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LAPIERREDECHRONOS3B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

 

LA PIERRE DE CHRONOS

 

par DJWP

traduction : Kaktus

 

 

Partie 3B

 

 

**********

 

Alti se précipita le long du couloir, ses pas faisant écho sur le sol de marbre froid. Elle avançait rapidement, le regard furieux, à la recherche de ses proies.

 

Elle les trouva, enlacés dans une alcôve étroite et sombre. Le pantalon du commandant royal était baissé et il semblait beaucoup apprécier ce qu'il faisait à l'esclave appuyée contre le mur.

 

Satrina se figea en sentant la présence de la sorcière et jura.

 

" Que veux-tu ? " demanda Darfus par-dessus son épaule.

 

" Tu fêtes déjà ta victoire ? " grinça Alti. " Tu ne devrais pas mettre la charrue avant les bœufs. "

 

Darfus abandonna l'esclave et remonta son pantalon.

 

" De quoi parles-tu ? Comment pourrais-tu savoir ? " Il fixa l'esclave.

" C'est un piège pour me fourrer dans les ennuis ? "

 

" Tu as déjà des ennuis. " commenta Alti avec un ricanement, jetant furtivement un regard sur ce que révéla le dessous de la jupe de l'esclave avant qu'elle ne la remette en place. " Vous êtes tous les deux trop stupides pour le réaliser. "

 

Darfus fronça les sourcils. " Que veux-tu dire ? "

 

" Ecoutez et apprenez. Xena vous connaît mieux que vous vous connaissez. Elle sait qu' à la minute même où elle quittera Corinthe, vous allez conspirer pour prendre sa place. N'importe quel imbécile pourrait projeter cela. Elle va vous laisser tout occupés à vos petits plans idiots tandis qu'elle-même trouvera un prix bien plus important. Corinthe n'est rien comparée à la puissance qu'elle recherche maintenant. Ce que vous ne réalisez pas, c'est qu'avec un joyau comme la pierre de Chronos dans sa main, et la puissance des Amazones à ses côtés, elle pourra non seulement régner sur le monde, mais elle régnera aussi sur le temps. " Elle pointa un doigt tordu dans leur direction. " Vous et moi ne sommes rien comparés à ce qu'elle aura. "

 

Satrina déglutit. " Xena sait ce que nous projetons ? "

 

Alti rit, sa voix discordante rebondissant contre la pierre froide des couloirs comme si elle allait fendre le marbre.

" Voilà pourquoi tu n'es pas prête de la remplacer. La pauvre petite esclave, qui veut tellement devenir une princesse guerrière. Estime-toi heureuse de partager le lit de Xena, si c'est encore le cas. " Alti ricana en voyant la colère et l'embarras se dessiner sur les traits de l'esclave.

 

" Elle ne te fouette plus si souvent, n'est-ce pas ? Xena semble avoir un penchant pour une Amazone. Une Amazone blonde, pour être précise. "

 

La sorcière observa l'esclave avec spéculation puis se lécha les lèvres. " Xena semble avoir un penchant certain pour cette beauté blonde, pas vrai Satrina ? Et toi tu as un penchant pour Xena. Je parie que ça ne te plaît pas trop hein ? "

 

A nouveau, le rire discordant résonna dans le couloir. " Je ne saurai jamais comment vous en êtes arrivés là. Imbéciles ! Xena joue avec ces Amazones de la même façon qu'elle joue avec vous. Elle vous mène dans une direction, alors qu'elle continue sur sa propre voie, sans que personne ne s'en rende compte. "

 

Alti se figea en prononçant ces mots, ses pensées envahies par une réalisation soudaine. " Très intelligent, Xena, très intelligent. " dit-elle en tapotant son menton d'un doigt à l'ongle sale. " Tu es presque parvenue à manipuler tout le monde, les Amazones, ces deux imbéciles... et moi-même. "

 

Darfus et Satrina observèrent avec crainte l'ombre lugubre qui sembla flotter dans le couloir et sur la chamanesse.

