LA PIERRE DE CHRONOS

 

par DJWP

traduction : Kaktus

 

 

Partie 4B

 

**********

 

La statue de Sita était placée au centre du temple. Ses jambes étaient croisées, ses bras joints dans une prière à Lakshmi. Au milieu du front du superbe visage serein reposait un diamant. Ses facettes étaient si grandes et si nombreuses que le joyau reflétait la lumière avec une couleur d'un riche et mystérieux bleu. Le sourire léger sur les lèvres de Sita suggérait mais ne révélait pas les secrets cachés dans l'éclat du Troisième Oeil de Lakshmi.

Alti se matérialisa à côté de la statue, dérangeant à peine le calme de la pièce obscure. Ses yeux scrutèrent rapidement l'endroit, mais la pièce était vide, et le temple calme. Même les pétales de fleur dispersés aux pieds de l'avatar n'avaient pas été dérangés par sa présence.

 

Elle sourit et, ne gaspillant pas plus de temps, elle tendit la main vers la pierre.

 

La sorcière s'arrêta. L'avait-elle imaginé ou cette laide statue avait-elle semblé froncer les sourcils ? Alti se débarrassa de cette sensation et saisit les bords du diamant du bout des doigts puis tira. La pierre glissa facilement dans la paume de sa main - presque trop facilement.

 

Alti regarda le gros diamant bleu reposant dans sa paume. Il miroita de son propre chef. Puis une seconde fois. Et ensuite la pierre commença à vibrer jusqu'à ce qu'un rougeoiement emplisse le temple, engloutissant la chamanesse dans une brillance qui brûla directement le cœur de son âme.

 

Soudainement, la sorcière se mit à voyager à grande vitesse dans un tunnel de lumière, projetée dans un couloir vers une destination que même Alti ne connaissait pas. Durant toutes ses sombres années, elle n'avait jamais éprouvé une telle puissance. Elle était propulsée à une vitesse étourdissante, tournoyant et tourbillonnant. Puis son élan faiblit avant qu'elle ne soit finalement stoppée. Elle planait à une intersection comme si le pouvoir qui l'avait propulsée ne savait plus quelle direction prendre.

 

Elle pouvait voir une fracture dans le tunnel - une déchirure, une larme. Elle flotta lentement vers la fissure et l' étudia. Le tunnel était fendu en deux directions et elle était incapable de prendre aucune des deux voies. La sorcière tendit une main prudente pour toucher le flux de couleur et la lumière qui suintait par une des fissures.

 

Alti écarquilla les yeux.

 

C'était Xena. Elle pouvait voir Xena sur ce côté de la fissure, mais ce n'était pas la Xena qu'elle connaissait - pas Xena, la Conquérante. C'était une autre Xena qui exsudait tant de bonté que la sorcière faillit reculer. Et l'Amazone blonde était à ses côtés - celle qu'elles appelaient Gabrielle.

 

Alti retira sa main et regarda l'autre côté du tunnel. Il y avait une fracture semblable avec un flux de lumière également semblable. Elle plaça sa main dans le flux.

 

Il y avait Xena de nouveau. Sur ce côté, il n'y avait aucune blonde à ses côtés, mais une abondance de corps à ses pieds. Ça, c'était la Xena qu'elle connaissait et aimait. Alti retira sa main et étudia les deux fissures, observant les flux de lumière qui filtraient dans le centre du tunnel et se mélangeaient. Elle tendit une main pour caresser le flux combiné.

 

Aussi soudainement qu'elle avait commencé le voyage, elle se retrouva dans le temple avec le Troisième Oeil de Lakshmi toujours dans sa main et la statue de Sita la regardant fixement, son sourire toujours aussi inquiétant.

 

Voilà pourquoi Xena voulait obtenir cette pierre, pensa Alti en regardant la gemme bleue. Maintenant tout commençait à prendre une signification : son étrange comportement , l'anéantissement du champ de crucifiement, la façon dont elle avait évité Alti pendant des

mois, son obsession avec la pierre de Chronos et sa disparition ... puis sa préoccupation envers une certaine Amazone blonde.

