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Longestnight6B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Une Si Longue Nuit

 

par Melissa Good

 

Traduction : Fryda

(2006)

 

 

*********

Partie 6B

*********

 

 

Cyrène ouvrit la porte tandis que le petit groupe approchait, le cœur à la gorge quand elle vit la forme immobile dans les énormes bras de Jessan. « Par les dieux bienveillants… que s’est-il passé ? » Elle se précipita à leur rencontre et aida Ephiny à bouger la protection de l’âtre pour qu’ils puissent le déposer devant le feu, sur le tapis épais. Hercule se mit à genoux et fit reposer la tête du jeune homme blond et le haut de son corps sur ses cuisses, tandis qu’il maintenait la pression sur la blessure.

 

Elaini ouvrit sa mallette de guérisseuse et la posa, puis repoussa doucement les doigts d’Hercule. Son visage se figea, et elle laissa passer un léger souffle de consternation, mais elle garda le silence, et se contenta de prendre un tissu de coton propre, et de le presser contre l’entaille béante sous ses côtes. Elle leva les yeux et croisa le regard de Jessan, et lui également soupira doucement.

 

« Ils étaient après lui », dit lourdement l’être de la forêt, en levant les yeux quand il sentit le contact de son père sur une épaule. « On est juste allé chercher de l’eau… pour les chevaux. » Il secoua sa grande tête. « Ils n’y avait personneet soudain… dieux… c’est comme si je n’étais même pas là. »

 

« Qui c’était ? » Demanda calmement Cyrène, les yeux fixés sur le visage pâle et silencieux.

 

Jessan secoua la tête. « Je ne sais pas. » Il regarda Elaini poser avec soin de la mousse sur la blessure, et la couvrir fermement d’un bandage. Il savait que c’était inutile. « Peut-être que Xena le sait. » Il leva les yeux vers le visage tendu d’Hercule. « Pourquoi étaient-ils après lui ? »

 

Un clignement des yeux clairs. « Ils ne l’étaient pas. » Sa voix était éraillée. « Ils étaient après moi. » Il s’interrompit. « Ils le sont toujours. »

 

Ephiny posa la main sur son épaule, et la massa doucement. « Tout va bien se passer, Hercule. »

 

Il la regarda. « Non. Les battements de son cœur diminuent. » Il mit la main sur l’épaule du petit homme. « Xena le savait. Elle ne… voulait simplement pas qu’il meure là-bas dans le froid. » Sa voix ne fut plus qu’un murmure, tandis que le souvenir soudain et affreux qui l’avait pris par surprise revint.

 

Et il se souvint de ce qu’il avait fait au jeune homme blond, qui reposait maintenant avec tellement de confiance dans ses mains. Iolaus saignait à l’extérieur. Hercule à l’intérieur, souffrant de la connaissance que toutes excuses allaient maintenant probablement devoir être faites dans un autre endroit. A un autre moment.

 

« Non. » Cyrène se mit de l’autre côté et mit la main sur la sienne. « Elle a un plan, ou elle serait là. Tu dois le croire. » Je connais ma fille. « Tiens bon. »

 

Un silence lourd tomba sur eux, jusqu’à ce qu’il soit brisé par le bruit de pas devant la porte. Tous les regards convergèrent vers le bruit, tandis que la porte en bois s’ouvrait, et trois personnes entraient. Ils en connaissaient deux. Le troisième… cheveux noirs, barbe noire, un profil de faucon et des yeux cruels, envoya un frisson le long de leur dos à tous. Sauf Hercule, qui ne ressentit que de la haine lasse. « Arès. » Il prononça le mot comme un juron.

 

« Finissons-en », maugréa Arès, en agitant la main vers eux. « Salut, salut, comment z’allez, affligé de te voir, Hercule, salut. » Il poussa Ephiny sur le côté et se mit sur un genou près d’un Iolaus accablé, repoussant les mains qui maintenaient sa blessure fermée. « C’est moche. » Il leva les yeux. « Personne n’a d’idée, hein ? C’est un truc privé entre la Princesse Guerrière et moi, alors ne vous attendez pas à ce que je le refasse, ou ne pensez pas que je deviens sympa. D’accord ? » Avec un regard dégoûté, il mit la main sur la blessure et se concentra, ses yeux à demi-fermés, et ses lèvres formant des syllabes qu’aucun d’eux ne pouvait saisir.

 

Quand il retira sa main, la blessure était partie.

 

« Voilà. C’est fait. Passez un Solstice pourri tout le monde. » Il regarda Hercule qui le fixait. « Surtout toi. » Il mima un baiser vers Herc, puis se releva et recula, droit dans Xena. « Oups… oh, c’est toi. » Il se retourna et sourit. « Tu peux mettre les mains sur moi, quand tu veux, yeux bleus. »

 

Xena lui lança un long regard appréciateur. « Merci », finit-elle par dire en laissant un sourire passer sur ses lèvres. « Joyeux Solstice, Arès. »

 

Un sourire des plus minuscules pinça ses lèvres. « Joyeux anniversaire, Xena. » Leurs regards se croisèrent et son œil droit cligna à peine, puis dans un éclair de bleu, il partit, laissant derrière lui des visages stupéfaits.

