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LA PIERRE DE CHRONOS3

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

 

LA PIERRE DE CHRONOS

 

par DJWP

traduction : Kaktus

 

 

Partie 3A

 

*****

 

Chapitre 9

 

Ephiny et Gabrielle se dirigèrent ensemble vers l'avant de la salle où se tenait la figure silencieuse de la Conquérante. Xena se reposait sur le grand trône, les yeux fermés, se frottant les tempes avec les doigts de ses deux mains. Elle écoutait les pas qui résonnaient sur le sol de la salle maintenant vide, devenant plus forts à mesure que ses visiteuses inattendues approchaient.

 

Seule, pendant de longs mois, elle avait attendu l'arrivée de la barde et maintenant elle était ici. Connaissant Gabrielle, cependant, Xena était sûre que sa barde ne devait pas être contente de ce qu'elle avait vu. La Conquérante continua de frotter ses tempes pour apaiser le mal de tête qui la harcelait depuis plusieurs semaines maintenant.

 

La traversée de la grande salle semblait sans fin. La barde avait longuement attendu sa guérison, attendu patiemment le moment où les guérisseuses la laisseraient voyager. Elle avait finalement convaincu son amie un peu trop attentionnée, Ephiny, qu'il était temps pour elles d'aller tenir leur promesse auprès de la Conquérante. Et maintenant elle était là. Bien que le cœur de Gabrielle batte avec force dans sa poitrine à l'idée de revoir Xena, son esprit l'avertissait que venir ici, au palais de la Conquérante, était peut-être une erreur.

 

Gabrielle prit quelques instants pour regarder autour d'elle, notant brièvement que quelqu'un semblait les observer de derrière un rideau sur un balcon au-dessus d'elles. Elle pouvait voir le rideau se balancer alors que l'espion tentait de se dissimuler. Pour une raison étrange, un frisson parcourut son échine. La barde se secoua et regarda de l'autre côté de la salle. Il y avait un observateur semblable, sur un balcon là aussi, mais cette personne ne fit aucune tentative pour se cacher. Une jeune et attirante domestique aux cheveux foncés observait chacun de leur mouvement, son attention rivée sur la princesse amazone.

 

Quand enfin elles arrivèrent devant l'Impératrice, Xena cessa de frotter ses tempes et ouvrit les yeux pour regarder ses invitées.

 

Gabrielle et Ephiny retirèrent leurs capuches et attendirent patiemment que quelque chose se produise. Ignorant les témoins au-dessus d'elles, Ephiny était seulement intéressée par le fait que le regard de la Conquérante était immuablement fixé sur la belle jeune femme à ses côtés. Elle jeta un regard à son amie ; les yeux de Gabrielle étaient pareillement rivés à ceux de la Conquérante.

 

" Darfus, laisse-nous. " ordonna Xena avec un geste de la main, son regard se réchauffant à la vue de sa barde.

 

Le commandant royal hésita un moment. Il regarda vers le balcon le plus éloigné et nota que Satrina sortait de derrière le rideau, essayant d'avoir une meilleure vue sur la femme aux cheveux d'or qui avait su attirer l'attention de la Conquérante.

Darfus fit un signe de tête impérieux à l'esclave. Satrina vit la lueur de désapprobation du commandant et se retira derrière le rideau. Mais ce n'était pas ce qui allait l'empêcher de continuer de regarder à la dérobée.

 

" Darfus, disparais. " ordonna à nouveau Xena, d'un ton irrité. Darfus s'assura une fois de plus que Satrina s'était bien cachée derrière le rideau puis partit.

 

Xena attendit jusqu'à ce que son commandant soit hors de la salle avant de parler.

" Comment allez -vous ? " s'enquit la Conquérante d'une voix calme, ses yeux ne quittant pas ceux de Gabrielle.

" Nous allons très bien, merci. " répondit brièvement Ephiny.

Xena lui jeta un coup d'œil rapide et un petit sourire avant que son attention ne retourne à la barde.

"Tes jambes, Gabrielle. Comment vont tes jambes ? "

 

" Elles vont bien. " répondit la barde, se penchant instinctivement pour frotter son tibia. " Elles me font un peu mal quand il pleut et parfois quand il fait froid, mais sinon, ça va bien. "

 

Xena hocha la tête. " Bien. " dit-elle en s'appuyant sur le dossier de son trône. " Ça fait un long moment … "

" Quatre mois. " la coupa Ephiny.

 

Xena hocha la tête à nouveau. " Quatre mois, deux semaines, trois jours - je commençais à m'inquiéter. "

" Et pourquoi ? Tu as eu peur que l'on ne vienne pas t'aider à trouver ton joli bijou ? " demanda Ephiny, la voix pleine de sarcasme.

 

" Ephiny. " protesta la barde.

 

" Non. " répondit Xena regardant enfin l'amazone aux cheveux bouclés. " J'avais peur que Gabrielle ait du mal à guérir. "

 

" Deux jambes cassées, ça prend du temps pour guérir. "

 

" Tu ne laisseras rien passer, n'est-ce pas ? " demanda Xena, un sourcil levé.

 

" Non. "

 

" Ephiny. " protesta encore Gabrielle.

 

" Non, elle a raison. " dit Xena en levant sa main. " Elle ne me fait

pas confiance, et elle a raison. "

 

" Et comment que je ne te fais pas confiance. Pas après ce que j'ai vu ici aujourd'hui. " indiqua Ephiny en croisant les bras sur sa poitrine.

 

" Je suis désolée que vous ayez dû voir ça. " commenta Xena et elle fixa le sol. " Je me suis emportée et j'ai perdu mon sang-froid. "

 

Ephiny eut un petit sourire. " Moi, j'ai eu l'impression que tu t'amusais bien. "

Xena soupira. C'était tout à fait vrai. Elle releva la tête et croisa le regard attentif de l'Amazone. Elle ne va pas me lâcher, pensa Xena en se levant de son siège. " J'ai perdu mon sang-froid. Un bon leader ne devrait pas perdre son sang-froid. "

 

" Un bon leader aurait coupé les testicules de ce régent avec une froide indifférence ", dit Ephiny en haussant son sourcil et en lançant un regard à Gabrielle pour s'assurer que son commentaire sardonique l'avait touchée. Et c'était le cas, au grand dam de Gabrielle.

 

Xena prit une profonde inspiration. La journée avait été longue et elle commençait à nouveau à s'irriter. " Un bon leader résout un problème sensible du mieux qu'il le peut. Mon intention était de gagner le combat puis d'écarter Lucretius de sa régence. "

 

" Puis de réclamer la fille ? "demanda Ephiny avec une grimace cynique.

 

" Ephiny, ça suffit. " Le ton de la barde était ferme.

 

Xena se plaça devant la chef amazone. " Bien sûr que non. Je n'ai jamais voulu la fille. "

 

" Alors, que veux-tu exactement ? " demanda doucereusement Ephiny en s'approchant d'un pas de la Conquérante.

De leur cachette, des deux côtés opposés de la salle, les deux espionnes tendirent l'oreille pour entendre la réponse de la Conquérante. Satrina était plus qu'intéressée par la réponse de sa maîtresse à cette question. L'esclave développait une aversion intense pour la femme attirante que la Conquérante continuait à honorer de regards affectueux.

Et Alti n'arrivait pas à croire que Xena permettait à cette Amazone insolente de lui parler d'une telle façon. Elle ouvrit le rideau davantage afin de mieux voir cette impudente. La sorcière rit sous cape en observant l'expression sombre de Xena.

 

" Et pourquoi t'inquiètes-tu de ce que je veux ? " Xena parcourut la distance entre elle-même et Ephiny, lui permettant d'ajouter sa taille imposante au mécontentement de sa voix.

