| 
  • If you are citizen of an European Union member nation, you may not use this service unless you are at least 16 years old.

  • You already know Dokkio is an AI-powered assistant to organize & manage your digital files & messages. Very soon, Dokkio will support Outlook as well as One Drive. Check it out today!

View
 

LONGEST NIGHT5

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Une Si Longue Nuit

 

par Melissa Good

 

Traduction : Fryda

(2006)

 

 

*********

Partie 5A

*********

 

Pour les avertissements et démentis, voir 1ère partie

********

 

Cyrène resta allongée un moment, à simplement regarder la lumière du soleil traverser la fenêtre de sa chambre, et animer la couverture de couleur rouille et vert forêt qui drapait le lit lourd. Elle peignait aussi une rayure chaude sur le sol en bois sur lequel reposaient des tapis de laine dont la couleur faisait écho à celle du couvre-lit. Elle repassa mentalement en revue ce qu’elle avait à faire pour la fête qu’ils préparaient…. Maintenant, songea-t-elle, que la plupart des invités étaient arrivés.

 

Et pouvaient donner un coup de main, sourit-elle tranquillement pour elle-même. La période allait être amusante, sinon frénétique, avec l’union, puis la célébration qui serait également une fête d’anniversaire pour sa fille qui l’acceptait moyennement.

 

Gabrielle avait voulu que ce soit une surprise, mais… Cyrène connaissait Xena, et elle avait réussi à convaincre le barde que si sa compagne le savait à l’avance, elle pourrait peut-être être convaincue de s’amuser. Une surprise… avec autant de gens… et Xena sous les feux de la rampe… ah… non. Ce n’était pas une bonne idée.

 

Et au début, la guerrière avait résisté, déclarant que l’union devrait être une raison suffisante pour la célébration… en plus du Solstice lui-même. Mais petit à petit, elles avaient épuisé sa résistance, jusqu’à ce que, la semaine dernière, elle ait montré un intérêt très voilé, très prudent, dans les plans ; surtout quand Cyrène avait révélé toutes les bonnes choses qu’elle avait prévu de faire pour la fête.

 

Elle avait gardé cette expression impassible, réservée, presque, pendant la discussion, mais elle ne pouvait pas empêcher la petite étincelle d’éclairer ses yeux, ni ce petit demi sourire d’apparaître, malgré ses meilleures intentions, et Cyrène avait cligné de l’œil en direction de Gabrielle, qui avait prononcé un ‘On l’a eue’ silencieux en retour.

 

Elle bâilla, et repoussa les couvertures, sortant à contrecoeur de son lit chaud avant d’enfiler sa robe de chambre pour se réchauffer, soupirant à la douleur de ses os vieillissants, tout en traversant lentement la pièce pour poser le pot d’eau sur le feu.

 

Et elle entendit un bruit sourd.

 

Et fort.

 

Suivi d’un autre bruit sourd, et d’un cri assourdi. Elle leva les yeux vers le plafond, et se passa les doigts dans ses cheveux d’un argent profond, avant de se diriger vers la porte qui menait dans le petit couloir qui séparait sa chambre et celle de Toris de la partie principale de l’auberge. Elle trottina le long du couloir, et tourna à droite, puis poussa la porte de la cuisine et fonça à l’intérieur, se figeant devant ce qu’elle voyait.

 

Eustase avait le dos contre les étagères de rangement, et tenait la pelle à charbon d’une manière très menaçante, visant avec une intention mortelle le grand tas de fourrure inquiétant qui lui faisait face.

 

« Ecoute… » Disait la forme poilue, écartant ses grands bras dans un essai apparent pour la rassurer. « Tout ce que je voulais, c’était des céréales. Honnêtement… je ne mange pas les gens… surtout pas le matin. C’est vraiment mauvais pour la digestion. »

 

« Dehors, espèce de truc bestial ! ! ! » Souffla Eustase, en faisant un mouvement avec la pelle.

 

Cyrène soupira et se frotta les tempes. « Eustase, pose ce fichu truc. »

 

La cuisinière écarquilla les yeux. « Attention, m’dame ! Il est dangereux ! ! ! »

 

L’aubergiste étudia son invité. « Tu l’es ? » Demanda-t-elle d’un ton neutre. « Dangereux ? »

 

L’être de la forêt se redressa et se frappa la poitrine. « Bien sûr. » Il sourit, montrant tous ses crocs à leur meilleur avantage. « Mais seulement après avoir pris le petit déjeuner. » Il se tapota l’estomac et plissa le museau, une étincelle apparente dans ses yeux dorés.

 

« Mmm… je vois », marmonna Cyrène ironiquement. « Eustase, s’il te plait, calme-toi. Voici… » Elle le regarda attentivement. « Jessan. C’est un ami de mes filles. »

 

La cuisinière le regarda avec incrédulité, mais elle posa lentement la pelle, avec un bruit métallique lorsqu’elle heurta le sol. « Que les dieux aient pitié de nous », dit-elle dans un souffle, en s’appuyant contre les étagères. « Il m’a fichu une sacrée trouille, ça oui. »

 

Cyrène mit les mains sur ses hanches et soupira. « Tu passes toujours tes matins à faire peur aux gens, Jessan ? »

 

L’être de la forêt cligna des yeux. « Hum… non, en fait. » Il eut une expression penaude. « Je ne voulais vraiment pas faire peur. » Il se posa sur un coin de la table et pencha la tête. « J’ai laissé Elaini là-haut, elle dort un peu plus longtemps. » Il sourit. « Elle attend un enfant, et elle a besoin de repos. »

 

L’aubergiste leva les deux sourcils. « Oh… et bien, si c’est pas mignon…. » Elle prit deux bols et mit un peu des céréales qui bouillaient sur le feu dans une petite marmite. « Et bien… est-ce que ça te dit de prendre le petit déjeuner avec moi, Jessan ? »

 

Le sourire dentu la surprit. « Sûr. » Il se leva et la domina de sa hauteur, puis prit doucement la marmite et les bols de ses mains. « Je m’en occupe. »

 

Ils allèrent dans l’auberge désertée, et s’assirent à l’une des tables près du feu. Cyrène servit deux portions avec soin dans les bols en bois, et en poussa un vers lui, puis elle lui tendit une cuillère. « Et voilà. » Elle s’assit et prit le sien, recueillant une cuillerée d’un air absent tout en le regardant faire la même chose. Dans la lumière du jour, elle avait une meilleure vue de ses traits, qui avaient été cachés par la lumière du feu et les ombres la veille au soir. Il était… Elle fronça les sourcils. Intéressant, c’était la meilleure façon de le décrire. Il avait une grande tête, couverte de poils, sa mâchoire ressortait légèrement autour de son nez pour former un museau, et sa barbe épaisse descendait le long de son cou sur un torse et des épaules massifs.

