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Longestnight8B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Une Si Longue Nuit

 

par Melissa Good

 

Traduction : Fryda

(2006)

 

 

*********

Partie 8B

*********

 

 

Lila soupira tout en attachant le dernier objet dans son sac et en sécurisant le rabat. Leurs affaires avaient été chargées sur le chariot, elle leva les yeux et repéra sa sœur qui rentrait de quelque part dans les collines, accompagnée de sa compagne et de deux des Amazones.

 

Pendant un long moment, elle envia Gabrielle, lui envia la liberté qu’elle possédait de manière si évidente, et l’acceptation totale de qui et quoi elle était, était très apparente. C’était son foyer, Lila s’en rendit compte tristement, d’une manière que Potadeia n’avait jamais été, où tout le monde la respectait, et où la famille de Xena l’aimait comme l’une des leurs. Où personne ne l’obligeait à être ce qu’elle n’était pas, ou la punissait pour être ce qu’elle était.

 

Pas que Lila souhaitait cette vie, non… elle était heureuse avec Lennat, et satisfaite de son futur en tant qu’épouse. C’était juste que… les gamins font des rêves, de ce qu’ils veulent faire plus tard. Les siens avaient été de devenir princesse… dans un château très loin. Ceux de Gabrielle étaient faits d’aventure, et de contes, et de rencontres avec des gens célèbres et d’aller dans des endroits étonnants. Et qu’elle soit damnée si elle ne vivait pas précisément ces rêves-là.

 

Ça avait été… bon sang… le soir avant que les esclavagistes ne les attrapent. Elles étaient dans leur chambre à regarder la lueur de la lune traverser la pièce depuis la fenêtre haute et petite. La journée avait été plutôt bonne, parce que leur père était parti au marché et ne devait pas rentrer avant le lendemain matin. Gabrielle avait accepté de bonne grâce de lui raconter une histoire ce soir-là, une courte, nostalgique, sur un garçon qui était parti à l’aventure et avait trouvé son destin.

 

« C’est une jolie histoire, Bree », avait-elle murmuré, en regardant le visage pâle et tranquille sur l’autre lit. « J’aime bien la partie où il trouve la princesse et tue le dragon. » Mais elle avait été un peu inquiète pour sa sœur aînée… qui devenait très calme ces derniers temps. Les étincelles avaient quitté ses yeux vert clair, et Lila l’avait surprise à rester simplement assise sur un rocher et à regarder la rivière, se contentant de fixer dans le vide, et ce plusieurs fois ces derniers temps.

 

« Merci », avait dit Gabrielle d’une voix atone. « Mais je pense que je vais cesser de raconter ces histoires idiotes », avait-elle finalement admis.

 

Lila s’était redressé et s’était penchée, attrapant le bras de sa sœur avec incrédulité. « Non. Bree ! Tu ne peux pas… elles sont si géniales… comment peux-tu t’arrêter de les raconter ? »

 

Sa sœur avait fermé les yeux et secoué sa tête claire. « Lila… je ne peux pas… ça me fait si mal… de raconter des histoires sur des choses que je ne verrai… ou ressentirai jamais. » Puis elle avait posé le menton sur une main et fixé la jeune fille. « Je suis fatiguée de lutter tout le temps, Lila… c’est trop dur. »

 

« Mais… » Avait protesté Lila. « Bree, ce ne sont que des histoires… c’est quoi le problème ? »

 

Et sa sœur avait mâchouillé sa lèvre pendant un instant avant de répondre. « Juste des histoires… pour toi. Mais pas pour moi… pour moi, elles sont réelles, Lila… elles sont… stupéfiantes… vivantes… elles dessinent dans ma tête quelque chose que je ne peux pas avoir… » Ses yeux s’étaient emplis de larmes. « Des endroits que je ne verrai jamais… des émotions que je ne ressentirai… jamais… Lila, je veux partir et trouver des trésors, faire des choses… et être… je veux compter pour quelqu’un… n’importe qui… »

 

« Bree… tu comptes… tu comptes pour moi… et maman… et un jour tu te marieras, et… tu compteras là aussi », avait dit Lila, en pensant réconforter sa sœur.

 

Elle ne comprit jamais le regard pâle et lointain dans les yeux de Gabrielle. « Ouais », avait fini par dire celle-ci en soupirant. « Tu as raison Lila… je… ferai juste ce que je peux avec ce que j’ai, n’est-ce pas ? »

 

Mais une lumière s’était éteinte, quelque part au fond de ces yeux clairs si différents des siens, noirs, et Lila avait ressentit, au fond de son cœur, que sa sœur perdait quelque chose… l’espoir peut-être… ou elle ne savait quoi. Et elle savait… que ce serait plus facile pour Bree si elle arrêtait avec ses histoires… et qu’elle s’installait simplement, essayait de s’intégrer et de ne pas faire de vagues.

 

Puis la nuit suivante, elle avait vu Gabrielle empaqueter quelques maigres affaires. « Qu’est-ce que tu fais ? » Avait-elle murmuré frénétiquement. Et quand sa sœur avait levé les yeux et lui avait fait face, cette lueur était revenue, et brillait si fort qu’elle pouvait à peine regarder Gabrielle dans les yeux. C’était comme si toutes les histoires… et tous les rêves étaient revenus, et brûlaient en elle.

 

« Tu sais que je ne suis pas comme les autres gens de cette ville, Lila », avait dit Gabrielle, et sa sœur s’était demandé combien de ça était vrai, et combien ce que Gabrielle voulait croire. Tout le monde veut penser qu’il est spécial… mais sa sœur était allée plus loin. Elle avait vu une image de ce qu’elle voulait devenir… et ensuite… elle était juste partie et s’était lancée dans le futur.

 

Ça avait été un acte désespéré, choquant. Mais maintenant, tandis que Lila regardait dans la cour, remplie d’Amazones, et d’êtres de la forêt, et du Centaure, qui se mêlaient à elle et à sa famille avec tellement de familiarité, elle faillit se mettre à rire. « Est-ce cela que tu avais en tête, Bree ? » Songea-t-elle avec un mouvement de la tête. Il faudrait qu’elle lui pose la question un jour.

 

Longtemps ils avaient pensé que Xena avait entraîné la jeune fille. Qu’elle l’avait kidnappée pour ses propres desseins noirs. Mais Lila avait fini par comprendre que c’était tout le contraire, et que les desseins étaient tout sauf noirs.

 

Elle se tenait près du chariot et les regardaient approcher, son regard concentré sur le pas puissant et confiant de sa sœur en rythme avec celui de sa grande compagne. Gabrielle irradiait à la fois de confiance en soi et de joie et elle se rendit à nouveau compte qu’elle était jalouse de Xena. Sa sœur lui manquait… de l’avoir près d’elle pour se confier à elle, faire des projets… Elle soupira. Je suis contente qu’elle soit heureuse… c’est ça l’important.

 

« Ah… voici ta sœur », commenta Hécube en posant quelques affaires dans le chariot. « Je me demandais où elle avait disparu. » Cyrène avait été… vague… sur l’endroit où le barde et sa compagne étaient allées… quelque chose au sujet de rituels d’Amazones, et de bain. Elle n’était pas sûre de vouloir en savoir plus, étant parvenue à la conclusion qu’il y avait des choses dans la vie de sa fille qu’elle ne souhaitait pas vraiment savoir.

 

Gabrielle et Xena changèrent de direction pour venir à leur rencontre, tandis que les Amazones rejoignaient le reste de leur groupe qui rassemblait des provisions.

 

« On dirait que ta famille attend pour partir », dit doucement Xena, en poussant légèrement sa compagne vers l’endroit où le chariot attendait. « Je vais aller déterrer mon fils. »

 

Gabrielle soupira. « Il est enterré quelque part ? » Demanda-t-elle avec facétie. « Oublie… je vais te rattraper dans un petit moment. » Elle savoura le rapide contact des longs doigts sur son cou, puis se dirigea vers sa sœur.