 

Oui, tout cela commençait à être clair.

 

Alti regarda la statue et brandit la pierre. " Merci, Sita ", dit-elle à la statue.

 

" Tu as répondu à beaucoup de mes questions. " Elle se tourna dans la direction de la porte de la ville et de l'endroit où elle savait se trouver le campement amazone. " Ça n'avait rien à voir avec le pouvoir, n'est-ce pas Xena ? Mais avec … le temps et la destinée. "

 

Elle jeta la pierre en l'air et ricana quand ses longs doigts se refermèrent autour du Troisième Oeil de Lakshmi.

 

" Et bien, ta destinée est entre mes mains maintenant, Princesse guerrière. "

 

A ces mots, elle tournoya si rapidement que sa forme devint une tache de mouvement avant de s'effacer et de finalement disparaître complètement. Le temple fut à nouveau calme et vide.

Jusqu'à ce qu'une ombre ondule le long de la surface de la statue de Sita. Dans les yeux sans vie et inexpressifs passa une lueur de colère. Le bronze se transforma en peau chaude et brune.

L'apparition décroisa ses mains et se leva, son sourire énigmatique se transformant en un froncement de sourcils sévère.

 

D'un pas gracieux, elle s'éloigna de l'autel, y laissant une froide statue toujours assise à sa place. Elle leva les bras, scintilla et disparut.

 

******

Comme un chaton... ronronnant, songea Xena en observant

la forme endormie un peu plus loin d'elle. Même dans l'obscurité de la tente, elle pouvait voir quelques mèches de cheveux dorés émergeant de sous les couvertures, brillant comme une bougie dans la nuit. La barde dormait de l'autre côté de la tente et ronflait doucement. Xena aurait voulu ramper sous cette couverture pour prendre sa compagne dans ses bras, et l'enserrer afin de sentir contre elle la vibration de ses doux sons de contentement comme elle l'avait déjà fait tant de nuits par le passé.

 

Au lieu de cela, la Princesse guerrière étudia les corps couchés entre elles. Bien qu'Ephiny ne voulait en aucun cas qu'elles dorment l'une près de l'autre, elle ne voulait pas non plus que Xena soit hors de sa vue. Ainsi, elle avait insisté pour que Xena dorme dans la tente, mais avait promptement placé son propre couchage entre elles, les maintenant aussi loin l'une de l'autre que les murs de la tente le permettaient. La chef militaire des Amazones dormait face à la Conquérante, une main sur la garde de son épée et un couteau dans l'autre. Comme si cela pouvait empêcher la Conquérante de prendre ce qu'elle voulait.

 

Xena chassa cette pensée de son esprit, se concentrant sur la respiration des deux femmes à côté d'elle.

 

Ses voisines étaient de toute évidence endormies, mais Xena attendit un peu plus longtemps pour en être sûre avant de s'esquiver de son sac de couchage.

 

En lançant un dernier et long regard vers la barde qui dormait paisiblement, Xena fendit la couture à l'arrière de la tente avec son couteau et s'éloigna dans la nuit.

 

*********

 

Xena n'était qu' une ombre flottant le long des rues de la ville. Un chuchotement de la brise, un grattement doux contre une pierre ; à peine un son qui marqua son passage à travers la porte et le long des couloirs sinueux et des allées menant au grand temple dans le cœur de Golconda.

 

Elle se plaça dans une alcôve sombre et sourit. Beaucoup de guerres pouvaient être gagnées avec un acte de ruse. Un couteau aiguisé et la bonne cible pouvaient terminer un conflit avant qu'il n'ait même commencé ; un monarque renversé avant que ses sujets n'aient chassé le sommeil de leurs yeux. Bien que Xena ait formé et entraîné beaucoup d'assassins à faire de genre de choses, aucun n'avait son talent, mais c'était parce qu'aucun n'aimait cela autant qu'elle.