 

Mais les yeux étaient intelligents, et maintenant qu’elle le regardait attentivement, son visage bougeait et remuait, exprimant ses émotions d’une façon proche de la sienne. « Alors… Jessan », dit-elle, en prenant une bouchée de céréales avant de la mâcher. « Comment s’est passé le voyage jusqu’ici ? »

 

L’être de la forêt leva les yeux et lui sourit. « C’est bon… pas besoin de prétendre que je ne suis pas un tapis de plus de deux mètres avec des crocs. » Il avala sa bouchée, et regarda de l’autre côté de la pièce, où une serveuse hésitait, portant un pichet. « Je le jure, je ne mange que des céréales. Et des carottes. »

 

Elle le regarda.

 

« Ok, et des steaks », admit-il. « Mais je les aime bien cuits. »

 

Cyrène laissa un sourire se former sur ses lèvres. « Je peux voir pourquoi ma fille et toi vous vous entendez si bien. » Elle fit signe à la serveuse de s’approcher. « Approche… avant qu’on ne meure de soif ici. »

 

Jessan continua à mâcher et attendit que la serveuse parte pour s’éclaircir un peu la voix. « Merci… c’est vraiment génial. » Une autre bouchée. « Je… et bien, disons juste que mes parents me laissent être le… euh… »

 

« Briseur de glace ? » Proposa Cyrène, en prenant une gorgée de son cidre.

 

Il fit rouler la tête dans un mouvement oui/non. « En quelque sorte… ils ne sont pas habitués aux humains… c’est un peu étrange pour eux. »

 

« Je vois. » L’aubergiste suçota sa cuillère pensivement. « Et tu l’es ? Habitué aux humains, je veux dire ? »

 

Jessan la regarda dans les yeux, toutes traces d’humour maintenant absentes. « J’ai eu une… très… très bonne… professeure. » Il s’interrompit. « Quelqu’un qui m’a appris que nos… différences signifient bien moins que nos similarités. »

 

Cyrène hocha la tête de compréhension. « Je crois que j’ai une dette envers toi. »

 

Le grand être de la forêt fit tourner sa cuillère dans les céréales un moment, puis en sortit une cuillerée et la mangea. « Je suis… vraiment content d’avoir été là », murmura-t-il, le museau légèrement coloré. « Mais elle a fait plus que je n’ai fait. »

 

Ils mangèrent encore un moment en silence. Puis Jessan s’interrompit. « Est-ce que Gabrielle… »

 

« Oui », répondit rapidement Cyrène. « Juste après qu’elles sont revenues. » Elle pianota sur la table. « Mais… elle tend à laisser de côté les parties dont elle pense qu’elles vont m’inquiéter. Alors… pourquoi est-ce que tu ne me raconterais pas ce qui s’est vraiment passé ? » Elle leva les yeux et captura son regard du sien, et attendit.

 

Jessan croisa avec soin ses doigts devant son bol, et posa son poids sur ses coudes. « Tu es sûre de vouloir l’entendre ? C’est fini… sans offense, et il n’y a vraiment pas besoin… » Oh… oh… je suis dans le pétrin… j’aurais dû rester en haut et me contenter de mâchouiller les noix de mon sac, je le savais.

 

Cyrène tendit la main et la posa sur les siennes, sentant la texture rugueuse et peu familière du pelage, et la chaleur de la peau dessous sans tressaillir. « C’est ma fille, Jessan. Oui, je veux savoir. »

 

Alors il lui raconta tout ce qu’il savait, n’épargnant rien. Sa voix était basse, et rauque, à certains points, serrée par l’émotion. Quand il eut fini, il se contenta de rester assis là, à fixer ses mains, puis soupira. « Alors… »

 

L’aubergiste recommença enfin à respirer, fixant par-dessus l’épaule du grand être de la forêt tandis qu’elle essayait d’absorber tous les détails qu’il avait donnés. Elle savait que ça avait été dur, oui… mais… oh, Xena… comme ça a dû l’être pour toi… « Merci », dit-elle doucement.

 

Un silence embarrassant tomba, jusqu’à ce que Jessan finisse par s’éclaircir la gorge. « Tu me rends un service ? »

 

Cela lui valut un regard surpris de la part de Cyrène. « Hum… bien sûr… si je peux… »

 

Il secoua la tête. « Ne dis pas que je t’ai raconté… ok ? Elle va me botter les fesses. » Son museau se plissa dans un sourire désabusé.

 

L’aubergiste haussa les sourcils, et regarda Jessan de haut en bas. « Vraiment ? »

 

Il posa la mâchoire sur sa main et eut un rire ironique. « Oui oui », dit-il en soupirant. « Elle est effrayante. »

 

Cyrène lui sourit, puis leva les yeux en entendant des bruits de pas traverser la pièce, et elle vit Toris qui arrivait à grand pas, se frottant le visage tout en bâillant. « B’jour. » Il s’assit et posa le menton sur ses mains. « Salut Jessan. »

 

« Salut », répondit l’être de la forêt avec un sourire. « Alors, qu’est-ce qui s’est passé hier ? Je sais que je vous ai trouvés dans un piège à cochons, mais… »

 

« Un piège à cochon ? » Intervint Cyrène, les lèvres recourbées. « Je n’ai pas entendu ça. »

 

Toris soupira. « Ben, on essayait de revenir à la maison après avoir été pris dans cette tempête de neige… et c’était après le truc du bain de boue, alors on trébuchait un peu tous le long de ce…

 

Une main sur son bras. « Un bain de boue ? »

 

Il laissa passer un grognement piteux. « C’était désagréable. Ça sentait le poisson… c’était moite… et froid… beuh… ensuite on s’est cachés dans un tronc d’arbre, mais il a commencé à neiger, alors on se dirigeait ici, mais quelqu’un avait dû piéger le chemin, parce qu’on est tombés dedans, et il y avait ces épines, avec du truc mauvais, et ça nous a assommés pour un moment… » Il leva les yeux pour voir sa mère et Jessan qui le fixaient. « Quoi ? »

 

Jessan pencha sa tête poilue d’un côté et cligna de ses yeux dorés. « C’est un truc de famille, non ? » Il regarda Cyrène avec un air interrogateur. « Pas vrai ? »

 

« Oh non. » Cyrène leva une main d’un air sévère. « Ne me blâme pas pour ça, désolée. » Elle se leva et se frotta, sa robe de chambre cotonneuse rendant le geste un peu trop mignon pour avoir de l’effet. « Je vais aller m’habiller, et démarrer pour demain. » Elle lança un regard appuyé à Toris. « Tu as promis de faire des trucs, mon fils. Je ne veux pas te voir… faire faire des visites. » Elle dressa un sourcil connaisseur.