 

« Salut. » Son regard croisa celui de Lila quand elle arriva près du chariot. « Vous êtes en train de ranger ? » Elle appuya son avant-bras sur le bord de la carriole en bois et entrelaça ses doigts, étudiant sa sœur avec une expression neutre. « Est-ce que… tu t’es amusée hier soir ? »

 

Lila se percha sur la plate-forme du chariot et balança les pieds. « Ouais… » Elle eut un sourire pour Gabrielle. « Tu as un groupe d’amis particulièrement intéressant. » Elle jeta un regard alentours. « Et… c’est sympa ici. »

 

Le barde sourit. « Hé… on a été tellement occupées, je n’ai même pas eu l’occasion de te montrer notre maison… viens. »

 

Lila sauta à bas du chariot et suivit obligeamment sa sœur qui donnait des coups de pied dans la neige haute vers leur petit chalet. « C’était… une surprise… quand on est revenues ici », expliqua Gabrielle tout en la précédant dans l’escalier pour ouvrir la porte, avant de s’écarter pour laisser entrer sa sœur et la suivre à l’intérieur.

 

« Oh… » La jeune femme brune laissa passer un rire surpris. « Gabrielle… c’est tellement mignon ! » Elle fit un tour sur elle-même. « J’aime bien les couleurs. » Son visage s’agrandit en un sourire tandis qu’elle faisait le tour de la pièce, touchant quelques babioles du bout des doigts. « Oh… » Son regard passa avec respect sur l’épée de Xena, rentrée dans son fourreau sur la commode, et sur la lourde armure posée sur une petite chaise à côté. Elle souleva le bord de l’armure puis la laissa retomber. « Wow… c’est… comment elle peut porter ça, Bree ? C’est drôlement lourd. »

 

Le barde rit doucement et la rejoignit, soulevant une pièce de l’armure avec amour. « Elle dit que… ça pèse moins quand on la porte… mais… j’ai dû le faire une fois et j’avais l’impression d’être tirée dans le sol, alors je ne sais pas. »

 

Lila cligna des yeux. « Tu as dû la porter ? » Elle souleva la cuirasse et la mit devant sa sœur. « Tu rigoles, hein ? »

 

Gabrielle passa un bracelet et sourit. « Nan. » Elle remua un sourcil. « Tu devrais me voir avec des cheveux noirs… et dans tout ce cuir. »

 

Sa sœur se mit à rire. « Et pourquoi donc tu as dû faire ça ? »

 

Un haussement d’épaules. « Et bien…j’ai dû… je veux dire… elle ne pouvait pas… et je… » Elle garda le silence.

 

« Un de ces trucs que tu ne dis pas ? » Répliqua Lila tranquillement.

 

Callisto, et la fléchette, et cet horrible et sombre moment où elle avait pensé perdre Xena. « Quelque chose comme ça », admit-elle d’une petite voix.

 

Lila leva les yeux au ciel. « Par les dieux Gabrielle… tu me crois encore gamine ? Je peux entendre ça… c’est quoi le problème ? »

 

Le barde se tourna et fit face à sa sœur, lui lançant un regard direct et ouvert. « Tu peux ? Tu peux, Lila… entendre des choses comme le fait que j’ai failli être emportée par Morphée, ou que j’ai survécu à deux défis chez les Amazones, ou que j’ai failli être brûlée vive par une espèce de roitelet en puissance corrompu, ou que j’ai été abattue pendant la guerre civile en Thessalie… tu peux entendre ça sans criser ? »

 

Elle leva son bras habillé du bracelet. « J’ai dû faire ceci parce que Xena avait reçu une fléchette… de la personne qui a tué Perdicas. » Elle s’interrompit et se rapprocha de sa sœur, qui se tenait là, une expression figée sur le visage. « Callisto, qui a failli me tuer… quoi… deux fois ? Et ensuite il y a Velasca, à qui j’ai pris le Masque de Reine et qui est devenue déesse, puis m’a pourchassée dans la moitié de la Grèce avant que Xena ne trouve un moyen de les faire plonger, elle et Callisto, dans de la lave brûlante. » Un autre pas. « Tu veux savoir à quoi ressemble ma vie, petite sœur ? Tu veux ? Vraiment ? » Et elle retint son souffle pour la réponse, espérant que Lila ne lâcherait pas.

 

Celle-ci déglutit et fixa un visage devenu étranger, et des yeux qui n’avaient plus aucune ressemblance avec ceux qu’elle pensait connaître. « Comment peux-tu supporter ça ? » Demanda-t-elle doucement, voulant comprendre la personne que sa sœur était devenue. Effrayée que le gouffre soit trop large pour qu’elle puisse sauter par-dessus, même maintenant.

 

Gabrielle sourit. « J’adore ça », dit-elle dans un semi murmure. « J’adore le défi… j’adore trouver un moyen de réparer les choses… j’adore… gagner. » Elle laissa passer un long soupir. « J’adore faire une différence… changer les choses pour le mieux… j’adore… inventer des histoires. » Comment expliquer autrement le sentiment merveilleux qu’elle avait à l’issue d’une longue journée poussiéreuse, quand elle était fatiguée, et courbatue, mais pouvait regarder les gens en face, les gens qu’elle avait sauvés ? Ou voir l’expression d’émerveillement intrigué sur le visage de Xena quand une petite fille était venue pour l’embrasser… pour avoir sauvé l’unique mule de sa famille ?

 

Ça s’était passé au cours d’une crue, se souvint-elle. Et… oh… par les dieux… pendant quatre jours, elles n’avaient rien fait d’autre que de déterrer ce petit village qui avait pratiquement été enfoui dans la boue.

 

De la boue noire, sale, collante et puante était devenue son seul monde, jusqu’à ce qu’elle soit heureuse de ne plus jamais revoir une seule tache de ce truc de toute sa vie. Xena avait retiré son armure, et travaillait dans une simple tunique usée, repoussant un objet après l’autre, côte à côte avec les villageois mais les dépassant à la fois en force et en résistance.

 

Ils l’avaient regardée avec une fascination gênée, sachant qui elle était, et Gabrielle avait vu les épaules se tendre, et les muscles de sa mâchoire se serrer tandis qu’elle essayait d’ignorer l’anxiété à peine voilée. Cela avait mis le barde en colère et elle s’était mise au travail allant de l’un à l’autre, racontant des histoires qui peignaient Xena sous un autre jour que celui dont leurs souvenirs l’éclairaient. Et tandis que les jours passaient, ils l’avaient observée, et leur attitude avait tranquillement changé.

 

La mule, cependant… dieux. Elle avait été embourbée jusqu’aux épaules et incapable de bouger… et avait paniqué, plongeant et ressortant de la matière gluante jusqu’à en être épuisée, puis elle avait sauvagement lutté à nouveau une fois qu’elle eut repris son souffle. Xena avait pris un bâton et fait de l’espace autour de l’animal nerveux, puis elle avait simplement sauté dans la boue à ses côtés, essayant de la calmer pour pouvoir extirper ses membres tremblants du goudron gluant.

 

Mais la mule… elle n’avait pas compris qu’elle essayait de l’aider et avait commencé à ruer. Gabrielle s’était précipitée, voyant sa compagne s’enfoncer sous les sabots deux fois, mais Xena s’était agrippée au cou décharné en grimaçant, et avait fini par immobiliser l’animal, puis en creusant régulièrement, patiemment, avait réussi à la libérer.

 

Elle n’avait jamais vu Xena aussi épuisée que quand celle-ci avait regardé par-dessus son épaule vers le puits puant. Elle avait mis les mains sur deux morceaux de bois à demi embourbés et s’était soulevée, mais Gabrielle avait vu le boitillement, rapidement masqué, quand elle avait commencé à marcher vers eux. La mule avait frappé deux fois, et le barde pouvait voir une marque rouge, juste sous son genou droit duquel coulait du sang, presque invisible sur sa peau foncée par la boue.

 

Mais un bruit de pas minuscules avait attiré leur attention à toutes deux, et Xena s’était arrêté de marcher, et avait regardé s’approcher, avec précaution, une petite fille vêtue de haillons de laine, qui avait entouré sans peur les genoux incrustés de boue de la guerrière. « Merchi ! » Avait gazouillé l’enfant, tandis que Xena se laissait tomber sur un genou pour l’étudier. « Jolie dame ! »

 

Cela lui avait valu un sourire ironique. « C’est ta mule ? » Avait calmement demandé la guerrière.