 

C'était quelque chose qu'elle avait appris de Lao Ma il y avait longtemps : comment devenir invisible. Bien sûr, Lao Ma lui avait appris cela dans un but différent, mais comme tout ce que Xena avait appris en ce temps-là, elle avait utilisé cette capacité de se fondre dans l'environnement pour ses propres objectifs. Il n'y avait rien de plus palpitant que de se glisser au travers des défenses adverses pour se retrouver debout au pied du lit de votre ennemi endormi, un couteau à la main.

 

Xena frotta ses paumes vides contre sa jupe en cuir. Le mieux à faire était d'entrer dans le temple, de trouver cette pierre et de faire rentrer les choses dans l'ordre aussi vite que possible.

 

Sans bruit, la Conquérante quitta l'alcôve, suivant les ombres le

long du mur menant au Temple de Lakshmi.

 

La salle principale du temple était froide et vide. Xena fixa l'arrière de la statue de bronze dans le centre de la pièce, sentant un calme étrange qui en émanait.

 

Elle se dirigea silencieusement vers la sculpture, faisant une pause juste derrière elle en fronçant les sourcils d'un air soupçonneux.

Quelque chose n'allait pas. Il y avait une sensation de peur glaciale dans l'air et cela venait du centre de la pièce - de la statue de Sita.

 

Sur la pointe des pieds, Xena passa autour de la statue, notant les bras croisés et s'attendant presque à les voir bouger pour la saisir. Elle s'approcha de la statue de Sita à pas mesurés et se figea.

Le diamant n'était plus là.

 

Il y avait un espace octogonal vide, là où aurait du se trouver une pierre.

 

Le Troisième Oeil de Lakshmi n'était plus là et la statue n'en semblait pas heureuse du tout. Ni Xena.

 

" ALTI ! " jura Xena dans un souffle.

 

Elle s'éloigna de la sculpture de bronze et courut hors de la pièce afin de revenir au campement des Amazones avant que la chamanesse n'y arrive.

 

*******

 

CHAPITRE 14

 

Heureuse dans la chaleur de son sac de couchage, Ephiny renifla à une démangeaison et se gratta le nez, l'écorchant presque avec le couteau qu'elle tenait toujours dans sa main.

 

" Merde ! " chuchota-t-elle, sentant le bout de la lame à l'intérieur de sa narine. Elle laissa tomber le couteau rapidement et porta ses doigts à son nez, s'attendant à demi à y trouver du sang. Heureusement, elle avait seulement réussi à gratter la démangeaison.

 

L'Amazone regarda d'un air coupable le sac de couchage non loin d'elle, espérant que la Conquérante n'avait pas été témoin de cet acte non guerrier.

Elle n'avait pas à s'en inquiéter. La place était vide.

 

" MERDE ! " glapit Ephiny et elle bondit de ses couvertures.

 

" Ephiny, que se passe-t-il ? " marmonna Gabrielle d'un air endormi en sortant la tête de ses couvertures.

 

" Où est elle ? " demanda l'Amazone à son amie, indiquant le lit vide. " Elle n'est pas avec toi, n'est-ce pas ? "

 

" Ephiny ! " protesta Gabrielle écartant les couvertures. " Ne sois pas ridicule ! " La barde trébucha et regarda vers le lit. " Je n'ai aucune idée d'où elle peut être. Peut-être qu'elle est allée... tu sais... se soulager ? "

 

Ephiny souffla et prit son épée. " Pas sans moi. "

 

Gabrielle sourit. " Quoi ? Tu veux l'aider à s'essuyer ? "

 

" Très drôle ", répondit Ephiny qui fit deux pas vers la porte puis se retourna pour faire face à son amie. " Ne PENSE même pas à quitter cette tente pour la chercher. Elle n'a pas besoin de ton aide non plus. "

 

"Rabat-joie."