 

Xena croisa le regard d’Hercule par-dessus la forme immobile de Iolaus et haussa légèrement les épaules. « Il avait une dette envers moi. » Elle baissa le regard. « Désolée si ce n’est pas ce que tu aurais choisi de faire. »

 

Le demi dieu mit les mains sur la poitrine en mouvement de son ami et déglutit. En parlant de la fin qui justifie les moyens… il détestait devoir quelque chose à Arès… mais… bon sang… « Xena… je m’en fiche. Ça a marché. » Il lâcha un soupir tremblant. « Il a la moindre idée de ce qui se passe, par Hadès ? »

 

Xena attrapa une chaise tout près et se laissa tomber dedans, se passant une main dans ses cheveux en désordre tout en secouant la tête. « Non… il essaie de trouver. » Elle leva les yeux lorsque Solan entoura son bras de ses petites mains. « Hé toi… »

 

Le garçon regarda vers Iolaus puis vers elle. « C’était effrayant. » Il renifla. « Mais grand maman a dit que tu allais tout arranger, et elle avait raison. » Il la regarda de ses yeux brillants. « Tu as battu tous les méchants ? »

 

Un rire tremblant et soulagé passa dans la pièce. Gabrielle s’installa dans la chaise près de sa compagne et mit la main sur son dos. « Sûr qu’elle l’a fait, mon chéri », l’assura le barde. « Sans problème. » Elle passa le bout de ses doigts dans un mouvement circulaire léger et sentit Xena prendre, et relâcher, une longue inspiration régulière.

 

Cyrène s’avança. « J’ai une assiette de gâteaux pour calmer tout le monde. Tu veux bien m’aider à les apporter, Solan ? » Elle tendit la main au garçonnet et fit un petit clin d’œil à Xena et Gabrielle quand il la prit. « Très bien… l’excitation est passée… on a une fête à lancer. »

 

******

 

Iolaus devint brumeusement conscient de son environnement tandis qu’il sentait qu’on le bougeait, et puis il sentit une surface douce posée sous son dos. Il se força à ouvrir les yeux et vit la tête caractéristique de Jessan qui reculait, pour être remplacée par le visage inquiet d’Hercule. « … » Il tendit la main vers sa tête. « Qu’est-ce qui s’est passé ? »

 

Puis une voix familière s’éleva et il sentit la pression d’une main sur son épaule. Il leva les yeux et reconnut le regard doux de Gabrielle. « Iolaus, quelle est la dernière chose dont tu te souviens ? »

 

Il cligna des yeux puis regarda autour de lui. Ils étaient dans la chambre qu’Ephiny avait utilisée, et il se rendit compte qu’il était dans un lit, avec Gabrielle à genoux près de lui. Hercule alla vers la chaise de la chambre, et s’assit tranquillement, près de Jessan assis sur le tapis. « Euh… ben… » Il plissa le front. « On allait… hmmm… chercher de l’eau… c’est ça ? »

 

Jessan hocha la tête. « C’est ça. »

 

Il referma les yeux à cause de la sensation d’étourdissement qui coulait en cascade sur lui. « Bien… et… euh… oh ! On a été attaqués. » Il se frotta la tête. « C’était qui ces types ? » Marmonna-t-il. « Ben… je me souviens qu’on m’a frappé… » Sa main alla lentement vers son thorax et toucha la peau douce, puis il leva la tête, et fixa le point. « Je pensais me souvenir avoir été frappé. » Il plissa le front. « Que… »

 

Gabrielle passa le bord de son pouce sur son épaule nue et regarda par-dessus la sienne. « Vous pouvez nous excuser un moment les gars ? Je vais le mettre au courant. »

 

Hercule eut l’air soulagé. « Bien sûr… bien sûr… c’est une bonne idée. » Il se leva et fit un signe à Iolaus. « Fais attention à toi, mon pote. » Il attendit que Jessan passe la porte, puis le suivit et ferma la porte derrière eux.

 

Un petit silence s’installa tandis que Gabrielle et Iolaus se regardaient. « Alors… qu’est-ce qui se passe ? » Demanda Iolaus sur ses gardes. « Tu me rends nerveux… le fait que ce soit toi là… ça veut dire qu’il faut me dire quelque chose doucement, et c’est très effrayant, Gabrielle. » Il prit une inspiration tremblante. « Parce que si c’était rien, Herc l’aurait dit, ou bien Xena serait là avec son style ‘c’est comme ça alors il faut t’y faire’.

 

Gabrielle releva les couvertures et les mit autour de sa poitrine. « Très bien. » Elle sourit. « Je suppose que tu marques un point là. » Elle prit ses mains dans les siennes. « Tu as été frappé… et ils ont continué à combattre Jessan et Arès jusqu’à ce que… je suppose… Arès a dû hurler, et Xena l’a entendu. Alors elle a foncé et elle vous a trouvés, et elle a fait son lot habituel de trucs… mais… mm… tu avais été touché plutôt méchamment. »

 

« O…K… » Iolaus passa le doigt sur son plexus avec un regard perplexe. « Alors… qu’est-ce qui s’est passé ? »

 

« Ils… t’ont ramené ici », répondit Gabrielle très prudemment. « Hum… tu étais mourant, Iolaus. »

 

Il ouvrit grand les yeux. « Oh. » Puis il toucha à nouveau son estomac. « Hum… alors… »

 

Gabrielle lui fit un petit sourire lumineux et réconfortant. Ça lui ficha une frousse bleue. « Et bien, Xena a en quelque sorte… hum… demandé un service. » Elle remua la main. « Et… tu as été guéri, on dira… tu connais Xena… beaucoup de gens par ici lui doivent un service. » Elle s’interrompit. « Ou plusieurs. »

 

« Me guérir », dit lentement Iolaus. « Gabrielle, il fallait un dieu pour ça. »

 

Le barde pianota sur le bord du lit. « Euh… oui. » Comment je me suis laissée convaincre pour faire ça ? Il faut que j’arrête de succomber à ce numéro de « tu fais les conversations sensibles. » « C’est vrai. »

 

« Bon. » Le jeune homme blond ferma les yeux. « C’est… » Il les rouvrit brusquement et croisa le regard de Gabrielle avec horreur. « Oh non… ne me dis pas que… » Je ne connais qu’un seul dieu capable d’apparaître à la demande de Xena.