 

" Ça dépend de ce que tu veux vraiment, Conquérante. Que veux-tu exactement de nous ? " Ephiny leva le menton pour regarder Xena directement dans les yeux, pas du tout intimidée par la présence imposante de l'Impératrice.

 

Oh, Xena, caqueta Alti en elle-même pendant qu'elle frottait ses mains écailleuses l'une contre l'autre ; celle-ci a l'esprit fin, très fin. La diabolique chamanesse espéra silencieusement qu'il y avait plus encore à attendre de l'endroit d'où venait cette jeune femme.

La lèvre supérieure de Xena commença à trembler dans un ricanement, puis soudainement son attitude changea complètement. La guerrière sentit le poids de ce destin non désiré peser sur ses épaules. Avec un profond soupir, Xena recula, renonçant à la confrontation.

 

" Je veux juste la pierre, Ephiny. Tout ce que je veux, c'est la pierre. "

 

" On finira par le savoir. " dit l'Amazone avec scepticisme. " Nous en avons trouvé une pour toi. "

 

Les sourcils de Xena se soulevèrent et disparurent dans sa frange.

 

" Venez. " dit Xena et elle indiqua une porte à l'arrière de la salle,

" Allons faire une visite du château. "

 

" Une visite ? " demanda Ephiny, incrédule. " Maintenant ? Tu veux nous faire visiter ? "

 

" Ephiny ", prononça doucement Gabrielle. Elle s'approcha de son amie et posa une main sur son bras. " Les murs ont des oreilles. " chuchota la barde, son regard se dirigeant vers le balcon au-dessus d'elles. " Et des yeux. "

 

Ephiny vit le rideau en train de se balancer comme si quelqu'un avait essayé à la hâte de se cacher, mais pas assez vite pour que l'Amazone n'aperçoive l'éclair du regard le plus mauvais que personne n'avait jamais jeté sur elle.

" Une visite … c'est vraiment sympa. J'adorerais faire une visite. "

 

******

Satrina gravissait les escaliers aussi vite que ses jambes pouvaient la porter. Elle tourna au coin du couloir et était sur le point de suivre Xena et ses visiteuses quand une main froide saisit son bras et la tira vers une porte.

 

" Et où penses-tu aller ainsi au juste ? " La voix discordante d'Alti fit courir un frisson le long de la colonne vertébrale de l'esclave.

 

" Je ... Je... vais préparer de la nourriture au cas où la Conquérante voudrait... " bégaya Satrina tentant d'éviter de regarder dans les yeux noirs de la sorcière.

 

" Prends bien soin d'écouter avec attention et de te rappeler chaque mot. Je veux savoir exactement de quoi elles parlent... de tout, même si c'est du temps. " Alti serra le bras de Satrina, laissant ses ongles mordre la peau jusqu'à ce que la jeune femme se torde de douleur. " Fais-moi un rapport dès que tu pourras. Chaque mot, ma chère, ou j'aurai une esclave sur une croix en bois pour le dîner, c'est bien compris ? "

 

Satrina hocha silencieusement la tête.

 

" Et fais en sorte que Xena ne sache pas que tu les espionnes, même si je doute que ça soit possible. "

 

Satrina hocha à nouveau la tête et Alti libéra son bras de la poigne douloureuse. La chamanesse gloussa pendant que l'esclave se précipitait dans le couloir - elle n'était pas sûre que ce soit pour rattraper Xena ou plutôt pour la fuir, elle.

 

Alti lécha la minuscule goutte de sang sur les ongles qui avaient griffé la peau de Satrina.

 

L'esclave était plutôt savoureuse, en effet, mais la sorcière préférait vraiment les Amazones.

 

******

 

" C'était dangereux de venir seules ici. " commenta Xena en emmenant ses visiteuses dans le grand jardin au centre du château de la Conquérante. C'était un péristyle du type de Pompéi, un atrium aménagé en parc avec des plantes et des fleurs provenant de partout dans le monde. Elles s'arrêtèrent près d'une fontaine de marbre, le bruit de l'eau aidant à masquer leurs paroles aux oreilles trop curieuses.

 

" Vous n'auriez pas dû entrer dans la ville non accompagnées ", continua Xena.

Gabrielle admirait la beauté du jardin, tandis qu'Ephiny examinait les alentours, recherchant des visiteurs non désirés. Quand elle fut sûre qu'elles étaient seules, l'Amazone répondit à la Conquérante.

 

" Penses-tu que je serais venue seule à Corinthe ? Pour nous jeter, Gabrielle et moi dans la gueule de la Conquérante ? Xena, tu as tout détruit sauf la Nation amazone. Nous ne sommes plus qu'une poignée. Et en tant que chef militaire, je suis chargée de protéger ce qui reste de mon peuple, particulièrement contre toi. Je ne suis pas sur le point de marcher sur Corinthe, la capitale de ton empire -- pas sans la contrôler d'abord. "

Xena souleva l'arrière de son long manteau en soie afin de s'asseoir sur le bord de la fontaine. " Si tu pensais que c'était un piège, pourquoi as-tu emmené la princesse des Amazones avec toi ? "

 

" N'as-tu jamais tenté d'arrêter Gabrielle une fois qu'elle a décidé de faire quelque chose ? " demanda Ephiny, le coin de sa bouche se soulevant dans une grimace.

 

Xena répondit avec un petit sourire. " Oui, en fait, j'ai déjà essayé. "

 

L'Amazone était sur le point de protester pour savoir quand exactement elle aurait pu le faire, mais elle se rappela leur raison d'être ici. " Bon …. Cette histoire de pierre de Chronos. J'avais presque oublié. " Ephiny se gratta le menton. " Alors, as-tu réussi ? A la faire changer d'avis ? "

 

Xena rigola doucement. " Absolument pas. "

 

" Moi non plus. " dit Ephiny souriant pour la première fois. " Il est plus sûr de marcher dans un jardin avec la Conquérante, que de tenter de convaincre Gabrielle. "

 

" Je préférerais combattre des Centaures. " acquiesça Xena avec un hochement de tête.

 

" Vous savez, " intervint Gabrielle, " C'est impoli de parler de quelqu'un comme s'il n'était pas là. "

 

L'amusement dans des yeux de Xena se transforma en inquiétude profonde. " Et ce n'était pas très futé pour les deux seules chefs encore vivantes de la Nation amazone d'entrer dans la capitale de leur ennemie, non accompagnées et non protégées. "

 

Ephiny eut un large sourire, ses dents brillant dans l'obscurité du jardin. " Oh nous ne sommes pas seules. Pas exactement. "

 

La guerrière blonde émit un léger sifflement, qui retentit comme un chant d'oiseau, et plusieurs guerrières amazones, armées de pied en cap, sautèrent des arbres dans l'atrium, sur la pelouse du jardin.

Ephiny croisa fièrement ses bras pendant que les guerrières amazones se plaçaient à ses côtés.

 

" Très bien. " indiqua Xena, restant toujours très calme, bien que son esprit soit occupé à trouver une punition appropriée pour les malheureux gardes qui étaient en service ce soir-là. Elle regarda Gabrielle, qui observait attentivement sa réaction. Xena ne put s'empêcher de noter la façon dont les yeux verts de la barde miroitaient dans le clair de lune. Toute pensée de punition disparut de son esprit. " Bien, êtes-vous ici pour me tuer ou pour m'aider ? "

 

" Ça dépend de toi. " répondit Ephiny. " Crois-tu toujours à cette histoire de pierre de Chronos ? N'es-tu plus la destructrice des Nations ? "

 

" Qu'en penses-tu ? " demanda Xena, parlant directement à Gabrielle.