 

L'Amazone fronça les sourcils et se retourna pour quitter la tente, entrant presque en collision avec la garde qui se précipitait pour entrer.

 

" Ephiny ! " s'exclama la garde, hors d'haleine.

 

" Que se passe-t-il ? "

 

La garde ne pouvait pas répondre, tachant de reprendre son souffle, en inspirant de grandes goulées d'air.

 

" Doucement. " Gabrielle s'approcha incitant la femme à se calmer. " Doucement. "

 

La garde hocha la tête et sourit faiblement, attendant d'avoir repris le contrôle de son souffle avant d'annoncer. " Il y a une armée qui approche, juste derrière la colline, à un mille d'ici environ. "

 

" Une armée ? " demanda Gabrielle, regardant la femme d'un air soucieux. " Que veux-tu dire, une armée ? Quelle armée ? "

 

" Environ 300 fantassins, aucune cavalerie mais ils se déplacent rapidement, et droit sur nous. "

 

" Des Indiens ? " questionna Ephiny.

 

La garde secoua la tête. " Non, Ephiny. Des Grecs. Ils portent les couleurs de la Conquérante. "

 

Ephiny se retourna vers Gabrielle, ses yeux plein de colère étincelant dans l'obscurité. " Je le savais ! Gabrielle, c'était un piège. "

 

" Non, Ephiny ! "

 

" J'aurais dû le savoir ! Elle a séduit et entraîné ce qui restait de la Nation amazone sur un sol étranger. Elle nous a utilisées pour l'aider à trouver sa pierre. Par les Dieux ! Nous l'y avons amenée tout droit ! Et pendant tout ce temps, son armée nous suivait de près. "

 

" Je ne le crois pas, Ephiny. "

 

" As-tu perdu l'esprit, Gabrielle ? Ou as-tu plutôt perdu ton cœur ? Regarde ce sac de couchage vide ! Elle est partie rejoindre son armée et si nous ne faisons pas quelque chose rapidement, elle va attaquer cette ville, s'emparer de la pierre et anéantir le reste des guerrières amazones et leurs deux dernières leaders d'un seul coup ! Je dois le lui reconnaître - c'était un plan brillant - elle m'a dupée. "

 

" Non ", dit faiblement Gabrielle, hochant la tête.

 

Ephiny la prit par les épaules et la secoua avec force. " Tu es juste une autre de ses conquêtes , ne le comprends-tu pas ? "

 

" Tout ça est ma faute. "

 

" Non, c'est ma faute. J'aurais dû me méfier ", dit Ephiny, secouant la tête face à sa stupidité.

 

" Allez, il faut partir d'ici. Il faut que l'on se mette à l'abri. "

 

 

" Qu'allons-nous faire ? " demanda Gabrielle en saisissant son bâton pour suivre Ephiny à l'extérieur.

 

Ephiny attacha son épée au dos de son armure et sourit. " Ce que nous faisons toujours . Grimper dans les arbres ! Nous ne capitulerons pas sans nous battre ! "

 

La chef militaire amazone plaça ses mains en coupe devant sa bouche et hurla.

 

" GRIMPEZ DANS LES ARBRES ! PRÉPAREZ-VOUS AU COMBAT ! "

 

******

 

Xena glissa silencieusement derrière le dernier arbre, apercevant finalement la sombre forme de l'arrière de la tente dans la clairière. Son retour au campement Amazone avait été beaucoup plus facile que son départ.

 

Aucune garde, pensa-t-elle anxieusement en utilisant l'ombre du dernier buisson pour masquer son approche. Xena glissa un doigt dans la couture et l'écarta lentement, regardant prudemment à l'intérieur. La tente était sombre et calme. Elle ouvrit le volet un peu plus grand et fouilla l'intérieur d'un regard vif. Il y avait toujours trois sacs de couchage à l'intérieur, mais tous étaient vides.