 

La fillette avait hoché vigoureusement la tête. « Tetbois. »

 

Xena avait haussé un sourcil. « Quoi ? C’est son nom ? »

 

« Tetbois. » La gamine minuscule avait tendu la main et passé un petit poing sur les cheveux noirs de Xena. « Tête… bois. »

 

« Tête de bois », avait répété la guerrière avec un sourire. « Ça lui va bien. » Elle avait lancé un regard en direction des parents de la fillette qui regardaient avec des sourires timides. « Vous feriez mieux d’aller le laver. »

 

« Sent mauvais », avait approuvé la petite fille et elle s’était éloignée, rattrapant la mule et s’accrochant à sa queue abîmée.

 

Xena s’était lentement relevée et les avait regardés, puis elle avait nonchalamment laissé son regard traîner sur le village sauvé, où les expressions tournées vers elle étaient maintenant de la gratitude et de l’admiration voilée. Puis elle avait levé les yeux lorsque Gabrielle s’était approchée et elle avait fait un demi sourire las au barde. « Je suis quasiment prête pour un long bain dans la source la plus proche que je peux trouver. »

 

Et plus tard ce soir-là, après des heures passées à ôter la boue et à laisser l’eau fraîche et coulante apaiser les douleurs qui, Gabrielle l’aurait juré, allaient jusqu’au fond de ses os, elles s’étaient enfin allongées, dans une clairière odorante et fraîchement poussée, où les senteurs de jasmin et de clou de girofle avaient fini par prendre le dessus sur la puanteur de la rivière.

 

Où les étoiles scintillaient au-dessus de leurs têtes, et le feu de camp tout près craquait, tandis que le barde se blottissait près de Xena sur leur couchage, et replaçait doucement les vêtements trempés d’eau froide sur le bleu méchant causé par le sabot errant de Tête de Bois. « On dirait bien que ça fait très mal », avait-elle dit en regardant Xena lutter pour garder les yeux ouverts, et qui n’essayait même pas, pour une fois, de jouer son rôle de guerrière coriace.

 

« Ouais », avait dit sa compagne en soupirant. « Mais Gabrielle… ces gens… ils n’ont… presque rien… ça valait la peine de leur redonner un peu de ce pour quoi ils ont travaillé toute leur vie. » Quelque part cependant, il y avait la triste connaissance qu’elle avait autrefois passé son temps à prendre justement ces choses à ce genre de personnes, les souvenirs tranquilles obscurcissant le bleu brillant de ses yeux.

 

« J’aime bien aussi ce côté-là », avait répliqué Gabrielle, en se rapprochant avant de se tapoter les cuisses. « Tiens… mets la tête ici et laisse-moi poser un point de suture sur cette entaille sur ton crâne… ça saigne encore un peu. » Et pour une fois, il n’y avait pas eu de discussion, tandis qu’elle sentait le poids s’installer tranquillement sur ses jambes. « C’est pour ça que tu fais ça ? Parce que tu te sens bien après ? »Avait-elle demandé, plus pour distraire Xena de la fine aiguille dans ses mains que pour autre chose. La guerrière n’aimait pas trop avoir des objets pointus devant le visage, bien que le barde sache qu’elle lui faisait entièrement confiance.

 

Xena était restée tranquille si longtemps, les yeux fermés, que Gabrielle l’avait pensé endormie, tandis qu’elle cousait avec soin le point où le coup de pied de la mule avait taillé dans la peau qui couvrait sa tempe. Elle savourait avec nostalgie la sensation de la peau propre de Xena sous ses mains et la fraîche moiteur du dos de la guerrière, refroidi par la rivière, contre ses cuisses. Finalement, Xena avait pris une profonde inspiration et avait levé les yeux vers elle, et Gabrielle s’était rendu compte qu’elle avait réfléchi tout le temps.

 

« Non », reçut-elle dans une réponse pensive. « J’avais l’habitude de penser que je faisais ça comme une sorte de punition… pour tout ce que j’avais fait auparavant. » Un léger haussement d’épaules. « Puis j’ai pensé… que j’avais l’obligation de le faire… pour Hercule… pour toi… pour tous les gens que j’avais blessés. »

 

Gabrielle était restée immobile, seuls ses doigts bougeaient nonchalamment, passant d’un air absent dans les cheveux noirs de Xena. « Et maintenant ? »

 

Un autre haussement. « Maintenant… je le fais parce que… je sens que c’est la chose la plus juste à faire. Je… je n’y réfléchis pas vraiment. » Elle avait levé les yeux. « C’est dingue, hein ? »

 

« Nan », avait répondu Gabrielle, puis elle s’était interrompue, se rendant compte de ce que faisait sa main, et sachant que ça n’était que le pur épuisement de la guerrière qui l’empêchait de réagir. Avec embarras, elle arrêta son mouvement, puis prit une profonde inspiration. Ça devenait si… dur… de ne pas le faire. « Je pense que… heu… je veux dire que je ne… » Ça n’avait rien changé… ces yeux bleus avaient capturé les siens, et lui liaient la langue. « Euh. » Elle reprit frénétiquement le contrôle de sa langue. « Hé… c’est aussi pour ça que je le fais. Ça me semble la chose la plus juste à faire. »

 

Xena haussa un sourcil noir et taquin et recourba un coin de sa bouche. « Ah oui, c’est ça, hein ? »

 

« Euh… ouais », avait répondu Gabrielle, pas vraiment sûre de savoir ce que voulait dire sa compagne.

 

« Alors tu devrais continuer », avait répliqué Xena, gravement, tandis qu’elle fermait les yeux et croisait les mains sur son estomac.

 

Gabrielle était restée coite, se demandant avec perplexité s’il était possible que la guerrière flirte avec elle même de loin. Nan, avait-elle conclu, mais un œil bleu s’était ouvert et l’avait regardée, avec une étincelle très tendancieuse. Elle avait repris avec précaution son mouvement léger et l’œil s’était refermé avec contentement. « D’accord », avait-elle murmuré doucement, et elle avait vu le léger sourire pincer les lèvres de Xena en réponse.

 

Lila reposa la pièce d’armure et prit une inspiration. « Gabrielle… ça… tout ça… me fiche sacrément la frousse, je ne te mentirai pas. » Elle croisa les yeux verts intenses avec détermination. « Mais… je veux quand même savoir… ce que tu fais, et les choses qui t’arrivent. Peu importe si elles sont effrayantes… je veux que tu saches que tu peux toujours m’en parler. » Elle s’avança vers Gabrielle et leva une main pour la poser contre la joue de sa sœur. « Tu es ma sœur… et je me fiche de combien de dieux te courent après, ou combien de seigneurs de guerre… ça ne changera rien pour moi. »

 

Gabrielle sourit. « Merci », répondit-elle simplement. « J’espérais que tu dises ça. » Elle entoura Lila de ses bras et l’embrassa. « Peut-être que quand nous sommes ici… nous pouvons vous rendre visite plus souvent. »

 

Lila lui rendit son étreinte, sentant le corps mince et musclé sous ses mains, tout en secouant légèrement la tête. « J’aime cette idée », répondit-elle tandis qu’elles se relâchaient et reculaient d’un pas. « Alors… où est-ce que vous êtes parties ce matin ? » Elle s’avança et s’assit sur le bord du lit. « Hé… c’est plutôt peinard, soeurette. »

 

Le barde sourit et s’assit près d’elle. « Ouais… ça l’est, je sais… Xena m’a donné du fil à retordre quand on est venues ici la première fois… mais je pense qu’elle y a pris plaisir elle aussi. » Elle tapota le tissu. « Hum… et bien, il y a cette grotte avec une source chaude… on y est allées pour se détendre… en quelque sorte. »

 

« Ah », dit Lila. « Alors tout ce galimatias au sujet des rites Amazones c’était juste des crottes d’écureuil hein ? »

 

Gabrielle se frotta le nez. « Et bien…. En quelque sorte. Ephiny et Eponine se sont collées du… de la teinture bleue de Cyrène sur elles… il fallait qu’on l’enlève. » Pas besoin d’être brutale… pas vrai ? « C’était une sorte de… farce. »

