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Longestnight4B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Une Si Longue Nuit

 

par Melissa Good

 

Traduction : Fryda

(2006)

 

 

*********

Partie 4B

*********

 

« Très bien », dit Ephiny en soupirant, tout en se massant la nuque. « On ferait mieux de partir. »

 

Hercule se leva lentement et s’appuya contre le mur poussiéreux, tout en levant les yeux. « Ok… je vais vous pousser hors d’ici. » Il leva la main et repoussa un morceau du treillage fin au travers duquel ils étaient tombés, faisant tomber une cascade de neige qui le recouvrit. Il poussa un soupir agacé et envoya un petit nuage de poudre humide et cotonneuse arroser légèrement Iolaus.

 

Tout le monde regarda le demi dieu, et Ephiny serra fort la mâchoire pour s’empêcher de rire. Il avait l’air d’un bonhomme de neige, avec des petits filets de cheveux qui sortaient de la couverture blanche humide, et du gel pendait à ses sourcils sablonneux.

 

Iolaus ricana, puis mit la main sur sa bouche. « Désolé, mon grand », s’excusa-t-il en tendant la main pour épousseter une couche de neige de son ami.

 

Hercule lui lança un regard puis, soudain, se secoua vigoureusement, et les baigna de neige.

 

« Hé », cria Eponine, lorsqu’elle fut frappée au visage d’une bulle blanche.

 

« Yow ! » Iolaus sautilla pour essayer de retirer de la neige de sa chemise.

 

Le demi dieu sourit. « Désolé », s’excusa-t-il, puis il se retourna et leva à nouveau les yeux.

 

Un visage sauvage et féroce le regardait, avec des yeux brillants et des grands crocs.

 

Hercule retira son bras, et poussa Iolaus à l’arrière du puits, tandis qu’il reculait, écartant les bras dans un geste de protection devant le reste de ses compagnons. « Par Zeus… qu’est-ce que c’est que ça ? »

 

La bête les regarda d’un œil noir, puis elle se souleva et sauta dans le puits, envoyant un tas de neige un peu partout.

 

« Restez en arrière », avertit Hercule, sentant son cœur se mettre à battre fort. Eponine se mit près de lui et posa la main sur son épée, tout en déglutissant.

 

Ça faisait un sacré tableau, tous les six éclairés par la lumière de la torche, faisant face à la grande créature au poil épais qui les étudiait avec une intelligence évidente, et qui surplombait même Hercule, et faisait du demi dieu un nain à la fois en taille et en poids.

 

Puis elle sourit et montra des crocs longs de plusieurs centimètres dans une mâchoire puissante et écarta ses bras musclés, montrant de larges griffes au bout de mains énormes. « Des Amazones, comme c’est cool. » Sa voix était profonde et rauque.

 

Ephiny ouvrit la bouche pour parler, puis la referma et se tourna vers Eponine. « Est-ce qu’il vient juste de dire ce que je crois ? » Murmura-t-elle.

 

Eponine arracha son regard de la créature effrayante et hocha la tête.

 

Cette dernière mit les mains sur ses hanches et les étudia, avançant en se dandinant jusqu’à être à trente centimètres de Toris pour le fixer. « Je parie que tu t’appelles Toris. »

 

Ce dernier se força à sourire. « Je parie que tu connais ma sœur. »

 

La créature sourit en retour. « Je parie que tu as raison. » Il regarda autour de lui. « Détendez-vous… je ne vais pas vous manger. » Il tendit une main… patte… bref… à Toris et cligna des yeux. « Je m’appelle Jessan. »

 

Toris la prit avec précaution et la secoua prudemment. « Salut… euh… » Il renifla. « Voici… mm. Ephiny, et Eponine… et Granella… » Sa main bougea pour montrer quelqu’un derrière la grande créature. « Et ça c’est Hercule et Iolaus. »

 

Jessan tourna sur lui-même, les sourcils dressés. « Sans déconner ? C’est cool ! » Il sourit. « Vous êtes ici pour la fête ? »

 

La fête… la fête… L’esprit fatigué d’Hercule essaya de gérer le concept. Ah… c’est vrai. « Euh… oui. » Il se rapprocha. « Euh… que… je veux dire… » Il s’interrompit. « Vous êtes… un ami de Xena, c’est ça ? »

 

La créature poilue hocha la tête. « Ouaip… et bien, en fait, elles sont membres de notre clan. » Il s’interrompit et cligna des yeux. « Je peux demander… euh… » Son regard balaya le puits à cochon avec curiosité. « Pourquoi vous êtes… hum… »

 

« Non », firent six voix en chœur.

 

« D’aaaa… cooord… » Jessan leva une main pour se défendre. « Compris. » Il se retourna et alla au bord du puits. « Hé papa… tu vas jamais deviner qui j’ai trouvé là-dedans. »

 

« Papa ? » Murmura Iolaus à Hercule. « Vous avez une idée de qui… »

 

« Non », murmura le demi dieu. « On peut reconnaître ça à Xena », dit-il en soupirant. « On ne s’ennuie jamais avec elle. » Il secoua la tête. « Elle a les amis les plus improbables. » Il regarda autour de lui brusquement. « A part les gens présents, je veux dire. »

 

Ils se rapprochèrent, regardant vers le haut et les étoiles qui furent soudainement bloquées par une grande tête avec des crocs. « Par les boules d’Arès… qu’est-ce qu’on a l… Je vous demande pardon mesdames. » Il tendit un long bras puissant dans le puits. « Vous voulez un coup de main ? »

 

Eponine se rapprocha d’Ephiny et regarda, d’abord Toris, puis Hercule, être soulevés aussi facilement que si c’était des enfants. « Tu sais qui… sont ces… gens… ? »

 

La Régente amazone pencha la tête pensivement. « Je pense, ouais », murmura-t-elle. « Gabrielle m’a raconté quelque chose… au sujet de sa rencontre avec Jessan… et elles leur ont rendu visite il n’y a pas si longtemps. » Alors… voilà les amis chez qui elle est allée… qui ont aidé à sortir Xena de cette fichue montagne. Wow. Je vois pourquoi… Ils ont l’air de gens qui peuvent débarrasser un tas de rochers en vitesse.

 

« Au suivant », cria Jessan, en regardant vers l’obscurité du puits. « Allez… je mords pas... »

 

Ephiny s’avança, battant Eponine de quelques pas avant que la maîtresse d’armes puisse la devancer. Elle alla tout près de Jessan et le regarda. « T’sais, Gabrielle a dit que t’étais mignon. »

 

Même dans la semi pénombre, elle put voir son museau se colorer, et elle sourit.

 

****

 

Cyrène remuait nerveusement dans son lit, jetant des coups d’œil par la fenêtre avec agacement. « Où sont-ils par Hadès ? » Elle parla au plafond sans attendre de réponse. C’était bien assez de devoir s’inquiéter pour Xena et Gabrielle dehors dans la campagne. Non… maintenant il fallait qu’elle s’inquiète de six personnes en plus. « Qu’est-ce que j’ai donc fait pour mériter ça ? » Au moins Xena, ça elle le savait, était parfaitement capable de s’occuper d’elle et de sa compagne.

 

Pas vrai ? Pensa-t-elle en soupirant, avec la conscience inconfortable qu’elle comprenait de plus en plus la fragilité de sa fille, à l’air pourtant invulnérable. Et, se dit-elle, physiquement elle n’avait aucune crainte pour elle… Xena était, et avait toujours été, une personne rude et forte, très résistante jusque là. Mais émotionnellement… Cyrène pensa à la nuit où elle était rentrée quand Gabrielle avait disparu, et qu’elle s’était assise dans sa cuisine à un doigt de tomber en morceaux, parce que sa relation avec le jeune barde était la seule stabilité qu’elle s’était autorisée dans la moitié d’une vie.

 

Cyrène savait que Xena avait tout bloqué, et tous, avec une minutie brutale pendant très longtemps ; et maintenant qu’elle avait finalement fait tomber ces barrières, elle s’était ouverte à un point presque douloureux, et la profondeur de son attachement émotionnel à Gabrielle, par-dessus et au-delà de leur relation amoureuse, était presque effrayante par son intensité.

 

Quant au barde… Xena était son havre de sécurité dans un monde très dangereux, et malgré sa nature joyeuse et confiante, l’aubergiste savait que Gabrielle dépendait énormément de la présence puissante de sa fille dans sa vie, et serait perdue sans elle.

 

C’était à la fois charmant et effrayant, beau mais angoissant. D’un côté, elle était incroyablement heureuse de voir cette joie qu’elles tiraient l’une de l’autre. D’un autre côté, ça lui fichait une frousse bleue de penser à ce qui arriverait si quoique ce soit arrivait à l’une ou à l’autre.

 

Bien sûr… Admit Cyrène pour elle-même, j’aurais pu ne pas la laisser revenir dans *ma* vie… et je n’aurais pas eu à m’inquiéter de tout ça. Elle réfléchit tranquillement à cette pensée. Mais non, ça en valait la peine, un millier de fois, et je parie qu’elle serait d’accord avec moi.