 

Xena entra rapidement et fit une pause, écoutant avec tous ses sens pour trouver n'importe quelle indication de ce que se passait. Tout était calme - trop calme. La Princesse guerrière traversa la tente, marchant soigneusement sur la paillasse dispersée d'Ephiny. Comme elle s'approchait du volet opposé, elle tira lentement son épée - son anneau métallique dérangeant le silence troublant. Xena retint son souffle et ouvrit la porte.

 

 

Elle fut saluée par une Alti souriante et les articulations du poing de Darfus qui la frappèrent entre les deux yeux. La tête de Xena recula sous le coup de la surprise et elle trébucha en arrière.

 

Darfus savait qu'il devait profiter de son avantage sur Xena ou la chance tournerait. Il se rua sur elle par la porte de la tente amenant son poing d'abord dans son ventre et frappant ensuite le côté clouté de son gant sur sa nuque alors qu'elle se pliait en avant. Le coup envoya Xena par terre. Darfus ne perdit pas de temps et lui donna un coup de pied dans les côtes, le regard fou en entendant le son des os brisés.

 

Par les Dieux, la Conquérante était tombée sous sa propre main ! Darfus en salivait rien que d'y penser et il lui donna un autre coup de pied.

 

"ASSEZ ! " ordonna Alti. Elle saisit Darfus par l'épaule et le repoussa. La chamanesse regarda fixement la forme de la Conquérante étendue inconsciente sur le sol. " Ça ira... pour le moment. " Elle sourit au Commandant et tapota son visage. " Tu as fait du bon travail. "

 

Darfus sourit et se lécha les lèvres. Alti s'agenouilla près de sa protégée, notant le filet sombre de sang qui suintait du coin du nez de Xena. La sorcière essuya le sang avec le bout d'un doigt et le lécha ensuite pour le nettoyer.

 

" C'est mon tour maintenant ", caqueta-t-elle.

 

Le son de son rire grinçant fit reculer Darfus de crainte.

 

******

 

La première chose dont Xena prit conscience fut le goût amer du sang dans sa bouche ; la chose suivante qu'elle sentit fut la douleur. Toute tentative de mouvement ne semblait causer qu'une plus grande agonie dans ses côtes. Au moins deux de cassées, pensa-t-elle en tentant d'atténuer la sensation de nausée et en ouvrant les yeux. Il y avait une paire de bottes directement devant son nez. Elle devait être sur le sol. Une autre tentative de mouvement amena encore plus de douleur et la réalisation que ses mains avaient été liées derrière son dos.

 

A son mouvement, les bottes bougèrent et leur propriétaire s'accroupit pour la regarder de plus près.

 

" Finalement réveillée ? Ça a pris du temps. Je pensais que tu le serais avant midi. " Darfus se remit debout et poussa son épaule avec le bout de sa botte.

 

" Lève-toi. " ordonna-t-il.

 

Xena avala un gémissement, choisissant de grogner à la place. Elle grinça des dents et se mit sur ses genoux, refusant de montrer sa douleur à son ravisseur.

 

" Tu vas le regretter, Darfus ", lui promit-elle entre ses dents serrées, employant la menace pour masquer son malaise alors qu'elle se levait. Ses côtes protestèrent, ainsi que le martèlement dans sa tête. Pendant un moment, l'obscurité passa devant ses yeux menaçant de l'engloutir.

 

" Besoin d'aide ? " offrit le Commandant d'un ton moqueur.

 

" N'essaie pas de me toucher ", menaça la Conquérante. Xena se redressa et attendit que la pièce s'arrête de tourner avant de rouvrir les yeux. Elle fixa l'homme avec un regard qui promettait sa mort et celle de son armée tout entière.

 

" Je ne le voudrais même pas en rêve ", Répondit Darfus déglutissant malgré sa bravade. " Je laisserai ça à Alti. " Il recula, révélant la malveillante chamanesse debout face à sa prisonnière.