 

Elle lui tapota doucement le bras. « Eeeet bien… » Le barde soupira. « Il s’est trouvé qu’il est apparu… et… il a une dette envers elle… et… elle l’a en quelque sorte convaincu de faire ça comme cadeau d’anniversaire. »

 

« Un cadeau d’anniversaire. » Iolaus lui fit écho, secouant la tête. « Il a vraiment un faible pour elle, hein ? »

 

Gabrielle pinça les lèvres et soupira. « Ouais, je pense que oui, parfois. Quand il ne veut pas la tuer, ou bien qu’elle revienne avec lui. » Elle laissa le silence s’installer entre eux à nouveau pour quelques secondes. « Alors… comment ça va vous deux ? Je n’ai pas eu vraiment l’occasion de vous parler depuis qu’on est rentrées. »

 

Il détourna son regard du sien. « Bien… on va bien… et vous ? » Il s’éclaircit légèrement la gorge. « J’ai entendu dire que tu as eu une petite aventure pendant qu’on était partis… tu sais Gabrielle, tu as vraiment le chic pour ce genre de choses. » Il lui fit un sourire brusque. « Content que tu t’en soies bien sortie. »

 

Le barde s’installa près de lui sur un petit tabouret. « Merci… oui, c’était vraiment effrayant mais tout s’est bien passé. » Elle prit sa main dans les siennes. « Comment va Hercule ? Xena m’a dit ce qui s’était passé. »

 

Il serra la mâchoire. « Oh… il… va très bien… je suppose… tu sais, ça a été un sacré choc pour lui, et… mais c’est un dur… ça va aller. »

 

« Iolaus ? » Attention là, Gabrielle… ne l’effraye pas… mais il est désarçonné là… peut-être que tu peux l’amener à s’ouvrir.

 

« Oui ? » Il lui fit un faible sourire.

 

Elle s’appuya sur ses coudes et le regarda. « Qu’est-ce qui s’est vraiment passé dans les mines ? »

 

Il était piégé là, pris dans ce regard vert brume qui semblait le transpercer. « Qu… qu’est-ce qui te fait penser que quelque chose est arrivé ? » D’abord essayer de bluffer.

 

« Hercule le pense », répondit-elle doucement. « Et Xena aussi, qui a l’imagination d’une tortue de mer. » Elle caressa légèrement sa main. « Allons, Iolaus… c’est moi, tu te souviens ? On fait la même chose… non ? Peut-être que je peux t’aider… je suis perspicace… le truc du compagnon de voyage, Ok ? » Il garda le silence, à fixer le mur.

 

Bon sang… bon sang… ok… il est temps de sortir le grand jeu. « Iolaus, je sais ce que tu ressens. » Elle posa doucement la main sur son torse. « Je sais ce qu’on ressent quand quelqu’un qu’on aime et à qui on fait confiance vous blesse. »

 

Il tourna lentement la tête. « Xena ne te ferait jamais ça, Gabrielle. »

 

Les yeux du barde brillèrent de larmes retenues. « Non… elle ne le ferait pas… Iolaus… mais quelqu’un l’a fait… et je sais combien ça fait mal. » Elle le fixa attentivement. « Allez… parle-moi. »

 

Il cligna lentement des yeux. « Ce n’était pas sa faute. » Il dit cela dans un murmure. « J’étais juste un… autre … prisonnier. » Il laissa passer un souffle tremblant. « Juste… un autre… ajustement. » Il sentit une pression sur ses doigts et la rendit. « J’ai été… fouetté. » Il haussa les épaules et tourna la tête. « Assommé… un peu battu. » Il s’interrompit. « Puis… il m’a mis dans cette cage… m’arrosait d’eau froide sans arrêt… j’ai perdu toute trace de quand… où… qui j’étais pendant un moment. »

 

Gabrielle caressa doucement son bras, mais garda le silence. Bon sang… Xena avait raison… pauvre Iolaus.

 

« C’est arrivé au point où… je devais choisir entre… » Il remua la mâchoire quelques secondes. « Abandonner… et devenir… quelque chose… à quoi je ne veux pas penser… ou le haïr… ou bien m’échapper, et trouver un moyen… quelqu’un… qui pourrait l’arrêter. » Il croisa son regard. « Et une nuit… alors que j’étais dans cette cage puante, à geler… à trembler si fort que je ne pouvais pas dormir… je me suis rendu compte que je… connaissais… quelqu’un… qui pourrait l’arrêter. » Il s’interrompit, puis continua. « Et… je me suis raccroché à cette pensée… j’ai fait ce qu’il fallait pour sortir de là. »

 

Le barde soupira. « Iolaus… est-ce qu’il… » Son regard malheureux croisa le sien. « T’a forcé à ? »

 

Il rougit. « Non… non… c’était pas son… genre. »

 

Ainsi, songea-t-elle. Xena avait eu raison à ce sujet aussi. Une bonne chose. « Je suis contente. » Elle pressa son épaule. « Et tu as raison… ce n’était pas lui… ce n’était pas sa faute du tout, Iolaus… tu sais qu’Hercule ne t’aurait jamais fait de mal… pas exprès. »

 

Il hocha la tête. « Je sais… mais… Gabrielle, c’est ce qui me fait peur… s’il se souvient de ça… qu’est-ce que ça va lui faire ? » Il la fixa avec désespoir. « Qu’est-ce que je vais faire… je ne peux pas lui dire… il se sent si mal avec tout ça pour commencer. »

 

Gabrielle le tapota pour l’apaiser. « Laissons Xena s’occuper de ça. »

 

L’expression de Iolaus s’éclaira légèrement. « Elle a un plan ? »

 

Le barde souriait maintenant. « Elle a toujours un plan. »

 

Le jeune homme blond fit une grimace de soulagement. « Gabrielle… est-ce que… Xena sait ce qui t’est arrivé ? »

 

Elle hocha tranquillement la tête. « Oui…. C’est arrivé avant que je la rencontre… en fait c’était une des raisons pour lesquelles j’ai quitté Potadeia pour commencer. » Elle s’interrompit. « Mais… il a fallu longtemps avant que je… lui dise… très récemment, en fait. »