 

La sorcière continua à parler comme si elle était toute seule. " Tu as cru pouvoir me duper, n'est-ce pas Xena ? Mais je ne suis pas aussi facilement manipulable. Je te connais trop bien. Tu pensais que j'allais rester ici et surveiller ces deux idiots tandis que tu partais chercher le bijou le plus puissant du monde, pour ensuite le garder pour toi, AVEC les Amazones ? Ne crois pas que ça se passera comme ça, Conquérante. "

 

" Darfus ! " Elle se retourna si vivement que le soldat et Satrina sursautèrent. " Prépare tes soldats. Nous partons faire un petit voyage. "

 

" Un petit voyage ? " demanda Darfus, d'un air confus. " Pour aller où ? "

 

Alti fit deux pas en avant et se pencha vers l'esclave. " Où allons-nous Satrina ? "

 

L'esclave avala péniblement sa salive, ses projets de conquête balayés d'un seul coup.

 

" Golconda."dit-elle, en ajustant sa jupe. " Golconda, en Inde. "

 

 

******

 

Chapitre 10

 

Après tout, c'est peut-être pas si mal d'avoir une conquérante sous la main de temps en temps, songea Ephiny en regardant la rive s'éloigner tandis que le bateau quittait le port de Myos Hormus pour s'engager sur la Mer Rouge. Elles avaient traversé la Méditerranée, pour débarquer dans la ville exotique d'Alexandrie quelques jours plus tôt. Ne perdant pas de temps à visiter le coin, Xena les avait emmenées rapidement à Clysma.

 

Ephiny rit dans l'air salé, en se rappelant le regard sur le visage du capitaine du port quand la Conquérante était arrivée à Clysma pour confisquer son bateau. Cela avait été pareil à Piraeus. Ses Amazones formaient une escorte colorée très impressionnante pour la Conquérante. Elles avaient défilé dans ces villes comme si elles étaient en excursion royale pour que tout le monde les voit.

 

Au début, Ephiny avait hésité devant cette simulation, refusant d'escorter la Conquérante à travers Piraeus, comme si elles étaient ses gardes. Cependant, quand leur parade avait eu comme conséquence de naviguer sur une des plus luxueuses galères qu'elle ait jamais vues, elle avait rapidement oublié ses objections.

 

Gabrielle avait eu raison, une fois de plus. Xena savait comment faire une entrée, et comment utiliser son pouvoir. Après tout, chaque bateau dans chaque port appartenait à la Conquérante. Elle aurait pu prendre n'importe quel bateau marchand qui suivait l'itinéraire commercial vers l'Inde, le forçant à abandonner sa cargaison pour y emmener la Conquérante et son escorte royale. Cependant, ce n'était pas nécessaire. Xena préféra garder une flotte de bateaux au port de Piraeus et commander son propre navire pour traverser la Méditerranée jusqu'à Alexandrie -- une des plus grandes villes commerciales de son empire.

 

Le spectacle fonctionna encore une fois, quand elles répétèrent le cortège à Alexandrie puis à Clysma, où Xena prit possession d'un plus grand et plus élégant navire encore, pour leur voyage à travers l'Océan Indien. La seule chose qui laissa un goût amer dans la bouche d'Ephiny fut le fait que Xena resplendisse autant dans ses robes longues en soie, paraissant aux yeux de tout le monde comme étant au centre d'un cortège d'Amazones.

 

Si ça n'avait pas été Gabrielle qui avait suggéré qu'elle porte son costume d'apparat, Ephiny aurait arraché elle-même la couronne d'or de sa misérable tête.

 

Ephiny suivit le vol d'une mouette pendant qu'elle dérivait le long du courant ascendant provoqué par les voiles gonflées. Les Amazones n'auraient jamais pu se permettre un voyage en mer jusqu'en Inde. Elles auraient suivi la route de la soie, traversant des territoires hostiles, et cela leur aurait pris des mois.

Oui, vraiment, ça devait être agréable d'avoir le monde à sa disposition.

 

La mouette vira, amenant le regard de l'Amazone sur la silhouette de la Conquérante se tenant seule à l'avant.

 

Elle se penchait sur la figure de proue. Une effigie en bois d'elle-même dont la ressemblance était remarquable. La statue s'inclinait au-dessus de l'eau, pointant vers leur destination avec un air menaçant et déterminé.

Sa beauté s'harmonisait à celle de la femme se tenant près d'elle.