 

" Je pense qu'il y a eu beaucoup de changements... de bons changements... dans la façon dont tu mènes les choses. Tu deviens un bon leader, Xena. Le monde pourrait connaître pire que t'avoir comme Conquérante maintenant. "

 

" Que veux-tu dire ? " demanda Xena en étudiant le visage de la barde. " Tu voudrais que je reste Xena la Conquérante ? "

 

" Non. " répondit Gabrielle, s'approchant d'un pas de sorte qu'elle puisse mieux voir le visage de Xena dans l'obscurité. " Je me demande pourquoi quelqu'un qui a toutes les richesses du monde, qui vit dans le château le plus magnifique que j'ai jamais vu, quelqu'un qui a des dizaines de milliers de troupes sous ses ordres -- une femme qui a conquis et règne maintenant sur le monde -- pourquoi voudrait-elle changer ceci ? Pourquoi préférerait-elle une réalité où elle erre sur les chemins avec pas un sou en poche à… tout ceci. " Gabrielle, d'un signe de la main, indiqua le beau péristyle, le magnifique château qui les environnait, et au-dehors la ville de Corinthe et le monde entier.

 

Xena sourit et regarda la femme de qui elle se sentait plus proche que n'importe quelle autre personne dans le monde -- une femme qui pourrait aussi bien être à un million de kilomètres en ce moment.

 

" Parce qu'ici, j'ai détruit quelque chose de bien plus important pour moi que tout le reste, " répondit Xena tristement en regardant le sol de sorte que cette étrangère qui n'était vraiment pas sa barde ne puisse voir la solitude qu'elle ressentait.

 

Mais Gabrielle le vit, et bien qu'elle ne soit pas sûre de ce qui manquait à Xena dans cette réalité, elle se sentit touchée par la même tristesse.

 

Elle s'assit à côté de la Conquérante, avec l'envie de poser sa main sur celle de Xena mais elle ne le fit pas.

 

" Alors, nous sommes ici pour t'aider. " dit Gabrielle avec un petit sourire. " Du moins, je pense que nous le pouvons. " Elle regarda Ephiny et hocha la tête.

 

Xena étudia l'expression sur le visage de Gabrielle pendant un moment, espérant y voir la reconnaissance de ce qu'elles avaient été l'une pour l'autre, mais il n'y avait rien. Seulement le désir inné de la barde de venir en aide aux autres. Elle regarda avec déception vers la leader militaire des Amazones et attendit.

 

" Notre chamanesse, Yakut, dit qu'il y a une autre pierre, semblable à la pierre de Chronos. "

 

" Continue. " l'incita Xena soudainement très intéressée par ce qu'Ephiny avait à dire.

 

" Le troisième œil de Lakshmi. Il se trouve dans la tête d'une statue d'un dieu hindou. " expliqua Ephiny, pointant un doigt sur sa propre tête. " Mais il y a un problème. "

 

" Et quel est ce problème ? "

 

" La statue est dans un sanctuaire au centre d'une ville très religieuse... une ville très bien protégée. "

 

" Et pourquoi serait-ce un problème ? " demanda Xena haussant un sourcil.

 

" La ville, c'est Golconda... Golconda, en Inde. "

 

Xena ricana avec sarcasme. " Les statues indiennes sont habituellement situées dans des villes en Inde. "

 

" L'Inde est très loin d'ici. "

 

" Alors, on ferait mieux de se mettre tout de suite en route. " dit Xena simplement.

 

Ephiny s'étonna. " Nous partons -- juste comme ça ? "

 

" Le plus vite sera le mieux. "

 

La hâte de Xena rendit Ephiny immédiatement soupçonneuse. " Tu crois ce que nous te disons ? "

 

La Conquérante haussa des épaules. " Pourquoi pas ? "

 

" Nous pourrions t'attirer dans un piège. "

 

Xena regarda Gabrielle. " Est-ce un piège, Gabrielle ? Me tendrais-tu un piège pour prendre ma vie ? "

 

Pendant un moment, la barde ne dit rien, puis la réponse vint d'un petit " non " de la tête.

 

Xena sourit. " C'est bien ce que je pensais. Rentrez chez vous. Je vous y retrouverai à l'aube. "

 

Ephiny n'était pas convaincue. " Seulement toi ? "

 

" Seulement moi. " confirma Xena.

 

" Tu vas faire tes bagages et quitter Corinthe pour partir avec nous en Inde ? Juste comme ça ? Et ton Empire ? Tu n'as pas peur que quelqu'un en profite pour prendre le trône en ton absence ? "

 

Un autre haussement d'épaules de la princesse guerrière. " Peu importe. " Xena sourit aux regards soupçonneux qu'elle rencontra. " Si nous réussissons notre mission, tout changera de toute façon. "

 

" Et si on ne réussit pas ? "

 

" Alors tu m'assassineras, tu te souviens ? "

 

Ephiny devint pensive. " C'est vrai. " Elle regarda Gabrielle, mais la barde fixait intensément la Conquérante.

 

Il est temps de partir, pensa Ephiny. " Très bien. Comme tu le dis, d'une façon ou d'une autre … "

 

" C'est la fin du règne de Xena la Conquérante. " termina Xena avec un sourire. " Jusqu'à ce que la mort nous sépare, nous avions dit. "

 

" OK. " prononça Ephiny d'une voix traînante, étudiant Xena avec spéculation. Elle pressa subitement le bras de Gabrielle pour obtenir l'attention de la barde. " Sortons d'ici. "

 

Xena observa les deux Amazones et leur escorte disparaître

dans les branches des arbres du jardin. Elles devinrent des ombres dans l'obscurité de l'atrium, gravissant les murs du château avec facilité avant de disparaître dans la nuit.

 

Tant d'étoiles, songea Xena, alors que ses yeux se perdaient dans le ciel infini. Tant de possibilités de changer un destin. Qui pouvait dire que la voie qu'elle suivait maintenant n'était pas la bonne après tout ?Avait-elle fait le bon choix en voulant changer les choses pour les remettre comme elles étaient dans son souvenir ? Ou était-ce juste son désir égoïste d'être avec Gabrielle qui influençait ses décisions ? Serait-ce servir le bien d'une meilleure façon si elle restait Impératrice du monde ?

 

Ces questions n'avaient pas de réponses sans l'aide de Gabrielle à ses côtés. Xena regarda de nouveau le jardin et l'obscurité du sol à ses pieds.

Il valait mieux revenir sur un chemin qu'elle connaissait déjà, plutôt que de s'engager seule sur une nouvelle voie.

 

Elle se retourna et se dirigea vers le château, ignorant exprès la silhouette derrière la fontaine. Il était de loin préférable que ce soit Satrina qui ait écouté la conversation plutôt qu'Alti elle-même. La sorcière aurait pu comprendre beaucoup plus de cette conversation que l'esclave.

 

La Conquérante quitta le jardin, sachant très bien ce que Satrina ferait probablement avec l'information. Etant donné ses propres plans, elle n'avait pas à s'inquiéter de ce que Darfus et l'esclave feraient de Corinthe et de son empire après qu'elle ait abandonné la ville.

 

Mais en vérité, cela l'inquiétait beaucoup.

 

******

 

Satrina attendit jusqu'à ce que l'ombre de la Conquérante ait disparu du jardin avant de sortir de sa cachette derrière le buisson. Bien que le bruit de l'eau de la fontaine ait rendu l'écoute difficile, elle en avait entendu assez pour comprendre que la Conquérante projetait de quitter Corinthe et de partir avec les Amazones à la recherche d'une pierre en Inde.

 

Cette information avait presque fait bondir l'esclave de joie. La Conquérante partie, elle pourrait facilement convaincre Darfus de réclamer le droit de gouverner Corinthe en son absence. Darfus commanderait la capitale ainsi que l'immense armée de Xena, et elle-même contrôlerait Darfus. Avant que Xena soit revenue à Corinthe, l'armée de la Conquérante leur obéirait. Un simple assassinat ensuite et l'empire... et la pierre... seraient à elle pour toujours.

 

Satrina se déplaça aussi rapidement et silencieusement qu'elle le put entre les buissons soignés du jardin, et se dirigea vers le château à la recherche de Darfus.