 

Avec un soupir, elle repoussa les couvertures, et sortit du lit, enfila une robe de chambre en laine épaisse et serra la ceinture, souriant en passant le pouce sur le col du tissu d’un rouge vif, un cadeau surprise récent de Xena. Puis elle sortit de sa chambre et alla dans la cuisine, s’avança vers le foyer et mit une marmite sur le feu.

 

Elle alla vers la fenêtre pendant qu’elle attendait, et regarda dehors, vit le faible reflet de la lune sur le doux manteau de neige qui rendait la cour presque méconnaissable. Elle pouvait sentir le froid à travers la vitre teintée, et sa respiration gela contre le verre alors qu’elle se tenait là tranquillement à observer. Dieux… il est tard… minuit est passé depuis longtemps. Où sont-ils par Hadès ? Je ne peux pas croire qu’ils… ah…

 

Son regard saisit les ombres de formes sombres et enveloppées qui avançaient lentement en direction de l’auberge depuis la route. Puis elle serra la mâchoire. Trop nombreux… et les silhouettes étaient trop grandes… et à cheval. Mais il n’y avait pas eu d’alarme… puis elle vit les gardes qui marchaient avec eux, la lumière vacillante de la torche lui donna un bref aperçu de formes blotties. Elle jura doucement, et se dirigea vers la porte, l’atteignant juste au moment où le petit groupe arrivait à l’entrée de l’auberge.

 

***

 

La petite clairière dans un vallon abrité était plutôt épargnée par la neige, songea Xena, bien que l’air froid soit encore mordant, même à travers sa chemise épaisse et sa combinaison en cuir. Hérodotus avait amené avec soin la carriole sous un arbre bien branchu, et avait dételé le cheval qui écartait une couche de neige de l’herbe quasi morte avec sa patte, tandis qu’Hécuba avait préparé un coin pour dormir pour elle, Hérodotus et Lila sur la plate-forme de la carriole.

 

Xena avait anticipé sa question embarrassée en déclarant d’un air détaché qu’elles allaient installer leurs affaires au bout le plus éloigné du puits pour le feu qu’elle avait creusé, dans un recoin abrité entouré de buissons denses et serrés. Cela lui avait valu un sourire espiègle de la part de Gabrielle, qui avait joyeusement décroché le sac du dos de sa compagne et l’avait apporté à l’endroit indiqué, s’était laissé tomber à genoux dans l’herbe marron terne et avait commencé à étaler leurs couchages.

 

L’atmosphère était… tendue. Xena se rendit compte qu’ils étaient bouleversés à propos des brigands, parce que savoir que Gabrielle faisait ce genre de combats, c’était une chose… en être témoins, c’en était une autre. Elle ramassa du bois et démarra un feu, puis s’accroupit tranquillement, le regardant scintiller alors qu’Hécuba s’approchait avec hésitation en portant une petite marmite. « Tu veux poser ça ici ? » Demanda-t-elle à la femme plus âgée.

 

« Ben, oui. » Hécuba fit une pause, puis regarda Xena enfoncer avec dextérité deux bâtons fourchus dans la terre dense, et en tendre un troisième. « Tiens… mets l’anse là-dessus. » Elle attendit patiemment que l’autre femme tende la marmite, puis elle la suspendit au-dessus du feu.

 

« C’est de la soupe », dit Hécuba. « Tu peux en avoir si tu en veux. »

 

Et bé, c’était poli au moins, songea Xena. « On a ce qu’il faut, merci. » Surtout des rations séchées de voyage… Son regard alla vers la silhouette tranquille de Gabrielle. Elle a besoin de plus que ça. Elle étudia ses autres protégés. Eux aussi. « Je reviens. » Elle se leva et se frotta les mains, puis alla vers leurs couchages et se mit sur un genou près de sa compagne. « Ecoute… je vais aller chercher quelque chose de chaud pour le dîner. »

 

Gabrielle leva les yeux, surprise, du parchemin sur lequel elle travaillait. « Quoi ? Oh… Xena, tu n’as pas besoin de… on a des trucs… »

 

La guerrière tendit la main et lissa les cheveux hors des yeux de sa compagne. « Je sais… mais ils n’ont que de la soupe… il fait trop froid pour ça. Nos corps ont besoin de plus que ça. »

 

Le barde s’interrompit et étudia son visage. « Tu ne vas pas… oh… pêcher… par hasard ? » Ses yeux verts brillaient.

 

Un sourcil se haussa d’une façon suggestive. « Pourquoi est-ce que tu demandes ça… » Elle glissa la main le long de la jambe de Gabrielle et chatouilla son côté. « Tu es d’humeur à manger du poisson ? »

 

Gabrielle réfréna un rire et lui frappa la main. « Arrête ça. » Elle regarda par-dessus l’épaule de Xena. « Tu vas scandaliser mes parents. » Elle s’interrompit et soupira. « Plus qu’ils ne le sont déjà. »

 

Xena baissa les yeux et prit une inspiration, puis la relâcha. « Désolée. » Une main s’enroula fermement autour de la sienne, et elle leva les yeux pour voir le regard ironique sur le visage de sa compagne. « Je sais que je… »

 

« C’est pas ta faute, Xena », dit doucement le barde. « Ils vont s’y faire… ils ne sont juste pas… ils ont peur pour moi. » Elle laissa son visage se détendre en un sourire. « En plus… pour être honnête… je suis contente que tu ailles pêcher… ou quoi que ce soit. »

 

« Ah ouais ? » Répliqua Xena avec un léger sourire.

 

« Oui », dit Gabrielle en soupirant. « J’oublie combien j’ai faim quand on est là-dehors. » Elle fit un petit sourire embarrassé à Xena. « Je n’avais pas vraiment envie de viande séchée. »

 

La guerrière rit. « Vos désirs sont des ordres, votre majesté », la taquina-t-elle doucement, en la chatouillant de nouveau. « Je reviens tout de suite. »

 

Gabrielle la regarda partir furtivement hors du campement, Arès trottinant joyeusement près d’elle, ignorant les regards en coin qu’elle recevait d’Hérodotus et d’Hécuba. Le barde soupire et ramena son attention au parchemin devant elle, tout en mordillant légèrement le bout de sa plume. Elle avait déjà inscrit quelques lignes, quand elle entendit des pas tranquilles s’approcher, et elle leva les yeux pour voir Lila qui se tenait à quelques pas de là, les mains serrées devant elle. Bon sang. « Salut… assieds-toi. » Le barde tapota la surface moelleuse du couchage près d’elle.

 

Lila hésita, puis s’installa tout au bord du couchage, et prit une profonde inspiration. « Salut. » Elle avait à peine parlé à sa sœur de tout l’après-midi, et avait passé une grande partie du temps à l’arrière du chariot tandis que Gabrielle et sa compagne marchaient tranquillement devant. « Alors… elle est partie où maintenant ? » Une tentative d’humour.

 

« Pêcher », répondit le barde, en gribouillant quelques mots, puis elle souffla sur le parchemin pour le sécher et l’enroula. Elle leva les yeux pour voir l’expression surprise de Lila. « Pour le dîner. »

 

Sa sœur plissa le front. « Bree, elle n’avait pas de canne à pêche. »

 

Le barde remua les doigts devant les yeux de sa sœur. « Nan… elle utilise ça, tout simplement. » Elle sourit à la vue de la mâchoire affaissée de sa sœur. C’est mieux… Songea le barde. « Il faut que je lui demande de le faire pour toi une fois… c’est vraiment quelque chose à voir. »

 

« Wow », dit Lila en riant. « J’veux bien. » Elle s’interrompit et fixa ses mains qu’elle tortillait, puis elle regarda Gabrielle dans les yeux. « Ils ont plutôt la trouille. » Elle lança un regard désabusé à sa sœur.

 

Celle-ci soupira et roula sur le dos pour regarder le ciel. « Pourquoi ? A cause de quelques bandits abrutis ? C’était rien… Lila, rien. » Elle leva la main et la laissa retomber sur la fourrure. « C’était à peine un défi… tu as vu Xena, elle aurait pu le faire en dormant. »

 

« Mmm… c’est vrai », acquiesça Lila. « Ce n’est pas Xena qui leur a fichu la frousse, Bree. C’est toi. » Elle leva la main nonchalamment et tira sur la chemise de Gabrielle. « Est-ce que tu as… non, c’est idiot. Tu ne t’es jamais vue faire ça, hein ? Ça fait peur… tu bouges ce bâton si vite… »

 

Le barde roula sur le côté et posa la tête sur sa main. « Moi ? » Elle haussa les épaules. « Non… c’est juste… je veux dire, je me sens bien avec ça, mais… »

 

Lila lui secoua rudement le bras. « Arrête… arrête, Bree… j’étais là… je l’ai vu, tu te souviens ? Tu… tu dois comprendre ce que ça représente pour nous… ou bien… je veux dire que, je m’attends à ça de Xena. Pas de toi… pas de ma douce grande sœur… ça… me fait peur. »

 

Gabrielle soupira et ferma les yeux. « Lila… tu… c’est comme ça. Etre douce et gentille ne t’apporte rien de bon parfois quand les gens essaient de te cogner la tête, d’accord ? » Elle plissa le front. « Ecoute… je n’aime pas faire ça… mais ça fait partie du prix à payer pour être avec Xena. » Elle hésita. « Parce qu’on vit avec beaucoup de dangers… et Lila, si je ne peux pas m’occuper de moi, ça veut dire que c’est à elle de le faire, et ça rend tout ça encore plus dangereux pour elle. » Elle se mordit la lèvre. « C’est assez qu’elle garde un œil sur moi dans un combat comme ça. »

 

« Ouais, je l’ai remarqué », dit tranquillement Lila. « Elle te garde toujours en vue. »

 

Gabrielle rit légèrement. « Je l’oublie parfois… et je suis sur le point de prendre un coup… et tout d’un coup ce coude arrive et… bam, j’ai un ex-adversaire. » Elle soupira. « Elle est… vraiment, vraiment douée pour ça… je veux dire, plus que la moyenne des combattants vétérans. »

 

« Est-ce qu’elle a déjà… je veux dire, vous vous entraînez ensemble, tu as dit… est-ce qu’elle t’a déjà… frappée ? » Questionna Lila avec précaution.