 

Toris tressaillit et lança un regard ironique en direction de Jessan. « Ouais… c’est moi le comité de décoration. Je sais. » Et son regard s’éclaira. « Hé… tu veux m’aider ? »

 

Jessan sourit et étira un long bras vers le haut. « Je suis génial pour accrocher les banderoles. » Il se leva, tout comme Toris, puis regarda sur le côté. « Mais ne me demande pas de faire ces petits trucs en papier. » Il fit une pause. « Tu vois ce que je veux dire. »

 

« Tu veux dire les trucs pliés », répondit Toris.

 

« Ouais, ceux-là », acquiesça Jessan. « C’est… je finis par faire quelque chose qui ressemble à du pâté de vache. »

 

Toris se mit à rire. « Non… c’est bon… Nella a dit qu’elle le ferait. »

 

La tête de Cyrène se glissa entre eux. « Qui ? » Demanda-t-elle d’un ton espiègle, avec l’air d’une chouette à l’indulgence exagérée.

 

« Heu », dit Toris en rougissant.

 

« C’est bien ce que je pensais », dit sa mère en riant, et en le tapotant sur le ventre. « Tu sais, tu rougis comme ta sœur quand je lui ai fait savoir que j’avais deviné pour elle aussi. »

 

« Maman… » Marmotta son fils. « Arrête ça. « Il tendit la main et tira sur la tunique bleu nuit artisanale de Jessan, qui allait bien avec son pantalon. « Viens. » Puis il baissa les yeux. « Hé… t’as pas froid aux pieds ? »

 

« Nan », le rassura Jessan en marchant près de lui en direction de la porte. « C’est à ça que sert la fourrure. »

 

Il reçut un regard acéré. « C’est vrai », murmura Toris. « Il faudra que je m’en souvienne », ajouta-t-il, en ouvrant la porte pour sortir, en direction du petit atelier où il avait rangé ses décorations en cours.

 

****

 

Lila n’était pas sûre de savoir pourquoi elle s’était réveillée… bien que, songea-t-elle ironiquement, ça aurait pu être n’importe quoi, de l’endroit inhabituel où elle dormait, à l’absence de Lennat, où un bruit bizarre… n’importe quoi.

 

Elle resta tranquillement allongée sur la paille à l’arrière du chariot un moment, écoutant les sons très matinaux du dehors, qui consistaient principalement en un bruit étouffé et distant de la rivière, et du vent qui effleurait les branches sèches au-dessus d’eux. Elle se tourna sur le côté et souleva la toile qui couvrait le chariot, avant de passer le nez dehors, le plissant face au froid humide qu’elle y trouva. Oh par les dieux… pas une autre tempête. Elle soupira et se blottit de nouveau dans le foin, souhaitant que Lennat n’ait pas eu à terminer ce gros travail et ait pu venir avec eux.

 

Puis elle lança un coup d’œil à l’intérieur du chariot, et sourit ironiquement. Bien sûr, il n’y aurait pas vraiment eu de place pour lui… ses parents étaient tranquillement endormis à l’avant de la carriole, redressés contre leurs sacs, et elle était à l’autre bout. Il ne restait pas beaucoup d’espace.

 

En soupirant, elle retourna son attention à l’extérieur, et regarda l’air enveloppé de brouillard aux premières lueurs d’une journée grisâtre. Elle pouvait voir les restes du feu qui luisaient à travers la brume inquiétante, et puis elle regarda timidement au-delà, où elle pouvait à peine voir l’endroit où sa sœur et sa compagne dormaient.

 

D’un air désabusé, elle eut une pensée envieuse à l’égard de Gabrielle… bien qu’elle était installée dans ce chariot plutôt chaud et confortable, elle ne doutait pas que sa sœur n’aurait pas changé de place avec elle pour un million de dinars. Sa sœur était à demi allongée sur Xena, utilisant le corps de la guerrière comme un oreiller, et Lila pouvait voir le sourire ravi sur ses lèvres depuis l’endroit où elle se trouvait. Puis ses yeux remontèrent et elle se figea, quand il croisa un regard bleu ferme.

 

Mais Xena se contenta de hausser un sourcil, et elle s’étira un peu sous la couverture fourrée épaisse, puis elle laissa un demi sourire passer sur son visage, défiant Lila d’objecter, tout en attirant Gabrielle plus près.

 

Lila sourit en retour, et se glissa sous la toile, secouant légèrement la tête, avant de se réinstaller dans la paille avec un soupir.

 

La guerrière rit tranquillement pour elle-même, et laissa passer un petit soupir tandis que Gabrielle marmonnait un peu entre ses dents, et resserrait sa prise, emmêlant les doigts dans les lacets de cuir déliés qui pendaient sur l’avant de la poitrine de Xena. Celle-ci regarda affectueusement sa compagne, admirant la façon dont la lumière gris perle grandissante révélait lentement les lignes souples du visage du barde, et saisissait les étincelles minuscules de ses cils.

 

Elle adorait regarder Gabrielle dormir… Ça avait toujours été le cas, quand la simple vue du visage paisible du barde lui apportait sa propre paix si nécessaire. Parce qu’elle pouvait baisser sa garde, et se sentir libre de baigner dans la chaleur de ce qu’elle ressentait pour la jeune fille, et la laisser la submerger, sachant que Gabrielle rêvait en sécurité et en toute inconscience.

 

Ça avait été un sentiment aigre-doux, surtout après toute cette pagaille où elle avait été… tuée, et Vélasca, et tout et tout. Quand elle avait su, au-delà de l’ombre d’un doute, la profondeur des sentiments de Gabrielle pour elle, qui avait rendu les choses bien plus dures d’une certaine façon, mais… Xena sourit, en se souvenant de cette nuit après son retour, quand elle avait passé de longues heures avant l’aube à juste tenir Gabrielle dans ses bras, laissant le barde épuisé dormir paisiblement, ses mains agrippées à la combinaison de cuir de Xena. Elle avait pensé à de nombreuses choses alors… mais son esprit continuait à revenir, comme celui d’une enfant, à la simple révélation merveilleuse que Gabrielle l’aimait tellement.

 

Ça avait valu la peine de revenir, cette longue nuit quand elle avait baissé toutes ses défenses, et accepté le sentiment entre elles… bien que les épreuves qui avaient suivi avaient pratiquement détruit cela à nouveau. Mais ça avait été si bon, cette nuit-là, de simplement savoir… qu’elle était revenue pour la bonne raison.

 

Et ça avait été… si bien… si réel que ça en était presque douloureux dans son intensité. Que Gabrielle ait eu tellement mal… et qu’elle ait été capable de l’éloigner, et de laisser en place, ce petit sourire interrogateur qui avait brisé toutes ses défenses, et qui était le meilleur sentiment du monde.

