. « Je t’écoute. »

 

« Ok, la première chose à faire, » commença Karen, comme si elle donnait une leçon top secrète, « c’est d’aller dans la salle de bain, d’allumer la douche au plus froid possible, de plonger sous le jet et de penser à cette femme. Répète le procédé plusieurs fois. Ensuite, tu prends ta photo préférée d’elle, tu la colles au mur, et tu te frappes le crâne plusieurs fois en la regardant. »

 

Quelque part vers la suggestion de frappement de tête, Julianne réalisa que Karen plaisantait. Elle soupira. « Je suis foutue, hein ? »

 

« Plutôt, oui, » répondit Karen. « Mais si ça te rassure, ma petite amie était hétéro aussi quand je l’ai rencontrée. »

 

« Alors il y a de l’espoir ? » questionna Julianne.

 

« De temps en temps tu peux avoir de la chance, » répondit Karen. « Et si ça ne marche pas, il y a toujours Naomi. »

 

Julianne arqua un sourcil. « Qui ? »

 

« Ta directrice, » répondit Karen. « Tu n’as pas remarqué comme elle bave autour de toi ? »

 

Il n’y avait pas eu de bave. Julianne en était persuadée. Elle fronça les sourcils, une liste des faits et gestes de Naomi Mosier se formant dans sa tête. « Mais elle sort avec ce producteur… c’est quoi son nom… Bob quelque chose. »

 

Karen éclata de rire. « Et tu sors avec Adrian. Où veux-tu en venir ? » Elle gloussa. « Bref, elle a le béguin pour toi depuis toujours. Elle m’a demandé si je pensais que tu craquerais un jour pour elle et je lui ai dit que c’était impossible. Oups, euh. Ma petite amie est allée à l’USC (NDLT: University of Southern California) avec elle, et elles sont toujours amies. Alors elle est souvent chez nous. Quand elle nous a dit qu’elle allait essayer de t’avoir pour ce film je lui ai dit de continuer de rêver. Va savoir. »

 

Hmm. « Et Samantha Chelsom? Celle qui joue Emma. Elle est gay elle aussi ? »

 

« Nan, complètement hétéro, » répondit Karen. « Je crois qu’elle a quelqu’un, d’ailleurs. Je crois que tout le reste est hétéro. Pour ce que j’en sais. » Elle s’arrêta. « C’est Samantha qui t’intéresse ? »

 

Julianne essaya de ne pas grincer des dents à cette idée. Pas que Samantha Chelsom soit laide, mais sa personnalité était horrible. « Atroce, » dit-elle en pensant aussitôt à Kris. Elle sourit légèrement, puis se contrôla. « Elle a passé vingt minutes hier à parler de teinte de rouge à lèvres avec son assistante. Définitivement pas mon type. »

 

Karen éclata de rire. « Oui, j’allais le dire… »

 

Julianne soupira calmement et regarda le plafond une fois de plus. Après un moment, elle dit, « En fait Karen, mon problème s’étend bien au-delà du côté hétéro… »

 

« Qu’est-ce que tu veux dire ? »

 

Julianne hésita une seconde avant de prendre une profonde respiration et plonger dans l’histoire complète. « Eh bien, j’étais à Washington Square Park avec Adrian… »

 

*****

 

Kris ignora les deux premiers coups à la porte de sa chambre, puis réalisa à quel point c’était puéril. Ce n’est pas comme si Leigh ne savait pas qu’elle était là. « Entrer, » dit-elle enfin.

 

Leigh entra dans la pièce, hésitante, et ferma la porte derrière elle. Elle s’y adossa comme si elle essayait de rester aussi loin de Kris que possible. « Je suis désolée, » dit-elle, en pensant apparemment ce qu’elle disait. « J’ai vraiment été débile. »

 

Kris était d’accord avec elle. Mais elle refusait de parler à sa meilleure amie avant d’avoir de meilleures excuses. L’acceptation était seulement le premier pas vers la résolution du problème, après tout.

 

Leigh soupira lorsqu’elle compris que Kris ne bougerait pas. « J’ai réfléchi et j’ai réalisé que je m’en fiche que tu fréquentes Julianne. J’étais méchante et égoïste et… je suis vraiment désolée. C’est ce film… Il court-circuite mon cerveau. Je ne peux pas penser normalement. » Elle fouilla les yeux de Kris à la recherche d’un semblant de compréhension. « Je ne sais pas ce qui m’a pris. C’est peut-être le surmenage… ou juste une idiotie temporaire. »

 

Kris adoucit son regard. Malgré tout, elle comprenait. Elle hocha la tête, parce qu’elle ne savait pas quoi dire.

 

« Et je veux vraiment que tu sois là demain, » continua Leigh en s’asseyant au bord du lit. Elle attendit un instant, peut-être pour savoir si Kris allait lui dire de se lever. Lorsque Kris ne protesta pas, Leigh reprit. « Je n’étais pas jalouse que tu l’aies fréquentée et pas moi. J’étais jalouse que tu t’amuses avec elle. Je veux dire, si tu fais amie-amie avec Julianne Franqui, tu ne seras pas impressionnée quand je serai célèbre. » Elle risqua un sourire.

 

« Je serai toujours impressionnée, » répondit Kris. « Toutes les Julianne Franqui du monde ne changeront rien à ça. »

 

Leigh sourit et détourna le regard un instant, puis revint à Kris. « Alors… tout est ok ? »

 

Kris fit un rapide inventaire de ses émotions et hocha la tête. « Je crois que oui, » dit-elle.

