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TERRORS11

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Dar & Kerry

 

Terrors of the High Seas

Aventures en Haute Mer

 

 

Par Melissa Good

Traduction : Fryda

(fryda@orange.fr)

 

Voir les avertissements dans la partie 1

**********

Partie 11a

*********

Après un bref instant de choc profond et complet, Dar réagit. Le canon du fusil venait juste de pointer son ouverture diabolique vers elle quand elle bougea, attrapant Kerry par pur instinct et la poussant de côté pour la mettre en sécurité.

 

Le bruit du tir l’assourdit. Elle sentit une éraflure brûlante sur sa joue, puis elle plongea vers le pont elle-même tout en se tortillant pour trouver quelque chose, n’importe quoi à mettre entre elle et le fusil.

 

Ses mains touchèrent les pieds d’une chaise et elle roula sur le dos, soulevant la chaise pour la mettre au-dessus de sa tête. Une autre explosion faillit la lui arracher des mains, et des échardes de bois volèrent partout. Elle sentit une piqûre le long de sa nuque et elle se retourna, puis arqua son corps et fouetta le reste de la chaise dans la direction du tir.

 

Elle entendit qu’elle touchait quelque chose, puis un autre coup de feu explosa le plafond de la cabine. Dar saisit sa chance et se leva, concentrant sa vision sur le reste de la pièce. Elle repéra le garde qui retirait des morceaux de chaise de ses bras et la cherchait, et elle sut qu’elle n’avait que quelques secondes pour en tirer avantage.

 

La table se trouvait entre eux. Dar sauta en avant, se lançant du dessus de la table alors que le garde tournait son arme dans sa direction. Elle poussa un cri alors que les doigts s’enroulaient autour de la gâchette, et il sursauta légèrement, juste assez pour lui donner le temps de se jeter sur lui pleinement.

 

**********************************

 

Kerry toucha la moquette et roula, sa respiration coupée. Elle entendit le coup de fusil et ses entrailles se serrèrent, jusqu’à ce qu’elle saisisse un mouvement en provenance de l’endroit où elle avait vu Dar pour la dernière fois. Elle était tombée contre la porte de côté et son regard captura soudain une image de DeSalliers alors qu’il regardait avec une fascination puérile, une main sur la porte et l’autre préparant sa fuite.

 

La colère explosa en elle. Elle se tortilla et se dirigea vers l’encadrement de la porte. Il la repéra et se retourna pour s’enfuir, mais Kerry sauta sur lui et saisit ses jambes alors qu’il s’échappait pratiquement par la porte. Elle attrapa son mollet malgré sa résistance et enroula son corps autour, les pieds contre la porte pour le tirer en arrière avec toute sa force. « Revenez ici, espèce de salaud ! ! ! »

 

Il hurla quelque chose et donna un rude coup de pied, mais Kerry avait un bras enroulé autour de sa jambe et elle tendit l’autre main pour attraper sa ceinture. Elle appuya ses jambes et poussa, utilisant les muscles de ses cuisses pour pousser.

 

Avec un juron, il trébucha et s’écrasa dans la cabine. Kerry roula sur le ventre et se jeta sur lui, sa colère la dépassant jusqu’à la sauvagerie, frappant chaque morceau de chair qu’elle pouvait atteindre. Toute cette rage qui s’était amassée ces derniers jours sortit et elle ignora sa tentative de l’attraper alors qu’elle le frappait encore et encore de ses deux poings.

 

************************************

 

Le garde était grand. Dar avait les bras autour de sa gorge et elle accrocha une jambe autour du bras avec lequel il tenait le fusil, puis elle relâcha une main pour le saisir, tordant des deux côtés, ce qui le fit hurler et jurer.

 

La panique la menait. Elle lui arracha le fusil de la main et lui cogna la tête de la crosse, s’échappant de la poigne qu’il essayait d’avoir sur elle. Il la frappa fort dans l’estomac, et elle se plia en deux, mais l’arme vint avec et elle lui en cogna les jambes.

 

Ils étaient trop proches, et c’était trop chaotique pour penser utiliser l’arme avec son usage originel. Dar chancela en arrière et reprit son équilibre, puis elle le vit l’attaquer et c’est son pur instinct qui lui donna les moyens de l’éloigner. Elle lança un coup de pied circulaire et le boxa droit sur le côté de la tête. La secousse lui revint tout le long de sa jambe mais son mouvement la laissa passer le coup de pied. Il balança et chancela, puis il se repoussa du mur et l’attaqua à nouveau. Son équilibre repris, Dar lança un genou vers le haut puis frappa droit de sa jambe, et elle l’atteignit dans le nez avec tout son poids derrière le coup.

 

Le sang gicla. Le garde tomba, ses mains accrochées à son visage. Dar tournoya et son regard passa la cabine en revue frénétiquement, ses oreilles déjà à la recherche d’autres gardes dans leur direction. Elle entendit un bruit près de la porte et se précipita, faisant le tour du canapé pour trouver DeSalliers battu presque à mort par une Kerry enragée assise sur sa poitrine.

 

La chemise de cette dernière était à moitié arrachée, exposant une grande partie de sa poitrine. Elle clouait DeSalliers de son poids, ses genoux sur ses biceps alors qu’elle le frappait de ses deux poings.

 

« Kerry ! » Dar cria à pleins poumons après une seconde de choc pur.

 

« Salaud ! » Kerry frappait l’homme sur les côtes de ses mains jointes. « Vous êtes un connard ! »

 

Dar vint derrière Kerry et glissa les mains sous les bras de sa compagne, la soulevant complètement de DeSalliers. « Viens ! On fout le camp d’ici ! ! »

 

Kerry respirait bruyamment, ses yeux verts presque gris de colère. DeSalliers roula frénétiquement loin d’elle et commença à ramper vers le centre de la pièce et tout le corps de Kerry se tordit comme si elle voulait le poursuivre. Un grognement émergea de sa gorge, les surprenant toutes les deux.