 

Et maintenant…songea joyeusement Xena. Je ressens ça tout le temps. Qu’est-ce qui me vaut d’être si chanceuse ? Un petit sourire incrédule se forma sur ses lèvres. Je ne mérite pas ça… mais maman avait raison. Quand le bonheur arrive… il faut juste l’attraper et s’y accrocher… et le suivre tant qu’il est avec vous. Et bon sang si je ne vais pas le faire. Elle reposa sa tête sur le manteau plié, levant les yeux vers le ciel nuageux avec un sentiment irrépressible de bien-être, tandis qu’elle sentait Gabrielle remuer doucement contre elle.

 

Les yeux verts endormis clignèrent vers elle. « B’jour… »

 

« Hé », répondit Xena avec un sourire. « Comment tu te sens ? »

 

Le barde s’étira le long du corps de Xena, puis se détendit avec un sourire satisfait. « Super bien. » Elle mordilla gaiement la clavicule de sa compagne. « Il faut vraiment qu’on se lève ? »

 

« Et biiiieeen… » Dit Xena en riant. « Tu sais que je n’aimerais rien tant que de passer une méchante journée pluvieuse comme celle-là à rester au lit blottie contre toi, mais… heu… » Elle pencha la tête et mit les lèvres près de l’oreille du barde. « Je pense que tes parents seraient un peu mal à l’aise avec cette perspective. »

 

« Crotte de centaure », dit Gabrielle en riant. « Je les avais oubliés. » Elle tourna la tête et lança un coup d’œil vers le chariot silencieux. « Oh bon. » Elle retourna son regard vers sa compagne. « Et en plus, il faut qu’on rentre à la maison… ce soir c’est Veille de Solstice. » Elle glissa la main dans la combinaison de cuir de Xena et caressa légèrement la peau douce. « Mmm… tu as chaud. »

 

Xena rit et prit une inspiration profonde, piégeant les doigts du barde dans le vêtement serré. « J’tai eue », la taquina-t-elle gaiement.

 

« Ah oui ? » Gabrielle la défia avec un sourire espiègle. « Et combien de temps penses-tu pouvoir retenir ta respiration ? »

 

Un sourire félin lui répondit. « Je sais pas… voyons voir. » Elle pencha la tête et captura les lèvres de Gabrielle, continuant une exploration taquine jusqu’à ce que le barde soit obligé d’interrompre le baiser et de prendre une rapide inspiration.

 

« Tu as gagné… » Admit Gabrielle, alors que la pression sur sa main diminuait, et qu’elle sentait le plissement souple des muscles sous ses doigts tandis que Xena se redressait un peu et regardait la matinée humide et brumeuse. « Il est temps de faire du thé, hein ? »

 

« Reste là. » Xena lui sourit avec indulgence, effleurant le dessus de sa tête d’un baiser. « Je vais le faire. »

 

« Mmm… » Protesta le barde. « Ça veut dire que je dois te lâcher, hein ? » Elle soupira et tira doucement sur les lacets de Xena pour refermer la tunique, les resserrant légèrement. « Je vais me lever et t’aider… pas besoin de donner plus de raison à Lila de me taquiner qu’il n’en faut. » Elle lança un regard désabusé à Xena. « Je n’ai jamais été du matin. »

 

« Vraiment ? » Demanda celle-ci d’un ton ingénu. « Je n’aurais pas deviné. » Elle rit en direction du barde qui tira le bout de sa langue en réponse. « Et en parlant de taquiner… » Elle tira sur la manche de Gabrielle. « Je pensais que tes côtes ne te faisaient plus mal. »

 

Le barde lui lança un regard indigné. « C’est vrai ! »

 

« Oui oui », dit Xena d’une voix traînante. « Alors… tu portes toujours mes chemises parce que… ? ? »

 

Cela lui valut un rougissement et un sourire penaud. « Je les aime bien. » Elle fit la moue et tira le col de la chemise de nuit sur sa nuque. « Ça te cause un problème ? »

 

Xena l’étudia, puis éclata de rire. « Non… mais il faudrait que tu m’en laisses une ou deux pour que je n’aies pas à me promener nue par ce temps, Ok ? »

 

Gabrielle renifla pensivement. « Je vais y penser », répliqua-t-elle, d’un ton espiègle, tout en roulant à contrecoeur de son coin confortable, avant de s’asseoir. « Bien que… je sais pas… toi… nue… il y a de l’idée là-dedans… »

 

Xena leva les yeux au ciel. « Gabrieeeellle… »

 

« Ouais, ouais… je sais… je bouge… » Répondit le barde joyeusement, en sortant précipitamment de dessous les couvertures tout en frissonnant. « Beuh. »

 

Xena se leva également et drapa les épaules de sa compagne de la fourrure. « Tiens… va t’asseoir près du feu, d’accord ? Je vais aller chercher de l’eau à chauffer. » Elle jeta un coup d’œil à Arès, toujours enroulé sur le bord de leur couchage en fourrure. « Tu viens ? »

 

Le loup sortit le museau de sa queue poilue qu’il remua. « Roo. » Il se tortilla pour se mettre debout et trottiner vers elle, avant de mettre le museau contre son genou avec affection.

 

« Ouais, roo à toi aussi. » Xena rit en enfilant ses bottes, et elle tira fermement sur les lacets. Puis elle attrapa un pot et passa les doigts dans ses cheveux, donnant un semblant d’ordre aux longues mèches. « Je reviens tout de suite. »

 

Gabrielle la regarda s’en aller, puis partir au petit trot dans la brume verte qui enveloppait le sol autour de leur campement. Les nuages épais l’avalèrent, juste au moment où les premiers faibles rayons du soleil commençaient à essayer de traverser les nuages grandissants. Elle soupira et échangea sa couverture pour une tunique chaude, une autre des vieilles tuniques de Xena, une des plus épaisses, nota-t-elle avec un rire, et elle commença à faire le feu. Au bruit du bois contre le bois, la tête de Lila apparut, et elle regarda sa sœur avec étonnement.

 

« T’es debout ? » Demanda la jeune femme brune, d’une voix incrédule. « Gabrielle, le soleil n’est même pas levé. » Elle se tortilla hors du chariot et alla vers l’endroit où sa sœur était accroupie, en train d’ajouter du bois au feu de camp endormi. Elle avait mis sa propre veste épaisse avant d’émerger, et elle la serrait contre elle tout en approchant. « Qu’est-ce qui te prend ? » Elle fixait la silhouette mince de sa sœur d’un regard appréciateur. « D’où est-ce que tu tires toute cette énergie ? »

 

Gabrielle finit sa tâche et se redressa, les mains tendues au-dessus du feu tout en les frottant l’une contre l’autre. « Et bien… on a fait une sorte de compromis… » Elle sourit. « J’aime bien dormir tard, et Xena se lève toujours avant l’aube. Alors… on s’est mises d’accord sur juste après le lever du soleil… et on s’est… ajustées. » Elle alla vers leurs provisions et en sortit quelques fruits cuits, des noix et des barres de céréales que Xena avait faites pour le voyage, et elle en offrit à sa sœur. « Tiens… et parce que j’ai besoin de toute cette énergie, je mange tout le temps… » Elle sourit.