 

" Xena ! Comme c'est gentil de te joindre à nous ", dit Alti, se régalant de la pâleur sur le visage de la Conquérante et du filet de sang qui coulait toujours de son nez. " Qu'est-ce qui est arrivé à toutes tes petites amies Amazones ? Elles ont eu peur ? Peu importe, nous les trouverons plus tard. "

 

Xena poussa un soupir de soulagement silencieux. Apparemment, Gabrielle et les Amazones avaient réussi à s'échapper. Que les dieux en soient remerciés.

 

" Ça va, Alti. Je sais à quel point tu aimes te réjouir. Alors vas-y, continue ! " dit Xena en crachant du sang sur le sol. Elle n'était pas sûre de savoir si c'était la vue de la chamanesse ou le martèlement de sa tête qui lui donnait le plus envie de vomir.

 

Alti ricana et tourna autour de son adversaire. " Tu as fait une petite promenade dans la forêt hier soir, Xena ? Tu as trouvé ce que tu cherchais ? "

 

Xena fixa la sorcière, sans répondre.

 

Alti leva une main. Le miroitement bleuté du diamant géant qu'elle tenait coupa le souffle de Xena.

 

" C'était cela que tu cherchais par hasard... Princesse Guerrière ? " demanda Alti, avec une lente précaution.

 

Elle s'approcha plus près, soulevant la gemme de façon à la faire miroiter devant les yeux de Xena.

 

" Oui, c'est comme ça que je t'ai appelée, Xena... Princesse Guerrière. Je sais ce qui se passe maintenant. Le diamant m'a tout dit. Tu as eu raison de rechercher cette pierre, Xena. Son pouvoir est remarquable. " Alti brandit la gemme en l'air, laissant un rayon de soleil traverser son centre et briser ainsi l'obscurité de la tente dans une douche de lumière brillante. " Et en plus, elle est belle, n'est-ce pas ? "

 

Alti déplaça le joyau plus près, laissant Xena étudier toutes les facettes du diamant bleu. La sorcière approcha son visage tout près de la guerrière, regardant la façon dont Xena observait la pierre.

 

" Elle m'a tout dit de toi, Xena ... sur ta destinée… ou tes destinées, devrais-je dire. "

 

Xena essaya de se détourner de la pierre, pour fixer la sorcière, mais sa luminosité l'hypnotisait. Elle avait oublié le martèlement dans sa tête et la douleur de ses côtes et regardait fixement la lueur claire de la pierre bleue et lumineuse.

 

" Tu as beaucoup de chance, Xena. Il semblerait que tu puisses choisir entre deux destinées. " Alti tourna la pierre d' un côté et l'approcha encore du visage de Xena.

" Tu peux choisir celui de la Princesse Guerrière, avec cette jolie Amazone blonde à tes côtés.... et dans ton lit. " Alti rit de manière séductrice. " Regarde bien, Xena et vois où ce chemin mènera. "

 

Le centre de la pierre s'assombrit puis des nuages fusionnèrent en une image. C'était l'image d'un champ enneigé et froid, rempli de soldats romains. Sa propre image se reflétait dans un bouclier. Elle était blessée et saignait, alors qu'on la mettait en croix. Sa tête se tourna dans un mouvement aussi douloureux que ce qu'elle ressentait en ce moment et elle put voir qu'elle n'était pas seule. Un autre corps blessé et marqué de coups était préparé pour le crucifiement. Les pires craintes de Xena étaient en train de lui être révélées.

 

Gabrielle tourna la tête et lui sourit alors qu'on lui liait les jambes à la croix. Malgré la scène terrifiante, sa beauté coupa le souffle de Xena.

 

" Gabrielle... "

 

Les yeux verts et chaleureux de la barde amenèrent un sourire sur les lèvres de la guerrière, malgré la douleur qui lui transperçait le cœur.

 

" Gabrielle ... tu es la meilleure chose qui me soit arrivée. "

 

Le sourire de son amie remplit le cœur de Xena au-delà de tout ce qu'elle avait jamais connu.

 

" Je t'aime, Xena. " Les mots étaient comme un baiser indulgent.