 

******

 

" Alti. " La voix basse de Xena résonna alors qu'elle écartait le rideau orné d'os. Le ton chaud et séducteur de Xena amena un sourire aux lèvres gercées de la chamanesse.

 

" Xena. " répondit Alti en reposant un bol avant de se retourner pour saluer sa visiteuse. " Quelle bonne surprise. Qu'est-ce qui t'amène dans mon humble logis ? Tu as terminé de faire visiter le château à tes deux petites amies ? "

 

Xena sourit et entra dans la salle sombre où régnait une odeur fétide. " Oh, alors tu les as vues ? Voilà qui gâche ma surprise. Je suis venue ici pour te dire que ton dessert est enfin servi. " La Conquérante tira une chaise et s'assit. " Mais tu le sais déjà. Comme c'est décevant. "

 

Alti ne cacha pas son sourire narquois. " Il n'y a pas beaucoup de choses qui se passent dans les alentours, sans que je sois au courant, Xena. Tu le sais bien, "

 

" Oh, vraiment ? Alors, dis-moi, Alti, as-tu trouvé une pierre de Chronos ? Combien de temps s'est-il passé depuis que tu m'as promis de la trouver pour moi ? Deux mois ? Trois ? "

 

Alti haussa les épaules et se retourna pour mélanger une poudre dans son bol. " Ces choses prennent du temps, Xena. Tout vient à point à qui sait attendre. "

 

" Bon. Alors tu attendras ton champ de sacrifices amazones. "

 

Alti se retourna pour faire face à la Conquérante, ses yeux brillant de colère. " Tu m'as promis ce champ ET ces Amazones, Xena !"

 

Xena pinça ses lèvres. " Oui. Mais APRÈS que tu m'aies trouvé la pierre de Chronos. "

 

" J'ai besoin de sacrifices pour trouver ce que tu recherches, Xena ! Mon pouvoir en dépend et je ne peux pas te trouver une autre pierre de Chronos sans ce pouvoir. "

 

La Conquérante se leva et balaya la poussière d'os écrasés de sa robe de soie. " Etrange, les Amazones n'ont pas eu de problème à en trouver une, elles. "

 

L'expression simulée de la surprise sur le visage d'Alti fit sourire Xena. " Tu as aussi entendu parler de ça ? "

 

La chamanesse haussa nonchalamment les épaules. " Je pensais bien que tu trouverais une façon d'utiliser les Amazones pour créer une autre pierre de Chronos. "

 

" Naturellement. Pour arriver au but, deux chances valent mieux qu'une. " commenta Xena. " Je devrais te chasser et mettre leur chamanesse à ton poste, elle a fait du bon travail, elle. "

 

Alti sourit avec mépris pendant qu'elle remuait le contenu de son bol. " Utilise leur chamanesse autant que tu veux, Xena. A la condition que j'obtienne ce qu'il en restera. J'ai besoin de ces Amazones. "

 

" Et tu les auras. " indiqua Xena avec un sourire indulgent pour son mentor tout en passant un doigt le long de l'épaule de la sorcière, sur le manteau de peau.

" Mais j'ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi d'abord. "

 

Alti leva les yeux pour rencontrer ceux de la Conquérante qui brillaient dans la pénombre. " De quoi as-tu besoin Xena ? "

 

" La pierre que je recherche est en Inde. Les Amazones ont proposé de m'y emmener. "

 

Alti haussa les sourcils. " Vraiment ? Et comment les as-tu obligées à faire ça ? Ce sont tes pires ennemies. "

 

Xena ricana, sa langue caressant lentement sa lèvre supérieure. " Disons que je leur ai fait une offre qu'elles ne pouvaient pas refuser. Je pars avec elles en Inde rechercher la pierre. Je devrais être loin un mois, deux tout au plus. "

 

" La pierre est facile à avoir ? " demanda Alti en étudiant de près le visage de Xena, y cherchant des signes de duperie. La Conquérante paraissait aussi heureuse que d'habitude quand ses plans se déroulaient à la perfection.

 

" Aussi facile que de prendre une sucrerie à un bébé. " répondit la Conquérante, d'un air satisfait.

 

Cette expression sembla plaire à la sorcière. " Bien, pour quelle raison as-tu besoin de moi ? Tu veux que je t'accompagne ? "

 

" Non, non. Je veux que tu restes ici. "

 

Alti était sur le point de protester quand Xena s'approcha pour s'asseoir tout près de la chamanesse. Elle murmura : " Satrina, ma petite esclave était en train de m'espionner tout à l'heure dans le jardin. "

 

Alti essaya de prendre un air innocent. " Oh, vraiment ? "

 

Xena hocha la tête, se retenant de rire. " Vraiment. Elle et Darfus projettent un coup d'état à Corinthe une fois que je serai partie avec les Amazones. Mais toi et moi ne voulons pas cela, n'est-ce pas ? "

 

" Absolument pas. "

 

Xena se leva. " Bien. Je savais que je pourrais compter sur toi. "

 

Alti regarda l'imposante et belle guerrière qui se tenait devant elle. " Donc, tu veux que je reste ici pour contrecarrer leur projet de coup d'état ? "

 

Xena grimaça. " Pas trop rapidement. Laisse-les s'amuser un peu, quand même. Assure-toi simplement que les deux soient morts et mis en croix avant mon retour. "

 

Alti sourit avec malveillance. Finalement, les choses revenaient à la normale.

" Ce sera avec plaisir. "

 

" Je savais que ça te plairait. "

 

" Et que se passera-t-il après ton retour ? "

 

À cette question, la Conquérante répondit d'abord par un sourire qui illumina l'obscurité de la chambre poussiéreuse.

" J'aurai la pierre, et toi … tu pourras avoir les Amazones. "

 

La chamanesse jeta sa tête en arrière avec un rire joyeux et saccadé.

 

******

 

Alti se précipita le long du couloir, ses pas faisant écho sur le sol de marbre froid. Elle avançait rapidement, le regard furieux, à la recherche de ses proies.

 

Elle les trouva, enlacés dans une alcôve étroite et sombre. Le pantalon du commandant royal était baissé et il semblait beaucoup apprécier ce qu'il faisait à l'esclave appuyée contre le mur.

 

Satrina se figea en sentant la présence de la sorcière et jura.

 

" Que veux-tu ? " demanda Darfus par-dessus son épaule.

 

" Tu fêtes déjà ta victoire ? " grinça Alti. " Tu ne devrais pas mettre la charrue avant les bœufs. "

 

Darfus abandonna l'esclave et remonta son pantalon.

 

" De quoi parles-tu ? Comment pourrais-tu savoir ? " Il fixa l'esclave.

" C'est un piège pour me fourrer dans les ennuis ? "

 

" Tu as déjà des ennuis. " commenta Alti avec un ricanement, jetant furtivement un regard sur ce que révéla le dessous de la jupe de l'esclave avant qu'elle ne la remette en place. " Vous êtes tous les deux trop stupides pour le réaliser. "

 

Darfus fronça les sourcils. " Que veux-tu dire ? "

 

" Ecoutez et apprenez. Xena vous connaît mieux que vous vous connaissez. Elle sait qu' à la minute même où elle quittera Corinthe, vous allez conspirer pour prendre sa place. N'importe quel imbécile pourrait projeter cela. Elle va vous laisser tout occupés à vos petits plans idiots tandis qu'elle-même trouvera un prix bien plus important. Corinthe n'est rien comparée à la puissance qu'elle recherche maintenant. Ce que vous ne réalisez pas, c'est qu'avec un joyau comme la pierre de Chronos dans sa main, et la puissance des Amazones à ses côtés, elle pourra non seulement régner sur le monde, mais elle régnera aussi sur le temps. " Elle pointa un doigt tordu dans leur direction. " Vous et moi ne sommes rien comparés à ce qu'elle aura. "

 

Satrina déglutit. " Xena sait ce que nous projetons ? "

 

Alti rit, sa voix discordante rebondissant contre la pierre froide des couloirs comme si elle allait fendre le marbre.