 

Iolaus absorba ces mots un moment. « Est-ce que… tu t’es sentie soulagée quand tu l’as fait ? » Il lui fit un sourire de guingois. « Ça m’a fait du bien à moi… juste de le raconter. »

 

Gabrielle prit un instant pour se souvenir. « Oui… et c’était un peu… et bien, j’ai toujours fait confiance à Xena pour ma santé physique, n’est-ce pas ? Je veux dire… je savais toujours qu’elle ferait de son mieux pour s’assurer que je ne tombe pas d’une falaise… ou que si je le faisais, elle me rattraperait… tu vois ce que je veux dire ? »

 

Iolaus sourit. « Je vois exactement ce que tu veux dire. »

 

Le barde hocha la tête. « Mais… j’ai appris à ne faire confiance à personne avec ce qu’il y avait vraiment en moi… parce quand quelqu’un sait tout ça, ça lui est vraiment facile de s’en servir pour te faire du mal. » Son regard balaya la pièce, puis revint vers Iolaus. « J’étais vraiment effrayée… quand je lui ai dit. Parce que c’était comme d’abandonner une part de moi-même. »

 

« Qu’est-ce qu’elle a fait ? » Demanda le jeune homme blond avec curiosité.

 

Gabrielle sourit. « Ce que tu penses. Elle est devenue vraiment, vraiment furieuse à l’idée que quelqu’un avait fait quelque chose pour me blesser, et qu’elle ne pouvait rien contre ça. » Elle se leva et versa un peu de soupe chaude dans une tasse, puis revint et s’agenouilla de nouveau, et la lui tendit. « Tiens… Xena dit que tu as besoin de liquide… il… manque beaucoup de sang là-dedans. » Elle tapota son torse. « Et… bien sûr… » Elle continua sa conversation. « Elle est allée voir et a bien fait comprendre à la personne qui avait fait le… bon… tu connais Xena… elle a fait de son mieux pour que ça n’arrive plus jamais. »

 

Iolaus sirota sa soupe et la regarda. « Je suis surpris… je veux dire, pardonne-moi, Gabrielle… mais je suis surpris qu’elle n’ai pas juste… hum… » Pris une approche plus directe.

 

Le regard vert croisa tranquillement le sien. « C’est mon père. »

 

Le visage de Iolaus se figea dans une légère angoisse. « Oh… Gabrielle. » Il posa la tasse et tendit la main vers elle, pour l’attirer dans une embrassade. « Je suis si désolé. » Il lui massa le dos tandis qu’elle lui rendait son étreinte. « C’est moche. »

 

Elle le relâcha et lui sourit calmement. « C’est bon… on a… réglé ça en quelque sorte, en grande partie. » Elle le regarda. « Mais… pouvoir le dire à Xena… ça m’a vraiment aidée à m’arranger avec tout ça… elle… m’a donné un endroit sûr où je pouvais être qui a fait toute la différence. » Elle lui prit le bras. « Alors… rappelle-toi que tes amis sont là pour toi, Iolaus… il y a un endroit sûr si tu en veux un. »

 

Le jeune homme blond l’étudia un long moment, puis sourit un peu. « Merci, Gabrielle. » Il baissa le regard et rougit un peu. « Je pense que je te dois des excuses, à propos… je heu… je pensais que tu étais… heu… »

 

Un léger rire le rassura. « Je sais… Xena me l’a dit. » Elle lui tapota l’épaule. « C’est bon… » Elle remit la soupe entre ses mains. « Désolée que tu aies eu à le savoir de cette façon… mais Xena s’est certainement amusée à le faire. »

 

Iolaus leva les yeux au ciel. « Ça c’est sûr. » Il soupira puis la regarda attentivement. « Hé… j’ai entendu dire que tu avais été blessée pendant ta petite aventure… tu vas bien maintenant ? » Il tapota doucement ses côtes, puis haussa les sourcils. « Wow… tu es plutôt solide ! » Il rit. « Qu’est-ce que tu as fait, soulevé des bûches ? »

 

Cela lui valut un sourire espiègle en retour. « Ouais… je vais bien, merci… juste quelques fêlures… j’ai passé une semaine au lit et c’était terminé. » Elle s’étira. « Et quant au reste… et bien, oui, j’ai travaillé plutôt pas mal… ça demande beaucoup de se tenir à niveau avec Xena. » Elle rit. « Mais… tu devrais le savoir, pas vrai ? »

 

Le jeune homme blond prit une grande gorgée de soupe. « Oh… oui. » Il prit une profonde inspiration. « Tu as bien raison… hé, dis-moi donc… est-ce que Xena essayait seulement de m’impressionner ou bien est-ce qu’elle est toujours en route comme ça ? »

 

Gabrielle étendit ses jambes devant elle et s’appuya sur ses mains. « Toujours. Elle est comme cette boule d’énergie qu’on ne peut jamais arrêter. » Elle bâilla. « Je suis fatiguée juste à la regarder… surtout quand elle décolle et qu’elle fait des saltos arrière et des trucs alors que je suis toujours en train d’essayer d’ouvrir les yeux. » Elle baissa le regard et son visage prit une expression pensive. « Mais… elle était probablement pressée de rentrer. »

 

Iolaus prit sa main et la massa. « Est-ce que… je peux… Gabrielle, vous deux… heu… pour moi on dirait que Xena… savait… que quelque chose t’arrivait… hé, je sais que ça a l’air dingue, mais… » Il laissa la phrase en suspens, et la regarda.

 

Le barde hésita un long moment avant de répondre. « Hum… » Inconsciemment, ses doigts allèrent à sa gorge et s’enroulèrent autour du collier. « Oui, et bien… c’est… nous… c’est un peu dur à expliquer. » Elle termina enfin, un peu faiblement. « Mais… heu… oui, on peut habituellement dire quand quelque chose se passe. »

 

« Quelque chose ? » Demanda Iolaus avec précaution.