 

Peut-être qu'elle va tomber, souhaita Ephiny avec un ricanement mauvais, songeant au plaisir que lui causerait sa disparition. A ce moment-là, elle vit Gabrielle qui s'approchait de Xena, avec un sourire.

 

Bon sang de bon sang ! Elle avait fait son possible pour maintenir ces deux-là éloignées l'une de l'autre, mais elles semblaient toujours se retrouver, dès qu'elle avait le dos tourné.

 

Ephiny essuya quelques gouttes d'eau de mer sur son visage et s'engagea vers l'avant du navire.

 

***********

 

Xena était penchée vers la figure de proue et regardait l'océan devant elle. Ses yeux perçants, accoutumés aux voyages en mer, pouvaient facilement distinguer les faibles contours de la terre alors qu'ils naviguaient sur la Mer Rouge en direction de l'Océan Indien.

 

C'était agréable d'être à nouveau en mer. Elle avait toujours apprécié voyager sur les océans du monde. Même ses années en tant que pirate étaient un bon souvenir, aussi douloureuses que certaines avaient pu être. Appréciant la force du vent contre son visage, Xena considéra le nombre d'océans qu'elle avait certainement dû traverser pour conquérir le monde. Elle n'avait aucun souvenir de tous ces voyages, mais elle était certaine qu'elle avait apprécié chacun d'eux.

 

Xena ferma les yeux et essaya d'imaginer ce que ça aurait pu être de naviguer dans ce navire royal à la tête d'une flottille de guerre, se précipitant sur les vagues d'un océan, imparables, vers leurs ennemis et vers la victoire. Son cœur battit plus vite à cette pensée, envoyant une bouffée d'exaltation dans ses veines et un soudain éclat sur son visage. Xena inspira profondément l'air marin, appréciant l'agitation dans l'air.

 

" Bonjour, comment ça va ? "

 

La voix douce et inattendue la fit sursauter et elle se retourna brusquement.

 

Gabrielle leva ses mains. " Oh, désolée. Je ne voulais pas t'effrayer. " La barde sourit à la femme aux cheveux noirs, se demandant ce que signifiait le regard coupable sur le visage de Xena et le rose sur ses joues. " Est-ce que je te dérange ? "

 

" Non, non. " indiqua Xena rapidement, se déplaçant pour faire de la place à la barde près de la proue. " J'admirais la vue. Jette un coup d'œil. "

 

En voyant l'expression de doute sur le visage de la barde, Xena lui fit signe d'un geste de la main. " Approche-toi. C'est parfaitement sûr. "

 

" Vraiment ? " demanda Gabrielle avec incertitude, mais s'approchant néanmoins.

 

" Absolument. Approche. C'est superbe. " l'encouragea Xena avec un sourire.

 

Gabrielle se laissa persuader et fit un pas pour se placer près de la figure de proue et regarda par-dessus la rambarde. Des rafales de vent soulevèrent ses cheveux dorés et les écartèrent de son visage. Xena sourit en voyant les traits de Gabrielle s'éclairer de plaisir.

 

" C'est fantastique ! " s'exclama la barde.

 

" Tu vois, je te l'avais dit. "

 

" Je n'ai jamais osé faire ça avant. Bon, honnêtement, je suis montée sur un bateau seulement une fois, et c'était sur le Strymon. Cela n'a pris que quelques minutes et il n'y avait pas autant de vent et encore moins de vagues. Et le bateau sur lequel nous étions n'était rien comparé à celui-ci. "

 

Un sourire lumineux éclairait le visage de Xena pendant qu'elle écoutait Gabrielle. Entendre le papotage de la barde lui fit réaliser à quel point le simple son de la voix de son amie lui manquait.

 

" C'était un vieux bateau délabré. Il n'avait qu'une voile et pas de figure de proue. " commenta Gabrielle en posant sa main sur le bois finement sculpté. Ses yeux s'attardèrent sur le visage de la statue et s'écarquillèrent de surprise. Elle se retourna pour faire face au même visage souriant et amusé.

 

" C'est toi ! " laissa échapper la barde. Elle observa à nouveau le visage sculpté. " C'est la Conquérante, je devrais dire plutôt. " ajouta Gabrielle, notant l'air menaçant et cruel sur les traits de la statue. Elle se tourna vers la souveraine souriant une fois de plus. " Tu sais, tu es une femme complètement différente quand tu souris. Tu devrais le faire plus souvent. "

 

" Oh, je devrais ? " répondit Xena, confuse, en haussant un sourcil.