 

« Viens », la pressa Dar. « J’espère de tout cœur que Papa a récupéré Bud. On ne peut pas rester ici, tu les entends venir ? » Elle traîna Kerry vers la petite porte que DeSalliers avait tenté d’utiliser. Un coup de feu fit écho à nouveau dans le bateau et elle put entendre hurler. Sa mâchoire se raidit, sachant dans ses tripes que ce n’était pas son père qui criait mais qu’il pouvait en être la cause.

 

« Ker ? » Murmura-t-elle d’une voix douce. « Viens, mon cœur. Viens vers moi. » Elle pressa la jeune femme toujours en colère, dont les mains étaient toujours serrées comme des poings. « C’est fini. » Le regard furieux de Kerry vint vers elle et s’accrocha au sien.

 

« Oh. » Kerry prit une inspiration tremblante, et se retrouva brusquement, tout son corps secoué de réaction. Elle saisit les bras de Dar et frissonna, son cœur battant si fort dans sa poitrine qu’elle ne pouvait pas en compter les battements. « D… » Elle dut s’arrêter, haletante. « Merde. »

 

Dar la conduisit à moitié, la porta à moitié vers la porte et donna un coup d’épaule pour ouvrir. Le bateau plongea sauvagement et elle s’arrêta en se demandant quoi faire. Elle sentit Kerry s’affaler contre elle et elle massa le dos de sa compagne. « Ça va ? »

 

Kerry prit une profonde inspiration et la relâcha. « Oui », murmura-t-elle. « Il m’a juste fait chier, je pense. » Elle prit un moment pour se remettre puis regarda Dar avec anxiété. « Où est papa ? »

 

« Par là. » Dar sortit par la porte et se retint au bastingage alors que la pluie les couvrait. Elle repéra son père sur la proue, avec Bud sur ses épaules. « Papa ! » Cria-t-elle, espérant qu’il l’entendait malgré la tempête.

 

Il tourna la tête de son côté et elle vit le soulagement dans ses yeux. « Vas-y ! » Cria-t-elle. « On fout le camp d’ici ! »

 

Deux gardes se dirigeaient vers la proue, luttant contre la pluie tout comme elles. Andrew fit un pas en avant vers eux, puis secoua la tête et courut vers le bord de la proue, se ramassant pour sauter par-dessus le bastingage et plonger les pieds d’abord dans l’eau.

 

Il disparut immédiatement dans les vagues émergentes.

 

Dar repéra les hommes qui se précipitaient vers elles. « Tu peux nager ? » Cria-t-elle à Kerry. « Kerry ! »

 

Celle-ci hésita, jugeant le tremblement de ses muscles. Son corps semblait avoir recouvré du bref repos et elle prit une inspiration prudente. « Oui ! » Répondit-elle, sachant qu’elle n’avait que peu de choix. Elle attrapa le bastingage et se maintint alors que le bateau roulait, jugeant la distance à l’eau. « Je vais bien ! »

 

Dar se tint à elle. « Vas-y ! Je saute après toi une fois que tu es passée ! » Elle saisit l’arrière de la chemise de Kerry pour la maintenir stable alors que le bateau plongeait vers l’eau, puis elle la poussa doucement au moment où elle sautait, l’écartant bien du bateau.

 

Elle scruta les vagues avec anxiété, le cœur à la gorge jusqu’à ce qu’un point brouillé léger et clair ne perce la surface.

 

Une main la saisit rudement par derrière alors qu’elle se préparait à suivre. Elle tournoya et vit le canon d’un pistolet devant son visage. Ses réflexes lui sauvèrent la vie alors qu’elle se tordait et que sa main partait vers le haut, frappant l’arme sur le côté alors que le coup partait. L’espace était trop restreint pour se battre, mais Dar réussit à tirer son bras en arrière et cogna le garde dans le visage, évitant quelque peu ses mains. Cela ne l’assomma pas, mais il cligna des yeux et s’arrêta assez longtemps pour que Dar se libère et referme la porte derrière elle.

 

Elle saisit une perche accrochée près de la porte et l’enfonça des deux côtés, bloquant la porte alors que le garde à l’intérieur se jetait contre elle essayant de sortir. Secouée, Dar regarda l’eau, les vagues sauvages de l’océan lui apparaissant de plus en plus amicales à chaque seconde.

 

Elle entendit le léger bruit du moteur de l’embarcation d’Andrew qui se mettait en marche, un son mélodieux par-dessus le tonnerre et le clapotement des vagues. Elle attrapa le bastingage et se prépara à sauter par-dessus bord, quand un mouvement saisit son regard sur la proue.

 

Deux gardes se trouvaient là, éclairant l’eau avec un projecteur à main puissant. La lumière cloua le petit bateau d’Andy et l’autre garde leva son fusil et visa.

 

Dar entendit la corne du Dixie lancer un avertissement. Elle relâcha le bastingage et se précipita en avant à la place, se dirigeant tout droit vers les deux gardes. Avec un grognement, elle plongea tout du long sur le premier, le frappant aux genoux et l’entraînant à terre. Ils s’écrasèrent sur le second et il chancela vers l’arrière, tomba et roula avec le mouvement du pont. Il glissa sous le bastingage et se retint là, sa lampe tombant dans l’eau avec une éclaboussure silencieuse.

 

Dar trouva le fusil qui tintait près d’elle et elle le poussa du pied, l’envoyant tournoyer par-dessus le côté. Mais le garde qui le portait sauta sur elle et la frappa rudement sur le côté de la tête.

