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Portraits croisés3

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

 

FANS FICTIONS FRANCOPHONES

Entre elles

 

 

PORTRAITS CROISES

 

 

par Séverine MALRIC

 

Mail : lespetitspapiers@aol.com

 

 

 

 

 

 

Partie 3

 

 

 

 

Je m’appelle Hélène Tupos. J’ai 27 ans. J’entame ici mon énième roman, ou plutôt devrais-je dire, mon énième essai de gribouillage sans queue ni tête, expression du mal dont je suis atteinte d’après mon psy. Je souffre, et fais surtout souffrir les autres, de paraphrénie, mythomanie exagérée aiguë visant à axer mes mensonges dans un monde fantastique que j’aimerais régir à ma façon.

 

 

 

 

J’exprime cette psychose par des propos souvent radicalistes, une allure très exagérée. Extravagante, dit-on de moi. A quoi je ressemble ? Difficile à dire, tellement je change fréquemment de style. Mais actuellement, je suis plutôt sobre. J’essaie de me caler sur la société. Alors non, je ne colle pas non plus aux clichés des magazines de modes, trop…trop…jupés pour moi. J’ai un style qui m’aide à m’affirmer. Non pas que j’aurais voulu être un homme, mais c’est vrai que le pantalon me va plutôt bien. Assez cintré, de préférence noir, je l’accommode par diverses chemises ou autre t-shirt confectionnés par mes soins. C’est là que l’on me trouve extravagante. Moi je trouvais ça plutôt drôle de me faire des t-shirts à l’effigie de ce que je suis réellement, de ce que je vivais. Bon c’est vrai que la série où j’annonçais « X jours que je n’ai pas touché une gonzesse » était un peu limite mais ça marchait fort, même pas besoin de draguer, on m’abordait systématiquement. Apres tout, c’est ce que je voulais.

 

Car c’est vrai que si je n’ai pas d’accroche, de « slogan », rares seraient les opportunités pour moi de me trouver une compagne de nuit.

 

Je n’ai pas un air très avenant et ma stature ne m’aide pas beaucoup. Du haut de mes un mètre quatre vingt, de mes épaules plutôt larges et de mon sourire quasiment inexistant, on réfléchit bien avant de venir m’adresser la parole. Et puis, cette réputation que je traîne depuis quelques temps n’arrange pas les choses. Alors oui, j’aime les plaisirs de la chair, je n’y peux rien, c’est certainement dans mes gênes. Je ne peux pas me passer d’amour, d’attention, d’affection, de sexe aussi. Ça m’est vital tout comme l’oxygène.

 

Et m’embarquer dans une histoire trop sérieuse me fait peur alors je préfère jouer les collectionneuses. J’ai d’ailleurs toujours été assez preneuse de ce genre de comportements même quand je pensais être avec la femme de ma vie.

 

Oui, j’avoue, j’ai été infidèle, à plusieurs reprises mais juste du sexe, rien de plus. Je ne sais pas vraiment si c’est si mal que ça. En tout cas, elle l’a plus que mal pris, et c’est en partie à cause de ça que je l’ai perdue.

 

 

 

 

 

 

 

« Alors, reprenons…Ah c’est malin, ça ! Maintenant je ne sais même plus comment vous appeler…Moëne…Hélène…Je ne sais pas. Et puis à quoi ça rime exactement ? Vous avez besoin plus que personne de vous définir une identité alors je pense que vous définir …Euh…comment dire…une appellation serait un bon début, ne pensez vous pas…Hélène ? ».

 

 

 

 

C’est le cabinet du docteur Sivz. Cornélius Sivz. Pourquoi j’ai été chez lui ? Juste pour l’originalité de son nom. Pour quoi d’autre ? Parce que dans l’annuaire il apparaissait sous « C. Sivz, comportementaliste, spécialisé dans les relations humaines, médiateur entre l’homme et le chien… »

 

Le chien ? Tiens donc ? Là, j’avoue que ça m’a vraiment intrigué. Et puis, il y avait un autre facteur. C. C comme Camille, C comme Charlotte ou comme …non ça je ne peux pas le dire…bref pas C comme Cornélius.