 

" Oui. Et j'aime bien aussi ce mouvement de sourcil. "

 

" Oh, vraiment ? " répondit Xena, soulevant le sourcil mentionné encore un peu plus.

 

" Vraiment. "

 

Xena offrit à la barde la pleine dimension de son sourire. " Bon, peut-être que je le ferai plus souvent, juste pour toi. "

 

" Juste pour moi ? " répondit Gabrielle avec un de ses sourires. " Vraiment ? "

 

" Vraiment. "

 

Xena commençait à se demander combien de temps elles allaient se tenir là, à se sourire comme deux gamines idiotes, quand le navire décida de faire un plongeon soudain à cause d'une vague inattendue. La secousse envoya Gabrielle contre la rambarde.

 

Instinctivement, Xena enroula ses bras autour de son amie, la tirant loin du danger. Cela prit un court moment avant que la guerrière ne se rende compte qu'elle tenait Gabrielle dans ses bras pour la première fois depuis des mois. Elle laissa durer l'instant aussi longtemps qu'elle le put, se délectant de la sensation du corps chaud de la barde contre le sien.

 

" Heu... merci. " prononça Gabrielle, se dégageant doucement et même plutôt lentement de l'étreinte de la Conquérante.

 

Du moins, c'est ce qu'il sembla à Ephiny. Elle avait été témoin de toute la scène alors qu'elle s'approchait de l'avant du bateau. Et bien qu'elle n'ait rien entendu de leur conversation, le regard qu'elles échangeaient était suffisant pour nouer son estomac.

 

" Tu essaies de la jeter par-dessus bord ? " lança l'Amazone, leur annonçant sa présence.

 

Le bruit de la voix d'Ephiny accéléra le mouvement de Gabrielle. Elle se dégagea des bras de la Conquérante, pour se mettre à une distance beaucoup plus sûre tout en se grattant la tête.

 

Ephiny choisit d'ignorer l'expression coupable sur le visage de Gabrielle et fixa la Conquérante, pas du tout impressionnée par son air irrité.

 

" Gabrielle, puis-je te parler un instant ? " demanda-t-elle, son regard ne lâchant pas celui de Xena.

 

" B… bi… bien sûr. " répondit la princesse amazone. " Qu'y a-t-il ? " Le visage de Gabrielle avait finalement repris sa couleur normale.

 

" En bas. " ordonna Ephiny avec un signe de tête.

 

Gabrielle haussa un sourcil. Ephiny souffla.

" S'il te plaît ? " ajouta-t-elle, pas contente du tout.

 

" Certainement. " répondit Gabrielle d'une manière très princière. Mais avant de partir, elle se tourna vers Xena. " Nous nous verrons au dîner ? "

 

" J'y serai. " répondit Xena avec un signe de la tête.

 

" A toute à l'heure, alors. " lança Gabrielle, en rendant le salut. " Je m'en réjouis. Et merci. "

 

" Pourquoi ? "

 

" Pour ne pas m'avoir laissé passer par-dessus bord. "

 

Xena inclina la tête. " Tout le plaisir était pour moi. " dit-elle, regardant s'éloigner Gabrielle avec un petit sourire.

 

" Je veux bien le croire. " commenta Ephiny, lançant à la Conquérante un dernier long regard avant de suivre son amie.

 

Xena observa le dos d'Ephiny jusqu'à ce qu'elle ait disparu à l'intérieur. Elle regarda la figure de proue, imitant l'expression sévère avec un air menaçant.

 

" Je ne la jetterai pas par-dessus bord. " dit-elle à sa propre image, en parlant d'Ephiny. " Même si j'en meurs d'envie. "

 

******

Darfus arpentait le quai dans le port de Clysma." Combien de temps devrons-nous attendre ? "

 

Alti soupira, fatiguée de devoir à nouveau expliquer les faits au soldat.