 

L’expression de Lila s’illumina. « Vraiment ? Qui aurait le cran de faire une farce à ces deux-là ? »

 

Le barde lui lança un regard ironique. « Qui crois-tu donc ? » Elle se leva et s’étira. « Allez… maman et papa vont se demander où tu as disparu toi aussi. »

 

Lila se leva et mit la main sur l’épaule de sa sœur. « Attends une minute… tu n’es pas en train de me dire que Xena fait ce genre de truc, hein ? » Elle remua l’autre main. « J’y crois pas, Bree, elle fait des blagues ? ? »

 

Gabrielle soupira et la tira. « Oh oui… et pas qu’un peu… c’est la pire de tous. » Elle sentit Lila s’arrêter et se tourna pour regarder le visage perplexe de sa sœur. « Ecoute… » Elle leva la main et la laissa retomber sur l’amure en cuivre. « Elle ne… je veux dire que, elle a combattu la plus grande partie de sa vie, Lila… depuis qu’elle n’était qu’une gamine… et parfois, au début de notre rencontre, je regardais ses yeux et si j’avais de la chance, et que j’étais vraiment rapide, je voyais cette gamine me regarder avec un peu de nostalgie. » Elle s’interrompit et traça les dessins emberlificotés de l’armure avec nonchalance. « Mais je pensais… la même chose que toi. Qu’il était hors de question que cette combattante coriace et méchante puisse jamais baisser sa garde suffisamment pour même apprécier… » Elle remua la main. « Un coucher de soleil… ou… une belle fleur. » Elle soupira. « Encore moins faire des blagues à quiconque. »

 

« Et alors… qu’est-ce qui s’est passé ? » Demanda Lila doucement, avec curiosité. « Tu sais… tu es un peu comme ça aussi. » Elle hésita. « Un peu… je veux dire, pas cynique, ou quoi… mais… tu as toujours agi comme une adulte. »

 

Gabrielle la regarda pensivement. « Ouais, je pense que oui. » Elle laissa un petit sourire recourber ses lèvres. « Il y a eu ce jour… »

 

Ça avait été une très belle journée, très tranquille, en fait. Elles avaient traversé un coin particulièrement difficile toute la journée, et n’avaient pas vu âme qui vive. Et cela lui allait très bien, vraiment… personne, ça voulait dire pas d’embêtements pour Xena, et c’était toujours une bonne chose.

 

Juste des écureuils curieux, et un ou deux lapins de ci – de là, des oiseaux qui les épiaient du coin de l’oeil… et la senteur enivrante des premières fleurs de printemps qui poussaient au-dessus d’elles tandis qu’elles traversaient les champs en jachère avec leurs nouvelles couleurs, la brise fraîche amenant un sourire même sur le visage sévère de Xena.

 

Elle avait juste ressenti comme… c’était tout simplement bon d’être vivante, et ici… à respirer cet air, et à sentir la lumière du soleil sur elle, qu’elle avait attrapé une poignée des fleurs compactes pourpres et blanches qu’elle avait dénommées boules de neige, à cause des pétales fins et plumeux qui se détachaient et flottaient au loin au moindre souffle.

 

Puis elle s’était cognée dans Xena, qui se tenait là, adossée à un arbre couvert de mousse, à regarder Argo boire dans le ruisseau proche, et… sans vraiment y réfléchir, elle avait soufflé toute sa poignée de fleurs droit dans le visage de la guerrière.

 

Où elles s’étaient logées dans ses cheveux noirs et avait produit une expression étonnée dans ces yeux bleus habituellement froids.

 

Elles s’étaient regardées pendant une éternité, et Gabrielle avait retenu sa respiration, se rendant compte qu’elle marchait sur une corde raide entre une très mauvaise erreur, et quelque chose… d’autre.

 

Puis un sourcil noir s’était dressé et un minuscule sourire espiègle avait pris possession de ce visage si sérieux, et juste après, Gabrielle se retrouvait à rouler dans les boules de neige, les trucs blancs duveteux tombant sur elle comme un nuage tandis qu’elle se sentait soulevée et doucement lancée dans le bosquet le plus proche de ces fleurs, surprise par le bruit sourd de Xena qui se laissait tomber près d’elle, tandis que les pétales flottaient comme des flocons de neige entre elles.

 

Et alors elle avait regretté ce fichu nouveau vêtement Amazone, qui exposait son ventre parce que Xena l’avait chatouillée sans merci jusqu’à ce qu’elle en perde le souffle de rire, réalisant que celle-ci riait aussi, essayant de se défendre contre ses battements de bras effrénés.

 

Ça avait été si bon que ça l’avait presque fait pleurer. Elles avaient fini par s’effondrer dans l’herbe, à regarder le ciel nuageux tandis que le reste des boules de neige se posait autour d’elles. Gabrielle avait lancé un regard à demi coupable vers sa compagne, sûre que Xena allait être furieuse d’avoir été amenée à baisser sa garde, et croyant à peine que ça ait pu marcher un peu.

 

Mais sa respiration s’était bloquée dans sa gorge à la vue du regard presque perdu en face d’elle, et qui avait disparu en un clin d’œil, pour être remplacé par une lueur plus normale et plus intimidante. Elle avait regardé la gamine disparaître lentement dans cette place sombre où Xena la gardait, et elle avait ressenti de la perte.

 

Ce qui avait dû se voir dans son regard parce la gamine s’était arrêtée, la porte presque fermée, et avait hésité. Puis elle avait laissé la porte… légèrement… ouverte.

 

« C’était marrant », avait dit le barde.

 

Elle n’avait reçu qu’un fichu haussement de sourcil en réponse, et un soupçon de retour du sourire espiègle.

 

« Après ça… ça a été plus facile… j’ai juste continué à creuser et creuser et j’ai réussi à la faire s’ouvrir. » Gabrielle soupira de joie. « C’était plutôt dur… mais ça valait la peine. »

 

Lila sourit. « Je vois ça. » Elle mit la main dans le coude de Gabrielle et alla vers la porte. « Il faudra que je m’en souvienne… et que je la guette. » La jeune femme brune rit doucement. « Vous deux… vous allez nous rendre visite de temps en temps, hein ? »

 

« Tu paries », la rassura Gabrielle tandis qu’elles sortaient de la cabane.

 

************

 

Xena s’arrêta en posant la main sur la porte de l’écurie, ses sens en alerte aux bruits en provenance d’un petit corps qui se cachait à l’intérieur. Un sourire s’installa sur ses lèvres tandis qu’elle tirait sur la porte, entrant nonchalamment avec un air totalement dépourvu d’intérêt.

 

Elle fit quelques pas vers Argo, mesurés et délibérés, laissant son oreille filtrer les légers bruits du foin qui bougeait furtivement, et la respiration presque silencieuse, ainsi que le murmure du tissu sur la peau.

 

« Alors ma grande. » Elle salua la jument qui hennit et mit son museau sur son ventre. Elle entendait le bruit léger de bottes qui grattaient le sol de l’écurie, les semelles qui râclaient si doucement le foin étendu et les ballots éparpillés partout. « Tu es d’humeur pour une petite ballade un peu plus tard ? » Elle pencha la tête contre le front de la jument. « Je sais… je l’ai entendu », murmura-t-elle dans l’oreille dorée, qui remuait d’avant en arrière.

 

Un élan de pas légers et elle attendit que son attaquant caché soit pratiquement sur elle, puis elle s’élança vers le plafond, se retourna dans un saut dorsal tandis qu’un petit corps se précipitait sous elle et finissait dans les jambes d’une Argo amusée. Elle atterrit avec un bond et sourit à Solan qui mit ses petites mains sur ses hanches et lui jeta un regard noir.