 

« Si j’avais cette excuse. » Lila en prit une avec précaution et en mordilla le bout, puis elle sourit. « Wow… c’est plutôt bon… qu’est-ce qu’il y a dedans ? »

 

« Des baies… des noix… des graines cuites… du miel… » Gabrielle sourit. « Xena les prépare… c’est une de ses trois ou quatre spécialités. » Elle prit une grande bouchée de la sienne et mâcha, savourant le goût familier. « Mmm… » Elle se lécha les lèvres d’un air appréciateur. Xena avait mis un peu plus de miel dans cette fournée, en levant les mains pour se rendre d’un air désabusé aux prières taquines de Gabrielle, puis elle avait eu au moins la grâce de rougir quand le barde avait sucé l’excès sur ses doigts juste après.

 

Hécuba et Hérodotus choisirent ce moment pour descendre du chariot, tressaillant et clignant des yeux dans la lumière du soleil baignée de brume. « Bonjour », dit Hérodotus d’un ton bourru, en redressant le dos avec un grognement. « Ce chariot est tout sauf un bon lit. » Il leva les yeux vers sa fille aînée. « Quand je pense à toi sur le sol froid, Bree… quelle honte. »

 

Gabrielle laissa un sourire ourler ses lèvres. « Oh… non, en fait, j’ai très bien dormi… » Elle joua un peu avec le feu, puis tendit les rations de voyage. « Je présume que j’y suis habituée. »

 

Lila ricana doucement et la poussa dans les côtes. « Ouais… et si j’avais ce genre de matelas, je serais à l’aise aussi, grande sœur », murmura-t-elle. « Je vous ai vues… »

 

Gabrielle rougit. « Lila… » Lâcha-t-elle en donnant une tape sur la jambe de sa sœur. Par les dieux… pas en face d’eux, pour l’amour d’Hadès, Lila…

 

Lila rit et mâchouilla sa barre plus joyeusement. « Oh… c’était mignon, Bree… tu avais un de ces sourires stupides sur le visage. »

 

Le barde prit une teinte de rouge plus profonde. « Allons… arrête ça. » Elle vit ses parents qui la fixaient du coin de l’œil, et tressaillit. Bon sang… ce n’est pas le moment pour ça… Son estomac se retourna.

 

« Oh non… » Dit sa sœur en riant. « Je vais savourer ceci… quelle jolie teinte de… »

 

Une voix murmura dans son oreille, envoyant des frissons glacials le long de sa colonne vertébrale.

 

« Si tu n’arrêtes pas de la taquiner, je vais te présenter à ce très grand seau d’eau vraiment très froide. »

 

Lila déglutit. « Euh… salut… bien sûr… heu… je blaguais. » Elle s’éloigna de la forme menaçante de Xena et s’assit de l’autre côté du feu, mâchouillant sa barre avec une expression d’enfant réprimandé sur le visage.

 

Xena souleva le pot d’eau sur le feu et fit un signe de tête à Hécuba et Hérodotus. « Bonjour. »

 

Hécuba leva les yeux de son sac où elle farfouillait. « Oh… bonjour à toi aussi, Xena. » Elle lui fit un sourire brave. « Désolée… nous ne sommes pas vraiment habitués à cette vie. »

 

Hérodotus s’avança et se frotta les mains au-dessus du feu. « Non… ça fait longtemps que je n’ai pas dormi sous les étoiles. » Il soupira. « Le petit déjeuner ici, puis en route, si je comprends bien. » Il s’adressa cordialement à la guerrière.

 

« Mmm… » Acquiesça Xena, en mesurant avec soin une portion d’herbes avant de les mettre dans le fond d’un pot qu’elles gardaient pour le thé. « Tu peux utiliser cette eau pour te laver… une fois qu’elle sera chaude. »

 

L’homme leva les yeux vers ses cheveux humides en questionnement. « Qu’est-ce que tu as utilisé…non… la rivière ? » Il ricana. « Par les boules d’Hadès… elle est à moitié gelée. »

 

La guerrière haussa les épaules. « J’y suis habituée. » Elle finit sa tâche et s’assit sur une demi bûche près de Gabrielle, tenant le pot nonchalamment entre ses mains. Je pense que… j’ai outrepassé le côté protecteur là… je suppose que j’aurais dû m’excuser. « Hé », dit-elle doucement alors que les autres s’affairaient à prendre des vêtements. « Ecoute, désolée au sujet de… »

 

Une main sur sa jambe l’arrêta, tandis que Gabrielle levait les yeux pour croiser son regard. Le soleil récalcitrant en saisit la profondeur pendant un instant, faisant sortir des étincelles dorées qui scintillaient dans le vert pâle. « Non… ne t’excuse pas », répondit-elle, très calmement. « Hum… oui, je peux m’occuper de moi, et c’est ma sœur, et elle blaguait, et ça n’était pas fait pour me blesser… » La main serra légèrement. « Mais… c’est venu par surprise, et j’étais vraiment contente que tu l’arrêtes. »

 

« Oh. » Xena prit une inspiration soulagée. « Et bien… à ton service… d’accord ? » Elle sentit un petit sourire se former sur ses lèvres. « Mais je pense que je l’ai effrayée. »

 

Gabrielle sourit et finit d’enrouler le couchage. « Probablement. Ne t’inquiète pas… elle va survivre. »

 

Ils finirent de partager un petit déjeuner et partirent, le chariot repoussant le brouillards en nuages paresseux, leurs manteaux serrés pour empêcher le froid humide de les refroidir, alors que le soleil s’effaçait à contrecoeur derrière les nuages qui s’amoncelaient, et que le vent commençait à se lever.