" Nous allons attendre au moins deux jours. Je voudrais attendre davantage, mais cela donnerait à Xena trop d'avance sur nous. "

 

Le commandant royal était furieux. Deux jours représentaient une éternité quand on dirigeait le mouvement d'une armée. Et ce bataillon était à peine une armée, en tous cas pas le nombre d'hommes qu'il avait l'habitude d'avoir sous ses ordres. Il pourrait avoir 300 hommes bien équipés sur les bateaux en une demi-journée. Et sans chevaux ni artillerie lourde, il pourrait même combattre Xena à Muzuris si le vent était favorable. Pourquoi attendre deux jours ?

 

" Pourquoi attendre deux jours ? " lança Darfus répétant la même question pour la énième fois.

 

Alti se retourna vers le soldat qui se mit à suffoquer comme si des mains invisibles l'avaient saisi par le cou.

 

" Je vais t'expliquer une dernière fois, Darfus. Si tu poses encore une fois la question, c'est Satrina qui prendra le commandement de cette armée. C'est clair ? "

 

Un peu plus loin, sur le même quai, l'esclave sourit, espérant que la question reviendrait.

 

Darfus essaya de répondre par un grognement mais décida à la place d'incliner la tête.

 

" Je ne veux pas que Xena sache que nous la suivons. Elle a la mystérieuse capacité de sentir ma présence, de la même façon que je peux sentir la sienne. Nous ne pouvons pas la suivre de plus près sinon elle saura que je suis derrière elle. Tu as enfin compris ? "

 

Darfus inclina la tête vivement, cherchant à retrouver son souffle, alors que la pression invisible venait de disparaître.

 

Alti ricana. " Et si elle ne me sentait pas, elle sentirait certainement ton odeur. "

 

Satrina attendit jusqu'à ce que la sorcière s'éloigne d'un pas lourd avant de laisser échapper le gloussement qu'elle avait retenu dans sa gorge.

 

" Qu'est-ce qui te fait rire ? " grinça Darfus. " Elle pourrait probablement te renifler tout aussi bien. " commenta le soldat pendant qu'il frottait sa gorge et s'en allait.

 

Le rire de Satrina se poursuivit pendant qu'elle regardait l'océan devant elle. " Oh si seulement… "

 

*******

 

Chapitre 11

 

En mer, il était difficile de dire où se terminait l'encre du ciel nocturne et où commençait l'océan. Parfois, cependant, comme ce soir-là, le ciel était si clair et les étoiles si brillantes, qu'on pouvait imaginer voir le ciel dégringoler dans la bouche noire et béante de l'océan, dévoré par le temps et les vagues déferlantes.

 

Xena regarda par-dessus la rambarde, observant l'écume blanche des vagues derrière eux pendant qu'ils naviguaient vers leur destination. Deux lignes parallèles marquaient leur passage, convergeant loin derrière eux, à l'endroit où la mer rencontrait le ciel. Le vent était fort et leur vitesse plutôt bonne. Si toutes les conditions restaient les mêmes, elles atteindraient le port de Muziris en Inde le lendemain vers midi.

 

Je peux te sentir me suivre, Alti, songea Xena en jetant un œil sur l'horizon sombre.

 

Il n'y avait aucun signe d'un autre navire sur l'océan, du moins pas visible. Mais son instinct lui indiquait la présence du danger, aussi faible qu'il soit, et cela ne pouvait signifier qu'une chose : la chamanesse n'était pas restée à Corinthe comme convenu.

 

Pas grave, pensa Xena en elle-même, elle s'en était doutée. Sans aucun doute Alti avait forcé Darfus et Satrina à l'accompagner, et cela aurait le même effet que si la sorcière était restée à Corinthe. Cela empêcherait la paire de fomenter une révolte dans Corinthe, révolte qui se serait terminée par un carnage.

 

Xena repoussa la mèche de cheveux noirs qui tombait devant ses yeux. Ils devaient être à un, voire deux jours derrière eux, ce qui laissait plus qu'assez de temps à Xena et son escorte d'Amazones pour arriver à Golconda.

 

Une fois sur place, Xena n'avait plus qu'un espoir : que cette pierre et Yakut, la chamanesse amazone, puissent l'aider à remettre les choses en place. Si son plan marchait, plus rien de ceci n'aurait d'importance.