 

« C’est pas juste ! ! » L’accusa-t-il. « J’étais vraiment silencieux. »

 

Xena prit la même pose et mit également les mains sur ses hanches tout en lui lançant un regard sous ses sourcils dressés. « Ah oui ? Il va falloir t’entraîner plus que ça… voyons, tu as démarré de derrière cette selle là-bas, ensuite tu es venu vers la table, puis tu es passé sous la rambarde. » Elle sourit. « C’est juste ? »

 

Il sourit en retour. « Wow… t’es la meilleure. » Il courut vers elle et sauta, riant tandis qu’elle le rattrappait et le projetait vers une balle de foin, plongeant derrière lui avant de commencer un long jeu de tunnel fatigant dans le ballot, qui les fit sortir de l’autre côté couverts de poussière, de foin et de graines.

 

Solan souffla pour écarter les cheveux de ses yeux et sourit de ravissement, puis il crapahuta sur la surface mouvante et se blottit contre sa mère, qui l’entoura volontiers de ses longs bras et s’installa dans un nid confortable dans le foin.

 

« Alors… tu es prêt à partir ? » Demanda tranquillement Xena, savourant la chaleur de son petit corps contre le sien. « Tu auras pas mal de compagnons sur le chemin du retour. »

 

Il laissa passer un soupir. « Je préfèrerais rester ici avec toi. » Ses yeux bleus étaient plaintivement tournés vers elle.

 

Bon sang. Xena lui effleura doucement les cheveux. « Bientôt, Solan… Gabrielle et moi on a des choses à faire… des endroits à voir et on va partir d’ici très bientôt. Mais quand on reviendra… » Elle sourit timidement.

 

« Je pourrais venir vivre ici ? » Demanda-t-il doucement. « Vraiment ? » Il gigota un peu. « C’est… maman, c’est pas que j’aime pas papa. Je l’aime. » Il fronça les sourcils. « Et… j’aime bien les Centaures… beaucoup… et tous mes amis… et même certaines Amazones. » Il fit une pause. « Quelquefois. »

 

Xena réfréna un sourire. « Ouais… moi aussi », admit-elle. « Quelquefois. Mais elles peuvent être un peu étranges. »

 

« Ohhh ouuuaaiiis… » Acquiesça-t-il avec une expression espiègle. « Bon sang… ce qu’elles t’aiment », dit-il, momentanément distrait. « Elles pensent que t’es sexy. »

 

« Solan ! » La guerrière se sentit rougir. Par les dieux… il grandit.

 

Il gloussa. « Ben si ! ! ! » Il se calma soudainement. « Maman ? »

 

Xena perçut son changement d’humeur et le regarda. « Quoi ? »

 

Il jouait avec les lacets de sa tunique et concentra son regard sur le col de la chemise de Xena. « Heu… j’ai entendu Iolaus parler à Hercule… hier soir. Il parlait de Gabrielle… et il disait… » Il s’interrompit.

 

La guerrière prit doucement son menton dans sa main et lui pencha le visage vers le haut. « Quoi, Solan… qu’est-ce qu’il disait ? »

 

« Il disait que son papa lui faisait du mal. » Les yeux bleus scrutaient son visage avec anxiéte. « C’est pas vrai hein ? »

 

Oh bon sang. Xena déglutit, perdant soudainement pied. « Hum… » Elle poussa un long soupir. « Solan… c’est… » J’ai tellement de problèmes non résolus avec ça… les dieux seuls savent comment elle ressent ça.

 

Il cligna des yeux. « C’est vrai. » Son visage se figea. « Je veux pas que ce soit vrai… ça n’est pas juste. »

 

Elle hocha la tête d’un air malheureux. « Oui… c’est vrai… mais Solan, tu ne peux pas en parler… s’il te plait… surtout pas à Gabrielle. » Elle hésita. « Elle est… c’est quelque chose qui l’ennuie beaucoup. »

 

« Je dirai rien », répondit lentement le jeune garçon. « Maman… elle est tellement gentille… comment on peut vouloir lui faire du mal. »

 

Pourquoi. Fichue bonne question. « Je… ne sais pas… » Finit-elle par dire. « Il est… c’était quelqu’un de coléreux, je pense… et il… s’en prenait à tout le monde… et à tout ce qu’il pouvait. » Elle soupira profondément. « Et… elle était… juste une cible. » C’est pour ça que je l’ai donné lui à Kaleipus, n’est-ce pas ? J’étais effrayée à l’idée de faire… pire ?

 

Solan posa sa tête contre son épaule. « Tu es en colère pour ça ? »

 

« Ouais », répondit Xena calmement. « En colère que ça soit arrivé, et que je n’ai pas pu l’empêcher… ouais. »

 

« Mais… » Solan fronça les sourcils. « Il est ici… c’est bon maintenant ? Comment elle a fait pour qu’il arrête ? »

 

La guerrière sourit un peu. « Et bien… Solan… hum… elle a quitté la maison, et elle a trouvé ce… vieux seigneur de guerre grincheux à qui s’accrocher. » Elle laissa passer un léger soupir. « Et hum… et bien, elle sait… et… heu il sait, que je ne vais pas laisser ça se reproduire jamais, d’accord ? »

 

Il la regarda sobrement. « Je pense qu’elle a fait le bon choix », clama-t-il, en étudiant son visage. « Et je pense pas que t’es vieille ou grincheuse du tout. »

 

Xena lui sourit doucement. « Ah oui, hein ? »

 

« Nan. » Il secoua vigoureusement la tête, puis lui fit un sourire espiègle. « Et je parie que Gabrielle le pense pas non plus. » Son visage redevint sérieux. « Tu… laisseras personne lui faire du mal, pas vrai ? » Il fronça tout son visage. « Parce que je l’aime vraiment beaucoup, et je ne veux pas qu’il arrive encore des mauvaises choses. »

 

Xena plaça la petite tête sous son menton et le berça doucement. « Fils… ce que nous faisons… ce que… Gabrielle… et moi nous faisons… nous… » Elle hésita. « Nous essayons que les choses aillent mieux pour des gens qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes. » Elle le sentit se blottir un peu plus, et qu’il l’écoutait. « Et parfois… c’est dangereux pour nous… mais… nous devons le faire quand même… parce que nous pensons… que ça vaut la peine de risquer des choses pour que d’autres gens aient des vies meilleures. » Est-ce que j’y crois vraiment ? Bonté divine… je ne peux pas croire que je viens de dire ça. « Est-ce que… tu comprends ce que je dis, Solan ? »

 

« Oui… » marmonna-t-il doucement. « Je sais… mais… je… j’avais peur… quand on était dans ces cages… ils étaient tellement méchants avec elle… et elle était si courageuse… je veux pas que qu’il lui arrive quelque chose… ou à toi… pas… pas maintenant. » Sa voix se brisa. « Je… je veux… » Il serra les mains sur sa tunique. « Maman… je viens juste… de te retrouver… je veux pas te perdre encore. »

 

Xena sentit son cœur plonger, puis trébucher. « Solan… hé… » Elle soupira. « Ecoute… je te promets… que je ferai de mon mieux pour que rien n’arrive à aucune de nous deux… Ok ? »

 

Il leva les yeux. « Tu promets ? »

 

La guerrière hocha la tête d’un air sérieux. « Je le promets. »

 

« Mmm… » Il cogna légèrement son épaule. « C’est ok alors… parce que t’es la meilleure. » Il leva les yeux avec un air déterminé. « Personne est plus coriace que ma maman. »

 

Xena carra les épaules sous son regard idolâtre. Ouais… peut-être. Maintenant tout ce que j’ai à faire, c’est m’assurer que ça dure. Elle soupira intérieurement. « Je m’en sors bien », se permit-elle de dire en le prenant dans ses bras. « Allez… tu vas te nettoyer et te préparer pour partir. » Elle se leva en le prenant dans ses bras et sautilla hors de la balle de foin, le faisant rire en réaction, puis elle le posa et le brossa avant de l’emmener vers la porte.

 

« Hé… Cait ! » Cria Solan en sortant alors qu’il repérait son amie. « Elle est bien. Pour une fille », confia-t-il à sa mère.