" Voilà pourquoi tu n'es pas prête de la remplacer. La pauvre petite esclave, qui veut tellement devenir une princesse guerrière. Estime-toi heureuse de partager le lit de Xena, si c'est encore le cas. " Alti ricana en voyant la colère et l'embarras se dessiner sur les traits de l'esclave.

 

" Elle ne te fouette plus si souvent, n'est-ce pas ? Xena semble avoir un penchant pour une Amazone. Une Amazone blonde, pour être précise. "

 

La sorcière observa l'esclave avec spéculation puis se lécha les lèvres. " Xena semble avoir un penchant certain pour cette beauté blonde, pas vrai Satrina ? Et toi tu as un penchant pour Xena. Je parie que ça ne te plaît pas trop hein ? "

 

A nouveau, le rire discordant résonna dans le couloir. " Je ne saurai jamais comment vous en êtes arrivés là. Imbéciles ! Xena joue avec ces Amazones de la même façon qu'elle joue avec vous. Elle vous mène dans une direction, alors qu'elle continue sur sa propre voie, sans que personne ne s'en rende compte. "

 

Alti se figea en prononçant ces mots, ses pensées envahies par une réalisation soudaine. " Très intelligent, Xena, très intelligent. " dit-elle en tapotant son menton d'un doigt à l'ongle sale. " Tu es presque parvenue à manipuler tout le monde, les Amazones, ces deux imbéciles... et moi-même. "

 

Darfus et Satrina observèrent avec crainte l'ombre lugubre qui sembla flotter dans le couloir et sur la chamanesse.

 

La sorcière continua à parler comme si elle était toute seule. " Tu as cru pouvoir me duper, n'est-ce pas Xena ? Mais je ne suis pas aussi facilement manipulable. Je te connais trop bien. Tu pensais que j'allais rester ici et surveiller ces deux idiots tandis que tu partais chercher le bijou le plus puissant du monde, pour ensuite le garder pour toi, AVEC les Amazones ? Ne crois pas que ça se passera comme ça, Conquérante. "

 

" Darfus ! " Elle se retourna si vivement que le soldat et Satrina sursautèrent. " Prépare tes soldats. Nous partons faire un petit voyage. "

 

" Un petit voyage ? " demanda Darfus, d'un air confus. " Pour aller où ? "

 

Alti fit deux pas en avant et se pencha vers l'esclave. " Où allons-nous Satrina ? "

 

L'esclave avala péniblement sa salive, ses projets de conquête balayés d'un seul coup.

 

" Golconda."dit-elle, en ajustant sa jupe. " Golconda, en Inde. "

 

 

******

 

Chapitre 10

 

Après tout, c'est peut-être pas si mal d'avoir une conquérante sous la main de temps en temps, songea Ephiny en regardant la rive s'éloigner tandis que le bateau quittait le port de Myos Hormus pour s'engager sur la Mer Rouge. Elles avaient traversé la Méditerranée, pour débarquer dans la ville exotique d'Alexandrie quelques jours plus tôt. Ne perdant pas de temps à visiter le coin, Xena les avait emmenées rapidement à Clysma.

 

Ephiny rit dans l'air salé, en se rappelant le regard sur le visage du capitaine du port quand la Conquérante était arrivée à Clysma pour confisquer son bateau. Cela avait été pareil à Piraeus. Ses Amazones formaient une escorte colorée très impressionnante pour la Conquérante. Elles avaient défilé dans ces villes comme si elles étaient en excursion royale pour que tout le monde les voit.

 

Au début, Ephiny avait hésité devant cette simulation, refusant d'escorter la Conquérante à travers Piraeus, comme si elles étaient ses gardes. Cependant, quand leur parade avait eu comme conséquence de naviguer sur une des plus luxueuses galères qu'elle ait jamais vues, elle avait rapidement oublié ses objections.

 

Gabrielle avait eu raison, une fois de plus. Xena savait comment faire une entrée, et comment utiliser son pouvoir. Après tout, chaque bateau dans chaque port appartenait à la Conquérante. Elle aurait pu prendre n'importe quel bateau marchand qui suivait l'itinéraire commercial vers l'Inde, le forçant à abandonner sa cargaison pour y emmener la Conquérante et son escorte royale. Cependant, ce n'était pas nécessaire. Xena préféra garder une flotte de bateaux au port de Piraeus et commander son propre navire pour traverser la Méditerranée jusqu'à Alexandrie -- une des plus grandes villes commerciales de son empire.

 

Le spectacle fonctionna encore une fois, quand elles répétèrent le cortège à Alexandrie puis à Clysma, où Xena prit possession d'un plus grand et plus élégant navire encore, pour leur voyage à travers l'Océan Indien. La seule chose qui laissa un goût amer dans la bouche d'Ephiny fut le fait que Xena resplendisse autant dans ses robes longues en soie, paraissant aux yeux de tout le monde comme étant au centre d'un cortège d'Amazones.

 

Si ça n'avait pas été Gabrielle qui avait suggéré qu'elle porte son costume d'apparat, Ephiny aurait arraché elle-même la couronne d'or de sa misérable tête.

 

Ephiny suivit le vol d'une mouette pendant qu'elle dérivait le long du courant ascendant provoqué par les voiles gonflées. Les Amazones n'auraient jamais pu se permettre un voyage en mer jusqu'en Inde. Elles auraient suivi la route de la soie, traversant des territoires hostiles, et cela leur aurait pris des mois.

Oui, vraiment, ça devait être agréable d'avoir le monde à sa disposition.

 

La mouette vira, amenant le regard de l'Amazone sur la silhouette de la Conquérante se tenant seule à l'avant.

 

Elle se penchait sur la figure de proue. Une effigie en bois d'elle-même dont la ressemblance était remarquable. La statue s'inclinait au-dessus de l'eau, pointant vers leur destination avec un air menaçant et déterminé.

Sa beauté s'harmonisait à celle de la femme se tenant près d'elle.

 

Peut-être qu'elle va tomber, souhaita Ephiny avec un ricanement mauvais, songeant au plaisir que lui causerait sa disparition. A ce moment-là, elle vit Gabrielle qui s'approchait de Xena, avec un sourire.

 

Bon sang de bon sang ! Elle avait fait son possible pour maintenir ces deux-là éloignées l'une de l'autre, mais elles semblaient toujours se retrouver, dès qu'elle avait le dos tourné.

 

Ephiny essuya quelques gouttes d'eau de mer sur son visage et s'engagea vers l'avant du navire.

 

***********

 

Xena était penchée vers la figure de proue et regardait l'océan devant elle. Ses yeux perçants, accoutumés aux voyages en mer, pouvaient facilement distinguer les faibles contours de la terre alors qu'ils naviguaient sur la Mer Rouge en direction de l'Océan Indien.

 

C'était agréable d'être à nouveau en mer. Elle avait toujours apprécié voyager sur les océans du monde. Même ses années en tant que pirate étaient un bon souvenir, aussi douloureuses que certaines avaient pu être. Appréciant la force du vent contre son visage, Xena considéra le nombre d'océans qu'elle avait certainement dû traverser pour conquérir le monde. Elle n'avait aucun souvenir de tous ces voyages, mais elle était certaine qu'elle avait apprécié chacun d'eux.

 

Xena ferma les yeux et essaya d'imaginer ce que ça aurait pu être de naviguer dans ce navire royal à la tête d'une flottille de guerre, se précipitant sur les vagues d'un océan, imparables, vers leurs ennemis et vers la victoire. Son cœur battit plus vite à cette pensée, envoyant une bouffée d'exaltation dans ses veines et un soudain éclat sur son visage. Xena inspira profondément l'air marin, appréciant l'agitation dans l'air.