 

 

 

 

Quelle surprise (mauvaise surprise) quand je suis arrivée dans son bureau la première fois. Un petit homme, tout frêle, le portrait type du psychanalyste, des petites lunettes en forme de demi-lune, la chemise sombre, boutonnée jusqu’en haut malgré les 30° qu’avoisinaient le thermomètre, un pull-over en cachemire je présume sur les épaules. Quand il m’a ouvert la porte, il ne m’a même pas serré la main. Il m’a fixé droit dans les yeux, il mâchouillait un vieux crayon de bois, n’a pas dit un mot, et d’un air dépité est reparti vers son bureau en me laissant plantée là sur le seuil de la porte.

 

J’ai tout d’abord pensé que comme moi, il s’attendait à autre chose…qu’à moi.

 

Je suis donc entrée, il ne m’a pas adressé la parole pendant dix minutes. Moi, décontractée, j’ai fait le tour de son bureau, j’ai consulté son immense bibliothèque remplie d’ouvrages d’un ennui à mourir, avec des noms imprononçables, puis me suis assise en face de lui, en le fixant à mon tour agacée de ce mutisme auquel je ne m’attendais pas.

 

Assez surprenant comme premier entretien. Mais au fur et à mesure que je l’ai consulté, nous avons appris à nous connaître et l’ambiance est nettement plus détendue. Je l’appelle « doc’ », je suis perpétuellement en désaccord avec lui mais sa patience a raison de moi et il finit toujours par avoir le dernier mot.

 

 

 

 

Voilà maintenant 3 ans que je suis en analyse. 3 ans que je dépense une fortune d’argent, de temps et d’énergie à me rendre chez Sivz tous les mardis après midi. 18h40 Bien évidemment. C’est mon heure ça. J’ai besoin de ces repères, ils me créent un équilibre dont j’ai particulièrement besoin.

 

J’ai été diagnostiqué par Sivz comme paraphrène. Appellation barbare, dénuée de sens lors de son premier diagnostic.

 

 

 

 

« Paraphrène ? Qu’est ce que c’est que cette espèce la, doc’ ? »

 

« Et bien, il existe un groupe de comportements… de délires entre la schizophrénie et la paranoïa…la mythomanie en fait partie mais plus précisément la paraphrénie. La différence entre la mythomanie et la paraphrénie réside dans le fait que vous vous créez un monde aux limites du fantastique, vous pensez que ce monde est régi par des formules magiques et vous influez par l’occasion votre façon d’être particulièrement dans votre mode d’expression qu’elle soit verbale, corporelle ou gestuelle. Vous arrivez même à vous projetez dans l’espace avec cette vison du monde et arrivez à vouloir concrétiser vos projets même s’ils sont irréalisables. Vous comprenez la nuance ? »

 

 

 

 

Non mais qu’est ce qu’il me raconte lui ! Des formules magiques ? Un monde fantastique ? Une sorte de Harry Potter en herbe…Je n’en suis pas à ce point là tout de même. Oui, j’ai un trouble du comportement, ça je l’avoue et je ne peux de toute façon pas faire autrement que de l’assumer. Mais de là à me dire que je délire complètement et que je n’ai pas les pieds sur terre, je crois que c’est un peu exagéré.

 

 

 

 

« Il existe plusieurs sortes de paraphrénies, et vous seriez plutôt classifiée en tant que paraphrène expansive. Elle s’observe presque exclusivement chez les femmes entre 30 et 50 ans. Autrefois, on appelait cela la manie délirante chronique. Vous en êtes au tout début Moëne, c’est une apparition longue et insidieuse mais bien heureusement nous l’avons diagnostiqué rapidement. Vous êtes en fait dans ce stade d’installation d’un délire mégalomaniaque accompagnée de gros troubles thymiques. Vous avez un potentiel d’extravagances intarissable en ce moment et vous êtes amenée à réagir de façon scandaleuse ou de provoquer des conflits afin de pouvoir vous exprimer. »

 

« Qu’en pensez-vous Moëne ? Vous reconnaissez vous dans ce type de comportement ? »

 

 

 

 