" Je t'aime, Xena .... je t'aime, Xena... "

 

Les mots se répétèrent à plusieurs reprises pendant que l'image au centre de la pierre s'effaçait ; la dernière image visible fut celle accompagnée du bruit d'un marteau sur la croix.

 

Xena sentit ses jambes fléchir. Sans Darfus, elle aurait dégringolé

dans la saleté comme un tas inutile. Le Commandant la soutint, la forçant à continuer de regarder.

 

La lèvre supérieure d'Alti trembla dans un ricanement. " Tu n'aimes

pas cette destinée, Xena ? Bien, j'en ai une autre pour toi. " Elle donna un petit coup de l'autre côté de la pierre et la poussa vers le visage de Xena. Xena essaya de détourner les yeux, mais Darfus la saisit par les cheveux, tirant sa tête en arrière, la forçant à regarder. Xena observa de nouveau le centre assombri du diamant qui se purifia ensuite, une nouvelle image remplissant sa vision.

 

Cette vision était celle de la Conquérante puissante et invincible, la dirigeante du monde - la plus grande guerrière jamais connue. Xena se tenait fièrement, l'épée à la main et un petit sourire cruel sur ses lèvres, debout au milieu d'un vaste champ de bataille. La Conquérante souleva son épée et la pointa vers une mer de guerrières amazones

mortes éparpillées dans le paysage aussi loin qu'on pouvait voir.

 

Alti se glissa à côté de la guerrière et rit sous cape. " Tu vois Xena, tu peux jouer au bon samaritain, avoir la jolie blonde et finir avec elle sur la croix, ou tu peux garder les choses comme elles sont. Bien sûr, il n'y a aucune Amazone blonde dans l'avenir de la Conquérante - elles sont toutes mortes, tu vois. " Alti haussa les épaules. " Mais tu vivras une agréable et longue vie en gouvernant le monde. "

 

Alti retira brusquement la pierre du visage de Xena et la remplaça par son propre regard. " Maintenant, pourquoi ai-je le sentiment que tu as fait tout ce chemin pour redevenir le bon samaritain ? "

 

Xena essaya d'avaler sa salive, souhaitant pouvoir s'asseoir, mais Darfus lui tirait toujours les cheveux et la retenait. Elle se tendit contre les liens de ses poignets, mais ils étaient trop serrés et elle était trop faible. " Parce que c'est la voie que je suis supposée suivre, Alti. Je pense que tu le sais. "

 

" Rien n'est encore taillé dans la pierre, Xena - si tu me permets ce calembour ", dit Alti avec un sourire. " Après tout, quelqu'un, quelque part, a compliqué tout cela. Et maintenant la pierre est entre mes mains. " Une fois de plus, elle donna un petit coup à la gemme et ricana. " Et ceci est ton avenir, à ce qu'il semble. Mais si je te disais qu'il y a une troisième option ? Celle que Darfus et moi préférons aux deux autres. "

 

À cette déclaration, Darfus rit chaleureusement.

 

" Allez Xena, jetons un coup d'œil à un tout nouveau jour. " Alti tourna brusquement sa tête vers la sortie de la tente.

 

Xena n'avait vraiment aucune envie de voir la lumière brillante du soleil matinal, mais le genou de Darfus dans son dos ne lui donnait pas le choix. Le Commandant poussa la captive en avant. Xena trébucha dans la lumière vive du jour et l'intense luminosité du soleil l'obligea à fermer les yeux.

 

Après plusieurs clignements et un coup sur sa tête de la part de Darfus, elle regarda le camp amazone.

 

Il n'y avait aucune Amazone nulle part. Mais il y avait deux lignes des soldats de l'armée de la Conquérante de chaque côté d'elle, se faisant face et formant une haie pour leur leader.

 

" Le règne de la Conquérante touche à sa fin ", prononça Darfus. " Et tu vas le terminer à la façon d'une vraie guerrière. "

 

 

" Le Rituel ? " chuchota Xena d'une voix rauque, un effroi inévitable l'envahissant.

