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LONGEST NIGHT4

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Une Si Longue Nuit

 

par Melissa Good

 

Traduction : Fryda

(2006)

 

 

*********

Partie 4A

*********

 

****

 

Pour les avertissements et démentis, voir 1ère partie

 

*****

 

« Je ne peux pas croire qu’il neige encore », dit Hécuba en soupirant, tandis qu’elle jetait un coup d’œil par la fenêtre teintée vers l’extérieur qui s’assombrissait. Elle se retourna et regarda de nouveau leur foyer, où ses invités s’étaient tranquillement installés après avoir fini leur dîner détendu.

 

Ça s’était… bien passé, songea-t-elle. Un peu tendu, mais il fallait s’y attendre… et de façon assez surprenante, c’était Xena qui avait soulagé un peu de la tension en faisant des remarques légèrement amusantes, et en se laissant convaincre de raconter une histoire de pirates qui était, pour être franche, paillarde et hilarante, et qui fit presque s’étouffer son mari avec sa soupe. Elle avait été scandalisée, mais elle avait surpris Lila avec un petit rire grivois, et Lennat avait visiblement pris des notes pour la raconter à ses copains à la forge.

 

Sa fille aînée avait saisi cette opportunité pour manger son dîner, lançant des regards rapides et encourageants à sa compagne de temps en temps, mais gardant le silence, jusqu’à ce que l’histoire soit terminée, pour se pencher et murmurer quelque chose à la grande femme, ce qui amena une rougeur légère mais perceptible sur ses traits foncés. Cette petite touche d’humanité l’avait soudain fait paraître plus jeune, et Hécuba avait lentement commencé à voir au-delà du personnage intimidant et à saisir un éclair de la personne ironique, spirituelle et espiègle avec qui sa fille avait choisi de faire sa vie. Ça avait été une expérience… enrichissante.

 

Elle regardait maintenant Gabrielle verser de l’eau chaude sur un grand pot de thé, souriant lorsque sa fille leva la main et repoussa les cheveux clairs de ses yeux derrière une oreille dans un geste absent. Elle a tellement grandi, songea-t-elle en soupirant intérieurement. Physiquement elle semblait même plus grande, bien qu’Hécuba soupçonnait que c’était plus une indication de confiance en soi qu’autre chose. Elle semblait certainement plus à l’aise avec son corps, et se tenait avec un équilibre musclé qui semblait très étrange aux yeux maternels d’Hécuba. Partie aussi la gaucherie adolescente qui avait été une grande part d’elle avant qu’elle ne quitte la maison, ainsi que l’air d’inexpérience juvénile effrontée.

 

La lumière de la chandelle dans la pièce définissait clairement les mouvements gracieux et assurés alors que Gabrielle laissait infuser le thé, et versait deux tasses pour le reste de sa famille, gardant la sienne et celle de sa compagne pour la fin. Elle portait un vêtement de laine tissé, qui faisait ressortir sa silhouette fine avec une précision délicate, et retenait les reflets chauds de la pièce sur la ceinture en métal torsadé qui serrait sa taille, l’anneau en filigrane qui ornait son sa main, et le collier en cristal facetté qu’elle portait autour du cou. Hécuba nota avec de la fierté qu’elle était plutôt belle.

 

Et regardant subrepticement sur sa droite, elle remarqua qu’elle n’était pas la seule à le penser. Saisie dans un instant d’inattention unique, elle vit un regard d’adoration dans les yeux de Xena, alors qu’elle était assise le dos contre l’âtre à regarder Gabrielle. Il disparut lorsque la guerrière cligna des yeux et concentra son regard sur le feu, mais Hécuba savait ce qu’elle avait vu.

 

« Une idée quelconque de l’endroit d’où sortent ces brigands ? » Demanda Hérodotus nonchalamment, en s’enfonçant dans son fauteuil préféré, tout en regardant sa fille aînée s’installer sur le tapis de l’âtre à côté de Xena, et reprendre sa chope des mains de sa compagne.

 

Xena étendit ses longues jambes et glissa un bras sur le côté, pour permettre à Gabrielle de s’appuyer contre elle. Elle ignora le regard surpris des parents de sa compagne, et entoura volontiers la taille du barde de son bras, tout en sirotant une gorgée de sa chope avant de répondre. « Le mauvais temps pourrait bien y être pour quelque chose », dit-elle d’un ton songeur. « On dirait surtout des jeunes gamins… peut-être que leur village ne s’en est pas sorti. »

 

Un silence embarrassé tomba sur la pièce. « C’est une possibilité », dit Lennat, en glissant les bras d’un mouvement fluide autour de Lila pour l’attirer contre lui sur le fauteuil qu’ils partageaient. « Ils n’ont pas l’air très âgés… même leur chef, cette femme, avait l’air plutôt jeune. »

 

« Elle était arrogante », dit Gabrielle en sirotant son thé tout en se relaxant dans la sécurité des bras de Xena. Elle nota mentalement de remercier spécialement Lennat plus tard, parce qu’en acceptant visiblement leur rapprochement, il avait détendu ses parents de manière notable. « Imagine ça… elle pensait que tu n’avais pas l’air très coriace. »

 

Un sourcil noir se recourba vers le haut. « Ça doit être parce que tu me dorlotes trop », dit la guerrière d’un ton amusé et traînant. « J’en deviens un tas de laine d’agneau. » Elles échangèrent un sourire, puis Gabrielle rebondit doucement contre l’épaule robuste de Xena et secoua la tête.

 

« Il va couler de l’eau sous les ponts avant que ça n’arrive », dit-elle pour la taquiner, tout en la poussant dans le ventre. « Ouille. » Elle reçut un sourcil dressé en réponse, et tira le bout de la langue.

 

Xena leva les yeux au ciel et poussa un soupir de faux agacement. « Certains vous étaient familiers ? »

 

Hérodotus tira sa lèvre entre son index et son pouce. « Non… pas que je me souvienne. » Son regard resta cloué sur elles, puis se détourna brusquement. « Ils n’ont même pas l’air très organisés… c’est juste une bande. » Il regarda Gabrielle laisser retomber la tête sur l’épaule de la guerrière, traitant sa compagne comme un simple grand oreiller mis là exprès pour son confort. Il se rendit compte que cette vision le mettait… mal à l’aise, bien qu’il ne fut pas sûr de savoir pourquoi.

 

Puis il se rendit compte de ce que c’était. Il n’avait pas cru avant ce moment que ce que sa fille ressentait pour cette personne sombre et froide, pouvait être de l’amour. De la vénération du héros, sûr. Un béguin d’adolescente, sûr. De l’amour ? Non.

 

Mais à regarder l’expression sur le visage de Gabrielle, et, il l’admit, sur celui de Xena, il devait se forcer à se rendre compte que ce qu’il regardait, c’était… de l’amour.

 

« Alors… » Hécuba décida de changer de sujet. « Dis-nous, Bree… qu’est-ce que vous avez fait toutes les deux ces derniers temps ? »

 

Hmm. Gabrielle passa rapidement en revue ses derniers exploits. L’effondrement sur Xena… non. La cérémonie d’union des âmes. Non… La capture d’Hercule… non… son propre kidnapping. Définitivement pas. « Hum… ça a été vraiment calme depuis qu’on vous a vus. » Elle sentit Xena rire silencieusement. « Pas vrai ? » Elle tapa la guerrière dans les côtes.

 

« Ouaip », répondit Xena avec docilité. « Très calme. On a juste paressé à la maison. »

 

« Vraiment ? » Répliqua Hécuba, en croisant les mains sur ses genoux. « C’est très bien… Je pensais que vous étiez toujours par monts et par vaux… Qu’est-ce qui vous a décidées à vous installer ? » Elle plissa le front. « Pas que je trouve que c’est une mauvaise idée, pas vrai ? » Elle regarda Hérodotus. « Pas vrai ? »

 

« Ouaip », approuva Hérodotus, en traînant le mot pensivement.