 

« Oh vraiment », commenta Xena tandis que la tête blonde s’approchait d’eux. « Salut Cait. »

 

« Salut… super fête. » La jeune fille sourit. « J’aurai plein d’histoires à raconter aux autres quand je rentrerai…. Ça va me prendre des jours. »

 

Xena tressaillit. « Heu… bien…génial. » Elle soupira. Génial. Tout simplement… merveilleux… j’ai toujours voulu être une pourvoyeuse d’histoires pour une meute d’Amazonnettes lunatiques. « Tu… heu… fais attention sur le chemin du retour, Ok ? »

 

La jeune fille sourit. « T’inquiète. » Son regard croisa tranquillement celui de Xena. « Allez Solan… tu me donnes un coup de main pour nos affaires ? »

 

Xena s’agenouilla et Solan mit les bras autour d’elle, l’étreignant avec fougue. « Tu te rappelles hein… t’as promis ? » Murmura-t-il avec force dans son oreille.

 

La guerrière ferma les yeux et essaya de mémoriser la sensation de son corps contre le sien. Il semblait si… petit… et fragile. « Je me rappelle », dit-elle dans son oreille. « On se revoit à l’automne. » Elle fit une pause. « Ou peut-être avant… on sait jamais. »

 

Il l’étreignit une dernière fois puis la relâcha en lui souriant. « Je t’aime, maman. »

 

Elle lui sourit. « Je t’aime aussi, Solan. » Et elle se releva, et le regarda courir pour rejoindre Cait, qui luttait pour soulever un lourd sac Amazone et le placer sur un des chevaux. Elle se retourna pour voir qu’Ephiny la regardait. « Hé. »

 

L’Amazone s’approcha et s’arrêta près d’elle. « C’est un gentil gamin, Xena. »

 

La guerrière lui jeta un coup d’oeil. « On croirait pas que c’est le mien, hein ? »

 

Ephiny ricana. « Quelque chose comme ça… il est gentil, aimant… innocent… » Elle savourait un moment rare où Xena était destabilisée.

 

Celle-ci haussa un sourcil noir. « C’est lui qui a mis le bol dans votre chambre », dit Xena d’un ton traînant, en croisant les bras tout en sautillant légèrement sur le bout des pieds. Hé, j’tai eue.

 

Il y eut un silence de mort pendant un instant. « Bon sang… » Ephiny finit par rire. « Les chiens font pas des chats, hein ? »

 

Xena se retourna lentement et la regarda. « J’espère que c’est la seule ressemblance que j’entendrai jamais. »

 

Ephiny s’avança avec la même expression sérieuse. « Trop tard pour ça, Princesse Guerrière. » Elle regarda Xena droit dans les yeux. « Il est courageux, et loyal, et aimant, et il a un grand cœur. Et je sais exactement de qui toutes ces choses lui viennent. » Elle s’interrompit. « Même si tu préfèrerais chevaucher une Bacchae à cru plutôt que de l’admettre. »

 

La guerrière l’étudia en silence, une subtile émotion passant sur son visage. Puis l’expression de froideur céda la place à un sourire chaleureux, et elle cogna l’épaule d’Ephiny. « Merci, Eph. » Elle pointa du menton le groupe qui se rassemblait rapidement. « Vous avez tout ce qu’il vous faut ? »

 

« Ouais. » L’Amazone hocha la tête, puis baissa les yeux. « Ecoute… je veux aussi te remercier. » Elle leva les yeux vers le visage de Xena. « Merci de m’avoir sauvé la vie… et d’avoir risqué la tienne pour le faire. » Elle cligna des yeux. « Les Amazones te sont encore redevables. »

 

Un haussement d’épaules. « Contente d’avoir été là, Ephiny… désolée que tu aies été si malade… je sais que c’était une plaie pour toi. »

 

« Mph… » Ephiny remua la main. « Etre malade n’a pas été marrant, non… mais… » Elle s’adossa au mur de l’écurie et croisa les bras. « Je me sentais moche ces derniers temps… vraiment fatiguée et j’avais tout le temps ces maux de crâne », admit-elle tranquillement, en levant les yeux avec une grimace à la vue de l’expresson inquiète de Xena. « Ouais, ouais… je sais… t’inquiète pas… je pense que c’était la façon qu’avait mon corps de me dire que j’avais besoin d’une pause. Bon… c’est pas ce que j’avais en tête… mais ça a l’air d’avoir marché… à part la toux, je me sens super bien. » Elle haussa les épaules. « Alors… je sais pas… peut-être que ça a eu du bon finalement. »

 

Xena l’étudia attentivement. « Peut-être », dit-elle d’un ton traînant. « Tu ferais bien te prendre soin de toi… ou bien je devrai en parler à ta chef. »

 

Ephiny haussa un sourcil clair et ricana. « MA chef ? » Lâcha-t-elle doucement. « Comme si… comme si elle te tenait pas au creux de sa petite main. » Elle cogna doucement Xena du coude. « Allez… admets-le. »

 

La guerrière haussa un sourcil à ces mots mais ne dit rien, préférant fixer l’autre côté de la cour vers l’activité autour du groupe qui s’assemblait.

 

Oups… j’ai passé la limite, je pense. Ephiny soupira pour elle-même. Moi et ma grande gueule. « Ecoute… désolée… c’est inapproprié. »

 

Le regard bleu croisa soudain le sien, puis Xena pinça la bouche en un sourire ironique et hésitant. « Non… tu as raison. » Elle haussa légèrement les épaules. « Ça prend juste du temps pour m’y faire… c’est une première. »

 

Ephiny cligna des yeux. « Allez, Xena… sûr que tu… »

 

Une main l’interrompit, légèrement posée sur son épaule. « Pas comme ça. » Elle hésita. « Ecoute… Ephiny… je peux te demander une faveur ? »

 

L’Amazone plissa le front. « Bien sûr… tu sais bien que tu peux. »

 

Le visage de Xena se figea un long moment. « Ecoute… les choses arrivent, pas vrai ? » Dit-elle à voix basse. « Ephiny, si quelque chose m’arrive jamais, elle aura besoin d’une amie. Pourrais-tu… »

 

« Quelle question stupide », répliqua sèchement la régente Amazone. « Tu sais bien, Xena. » Elle s’interrompit et leva une main hésitante, puis la retira. « Mais… laisse-moi te dire quelque chose, OK ? J’étais là… la dernière fois… et… je me suis sentie plutôt inutile. »

 

La lumière vacillante des chandelles avaient révélé une forme calme et sombre aux yeux d’Ephiny quand elle était entrée dans les quartiers de la Reine, juste après le coucher du soleil. Le masque… venait d’être pris… et tout ce qui restait c’était le bûcher funéraire de Xena pour le lever de soleil à venir, et ensuite…

 

Mais en regardant le visage figé de Gabrielle, Ephiny s’était rendu compte que les choses étaient loin d’être résolues dans l’esprit de sa jeune amie. Elle avait remarqué la pâleur extrême du barde, et les cercles noirs sous ses yeux, et comment elle se repliait inconsciemment dans sa douleur.

 

Ce que, pensa Ephiny en soupirant, elle ressentait. Et elle s’était rendu compte que ça prendrait du temps… Par la Grande Artémis… elles étaient si proches… un couple d’amies si improbable, mais si amies pourtant, reliées par leurs voyages et leurs aventures, et par un courant profond et sous-jacent d’affection qui ne tenait aucun compte de leurs différences.

 

Elle s’était avancée et avait posé doucement la main sur le haut du bras de Gabrielle, surprise de sentir le froid. « Hé… tu vas bien ? »

 

Pendant un long moment, Gabrielle n’avait pas répondu, puis elle avait dégluti et hoché la tête. « Ouais… bien sûr… je vais bien. Va… te coucher Ephiny… la journée va être longue demain. » Sa voix avait semblé un peu fatiguée, mais elle avait réussi à sourire à l’Amazone, avec un air un peu convaincant.

 

« Tu… tu es sûre que tu ne veux pas que quelqu’un reste ici avec toi ? » Avait calmement demandé Ephiny. « Ce n’est pas un problème, Gabrielle… ceci doit être plutôt étrange à tes yeux. »

 

Le barde l’avait regardée droit dans les yeux. « Tout est étrange, Ephiny… je… il faut juste que je m’y habitue, c’est tout. »

 

Elle avait ressenti une profonde compassion pour la jeune fille, et elle était tranquillement surprise par son courage. « Gabrielle… je sais que c’est très dur pour toi en ce moment… mais… les choses iront mieux… ça prend juste un peu de temps. »

 

Le barde avait lentement hoché la tête. « Je sais… un jour ça fera moins mal. » Elle s’était interrompue. « Un jour j’arrêterai d’écouter sa voix. »

 

Ephiny avait eu l’impression qu’une main serrait son cœur, mais elle était restée silencieuse et avait attendu.