 

La princesse guerrière soupira pendant qu'elle observait l'écume qui disparaissait au loin. C'était étrange mais elle ressentait un certain réconfort à savoir que si Hercule n'était pas apparu dans sa vie, tous ses rêves seraient devenus réalité. Si elle n'avait pas changé, elle aurait régné sur la Grèce et pas seulement sur la Grèce, mais sur le monde. Si seulement elle avait pu y arriver sans cruauté et sans peur, sans la haine qui n'aurait pas manqué de la dévorer si Hercule, et ensuite Gabrielle, n'avaient pas croisé son chemin.

 

Peut-être n'était-il pas possible d'obtenir une telle puissance que celle qu'elle et Alti convoitaient sans y sacrifier son cœur et son âme. Xena regarda l'obscurité qui l'entourait et se demanda combien de temps il faudrait pour qu'elle retombe du côté sombre, si les choses demeuraient comme elles étaient actuellement.

 

" Alors quoi ? Pendant le jour, tu te postes à l'avant du bateau pour voir où nous allons …. Puis la nuit, tu t'installes à la poupe pour constater le chemin parcouru ? " commenta Gabrielle avec un sourire en s'approchant de la Conquérante.

 

Xena se retourna, souriant à cette réflexion. " Oui, je suppose que c'est bien ce que je fais ", répondit-elle.

 

Gabrielle se rapprocha de la rambarde et se plaça près de la guerrière. "Tu n'as pas froid dehors ? Tu n'as jamais sommeil ? "

 

" Non… et non." répondit Xena, appuyant un de ses coudes sur la rambarde. " Et toi ? "

 

" Je suis un peu barbouillée . J'ai le mal de mer. Les bateaux, les océans et moi, nous ne nous entendons pas très bien, particulièrement la nuit, quand je suis à l'intérieur. J'ai pensé qu'il serait mieux pour moi et pour les autres si je montais ici prendre l'air. "

 

La guerrière sourit avec sympathie. " Désolée, j'avais oublié ça. Attends. " Xena saisit doucement la main de Gabrielle et la retourna, paume vers le haut.

 

Gabrielle haussa un sourcil au contact, mais laissa faire la Conquérante.

 

Xena plaça deux doigts de son autre main sur un point de son poignet et Gabrielle sursauta à la pression.

" Hé ! "

 

Après un moment, cependant, quand la nausée de la barde disparut, Gabrielle regarda Xena avec surprise.

 

La guerrière sourit. " Tu sens cette bosse juste ici ? Fais juste une pression là-dessus, comme je te l'ai montré. Ça calmera tes maux d'estomac. "

 

" Waouh ! C'est génial ! Je me sens vraiment mieux. " dit Gabrielle, observant le point que les doigts de la Conquérante avaient pressé, avec une pointe de crainte.

 

" Mais fais attention. Ce point de pression peut aussi émousser tes papilles gustatives et te faire manger des choses que tu n'aurais jamais mangées probablement. "

 

" Vraiment ? Comme quoi ? "

 

" Reste simplement éloignée des aliments étranges et fais attention à ce que tu manges. Si tu fais ça, tu seras débarrassée de ton mal de mer en un rien de temps. "

 

Xena tenait toujours le poignet de la barde, gardant ses doigts contre le point de pression plus longtemps que ce qu'il fallait. Elle

apprécia la chaleur de la peau de son amie pendant quelques secondes de plus, avant de rompre le contact.

 

Gabrielle ne sembla pas y faire objection.

 

Xena regarda rapidement sur le pont derrière elles et haussa un sourcil. " Je suis étonnée qu'Ephiny ne nous ait pas rejointes. Elle le fait habituellement à la minute où toi et moi nous retrouvons seules. "

 

" Je sais : elle est pire qu'une mère poule. Mais elle semble faire tout ça dans mon intérêt. "

 

" Pourquoi ? Elle a peur que je te morde ? "

 

" Peut-être. " répondit Gabrielle, observant Xena avec spéculation. " Tu sais, cet homme qui a volé la pierre de Chronos, Iolaus, il m'a dit que toi et moi étions censées être des amies. "

 

Xena baissa la tête et regarda vers la mer. " C'est exact. Les meilleures amies du monde. "

 

" Ne le prends pas mal, mais c'est difficile à imaginer. Dis-moi,

comment nous sommes-nous rencontrées ? "

 