 

« Quelque chose », confirma Gabrielle. « Des choses vraiment fortes… comme… » Son regard croisa le sien. « J’ai senti quand elle a touché ce collier. »

 

Il ouvrit grand les yeux de surprise. « Vraiment ? » Il laissa passer un souffle. « Et elle savait que tu avais des ennuis ? »

 

Gabrielle hocha lentement la tête. « Oui. »

 

« Wow. » Le jeune homme blond soupira. « C’est vraiment étrange. »

 

Le barde sourit un peu. « Etrange… je suppose… mais… c’est aussi agréable. » Son visage se détendit en un sourire. « Ça devient assurément pratique parfois. »

 

Il rit. « Je vois ce que tu veux dire. » Il se redressa lentement. « Hé… je ferais mieux de te ramener là-bas… on n’est pas supposés avoir une cérémonie d’union ? »

 

Le barde se mit debout. « Tu es sûr ? Je veux dire… c’est bon Iolaus… tu as probablement besoin de te reposer. »

 

Il repoussa l’idée de la main. « Nan… je préfère sortir… » Sa voix se brisa un peu. « Sortir là où se tient toute l’action… en plus, je ne veux pas rater ça… » Il posa prudemment les pieds à terre, et se mit debout, titubant légèrement jusqu’à ce que Gabrielle passe son bras sur ses épaules et entoure sa taille d’une poigne ferme. « Wow… » Il rit et pressa le muscle de son bras. « Tu pourrais probablement me porter jusque là-bas. »

 

« Iolaus », dit le barde en soupirant et en levant les yeux au ciel.

 

« Je peux te demander de battre des gens pour moi ? » La taquina-t-il.

 

« Iolaus ! » Grogna-t-elle en réponse tout en ouvrant la porte de la chambre.

 

*********

 

L'auberge était maintenant bondée de villageois et d’invités, dont la plupart étaient éparpillés en petits groupes et bavardaient, savouraient la bière et le cidre, qu’ils buvaient pour faire passer un assortiment de petits fours fournis par la cuisine de Cyrène.

 

« Jolie foule », murmura l’aubergiste pour elle-même, en s’appuyant contre le bar, tout en étudiant les groupes mouvants. Elle repéra sa fille assise tranquillement dans le coin, affalée sur un banc lourd, et qui écoutait Kaleipus raconter une quelconque histoire.

 

Solan était assis près d’elle, les jambes sous lui sur le banc, la tête posée contre son épaule, et un bras enroulé autour d’Arès, lui-même lové contre le côté de Xena, son museau noir posé sur sa cuisse. Cyrène sourit au tableau qu’ils faisaient, ressentant à nouveau un pincement au cœur à la ressemblance incroyable du garçonnet avec Lycéus.

 

Puis son esprit revint aux événements récents. Alors… songea-t-elle, c’était ça le Dieu de la Guerre. Elle haussa les sourcils. Elle avait entendu des rumeurs sur l’implication de sa fille avec lui pendant de nombreuses années… et assurément, il y avait un… mmm… air certain de… non pas de respect mutuel, mais une sorte de reconnaissance entre eux. Après tout il lui avait souhaité un joyeux anniversaire, et d’une certaine façon, elle l’avait convaincu de sauver la vie de Iolaus.

 

Intéressant. Elle soupira en voyant le visage toujours inquiet d’Hécuba. La femme se tenait près d’elle et regardait l’activité avec une expression troublée. « Hécuba, tu veux bien te calmer. »

 

La mère de Gabrielle se tourna vers elle outragée. « Cyrène… c’était le Dieu de la Guerre. »

 

Cyrène haussa les épaules. « Je sais. » Elle renifla au souvenir. « Je sais pas… j’aime bien une jolie barbe sur un homme. Il est plutôt mignon. »

 

Hécuba la fixa. Les deux femmes étaient devenues plutôt proches pendant la visite de Cyrène à Potadeia et Hécuba aimait beaucoup l’aubergiste, mais parfois son sens de l’humour était un peu… surprenant. « Quoi ? »

 

« Tu ne trouves pas ? » Cyrène eut un sourire narquois et tranquille. « Je connais sa réputation… mais après tout, il a sauvé ce pauvre Iolaus. »

 

Hécuba pianota sur le comptoir. « Mais… »

 

« Allons… allons… tu ne trouves pas qu’il a belle allure ? » La tenta Cyrène.

 

La mère de Gabrielle regarda autour d’elle prudemment. « Et bien… » Elle renifla. « Il portait une belle veste », admit-elle à contrecoeur. « Et il a des oreilles intéressantes. »

 

Cyrène haussa ses sourcils noirs jusqu’à sa frange. « Tu as remarqué ses OREILLES ? » Un sourire espiègle passa sur ses lèvres. « Et bé… Hécuba… je ne t’ai jamais considérée comme une femme à oreilles. »

 

Hécuba eut un petit éternuement collet monté. « Hmph. » Mais son expression se détendit un peu et elle soupira. « Je suppose que je vais devoir m’habituer à tout ça. » Elle leva la main et fit un petit geste, montrant la pièce. « C’est juste… très étrange. »

 

Elles se tournèrent ensemble quand la porte vers la petite pièce s’ouvrit et que Iolaus et Gabrielle en émergèrent, le barde aux cheveux clairs soutenant un Iolaus encore pâle tandis qu’ils traversaient la pièce, où ce dernier fut accueilli avec enthousiasme par ses amis. Gabrielle l’installa tout près d’Hercule, qui se pencha et lui tapa sur l’épaule avec une rude affection. Le barde observa un instant puis tapota l’épaule du jeune homme blond et couvrit la courte distance qui la séparait de sa compagne paresseusement affalée.