 

« Bien, » dit Leigh, apparemment soulagée. « Alors tu seras là demain ? »

 

« Je vais sortir avec Anthony, » répondit Kris. « Mais on pourra peut-être rester un peu. On pourra regarder ? »

 

Leigh s’illumina. « Ça serait génial, » répondit-elle. « Je croyais qu’il n’était pas très à cheval avec l’homosexualité ? »

 

Kris soupira en s’adossant à son oreiller. « Tu crois que je devrais lui en parler ? C’est tellement bizarre. Il n’a rien dit de particulier, mais de temps en temps il fait ces commentaires. Et c’est tellement… » Elle chercha le bon mot et en choisit finalement un. « …énervant.

 

« Des problèmes au paradis? » questionna Leigh.

 

Un haussement d’épaules fut la seule réponse de Kris. Puis elle ajouta, « Il est gentil, mais je ne le sens pas. »

 

« Tu ne sens pas quoi, exactement ? »

 

Kris réfléchit. « La passion ? » dit-elle, incertaine. « Je ne sais pas. Quand on est ensemble, on s’amuse beaucoup et j’adore lui parler d’art parce qu’il connaît tellement de choses. Mais après ça… c’est comme… » Elle fit une grimace pour faire passer ses émotions, mais ça n’illustra rien d’autre que de l’inconfort et peut-être de la constipation. « …rien, » fint-elle.

 

« Pas comme Nathan ? » essaya Leigh.

 

« Exactement comme Nathan! » s’exclama Kris. « C’est le problème. C’est comme d’embrasser un mur. »

 

Leigh éclata de rire. « Parfois il faut leur apprendre comment embrasser comme il faut. » Elle serra la main de Kris en sympathie. « Ça va aller. Il t’attire, non ? »

 

Kris réfléchit à la question, dessinant une vague image d’Anthony dans son esprit. Il était attirant. Définitivement attirant. « Je suppose. »

 

« Tu supposes ? » questionna Leigh. « Tu ne devrais pas savoir si tu es attirée ou non par ton petit ami ? »

 

Kris n’était pas complètement sûre de ce quelle ressentait pour Anthony. Était-ce de l’attraction ? « C’est confus. »

 

« Tout comme toi, » remarqua Leigh. « Tu veux louer un film ? »

 

Le changement abrupte de conversation surpris Kris un instant, jusqu’à ce qu’elle réalise qu’elle préférait regarder un film plutôt que de continuer de parler de ses sentiments pour Anthony. « Bien sûr, » répondit-elle. « Mais puisque tu m’as fait faux bond ce matin, c’est moi qui choisis. »

 

« Juste pas de film lesbien, » avertit Leigh. « J’ai atteint ma limite. Prends-nous une bonne histoire d’amour. Quelque chose avec Brad Pitt dedans.. ou Antonio Banderas. »

 

« Ça me paraît bien, » accepta Kris en se levant du lit. « Mais c’est toi qui payes. Après tout, tu seras bientôt riche. »

 

Leigh sourit. « Ça marche. »

 

*****

 

Julianne était allongée sur le sol du salon et regardait le vue de New York City. Des bâtiments vêtus de lumière lui rendaient son regard, bien qu’ils soient aussi désintéressés l’un par l’autre.

 

Le conseil de Karen avait été simple: Dis la vérité à Kris.

 

La simplicité du conseil et la complexité pour le mettre en œuvre se livraient bataille dans l’esprit de Julianne. Comment ? Pourquoi ? Où lui dirait-elle ? Que lui dirait-elle ? Pourquoi y pensait-elle seulement ?

 

L’actrice ferma les yeux et se concentra sur les scénarios qu’elle avait créés. Il y en avait plusieurs, mais ils pouvaient être classés dans trois groupes différents: le groupe Kris-Va-Me-Haïr, le groupe Kris-Ne-Va-Pas-Me-Haïr-Mais-Ne-Me-Pardonnera-Pas, et enfin le groupe Kris-Va-Me-Pardonner-Et-On-Deviendra-Les-Meilleures-Amies.

 

Inutile, réalisa Julianne après un moment. Penser à tout ça était inutile. Quelle que soit la réaction de Kris, ça devait être fait. C’était la bonne chose à faire. C’était la seule chose à faire.

 

Julianne se leva du sol et marcha jusqu’à la fenêtre, incertaine quant à ce qu’elle cherchait dans ce panorama. Elle se sentait tellement distante, debout ici, comme hors de la réalité. Le sol semblait si lointain. Si haut dans les nuages de son existence, rien ne paraissait être ce qu’il devrait. Le chaos régnait partout dans un pays qui avait résisté si désespérément pour rester loin du stress. Des complications qu’elle n’aurait jamais imaginées contrôlaient ses émotions. Elle n’avait nulle part où aller, nulle part vers quoi se tourner, sauf vers le bas… vers un monde qu’elle n’avait jamais testé.

 

Pouvait-elle combiner son monde avec celui de quelqu’un d’autre ? Lui donnerait-on sa chance ? La porte lui serait-elle fermée à tout jamais ? Les deux possibilités l’effrayaient.

 

Si Kris ne lui pardonnait pas…

 

Si Kris lui pardonnait…

 

Julianne soupira et tourna le dos à la ville, sachant que rien ne lui apporterait le confort. Rien ne lui apporterait le soulagement.

 

 

 

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