 

« Hum… » Gabrielle hésita, essayant de décider quelle excuse elle allait utiliser. Bon sang, on aurait dû y penser…

 

Xena vint adroitement à sa rescousse. « En fait, c’était mon idée », les informa la guerrière. « Je savais que ça allait être un sale hiver… et je pensais que ce serait mieux de rester tout près d’Amphipolis… Ma mère prend de l’âge, et on voulait juste s’assurer que tout allait bien pour elle. »

 

Gabrielle faillit se mordre la lèvre pour s’empêcher de rire. Eh bé, c’était mieux que de leur dire la vérité, décida-t-elle. Par les dieux… ils en seraient fous. « Ouais, et c’était une bonne chose aussi… vous savez, la moisson a échoué, et Xena s’assure vraiment que les gens alentours sont bien nourris. » Elle donna une petite tape sur la jambe de sa compagne. « Et puis, ben, la Régente amazone, Ephiny, a eu un petit accident, et elle est chez nous depuis quelques semaines maintenant. » Ça c’était un truc sûr à leur dire.

 

« Un accident ? » Demanda Lila. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Elle se pencha en avant, les yeux éclairés par l’intérêt.

 

« Hmmm. Eh bien. » Gabrielle composa l’histoire. « Elle était… partie chasser avec un groupe de jeunes Amazones et… elle est passée à travers la glace dans une rivière à demi gelée. »

 

Des hoquets tout autour. « Bonté divine », s’exclama Hécuba. « Est-ce que ça a été ? »

 

« Oh… oui », la rassura Gabrielle. « Vous voyez, Xena était là et elle a plongé pour la récupérer. »

 

Les regards passèrent vers la guerrière, qui affecta une expression d’ennui. « Elle n’était pas allée bien loin. Sous la glace », ajouta Xena aimablement. Oups… Elle réalisa soudain en voyant leurs yeux agrandis. Pas la bonne chose à dire.

 

Gabrielle lui donna une tape joyeuse. « Qui est-ce qui raconte cette histoire ? » Elle soupira. « Bref, Xena l’a sortie… »

 

« Ça a été pour toi ? » Demanda Lennat, avec une petite idée de ce qu’elle avait fait.

 

Le barde ricana. « Qui, Xena ? Bien sûr… elle nage comme un poisson. Bref… » Elle ignora le petit battement lorsqu’elle sentit à nouveau le rire silencieux de Xena. « Elle l’a sortie, et a fait revenir une des Amazones à Amphipolis à cheval avec Ephiny, pendant qu’elle ramenait le reste du groupe. Mais Ephiny était déjà malade avant d’être mouillée, et elle a l’a eu vraiment mauvaise avec la toux, alors ça a été deux semaines mouvementées. » Voilà… ça devrait les calmer.

 

« Wow… » Lila secoua la tête de sympathie. « C’est terrible… vous avez un guérisseur chez vous ? »

 

« Ouais… on en a un, mais… » Le regard de Gabrielle glissa de nouveau vers sa compagne. « Mon amie ici présente est une guérisseuse plutôt douée elle-même… et en plus, elle a pas mal du truc dont on avait besoin… » Oh oh… une autre expérience d’approche de la mort qu’on peut pas raconter aux parents. « Hum… parce qu’elle… hum… »

 

« Aime bien être préparée », finit Xena, en tapotant l’estomac du barde. « Pas vrai ? »

 

« Oui », acquiesça le barde, en tournant le visage de telle sorte que seule Xena puisse la voir, et en se mordant la lèvre de rire. Elle prit une inspiration et se retourna vers eux. « Mais autrement, ça a été plutôt… hum… paisible. » Un regard vers Xena. « Pas vrai ? »

 

« Oui », acquiesça la guerrière aimablement.

 

« Je vois. » Hérodotus les étudia un moment, puis se frotta le nez. « Donc… c’est une autre Xena, alors, qui a démantelé un groupe d’esclavagistes au sud d’Amphipolis ? »

 

« Oh », dit Gabrielle. Crotte de centaure.

 

« Ça », ajouta Xena. « Et bien, non… c’était moi. » Son regard alla vers le sien. « Nous, en fait. »

 

Les yeux de l’homme brillèrent. « Tu savais que deux de ces gamins étaient d’ici ? »

 

Espèce de diable rusé. Xena rit intérieurement, laissant l’amusement passer dans une étincelle dans ses yeux.

 

« Vous savez, je me demandais… » Hérodotus les observa. « Si cette… Princesse amazone incroyablement courageuse qu’ils décrivaient, pouvait bien être ma fille. » Il s’interrompit. « La description correspond. »

 

Gabrielle prit une teinte rouge brique, et cacha son visage dans la chemise de Xena. « Dieux », marmonna-t-elle, et elle sentit les bras de sa compagne se refermer autour d’elle dans une étreinte réconfortante.

 

Xena fit un sourire ironique à Hérodotus par-dessus l’épaule du barde. « Elle déteste être le sujet de ses propres histoires », fit-elle remarquer tranquillement, notant l’expression choquée d’Hécuba, et celles sonnées sur les visages de Lila et Lennat. Alors, elle ne leur a pas dit non plus, hein ? « Elle s’est sortie de là, elle, ainsi que ces gamins… je… » La guerrière eut un léger haussement d’épaules. « Me suis assurée que ça n’arriverait plus jamais. »

 

« Que… attendez… une minute. » Hécuba leva la main et se tourna vers son mari. « Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ? »

 

Hérodotus leva la main et la laissa retomber. « J’étais pas sûr. »

 

« Et bien… raconte-moi maintenant ! » S’exclama la femme d’un ton exaspéré.

 

Gabrielle prit une inspiration et se repoussa de la sécurité de l’étreinte de sa compagne. « Ça n’est pas… une grande affaire », dit-elle en soupirant. « Je ne voulais pas que vous vous inquiétiez. » Elle passa ses doigts dans ses cheveux désordonnés, et, après un instant pour se recomposer, elle commença à parler.

 

Hécuba se mâchouillait les phalanges avant que sa fille ait fini, d’une voix calme et douce, de raconter son aventure sombre et poignante. Son ton froid et clair décrivit l’horreur du campement, et le danger que représentaient les esclavagistes dans le détail, minorant sa participation dans l’histoire avec une modestie naturelle.

 

« Alors… ensuite… je… j’étais fatiguée… » Elle finit par se détendre. « Il a fait sauter mon bâton, et puis il s’est tenu au-dessus de moi et m’a demandé si j’étais prête à mourir. »

 

Un silence de mort dans la pièce, tandis que sa famille la fixait avec une horreur absolue.

 

Mais un sourire s’installa sur le visage de Gabrielle. « Et ensuite, dans l’obscurité, est montée cette voix… » Elle entremêla ses doigts avec ceux de Xena. « Et elle disait : ‘Et toi ?’ » Le barde souriait maintenant ouvertement. « Et je levai les yeux pour voir la chose la plus merveilleuse du monde. » Elle eut un léger haussement d’épaules. « Et voilà tout. » Elle bâilla. « J’étais en sécurité… sauf que j’étais engourdie, et que j’essayais d’aider dans le combat et que j’ai récolté quelques côtes cassées. » Elle leva les yeux et saisit leurs expressions. « Ne me regardez pas comme ça… C’était même pas sur la route… c’est arrivé juste ici. Ça aurait pu être n’importe qui. »

 

« Dieux, Bree », dit Lila dans un souffle. « Tu n’avais pas peur ? »

 

Sa sœur lui lança un regard. « Tu me crois stupide ? Bien sûr que j’avais peur. »

 

Hérodotus l’étudia calmement, en pensant aux choses qu’elle avait tues, que les deux gamins, des jeunes hommes en fait, qui avaient été témoins, lui avaient rapportées. De la longue journée passée accrochée par le cou sous la pluie, qu’elle avait traversée avec une dignité silencieuse. De sa bataille au bâton victorieuse, et de la course courageuse pour la liberté. Ce cadeau le plus fugitif, le courage, qui courait dans sa fille mince et forte, dans une mesure à laquelle il ne se serait pas attendu. Il rit doucement pour lui-même. Cette histoire était une des préférées à l’auberge… on la demandait toujours aux deux gars. Il allait savourer le fait de leur livrer l’identité de leur héroïne mystérieuse.