 

Solan s’était levé et traversait la pièce vers eux avec Cait, tous les deux gloussant tandis qu’ils évitaient les groupes de gens sur le chemin.

 

« Ton petit-fils est plutôt beau », dit Hécuba à Cyrène en se penchant, tandis qu’elles regardaient les deux enfants approcher.

 

Cette dernière sourit malicieusement. « Et bien… Hécuba… tu te rends compte qu’à partir d’aujourd’hui… il va aussi être ton petit-fils, n’est-ce pas ? »

 

Hécuba lui lança un regard stupéfait. « Quoi ? »

 

L’aubergiste lui fit un sourire joyeux et se tourna pour accueillir les deux enfants. « Salut vous deux… qu’est-ce que vous faites donc ? »

 

**********

 

« Tu avais raison », dit Gabrielle en soupirant, tout en se glissant et en s’adossant sur le banc près de sa compagne. « Sur les deux points. »

 

« Mm », acquiesça Xena en glissant le bras sur ses épaules pour la rapprocher. « On dirait. » Elle étira ses longues jambes et les croisa aux chevilles. « Très bien… je vais… lui parler… demain… pas la peine de le faire aujourd’hui. » Elle tendit la main et prit une friandise sur le plateau près de son coude, puis l’offrit au barde.

 

Gabrielle l’accepta avec soin et mâchouilla. « Mmm… » Elle ouvrit la bouche pour un autre morceau et sourit autour de sa bouchée quand sa compagne s’exécuta. « Dieux. » Elle soupira tout en avalant, puis elle nicha sa tête contre l’épaule de Xena. « Il faut que j’arrête ça… je vais exploser avant la fin de la journée autrement. » Elle tira sur sa tunique. « Et il n’y a pas beaucoup de place en plus là-dedans. »

 

Xena passa le corps du barde en revue. « Hmm… non… mais ça te va bien. » Elle brossa quelques grains de poussière sur la manche du barde. « Garde un peu de place pour ce cochon que maman a fait rôtir… j’ai passé la tête dehors il y a un petit moment quand ils le goûtaient… dieux, que ça sent bon. »

 

Gabrielle sourit et l’entoura d’un bras, tout en levant les yeux. « Et bien, tu as développé un sacré appétit… » Elle regarda de l’autre côté de la pièce où Jessan était assis, et faisait des gestes du poing dans une conversation animée avec Eponine. « Tu aurais dû les entendre jurer quand tu as décampé. » Elle prit une autre friandise et la mordilla, puis en prit une autre encore et la fourra dans la bouche de Xena. « C’était marrant… je veux dire… et bien, moi aussi… » Elle s’interrompit, en riant à la vue du sourcil dressé de Xena. « Décampé, je veux dire… pas juré contre toi.. » Elle se mordit la lèvre. « J’ai attrapé mon bâton et j’ai sauté par-dessus cette table… et j’ai battu Eponine ET Granella pour arriver jusqu’à vous. » Elle s’interrompit et eut un regard espiègle vers Xena. « Eph s’est bien amusée à les taquiner depuis… si elles ne mangent rien ce soir, c’est parce qu’elle a suggéré que toute cette oisiveté commence à les ralentir un peu. »

 

Xena se mit à rire. « Oh… génial… pauvre Eponine… d’abord moi, ensuite toi… » Elle tendit un autre morceau au barde. « Mais je parie que tu as aimé ça, non ? » Ses yeux étaient posés sur le barde avec une étincelle de fierté. « Elles feraient mieux de s’entraîner plus si elles veulent pouvoir suivre leur Reine. »

 

Le barde se mit à rire. « Oui oui… et tu aurais dû les entendre quand tu attaquais ce type avec un morceau de bois… elles parlaient, et encore et encore… et finalement, Jessan les a fait taire en leur disant que ce n’était rien… qu’elles auraient dû te voir attaquer trois cents soldats qui s’en prenaient sauvagement à six soldats en armes à Cirron. »

 

Xena tressaillit. « Trois cents ? Six armes ? » Elle grogna. « Gabrielle ! ! ! »

 

« Mmm… » Gabrielle lui massa doucement le ventre. « Bien entendu, ils se sont tous tournés vers moi pour savoir si c’était vrai. »

 

« Oh », dit Xena en riant. « Et… tu as dit quoi… ? »

 

Le barde la regarda avec affection. « J’ai dit oui, absolument. »

 

La guerrière lui lança un regard outragé et reçut un petit rire espiègle en retour. « Tu vas m’attirer des ennuis un de ces jours, barde. » Xena soupira mais ne put empêcher un sourire de se former sur ses lèvres. Elle leva les yeux en entendant des bruits de pas, et fit un signe de tête tranquille à Josclyn.

 

Le maire du village s’installa dans un fauteuil en face d’elles et sortit une pile de parchemins. « Et bien… » Il lança un regard direct, bien que légèrement timide à Xena. « Tu veux qu’on se débarrasse de la paperasse maintenant ? »

 

Xena hocha la tête et se redressa, appuyant ses coudes sur la table tout en entrelaçant ses longs doigts. « Bonne idée… je pense que ça risque d’être un peu… » Son regard se promena dans la pièce, « un peu dingue par ici un peu plus tard. »

 

Josclyn se mit à rire et s’éclaircit la gorge. « Content d’être à l’intérieur aujourd’hui… ça empire là-dehors… et j’ai bien peur que la nuit soit vraiment longue ce soir… ta mère prépare des paillasses en plus et des trucs au cas où on devrait héberger du monde pour la nuit. »

 

La guerrière grogna son assentiment et attendit patiemment que le maire rassemble ses parchemins, tandis que Gabrielle regardait par-dessus son épaule avec curiosité.