 

« T’es morte, sale garce. »

 

Dar sentit la vérité dans ces paroles. Elle ramassa sa force chancelante et lutta, libérant une de ses mains violemment. Ses doigts effleurèrent quelque chose de dur et elle l’attrapa, tirant fort lorsqu’elle reconnut les contours d’un couteau de plongée attaché à sa jambe.

 

Il leva le poing et visa sa tête.

 

Dar libéra le couteau et tira son bras de côté, le balançant un poil avant que son poing ne touche son visage. Elle enfonça la lame dans son côté, sentant la rude sensation éthérée alors que le couteau pénétrait ses vêtements puis la chair.

 

Il hurla.

 

Dar arqua le corps, roulant d’un côté avec tout l’effort qu’elle pouvait rassembler. Elle réussit à le repousser et alors qu’il roulait d’un côté, elle roula de l’autre. Elle glissa sous le bastingage et se repoussa du pied contre la proue alors que le bateau ruait dans les vagues, navigant dans l’espace pendant un bref instant jusqu’à ce qu’elle cogne la surface brutalement froide de l’eau.

 

Pendant un instant, elle se laissa couler sous les vagues, y trouvant curieusement la paix. Puis elle se débarrassa de ses baskets et nagea vers la surface ; elle enleva sa chemise à manches courtes qui la retardait maintenant également.

 

Sa tête brisa les vagues et elle la secoua pour enlever les cheveux de ses yeux, sa vision emplie de la vue de caoutchouc froid et sombre à quelques brassées à peine devant elle. Elle tendit la main et elle sentit son bras saisi alors qu’elle essayait de se pousser vers l’avant, puis une main l’attrapa par le fond de son pantalon et la tira sans cérémonie par-dessus le ponton et dans le bateau.

 

Une vague passa par-dessus la proue et ils furent mouillés. Dar sentit l’air frais et l’odeur forte de sel emplir ses poumons. Puis elle sentit une chaleur envelopper ses jambes et elle se tourna pour voir Kerry qui rampait sur elle pour se draper sur sa poitrine avec un minuscule grognement las.

 

Dar soupira. Rien d’autre n’avait d’importance. Elles étaient toutes les deux là, et en sécurité. Son monde était complet.

 

« Dar, tu vas bien ? »

 

Elle leva les yeux vers son père et hocha la tête. « Tout à fait bien », dit-elle d’une voix rauque. « Et toi ? »

 

Andrew la fixa avec une expression douce et indéchiffrable. « Ouaip. » Il pilotait le bateau en parlant, le dirigeant vers la poupe du Dixie qui plongeait maintenant devant eux. « J’crois qu’on a besoin de foutre le camp d’ici, d’une façon ou d’une autre. »

 

« Je vote pour ça. » Dar laissa sa tête reposer contre le fond en plastique dur.

 

« Moi aussi », marmonna Kerry. « Ils nous poursuivent ? »

 

Andrew leva les yeux derrière la poupe du Dixie. Le bateau de DeSalliers semblait être à la merci de l’océan, son angle plongeant sauvagement. Les hommes couraient maintenant partout, sans les chercher eux, mais plutôt inquiets pour leur propre sort. « Nan », dit-il, en faisant glisser l’embarcation sur le côté avant de tendre la main vers la corde que Charlie lui lançait frénétiquement. « J’crois bien qu’cette poursuite est largement terminée. »

 

« Bien. » Dar ferma les yeux. « Vraiment, vraiment sacrément bien. »

 

**********************************

 

Dar était contente de rester au fond du bateau, malgré ses plongeons, jusqu’à ce qu’Andy ait monté la forme toujours inconsciente de Bud sur le pont du Dixie. Elle était si fatiguée, que c’en était un effort que de même respirer et même la pluie qui la couvrait furieusement ne la gênait pas beaucoup.

 

Kerry était blottie près d’elle, les yeux fermés, un bras par-dessus. Dans la faible lumière, Dar pouvait voir comme elle était pâle et malgré sa propre fatigue, elle roula et l’entoura de son bras. « Ker ? »

 

« Hum. » Kerry émit une réponse basse.

 

« Comment tu vas ? »

 

« Ça craint. »

 

Dar soupira.

 

« J’ai une migraine et le mal de mer pour couronner le tout », élabora Kerry. « Je me demande comment la mort pouvait être pire. »

 

Dar se pencha en avant et l’embrassa sur la joue. « Et si on restait à terre pendant quelques jours ? »

 

« Et si on restait au lit pendant quelques jours ? » Kerry fit une triste tentative d’humour.

 

« D’accord. » Dar l’attira plus près, la protégeant du pire de la pluie jusqu’à ce qu’elle sente le poids de son père faire balancer le bateau derrière elle. Elle tourna la tête. « On est au clair ? »

 

« Allons-y. » Andrew s’avança et s’agenouilla près de Kerry, lui prenant l’épaule doucement. « Kumquat, t’as besoin d’aide ? »

 

Kerry ouvrit difficilement un œil et le fixa. Elle le referma rapidement. « J’te vois en triple », grogna-t-elle.

 

« Viens là. » Andrew la prit dans ses bras et reprit son équilibre, puis il se leva alors que Dar luttait pour se mettre debout. « Tu veux rester ici et me laisser t’emmener aussi, Dardar ? »

 

« Non, merci. » Dar maintint le bateau autant en place qu’elle le pouvait pendant qu’Andrew transférait Kerry avec précautions sur le Dixie. Elle les suivit, très contente de sentir le pont sous ses pieds alors qu’elle se retournait et fermait l’écoutille.

 

Pour la première fois, elle regarda vers le bateau de DeSalliers. Il était toujours mort dans l’eau, gîtant d’un côté légèrement tout en dérivant d’eux. Deux hommes se tenaient sur la poupe à se disputer. Un troisième se trouvait sur la proue, grimpant vers une écoutille ouverte. Un éclair explosa et elle repéra la silhouette distincte de DeSalliers près de la cabine, apparemment hurlant sur quelqu’un.