 

« Gabrielle, je suis consternée », ragea Hécuba.

 

« Laisse-là tranquille », ordonna calmement Hérodotus, en devançant la lueur d’avertissement dans les yeux très bleus de Xena. Sa femme s’apaisa mais ses yeux étaient toujours coléreux.

 

Xena sentit la tension rageuse dans le corps de sa compagne, et soupira. « Ecoutez… on doit partir tôt demain… on ferait mieux de retourner à l’auberge. »

 

Hérodotus hocha la tête. « On a un chariot à préparer… on ferait mieux de partir tôt avec ce mauvais temps de mes deux. »

 

« Tch. Héro. » Hécuba lui lança un regard.

 

Il leva les deux sourcils dans sa direction. « Je pense qu’elles ont toutes les deux déjà entendu cette expression, femme. »

 

« Oh ouais », marmonna Gabrielle en se levant, et elle tendit la main vers sa cape. « En fait, Xena peut dire ça dans… oh… neuf ou dix langues différentes… ainsi que d’autres morceaux de choix qu’elle refuse de me traduire. »

 

Ceci valut un rire de tous, même de Xena, qui attachait l’agrafe de son propre manteau. « Tu as des oreilles très sensibles », blagua la guerrière en partageant un sourire avec Lennat.

 

« C’est vrai… » Répondit le barde, avec une note de sarcasme. « Rappelle-moi de t’amuser un de ces jours avec des trucs que j’ai appris sur le bateau de Cécrops. »

 

« Quoi… jouer avec le calamar ? » La taquina doucement Xena.

 

« Non… mais ça a certaines… des mêmes caractéristiques », répliqua suavement le barde, en drapant le long manteau sur les épaules de sa compagne avant d’en attacher l’agrafe.

 

Xena lui lança un regard, puis se mit à rire. « Merci de nous avoir invitées », dit-elle à Hécuba, qui avait toujours l’air secoué par l’histoire du barde. « Je suis contente qu’on ait eu l’occasion de… euh… vous rendre visite. »

 

Hérodotus se balança sur ses talons, les mains dans le dos. « Eh… oui. C’était très agréable. » Il s’éclaircit la voix. « Content que vous nous teniez compagnie sur la route. »

 

Xena soupira d’un ton désabusé pour elle-même. Je n’ai jamais eu à … connaître ça auparavant. La guerrière passa rapidement en revue ses relations précédentes. Non… non… pas de parents nerveux, pas de dîners inconfortables… juste les frapper sur la tête et les jeter sur la croupe des chevaux. Une vague brève de nostalgie la traversa. Puis le regard vert brume de Gabrielle croisa le sien, et elle laissa un sourire cavalier courber ses lèvres. D’un autre côté… aucun d’eux ne valait la peine de passer par ça, hein ? « Et bien, nous aussi on est contentes. » Elle courba un sourcil en direction du barde. « Pas vrai ? »

 

Gabrielle ravala un rire à l’expression sur le visage de sa compagne. « Vrai », acquiesça-t-elle solennellement. « Bonne nuit maman… bonne nuit papa. »

 

Hécuba l’étreignit. « Bonne nuit, Bree. Reste au chaud. »

 

« Comme toujours », répondit Gabrielle sans réfléchir et elle saisit le regard scandalisé de sa sœur du coin de l’œil. « Je veux dire… euh… Xena est… »

 

« Très bonne pour faire des feux de camp. » La guerrière compléta sa phrase incohérente, et l’attrapa par le coude. « Bonne nuit. »

 

Elles sortirent sous la neige persistante, bien que les flocons semblaient avoir considérablement ralenti, et se posaient maintenant tels de la poudre sur leur tête. Xena s’arrêta un instant, secouant la sienne pour en débarrasser ses mèches noires, et elle tira sur la capuche de Gabrielle. « Contente d’avoir laissé Arès dans la chambre… il serait fou là-dehors », dit-elle ironiquement, alors qu’elles reprenaient leur marche.

 

Gabrielle la bouscula doucement. « Le dîner a été agréable », prononça-t-elle, de façon presque inaudible.

 

Xena leva les yeux au ciel, et donna un coup de pied par derrière sur les fesses du barde, réussissant à soulever son manteau sans emmêler leurs jambes. « Tu restes toujours au chaud, hein ? »

 

Le barde gloussa doucement. « Je ne peux pas croire que j’ai dit ça. »

 

Elles accompagnèrent Lila et Lennat à la maison, échangeant quelques phrases avec eux, puis les laissèrent avec un ‘bonne nuit’ cordial avant de se diriger vers l’auberge. Xena regarda tranquillement la tête couverte de neige penchée pensivement près d’elle, et mit le bras autour des épaules de sa compagne. « Tu vas bien ? » Gabrielle était restée très calme depuis leur départ de la maison de ses parents.

 

Un léger hochement de tête du barde. « Oui. »

 

Elles firent encore quelques pas. « Tu mens », fit nonchalamment remarquer Xena. Elle sentit les épaules s’affaisser sous son bras. « Hé… c’est pas si mal d’être une héroïne… c’est ce que tu me dis tout le temps. »

 

« Je ne me sens pas comme une héroïne », marmonna le barde, en laissant passer un gros soupir, tout en s’appuyant contre la chaleur de Xena. « C’est un sentiment bizarre. »

 

Xena souffla doucement les flocons de neige de son manteau et sourit. « Je peux te dire un secret ? » Murmura-t-elle.

 

Gabrielle leva les yeux, un sourire involontaire sur son visage. « Bien sûr. »

 

« Moi non plus, et ça me semble toujours bizarre, à moi aussi », confia la guerrière, en regardant sa respiration se geler devant elle, tout en écoutant le craquement familier de ses bottes sur le chemin couvert de neige. Les flocons continuaient à tomber, et elle regarda Gabrielle lever la main et en attraper un particulièrement gros.

 

« Je suis contente », finit par dire le barde, en fixant le flocon translucide, qui fondit et disparut dans sa main chaude. « Je me sens mieux d’entendre ça. » Un autre flocon tomba devant ses yeux puis disparut, lorsque Xena l’attrapa avec sa langue.

 

Elle gloussa, tout en regardant sa compagne en attraper d’autres, et elle essaya à son tour. « Oooh… on dirait… » Le froid de la neige fut brusquement remplacé par la chaleur du baiser de Xena, et pendant un long moment, le mauvais temps… s’évanouit simplement. « Tu sais… » Dit-elle en soupirant, lorsqu’elles s’interrompirent. « Je me sens toujours mieux après ça. »

 

Xena eut un rire du profond. « J’espère bien », la taquina-t-elle. « Allez, sortons de ce truc avant de geler pour de bon. » Elle guida le barde sur les chemins vides et silencieux du village semi gelé en direction de la bâtisse solide de l’auberge. Les arbres de la cour étaient dépouillés et sobres, et même la vie animale sauvage semblait soumise, seule une chouette solitaire et gonflée de plumes était perchée haut sur une branche, son bec posé fermement contre sa poitrine. Elle hulula solennellement lorsqu’elles passèrent, ses yeux ronds les regardant avec une curiosité paresseuse.