 

Le regard vert se perdit dans le souvenir. « Une fois seulement », dit le barde en soupirant. « Et c’était de ma faute. »

 

« Bree… » Commença Lila.

 

« Non… non… » Gabrielle leva la main. « Ça l’était vraiment… et ça lui a fichu une telle trouille qu’elle n’a pas voulu s’entraîner avec moi pendant un mois… jusqu’à ce que je la force à nouveau à s’y mettre. »

 

Un jour au milieu de l’été, avec un soleil haut et chaud, et une demi-journée à rien faire. Elles s’étaient occupées d’une petite affaire le matin, et avaient leur après-midi de libre ; elles avaient décidé de se détendre et de passer un peu de temps à rattraper les tâches domestiques, et une tonne de petites choses qui s’étaient empilées, attendant qu’elles trouvent du temps pour s’en occuper.

 

Gabrielle avait mis à jour ses parchemins, et avait réparé des trucs dont elle avait besoin, regardant Xena s’occuper de son côté. Puis elle avait enjôlé la guerrière pour un entraînement à mains nues, se sentant très pleine d’énergie avec une Xena un peu distraite de son côté. Elles avaient lutté et joué un bon moment, quand Gabrielle s’était mis en tête qu’elle voulait essayer un des coups de pieds circulaires pour lesquels Xena était si douée.

 

Réticente mais d’une humeur inhabituellement aimable, cette dernière s’était finalement laissé convaincre à jouer le rôle d’entraîneur, et elles s’y étaient mises un moment, puis Gabrielle avait décidé de rôder ses nouveaux talents sur sa partenaire.

 

Plus tard, elle n’était plus sûre de savoir si elle avait mal fait le mouvement, ou si elle était hors de sa position, ou bien… mais à un instant elle faisait le mouvement, à pleine vitesse, et l’instant d’après, quelque chose explosait contre son visage avec une telle force qu’elle fit vibrer chaque os de son corps. Une lumière rouge étouffée éclatait derrière ses yeux, puis l’obscurité l’emportait lentement.

 

Elle avait lentement repris conscience, désorientée par l’obscurité autour d’elle, et elle s’était rendu compte qu’il faisait nuit. Sa tête battait atrocement, et elle ne pouvait pas bouger la mâchoire sans que des étincelles brillantes de douleur ne dansent dans sa tête. Elle avait entendu un mouvement calme sur sa gauche et avait lentement tourné la tête, pour voir Xena assise jambes croisées sur le sol tout près, les coudes posés sur les genoux, et les mains légèrement serrées entre.

 

Puis elle avait tourné son regard et vu l’expression sur le visage sombre de la guerrière, et cela lui avait presque arraché un cri. C’était un mélange de colère, de dégoût de soi, et une douleur presque lancinante, et quand Xena avait tourné la tête, et que leurs regards s’étaient croisés, la guerrière avait tressailli et baissé les yeux, incapable de soutenir le regard de Gabrielle.

 

Ça lui avait fait mal, mais elle avait forcé sa gorge à travailler et elle avait fait bouger sa mâchoire et murmuré le nom de son amie, et vu le tressaillement furtif lorsque Xena l’avait entendue. Une autre fois et la guerrière ne pouvait faire autrement que lever les yeux, ce qu’elle fit, et Gabrielle avait tendu une main avec une expression implorante.

 

Xena avait accepté à contrecoeur, bougeant assez près pour que Gabrielle la touche, mais sans tendre la main pour prendre celle du barde. Alors Gabrielle avait laissé ses doigts tomber sur le genou chaud et les avait refermés, sentant la peau tressaillir sous le contact. « Je présume que j’ai oublié de me baisser, hein ? » Avait-elle réussi à dire, tout en massant la peau douce de son pouce. « Xena, ce n’était pas de ta faute. »

 

Pas de réponse, la guerrière s’était contentée de rester assise là, et de fixer ses mains, irradiant la culpabilité. Elle avait fini par parler. « J’avais… ce… il y avait une chienne, dans l’écurie, qui avait eu des petits. » Sa voix était à peine reconnaissable. « Et… je… les cajolais… c’est tout… et j’en ai soulevé un, et… » Elle s’était arrêtée de parler pendant un long moment, et Gabrielle avait pu voir sa poitrine se soulever avec des inspirations inégales. « Je… je devrais rester… loin des petites choses douces… Gabrielle. » Une longue pause. « Elles finissent toujours par être blessées. »

 

Gabrielle avait ignoré la douleur, et le battement dans sa tête, et elle avait roulé sur un coude, prenant les grandes mains de Xena dans les siennes, et se baissant pour la forcer à la regarder. « Ecoute… tu… » Avait-elle dit, fermement. « C’est moi qui t’ai demandé de faire ça, d’accord ? C’était de ma faute, Xena… ma faute d’être au mauvais endroit, et de me mettre dans ton chemin, avec ce que je sais. » Elle avait essayé d’alléger le ton de sa voix. « Par Hadès, Xena… si c’est l’effet que ça fait d’être frappé par toi, pas étonnant que personne ne se relève pour un deuxième round. »

 

Pas de réponse. « Xena ? » Avait dit Gabrielle doucement, en enroulant les doigts autour de ceux, atones, de la guerrière. « Hé ? » Elle avait tiré sur la main. « Ne m’oblige pas à te courir après… où que tu ailles, Ok ? »

 

A ces mots, les yeux bleus fatigués s’étaient levés et avaient scruté son visage d’un air las. « Gabrielle, je suis tellement désolée. »

 

« Ça va bien », l’avait rassurée le barde. « Vraiment, Xena… je le pense. Ça va bien. » Elle avait tendu la main et tâté sa mâchoire avec prudence. « Il faudra que tu m’apprennes à éviter ce genre de truc, d’accord ? »

 

La guerrière l’avait regardée, puis avait secoué la tête. « C’est fini, Gabrielle », avait-elle répliqué calmement. « C’est fini… je ne peux pas… »

 

« Bien sûr que si », avait répondu le barde. « Mais pas ce soir, j’ai un mal de crâne terrible. »

 

Une blague faiblarde, qui avait réussi, finalement, à tirer le plus minuscule des sourires hésitants de la part de Xena, qui s’était finalement blottie et endormie là où elle était, contre la bûche d’un vieux chêne, avec les doigts de Gabrielle fermement serrés dans les siens.

 

Lila fit tourner ces idées dans sa tête pendant un moment. « Pourquoi elle ? » Finit-elle par demander, calmement. « Ne le prends pas mal, Bree… je lui dois tout. Mais… vous êtes si différentes. Pourquoi elle ? »

 

Un soupir. « Oh Lila. » Gabrielle secoua la tête lentement. « On ne choisit pas de qui on tombe amoureux… ça… arrive tout simplement. J’ai ressenti quelque chose la première fois que je l’ai vue. »

 

« Je m’en souviens », répondit Lila doucement. Et c’était vrai, les marchands d’esclaves, et la journée chaude et poussiéreuse, et sa sœur qui se dressait courageusement devant eux. Et puis la grande femme aux cheveux noirs qui était apparue, comme surgie du sol, et avait dévasté leurs ravisseurs, et au milieu de ce capharnaüm tournoyant et poussiéreux, elle avait vu sa sœur et la combattante croiser leur regard. Pendant assez de temps pour qu’un esclavagiste chanceux frappe Xena à l’arrière de la tête et la mette KO.