« Et bien, écoutez il y a bien certains points où…oui…c’est un peu poussé à l’extrême…mais je dois l’avouer…ça me ressemble un peu. Mais quand vous dites extravagante, ça me fait un peu peur. Parce que ça veut quand même dire que ne pas entrer dans la norme serait donc systématiquement quelque chose de négatif ? Et alors quoi ? C’est ça votre psychanalyse de comptoir doc’ ? C’est ça que l’on vous enseigne à la fac ? On vous apprend comment nous faire rentrer dans le droit chemin ? Comment nous amener à penser comme le monde politique et autre l’a décidé ? Alors extravagante, d’accord mais je le revendique doc’…et puis vous savez parfois on ne peut pas faire autrement. Selon la classe sociale d’où l’on vient, le message que l’on transporte, l’identité que l’on a et particulièrement l’identité sexuelle. Vous savez bien tout comme moi que ma position aujourd’hui inclut forcément une démarcation par rapport à notre société encore trop puritaine…Alors extravagante oui mais surtout revendicatrice !! »

 

 

 

 

Et voilà, bien joué Sivz, tu touches un point sensible, sujet qu’il ne faut pas tenter d’aborder avec moi car je me mets toujours dans une colère noire quand on en parle. Et je sens cette colère monter en moi. Le pauvre, c’est toujours sur lui que je m’acharne. A chaque entretien, je l’amène sur ce terrain et à chaque fois ça finit presque en combats de gladiateurs. Mais j’ai l’impression qu’il ne me comprend pas complètement. Il n’arrive pas à comprendre pourquoi je revendique tant le droit à la tolérance, pourquoi je me ghettoise à fond et m’enferme dans ce carcan, cet univers uniquement féminin alors que je veux justement pouvoir en sortir et me sentir libre de droit par rapport aux autres, comme je les appelle, à savoir les hétérosexuels.

 

C’est vrai que mon comportement, qui est aussi celui de plusieurs milliers de gay dans le monde, n’est pas très cohérent. J’exclus de baigner dans un univers mixte, composé de femmes et d’hommes, je me crée mon entourage uniquement sur le sexe. Femme, ok, homme, go out !!

 

Et les seuls que je tolère : mon père, mon meilleur ami, Vyan, et…Sivz. C’est tout. Les autres n’existent pas. Non pas que je les hais, quoiqu’il me soit déjà arrivé de penser au génocide du genre masculin, mais c’est surtout qu’ils me sont complètement indifférents. La seule chose que je recherche chez eux et dont j’espère avoir besoin un jour, c’est leur substance procréative. Même le mot sperme me dégoûte. En réalité, c’est certainement un jugement un peu rapide que j’ai de mes congénères car je ne les connais pas si bien que ça. Je n’ai jamais eu de relations proches avec cette espèce d’individus et les seules fois que j’ai pu en toucher un ce fut lorsque, après avoir trop fêter, je faisais un esclandre et me retrouvais en train de me battre avec l’un d’entre eux.

 

Et puis, depuis le début de ma vie de femme ou, en tout cas, depuis l’âge ou je me suis rendue compte de mon attirance pour la gente féminine, ils me sont apparus comme des concurrents, trop importants en nombre pour moi. Résultats, j’avais l’impression que les seules femmes que j’arrivais à glaner, n’étaient que des rejetons, exclues elles même par les hommes et qui venaient à moi par désespoir en attendant de retrouver mieux dans les bras d’un homme. Je me suis moi-même entretenue ce dégoût des hommes, cette haine par rapport à eux. Et n’ai pu me réfugier qu’auprès de personnes me ressemblant. A savoir, toutes des lesbiennes, toutes fières de l’être, toutes l’assumant à outrance, toutes dans l’excès. Toutes ? Non, il y a eu une exception. Et quelle exception. C’est elle qui m’a transformée, c’est elle qui après toutes mes manœuvres pour me faire intégrer dans la société telle que je suis, a véritablement mis les pieds dans le plat et m’a d’abord fait comprendre qu’avant que les autres m’acceptent il fallait déjà que je me reconnaisse moi même.

 

 

 

 

Il faut que je parle d’elle. De toute façon, je ne peux pas faire autrement, elle m’habite, elle a élu domicile dans mon corps, elle s’est appropriée ma vie mais je n’ai pas su lui rendre la pareille, en tout cas pas à la hauteur de ses exigences.

 

Mais je ne peux pas non plus l’idolâtrer en permanence car des torts elle en a aussi beaucoup.