 

Le vent s’était calmé, et une douce rafale de blanc tombait en cascade autour d’elles, recouvrant de givre la tête sombre de Xena et déposant une couverture sur leurs épaules couvertes de laine. « C’est si tranquille », murmura Gabrielle, en mettant fermement le bras dans le creux du coude de Xena. « J’ai remarqué que tu n’as pas mangé grand-chose au dîner », fit-elle remarquer. « Ça n’était pas si mauvais… si ? »

 

Xena haussa les épaules. « On a grignoté tout ce fichu après-midi chez ta sœur… » Elle sourit à sa compagne. « Mais je pense qu’elle te bat pour la nourriture. »

 

Gabrielle rit doucement. « Ouais, elle a dit que d’être enceinte la faisait se gaver… » Elle secoua la tête. « C’est bizarre… elle m’a toujours taquinée sur le fait que je mangeais constamment. » Elle courba les lèvres. « J’ai ma revanche maintenant, je présume. »

 

Xena se mit à rire tout en la guidant en haut des marches vers l’auberge, et elle tira sur la porte. « Ne sois pas trop méchante, Gabrielle… elle ne peut pas s’en empêcher. »

 

« Oh… » Le barde ricana tout en précédant la guerrière en haut des marches. « Comme si je pouvais moi ? »

 

« Je n’ai pas dit ça », objecta Xena, en réfrénant un sourire.

 

« Tu l’as sous-entendu », grogna Gabrielle, en tirant la porte de la chambre qu’elles avaient louée.

 

« Pas vrai », répondit la guerrière immédiatement, tandis qu’Arès arrivait en bondissant pour les accueillir. « Hé mon gars… »

 

Le barde se retourna et mit les mains sur ses hanches, tout en dressant un sourcil. « Tu as un problème avec le fait que je mange beaucoup, partenaire ? »

 

« Non », répliqua Xena, en éclatant de rire, tout en ébouriffant le poil du loup d’une main.

 

Gabrielle avança lentement et mit le doigt sur la poitrine de Xena pour la pousser. « Tu manges autant que moi. »

 

La guerrière s’avança près d’elle et marqua leur différence de taille, posant à son tour les mains sur ses hanches tout en baissant le regard. « J’espère bien », dit-elle d’un ton traînant, tout en toisant le barde. « Si on considère que je suis bien plus grande. »

 

Un froncement de sourcils clairs. « Est-ce que tu essayes de m’intimider ? »

 

Xena pointa sa propre poitrine du doigt. « Moi ? Intimider ? Toi ? » Elle haussa un sourcil.

 

« Tu as les bases. » Les yeux de Gabrielle brillaient à leurs taquineries. « Je présume que tu n’as pas été frappée une fois de trop à la tête après tout. » Elle sentit le mouvement avant de le voir et prit une inspiration. « Je blaguais… » Juste. « Ouf. »

 

Xena glissa deux mains puissantes autour de sa taille et la souleva. « Tiens… viens par ici que je puisse te voir. » Elle sourit quand elle sentit les bras de Gabrielle autour de son cou. « Espèce de morveuse. »

 

« Qui est-ce que tu appelles morveuse ? » Une indignation feinte et des yeux qui brillaient. « Tu m’appelles morveuse ? »

 

Xena la regarda. « Ouaip… mais tu es ma morveuse. » Elle rit lorsqu’Arès lâcha un reniflement, et se blottit devant le foyer, posant le nez sous sa queue tout en soupirant.

 

Les yeux et la voix de Gabrielle s’adoucirent. » Oh… Comme tu as raison là-dessus. » Elle glissa les doigts vers le haut pour les emmêler dans les cheveux noirs de Xena et se rapprocha, laissant ses lèvres venir à la rencontre de celles de sa compagne, tandis qu’elle sentait les bras de Xena les rapprocher dans une étreinte. Elle perdit toute trace du temps, et n’avait aucune idée de combien de temps était passé lorsqu’elle renversa finalement la tête en arrière et fixa rêveusement les yeux bleus face à elle. « Tu peux me lâcher maintenant. »

 

« Hein ? » Marmonna Xena tout en prenant une profonde inspiration. « Oh… oui. Désolée. » Elle posa doucement Gabrielle sur ses pieds, et dégrafa la cape du barde. La chambre était éclairée de deux jeux de chandelles, et par la chaleur du feu, qui les baigna de reflets cramoisis lorsqu’elle retira la cape de sa compagne et prit son manteau, pour les jeter doucement sur le dossier d’un fauteuil en bois brut, solidement posé près du lit.

 

Puis elle leva la main et traça les angles fins du visage de Gabrielle avec douceur, et le barde s’appuya contre elle, laissant ses mains commencer leur propre chemin sur la lourde chemise de Xena, tirant sur les lacets qui la retenaient fermée alors que la guerrière laissait sa main libre retomber sur la ceinture entremêlée à sa taille et la détachait.

 

« Xena… » Murmura le barde en sentant le toucher connaisseur à travers la texture artisanalement tissée de la chemise.

 

« Mmm ? » Répondit la guerrière, souriant lorsqu’elle sentit le corps du barde s’arquer à son contact.

 

« Il fait un froid de canard dehors… comment tu fais pour avoir les mains aussi chaudes », dit le barde dans un souffle contre son oreille, tout en mordillant la mâchoire de Xena.

 

« C’est facile. » Xena la souleva de nouveau, et marcha à grands pas vers le lit, se laissant tomber sur le côté, roulant sur le dos, pour installer le barde sur elle. « Je pense simplement à toi. Et ça marche. »

 

« Ooooh. » Gabrielle rit doucement. « La Princesse Guerrière du Romantisme… » Elle délaça habilement la chemise de Xena et commença à lui mordiller le nombril.

 

« Gabrielllllleeeee… » Un long grognement rauque et grondant.

 

****

 

« Ça... c’était un flocon de neige. » Eponine transperça Hercule d’un regard noisette mortel.

 

« Non pas du tout. » Ce dernier secoua la tête. « Tu vois ? Il n’y a rien là. » Un autre flocon flotta et se logea dans ses cheveux fauves mais couverts de boue. « Hum. »

 

Ephiny soupira. « Vous savez, je commence à avoir l’impression d’être prise dans un rêve bizarre et fiévreux, là. » Elle s’interrompit et regarda autour d’elle. « Pas vrai ? »

 

Pas de réponse.

 

Elle soupira. « Bon, juste une idée comme ça. Ok… je pense qu’on ferait mieux de retourner à Amphipolis… même si on pouvait trouver Xena, ce qui, quand j’y pense, est une chose plutôt impensable, on fera plus de mal que de bien à l’allure où on va. « Et oh, comme je n’aimerais pas leur tomber dessus alors que la moitié d’entre nous ont l’air de sortir d’une mauvaise expédition de nettoyage de cheminée.

 

Eponine réappuya sa tête sombre contre l’arbre et soupira. « Elle a raison. » Elle tourna le cou pour relâcher le torticolis qu’elle avait pris quand on l’avait tirée en haut de la crête et elle se massa les tempes. « C’est juste pas notre jour. »

 

Ephiny rit doucement, et tendit nonchalamment la main pour masser la nuque d’Eponine, sentant les muscles se raidir un peu plus un instant, avant de répondre aux doigts puissants. « Relax… on va rentrer, et boire une chope de bière sympa, et tout ça semblera… hum… drôle. »

 

Hercule leva la main pour approuver, et la laissa retomber contre sa jambe. « On ferait mieux de partir avant que le temps n’empire, alors. »

 

Ils se tortillèrent pour sortir de leur abri, et se mirent en route sur la piste, Hercule en tête pour prendre le poids du vent et du mauvais temps sur sa haute stature. Toris marchait près de lui, un bras levé pour bloquer la neige. Le reste d’entre eux était agglutiné derrière les deux hommes, et Ephiny se retrouva fermement coincée entre les deux autres Amazones. Elle pensa brièvement objecter, puis se contenta de secouer la tête, et garda le silence, contente de sentir la chaleur de ses compagnes.

 

« L’effet Gabrielle, hein ? » Marmonna-t-elle, et elle vit la lèvre d’Eponine se recourber. « J’ai l’impression d’avoir passé mon temps sous une couverture depuis que je… » J’ai failli mourir, termina-t-elle silencieusement.Encore quelques minutes… Elle s’était rendu compte que la douleur dans ses côtes n’était pas totalement due à sa toux, quand Gabrielle lui avait gentiment expliqué que Xena avait dû… Bon sang. Ce n’est pas le moment, espèce d’idiote.