 

Les moteurs du Dixie revinrent à la vie et les éloignèrent de l’autre bateau. Dar regarda jusqu’à ce que la tempête les rende indistincts, puis elle se retourna en sentant la main de son père sur son épaule.

 

Ils se regardèrent. « J’vais piloter c’bateau, et laisser Charlie s’occuper d’son copain », lui dit Andrew. « Il a été s’coué, mais ça va aller. »

 

Dar opina. « Merci. « Elle scruta son visage. « Je suis contente que tu l’aies trouvé si vite. »

 

Andrew ricana. « Y a pas beaucoup d’endroit pour cacher un corps sur ces trucs, Dar. »

 

« Mm. Je présume. » Dar sentit une vague d’épuisement la submerger, faisant trembler ses genoux légèrement. « Je suis contente que ce soit fini. »

 

« T’as été coupée ? » Andrew regarda vers le bas.

 

Dar regarda les traces de sang. « Non », répondit-elle. « C’était ce dernier type. J’ai dû… hum… » Elle s’interrompit et se contenta de regarder son père, le souvenir du couteau s’enfonçant vivace dans son esprit.

 

« T’as fait ce que t’avais à faire », dit Andy. « Et tu l’as fait, Dar. »

 

La pluie la couvrait dans un rythme régulier alors qu’elle absorbait cette idée. « Oui, c’est vrai », murmura-t-elle.

 

Il la regarda brièvement puis fouilla dans sa poche et en sortit quelque chose. Sans parler, il le piqua dans sa bretelle de maillot, puis attira sa tête et lui déposa un baiser sur le dessus. « Ça c’est ma gamine. » Il lui tapota la joue, puis se retourna et alla vers l’échelle, grimpant sans regarder plus en arrière.

 

Surprise, Dar baissa les yeux vers son épaule. Accroché à sa bretelle, immédiatement reconnaissable à ses yeux, se trouvait l’insigne SEAL de son père. Elle cligna des yeux et tendit une main tremblante pour le toucher, traçant sa forme avec un sentiment d’incrédulité stupéfait.

 

Pendant la moitié de sa vie, elle avait rêvé de le porter.

 

Le tonnerre roula au-dessus de sa tête. Les éclairs craquaient et Dar se força à bouger, allant vers la porte de la cabine avant de se glisser à l’intérieur.

 

C’était bon d’être sortie de la pluie. Dar se reprit et se passa les doigts de la main dans ses cheveux, reniflant un peu en essuyant les gouttes de ses yeux avec un mouvement impatient du bras. Bob était assis sur le canapé, la regardant avec des yeux écarquillés et effrayés.

 

Dar saisit son propre reflet, et reconnut à peine la forme dégoulinante, battue par le mauvais temps, couverte de traces de sang qui la regardait. Elle commença à dépasser Bob.

 

« Ecoutez, je suis vraiment désolé », bafouilla-t-il. « Cette merde était largement au-dessus de ma tête et je vous y ai entraînés tous et j’ai failli vous faire tuer. »

 

Dar le regarda.

 

« J’espère… j’espère que tout le monde va bien », finit Bob d’une petite voix. « Je suis navré d’avoir été aussi con. »

 

« C’est bon. » Dar n’avait simplement pas le temps ni l’énergie de s’occuper de lui. Elle avait quelque chose de plus important à faire. Elle traversa péniblement le séjour en direction de la chambre à coucher, ne voulant rien de plus que le calme, être au sec et avec Kerry.

 

Elle ouvrit la porte, trouvant Kerry appuyée sur le comptoir, qui posait une tasse d’eau après en avoir bu une gorgée. Elle portait un tee-shirt et donnait l’impression qu’un bus lui était passé dessus.

 

« Hé. » Kerry semblait pathétiquement contente de la voir et inconsciente de son allure. Elle se tourna et s’appuya contre la commode, lançant un regard abattu à Dar. « Qui pilote ? »

 

« Papa. » Dar s’avança vers elle et lui prit doucement la joue, penchant légèrement sa tête. « Est-ce que tu as pris quelque chose contre ton mal de crâne ? » Le visage de Kerry était pâle et tiré, mais une chaleur distincte entra dans son regard au contact de Dar, et les muscles de sa joue bougèrent, produisant un léger sourire.

 

Elle opina. « Et pour mon estomac. Le truc c’est… est-ce que ça va rester assez longtemps pour agir ou pas. » Son regard alla vers la poitrine de Dar et elle leva la main pour toucher l’insigne. « Wow. » Le sourire émergeait maintenant pleinement et bien que fatigué, il éclaira le visage de Kerry.

 

Dar baissa les yeux. « Oui. » Elle déboutonna son short et l’enleva, le drapant sur la commode. « Je ne suis pas vraiment sûre de savoir pourquoi il a fait ça. » Sa voix était épuisée même à ses propres oreilles.

 

Kerry se repoussa de là où elle était et dégrafa l’insigne avec soin, le tenant au creux de sa main pendant que Dar enlevait son maillot. « Je sais pourquoi. » Elle leva les yeux, tressaillant lorsque Dar se retourna et qu’elle vit les bleus sur le corps de sa compagne. « Tu lui as sauvé la vie. »

 

Dar s’arrêta à mi-chemin d’enfiler un tee-shirt sec. Elle regarda Kerry par-dessus le tissu. « Qu… quoi ? » Bafouilla-t-elle. « Quand ? »

 

Kerry posa l’agrafe sur la commode et tendit la main, tirant le tee-shirt par-dessus la tête de Dar pour l’ajuster à son corps. « Viens ici. » Elle s’assit sur le lit et tapota près d’elle. En bas, avec les moteurs qui donnaient à fond, le roulis de l’océan était moins évident et elle accueillit le confort du lit, et du corps chaud de Dar niché près du sien.