 

**

 

« A droite », dit Granella, en levant les deux mains pour tracer une figure avec un œil calculateur. « Non… l’autre droite. » Elle corrigea le mouvement. « Ouais… c’est mieux. »

 

Toris descendit de la chaise sur laquelle il était grimpé et étira son dos. On était en fin d’après-midi et la plupart des décorations étaient finies. « Ça a l’air bien », décida-t-il en mettant les mains sur les hanches, puis il tourna la tête lorsqu’un courant d’air en provenance de la cuisine entra dans la salle de l’auberge. « Par les dieux… que ça sent bon. » Il soupira. « Elle doit être en train de cuire ces petits gâteaux. »

 

Granella s’approcha et renifla. « Oh… wow… » Elle grogna. « Il faut qu’on attende jusqu’à demain pour les manger ? »

 

Toris remua les sourcils. « Peut-être pas… je vais voir ce que je peux taper. » Il lui lança un regard vertueux. « Après tout, on a travaillé dur toute la journée, pas vrai ? »

 

Elle hocha la tête solennellement. « Vrai. »

 

La porte s’ouvrit, laissant passer Hercule, Iolaus, Jessan et Elaini, cette dernière étant la seule à ne pas être couverte de traces de la riche terre brune. « Ok… ok… maintenant expliquez-moi à quoi ça sert ce truc, encore ? » Demanda Jessan en installant sa haute et large silhouette avec précaution sur une chaise, tressaillant au craquement de protestation. »

 

« C’est un puits à rôtir », lui répondit Cyrène en ouvrant la porte de la cuisine pour les rejoindre dans la partie principale de l’auberge. « Eustase m’a montré une vieille recette de son peuple… et ça m’a semblé être une bonne idée de l’essayer pour une grande fête. »

 

« Oui oui. » Hercule se frotta la mâchoire, et lui donna une teinte brune foncée. « Tu… euh… te rends compte que le temps… se dégrade de nouveau, hein ? »

 

Cyrène s’assit avec un soupir, et posa les coudes sur la table. « Pas de problème. » Elle remua la main dans leur direction. « Johan et deux des gens de cuisine remplissent le fond avec du bois en ce moment… on allume le feu et on le laisse brûler jusqu’au bout… ensuit on emballe ce qu’on veut cuire dans de la paille humide, et on le met là-dedans, puis on couvre le tout de terre. »

 

Ils se regardèrent. « De la terre ? » Iolaus plissa le front. « Euh… mais… je ne… »

 

« Hé… » Eponine prit une chaise au bout de la table et la fit tourner, s’y installa et posa les bras sur le dossier. « Tu fais rôtir un cochon ? »

 

Cyrène hocha la tête.

 

L’Amazone sourit. « Wow… j’en ai pas mangé depuis que j’étais une gamine. »

 

Les regards se tournèrent vers elle.

 

« Ne dites rien », les avertit Eponine.

 

Les regards se détournèrent en silence. « C’est génial… on prend un cochon… » Expliqua Eponine.

 

« Un cochon entier ? » Demanda Jessan avec une expression fascinée sur le visage.

 

Eponine acquiesça de la tête, l’air enthousiaste pour changer. « Sûr… et on le vide de ses entrailles, pas vrai ? Ensuite on le farcit de fruits et de trucs… et on recoud le tout. Ensuite on le met dans le puits, avec des herbes tout autour, et on le couvre pour le laisser cuire lentement. »

 

Iolaus pianota sur la table. « Ça a pas l’air à demi mauvais. » Il lança un coup d’œil vers Hercule. « Hein ? »

 

« Non… » Dit lentement le demi dieu. « Pas mauvais du tout… en fait, ça semble même plutôt fichtrement bon. »

 

« Vous le pensez ? » Demanda Cyrène l’air de rien.

 

Ils hochèrent tous la tête.

 

« Génial. » L’aubergiste leur sourit. « Qui veux tuer le cochon ? »

 

Toris regarda soudainement sa mère. « Oh… par les dieux… pas… ce… cochon-là ? »

 

Sa mère haussa les épaules. « Gentius l’a donné pour la fête… je détesterais le décevoir. »

 

Hercule échangea un regard avec Iolaus, puis avec Jessan. « Hum… à quel point un cochon peut-il être méchant ? Je veux dire… je pense que je pourrais… »

 

***

 

« Par le sein droit d’Héra », dit Hercule dans un souffle, choquant Iolaus. « Fils de Furie puante… regarde donc ça. »

 

Cochon était un terme relatif, pensa Iolaus, suspendu à la deuxième barrière qui entourait la porcherie de construction massive, à la lointaine lisière de la ville. Tel quel, c’était de la famille des cochons… relativement de la taille d’une petite hutte. Le dos de l’animal arrivait à la taille d’Hercule, et il était plus long que les bras écartés de Jessan. L’être de la forêt les avait rejoints, accompagné par Elaini, et un Lestan silencieux mais aux sourcils dressés.

 

« Ahem. » Ce dernier s’éclaircit la gorge. « C’est heu… »

 

« Ouais », acquiesça Hercule. « Il l’est très certainement. »

 

Le cochon le fixait d’un œil mauvais, puis il chargea soudainement vers le demi dieu, dont les réflexes plus qu’humains furent la seule raison qui le maintinrent debout. Il sauta sur la barrière, et laissa le cochon tonner sous lui, et s’écraser contre le mur de la porcherie, envoyant Iolaus valser à plusieurs mètres dans Elaini, qui le rattrapa avec précaution.

 

« Wow », dit Hercule dans un souffle. Il décida de rester là où il était pour l’instant, et réfléchit à ses options. Puis il se rendit compte qu’il en avait peu. « Ok… bon… je suis ouvert à toutes les bonnes idées. » Il tressaillit lorsque le cochon renifla juste sous lui, flairant les talons de ses bottes avec une hostilité flagrante.

 

Iolaus s’approcha. « Je suppose que ce n’est pas le bon moment pour dire que ce sont des bottes en peau de porc, n’est-ce-pas ? » Un peu… d’humour ? Pour alléger la tension…

 

« Non. » Hercule lui lança un regard noir.

 

Eponine ricana en réalisant le bon mot, et elle sortit son long couteau de sa ceinture, vérifiant ses bords avec soin. « Et bien, il faut qu’on lui tranche la gorge. »

 

Hercule lui jeta un coup d’œil. « Les dames d’abord », marmonna-t-il.

 

Elle le regarda et retint un sourire ironique. « Ok… je vais le faire… mais il faut que tu le tiennes… » Elle jeta un coup d’œil. « La tiennes. » Elle se tourna à demi à l’arrivée d’Ephiny, enveloppée dans un cache-nez en laine épaisse. « Heu… salut, Eph. »

 

« Salut. » La Régente amazone regardait la scène d’un air interrogateur. « Qu’est-ce qui se passe ? »

 

Ils regardèrent tous Hercule, qui soupira, et mit les mains sur la barrière du dessus. « On essaie de tuer ce cochon. »

 

Ephiny l’étudia. « En lui sautant dessus ? » Elle entendit un ricanement étouffé et vit Elaini mettre rapidement la main sur sa bouche. « Et bien, ça c’est nouveau. » Elle s’appuya sur la barrière près d’Eponine. « Hé », appela-t-elle doucement la maîtresse d’armes.

 

Eponine sourit légèrement. « Hé… qu’est-ce que tu fais debout ? » Elle leva les yeux. « Je pensais que tu allais rester à l’intérieur avec un temps pareil. »

 

Ephiny lui fit un petit sourire. « Je m’ennuyais… et j’ai entendu dire que vous étiez tous ici… c’est bon, je suis juste fatiguée. » Elle prit une inspiration prudente, et fut soulagée de voir qu’elle n’avait pas besoin de tousser. Mais l’épuisement déconcertant qui l’avait accablée ces dernières semaines était de retour, et elle se sentait un peu étourdie.