 

« Hé. » La voix d’Eponine arriva caverneuse à son oreille. « Tu vas bien ? »

 

Ephiny bloqua tranquillement ce cauchemar, pour plus tard. « Bien sûr… je réfléchissais. » Elle fit un sourire à Eponine qui clignait des yeux contre la neige. Oublie, Eph. Ça n’est pas arrivé. « Du vin chaud, ça serait bon pour ce soir, non ? »

 

Le regard marron chaleureux d’Eponine l’observa, et une ride minuscule d’inquiétude apparut sur son front, mais elle ne pressa pas Ephiny. « Ça c’est sûr. » Elle se rapprocha un peu, et tira sur le manteau de cette dernière pour le resserrer autour de son cou. « Bon sang, Eph… Qui a eu cette idée de dingue ? »

 

La Régente roula ses yeux gris. « Pony… Ne commence pas, d’accord ? » Elle souffla les cheveux blonds frisés hors de ses yeux.

 

Ils ne sentirent pas le sol se dérober sous eux. Le moment d’avant ils marchaient en trébuchant, l’instant d’après ils tombaient à travers l’espace dans un puits bien creusé et malodorant, le froid et la surprise glaçant même les corps aiguisés et expérimentés des Amazones.

 

Des épines les piquèrent, perçant la chair et délivrant leur contenu insidieux, qui envoya même Hercule tout d’abord dans un brouillard, puis un sommeil impuissant en quelques minutes.

 

Le demi-dieu lutta contre, retournant son corps pour regarder vers le haut, et voir à travers sa vision brouillée les perches fracassées qui leur tombaient dessus, leur fournissant, au moins, un peu d’abri contre la neige qui tombait maintenant de manière insistante.

 

Il sentit une léthargie glaçante s’installer en lui, qui engourdit ses membres, mais son esprit resta vaguement conscient. Il était sur le dos, et Iolaus était étalé près de lui, une main serrant sa chemise, sa respiration laborieuse. Il bougea la main avec une lenteur angoissante, tâtant maladroitement le pouls de son ami, et sentit le battement régulier rassurant.

 

Il cligna des yeux et réussit à se concentrer sur les formes silencieuses et immobiles des Amazones. Eponine était protectivement blottie sur sa Régente, et Granella roulée en boule près d’elle. Toris, nota-t-il, bougeait toujours faiblement, avançant avec une détermination grimaçante, féroce et très familière.

 

Un piège, hurla-t-il intérieurement. Mais… pourquoi ? Il haleta, et puis soudain se raidit, alors qu’une vague sombre et huileuse de souvenirs coulait sur ses pensées brumeuses… des éclairs brefs et cauchemardesques de choses… d’endroits… et… de sentiments qu’il pouvait à peine croire être les siens.

 

Le donjon. Il apprenait à détester la vue de cet endroit. Le visage d’une femme, le suppliant. Ses yeux qui s’agrandissaient.

 

Le son éthéré et la sensation intense et tactile d’os craquant sous ses doigts. Non… le murmure s’arracha de sa gorge engourdie. « Non… je n’ai pas fait ça… s’il vous plait… »

 

Une scène plus sombre maintenant… une lumière de torche vacillante qui se reflétait sur un dos qui lui faisait face, luisant de sang issu du fouet en cuir flexible dans sa main. Des cheveux mouillés de sueur et tachés de rouille dans des boucles plates, coupées en deux par les stries à vif qu’il avait sculptées là.

 

Son estomac se rebella, et tout son corps s’arqua, tandis qu’il luttait contre la nausée dans ses tripes jusqu’à ce que des éclairs noirs submergent sa vision, et il se rendit à la fin à l’horrible puits que son esprit creusait.

 

****

 

Des lapins. Gabrielle se détendit au milieu de son rêve, appréciant l’herbe douce sous ses jambes pliées, et les nombreux lapins agglutinés autour d’elle, qui mâchouillaient avec avidité les brins d’herbe vert laiteux. Elle était allongée sur le côté, la tête posée sur sa main, se contentant de les regarder avec délice.

 

L’un d’eux sautilla près d’elle et baissa les oreilles, reniflant avec curiosité son estomac dénudé. Elle gloussa doucement lorsque ses moustaches lui chatouillèrent la peau.

 

Il renifla à nouveau et elle rit un peu plus fort, goûtant la chaude sensation de son corps soyeux et pelucheux contre le sien. Curieux, il lécha son nombril, qui émergeait à peine de sa jupe enroulée à la mode Amazone.

 

Une minute, pensa Gabrielle, l’esprit embrumé. Léchée ?

 

Elle ouvrit les yeux et fut récompensée par la vue du visage souriant de sa compagne, niché contre son ventre, une lueur espiègle dans ses yeux bleus. « Tu viens de me lécher ? » Demanda le barde d’un ton doucement incrédule.

 

Xena se contenta de sourire. « Il fallait bien que je te réveille », dit-elle doucement d’une voix traînante, en regardant la chair de poule qui remontait l’estomac nu de Gabrielle dans la buée de sa respiration chaude.

 

« Mm… » Le barde bâilla et démêla doucement les cheveux désordonnés de Xena. « Je rêvais que tu étais un lapin. » Elle regarda la guerrière avec une prévenance affectueuse. « Il était mignon, mais tu l’es encore plus. »

 

Xena ricana légèrement. « Merci », répliqua-t-elle, en glissant le long du barde jusqu’à ce qu’elle soit installée près d’elle, bien à l’aise sur son côté. Gabrielle roula immédiatement et se blottit contre elle, laissant son corps trouver les endroits familiers tout en laissant passer un soupir d’aise. « Il faut vraiment qu’on se lève, Gabrielle », marmotta la guerrière.

 

« Oui oui », acquiesça aimablement sa compagne, qui mordillait doucement un lobe à sa portée. « Si tu le dis. »

 

Bon… quelques minutes de plus ne nous feront pas de mal, se dit Xena raisonnablement. Le soleil s’éclairait à peine à l’est, et le silence régnait toujours dehors, et il était vraiment plus facile d’entourer le corps chaud de Gabrielle de ses bras, et de laisser son âme baigner dans cette paix merveilleuse encore un peu plus longtemps.

 

Un regard vers le bas lui dévoila le minuscule sourire espiègle sur les lèvres de Gabrielle, auquel elle fit miroir, en posant le menton sur la tête du barde tout en fermant les yeux, se disant à nouveau combien c’était merveilleux. Elle regarda le ciel passer du noir au gris, puis à un rose clair sombre, laissant la paix de leur lien envahir son âme avant de donner une légère tape sur le dos de Gabrielle. « Allez, la Rouquine. »

 

Cela lui valut un regard très acéré, très réveillé d’un unique œil vert. « T’sais… » Grommela le barde contre sa poitrine. « Il va falloir que je trouve quelque chose de… vraiment… vraiment… bon pour t’appeler. »

 

Xena haussa les épaules. « Je répondrai à n’importe quoi, mon amour… Je pense qu’on m’a donné tous les noms possibles. »

 

« Mmm. » Gabrielle réfléchit à ces mots. « Je paries que personne ne t’a jamais appelée… Câlinous. »

 

Une main glissa et lui attrapa le menton, le leva pour que les regards se croisent. « Je parie que tu as raison », dit la guerrière en ricanant. Les deux sourcils de Xena étaient pratiquement invisibles sous ses cheveux en désordre. « Pas plus d’une fois en tous cas. Ou qui ait survécu. »

 

Gabrielle fit une moue et dévia son regard d’un air mélancolique.

 

Xena soupira. « Pourquoi est-ce que je pense que je vais faire une exception pour toi ? » Câlinous ? Oh dieux… je sais que je sacrifierais tout pour elle… mais… par Hadès… c’est… beuh…

 

Le barde sourit.