 

« Dis-moi. » Dar mit les bras autour de Kerry et s’appuya sur la tête de lit. « Qu’est-ce que j’ai raté dans tout ça ? »

 

« Quand tu étais sur le bateau. Après que j’ai sauté », lui dit Kerry. « Papa était dans le pneumatique, et tenait Bud. Je m’accrochais de l’autre côté, et j’essayais de monter. La lumière nous a frappés.

 

« Mm. » Sa compagne hocha lentement la tête. « Oui. »

 

« Les gars sur l’autre bateau s’apprêtaient à tirer sur Papa. C’est lui qui était dans la lumière. »

 

« Oh. » Dar cligna des yeux. « Je pense que je le savais, d’une certaine façon. »

 

Kerry la regarda. « Tu te souviens de ce que tu as fait alors ? » Demanda-t-elle d’un air interrogateur. « Tu te souviens avoir attaqué ces hommes, Dar ? »

 

Attaqué ? Dar plissa le front. « Et bien je me souviens avoir voulu les faire tomber, oui », répondit-elle lentement. « J’ai couru là-bas, je pense. »

 

Le profil de Dar était faiblement éclairé par la lampe, l’expression d’étonnement pensif était très évidente. « Oui, tu l’as fait », dit Kerry doucement. Elle se leva du lit et alla chercher l’insigne, l’admirant un instant avant de se blottir à nouveau près de Dar et de l’accrocher sur son tee-shirt. « Beaucoup de choses nous sont arrivées aujourd’hui. » Elle plia légèrement la main, repensant à pourquoi elle était sensible.

 

« Oui », répondit Dar dans un soupir. « Beaucoup. »

 

« Tu veux attendre qu’on se soit reposées avant d’en parler. »

 

« Oui. »

 

« Moi aussi », murmura Kerry. « Parce que je suis allée dans un endroit que je n’ai pas aimé du tout aujourd’hui, Dar. »

 

Dar garda le silence pendant quelques battements de cœur. « Moi aussi. » Elle regarda pensivement ses mains, posées paumes au-dessus sur ses cuisses. « Je suis vraiment fatiguée. » Son regard retourna vers Kerry qui s’appuyait contre elle. « Comment tu vas ? »

 

Kerry passa un peu de temps à y réfléchir. « J’aurais bien besoin d’un câlin », admit-elle.

 

« Moi aussi. » Dar l’attira doucement, l’installant entre ses jambes en entourant son estomac de ses deux bras. Kerry s’appuya contre elle et elle lui fit un câlin, long et solide, sentant la tension dans le corps de celle-ci se détendre alors que sa tête partait en arrière contre sa clavicule.

 

Après un moment, Kerry se tortilla pour se retourner et glissa les bras autour de Dar, la joue posée sur l’épaule de sa compagne, la fixant dans les yeux.

 

Dar battit des paupières. « Je lui ai sauvé la vie ? » Murmura-t-elle en regardant avec attention le visage de Kerry.

 

Celle-ci sourit. « Oui, tu l’as fait. »

 

« Euh », grogna la jeune femme brune. « Je pensais que tu nous avais sauvé la nôtre. »

 

« Moi ? »

 

Dar hocha faiblement la tête. « Tu as empêché ce connard d’appeler à l’aide », dit-elle. « Plus de gardes et… » Elle caressa les cheveux secs de Kerry. « On a eu de la chance là-bas. »

 

« Mm. » Kerry réfléchit sombrement. De la chance. Elle se souvint de la rage profonde qui l’avait tordue, et combien ça avait été bon de la relâcher sur DeSalliers.

 

Ça l’effrayait. Elle soupira en silence. Mais c’était fini, et elles avaient survécu. C’était la part importante de tout ça. Sa famille et ses amis allaient bien. Elle allait bien. Dar allait bien.

 

Elle ferma les yeux. Elles avaient eu de la chance. Beaucoup de chance. Elle murmura une prière de remerciement en sentant l’océan la bercer dans ses mains.

 

************************************

 

La marina de Saint Thomas était dans un chaos total. Des bateaux venaient de partout pour trouver un abri à la tempête, et les moutons blancs remuants rendaient le danger de collision très réel.

 

Dar mit son imperméable et grimpa sur le pont supérieur pour rejoindre Andrew alors qu’ils grondaient juste au-dessus de l’arrêt dans un mouvement stable. « Quel bazar », murmura-t-elle à son père.

 

« Ouaip », approuva Andrew. « J’ai dit à la capitainerie qu’on avait quelqu’un à emmener à l’hôpital à bord. Ils nous font un chemin », l’informa-t-il. « Comment va Kerry ? »

 

« Elle va bien », dit Dar.

 

Andrew l’étudia. « Et toi tu vas bien ? »

 

Dar opina. « J’ai l’impression d’avoir été frappée par un bus, mais autrement, M. Lincoln, je me suis bien amusée. »

 

Son père se mit à rire.

 

« Merci d’être venu nous retrouver ici. » Dar posa les coudes sur la console. « C’était plutôt loin de mon terrain de jeu là-bas. »

 

« Moi je trouve que tu t’en es bien sortie », répliqua Andy. « Je me disais que vous aviez tout prévu jusqu’à cette dernière note que Kerry m’a envoyée, au sujet de Bud et tout ça. » Il secoua la tête. « J’ai pris un de ces hydravions. » Une pause. « J’aime pas ces trucs. »

 

Dar ne put s’empêcher de sourire. « Moi non plus. » Elle regarda à travers la pluie les lumières qui semblaient diminuer en face d’eux. La radio grésilla.