 

Et maintenant, des années après, et sachant qui, et ce que Xena était, elle se rendait compte de ce que ce moment unique, rare et figé, avait signifié. « Non, je suppose qu’on choisit pas », finit-elle par admettre. « Alors… comment ça se fait qu’il vous a fallu si longtemps pour mmm… »

 

Gabrielle souriait maintenant. « On était plutôt têtues toutes les deux. » Elle rit. « Et… bon, elle avait peur de ce dont toi, maman et papa avaient exactement peur… que d’être avec elle soit dangereux pour moi. » C’était… bon… d’être capable de parler aussi ouvertement de ça avec Lila, elle s’en rendit compte. « Mais j’ai fini par la convaincre que je n’allais pas m’en aller, alors… » Elle jeta un regard à ses parents, assis dans une attitude sombre de l’autre côté du feu. « Mais j’aimerais qu’ils se calment avec ça. »

 

Lila soupira et se détendit sur son côté près de sa sœur. « Eh ben… laisse leur le temps, Bree », conseilla-t-elle. « Souviens-toi…. Il n’y a pas si longtemps ils étaient décidés à te marier à quelqu’un de complètement différent. » Elle fit un sourire ironique à Gabrielle. « Au moins ils lui parlent maintenant. »

 

« Mmmm… c’est vrai », admit Gabrielle, en réfrénant un bâillement. « Ecoute… je sais que vous vous inquiétez… et je l’apprécie. » Elle couvrit la main de Lila de la sienne. « Mais… la vie est dangereuse partout… et quand je suis avec Xena, je me sens aussi en sécurité que je pourrais l’être. » Il est temps de changer de sujet, je pense, songea-t-elle. « Alors… tu as réfléchi à des noms ? » Elle tendit la main et donna un petit coup dans le ventre de Lila.

 

Celle-ci sembla apprécier le changement également. « Nan… pas encore… on n’a même pas encore commencé à en parler, Lennat pense que ça porte malheur. » Elle rit un peu et tapota le renflement à peine remarquable. « Je ne peux pas encore décider si j’ai envie d’un garçon ou d’une fille. »

 

« Pour autant qu’il soit en bonne santé, pas vrai ? » Gabrielle sourit. « Et bien, il ou elle aura beaucoup de tantes et d’oncles gâteaux, tu t’en rends compte. » Elle faillit rire à la vue de la consternation chez Lila. « A part moi et Xena, il y a Toris, tu te souviens. »

 

« Oh oui… » Répondit Lila s’une voix surprise. « Je l’avais oublié… »

 

« Bien… et il aura sûrement un oncle Hercule et un oncle Iolaus… » Elle hésita. « Et un oncle Solan. »

 

Lila haussa le sourcil. « Qui est Solan ? »

 

« Mon beau-fils », répliqua Gabrielle, avec une expression neutre.

 

Un long silence de la part de Lila. « Quoi ? ? »

 

Le barde haussa les épaules et sourit. « Tu vas le rencontrer à la cérémonie. Tu vas l’aimer… il est vraiment mignon. Il a les yeux de Xena et son sens de l’humour. »

 

Un autre long silence. « Tu fais ça rien que pour me rendre dingue, hein ? » Finit par répondre Lila en ramassant sa mâchoire tombée jusqu’au couchage.

 

« Pas vraiment, dit Gabrielle en riant. « Je ne voulais simplement pas que tu soies totalement surprise quand tu verras ce gosse appeler Xena maman à Amphipolis. » Elle joua nonchalamment avec la fourrure d’une main. « Il a douze ans… quand il est né, Xena était… » Un haussement d’épaules. « Pas vraiment d’humeur à élever un enfant. Elle l’a donné à Kaleipus le Centaure, qui l’a élevé jusqu’à maintenant. » Elle leva les yeux vers le regard choqué de Lila. « C’est… c’était la meilleure chose à faire, Lila. » Elle s’interrompit. « On l’a rencontré il y a environ un an… on l’a secouru ainsi que les centaures du Grand Centaure… et je pense qu’il a deviné en quelque sorte… »

 

« Tu veux dire qu’il ne savait pas ? » Réussit à répliquer Lila.

 

« Non », confirma Gabrielle. « Il… eh bien, il a entendu dire qu’on vivait à Amphipolis et il a décidé de venir nous rendre visite, il a été pris par les mêmes marchands d’esclaves que nous… et il a fini par venir à la maison avec nous. »

 

Lila garda le silence.

 

« Alors… Xena a décidé, parce qu’on peut vraiment deviner en le regardant de qui il est l’enfant, qu’elle ferait aussi bien de lui dire avant que quelqu’un d’autre le fasse. » Elle prit une inspiration. « Et elle l’a fait. »

 

« Et… il… quoi ? » Demanda Lila lentement. « Il vit toujours là-bas… ou bien ? »

 

Le barde soupira. « Non… on a parlé, et on s’est tous mis d’accord que ça n’était pas vraiment stable pour lui d’être avec nous. » Elle réfléchit. « Encore que… mais… » Son sourire revint. « On dirait bien qu’on a de plus en plus de chances de nous installer là-bas. Alors… »

 

« Vraiment ? » Demanda Lila avec curiosité. « Je veux dire, c’est génial, Bree… mais je ne pense pas… » Elle soupira. « Et bien, ça va être une sacrée expérience de te voir rester… à la maison. »

 

Gabrielle ne répondit pas, et tourna la tête pour regarder dans l’obscurité de la forêt environnante, un sourire sur le visage lorsque les feuilles s’écartèrent et que Xena glissa dans la lumière du feu, qui faisait danser les ombres argentées des six poissons qu’elle portait, et luire l’humidité de ses jambes et de ses avant-bras. « Bien, bien », dit le barde d’une voix traînante. « Belle prise. » Elle saisit le regard de son père qui regardait avec un intérêt désoeuvré et sourit.

 

« Ah oui ? Tu peux venir par ici et les préparer », répliqua Xena en soulevant la double ligne de poissons.

 

« Roo ! » Acquiesça Arès avec enthousiasme, sautillant près d’elle pour essayer d’attraper la prise.

 

« Arès, arrête ça. » Xena tint les poissons hors de sa portée. « Gabrielle… » Elle tourna le regard vers le barde qui se trémoussa pour se redresser de son nid confortable et prendre les lignes.

 

« Joli », complimenta-t-elle la guerrière, en lui faisant un clin d’œil. « Un pour chacun d’entre nous. » Elle laissa son regard balayer la silhouette décoiffée de Xena, et finit par s’arrêter sur son visage à peine éclairé par le feu, là où elle pouvait voir un demi-sourire pincé se former. « C’est bête que tu n’aies pas pris de la citronnelle avec tant que tu y étais. »

 

Xena sourit d’un air narquois et plongea un poing dans sa bourse de ceinture, en sortit une poignée de truc vert et le remua devant elle.

 

Le barde rit et prépara rapidement les poissons, les vida et les farcit d’herbes, puis les mit sur des bâtons pour les cuire sur le feu. Elle se retrouva accroupie près de sa mère, et fit un rapide sourire à Hécuba. « Xena pensait que… avec ce temps, on ferait mieux d’avoir quelque chose de plus substantiel que nos rations de voyage et de la soupe. »

 

Hécuba mit la main sur son épaule et la pressa. « C’était très gentil », dit-elle doucement. « Gabrielle… »

 

« C’est ma vie, maman », répondit calmement le barde en regardant le feu. « Ne me dit pas combien elle est étrange ou dangereuse, d’accord ? » Elle tourna la tête et regarda droit dans les yeux d’Hécuba, et eut la satisfaction de voir sa mère baisser le regard la première. « Je l’ai choisie. »

 

Celle-ci soupira lourdement. « Très bien. »

 

Le dîner fut calme, bien qu’Hécuba et Hérodotus fussent presque démonstratifs dans leurs compliments sur la préparation du poisson par Gabrielle, ce qui valut un sourire embarrassé du barde et une approbation souriante de sa compagne.

 

Gabrielle sortit quelques-unes de ses vieilles histoires du tiroir et finit par les faire tous rire, surtout avec l’histoire de Senticlès qu’elle aimait raconter à cette période de l’année. (NdlT : personnage de l’épisode ‘Solstice d’hiver’ dans la saison 2)

 

« Tu as acheté un baudet ? » Dit Lila en riant. « Oh, Bree… comment as-tu pu ? »

 

« Je ne pouvais pas le laisser partir chez le tanneur, non ? » Protesta le barde en écartant les mains. « Il était si mignon… tout poilu, et avec des oreilles vraiment soyeuses. »

 

Sa sœur leva les yeux au ciel. « Oh par les dieux… » Elle tourna son regard vers Xena. « Tu n’as pas voulu la tuer ? »

 

Les yeux bleus se posèrent pensivement sur la conteuse. « Nan », dit Xena en riant. « C’était trop drôle de voir Gabrielle parler à ce truc. »

 

« Lui parler », la réprimanda le barde en lui donnant un coup. « Et tu méritais que j’achète un baudet pour ne pas m’avoir dit que c’était ton anniversaire. »

 

Trois paires d’yeux se tournèrent vers la guerrière. « Ton anniversaire tombe au Solstice d’Hiver, Xena ? » Demanda Lila d’un ton surpris.

 

Un soupir agacé. « Ouais. » Xena lança un faux regard ennuyé à Gabrielle. « C’était une journée sympa et calme autrefois. Maintenant la moitié de la Grèce est au courant. »

 

Le barde tira la langue avec impudence, puis elle se réinstalla contre la poitrine de Xena avec une expression satisfaite. La guerrière la regarda avec une tolérance amusée et glissa un bras protecteur autour de sa taille.