" Tu avais été capturée par des marchands d'esclaves, près de ton village natal, Poteidaia, et je t'ai sauvée. "

 

" Vraiment ? C'est étrange. J'ai vraiment été capturée près de Poteidaia. La seule différence, c'est que j'ai été secourue par un groupe d'Amazones. J'ai ensuite sauvé la vie de leur princesse, alors je suis devenue une des leurs et Terreis - c'était son nom - a fait de moi sa sœur. "

 

" Ce n'est pas très différent de ce qui s'est produit dans mon époque. Sauf que tu n'as pas réussi à sauver la vie de Terreis. Elle a récompensé ton courage en te donnant son droit de caste, dans son dernier souffle. "

 

Gabrielle hocha la tête tristement. "Terreis a été tuée ici aussi. "

 

" En combattant les Centaures ? "

 

" Non, nous sommes alliées avec les Centaures, contre toi. "

 

Xena laissa échapper un rire ironique. " Bien, au moins je suis parvenue à mettre fin à l'inimitié entre les Amazones et les Centaures ici aussi. "

 

" Tu es également parvenue à éliminer la plupart d'entre nous, y compris les Centaures. "

 

" Il semblerait, oui. " Xena soupira, continuant de fixer l'obscurité de la mer. "

 

" Ecoute, Xena, je ne prétends pas croire complètement ce que tu nous as raconté. Tu dois admettre que c'est une histoire plutôt fantastique. Mais je vois que tu es vraiment pleine de regrets pour toute la douleur et la souffrance que tu as causées. "

 

" Mes regrets n'effaceront pas les choses que j'ai faites. "

 

" Mais la pierre le fera ? Et si ça ne marche pas ? "

 

Xena haussa les épaules. " Alors je devrai trouver un autre plan. "

 

Gabrielle mit une main sur l'avant-bras de Xena, forçant la Conquérante à la regarder. " Comme de permettre à Ephiny de t'assassiner ? Allons, Xena. Si tu me connais aussi bien que tu le dis, tu devrais savoir que je ne vais pas laisser cela se produire. "

 

" Pourquoi pas ? Ce serait la meilleure chose pour le monde. "

 

" Vraiment ? Je ne suis pas aussi sûre. En toute honnêteté, c'est ce que j'avais l'habitude de penser. J'avais même prévu un plan pour cela. Mais maintenant... "

 

" Mais maintenant, quoi ? "

 

" Maintenant que je te connais, " dit Gabrielle pressant légèrement le bras sous sa main, " je pense que peut-être tu ne ferais pas un si mauvais leader, si les choses restent telles qu'elles sont. "

 

Xena permit à Gabrielle de garder sa main sur son bras. Elle se rapprocha même un peu, incapable de résister à la chance d'être près de la barde. " Ecoute-moi, Gabrielle. N'as-tu jamais été attirée par quelque chose, quelque chose que tu savais être très dangereux, mais sans pouvoir résister à son attraction ? "

 

Gabrielle n'eut pas d'autre choix que de regarder la femme près d'elle, sa présence irrésistible, son regard rivé sur le sien.

" Tu veux dire, comme un papillon par une flamme ? "

 

Xena réduisit la distance entre elles, sous l'influence de la tension hypnotique qui s'était installée entre elles. " C'est exactement ce que je veux dire. " prononça-t-elle de sa voix basse, tel un chaud ronronnement.

 

Les yeux de Gabrielle se fermèrent. " Oui … "

 

Xena regarda la bouche tendre et rose de la barde -- le beau visage et les cheveux qui, en dépit de l'obscurité de la nuit, miroitaient comme le soleil. Ce serait si facile, pensa Xena , si facile de l'embrasser maintenant, de la prendre et de la faire mienne. Elle pouvait presque goûter le sel de l'air marin sur ses lèvres, sentir la chaleur de son corps dans le froid de la nuit.

A cet instant, elle pouvait régner sur le monde et avoir Gabrielle aussi.

 

Xena ouvrit les yeux. Leurs lèvres étaient à peine séparées d'un souffle. Elle respirait le doux parfum de Gabrielle et sa peau frémissait au contact de la main de la barde qui reposait toujours sur son bras. Elle pouvait même sentir la délicieuse pression des seins frottant légèrement contre son manteau.