 

« Dixieland Yankee, ici la capitainerie. Avancez. »

 

Dar prit le micro. « Capitainerie, ici le Dixieland. Bien reçu. » Elle posa l’objet et se redressa. « Tu veux que je le rentre ? »

 

Andrew la regarda. « Tu spécules sur mon pilotage, jeune dame ? » Demanda-t-il. « C’est pas moi qui… »

 

« Je me suis améliorée depuis », l’interrompit Dar.

 

« C’est ce que disait Kerry. » Andy se glissa de côté et lui montra le siège du pilote. « Va-y. »

 

Dar prit les contrôles et s’installa dans le fauteuil, encore chaud du corps de son père. Elle enroula les doigts autour des manettes et les ajusta, concentrant son attention sur l’océan sombre devant elle. De chaque côté, les marqueurs de canal balançaient sauvagement, à peine visibles dans la marée haute.

 

Lentement les moteurs prirent le pas sur les vagues, et ils avançaient à travers le groupe de bateaux de chaque côté. « Kerry a fait du café en bas si tu es intéressé », fit remarquer Dar, gardant un œil sur le bout de mer devant eux.

 

Andrew grogna. « J’préfèrerais pas », répondit-il, surprenant Dar. « Ces gars en bas ont un compte avec moi. »

 

Dar lui lança un regard. « Ah », murmura-t-elle. « Oui, je me disais aussi. »

 

Son père ricana et secoua la tête. « J’pensais qu’on en avait fini depuis tout c’temps. » Il se leva à demi regardant à travers le plexiglas. « Quel bordel. »

 

Ça l’était. Dar se concentra sur la navigation autour des obstacles, guidant la grosse embarcation à travers le canal parsemé de bateaux plus petits. Certains essayaient de se mettre ou de rester hors de leur chemin, mais d’autres étaient jetés par le mauvais temps au point de perdre le contrôle.

 

Dar se leva à demi également, son poids se portant sur ses cuisses alors qu’elle mettait plus de diesel dans les moteurs. « Bon sang. » La pluie tombait plus dru, obscurcissant presque sa vue et rendait la surface quasi indistincte. Elle pouvait sentir le vent se lever dans son dos, et une rafale repoussa rudement son imperméable contre elle.

 

Et pourtant elle ne ressentait aucune crainte. « Tu as déjà eu peur dans un tel mauvais temps, Papa ? » Demanda Dar, avec une curiosité soudaine.

 

« Nan », répondit Andrew d’un air absent. « Le fait d’être marin c’est aussi de savoir qu’on fait partie de tout ça », dit-il. « On peut pas le contrôler, pas besoin d’en avoir peur. »

 

Mm. Dar sentit le rythme de l’océan sous elle et elle comprit ce qu’il voulait dire. Elle suivit les rides des vagues, se frayant un chemin avec précautions.

 

Un voilier prit de la gîte avec une soudaineté maladive et s’arqua dans leur chemin à peine à une longueur de la proue. Dar réagit, tournant à droite tout en lançant les moteurs. Le vent poussa le voilier tout près de leur coque, l’espar les grattant légèrement avant de se dégager.

 

A travers la pluie, elle pouvait à peine voir son équipage travailler frénétiquement pour regagner le contrôle de leurs voiles et elle était plutôt contente d’avoir le pouvoir sécurisant de ses moteurs sous elle. La falaise menaçait devant et Dar était contente de voir que la plupart des bateaux en restaient éloignés.

 

« Fais attention, là, Dar », murmura Andrew. « Y a une sacrée marée qui arrive. »

 

« Je la sens », répondit Dar et c’était le cas, dans ses jambes. « Tiens bon. » Elle tourna le bateau dans le vent et augmenta les moteurs, entendant leur grondement par-dessus le mauvais temps. Le bateau émergea contre les vagues, les surplombant et luttant contre le courant fort.

 

Elle lança les moteurs à plein régime et ils émergèrent derrière la jetée, se dirigeant en plein vers l’amas de bateaux derrière. Dar entendit son père inspirer et elle sourit pour elle-même en coupant les manettes et en déplaçant la proue. Le courant les souleva et les fit tourner très proprement au centre du canal de la marina. Dar repoussa de nouveau légèrement les manettes vers l’avant et se dirigea vers les quais en béton.

 

« Putain de con », dit Andrew en riant.

 

Dar approcha des quais et fit le tour des plus grands. Elle pouvait voir un groupe de personnes qui attendait sur l’emplacement vide qu’on leur avait assigné et elle pensa voir du personnel médical. Mais les vagues se précipitaient contre les quais, se brisant dessus et arrosant les gens qui regardaient.

 

D’habitude elle aurait laissé le bateau dériver doucement mais la marée allait du mauvais côté. Dar mit le bateau en ligne, puis renversa les moteurs, permettant à l’eau de les pousser à contrecoeur dans l’emplacement. Les responsables de quai avaient déjà lancé leurs bouées sur le côté et elle manoeuvra avec talent en place jusqu’à ce que la coque les touche.

 

Deux des hommes sur le quai sautèrent à bord et attrapèrent les cordages. Dar coupa les moteurs et s’assit, la tête penchée en lançant un regard interrogateur à son père. « C’est mieux que quand j’avais dix ans ? »

 

Andy lui ébouriffa ses cheveux mouillés affectueusement. « Bon travail », la complimenta-t-il sérieusement. « Tu fais un sacré bon marin, Dar. »

 

Dar croisa les bras et sourit. « Merci. » Elle jeta un coup d’œil derrière elle. « Je présume qu’on ferait mieux de bouger. Kerry et moi on a une chambre dans un des hôtels, s’il est toujours ouvert dans ce bazar On peut probablement t’y emmener. » Elle se leva et contourna le siège de console.