 

La guerrière mit les lèvres près de l’oreille du barde. « Tu m’appelles comme ça en public et tu te rendras compte que je devrai sortir faire quelque chose d’horrible, style seigneur de guerre, comme d’étrangler un coq de sang-froid, d’accord ? »

 

Gabrielle fut prise d’un rire nerveux silencieux. « Oh dieux », finit-elle par dire en haletant. « Quelle façon de se réveiller. » Elle massa doucement le ventre de sa compagne. « Ok… t’inquiètes… pas de câlinous. Mais il faut que je trouve quelque chose. » Elle recourba la lèvre. « Je sais que tu n’aimes pas qu’on raccourcisse ton nom… je vais y réfléchir. »

 

« Mmm. » Xena se força à rouvrir les yeux. « Les coqs de toute la Grèce te remercient. » A contrecoeur elle relâcha le barde et se redressa. « Allez, il faut vraiment qu’on y aille. »

 

Elles s’habillèrent, prirent leurs affaires et Arès et se dirigèrent vers le bas.

 

****

 

Pendant un instant, Eponine pensa qu’elle essayait de nager dans du miel. C’est à ça que ça ressemblait, son cerveau poisseux et rempli de coton, et l’effort que ça lui prit de simplement soulever une paupière… dieux.

 

Mais elle réussit… et se rendit compte qu’il faisait plutôt sombre. Et très, très silencieux. Le souvenir filtra lentement, et elle se souvint de ce qui s’était passé, et elle darda frénétiquement la main, cognant presque immédiatement un bras chaud à quelques centimètres d’elle. Elle laissa ses doigts explorer, jaugeant la taille du bras, et la ferme tonicité des muscles sous la peau douce, et sa main glissa jusqu’à ce qu’elle sente le pouls au poignet, et elle laissa passer un minuscule soupir de soulagement.

 

« P… Pony ? » La faible voix d’Ephiny répondit à son toucher. « Oh… par Artémis… » Grogna doucement la Régente. « Par les foutues bottes d’Hadès, qu’est-ce qui s’est passé ? » Et elle qui avait pensé que tousser avait été terrible. Oh non… ça avait été un pique-nique comparé à ça… on aurait dit qu’un centaure avait fait ses besoins sur sa tête, puis s’était assis dessus pour faire bonne mesure.

 

« Ouille », grogna la maîtresse d’armes. « Tombés… dans un puits. » Elle regarda dans l’obscurité. « Un puits de sanglier, je pense. »

 

Elle entendit un faible et léger coup lorsque Ephiny laissa retomber sa tête sur la terre battue. « On est tombés dans un piège à cochon », dit la Régente en soupirant. « Pony, je veux ma maman. » Cela lui valut un faible ricanement étouffé de la part d’Eponine. « Ou au moins, je veux mon canard en peluche, et une couverture. »

 

Un autre ricanement étouffé. « Désolée », dit Eponine en soupirant d’un air las. « Je ne peux pas croire que ça arrive. » Avec une lenteur atroce, elle se redressa, se tenant la tête d’une main. « Dieux bienveillants et Furies, qu’est-ce qu’il y avait sur ces fichues épines ? » Elle tâta le sol près d’elle pour trouver son sac et en sortit une torche. « T’as ton percuteur ? »

 

Ephiny roula et farfouilla dans sa bourse à la ceinture pendant une minute, puis tendit l’objet demandé à Eponine. Elle entendit le souffle aiguisé et sentit la piqûre vive lorsque la torche prit feu, faisant apparaître leur prison obscure en relief ombré. Elle cligna des yeux et regarda alentours, ses lèvres se recourbant en un sourire las lorsqu’elle repéra la silhouette immobile de Granella, enveloppée dans les longs bras protecteurs de Toris. Puis son regard navigua et elle repéra Hercule, affalé contre le mur du puits, avec son ami qui bougeait faiblement près de lui. « Iolaus ? » Appela la Régente.

 

« Ouille », reçut-elle dans une réponse confuse, tandis que le jeune homme blond se prenait la tête et gémissait. « Par Zeus… qu’est-ce qui s’est passé par Hadès. » Il se traîna sur les coudes, et bougea le regard, les regardant tout d’abord puis son compagnon. Les yeux du demi dieu étaient fermés et sa respiration semblait irrégulière. Iolaus se traîna plus près et secoua doucement l’épaule d’Hercule. « Hé… Herc… » Pas de réponse, il le secoua alors plus fort.

 

Un oeil clair et rougi s’ouvrit et le fixa faiblement, puis il cligna, et les deux yeux s’ouvrirent, reconnaissant Iolaus cette fois. « Ça… » La voix d’Hercule était rauque. « n’a pas l’air d’être un bon jour. » Il mit les deux mains sous lui et se repoussa pour se redresser, laissant son dos retomber contre le mur terreux tout en les regardant. « Je peux pas juste retourner me coucher et reprendre à zéro ? »

 

« Bonne idée », marmonna Iolaus. « T’sais, je te l’avais proposé… »

 

« Je sais », dit Hercule en soupirant tout en levant les yeux. « Depuis combien de temps on est là ? »

 

« Il est… plus de minuit », répondit Toris d’un ton groggy, tout en roulant sur le dos, pour regarder à travers les petites ouvertures dans le toit effondré de leur prison. « Où on est ? »

 

« Un piège à cochons », répondit Ephiny, en tirant son sac vers elle pour en sortir un paquet de pain de seigle et de la viande séchée que Cyrène lui avait donnés avant leur départ. Elle tendit la nourriture et Granella fit circuler une outre d’eau, tressaillant à un muscle contracté dans son épaule.

 

Toris émit un léger couinement. « Ma compassion pour les cochons. » Il leva les yeux. « C’est une bonne chose que ce truc se soit effondré sur nous… on aurait gelé autrement. »

 

« C’est une bonne chose qu’on ne partage pas ce truc avec de vrais cochons », répliqua Eponine, en prenant une bouchée de son pain de seigle pour la mâcher. « Je déteste les cochons. »

 

Un silence de mort s’éleva.

 

« Tu sais », dit Ephiny en soupirant. « Si un fichu sanglier était tombé dans ce puits, Pony, on aurait dû te tuer. »

 

La guerrière ricana. « Il est minuit, Ephiny. Il neige et on est au milieu d’une fichue forêt. D’où est-ce qu’un sanglier débarquerait ? »

 

La neige descendit soudain en cascade sur elle, cachant la maîtresse d’armes surprise de la vue des autres, et une forme velue et tortillante atterrit directement sur ses genoux.

 

« YAAAAA ! ! ! » Cria Eponine, en lançant la créature au loin, vers l’arrière du puits.

 

Toris se tortilla pour se mettre debout, dégaina son épée et la tint devant lui, titubant sur des jambes tremblantes. « Attention… » Cria-t-il, alors que les autres s’écartaient.

 

L’animal se redressa et poussa des cris de fureur chuintants vers eux, dressant sa queue touffue au-dessus de sa tête.

 

Le grand homme aux cheveux noirs s’assit avec un bruit sourd. « Un écureuil. » Il mit sa tête douloureuse entre ses mains. « Bon sang. »

 

Granella tendit la main et lui massa doucement la nuque. « Je me sentais en sécurité. » Elle le poussa d’un coude. « T’es génial, Tor. »

 

Tout le monde se mit à rire avec un soulagement imbécile, sauf Hercule, qui soupira lourdement et laissa sa tête couleur fauve reposer contre le mur boueux. Il garda le pain entre ses mains, n’ayant aucune envie de manger, et essayant de repousser les souvenirs horribles qui avaient commencé à faire surface.