 

Hécuba et Hérodotus échangèrent un regard, et ce dernier s’éclaircit la gorge un peu nerveusement. Ils étaient assis autour du feu, les plus âgés assis sur des bûches, et les autres sur le sol, et le froid s’installait comme une couverture gelée sur leurs dos alors qu’ils réchauffaient leurs visages avec les flammes.

 

« Hérodotus », dit Xena d’une voix traînante, depuis la semi obscurité.

 

« Oui ? » Répondit l’homme, en bougeant légèrement pour mettre les coudes sur ses genoux.

 

Un sourire éthéré s’installa sur les lèvres de la guerrière. « Tu as dit que Gabrielle avait reçu son nom d’un personnage dans une histoire. » Elle sentit le sursaut soudain dans le corps de sa compagne, et les doigts qui bougeaient légèrement se serrer sur sa main.

 

« Je présume que oui », répondit Hérodotus avec raideur.

 

Un sourire félin brilla jusqu’à ses yeux tandis qu’elle caressait tranquillement le pelage d’Arès lové contre elle. « Alors… raconte. »

 

Ses yeux verts brouillés se clouèrent sur les siens avec une intention hostile. « Je ne suis pas conteur. »

 

Elle haussa les épaules. « Et alors ? Moi non plus, mais je vous en ai raconté une hier soir. » Elle sentit tout le corps de Gabrielle se raidir, et elle passa doucement le pouce sur le ventre du barde. Chhh… tout va bien, mon amour… du calme. Je sais ce que je fais. Elle eut quand même un doute. J’espère. « Qu’est-ce que ça raconte ? »

 

Leurs regards s’affrontèrent à travers les flammes léchantes. Il écarta les narines, puis ferma les yeux et laissa retomber la tête. « Très bien », finit-il par dire, en levant le regard à nouveau tout en prenant une profonde inspiration.

 

Xena sourit et prit une gorgée de son thé.

 

***

 

Cyrène cligna des yeux. Puis elle se les frotta et cligna à nouveau. Par Hadès… Des bruits de pas lourds, et Johan se tint à côté d’elle, à regarder aussi. A cligner des yeux aussi. Ils se regardèrent.

 

Trois Amazones, couvertes de boue. Un demi dieu, pareil. Un ami de demi dieu, pareil, avec en prime de s’être roulé dans le foin, avec des brindilles qui dépassaient de toute sa tête. Son fils, qui avait l’air épuisé. Et… et…

 

« C’est quoi ceux-là ? » Murmura-t-elle vivement à Johan.

 

« La plus foutue chose que j’aie jamais vue… on dirait des gros jouets en peluche. » Il s’interrompit. « Avec des crocs et des griffes. »

 

Toris monta péniblement sur le porche et soupira. « Salut maman. J’suis rentré. »

 

Cyrène tendit la main et tira sur son oreille. « Ecoute, j’étais tolérante avec ta sœur quand elle apportait des… choses… à la maison, mais chéri, ceci est ridicule. »

 

Toris produisit un faible sourire. « Ce sont des amis de Xena, maman. »

 

Cyrène ferma les yeux et grommela plusieurs choses entre ses dents, puis elle alla au bord du porche. « Bonjour. » Elle fit un sourire courageux à l’intention des créatures, puis baissa les yeux vers Ephiny. « Tu as l’air… »

 

« Ne dis rien », l’avertit la Reine amazone. « S’il te plait ? » Elle n’avait jamais été si épuisée de sa vie, et ne voulait rien d’autre que de s’effondrer sur ce doux lit agréable qu’elle avait appris à connaître ces dernières semaines. Elle avait parcouru la dernière petite distance dans le village grâce à ses seules fierté et volonté, et elle faisait tout pour s’empêcher de tousser, pour qu’Eponine ne voit pas à quel point elle se sentait minable.

 

L’aubergiste hocha la tête. « D’acccoooord. » Elle attrapa doucement le bras d’Ephiny. « Entrez tous. » Elle les regarda passer en file indienne, même Hercule avait l’air lessivé, et puis elle retint sa respiration quand les grandes silhouettes poilues arrivèrent sur le porche.

 

Elle se retrouva à fixer une paire d’yeux acajou profond, dont l’intelligence démentait l’extérieur féroce. « Salut », dit-elle tranquillement. Des amis de Xena. Oh bon sang, il faudra que je dise un mot à cette gamine quand elle sera de retour.

 

Une main massive apparut devant elle. « Tu dois être Cyrène. » La voix était profonde et grondante, et elle fit vibrer ses oreilles. « Je m’appelle Lestan. » Il prit sa main et l’agrippa doucement. « Voici ma Compagne de vie, Wennid. »

 

Son regard croisa alors une… personne… plus petite, plus délicatement constituée. Elle lui sourit.

 

« Et voici mon fils, Jessan, et sa Compagne de vie, Elaini. » Deux autres grandes silhouettes apparurent en haut des marches, et Cyrène tendit le bras la première cette fois.

 

« Mm… Xena a parlé de vous. » Elle pinça les lèvres. « Elle n’a juste jamais mentionné… bien, mais ce n’est pas inhabituel. » Elle soupira. « Bienvenue… entrez. J’ai de la soupe en route. »

 

Ephiny sentit une prise sur son bras alors qu’elle passait le seuil, et elle tourna la tête pour voir le regard inquiet d’Eponine à quelques centimètres d’elle. « Hé. » Elle songea à bluffer, mais décida qu’elle était bien trop fatiguée. « Je suis lessivée. »

 

« Je vois ça. » Eponine se rapprocha, et glissa un bras autour de ses épaules. « Viens… au lit, avant que tu ne tombes. »

 

La Régente amazone hésita puis accepta la réalité et ses genoux en caoutchouc et hocha la tête. « D’accord. » Elle se laissa conduire dans la petite chambre qu’elle avait nommée son foyer ces dernières semaines, et s’effondra avec gratitude dans le grand fauteuil près du feu. « Quelle journée. »

 

Eponine ricana doucement, et secoua la tête, tout en allant vers le feu pour lui redonner de la vie. « Une journée et une nuit. » Elle mit une marmite d’eau à chauffer, et souleva un seau, en regardant Ephiny d’un œil inquisiteur. « Tu veux de l’eau chaude pour te laver ? »

 

La Régente ouvrit difficilement un œil et la fixa, puis courba les lèvres. « Ben… c’est pas moi qui suis tombée dans un bain de boue… tu pourrais avoir envie d’y aller la première. » La peau de la maîtresse d’armes était tâchée d’un violet sombre principalement dû à la boue de la rivière, et le cuir était couvert de ce truc. « Et sortir de tes vêtements avant qu’ils ne raidissent tellement que tu ne puisses plus bouger. »

 

« Ouais, ouais, ouais », gronda Eponine. Elle joua encore un peu avec le feu, puis soupira et s’assit avec le dos contre la pierre chaude de l’âtre, les bras autour des genoux, la tête en arrière. « Par Artémis la Toute-Puissante… tu as déjà vu quelque chose comme ces… mm… gens ? » Elle s’interrompit. « Ce sont vraiment des amis à elles ? »

 

Ephiny toussa légèrement, incapable de s’en empêcher plus longtemps, et elle laissa passer une légère inspiration. « Ouais… vraiment, si ce que Gab m’a dit est vrai, et je suis sûre que ça l’est. » Elle toussa à nouveau, et leva les yeux, surprise, lorsque Eponine mit la main sur son genou. « Qu’est-ce qui ne va pas ? »

 

« Toi », grogna cette dernière, s’attelant aux lacets de la botte d’Ephiny. « Bon sang, Eph, si tu retombes malade à cause de ça, je vais devenir folle. » Elle enleva la botte en cuir, et s’occupa de l’autre. « En plus que Xena va me tuer pour t’avoir laissé gambader dans ce fichu temps. »

 

Je devrais l’arrêter, songea Ephiny, en fermant les yeux tout en laissant ses doigts venir reposer légèrement sur les cheveux de la maîtresse d’armes. « Pony, maintenant je sais ce que Gabrielle ressent… Vraiment… » Elle soupira. « J’étais juste sortie marcher un peu… » Elle sentit l’autre botte glisser de sa jambe, et rassembla son énergie pour se lever et faire le court trajet jusqu’au lit. « Je me demande si je peux me servir de cette même expression innocente… nan… ça ne serait pas pareil. »

 

Eponine mit un bras sous les siens et la souleva à demi. « Allez, votre Majesté. C’est l’heure du dodo pour les Amazones. » Elle s’interrompit quand Ephiny mit solidement son bras autour de sa taille, puis prit une inspiration profonde et fit les quelques pas jusqu’au lit. « Tout le monde descend. »

 

Ephiny se détendit lentement contre la douce surface, contente bien que se sentant coupable d’être ici à Amphipolis et pas au Village, où, elle le savait, les guérisseuses lui ramperaient dessus. Littéralement. C’était assez qu’Eponine semble avoir développé une affection sévère de mère-poule… Curieuse, elle fixa la tête sombre, penchée près de la sienne tandis que la maîtresse d’armes ajustait les couvertures avec une précision infinie. A moins que ? Une chaleur délicate commença à lui chatouiller la colonne vertébrale, et elle laissa un petit sourire très ironique tirer ses lèvres. Voyons voir… hmm ? « Hé Pony… »

 

L’Amazone brune leva les yeux, et cligna un peu à la lumière du feu. « Quoi ? »

 

Ephiny tendit la main et essuya un morceau durci de boue de son visage. « Merci de t’occuper de moi. » Son sourire s’agrandit un peu quand elle vit la rougeur grimper sur les joues de l’autre Amazone. Bien bien.