 

« Un jour, j’arrêterai de lever les yeux en m’attendant à la trouver là », avait continué Gabrielle, presque d’un ton distant. « Un jour, j’arrêterais de me réveiller en souhaitant ne pas l’avoir fait. » Elle avait cessé de parler tandis qu’une larme légère coulait le long de sa joue. « Ephiny, elle me manque tellement. » Ces derniers mots étaient sortis dans un murmure rude, et l’Amazone avait entouré la jeune femme de ses bras et s’était contentée de l’étreindre.

 

« Je sais que tu le feras », avait-elle répondu tristement. « Et je pense qu’elle le sait aussi. »

 

« Je donnerais n’importe quoi pour qu’elle revienne », avait dit Gabrielle en pleurant doucement. « Même… juste pour une minute… pour que je puisse… juste… lui dire au revoir… il y a tellement de choses… que je veux lui dire. »

 

« Je sais. » Ephiny avait soupiré et massé légèrement le dos du barde. Pauvre enfant, avait-elle pensé, elle aimait vraiment le vieux cheval de guerre. « Hé… tu as besoin de repos… pourquoi tu ne viens pas chez moi, hein ? Ce n’est pas bon pour toi d’être ici toute seule. »

 

Elle avait senti le barde prendre une inspiration profonde et la relâcher lentement. « Non », avait-elle répondu calmement, d’une voix presque distante. « C’est une chose à laquelle je dois m’habituer. »

 

L’Amazone avait reculé d’un pas et l’avait prise par les épaules. « Gabrielle, tu ne seras pas toujours seule… tu le sais ça. »

 

Et ces yeux verts, bien plus âgés que la première fois qu’elle les avait vus, s’étaient cloués dans les siens. « Une partie de moi le sera toujours, Ephiny. » Son regard s’était concentré sur quelque chose au loin. « La partie de moi qui est elle… qui est partie maintenant. » Puis elle avait carré les épaules. « Allez… va dormir. »

 

Ephiny avait hoché la tête et l’avait relâchée. « Toi aussi », avait-elle dit, mais tandis qu’elle sortait, laissant derrière elle cette silhouette silencieuse et solitaire, elle avait senti que son conseil ne serait pas entendu.

 

Xena attendit que l’Amazone s’arrête de parler, qu’elle finisse de relater des événements dont elle-même… avait été le témoin silencieux. « Je sais… ça a été vraiment très dur pour elle », dit-elle calmement, se souvenant d’avoir observé le barde après le départ d’Ephiny, la regardant se replier sur elle-même, blottie avec son petit agneau. Elle voulait désespérément la toucher… faire quelque chose… n’importe quoi… elle entendait chaque pensée solitaire dans l’esprit épuisé du barde parce que la plupart d’entre elles était dirigée vers elle.

 

Ephiny scruta le visage de la guerrière. « C’est… c’est pour ça que tu es revenue, n’est-ce pas ? » La question sortit avant même qu’elle ne puisse la censurer, et elle tressaillit.

 

Xena l’étudia un long moment, son visage tel un masque inexpressif, puis elle soupira, et ferma ses yeux bleus puis pencha la tête dans un hochement imperceptible. « C’était la seule raison qui avait de l’importance », répondit-elle tranquillement, puis elle s’interrompit à la sensation d’une présence familière.

 

« Hé ! » La voix de Gabrielle brisa le silence. « Pourquoi vous êtes si sérieuses toutes les deux ? » Elle les regarda tour à tour, avant de se glisser près de Xena et d’entourer le bras de sa compagne de sa main. « S’il vous plait, venez saluer tout le monde… ils pensent que vous faites la tête. » Elle s’interrompit. « A quel sujet, ça j’en ai aucune idée. »

 

« Moi ? Faire la tête ? » Xena prit une inspiration forte, puis lui lança un regard blessé. « Nan. Viens, Ephiny. »

 

L’Amazone sourit tranquillement et se dirigea vers le groupe en partance, les laissant marcher plus lentement derrière elle. « Tout… va bien ? » Risqua Gabrielle, le front légèrement plissé. « Tu as l’air plutôt lugubre. » Elle hésita. « Et je heu… » Elle se tapota le ventre dans le signal inconscient qu’elles utilisaient pour indiquer la connexion entre elles. « Je pensais que quelque chose te taraudait. »

 

La guerrière fit quelques pas en silence. « Ouais… Eph me remerciait », répondit lentement Xena. « Tu as déjà salué tes parents ? »

 

Gabrielle hocha la tête. « Ouais… » Changement de sujet… est-ce que je laisse passer ? Oui… pour l’instant. « Ça a été sympa de voir tout le monde. » Elle fit une pause.

 

« Mais ? » Questionna Xena avec un sourire connaisseur.

 

Le barde lâcha un léger soupir. « La paix et la tranquillité sont sympas aussi. »

 

« Mmm. » Sa compagne approuva tranquillement. « Tu penses que je pourrais te tenter avec une soirée agréable et tranquille près du feu ? »

 

Gabrielle sourit tranquillement pour elle-même, en pensant à la première soirée qu’elles avaient passée dans leur nouveau foyer.

 

« Xena, fais un effort », avait dit le barde en soupirant et en levant les yeux au ciel à l’attention de sa compagne ronchonnante, qui faisait les cent pas sur le sol fraîchement posé de leur cabane. « Allez… c’est sympa ici. » Le dîner était passé depuis longtemps et elle avait convaincu la guerrière de revenir à la cabane, où Xena avait commencé à ronchonner au sujet du confort moelleux que sa mère avait prodigué.

 

« Je n’ai pas dit le contraire », avait grogné Xena. « C’est pas le sujet… » Elle avait remué les mains. « Je ne peux pas croire que je me laisse entraîner dans tout ceci. » La tension coulait de la guerrière comme de l’eau, éclaboussait le sol et faisait tressaillir Gabrielle en réflexe.

 

Elle savait que les paroles n’y feraient rien… alors elle s’était contentée de se mettre hors du chemin, et avait pris un pot d’eau, avait mesuré et versé des herbes dans deux tasses tandis que sa compagne continuait à marcher et à fulminer tout en secouant la tête.

 

Elle avait attendu que l’eau bout puis avait laissé les herbes infuser, mélangeant deux cuillerées de miel pour faire bonne mesure. Puis elle avait pris les tasses et était allée à la table basse devant l’âtre et les avait posées.

 

« Xena ? » Elle avait tapoté un des coussins sur le canapé à l’air confortable d’un air absent.

 

« Quoi ? » Avait-elle reçu en réponse exaspérée de la part de la guerrière toujours en mouvement, qui s’approcha et jeta un regard noir au lit, le tapotant tout en secouant la tête.

 

« Tu peux venir ici un moment ? » Avait demandé le barde doucement.

 

La guerrière avait laissé passer un soupir rauque, puis elle était venue en tapant des pieds, les mains sur les hanches tout en penchant la tête vers Gabrielle. « Quoi ? » Avait-elle demandé à nouveau.