 

« T’as pas faim ? » Demanda Iolaus, en jetant un coup d’œil tout en s’adossant au mur près de lui. Prétends juste que tout va bien, Iolaus… ne lui demande pas s’il va bien. Il fit circuler l’outre d’eau. « Tiens… bois un coup. »

 

Le demi dieu prit l’outre et la déboucha docilement, prit une longue gorgée d’eau et s’essuya la bouche du dos de la main, fixant sa peau maculée de boue pensivement. « Merci, mon pote. » Il leva les yeux et regarda le visage fatigué de Iolaus, et il ressentit une légère gratitude pour l’amitié absolue qui lui prodiguait une ligne de conduite à ce moment.

 

Ephiny posa les avant-bras sur ses genoux, et réfréna hâtivement une toux. Dieux… arrête ça tout de suite. « Quand nous nous sentirons tous un peu plus humains, nous ferions mieux de repartir. » Elle leva le regard et croisa celui d’Hercule avec une candeur désabusée. « Je ne veux vraiment pas être l’objet d’une nouvelle campagne de recherches. »

 

Le demi dieu rit doucement. « Avec notre chance aujourd’hui, ils tomberaient là-dedans aussi. » Puis il mit la main sur sa bouche avec une expression comique.

 

Un silence de mort et des yeux écarquillés.

 

****

 

Lila s’enveloppa dans son manteau tout en lançant un regard vers sa sœur, qui marchait près d’elle le long de la route balayée par le vent qui menait hors de Potadeia. « Où est-ce que Xena est partie ? » Demanda-t-elle à voix basse, tout en regardant autour d’elle comme si elle s’attendait à ce que la guerrière apparaisse de dessous le chariot qui faisait gronder la route sous leurs talons.

 

Gabrielle haussa les épaules. « Elle inspecte les parages. » En fait, elle savait exactement où se trouvait sa compagne, elle pouvait ressentir sa présence chaude juste à sa gauche dans le fourré profond près duquel elle passaient. « Tu sais, elle part en reconnaissance, elle cherche les brigands, ce genre de trucs. » Elle cherchait des noisettes en fait, depuis qu’elle avait entendu le ventre du barde gronder après les longues heures de marche qu’ils avaient endurées depuis un long moment. « On n’est jamais trop prudent. »

 

Lila hocha sérieusement la tête. « C’est une bonne chose, alors. » Elle fit encore quelques pas. « Bree, tu n’es… pas… fatiguée ? »

 

« Hmm ? » Sa sœur leva les yeux, surprise. « Quoi ? Oh… et bien, oui. » Elle rit doucement. « Tout le temps… je veux dire, on l’est tous, non ? »

 

Lila repoussa les cheveux de son front et soupira. « Et bien, on a voyagé toute la matinée, et j’ai dû m’arrêter et monter sur le chariot cinq fois. » Elle montra le corps de Gabrielle qui bougeait avec aisance et sourit. « Mais pas toi… »

 

Gabrielle y réfléchit un moment. « La comparaison n’est pas juste, Lila… après tout, je veux dire, tu es enceinte, et je… » Elle prit une inspiration. « C’est ce que je fais, tu te souviens ? » Elle passa son bâton devant elle, dans un geste souple familier. « En tous cas, j’ai fait ce voyage plutôt tranquillement… j’ai encore un peu mal après ce… combat. »

 

Elles marchèrent en silence un moment. « Maman et papa sont vraiment bouleversés à ce sujet », finit par dire Lila. « Ils pensent… ils sont vraiment effrayés… à ton sujet… et ce truc. »

 

Gabrielle déglutit et prit une profonde inspiration, sentant la faible douleur contre sa poitrine. « Je sais », admit-elle. « C’est pour ça que je n’ai rien dit de tout ça. »

 

« J’y ai pensé », répondit doucement Lila. « Alors… qu’y a-t-il d’autre que tu ne nous dis pas ? »

 

Le barde la regarda, sentant un nœud se former dans son estomac. « Tu sais, c’est vraiment drôle », dit-elle. « Je n’avais jamais compris pourquoi Xena ne voulait jamais que je raconte… beaucoup de nos histoires quand nous étions à la maison. » Un léger hochement de la tête aux cheveux blonds roux. « Maintenant je comprends. » Les regards vert et marron se croisèrent. « A quoi ça servirait, Lila ? A vous bouleverser tous encore plus ? Je ne vais pas arrêter de faire ce que je fais. » Elle lança un coup d’œil à ses parents, assis confortablement dans la chariot, sa mère les mains soigneusement croisées sur les cuisses, et son père qui tenait vaguement les rênes dans ses grandes mains. « Parfois… il vaut mieux ne pas savoir. »

 

Sa sœur l’étudia. « Alors il y a des choses que… tu ne mentionnes pas. »

 

Gabrielle tapa sourdement le sol de son bâton. « Ouais », admit-elle tranquillement.

 

Lila lui agrippa le bras. « Ecoute, Bree… je… si quelque chose arrive… comme, je veux dire à Xena ou bien… »

 

Une main agrippa la sienne d’une prise d’acier. « Ne… » Dis pas ça, finit-elle intérieurement.

 

« Allons, Bree… ce n’est pas comme si vous étiez des… marchands… ou bien… je veux dire, c’est possible… » Insista Lila.

 

Gabrielle s’immobilisa, et laissa le chariot la dépasser, ignorant le regard surpris de son père, et elle serra son bâton, attrapa le bras de Lila et la regarda droit dans les yeux. « Lila, ne me le fais pas répéter, d’accord ? Je sais… ce qui pourrait arriver . Je vis avec cette possibilité chaque minute de chaque jour. » Elle prit une inspiration. « J’ai survécu à ça une fois, et je m’en suis approchée je ne peux pas te dire combien de fois. Alors… arrête, Ok ? »

 

Lila la fixa. « Je… veux juste que tu saches, Bree… tu as toujours un foyer chez nous, si tu en as besoin », finit-elle par dire, très calmement. « C’est tout. »

 

Elles se regardèrent pendant un temps infini. « Merci », dit Gabrielle en soupirant, et elle la relâcha. « Et… si quelque chose devait arriver… c’est pareil pour nous. » Elle recourba les lèvres en un sourire ironique. « Parce que j’ai bien l’intention de vivre longtemps. Et Xena aussi. »

 

Lila laissa passer un soupir lent puis hocha la tête. « Je note ça. » Elle tendit la main et redressa le col de la tunique épaisse de Gabrielle. « Tu es la seule sœur que j’aie. »

 

Gabrielle se tourna et lui tira le bras, la guidant derrière le chariot qui grondait lentement. « Et bien… pas techniquement. » Elle sourit avec espièglerie. « Pas si tu comptes les Amazones. »

 

« Les Amazones ? » répéta Lila d’une voix étonnée. « Toutes ? »

 

Le barde gloussa. « Ouaip. » Elle tourna la tête et regarda Xena qui revenait à grands pas de derrière les arbres, Arès bondissant à côté d’elle. Les longues enjambées puissantes de la guerrière dévorèrent la distance entre elles, et Gabrielle s’aperçut que son regard était rivé sur sa compagne. « Hé. » Elle sourit à Xena qui ralentissait pour s’arrêter et se joindre à elles.

 

« Hé toi », répondit Xena, en sortant une poignée de noix pour jongler avec. « Regarde ce que j’ai trouvé. »

 

Lila se mit à rire. « Mais elles sont dans leur coquille. »

 

Gabrielle et Xena échangèrent un regard et cette dernière eut un sourire narquois, tout en levant une main qui contenait plusieurs noix, et elle serra le poing, resserrant sa prise, ce qui produisit une série de craquements. Elle ouvrit la main et tendit les noix soigneusement craquées à Lila. « Non, elles ne le sont pas. »

 

Lila en prit une, puis leva les yeux au raidissement du corps de Xena, et elle eut une expression alarmée. « Quoi ? »

 

Les yeux bleus étaient fixés sur la route devant, et Xena marmonna un juron lorsqu’elle aperçut un groupe approchant d’hommes grossièrement armés. La guerrière secoua la tête et soupira. « Bon, j’avais envie d’une séance d’entraînement. » Elle versa le reste des noix dans les mains d’une Lila surprise et se frotta les doigts, lançant un regard sombre à Gabrielle. « Ils ne sont pas nombreux… tu veux passer ton tour ? »

 

Gabrielle sentit un sourire recourber ses lèvres. « Nan. » Elle leva son bâton. « J’ai plus besoin de m’entraîner que toi. »

 

Xena hésita, puis pencha légèrement la tête dans une approbation réticente. « Ok… qu’on en finisse. » Elle lança un regard à Lila. « Reste près du chariot, d’accord ? »

 

Lila hocha la tête alors qu’elles arrivaient à niveau du chariot, qu’Hérodotus avait arrêté en voyant les hommes approcher. « Des ennuis », grogna-t-il, en attachant les rênes sur le marchepied avant de se préparer à descendre.