 

« J’pense que j’peux m’trouver ma couchette », dit Andrew. « On va laisser Bud et Charlie s’installer d’abord, et après on se trouvera un abri. »

 

Ça semblait plutôt bien pour Dar. Quelque part de sec et calme, et idéalement pourvu de beaucoup de glace.

 

*************************************

 

Kerry avait fini par s’endormir, nichée dans le lit de la chambre du Dixie. Elle n’avait pas pensé en être capable, compte tenu du mouvement du bateau et du stress de la journée, mais son corps avait simplement pris le dessus et exigé qu’elle ferme les yeux et repousse le monde autour d’elle pendant un moment.

 

Ses rêves n’avaient pas de forme. Elle voyait des feux d’artifices, comme si on rejouait le 4 Juillet dans sa tête encore et encore (NdlT = Fête nationale américaine) . Finalement le dernier pétard explosa et la foule sans visage autour d’elle disparut, le bruit passant lentement à celui d’un cliquètement qui la ramena à la réalité.

 

Elle ouvrit les yeux, regardant autour d’elle dans une confusion momentanée avant que sa mémoire ne reprenne le dessus. « Urmf. » Elle se frotta le visage d’une main et roula sur le dos, cherchant la présence de Dar. Elle passa un moment à se demander où était sa compagne, puis elle se rendit compte que le bateau était relativement immobile et que les moteurs étaient coupés.

 

« Mon Dieu. On doit être à quai. » Kerry roula hors du lit et se redressa, se retenant à la commode pour garder l’équilibre alors que les vagues faisaient rouler le bateau. « Pourquoi est-ce qu’elle n’est pas venue me chercher bon sang ? » Elle alluma la lampe et s’étira, sentant des douleurs tout le long de son corps.

 

Ses bras lui faisaient mal. Elle s’appuya contre les tiroirs et plia les mains. Elles étaient raides et un peu gonflées et il y avait des bleus sur le bas des paumes et les phalanges. Pendant un bref instant, son estomac grouilla et puis elle se rappela les mains de Dar après que celle-ci l’eut sauvée d’un groupe de voleurs de voitures crasseux.

 

Douloureusement bleuies. Mais pour une bonne cause.

 

Sa cause. Kerry leva la tête et regarda dans la faible luminosité de la pièce. « Tu sais quoi, Stuart ? » Se dit-elle. « Tu n’as pas à être désolée pour rien. Ce type était un cochon de putain de rebut et il méritait qu’on lui remette les pendules à l’heure. »

 

Elle laissa mourir l’écho des mots. Elle se sentit mieux grâce à ça. Elle ajusta son tee-shirt et se passa les doigts dans les cheveux, puis quitta la chambre et se glissa vers l’avant. Tout était calme sur le bateau. Elle écouta des bruits de la présence de Dar en s’éclaboussant le visage.

 

La porte de la cabine s’ouvrit et elle passa la tête, un sourire apparaissant lorsqu’elle vit sa compagne entrer. « Salut. »

 

Dar repoussa sa capuche et alla vers elle. « Salut. »

 

« Qu’est-ce que j’ai raté en dormant ? » Demanda Kerry.

 

« Une manœuvre brillante de ma part, et beaucoup d’hommes qui parlaient d’emmener Bud à l’hôpital », lui dit Dar. « Comment te sens-tu ? Je ne voulais pas te réveiller. »

 

« Mieux », annonça Kerry d’un ton brusque. « C’est quoi le plan maintenant ? Rester ici ? »

 

« On ne peut pas », lui dit Dar. « Cette foutue tempête va durer encore deux heures, et ils évacuent la marina. Les vents font plus de cent dix kilomètres/heure, et je suis fichtrement contente qu’on soit attachés. » Elle massa le dos de Kerry. « Papa est allé avec eux à l’hôpital. »

 

« Mm. » Kerry prit une inspiration et la relâcha. « Alors… est-ce qu’on va à l’hôtel ? »

 

« Tu aimerais ? » Demanda Dar. « Est-ce que c’est ce que tu veux ? »

 

Cela semblait être une question étrange à Kerry. Elle finit de se brosser les dents et se rinça la bouche, puis elle se retourna et fit face à sa compagne. « Tu sais ce que je veux ? » Demanda-t-elle à Dar, qui se tenait là patiemment attendant une réponse.

 

« Quoi ? »

 

« Etre avec toi », répliqua simplement Kerry.

 

Dar sourit et hocha la tête. « Pareil pour moi », dit-elle.

 

« Tu as l’air vraiment fatigué. » La jeune femme blonde bougea un peu des cheveux de Dar de ses yeux visiblement rougis. « On se trouve un lit sympa sur sol sec. »

 

« Je suis vraiment fatiguée », admit Dar. « Et, hum… »Elle bougea légèrement. « J’ai un peu mal. Je pense que je me suis tordu quelques trucs pendant la lutte. »

 

Kerry pouvait voir les traits tirés sur son visage. « Tu es sûre que tu ne veux pas qu’on t’examine ? » Demanda-t-elle vainement, connaissant déjà la réponse.

 

« Nan. » Dar rejeta l’idée. « J’ai juste besoin d’un peu de repos et peut-être d’aspirine », dit-elle. « Et de toi. »

 

« Et de ce jacuzzi », lui rappela Kerry. « Viens. Allons-y. »

 

Dar mit le bras autour des épaules de Kerry et elles sortirent dans la tempête.