 

" Bonjour, comment ça va ? "

 

La voix douce et inattendue la fit sursauter et elle se retourna brusquement.

 

Gabrielle leva ses mains. " Oh, désolée. Je ne voulais pas t'effrayer. " La barde sourit à la femme aux cheveux noirs, se demandant ce que signifiait le regard coupable sur le visage de Xena et le rose sur ses joues. " Est-ce que je te dérange ? "

 

" Non, non. " indiqua Xena rapidement, se déplaçant pour faire de la place à la barde près de la proue. " J'admirais la vue. Jette un coup d'œil. "

 

En voyant l'expression de doute sur le visage de la barde, Xena lui fit signe d'un geste de la main. " Approche-toi. C'est parfaitement sûr. "

 

" Vraiment ? " demanda Gabrielle avec incertitude, mais s'approchant néanmoins.

 

" Absolument. Approche. C'est superbe. " l'encouragea Xena avec un sourire.

 

Gabrielle se laissa persuader et fit un pas pour se placer près de la figure de proue et regarda par-dessus la rambarde. Des rafales de vent soulevèrent ses cheveux dorés et les écartèrent de son visage. Xena sourit en voyant les traits de Gabrielle s'éclairer de plaisir.

 

" C'est fantastique ! " s'exclama la barde.

 

" Tu vois, je te l'avais dit. "

 

" Je n'ai jamais osé faire ça avant. Bon, honnêtement, je suis montée sur un bateau seulement une fois, et c'était sur le Strymon. Cela n'a pris que quelques minutes et il n'y avait pas autant de vent et encore moins de vagues. Et le bateau sur lequel nous étions n'était rien comparé à celui-ci. "

 

Un sourire lumineux éclairait le visage de Xena pendant qu'elle écoutait Gabrielle. Entendre le papotage de la barde lui fit réaliser à quel point le simple son de la voix de son amie lui manquait.

 

" C'était un vieux bateau délabré. Il n'avait qu'une voile et pas de figure de proue. " commenta Gabrielle en posant sa main sur le bois finement sculpté. Ses yeux s'attardèrent sur le visage de la statue et s'écarquillèrent de surprise. Elle se retourna pour faire face au même visage souriant et amusé.

 

" C'est toi ! " laissa échapper la barde. Elle observa à nouveau le visage sculpté. " C'est la Conquérante, je devrais dire plutôt. " ajouta Gabrielle, notant l'air menaçant et cruel sur les traits de la statue. Elle se tourna vers la souveraine souriant une fois de plus. " Tu sais, tu es une femme complètement différente quand tu souris. Tu devrais le faire plus souvent. "

 

" Oh, je devrais ? " répondit Xena, confuse, en haussant un sourcil.

 

" Oui. Et j'aime bien aussi ce mouvement de sourcil. "

 

" Oh, vraiment ? " répondit Xena, soulevant le sourcil mentionné encore un peu plus.

 

" Vraiment. "

 

Xena offrit à la barde la pleine dimension de son sourire. " Bon, peut-être que je le ferai plus souvent, juste pour toi. "

 

" Juste pour moi ? " répondit Gabrielle avec un de ses sourires. " Vraiment ? "

 

" Vraiment. "

 

Xena commençait à se demander combien de temps elles allaient se tenir là, à se sourire comme deux gamines idiotes, quand le navire décida de faire un plongeon soudain à cause d'une vague inattendue. La secousse envoya Gabrielle contre la rambarde.

 

Instinctivement, Xena enroula ses bras autour de son amie, la tirant loin du danger. Cela prit un court moment avant que la guerrière ne se rende compte qu'elle tenait Gabrielle dans ses bras pour la première fois depuis des mois. Elle laissa durer l'instant aussi longtemps qu'elle le put, se délectant de la sensation du corps chaud de la barde contre le sien.

 

" Heu... merci. " prononça Gabrielle, se dégageant doucement et même plutôt lentement de l'étreinte de la Conquérante.

 

Du moins, c'est ce qu'il sembla à Ephiny. Elle avait été témoin de toute la scène alors qu'elle s'approchait de l'avant du bateau. Et bien qu'elle n'ait rien entendu de leur conversation, le regard qu'elles échangeaient était suffisant pour nouer son estomac.

 

" Tu essaies de la jeter par-dessus bord ? " lança l'Amazone, leur annonçant sa présence.

 

Le bruit de la voix d'Ephiny accéléra le mouvement de Gabrielle. Elle se dégagea des bras de la Conquérante, pour se mettre à une distance beaucoup plus sûre tout en se grattant la tête.

 

Ephiny choisit d'ignorer l'expression coupable sur le visage de Gabrielle et fixa la Conquérante, pas du tout impressionnée par son air irrité.

 

" Gabrielle, puis-je te parler un instant ? " demanda-t-elle, son regard ne lâchant pas celui de Xena.

 

" B… bi… bien sûr. " répondit la princesse amazone. " Qu'y a-t-il ? " Le visage de Gabrielle avait finalement repris sa couleur normale.

 

" En bas. " ordonna Ephiny avec un signe de tête.

 

Gabrielle haussa un sourcil. Ephiny souffla.

" S'il te plaît ? " ajouta-t-elle, pas contente du tout.

 

" Certainement. " répondit Gabrielle d'une manière très princière. Mais avant de partir, elle se tourna vers Xena. " Nous nous verrons au dîner ? "

 

" J'y serai. " répondit Xena avec un signe de la tête.

 

" A toute à l'heure, alors. " lança Gabrielle, en rendant le salut. " Je m'en réjouis. Et merci. "

 

" Pourquoi ? "

 

" Pour ne pas m'avoir laissé passer par-dessus bord. "

 

Xena inclina la tête. " Tout le plaisir était pour moi. " dit-elle, regardant s'éloigner Gabrielle avec un petit sourire.

 

" Je veux bien le croire. " commenta Ephiny, lançant à la Conquérante un dernier long regard avant de suivre son amie.

 

Xena observa le dos d'Ephiny jusqu'à ce qu'elle ait disparu à l'intérieur. Elle regarda la figure de proue, imitant l'expression sévère avec un air menaçant.

 

" Je ne la jetterai pas par-dessus bord. " dit-elle à sa propre image, en parlant d'Ephiny. " Même si j'en meurs d'envie. "

 

******

Darfus arpentait le quai dans le port de Clysma." Combien de temps devrons-nous attendre ? "

 

Alti soupira, fatiguée de devoir à nouveau expliquer les faits au soldat.

" Nous allons attendre au moins deux jours. Je voudrais attendre davantage, mais cela donnerait à Xena trop d'avance sur nous. "

 

Le commandant royal était furieux. Deux jours représentaient une éternité quand on dirigeait le mouvement d'une armée. Et ce bataillon était à peine une armée, en tous cas pas le nombre d'hommes qu'il avait l'habitude d'avoir sous ses ordres. Il pourrait avoir 300 hommes bien équipés sur les bateaux en une demi-journée. Et sans chevaux ni artillerie lourde, il pourrait même combattre Xena à Muzuris si le vent était favorable. Pourquoi attendre deux jours ?

 

" Pourquoi attendre deux jours ? " lança Darfus répétant la même question pour la énième fois.

 

Alti se retourna vers le soldat qui se mit à suffoquer comme si des mains invisibles l'avaient saisi par le cou.

 

" Je vais t'expliquer une dernière fois, Darfus. Si tu poses encore une fois la question, c'est Satrina qui prendra le commandement de cette armée. C'est clair ? "

 

Un peu plus loin, sur le même quai, l'esclave sourit, espérant que la question reviendrait.

 

Darfus essaya de répondre par un grognement mais décida à la place d'incliner la tête.