 

Mais pas autant désorientée qu’elle l’avait été en se réveillant, toujours dans les bras d’une Eponine endormie. Son corps n’avait pas su quoi faire de la myriade de signaux à la surface de sa conscience, et elle avait simplement refermé les yeux, glissant à nouveau dans un royaume crépusculaire qui tournoyait de courants chauds. Quand elle s’était réveillée de nouveau, elle était seule sur le lit, et Eponine préparait un médicament d’une manière brusque et un peu nerveuse.

 

Elles avaient dansé délicatement l’une autour de l’autre depuis, et Ephiny trouvait la situation en partie amusante, en partie excitante.

 

« Et bien, n’en fais pas trop », lui rappela Eponine. « Bon… il faut que j’aille donner un coup de main pour tuer ce fichu cochon. » Elle attrapa la barrière du haut de la porcherie, et se hissa, balança les jambes par-dessus et s’assit sur la barricade, attendant qu’Hercule bouge le premier. « Alors ? »

 

Celui-ci hésitait. « Je ne suis pas sûr… »

 

Eponine soupira. « Allons, Hercule… tu es un demi dieu pour l’amour d’Hadès. »

 

« Et ça c’est un cochon totalement tueur », lui rappela le demi dieu. « C’est pour mon autre moitié que je m’inquiète. »

 

Jessan s’essuya le visage de la main comme s’il essayait d’ôter la scène de son esprit. « Ok… ok… » Il passa par-dessus la barrière du haut et atterrit dans le puits. « Viens… je vais t’aider. »

 

Il plongea vers le cochon et Hercule se laissa tomber de son perchoir et plongea de l’autre côté. Le cochon couina rageusement et fonça vers le grand Jessan, qui sauta par-dessus sa tête et mit le bras autour de son cou, essayant de le mettre à terre.

 

Mais le cochon avait un excellent centre de gravité, et il continua à avancer, traînant un Jessan surpris derrière lui sur plusieurs mètres de fumier avant qu’Hercule ne l’attrape et passe un bras autour de son cou de l’autre côté. C’en était trop pour le cochon, et il rua, frappant de ses sabots pointus, portant quelques coups effectifs avant que Jessan, en désespoir de cause, ne lui fasse perdre l’équilibre et que le cochon saute à demi, roule à demi sur lui.

 

« Ooouuuuf ! ! ! » Grogna-t-il en enroulant un bras autour de la patte avant. « A l’aide ! ! ! » Il se sentait engloutir par la vase, et pensa brièvement à la possibilité de se noyer dans du fumier de porc. « A l’aide ! ! ! » Ses cris furent couverts par ceux du cochon, qui couinait à pleins poumons.

 

Hercule mit un bras musclé autour de l’autre patte avant du cochon, et mit sa jambe derrière une patte arrière, clouant sur le dos un porc outragé. « Vite ! ! ! » Cria-t-il, en fermant les yeux tandis que le cochon se secouait de gauche à droite, son museau bavant et ses dents acérées cherchant sa chair.

 

Les bottes d’Eponine atterrirent à quelques centimètres de sa tête, et il entendit le grognement tandis que l’Amazone attrapait le museau remuant du cochon et le tirait vers elle, puis le son râpeux et déchirant tandis que le couteau plongeait dans la chair, l’aspergeant d’un bain soudain de sang chaud et âprement métallique.

 

Le cochon cessa brusquement de se débattre et s’affaissa. Hercule relâcha ses prises avec précaution, et se glissa de dessous son corps énorme, le laissant rouler de Jessan.

 

Du sang. Hercule frissonna tandis que l’odeur voyageait de son nez à son cerveau, apportant une vague de souvenirs séduisants, de peau mouillée de sueur, et de cette même senteur piquante et cuivrée. Il entendait les cris d’angoisse retentir… et se souvenait être excité par eux.

 

Une main toucha son bras, et il baissa les yeux, surpris, à la vue du visage inquiet de Iolaus. « Euh… salut. »

 

« Tu vas bien ? » Demanda calmement le jeune homme blond. « Il t’a mordu… ou bien… »

 

Hercule baissa les yeux pour regarder et plissa le nez. « Non… non… je… il… je vais bien… c’est juste un sacré bazar, Iolaus. » Il repoussa fermement les souvenirs de son esprit et regarda autour de lui. Jessan se remettait lentement debout, son pelage collé par la merde de cochon, la boue et les taches de sang couleur rouille. « Et bien, c’est fait. »

 

Eponine essuya sa lame avec soin sur sa botte et la rengaina. « Joli cochon », marmonna-t-elle, en le poussant d’un orteil. « Je présume qu’on doit le rapporter à l’auberge maintenant, hein ? »

 

Ils se regardèrent. Finalement, Elaini montra sa barbe claire et dorée. « Je vais chercher Eris. »

 

Jessan hocha la tête. « Bonne idée. »

 

« Eris ? » Interrogea Eponine.

 

« Mon cheval », répondit Jessan. « Pour tirer ce machin. »

 

La maîtresse d’armes réfléchit. « Fichue bonne idée. » Elle s’interrompit. « Je suppose qu’il faudra qu’on trouve un moyen de passer la porte ? »

 

Ils la regardèrent tous.

 

« Peut-être pas », amenda Eponine.

 

**

 

« Tout a l’air tranquille », dit Xena en regardant autour d’elle vers les branches qui s’agitaient incessamment. Le temps avait commencé à empirer, et l’air était si lourd d’humidité qu’on aurait dit qu’un torchon trempé et froid était posé sur leurs corps à chaque pas.

 

« Tout le monde est dehors près du feu », dit Gabrielle avec un regard en coin vers sa compagne. « Ils rôtissent sûrement des châtaignes. »

 

« Tu crois ? » Demanda la guerrière en sortant quelques châtaignes de sa bourse pour les écraser pour le barde, les montrant avec un grand geste. « Je vais en garder un peu pour ce soir… quand on sera à la maison. »

 

Gabrielle mâchouilla les fruits tout en regardant sa compagne du coin de l’œil. « Tu es de bonne humeur », fit-elle remarquer, en jetant un bref coup d’œil vers les formes blotties dans le chariot qui les suivait.