 

Rien que son prénom est enchanteur, Alice. Et comme l’a si bien dit Lewis Caroll, elle habite bien au pays des merveilles et m’y a menée. Et sa prestance, son allure, sa beauté, sa plastique que je voyais comme divine, unique. Et tous ces moments de bonheur que nous avons partagés. Comment faire sans elle ? Comment l’oublier ?

 

Mais c’est mauvais pour moi que d’évoquer son souvenir car elle est bien loin maintenant. En tous cas, bien loin de ma vie. Je ne sais même pas où elle habite, où elle se trouve, si elle existe encore. Parfois, je me dis que, on ne sait jamais, ce sont des pensées morbides, mais peut être qu’elle n’est plus des nôtres et je ne serais même pas au courant. Non il faut que j’arrête mes délires trop pessimistes, c’est beaucoup trop néfaste à ma santé morale.

 

Nous avons subi une séparation tellement brutale que je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles.

 

J’ai réussi pourtant à mener ma barque pendant ces longues années, en arrivant même à avoir quelques histoires sérieuses, en essayant de la remplacer et si je n’arrivais pas à l’égaler, alors je m’attachais à augmenter les quantités. Avec plusieurs compagnes, j’arrivais à obtenir une Alice toute entière, maigre consolation tout de même.

 

Mais voila maintenant quelques mois, qu’Alice est revenue à la surface. Une suite d’événements m’ont provoqué la réapparition de son souvenir, j’arrivais à réentendre sa voix, je revoyais son visage, il me manquait l’odeur de sa peau, la finesse de ses grains sous mes mains et la chaleur de son corps.

 

 

 

 

J’avais pourtant tout mis en œuvre pour l’oublier complètement. J’avais radié tous nos amis communs de ma liste d’amis, j’avais fait une liste complète de tous ses défauts épinglés sur le frigo avec un de ses magnet’s ridicules que je ne supportais pas.

 

Et ça avait marché. Au bout de plusieurs mois, j’arrivais enfin à retrouver une certaine joie de vivre, je commençais à sortir, à prendre du plaisir sans elle, à ne plus vivre à travers elle.

 

Puis s’en est suivi cette psychanalyse avec Sivz qui malgré tout m’a beaucoup apporté. Mais le passé m’a rattrapé. Et il ne m’a fallu qu’un coup de fil pour replonger presque 5 ans en arrière.

 

Ne parlons pas du passé. Il faut que je me concentre, j’essaie pour une fois de finir mon écrit alors si je m’aventure dans les méandres de mes souvenirs, c’en est fini.

 

 

 

 

Et puis, en ce moment, je n’ai que ça à faire d’écrire. Toute la journée si j’ai envie. Je ne travaille pas, n’ai pas ou plutôt plus de famille, aucune contrainte, pas de bénévolat dans quelconques associations, pas d’inscription dans une salle de gym, grand dieu non !!

 

Rien de tout ça. Libre comme l’air. Libre de traîner, d’hiberner si je le souhaite, de ne rien faire tout en n’ayant aucune remarque de qui que ce soit.

 

 

 

 

Alors, il faut tout de même bien que je comble mes 24 heures par jour. Oui, effectivement, on pourrait retirer les heures de sommeil mais je suis insomniaque pour ne rien arranger alors, vous imaginez.

 

 

 

 

Et puis, Sivz me l’a dit, il faut vraiment que je m’y mette, que je réintègre la civilisation, que je construise, n’importe quoi, mais que je construise, il faut un départ c’est bien mais surtout un résultat, une satisfaction.

 

 

 

 

Mais doc’ as-tu oublié ? Je suis paraphrène donc incapable de tout ça…Non c’est une fausse excuse car c’est justement pour faire régresser ce vice que je le consulte et il faut que j’applique ces conseils car ils ont toujours été porteurs…

 

Note de l’auteur : penser à remercier Sivz !

 

 

 

 

Il faut quand même que je précise un peu la situation car pour l’instant le flou reste dans l’esprit du lecteur sur qui je suis réellement.

 

 

 

 

Comme je l’ai dit, j’ai 27 ans et on peut dire que le chômage aujourd’hui n’est pas un problème pour moi. Je trouve même plutôt ça complaisant. Oui je profite du système mais attention il ne faut pas se méprendre, aucune rémunération de la part de l’état mais juste les avantages liés aux chômeurs. Ils sont là pour ça !!