 

" Je ne veux pas que Xena sache que nous la suivons. Elle a la mystérieuse capacité de sentir ma présence, de la même façon que je peux sentir la sienne. Nous ne pouvons pas la suivre de plus près sinon elle saura que je suis derrière elle. Tu as enfin compris ? "

 

Darfus inclina la tête vivement, cherchant à retrouver son souffle, alors que la pression invisible venait de disparaître.

 

Alti ricana. " Et si elle ne me sentait pas, elle sentirait certainement ton odeur. "

 

Satrina attendit jusqu'à ce que la sorcière s'éloigne d'un pas lourd avant de laisser échapper le gloussement qu'elle avait retenu dans sa gorge.

 

" Qu'est-ce qui te fait rire ? " grinça Darfus. " Elle pourrait probablement te renifler tout aussi bien. " commenta le soldat pendant qu'il frottait sa gorge et s'en allait.

 

Le rire de Satrina se poursuivit pendant qu'elle regardait l'océan devant elle. " Oh si seulement… "

 

*******

 

Chapitre 11

 

En mer, il était difficile de dire où se terminait l'encre du ciel nocturne et où commençait l'océan. Parfois, cependant, comme ce soir-là, le ciel était si clair et les étoiles si brillantes, qu'on pouvait imaginer voir le ciel dégringoler dans la bouche noire et béante de l'océan, dévoré par le temps et les vagues déferlantes.

 

Xena regarda par-dessus la rambarde, observant l'écume blanche des vagues derrière eux pendant qu'ils naviguaient vers leur destination. Deux lignes parallèles marquaient leur passage, convergeant loin derrière eux, à l'endroit où la mer rencontrait le ciel. Le vent était fort et leur vitesse plutôt bonne. Si toutes les conditions restaient les mêmes, elles atteindraient le port de Muziris en Inde le lendemain vers midi.

 

Je peux te sentir me suivre, Alti, songea Xena en jetant un œil sur l'horizon sombre.

 

Il n'y avait aucun signe d'un autre navire sur l'océan, du moins pas visible. Mais son instinct lui indiquait la présence du danger, aussi faible qu'il soit, et cela ne pouvait signifier qu'une chose : la chamanesse n'était pas restée à Corinthe comme convenu.

 

Pas grave, pensa Xena en elle-même, elle s'en était doutée. Sans aucun doute Alti avait forcé Darfus et Satrina à l'accompagner, et cela aurait le même effet que si la sorcière était restée à Corinthe. Cela empêcherait la paire de fomenter une révolte dans Corinthe, révolte qui se serait terminée par un carnage.

 

Xena repoussa la mèche de cheveux noirs qui tombait devant ses yeux. Ils devaient être à un, voire deux jours derrière eux, ce qui laissait plus qu'assez de temps à Xena et son escorte d'Amazones pour arriver à Golconda.

 

Une fois sur place, Xena n'avait plus qu'un espoir : que cette pierre et Yakut, la chamanesse amazone, puissent l'aider à remettre les choses en place. Si son plan marchait, plus rien de ceci n'aurait d'importance.

 

La princesse guerrière soupira pendant qu'elle observait l'écume qui disparaissait au loin. C'était étrange mais elle ressentait un certain réconfort à savoir que si Hercule n'était pas apparu dans sa vie, tous ses rêves seraient devenus réalité. Si elle n'avait pas changé, elle aurait régné sur la Grèce et pas seulement sur la Grèce, mais sur le monde. Si seulement elle avait pu y arriver sans cruauté et sans peur, sans la haine qui n'aurait pas manqué de la dévorer si Hercule, et ensuite Gabrielle, n'avaient pas croisé son chemin.

 

Peut-être n'était-il pas possible d'obtenir une telle puissance que celle qu'elle et Alti convoitaient sans y sacrifier son cœur et son âme. Xena regarda l'obscurité qui l'entourait et se demanda combien de temps il faudrait pour qu'elle retombe du côté sombre, si les choses demeuraient comme elles étaient actuellement.

 

" Alors quoi ? Pendant le jour, tu te postes à l'avant du bateau pour voir où nous allons …. Puis la nuit, tu t'installes à la poupe pour constater le chemin parcouru ? " commenta Gabrielle avec un sourire en s'approchant de la Conquérante.

 

Xena se retourna, souriant à cette réflexion. " Oui, je suppose que c'est bien ce que je fais ", répondit-elle.

 

Gabrielle se rapprocha de la rambarde et se plaça près de la guerrière. "Tu n'as pas froid dehors ? Tu n'as jamais sommeil ? "

 

" Non… et non." répondit Xena, appuyant un de ses coudes sur la rambarde. " Et toi ? "

 

" Je suis un peu barbouillée . J'ai le mal de mer. Les bateaux, les océans et moi, nous ne nous entendons pas très bien, particulièrement la nuit, quand je suis à l'intérieur. J'ai pensé qu'il serait mieux pour moi et pour les autres si je montais ici prendre l'air. "

 

La guerrière sourit avec sympathie. " Désolée, j'avais oublié ça. Attends. " Xena saisit doucement la main de Gabrielle et la retourna, paume vers le haut.

 

Gabrielle haussa un sourcil au contact, mais laissa faire la Conquérante.

 

Xena plaça deux doigts de son autre main sur un point de son poignet et Gabrielle sursauta à la pression.

" Hé ! "

 

Après un moment, cependant, quand la nausée de la barde disparut, Gabrielle regarda Xena avec surprise.

 

La guerrière sourit. " Tu sens cette bosse juste ici ? Fais juste une pression là-dessus, comme je te l'ai montré. Ça calmera tes maux d'estomac. "

 

" Waouh ! C'est génial ! Je me sens vraiment mieux. " dit Gabrielle, observant le point que les doigts de la Conquérante avaient pressé, avec une pointe de crainte.

 

" Mais fais attention. Ce point de pression peut aussi émousser tes papilles gustatives et te faire manger des choses que tu n'aurais jamais mangées probablement. "

 

" Vraiment ? Comme quoi ? "

 

" Reste simplement éloignée des aliments étranges et fais attention à ce que tu manges. Si tu fais ça, tu seras débarrassée de ton mal de mer en un rien de temps. "

 

Xena tenait toujours le poignet de la barde, gardant ses doigts contre le point de pression plus longtemps que ce qu'il fallait. Elle

apprécia la chaleur de la peau de son amie pendant quelques secondes de plus, avant de rompre le contact.

 

Gabrielle ne sembla pas y faire objection.

 

Xena regarda rapidement sur le pont derrière elles et haussa un sourcil. " Je suis étonnée qu'Ephiny ne nous ait pas rejointes. Elle le fait habituellement à la minute où toi et moi nous retrouvons seules. "

 

" Je sais : elle est pire qu'une mère poule. Mais elle semble faire tout ça dans mon intérêt. "

 

" Pourquoi ? Elle a peur que je te morde ? "

 

" Peut-être. " répondit Gabrielle, observant Xena avec spéculation. " Tu sais, cet homme qui a volé la pierre de Chronos, Iolaus, il m'a dit que toi et moi étions censées être des amies. "

 

Xena baissa la tête et regarda vers la mer. " C'est exact. Les meilleures amies du monde. "

 

" Ne le prends pas mal, mais c'est difficile à imaginer. Dis-moi,

comment nous sommes-nous rencontrées ? "

 

" Tu avais été capturée par des marchands d'esclaves, près de ton village natal, Poteidaia, et je t'ai sauvée. "

 

" Vraiment ? C'est étrange. J'ai vraiment été capturée près de Poteidaia. La seule différence, c'est que j'ai été secourue par un groupe d'Amazones. J'ai ensuite sauvé la vie de leur princesse, alors je suis devenue une des leurs et Terreis - c'était son nom - a fait de moi sa sœur. "

 

" Ce n'est pas très différent de ce qui s'est produit dans mon époque. Sauf que tu n'as pas réussi à sauver la vie de Terreis. Elle a récompensé ton courage en te donnant son droit de caste, dans son dernier souffle. "