 

« Bon… » Il sortit une plume et de l’encre, et les posa, taillant la plume avec soin avant de la plonger avec précision dans son encrier. Il repoussa quelques mèches de ses cheveux argentés hors de ses yeux gris acier, et s’éclaircit à nouveau la voix. « Xena, je sais que tu es née ici… » Il fit une marque. « Et tu es de Potadeia, n’est-ce pas, Gabrielle ? »

 

Le barde hocha la tête. « C’est exact. »

 

« Mmhmm. » Le maire fit une autre marque. « Xena, tu sais que ta mère vous a désignés, ton frère et toi, comme héritiers à parts égales de toutes ses possessions terriennes, n’est-ce pas ? »

 

« Oui », répondit Xena tranquillement. « As-tu préparé le document que je t’ai demandé ? »

 

Il hocha la tête et sortit un nouveau parchemin plus propre, en passa le contenu en revue une fois, et le lui tendit. Elle lut et fit un petit signe de la tête. « Bien. »

 

« Attendez. » Gabrielle mit la main sur son bras. « Xena, qu’est-ce que c’est que ça ? »

 

Xena prit une inspiration et étudia ses mains un instant. « Mon testament », répondit-elle en faisant un bref sourire à sa compagne. « Pas que je possède beaucoup… enfin, c’est pas que j’ai grand chose à laisser. »

 

Le barde lui prit le papier et l’examina. « Il faut que tu changes ceci », finit-elle par dire calmement.

 

La guerrière plissa le front. « Gabrielle… c’est… je dois laisser… ceci… à quelqu’un. »

 

Un regard vert sérieux croisa le sien. « Je sais. » Elle s’interrompit. « Mais ça devrait être quelqu’un qui va être présent pour le recevoir. » Elle déglutit. « Laisse-le à Solan. »

 

Comme ça, simplement. D’un ton neutre et direct, et cela coupa le souffle à Xena. Ça la transperça d’une douleur, un sentiment de souffrance, le fait que Gabrielle avait regardé en elle pour prendre cette décision.

 

Qu’est-ce que je vais faire ? Soudain la pièce se rétrécit sur elle et elle ferma les yeux. Pas de discussion. Elle ouvrit les yeux et croisa le regard inquiet de Josclyn. « Amende-le », dit-elle d’une voix très douce, tandis qu’elle sentait la main de Gabrielle s’enrouler autour de la sienne et la presser.

 

Le maire hocha la tête et lui prit le parchemin, se pencha au-dessus et se concentra sur le changement dans le texte.

 

« Désolée », murmura Gabrielle. « Xena, je ne voulais pas… »

 

Xena se pencha et l’embrassa légèrement, interrompant sa phrase. « Pas d’explication, Gabrielle », répondit-elle à son tour. « J’aurais dû y penser, et t’en parler. » Une pause tranquille. « Je suis désolée. »

 

Gabrielle garda le silence quelques instants. « Tu ne crois toujours pas que ça aurait été ma décision, n’est-ce pas ? » Demanda-t-elle finalement, avec une note douloureuse dans la voix.

 

Xena fixa la table, comptant les fissures dans le bois avec une concentration infinie. « Ça je le crois, Gabrielle. Ce que je ne crois pas, c’est que je vaux cette décision. »

 

Le barde étudia le profil tranquille de sa compagne jusqu’à ce que le parchemin soit prêt. Puis elle le prit des mains de Josclyn et le mit avec soin entre elles. « Tu n’as pas à le croire, Xena. J’y crois assez pour nous deux. »

 

La tête brune se pencha, ce qui lui permit d’entrevoir les yeux bleu cristal et un soupçon de sourire. « Je sais », répondit Xena, puis elle prit la plume de la main du maire et inscrivit sa signature sur le papier, et souffla doucement sur l’encre pour la sécher avant de redonner le parchemin.

 

« Bien », dit-il avec un soupir, en glissant le document dans sa mallette en cuir. « Gabrielle, est-ce que tu souhaites devenir citoyenne d’Amphipolis ? »

 

Le barde hocha la tête. « Oui. » Ils en avaient parlé auparavant. « Je… heu… je sais que je ne possède pas grand-chose… » Elle sursauta quand Xena lui couvrit la bouche de sa main.

 

« Ecris qu’Amphipolis est maintenant l’hôte d’une Reine Amazone et d’un membre publié de l’Académie des Bardes d’Athènes. » Elle sourit à quand elle sentit une rougeur colorer la peau claire du barde à ces mots.

 

Josclyn tordit la bouche et jeta un coup d’œil à Gabrielle avec une expression d’amusement affectueux. « On peut pas passer à côté de ça, Votre Majesté. » Ses yeux gris étincelaient. « Gabrielle, tu aurais été la bienvenue même si tu avais été une vulgaire laitière, ne t’inquiète pas. Mais ne te dévalorise pas, gamine. »

 

Gabrielle réfréna un sourire et regarda la table timidement. « Je… sais que j’ai tendance à le faire. » Son regard se tourna vers sa compagne souriante. « Mais je m’en tire de moins en moins facilement avec ça. »

 

Xena haussa les sourcils. « Trois cents ? Six armes ? A la guerre comme à la guerre, mon amie. »

 

Josclyn rit et fit passer un document court à Gabrielle. « Signe ça, si tu veux bien. » Le barde s’exécuta, de sa petite main soignée. Citoyenne d’Amphipolis. Elle rit tranquillement pour elle-même. J’aime bien le son de ces mots. Puis elle saisit le regard doux et émerveillé de Xena et se rendit compte que malgré toute son expérience, sa compagne était tout aussi novice à cette procédure qu’elle.