Ce serait si facile.

 

Elle ne pouvait pas faire ça. Xena s'écarta rapidement, mettant la distance d'un bras entre elles. Gabrielle ouvrit les yeux en sursaut comme si elle ne s'était pas rendue compte de ce qu'elle faisait.

 

" Le pouvoir absolu altère tout, Gabrielle. Tu devrais rester loin de moi. Je ne suis pas digne de confiance. "

 

" Voilà enfin des paroles censées. " prononça Ephiny, semblant sortir de nulle part sur le pont derrière eux. Toutes deux tournèrent la tête vers elle, d'un air coupable.

 

" Gabrielle, retourne à l'intérieur. "

 

Quand la princesse amazone voulut protester, Ephiny lui lança un regard furibond. " Tout de suite. "

 

Avec un dernier regard interrogateur vers la Conquérante, Gabrielle s'en alla laissant la guerrière amazone et la Destructrice des Nations en face l'une de l'autre, seules à la poupe du bateau.

 

Ephiny étudia la sombre silhouette de la Conquérante en silence. Son regard fixe était étrangement calme pendant qu'elle scrutait les yeux bleus vifs et la chevelure noire que le vent agitait autour du visage sculptural. Un long manteau cachait l'épée tranchante accrochée sur les épaules de la Conquérante et recouvrait le reste de ce qu'Ephiny considérait comme un corps incroyablement séduisant, serré dans le cuir et le laiton lumineux de son armure.

 

" Ne t'approche pas d'elle. " avertit Ephiny, son regard calme se faisant menaçant ; puis elle s'éloigna d'un pas lourd.

 

*************

 

" Je ne lui fais pas confiance ! " hurla Ephiny à Gabrielle en train d'arpenter la pièce.

 

" Elle ne se fait pas confiance elle-même ! " répondit la princesse amazone d'un ton exaspéré.

 

" Bien, alors on est deux. "

 

Gabrielle soupira. " Je ne ferai jamais rien qui puisse mettre en péril la sécurité de la Nation, Ephiny. "

 

" Je sais cela, Gabrielle. " répondit Ephiny en s'asseyant sur la couchette. " Je ne m'inquiète pas pour la Nation. Mais je m'inquiète pour toi. "

La guerrière amazone étudia son amie d'un regard soucieux.

 

" Ne sois pas inquiète, Ephiny. Je sais prendre soin de moi. Je l'admets, je la trouve séduisante.... un peu. " Quand Ephiny voulut répondre, Gabrielle souleva une main. " J'ai dit un peu. Tu dois admettre que c'est une femme très séduisante. Mais c'est davantage de la curiosité qu'autre chose, je pense. Cette histoire … "

 

" Tu ne penses pas que c'est vrai ? "

 

" Je ne sais pas. " dit pensivement la princesse amazone et elle s'assit sur la couchette à côté de son amie. " Que ce soit vrai ou pas, Xena le croit assez pour changer sa façon de gouverner. Je voudrais que tu ne précipites pas ton jugement, même si cette histoire de pierre ne nous menait à rien. "

 

" Que veux-tu dire par précipiter mon jugement ? "

 

" Tu ne peux pas l'assassiner de sang-froid, Ephiny. "

 

" Si, je le peux. "

 

" Non, tu ne peux pas. "

 

" Pourquoi pas ? "

 

" Parce que je ne te laisserai pas faire, pas sans une bonne raison. "

 

" Et que considères-tu être une bonne raison, Gabrielle ? "

 

Gabrielle soupira et appuya sa tête dans ses mains. " Je ne sais pas, Ephiny. On s'en inquiétera le moment venu. Mais je ne veux pas d'un arc pointé sur son cœur. "

 

" Je pensais plutôt à un poignard. De très près. "

 

La barde lança un regard fâché à son amie. " Tu sais très bien ce que je veux dire. "

 

" Tu as probablement raison. " répondit Ephiny imitant son amie en posant sa tête dans ses mains. " En outre, elle ne laissera jamais personne s'approcher aussi près d'elle. " La guerrière amazone jeta un coup d'œil à sa co-leader. " Sauf peut-être toi .... "

 

" N'y pense même pas. " avertit Gabrielle et elle poussa son amie au bas de la couchette.

 

*****

 

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