 

« A ton service », répondit Eponine d’un ton grognon, en tirant une dernière petite fois sur les couvertures. « Dors, d’accord ? » Elle se leva et s’éloigna, s’agenouilla près du feu et bougea le seau. « Je vais hum… »

 

« Ne t’éloigne pas. » Ephiny sourit au plafond. « Il y a un autre lit par-là… mets-toi à l’aise. »

 

Le silence pendant une minute, puis le calme clapotis de l’eau pendant qu’Eponine lavait la boue. « Ben, d’accord… surtout avec tous ces gens étranges… je peux pas laisser la Reine sans protection. » La réponse sortit finalement et Ephiny lâcha l’inspiration qu’elle retenait.

 

« D’accord », acquiesça-t-elle vivement, et elle se mordit la lèvre. « Humm… il y a une ou deux vieilles chemises de nuit dans cette armoire… sers-toi. » Elle s’interrompit. « J’en prendrais bien une… mais je suis trop lessivée. »

 

Le son glissant du verrou en cuir sur l’armoire, et puis le faible bruissement du linge qu’on secoue, et qu’on passe par-dessus la tête. Elle entendit les légers craquements quand les articulations d’Eponine protestèrent au mouvement. « Ouille… j’ai entendu », émit nonchalamment la Régente.

 

« Aie. » L’Amazone brune grogna. « Parles-en… je regarde ces gamines et ça me rappelle mon âge. »

 

Ephiny rit d’un air désabusé. « Oh… comme si je ne le savais pas. » Elle leva les yeux lorsqu’une ombre tomba sur son visage, et elle pencha la tête en voyant Eponine s’agenouiller près du lit. « C’est mieux. »

 

« Ouais… » La maîtresse d’armes hocha la tête. « Tu es sûre que tu ne veux pas… » Elle leva une deuxième chemise. « Ce que tu portes m’a l’air un peu inconfortable. »

 

La Régente soupira et regarda la chemise. « Ouais, je devrais sûrement », conclut-elle et elle se redressa sur un coude, puis s’arrêta lorsqu’une quinte de toux aiguë la submergea, lui arrachant les poumons et la laissa sans souffle. « Bon sang. » Elle haleta, se retenant au bras qu’Eponine avait passé autour d’elle en soutien. Elle ferma les yeux et se concentra sur sa respiration. « Je pense que je ferais mieux de prendre de ce truc infâme. »

 

Eponine l’allongea doucement et se leva pour aller à la petite table. « C’est ces paquets-là ? »

 

« Ouais. » Ephiny délaça sa tunique épaisse d’un air las, et la passa par-dessus sa tête, la remplaçant par la fine chemise en coton, bien confortable sur sa peau. En tressaillant, elle enleva son caleçon, et plia le tout avec soin, puis les posa sur le sol près du lit. « Par les dieux… tu avais raison… c’est bien mieux. » Elle recommença à tousser, et agrippa le montant du lit jusqu’à ce que le spasme disparaisse.

 

« Tiens », dit Eponine, la voix un peu nerveuse, tandis qu’elle s’agenouillait à nouveau près du lit et tendait une chope à Ephiny. Elle glissa un bras autour des épaules de la Régente pour la soutenir pendant que celle-ci buvait le mélange avec précaution, puis elle reprit la tasse, et étudia le visage de la blonde Amazone anxieusement. « Ce truc sent les chats morts. »

 

Les sourcils clairs d’Ephiny se recourbèrent. « Merci », blagua-t-elle faiblement. « Mais ça marche… » Elle sentit ses yeux se fermer. « Tu ferais mieux de me reposer avant que je m’évanouisse. »

 

Un silence si épais qu’elle aurait pu entendre son propre cœur battre s’installa. Puis Eponine parla avec hésitation. « Hum… bien, maintenant… j’ai toujours entendu dire que c’était mauvais d’être allongé avec ce genre de truc… je pourrais heu… ben, c’est-à-dire… si tu… »

 

Ephiny sourit en se détendant contre l’épaule d’Eponine. « Nan… sauf si ça t’embête », répondit-elle doucement, alors que les herbes prenaient le pas sur sa volonté, et l’emmenaient dans un chaud brouillard de sommeil.

 

Le feu craqua, sentinelle bienveillante de la petite chambre, alors qu’une paix tranquille descendait, brisée par les seuls cliquetis murmurés des branches mortes qui dansaient devant la fenêtre, et le chuintement des feuilles contre les murs en bois.

 

***

 

« Ce… » Commença à dire Hérodotus pour la cinquième fois. « Ce n’est pas une histoire que j’avais entendue. » Il finit par continuer, sans regarder aucun d’eux, mais plutôt les grands arbres gardiens qui encerclaient leur petit campement. « Juste… quelque chose dont je me souvenais. »

 

Il se leva alors, et marcha dans le vent froid, tandis que le silence s’installait. « Il y avait… un royaume. Il y a bien, bien longtemps. »

 

Gabrielle se tenait si fort au bras de sa compagne, que c’était un miracle que Xena n’ait pas perdu toute sensation dans sa main. Elle posa sa tasse, et mit l’autre bras autour du barde, l’entourant de sa force chaleureuse.

 

Hérodotus saisit le mouvement du coin de l’œil, mais l’ignora.

 

« Et le royaume était dirigé par un roi très sombre et très mauvais… qui avait tué son propre père pour avoir le trône, puis conquis le royaume voisin, et en avait ravi la plus belle princesse pour en faire sa femme.

 

La reine était très jeune, et très effrayée, mais elle était de noble lignée, et ainsi elle survécut à la capture, et au mariage forcé… et porta l’enfant du roi malveillant, qui fut très satisfait d’elle, ayant besoin d’un héritier, et parce qu’elle était très charmante à regarder, avec ses cheveux blond clair, et ses beaux yeux gris. »

 

Hérodotus faisait les cent pas, cherchant dans l’obscurité des détails oubliés depuis fort longtemps.

 

« Le roi sillonna son royaume, avec un groupe de soldats, et il en rapporta un cadeau de naissance… trente pour cent de tout ce que possédaient ses sujets, en l’honneur de son fils. Son peuple se saigna… mais il paya la taxe, parce qu’il savait que l’amende serait épouvantable. »

 

Une profonde inspiration et il reprit.

 

« Puis… l’enfant vint au monde, et le roi fut furieux, parce que c’était une fille, et dans sa rage, il faillit précipiter le bébé au sol. Mais la princesse le pria et le supplia de laisser la vie à l’enfant, disant qu’elle se désintéresserait d’elle et porterait un héritier mâle aussi sûrement que le soleil se levait le matin.

 

Alors le roi épargna l’enfant, et la rendit à sa mère, disant qu’il ne souhaitait plus voir son visage ni entendre sa voix, aussi longtemps qu’elle vivrait. »

 

Il s’éclaircit la voix avec embarras, et fixa la forêt.

 

Xena sentit le corps de Gabrielle se détendre lentement, et elle frotta les bras frais du barde et pressa ses doigts, et reçut une pression en réponse.

 

« Sa mère la prénomma Gabrielle », continua Hérodotus, en lançant un regard vers sa fille aînée, dont l’attention était concentrée sur lui. « Parce que dans le langage de cette époque, et de ce peuple, il signifiait ‘La Force de la Lumière’. Et c’est ce dont la princesse pensait que sa fille aurait besoin pour résister à la cruauté du monde… » Sa voix se brisa légèrement. « Et à la malveillance de son père. »

 

Il fit encore quelques pas.

 

« La princesse était aussi bonne que sa parole. Elle donna un fils au roi l’année suivante, mais son accouchement fut épouvantable, et elle mourut peu de temps après sa naissance. » Il s’interrompit. « Et la fillette, Gabrielle, fut élevée par le personnel du château, cachée parmi eux et grandit comme une servante, totalement inconsciente de sa lignée royale. »

 

Il s’assit alors, et fixa ses mains, se frottant paresseusement les doigts. Hécuba se glissa près de lui et le regarda avec anxiété.

 

« C’était une enfant charmante, et elle devint une belle femme, tout comme sa mère. » Il leva les yeux, et fut saisi par un regard vert brume qui semblait le traverser. « Mais elle était triste, parce que le mauvais roi était très dur avec son peuple, et leur prenait sans leur donner même la moindre loi en retour. »

 

Il pencha la tête. « Et un jour, un prince vint d’un royaume de l’autre côté du pays, et il la vit qui allait au marché avec d’autres servantes. » Un minuscule sourire. « Le prince était un très grand guerrier, et il était très craint sur les champs de bataille. Mais c’était un homme intelligent, et quelqu’un qui dirigeait son peuple avec bonté, tout autant que force. »

 

Gabrielle déglutit, et entoura plus fermement les mains de Xena, contente de la chaude sécurité du corps de la guerrière derrière elle. Son regard alla vers Lila, assise près d’Hécuba avec les mains autour des genoux, et qui écoutait avec un calme étonnement.