 

Le visage du maire prit une teinte sérieuse et il sortit un dernier document de la mallette, et le tint entre ses mains tandis qu’il fixait Xena droit dans les yeux. « Xena… beaucoup d’eau coule sous les ponts sur lesquels nous nous tenons. »

 

Celle-ci sentit une note de tension nerveuse serrer ses intestins. Et bien, je savais que le passé ne resterait pas enterré pour toujours. Amphipolis… a beaucoup à exiger de moi… s’ils le veulent. « C’est vrai », répondit-elle doucement. Je ne pensais pas qu’il allait… mais… je suppose que je le mérite. Gabrielle dut avoir ressenti une inquiétude soudaine parce que le barde glissa la main sur son genou, et elle sentit la légère pression du pouce de sa compagne qui massait sa peau en un mouvement de réconfort.

 

Josclyn hocha la tête. « Je suis le maire de ce village… et ça veut dire que je représente la loi ici, Xena. Tu le sais. Il est de mon devoir de faire valoir la loi contre quelque citoyen que ce soit ici, et de le poursuivre en justice. »

 

Xena prit une inspiration profonde et lui rendit son regard. « Je le reconnais. » Elle sentit la tension se nouer dans sa colonne vertébrale, mais elle resta immobile. « Je me soumets à ton jugement. » Une lame effilée comme un rasoir d’incertitude s’enfonça, sachant qu’aux yeux de la loi, au vu des choses qu’elle avait faites, Josclyn pouvait prononcer une peine de… n’importe quoi. Même de mort, mais elle ne pensait pas que ce soit ce qu’il avait en tête, autrement il n’aurait pas attendu ce jour-là pour le faire.

 

« Xena. » La voix de Gabrielle était aigue, et inquiète. Elle regardait Josclyn avec une indignation montante, ses yeux verts commençant à lancer des étincelles féroces.

 

Le maire leva les yeux de surprise tandis que Gabrielle se levait et se hérissait, sa colère commençant à exploser. Xena tendit la main et lui prit l’épaule, la repoussant sur son siège. « Gabrielle… s’il te plait. »

 

Le barde se radoucit, mais son regard soutenait celui de Josclyn avec une sévérité déconcertante, et il sourit intérieurement à la vue de la championne imprévue de la Princesse Guerrière, tandis qu’il retournait son attention vers le papier qu’il tenait. « Xena… j’ai étudié le passé, et revu le présent, et j’ai réfléchi au futur, parce qu’Amphipolis m’a chargé de cette responsabilité. » Il s’interrompit. « Il me parait que les plateaux sont en équilibre… ce qui est arrivé dans le passé est terminé depuis longtemps, et ce qui arrive dans le présent en fait le contrepoids. Pour ce qui est du futur… » Il lui souriait maintenant. « Je pense qu’Amphipolis a de la chance de t’avoir… et je sers bien ma charge quand j’appose mon nom sur ce parchemin qui te donne le droit pour une citoyenneté libre et claire ici. »

 

Il prit une inspiration et laissa un petit silence s’installer, puis il posa le parchemin devant elle, avec des petits mouvements précis tandis qu’il levait les yeux. « Bienvenue chez toi. »

 

Xena laissa les mots passer sur elle, pas vraiment sûre de savoir comment répondre, n’ayant jamais envisagé la possibilité de les entendre. Son regard alla vers le parchemin, y voyant non seulement le nom de Josclyn, mais ceux du conseil des anciens. Dont la plupart avait une bonne raison personnelle de connaître ses crimes. Je ne peux pas croire ça, lui murmura son esprit. Ça ne peut pas arriver. Ça doit être un rêve.

 

La joue de Gabrielle vint contre son épaule, et elle sentit la main du barde se resserrer sur elle, l’ancrant dans un océan tourbillonnant de chaos heureux. Oh… par les dieux… si c’est un rêve… s’il vous plait… faites que je ne me réveille jamais. Elle envoya une prière sincère vers les cieux, puis réussit à reprendre le contrôle de sa voix. « Merci. »

 

Josclyn hocha tranquillement la tête. « De rien. » Il y avait eu… moins de débat qu’il ne l’avait pensé… même de la part des anciens, qui se souvenaient assurément de ce qu’elle leur avait coûté. En fait, il avait détecté une note très subtile, bien cachée, de fierté à demi coupable envers elle, qui l’avait… surpris. Et la plupart d’entre eux avait des souvenirs nouveaux à prendre en compte… quand elle les avait sauvé de Draco… et encore… des efforts incessants de Xena pour nourrir le village cet hiver… et son courage intrépide pour les défendre, surtout cette nuit sombre où deux groupes de bandits étaient descendus sur eux.

 

Elle s’était tenue dans cette cour, armée uniquement de son épée et d’une tunique fine, et elle les avait tous affrontés, combattant comme il n’avait jamais vu personne le faire. Ou ne le verrait plus jamais, espéra-t-il. Sans s’arrêter jusqu’à ce que les dernières racailles s’enfuient du village comme des belettes, laissant derrière eux des camarades blessés et des chevaux effrayés.

 

Sans qu’aucun ne la touche jamais. Et elle avait attaqué le chef des brigands et l’avait secoué comme un chien. « C’est chez moi ici », lui avait-elle dit. « Et personne ne vient sans permission. Personne. Compris ? »

 

Depuis ce jour, personne ne l’avait fait.

 

Et ça avait été ce qu’un des fermiers en bordure avait dit à un marchand en visite au bar. « Bien sûr… elle est dangereuse, celle-ci. C’est une vraie terreur, aucun doute », avait-il dit. « Mais c’est notre terreur. »

 

Ça disait tout. Dans un monde dangereux, on prenait la sécurité et la tranquillité qu’on trouvait et on en était content. Et il était content d’elle. « Si vous les citoyennes êtes prêtes, je vais rassembler les choses et on peut se débarrasser de la cérémonie, comme ça je pourrait commencer à m’occuper de la bonne bière de ta mère. »

 

Xena sourit et étudia ses mains, puis elle regarda vers Gabrielle. « Tu es prête ? »

 

Elle reçut un rire en réponse. « Comme toujours. »

 

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