 

Gabrielle hocha la tête tristement. "Terreis a été tuée ici aussi. "

 

" En combattant les Centaures ? "

 

" Non, nous sommes alliées avec les Centaures, contre toi. "

 

Xena laissa échapper un rire ironique. " Bien, au moins je suis parvenue à mettre fin à l'inimitié entre les Amazones et les Centaures ici aussi. "

 

" Tu es également parvenue à éliminer la plupart d'entre nous, y compris les Centaures. "

 

" Il semblerait, oui. " Xena soupira, continuant de fixer l'obscurité de la mer. "

 

" Ecoute, Xena, je ne prétends pas croire complètement ce que tu nous as raconté. Tu dois admettre que c'est une histoire plutôt fantastique. Mais je vois que tu es vraiment pleine de regrets pour toute la douleur et la souffrance que tu as causées. "

 

" Mes regrets n'effaceront pas les choses que j'ai faites. "

 

" Mais la pierre le fera ? Et si ça ne marche pas ? "

 

Xena haussa les épaules. " Alors je devrai trouver un autre plan. "

 

Gabrielle mit une main sur l'avant-bras de Xena, forçant la Conquérante à la regarder. " Comme de permettre à Ephiny de t'assassiner ? Allons, Xena. Si tu me connais aussi bien que tu le dis, tu devrais savoir que je ne vais pas laisser cela se produire. "

 

" Pourquoi pas ? Ce serait la meilleure chose pour le monde. "

 

" Vraiment ? Je ne suis pas aussi sûre. En toute honnêteté, c'est ce que j'avais l'habitude de penser. J'avais même prévu un plan pour cela. Mais maintenant... "

 

" Mais maintenant, quoi ? "

 

" Maintenant que je te connais, " dit Gabrielle pressant légèrement le bras sous sa main, " je pense que peut-être tu ne ferais pas un si mauvais leader, si les choses restent telles qu'elles sont. "

 

Xena permit à Gabrielle de garder sa main sur son bras. Elle se rapprocha même un peu, incapable de résister à la chance d'être près de la barde. " Ecoute-moi, Gabrielle. N'as-tu jamais été attirée par quelque chose, quelque chose que tu savais être très dangereux, mais sans pouvoir résister à son attraction ? "

 

Gabrielle n'eut pas d'autre choix que de regarder la femme près d'elle, sa présence irrésistible, son regard rivé sur le sien.

" Tu veux dire, comme un papillon par une flamme ? "

 

Xena réduisit la distance entre elles, sous l'influence de la tension hypnotique qui s'était installée entre elles. " C'est exactement ce que je veux dire. " prononça-t-elle de sa voix basse, tel un chaud ronronnement.

 

Les yeux de Gabrielle se fermèrent. " Oui … "

 

Xena regarda la bouche tendre et rose de la barde -- le beau visage et les cheveux qui, en dépit de l'obscurité de la nuit, miroitaient comme le soleil. Ce serait si facile, pensa Xena , si facile de l'embrasser maintenant, de la prendre et de la faire mienne. Elle pouvait presque goûter le sel de l'air marin sur ses lèvres, sentir la chaleur de son corps dans le froid de la nuit.

A cet instant, elle pouvait régner sur le monde et avoir Gabrielle aussi.

 

Xena ouvrit les yeux. Leurs lèvres étaient à peine séparées d'un souffle. Elle respirait le doux parfum de Gabrielle et sa peau frémissait au contact de la main de la barde qui reposait toujours sur son bras. Elle pouvait même sentir la délicieuse pression des seins frottant légèrement contre son manteau.

Ce serait si facile.

 

Elle ne pouvait pas faire ça. Xena s'écarta rapidement, mettant la distance d'un bras entre elles. Gabrielle ouvrit les yeux en sursaut comme si elle ne s'était pas rendue compte de ce qu'elle faisait.

 

" Le pouvoir absolu altère tout, Gabrielle. Tu devrais rester loin de moi. Je ne suis pas digne de confiance. "

 

" Voilà enfin des paroles censées. " prononça Ephiny, semblant sortir de nulle part sur le pont derrière eux. Toutes deux tournèrent la tête vers elle, d'un air coupable.

 

" Gabrielle, retourne à l'intérieur. "

 

Quand la princesse amazone voulut protester, Ephiny lui lança un regard furibond. " Tout de suite. "

 

Avec un dernier regard interrogateur vers la Conquérante, Gabrielle s'en alla laissant la guerrière amazone et la Destructrice des Nations en face l'une de l'autre, seules à la poupe du bateau.

 

Ephiny étudia la sombre silhouette de la Conquérante en silence. Son regard fixe était étrangement calme pendant qu'elle scrutait les yeux bleus vifs et la chevelure noire que le vent agitait autour du visage sculptural. Un long manteau cachait l'épée tranchante accrochée sur les épaules de la Conquérante et recouvrait le reste de ce qu'Ephiny considérait comme un corps incroyablement séduisant, serré dans le cuir et le laiton lumineux de son armure.

 

" Ne t'approche pas d'elle. " avertit Ephiny, son regard calme se faisant menaçant ; puis elle s'éloigna d'un pas lourd.

 

*************

 

" Je ne lui fais pas confiance ! " hurla Ephiny à Gabrielle en train d'arpenter la pièce.

 

" Elle ne se fait pas confiance elle-même ! " répondit la princesse amazone d'un ton exaspéré.

 

" Bien, alors on est deux. "

 

Gabrielle soupira. " Je ne ferai jamais rien qui puisse mettre en péril la sécurité de la Nation, Ephiny. "

 

" Je sais cela, Gabrielle. " répondit Ephiny en s'asseyant sur la couchette. " Je ne m'inquiète pas pour la Nation. Mais je m'inquiète pour toi. "

La guerrière amazone étudia son amie d'un regard soucieux.

 

" Ne sois pas inquiète, Ephiny. Je sais prendre soin de moi. Je l'admets, je la trouve séduisante.... un peu. " Quand Ephiny voulut répondre, Gabrielle souleva une main. " J'ai dit un peu. Tu dois admettre que c'est une femme très séduisante. Mais c'est davantage de la curiosité qu'autre chose, je pense. Cette histoire … "

 

" Tu ne penses pas que c'est vrai ? "

 

" Je ne sais pas. " dit pensivement la princesse amazone et elle s'assit sur la couchette à côté de son amie. " Que ce soit vrai ou pas, Xena le croit assez pour changer sa façon de gouverner. Je voudrais que tu ne précipites pas ton jugement, même si cette histoire de pierre ne nous menait à rien. "

 

" Que veux-tu dire par précipiter mon jugement ? "

 

" Tu ne peux pas l'assassiner de sang-froid, Ephiny. "

 

" Si, je le peux. "

 

" Non, tu ne peux pas. "

 

" Pourquoi pas ? "

 

" Parce que je ne te laisserai pas faire, pas sans une bonne raison. "

 

" Et que considères-tu être une bonne raison, Gabrielle ? "

 

Gabrielle soupira et appuya sa tête dans ses mains. " Je ne sais pas, Ephiny. On s'en inquiétera le moment venu. Mais je ne veux pas d'un arc pointé sur son cœur. "

 

" Je pensais plutôt à un poignard. De très près. "

 

La barde lança un regard fâché à son amie. " Tu sais très bien ce que je veux dire. "

 

" Tu as probablement raison. " répondit Ephiny imitant son amie en posant sa tête dans ses mains. " En outre, elle ne laissera jamais personne s'approcher aussi près d'elle. " La guerrière amazone jeta un coup d'œil à sa co-leader. " Sauf peut-être toi .... "

 

" N'y pense même pas. " avertit Gabrielle et elle poussa son amie au bas de la couchette.

 

*****

 

 

 

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