 

Xena réfléchit à ces paroles. « Ouais, en fait, c’est vrai. » Elle ouvrit une autre châtaigne et la tendit au barde, puis en mangea une à son tour. « Malgré le mauvais temps, et les regards noirs que Lila m’envoie tout le temps. » Elle lança un regard d’excuse à Gabrielle. « Je pense que je l’ai vraiment mise en rogne. »

 

Le barde la poussa légèrement. « Nan… tu lui as juste fait ta Princesse Guerrière, et elle ne s’y attendait pas… je pense qu’elle s’est un peu débarrassée de l’habitude de penser à toi comme ça. » Elle lança un regard affectueux à Xena. « Ça m’arrive parfois. »

 

Xena laissa lentement passer un souffle et tourna la tête. « Qu’est-ce que tu veux dire ? »

 

Un léger haussement d’épaules. « Et bien, c’est juste que des fois j’oublie… » Elle s’interrompit et sourit un peu. « Souvent, en fait… je veux dire que tu es juste toi… mon… amie, ma compagne… tu es drôle et agréable, et douce… » Elle eut un rire court. « J’oublie le reste… et je commence à faire des trucs idiots comme de m’inquiéter pour toi qui chasse seule dans la forêt… jusqu’à ce que je doive m’arrêter, et me cogner la tête, et me dire ‘à quoi je pense là’ ? ? »

 

Xena continua à marcher en silence pendant un moment, réfléchissant à ces mots. Maman le faisait aussi…. Et Ephiny, songea-t-elle. Est-ce que j’ai tant changé ? Elle baissa les yeux pour se regarder avec un doute. J’ai l’impression d’être la même… je pense que… oh par Hadès, je vais juste poser la question. « Gabrielle ? »

 

« Hmm ? » Le barde leva les yeux vers elle.

 

« Est-ce que… heu… j’ai tellement changé ? » Son regard était posé sur le visage de Gabrielle. « Maman a aussi commencé à faire ça, et… je me demandais… »

 

Gabrielle garda le silence un instant, réfléchissant à sa réponse, et Xena attendit. Le barde finit par prendre une inspiration et se rapprocha d’elle. « Non… je veux dire… oh, par les dieux… c’est si dur à expliquer. » Elle fronça les sourcils. « Je… oh… je me demandais souvent à quoi tu pensais … et… maintenant… je ne me le demande plus. » Elle s’interrompit. « Je sais… mais je ne suis pas sûre de savoir si c’est quelque chose de différent chez toi… ou quelque chose qui a changé en moi. » Elle lâcha un souffle. « Oui, tu as changé… mais… je pense que c’est juste que les gens commencent à voir un aspect de toi que j’ai été assez chanceuse de connaître depuis un petit moment déjà. »

 

Elle regarda Xena absorber ces mots et vit le petit mouvement d’émotions sur son visage. « Est-ce que ça t’ennuie ? »

 

Les dieux savent que ça devrait… songea Xena et pendant un moment, elle essaya de repousser une inquiétude que d’une certaine façon… elle ne ressentait pas. « Non… » Elle sentit un sourire se former et le laissa venir. « Je… pendant un moment, tu sais… je pensais que je jouais une jolie comédie… et que tôt ou tard… vous alliez tous le remarquer… et découvrir… » Elle s’arrêta. « Bref… quelque part… je me suis rendu compte… hum… »

 

Le barde lui fit un sourire. « Que ce n’est pas une comédie ? »

 

Un demi sourire désabusé. « Quelque chose comme ça. Oui. »

 

Gabrielle se mit à rire. « Tu aurais pu simplement me le demander, tu sais… je m’en suis rendu compte il y a bien longtemps. »

 

Les yeux bleus étincelèrent dans sa direction. « Ah oui ? Quand ? Je te traitais plutôt mal, ma jeune amie. » Une pointe de regret honnête juste là maintenant.

 

Le barde mit la main autour du bras de Xena. « Quand tu m’as laissée te convaincre de me laisser rester avec toi. » Elle regarda vers la route où elle pouvait voir le début du virage qui les mènerait le long de la rivière, et ensuite à la maison. « Et pourquoi tu l’as fait ? »

 

Xena sourit et secoua la tête. « Si je savais… » Elle garda le silence. « Non… je présume que je sais… je pense que c’était parce que je m’étais convaincue qu’il n’y avait plus grand-chose de bon en moi… et quand maman… » Elle soupira. « Ça a été la confirmation… quand cette foule est entrée, je… pensais que je méritais quoiqu’ils allaient me faire. » Une pièce pleine de visages hostiles, et sa mère qui n’était pas la dernière. Ça avait été l’ultime paille sur une volonté qui avait finalement et tranquillement abandonné le combat, et s’était pliée à la réalisation que ses dettes allaient lui revenir au visage. Et, lasse, fataliste, elle avait été prête à offrir en paiement tout ce qu’elle avait ? Ça aurait été juste… avait-elle pensé, que tout s’arrête ici… là où ça avait réellement commencé.

 

Et puis… dans toute cette colère et cette hostilité, Gabrielle était arrivée. Dont les yeux comportaient de la foi, et de la croyance, et qui lui avait offert une amitié dont elle savait qu’elle ne devrait pas l’accepter.

 

Gabrielle tourna la tête pour la fixer. « Xena, ils t’auraient lapidée à mort. »

 

Sa compagne regardait droit devant. « Oui, je sais. »

 

« Tu les aurais laissé faire… » Un léger murmure.

 

Xena hocha la tête et déglutit audiblement. « Oui. » Elle étudia le sol devant elles et donna un coup de pied nonchalant dans un caillou. « Et puis… une presque étrangère est venue et a tenu tête pour moi-même quand ma propre chair et mon sang ne l’aurait pas fait. » Elle tendit la main et couvrit les doigts du barde des siens. « Alors quand tu m’as demandé de changer ta vie… comment aurais-je pu dire non ? Tu avais déjà changé la mienne. »

 

Gabrielle enserra les doigts de Xena des siens et sourit. « Je suis contente d’avoir été là. » Elle leva les yeux vers sa compagne détendue. « Mais j’ai dû te rendre folle, non ? »

 

Xena secoua ironiquement la tête. « Non… je me rendais folle toute seule…. J’avais toutes ces bonnes raisons sur pourquoi je devrais te ramener à Potadeia… mais… tu disais une chose ou une autre… et elles s’évaporaient. » Elle fit un petit geste de la main. « Comme ça… je n’avais aucune fichue idée de ce qui se passait chez moi. »

 

Le barde soupira, en riant un peu. « Je ne sais pas combien de fois je me réveillais et me demandais ce que je faisais… là sur le sol… » Elle passa son pouce sur le dessus de celui de Xena. « Ensuite je te regardais… et il n’y avait pas d’autre endroit où je voulais être. » Elle recourba les lèvres. « Je me demandais aussi ce qui se passait chez moi. »

 

Un sourcil dressé. « Je présume qu’on sait maintenant. »

 

Gabrielle éclata de rire. « Je présume que oui. »

 

Elles se sourirent et marchèrent côte à côte en silence.

 

***

 

 

Comments (0)

You don't have permission to comment on this page.