 

« Ne t’inquiète pas pour ça », l’avertit Xena alors qu’elles passaient. « Ça ne va pas prendre longtemps. » Elle se dirigea sur le chemin, très consciente de la forme robuste de Gabrielle qui marchait juste derrière elle. « Tu sais, je peux vraiment m’en occuper… » Elle s’arrêta lorsqu’elle sentit la légère piqûre du bâton du barde contre l’arrière de son épaule. « Ouille. »

 

« Je sais que tu peux », marmonna le barde, alors qu’elles se rapprochaient des cavaliers agglutinés, qui s’étaient arrêtés au milieu du chemin, et les regardaient approcher avec des expressions amusées sur le visage. « Ça n’est pas le sujet. »

 

Xena haussa les épaules, repoussant son manteau pour exposer la poignée de son épée. « Très bien… mais… » Dit-elle dans un souffle. « Sois prudente, d’accord ? Tu n’as pas fait ça souvent ces derniers temps. »

 

« Toi non plus », marmonna Gabrielle. « Et arrête de me chouchouter. »

 

Bon sang, pensa Xena en soupirant pour elle-même, tout en repérant le plus ou moins chef du groupe de brigands, qui donnait des coups de genoux à son cheval dépenaillé pour venir à sa rencontre. Elle a raison… Il faut que j’arrête de jouer les fichues mères poules avant qu’elle ne se fâche contre moi. « Salut les gars », dit-elle aux brigands.

 

« Et bé… qu’est-ce qu’on a là ? » Dit l’homme d’une voix traînante, en l’étudiant attentivement.

 

« Plus d’ennuis que tu ne veux en trouver ce matin », répondit Xena pince-sans-rire. « Déguerpis. »

 

« Grr », acquiesça Arès, les oreilles baissées, fixant le brigand de ses yeux jaunes fendus. Sa fourrure épaisse se dressa, faisant ressortir sa grande tête, tandis qu’il regardait l’homme faire un geste menaçant vers Xena.

 

« Insolente… » L’homme leva sa masse et visa la tête de Xena, lançant l’arme vers le bas et agrippant soudainement la crinière de son cheval lorsque l’attaque manqua, et qu’il fut déséquilibré.

 

« Je ne suis vraiment pas d’humeur pour ça », grogna Xena en attrapant l’arrière de son manteau en cuir sale pour le faire tomber de son cheval. Elle le cogna sur la tête, puis le souleva et le jeta à quelques mètres de là, où il atterrit sur le dos dans un petit nuage de poussière.

 

Dans un piétinement de sabots, le reste du groupe chargea à son tour, et Xena se retrouva dans un cercle d’épées qui cinglaient et d’hommes qui hurlaient.

 

Merde… merde… merde… Elle soupira. Je ne veux vraiment pas tailler ces abrutis en pièces devant sa famille. Elle laissa son épée dans son fourreau, et évita en grimaçant un cheval qui reniflait ; elle sentit l’impact mordant d’un coup de lance sur son dos, et bougea avec lui, tendit la main et saisit l’arme, puis elle la repoussa et désarçonna son propriétaire, qui frappa le sol avec un bruit sourd satisfaisant.

 

Elle se retourna et évita un autre coup, puis frappa sauvagement l’homme derrière l’épée dans les reins et le fit se plier en deux. Du coin de l’œil, elle vit Gabrielle qui désarçonnait avec soin l’un des autres d’un balayage adroit, et réfréna un sourire à l’expression de stupéfaction de l’homme. Le barde regarda rapidement vers elle, et fit un clin d’oeil, puis s’attaqua au dernier brigand, qui essayait de la cogner sur la tête avec une masse.

 

Xena retourna son attention à deux de ses adversaires maintenant à pied, qui l’attaquaient avec des épées, sous lesquelles elle baissa la tête, puis elle se pencha en arrière et fit voler celle du premier homme de sa main d’un coup de pied. « Je t’avais dit de ficher le camp », grogna-t-elle en attrapant le bras de l’homme pour le clouer dans le menton d’un coup de coude. Il s’agrippa à elle et tournoya, la mettant directement dans le trajet de l’épée de l’autre homme.

 

Arès bondit près d’eux et lança son corps poilu à travers les airs, attrapant le bras armé du brigand entre ses dents et il secoua rudement la tête, ce qui fit trébucher son adversaire vers l’avant en criant de douleur.

 

Xena frappa son opposant tenace dans la mâchoire, et eut la satisfaction de voir son regard devenir vitreux tandis que ses mains relâchaient sa chemise et qu’il glissait au sol sans forces.

 

Gabrielle cloua la victime d’Arès au sol avec le bout de son bâton. « Arès », cria-t-elle. « Je l’ai. »

 

Le loup relâcha le bras du brigand et recula, avec un grognement affreux. Xena se mit sur un genou près de lui et caressa son poil. « Brave garçon », dit-elle doucement, et il se détendit, sa queue balayant l’air et ses oreilles penchées vers l’avant. Il tourna la tête et lui lécha la main avec un petit bruit de grondement. Elle se releva lentement, et mit les mains sur ses hanches, étudiant les formes pour la plupart immobiles, et gémissantes, éparpillées autour d’elles. Quatre pour moi, deux pour Gabrielle, un pour Arès. Pas mal. « Maintenant, à moins que vous ne vouliez que je vous rende tous incapables de bouger, vous allez suivre mon conseil et déguerpir. » Elle baissa la voix jusqu’à un grondement sourd, et la plupart des hommes partirent en se tortillant.

 

Elles restèrent à les regarder partir en boitant, puis se retournèrent et marchèrent vers le chariot. « Joli balayage », dit-elle en lançant un regard tranquille à Gabrielle, la mâchoire serrée sur son désir presque inconscient de voir si le barde allait bien.

 

« Merci », répondit sa compagne, puis elle tressaillit et pressa un coude contre son côté. « Mais j’aurais dû t’écouter… » Elle soupira. « Je ne pense pas que j’étais déjà prête pour y aller à fond. » Elle prit une expression d’excuse. « Désolée… j’étais si têtue… je ne… je voulais juste… »

 

Elle sentit une main sur son dos qui la massait doucement. « C’est bon. Je suis coupable de ça moi aussi de temps en temps. »

 

Elles se regardèrent. « Ok, souvent », s’amenda Xena avec un sourire désabusé. « Trouvons un endroit pour faire une pause et avaler quelque chose. » Elle fit un signe de tête à Hérodotus, et il prit les rênes et en frappa le dos des chevaux. « Vous êtes tous prêts pour un petit arrêt ? »

 

Hécuba se pencha et regarda sa fille. « Tu vas bien ? » Demanda-t-elle, la voix tendue.

 

Gabrielle la regarda avec une gaieté insouciante. « Bien sûr… je vais bien. J’ai juste faim. » Elle bâilla et sautilla sur la pointe des pieds. « Peut-être que c’est tout ce bon air frais. » Sachant que ça lui vaudrait, au moins, un rire de Xena, et ça le fit.

 

« Oh… ouais… sûr… » Ricana la guerrière, en balançant un bras sur les épaules de sa compagne pour l’amener hors du chemin. « Allez… il y a une source sympa dans ce groupe d’arbres. »

 

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