 

« Le prince s’amouracha de la jeune fille, et trouva un moyen de se glisser au château, se faisant passer pour un marchand, pour la voir. Elle tomba amoureuse de lui, admirant sa force, et son honnêteté, et son honneur, parce qu’il lui avait dit qui il était aussitôt qu’il l’avait jugée, et comment il savait être, lui. Il ne lui promit pas un royaume, parce qu’elle n’était qu’une servante, mais il lui promit son cœur, et pour elle, c’était assez. »

 

Il s’interrompit.

 

« Et puis, le roi les surprit, dans la cave, à faire des plans pour s’échapper. Il jeta le prince hors du château, et punit la jeune fille, la faisant enchaîner dans le donjon, espérant qu’elle s’étiolerait et y mourrait lentement. »

 

Il se leva et fit de nouveau les cent pas.

 

« Mais son nom lui allait bien… et son cœur était fort de l’amour qu’elle éprouvait, et elle survécut, jusqu’à ce que le prince revienne avec une armée puissante, et capture le royaume, renversant le roi du trône richement sculpté qui avait coûté leur vie à tellement de ses sujets, morts de faim. »

 

Gabrielle sentit un petit sourire se former tandis qu’elle regardait derrière elle et voyait l’expression d’indignation coléreuse sur le visage de Xena. Ce… serait toi, mon amour… tu t’en rends compte ? Elle se blottit plus près de la poitrine de sa compagne et soupira d’aise.

 

« Alors le prince sauva la jeune fille et allait l’emporter loin du royaume jusqu’à chez lui, lorsqu’une très vieille servante s’avança et révéla la vérité, et dit que la place de la jeune fille était avec son peuple. » Il s’interrompit. « Et le prince pouvait voir la vérité de ces paroles, mais cela lui brisait le cœur de penser la laisser là. »

 

Il s’assit et mit les mains entre ses genoux.

 

« Mais la jeune fille… elle dit qu’elle abandonnerait sa couronne, et le royaume, et les richesses du château pour partir avec lui, pour n’être qu’une servante dans son royaume parce que, disait-elle, l’amour est toute la richesse dont j’aurai jamais besoin. »

 

Il s’interrompit alors. Le silence tomba et dura un bon moment.

 

« Alors… et qu’est-ce qui s’est donc passé ? » Demanda Hécuba d’un ton exaspéré.

 

La voix basse et vibrante de Xena passa au-dessus du campement. « Il l’emmena chez lui, et en fit une princesse de son propre royaume, et ils vécurent heureux. »

 

Hérodotus se mordit la lèvre, mais ne put empêcher un léger sourire presque espiègle de se former. « Tu avais entendu cette histoire », fit-il remarquer pince-sans-rire.

 

La guerrière le regarda. « J’aime toujours celles qui finissent bien. » Mais ses yeux brillaient d’amusement réprimé. « Merci, Hérodotus. » Non… je n’avais pas entendu celle-là… mais… je pense que je la vis. Je me demande s’il s’en rend compte. Elle regarda ses yeux ombrageux. Hmm…

 

Il haussa les épaules. « C’est juste un conte de vieille femme », fit-il brièvement remarquer, puis il regarda Gabrielle. « J’aimais bien ce nom, alors… » Il se leva brusquement et s’étira. « Je vais nous chercher de l’eau. » Il attrapa le pot et sortit hors de la lumière du feu, en direction de la rivière.

 

Gabrielle tapota les mains de sa compagne et sentit leur prise se relâcher. « Je vais… »

 

« Sois prudente », reçut-elle en réponse.

 

Le barde lui fit un petit sourire et se leva, attrapa son bâton et trottina derrière la silhouette trapue de son père. « Hé… attends. » Elle l’entendit, plus qu’elle ne le vit s’arrêter et se tourner à demi vers elle. « C’est dangereux par ici. » Elle vint à sa hauteur alors qu’il se retournait et se remettait à marcher.

 

***

 

Le feu craquait et envoyait une pluie d’étincelles lorsque les bûches tombaient les unes sur les autres. Xena releva un genou et l’entoura de son long bras, tout en regardant Hécuba et Lila silencieuses l’une comme l’autre. Oh bon sang. Est-ce que c’est pas drôle ? De quoi je pourrais bien causer… alors Hécuba, comment vont les œufs ces jours-ci, hein ? Xena soupira intérieurement. « On devrait être à Amphipolis demain à la tombée de la nuit, si le temps se maintient », finit-elle par lâcher.

 

« Je parie que tu vas être contente d’être rentrée », sortit Lila, avec un sourire ironique.

 

Xena réfléchit à ces mots un instant, laissant ses doigts jouer paresseusement avec la fourrure d’Arès. « Ouais, c’est sûr », finit-elle par répondre, se surprenant elle-même. Elle était soudain consciente du confort qu’elle trouvait à avoir sa famille près d’elle, et à la sécurité qu’elle commençait à ressentir là-bas. C’était une pensée effrayante. « Merci de venir… je sais que ça signifie beaucoup pour Gabrielle », continua-t-elle tranquillement.

 

Hécuba se leva et se frotta les mains, puis alla tranquillement vers l’endroit où Xena était allongée sur son couchage, et elle s’agenouilla avec raideur jusqu’à ce qu’elle regarde la guerrière droit dans les yeux. Elle croisa les mains et les regarda un moment, puis soupira. « Xena… je sais que ceci est un peu difficile pour nous tous. » Elle regarda les yeux bleus calmement attentifs. « Et… je veux que tu saches… que si nous avons l’air fâchés, ce n’est pas contre toi. » Elle prit une inspiration et continua. « Je ne… nous ne… je comprends que ma fille tienne beaucoup à toi… mais c’est très dur pour des parents de voir leur enfant changer… comme elle l’a fait. Et de savoir qu’elle court un danger en permanence… nous sommes très effrayés par ça. »

 

Xena la regarda pensivement. « Je sais. » Elle garda le silence un moment. « Et parfois je pense… que ça aurait été mieux pour elle de ne jamais m’avoir rencontrée. » Pure honnêteté. « Ou… pour être plus précise, parce que notre rencontre avait un but dans sa vie, ça aurait été mieux que je ne la laisse jamais partir avec moi… que je la renvoie à cette époque-là. »

 

Hécuba l’étudia, et vit la calme tristesse dans ce regard bleu glacier, et le rude déglutissement. « D’une certaine façon… je pense que c’est vrai », admit-elle.

 

La guerrière hocha lentement la tête, puis soupira. « Mais je ne l’ai pas fait. » Son regard croisa celui d’Hécuba. « Pour… quelque raison que ce soit… je l’ai laissé rester jusqu’à ce qu’il soit trop tard. » Elle prit une inspiration. « Jusqu’à ce que nous devenions une partie l’une de l’autre. »

 

Hécuba se mordit la lèvre. « Est-ce qu’elle a jamais voulu… rentrer à la maison ? »

 

Xena pencha la tête. « Elle l’a fait… une fois, et je ne l’ai pas empêchée. Et encore avec Perdicus… je n’ai jamais voulu qu’elle partage cette vie, Hécuba. » Elle leva la main. « Mais je ne l’ai jamais empêchée de revenir, non plus… pas sûr que j’aurais pu. »

 

L’autre femme cligna des yeux et soupira. « C’est une jeune fille très têtue. » Son regard croisait maintenant celui de Xena, et il contenait une petite étincelle. « Et quand elle veut quelque chose, rien ne l’arrête. »

 

Cela lui valut un sourire ironique de la part de la guerrière. « Très vrai. »

 

« J’ai dit… que d’une certaine façon, ce que tu as dit était vrai », continua Hécuba. « Mais de beaucoup d’autres façons, des façons importantes… et bien que cela me fasse mal de le dire, je pense que… de t’avoir trouvée… a été la meilleure chose qui lui soit arrivée. »

 

Xena cligna des yeux, stupéfaite.

 

« Je sais, tu ne t’attendais pas à ce que je dise ça. » Hécuba sourit timidement. « Mais j’ai eu du temps pour y réfléchir… après que vous nous avez quittés… et je me suis rendu compte de quelque chose. » Elle soupira. « Ça faisait… très longtemps… que je n’avais pas vu Gabrielle heureuse… et, Xena, c’est toi qui fait ça. » Elle haussa légèrement les épaules. « Tout le reste… je ne peux qu’espérer le mieux. »

 

Et ben, que je sois damnée. Xena soupira intérieurement. « Heu… merci », répondit-elle, en sentant une légère rougeur colorer son visage. « Je vais essayer de la garder loin des ennuis. »

 

Hécuba lui tapota l’épaule, avec hésitation. « Bonne chance. » Elle sourit et se leva, retournant vers le chariot pour commencer à préparer leurs paillasses pour la nuit.

 

Xena la regarda partir, puis échangea un regard avec Lila, qui lui fit un sourire timide, puis se leva et alla aider sa mère. « Et bé, Arès… »

 

« Roo ? » Le loup leva des yeux inquisiteurs, puis rampa vers elle et commença à lui lécher le visage avec énergie. « Arufghhtt. » Il marmonna en poussant son ventre de son museau et en reniflant.