Darfus rit en confirmation et la poussa en avant. " L'avenir n'est plus très rose pour toi, n'est-ce pas Xena ? "

 

Xena était seule pour faire face à l'ultime fin d'un guerrier.

 

" Délie au moins mes mains," dit-elle, tirant faiblement sur les liens. Mais Darfus rit à nouveau et lui donna un autre coup.

 

******

 

 

Ephiny changea sa position pour une plus sûre sur la branche épaisse d'un arbre et jeta un oeil à travers les feuilles.

 

" Au nom d'Artémis, que se passe-t-il là-bas ? " se demanda-t-elle en observant les deux rangées de soldats qui attendaient patiemment à l'extérieur de la tente.

 

Elles avaient reculé dans les arbres, en formation classique qui placerait leurs archers dans la meilleure position possible en cas d'attaque ennemie. Ses Amazones étaient perchées dans les branches environnantes, camouflées par des feuilles et prêtes à envoyer une averse de flèches sur l'ennemi une fois qu'ils seraient à l'intérieur du périmètre du camp.

 

Selon ses propres ordres, l'arc d'Ephiny serait le seul à viser la Conquérante.

 

" Tu es toute à moi, Xena ", promit Ephiny en tendant la corde de son arc et pointant la flèche mortelle vers l'entrée de la tente.

" Mais où es-tu donc ? "

 

Sa patience fut payante quand le volet de la tente s'écarta laissant apparaître Xena la Conquérante. Ephiny baissa presque son arc sous la surprise.

 

" Elle est blessée ! " Ephiny entendit le hoquet de Gabrielle sur la branche d'un arbre près d'elle. " Ephiny, elle est prisonnière ! "

Ephiny, stupéfaite, observa la Conquérante apparemment attachée et blessée. On la poussa jusqu'à la longue ligne de soldats surveillée de près par Alti et Darfus.

 

" Le Rituel - ils vont lui faire subir le Rituel ", commenta l'une des guerrières. En effet, il semblait que c'était exactement ce qui allait arriver.

 

 

" Tant mieux ", pensa durement Ephiny. " J'espère qu'ils vont lui en mettre plein la tronche ! " Elle baissa son arc, heureuse de laisser faire le travail aux soldats de la Conquérante.

 

Elle entendit alors un bruit de piétinement dans les arbres. Gabrielle essayait de descendre. La Commandante amazone leva une main en un ordre silencieux pour l'arrêter.

 

" Ephiny ! Tu ne peux pas rester ici sans rien faire ! " chuchota-t-elle durement.

 

" Gabrielle... Ferme-la et reviens ! " répliqua Ephiny, d'un ton fâché.

 

" Elle a les mains liées et elle est blessée ! Ils vont la battre à mort ! "

 

Ephiny haussa les épaules et s'appuya contre le tronc, prête à

observer la scène.

 

La barde était furieuse. Elle fixa son amie incrédule. " Ephiny, elle ne nous a pas trahies ! Sans notre aide, elle n'a aucune chance ! Si tu ne fais pas quelque chose, c'est moi qui le ferai. "

 

Ephiny regardait la scène devant elle. Xena était sur le point de subir le Rituel. Une juste fin pour la Conquérante. Mais serait-ce la mort d'une vraie guerrière si les mains de Xena restaient liées ? La leader amazone sentit soudainement un peu de compassion pour la sombre guerrière debout devant ses propres soldats, sur le point de connaître une fin très douloureuse et brutale.

 

Elle regarda Gabrielle et inclina la tête. D'accord, se dit-elle. Xena avait vécu en suivant le code d'une guerrière, elle méritait de mourir selon le même code - non pas battue comme un animal, les mains liées derrière le dos.

 

Ephiny leva son arc et visa.

 

" J'espère que tu as vraiment un cœur, Conquérante. " pensa-t-elle, en tendant la corde et en ajustant la flèche.

 

******