 

 

 

 

Voilà maintenant 3 ans que j’ai totalement arrêté une activité salariée. Je rectifie, voila maintenant 3 ans que j’ai cessé de me déplacer tout les matins sur un lieu de travail et de côtoyer des clients, de manipuler de l’argent avec des horaires prédéfinis et une boutique à faire tourner.

 

 

 

 

Je tenais une galerie d’art. Et oui, la chance m’a souri très jeune mais je ne remets pas toute cette réussite entre les mains du destin. Mon talent, il faut l’avouer en est la principale raison.

 

 

 

 

Une galerie d’art c’est bien joli mais il lui fallait une particularité et je l’ai trouvée. Effectivement, ça ne courait pas les rues et il faut dire que mon défi était assez audacieux. Cette galerie d’art était spécialisée dans l’art et la culture géorgienne.

 

 

 

 

La Géorgie, pays méconnu de tous les occidentaux que nous sommes, tellement habitués à ces puissances mondiales qui régissent notre monde, tellement absorbés par cette spirale dans laquelle personne n’est épargné.

 

 

 

 

Mais pays tellement touchant, tellement inspirant. En y allant, j’ai été bouleversée, il m’a ouvert les bras et je suis tombée dedans. Touchée en plein cœur.

 

Petit topo : j’ai vécu la bas pendant une année entière avec mon père qui était encore en vie. C’était en 1995. Nous avons tout d’abord habité la capitale, Tbilissi, puis nous nous sommes rapprochés de la côte et avons élu domicile pour le reste de l’année à Batumi.

 

La modeste maison que nous occupions était assez vaste et digne d’un chef d’état. Des pièces à perte de vue, un immense terrain surplombant les falaises qui longent la Mer Noire et s’étendent jusqu’en Turquie.

 

La Géorgie borde en effet la Turquie et la Russie. La population est très mélangée et beaucoup de Turcs et d’Iraniens ont trouvé plus serein de venir vivre en Géorgie fuyant ainsi les désastres economico-politique de leur pays.

 

Quand nous habitions à Batumi, à la différence de Tbilissi, personne autour de nous ne parlait notre langue, ni aucune autre que la leur d’ailleurs. Et croyez moi, une année pour apprivoiser le géorgien c’est beaucoup trop court.

 

Batumi était pourtant une ville assez grande, plus de 100 000 habitants, toutes les infrastructures nécessaires au développement de la ville et ses occupants.

 

L’été y était très chaud, l’hiver terriblement rude, surtout pour moi.

 

Mon père avait décidé d’aller y faire un stage pour conclure son essai sur l’anthropologie et moi, n’ayant eu que pour rêve de visiter ce pays ai sauté sur l’occasion.

 

A cette époque, la Géorgie était en pleine révolution. D’importants changements politiques, un pays dévastés, la misère à chaque coin de rue. Et pourtant, une intense activité sociale, culturelle s’émanait de ce pays. Je n’avais pas encore 16 ans mais je percevais déjà la différence artistique et m’intéressais particulièrement aux arts plastiques et il faut dire que ça n’était que bonheur pour moi de vivre là bas une année. C’est à l’exposition Abstinentia que j’ai réellement compris le message de ce mouvement artistique et particulièrement, Shalva que j’ai découvert par la même occasion. Cette exposition avait lieu dans la Nouvelle Galerie de Tbilissi et Abstinentia devait son nom au fait que, ce pays étant ravagé et ne disposant d’aucun moyen après l’explosion de l’URSS, toutes les œuvres d’arts de Shalva avaient été réalisées dans l’abstinence : pas d’électricité, pas de gaz, pas de matériaux : toutes les œuvres avaient été faites en papier. Ainsi, les artistes géorgiens voulaient seulement prouver qu’ils étaient encore vivants, même sans moyens, par la création.

 

C’est réellement grâce a cette année passée en Europe de l’est que j’ai réalisé qu’il ne fallait pas se mettre de barrières et que tout était finalement réalisable.

 

Et puis, il faut dire aussi qu’en Géorgie, j’ai également appris à vivre, à m’amuser et j’ai passé des moments assez inoubliables…Cette chaleur humaine, cette impression de cohésion entre voisins, entre membres d’un même quartier, d’une même école. Sensation saisissante au départ et c’est vrai que le retour en France m’a été plutôt douloureux tant le clivage entre ces deux cultures fut important.

 

 

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