 

« Hé… arrête ça », dit Xena en riant, et elle attrapa son museau. « Arès… »

 

« Argggrrrroooo… » Il gratta vers l’avant avidement, la poussa sur le dos et mit les pattes sur ses épaules, tout en continuant son nettoyage facial. « Grrr… »

 

« Beuh… Arès… allez. » La guerrière soupira, essayant d’échapper à l’énorme langue rose. Elle fut surprise par un coup sourd et réussit à ouvrir un œil pour voir le visage souriant de sa compagne à quelques centimètres. « Salut. »

 

« Salut… besoin d’un coup de main ? » La taquina doucement Gabrielle.

 

« Non… non… je vais bien », l’assura Xena alors que le loup tournait son attention vers son oreille gauche. « Ouille… j’adore chaque instant. »

 

Le barde jeta un coup d’œil vers le chariot où ses parents se blottissaient pour dormir et se rapprocha. « Mmm… » Marmonna-t-elle en commençant sur l’oreille droite de Xena. « Je vois pourquoi il aime ça… c’est doux… »

 

Xena prit une couleur rouge sombre, repoussa la patte avant du loup pour regarder de l’autre côté du campement. « Gabrielle ! ! ! » Elle souleva Arès de sa poitrine, et le maintint au sol, mais les lèchements chauds et doux continuèrent, envoyant des secousses le long de sa colonne vertébrale. Elle tourna la tête pour mettre son oreille hors de portée du barde, et se retrouva à la place avec les lèvres recouvertes.

 

Oh… bon sang… heu… L’assaut fut si soudain et si inattendu, qu’il passa ses défenses avec une facilité cajoleuse et elle sentit ses mains glisser pour prendre le visage de Gabrielle, puis repoussa les cheveux en arrière, et s’abreuva de l’odeur de sa peau chaude. « Heu… tu sais… »

 

« Chh. » Les doigts de Gabrielle se glissèrent sous sa tunique et touchèrent la peau nue, laissant ses mains explorer pendants plusieurs moments intenses, puis elle soupira et se serra contre Xena. « Désolée. »

 

« Pourquoi ? » Lui parvint la réponse rauque. « Tu vas bien ? » Le corps de Xena s’arqua lorsqu’elle se redressa et regarda par-dessus le feu. « Il n’a pas… »

 

« Non », marmonna le barde, en se trémoussant pour se rapprocher. « C’est juste… il me donne l’impression d’être une gamine parfois… une petite vaurienne. »

 

Xena gronda, dans sa poitrine, un son sinistre qui reçut un écho chez un Arès alarmé. « Laisse ta mère s’occuper de lui », se contenta-t-elle de dire cependant.

 

Gabrielle courba la nuque pour pouvoir regarder sa compagne dans les yeux. « Quoi ? »

 

La guerrière, qui dormait avec sa combinaison en cuir comme elle le faisait parfois quand elles étaient dans une zone dangereuse, tira leur couverture de fourrure sur elles. « Mmm… ouais, on a un peu causé pendant que tu étais partie… on dirait qu’elle pense que j’ai été… heu… bonne pour toi. »

 

Un petit gloussement ravi explosa doucement du barde blotti. « Des boules de neige doivent tomber chez Hadès. Tu ferais mieux de demander à Hercule de vérifier. » Elle commença à jouer paresseusement avec les lacets de la combinaison en cuir de Xena. « Tiens… je vais te mettre un peu plus à l’aise », dit-elle, en les délaçant, puis elle posa la tête sur l’épaule de sa compagne, où elle pouvait entendre le battement régulier et puissant du cœur de la guerrière. « Xena ? »

 

« Mmm ? ? » Celle-ci lui massait doucement le dos.

 

« Tu ne… penses pas… heu… penses plus que je suis une gamine, hein ? » Une question hésitante.

 

Xena plissa le front et se redressa à demi pour fixer sa compagne. Puis elle se rallongea et secoua la tête. « Gabrielle… tu es une Reine amazone, un barde respectable, une négociatrice talentueuse, et la compagne d’une des combattantes les plus craintes de toute la Grèce », prononça-t-elle d’une voix traînante. « Plutôt précoce pour une gamine. »

 

« Oh… alors… » Le barde sourit contre le cuir à l’odeur épicée.

 

« Non… » La rassura Xena. « Je ne le pense pas. » Elle glissa la main sur la nuque de Gabrielle et gratta doucement. « Qu’est-ce qui te fait dire ça ? »

 

« Rien », répondit calmement celle-ci. « Je manque juste un peu d’assurance je pense. »

 

Xena regarda son visage à demi caché pendant un moment, puis s’étira un peu, et mit les bras un peu plus fermement autour de Gabrielle, fit jouer ses épaules, et serra la jeune femme, et elle entendit les craquements subtils quand sa colonne vertébrale craqua sur toute sa longueur.

 

« Ooooh… » Gémit Gabrielle, en se blottissant un peu plus. « C’était génial. » Elle se mordilla un chemin dans les lacets déliés et mâchouilla doucement le cou de Xena. « Je ne l’admettrais pas à Lila, mais toute cette marche aujourd’hui a réveillé des douleurs. »

 

« Tsk. » Xena glissa les mains le long du dos de sa compagne et commença un léger massage. « Pourquoi tu ne le disais pas ? »

 

« Mmmmm… » Le barde soupira, en pliant les doigts contre le torse de Xena. « J’attendais que tu puisses y faire quelque chose… en plus… je ne… heu… »

 

« Veux pas l’admettre devant ta famille », finit la guerrière en lui faisant un sourire connaisseur.

 

Gabrielle la poussa du nez. « Quelque chose comme ça », confessa-t-elle. « C’est ce truc de l’image. » Une pause. « Tu sais. »

 

Cela lui valut un regard sombre et amusé de la part de Xena. « Ouais, je sais. » Elle remonta les doigts sur les omoplates du barde. « Mais je pense qu’ils comprennent… je veux dire, ils savent que tu as été blessée et tout ça. »

 

Le barde laissa passer un long souffle. « Je ne veux pas parler de ça non plus », grommela-t-elle. « Maintenant je sais pourquoi tu ne veux pas que je raconte des trucs à ta mère. »

 

« Mmhmm. » Xena acquiesça et redescendit le long de la colonne raide du barde. « Ils s’inquiètent trop. » Elle garda le silence un moment. « Ça m’a pris du temps pour m’y habituer… » Un minuscule sourire se fraya un chemin sur ses lèvres. « Maintenant… j’aime bien en quelque sorte. » Elle dit ces derniers mots dans un doux marmonnement.

 

Gabrielle réfréna un rire, et la regarda. « Je ne crois pas ce que j’entends là », dit-elle doucement. « Par les dieux, tu te ramollis on dirait. » Elle la sentit prendre une inspiration et la laisser sortir lentement. « Ça t’embête ? »

 

Un long silence, avec juste les mouvements des mains puissantes, et Gabrielle pensa presque que sa compagne n’allait pas répondre.

 

« Ça… m’effraie un peu », finit par admettre Xena, d’une voix basse. « Je... m’inquiète que si je laisse mes défenses baissées quelque chose va arriver… et je ne serai pas prête. » Elle déglutit et sentit Gabrielle passer légèrement les doigts sur ses bras dans un geste de réconfort. « Mais… c’est bon de vivre tout simplement… » Elle s’interrompit, cherchant un mot. « Presque normalement… que je ne peux pas… je ne pense pas que je veuille abandonner ça de nouveau. »

 

Gabrielle réfléchit à ces mots un instant, tout en laissant la chaleur de leur connexion s’enfoncer en elle. « Bien », dit-elle finalement, avec un soupir de contentement. « Parce que moi non plus… et j’aime bien ce que d’être à la maison nous a fait. » Elle posa le menton sur le torse de Xena et leva les yeux vers elle. « Ça me fait vraiment du bien de te voir heureuse. » Elle sourit. « Et j’aime bien me sentir bien. »

 

La guerrière lui lança un regard affectueux, et repoussa quelques mèches de cheveux des yeux du barde. Je peux faire ça pour elle… et si je suis vraiment honnête avec moi-même, je dois admettre que la lutte n’a pas été si difficile pour l’accepter. Elle étudia le visage en bonne santé et détendu de Gabrielle et ses yeux brillants, et elle sourit avec une acceptation tranquille. C’était la bonne chose à faire. « Je présume qu’on doit continuer alors, hein ? »

 

Le barde rayonna, et frotta sa joue contre l’estomac couvert de cuir de Xena. « Je t’aime. »

 

Xena emmêla ses doigts dans les longs cheveux blonds roux étalés sur sa poitrine, tout en sentant son corps se détendre vers le sommeil. « Je t’aime aussi, mon barde », murmura-t-elle alors que Gabrielle remontait légèrement, et s’installait dans son endroit familier contre une de ses épaules. Peu de temps après, elle sentit le monde commencer à glisser, ne laissant que les yeux alertes d’Arès veiller sur le campement.

 

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A suivre 5ème partie

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