 

Gabrielle s’était assise, les mains sur ses cuisses et elle avait observé sa compagne avec une expression pensive. Ça avait marché. Xena s’était laissé tomber sur le canapé près d’elle, les coudes sur les genoux, et étudiait ses mains. « Désolée », s’était-elle excusée après un moment intensément silencieux. « J’ai l’air ridicule hein ? »

 

Le barde avait eu un léger sourire. « Non… tu as l’air effrayée. » Elle avait fait une pause. « Est-ce que… tout ça c’est trop pour toi ? »

 

Un silence de mort s’était installé un long moment, tandis que Xena fixait le parquet. Puis elle avait levé la tête et posé le menton sur une main. « Peut-être. » Elle avait lâché un long soupir et regardé alentours, à s’imprégner de l’endroit confortable, puis elle avait posé son regard sur les traits de Gabrielle éclairés par la lueur du feu. « Ça fait longtemps que… avoir un foyer… ne signifie pas grand chose pour moi. »

 

Gabrielle s’était rapprochée, avait pris une des tasses et l’avait tendue, puis avait enroulé les doigts de Xena autour. « Je sais », avait-elle simplement répondu, en regardant sa compagne prendre une gorgée, puis regarder autour d’elle à nouveau. « Mais… prends le temps. Je pense que tu vas t’y faire. »

 

Xena s’était lentement adossée. « Je ne sais pas, Gabrielle… je pense que j’ai vécu à la dure trop longtemps. » Elle avait soupiré. « Je ne pense pas pouvoir accepter la vie domestique facilement. » Elle avait pris une autre gorgée, puis regardé le barde. « Mm… » Elle avait étendu ses longues jambes et les avait croisé aux chevilles. « C’est drôlement bon. » Elle avait soupiré et posé la tête sur le dossier du canapé.

 

Gabrielle avait étudié sa forme allongée avec un peu d’amusement, et regardé les yeux bleus cligner de sommeil vers le feu amical qui craquait. « Ben, Xena… je suis sûre que tu vas y mettre tes meilleurs efforts », avait-elle commenté en prenant une gorgée de son propre thé. « Ça va être dur pour toi. »

 

« Ouais », avait répondu doucement la guerrière. « Ça pourrait prendre un peu de temps. »

 

« Mmmhmm », avait répondu Gabrielle en glissant sa main libre le long du dossier du canapé pour masser doucement la nuque de sa compagne. « Et bien, contente-toi de t’y mettre. »

 

« Oui oui », avait marmonné Xena, dont les yeux se fermaient lentement. « Je vais essayer. »

 

Le barde se mit à rire intérieurement. « J’adorerais ça. » Elle soupira de joie et appuya la tête contre l’épaule de sa compagne, tandis qu’elles marchaient vers leurs invités pour leur souhaiter bonne route, alors que ceux-ci enfourchaient leurs montures et se préparaient à prendre la route.

 

Le temps était… parfait. Naturellement. Le soleil avait fait fondre les dernières congères, et ce qui en restait était une couverture généreuse mais gérable qui enveloppait les bâtiments et les branches épaisses des arbres. Le vent était léger, et bien que l’air fut froid, il était tempéré par le soleil, qui perçait joyeusement à travers les nuages blancs épars.

 

Elles endurèrent des embrassades de Jessan et sa famille, le grand être de la forêt à deux doigts de soulever Xena du sol lorsqu’il se souvint avoir reçu le même traitement la dernière fois qu’il avait essayé. « Je veux vraiment pas que tu me soulèves devant toutes ces Amazones », murmura-t-il dans son oreille. « C’est mauvais pour l’image. »

 

« La tienne ou la mienne ? » Murmura Xena à son tour, avec un sourire félin, tandis qu’elle lui donnait une tape sur le côté avant de le relâcher. « Merci d’avoir fait le voyage, Jess ? Je suis contente que tu soies venu. »

 

« Xena… » Dit-il en riant doucement, ses crocs luisants. « Je n’aurais manqué ça pour rien au monde… et quelles histoires je vais raconter en rentrant. »

 

Elle tressaillit. « Oh… génial… Toi aussi. » Elle soupira et accepta une embrassade de la part d’Elaini. « Prends soin de lui, d’accord ? »

 

L’être de la forêt grogna. « Je vais essayer… c’est pas facile. » Elle ricana doucement. « Vous les guerriers, vous êtes un vrai cul de cochon. »

 

Gabrielle lui lança un regard appréciateur. « Ooooh… Elaini… elle est bonne celle-là. Je peux la réutiliser ? »

 

Ils furent enfin partis, avec fracas sur la route à demi gelée, des plaques de neige volant sur leur passage.

 

Xena soupira et mit le bras autour de Gabrielle, tandis que son autre main venait se poser sur la tête noire d’Arès. « C’était… une sacré fête. » Elle bâilla. « Je me demande ce qui se passe avec Hercule… Toris a dit qu’ils avaient reçu un message juste après l’aube et qu’ils étaient partis. »

 

Le barde secoua la tête. « Je suis sûre qu’on en apprendra plus. » Elle tira doucement Xena. « Viens… j’entends le repas qui appelle. »

 

Un léger ricanement. « Tu entends toujours le repas appeler. » Mais Xena se laissa emmener vers l’auberge. « Et au sujet de cet entraînement ? »

 

« Mmm… après déjeuner ? » Répondit-elle innocemment. « On pourrait faire une ballade dans les collines… il ya heu… des… rochers que je voulais te montrer. »

 

« Des rochers », dit Xena, en lui lançant un regard. « Pourquoi j’ai l’impression que c’est une excuse voilée pour passer la journée à traîner avec toi dans la forêt ? » Elle claqua de la langue. « Tu deviens plutôt paresseuse, là, Gabrielle. »

 

Le barde la poussa légèrement. « Tu t’en plains ? »

 

Un rire bas de gorge lui parvint en réponse. « Nan… j’en adore chaque minute », répliqua Xena tandis qu’elle ouvrait la porte de l’auberge et faisait signe à Gabrielle de la précéder. Elle suivit le barde à l’intérieur, puis faillit la percuter. « Hé ! »

 

« Euh. » Le barde se tenait juste dans l’encadrement de la porte, les mains sur les hanches. « Xena ? »

 

Toris et Granella étaient assis à une table proche, les bras croisés, et les regardaient d’un œil noir.

 

Des yeux vivement en relief sur des visages bleutés.

 

Toris se leva et attrapa un bol sur la table, avant d’y tremper la main. « T’sais soeurette… » Il commença à marcher vers elles. « J’ai tout d’un coup… ce besoin… »

 

« Toris. » Xena grogna pour l’avertir, accompagnée par le grognement d’Arès. « Ce n’est pas moi. »

 

« Bien sûr que non. » Son frère sourit et mit une énorme boule sur ses doigts.

 

« Oh oh », marmonna Gabrielle. « Salut Gran. »

 

L’Amazone la regarda avec fureur. « Gabrielle, je suis bleue là où… les gens… ne devraient vraiment… pas être… hum… »

 

« Bleus », finit le barde. « Xena ? »

 

« Je t’ai », répondit la guerrière et elle bondit vers la porte en la tirant avec elle. « Peut-être qu’une ballade dans les collines n’était pas une mauvaise idée. »

 

Gabrielle jeta un coup d’œil derrière elle pour voir Toris et Granella qui sortaient de l’auberge en courant. « Une ballade ? » Elle tira Xena par la manche.

 

« C’est ça », répondit sa compagne tandis qu’elles partaient dans une course folle, et se dirigeaient vers le chemin couvert de neige qui sortait de la ville.

 

« Est-ce que tu… » Commença Gabrielle. »

 

« Nan », répondit brièvement Xena, en allongeant ses foulées puissantes.

 

« Alors… ? » Demanda le barde, en gardant un œil nerveux sur leurs poursuivants.

 

« C’est moi qui l’ai donné à Solan », marmonna Xena.

 

« Ah oui ? » Répondit Gabrielle, confuse. « Alors ? »

 

« Et de qui tu penses que je l’ai eu ? » Dit sa compagne en soupirant tandis qu’elles tournaient le coin et entamaient le chemin pentu qui s’éloignait d’Amphipolis.

 

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Fin

 

PS de l’auteur – Non, Toris et Granella ne les ont pas rattrapées. Ils ont glissé et ont balancé le contenu du bol sur un mouton. Cyrène a décidé de ne pas tenter d’enlever la teinture, et au lieu de ça, elle a tondu le mouton, puis elle a demandé à un tisseur de fabriquer un sweater avec.

 

Note de la traductrice – Cette histoire, qui prend place après « La Fin de l’Hiver (Winter’s Ending) » et avant « Reflets du Passé (Reflections from the past) », n’est pas la dernière de la série écrite par Missy Good, loin de là, mais je pense en en arrêter là les traductions pour des raisons personnelles. Je ne saurais trop vous conseiller d’apprendre l’anglais pour lire la suite. Fini de traduire en mai 2007

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