 

**********************************

 

Elles entrèrent dans le hall de l’hôtel, et furent accueillies par la vue d’un amas d’humains qui se bousculaient pour avoir de l’espace. « Mon Dieu, j’espère qu’ils nous ont gardé notre chambre », murmura Kerry. »

 

Dar mit son sac de voyage sur son épaule. « Moi aussi. » Elle poussa Kerry vers l’escalier. « Allons voir. J’ai le sentiment que Papa risque de devoir dormir sur le canapé ici si c’est le cas. »

 

Kerry suivit Dar dans l’escalier et prit le virage qui menait vers leur chambre désignée. Le hall du haut était également occupé, et elles durent passer près de plusieurs groupes de gens qui se disputaient pour arriver au bout. Dar retira la clé de sa poche de jean et fit une tentative, ouvrant la porte avec précaution avant de passer la tête à l’intérieur.

 

Le silence. Dar alluma et entra attendant que Kerry la suive avant de refermer la porte derrière elles et de s’appuyer contre. « Cette pièce ne bouge pas, hein ? »

 

Kerry explora rapidement la chambre, puis revint pour prendre le sac des mains de Dar. « Dieu merci, non. » Elle déboutonna son imperméable et l’enleva. « Ces fenêtres semblent un peu eff… oh. » Elle avait écarté les rideaux pour révéler des planches de bois qui protégeaient le verre. « Malin. Ils travaillent vite. »

 

« On s’y habitue après un certain temps », fit remarquer Dar en retirant son vêtement de pluie pour se traîner vers le lit. Elle s’effondra dessus et resta allongée à regarder le plafond. « Etre prêt pour les tempêtes je veux dire. Surtout par ici. »

 

« Oui, je présume. » Kerry laissa retomber les rideaux. « Est-ce que le bateau sera à l’abri dans la marina ? »

 

Dar avait fermé les yeux. « Autant qu’ici », dit-elle. « Ils l’ont bien amarré et étayé. Je me sens mal pour ces pauvres types qui n’ont pas d’emplacement. »

 

Kerry posa le sac et l’ouvrit, en sortant leurs pyjamas. Elle les posa sur la table et alla vers le lit, s’assit et saisit un des pieds de Dar. « Qu’est-ce qu’ils vont faire ? » Elle posa le pied sur son genou et commença à délacer la basket.

 

« Tu n’as pas besoin de faire ça. Elles sont mouillées », l’avertit Dar.

 

« Et ? » Kerry lui lança un regard amusé.

 

« Tu sais comment sentent des baskets et des chaussettes mouillées. »

 

« Comme ta chienne quand elle est mouillée. Oui, chérie, je le sais. » Kerry enleva la basket et la chaussette humide dessous. « Et tu veux dire quoi ? » Elle chatouilla le dessous du pied de Dar et sentit la jambe bouger sous ses mains.

 

Dar se contenta de sourire.

 

« Je ne pense pas que nous pourrons avoir le service de chambre pour l’instant », continua Kerry, en posant le pied de Dar pour prendre l’autre. « Je vais voir ce qu’ils nous ont laissé d’autre ici dans notre demeure royale, à part du rhum.

 

« Ça marche aussi », murmura Dar. « Mais c’est meilleur sur de la glace. »

 

Kerry massa la cheville de Dar, et sentit l’articulation plier sous son contact. « Pareil pour tout, non ? » Elle jeta les chaussures et les chaussettes vers la porte et balança les siennes. Puis elle se glissa au côté de Dar, et commença à s’atteler au bouton du haut du jean de sa compagne. « Tu sais, quelque chose de profond vient de m’apparaître. »

 

Dar roula la tête de côté et ouvrit un œil. « C’est quoi ? »

 

« Les jeans à boutons sont plus sexy que les jeans à fermeture-éclair », lui dit Kerry sérieusement.

 

Un ricanement fatigué secoua le ventre de Dar.

 

« Non, vraiment. » Kerry examina la taille de Dar en retirant le second bouton. « Réfléchis à ça. Avec les fermetures éclairs, tu en enlèves une et hop ! C’est fait. De cette façon, tu dois prendre ton temps. »

 

« Kerry, je pense que tu es trop fatiguée », lui dit sa compagne.

 

« Hé, j’ai fait une sieste. Pas toi. » Kerry sourit en continuant sa tâche. « C’est comme les gants. »

 

« Les gants ? »

 

« Ouais. Autrefois quand les femmes portaient des gants. Comme ceux qui montaient jusqu’en haut du bras ? » Kerry jeta un coup d’œil et vit une expression extrêmement intriguée sur le visage de Dar. « Allons, Dar. Tu regardes la chaîne Histoire. Ne me fais pas ce regard ‘de quoi la blonde coincée protestante est en train de parler, là ?’ »

 

Dar fronça les sourcils. « Oh. » Elle se massa la tempe. « Tu veux dire les trucs pour s’habiller le soir. »

 

« C’est ça », acquiesça Kerry. « Ils avaient des boutons tout le long, et même un petit crochet pour les attacher. C’était considéré comme très sexy à l’époque de regarder une femme enlever ses gants de cuir. Certains avaient une centaine de boutons. »

 

Il y eut un instant de silence alors que Dar réfléchissait. « Vraiment ? »

 

« Oui oui. » Kerry ôta le dernier bouton et tira sur le bandeau du slip de Dar. « Tu sais quoi encore ? »

 

« Tu es contente d’être née dans la deuxième moitié du vingtième siècle après que les gants sont passés de mode ? » Suggéra Dar. « Parce que si je devais attendre que tu enlèves une centaine de boutons, je te courrais après avec une paire de ciseaux à cuir. »

 

Kerry gloussa et posa la tête contre la hanche de Dar.

 

« Et, je le ferais », dit cette dernière.

 

« Je parie que tu n’as jamais sucé ta Tootsie jusqu’au bout, hein ? » Kerry continua dans l’absurde. « Tu la mâchais. » (NdlT : Tootsie = sucette au sucre dur et au chewing-gum)

 

« Non », répliqua Dar avec un reniflement digne. « J’ai d’abord acheté des Tootsie Rolls » (NdlT : espèce de carambar)

 

Kerry se tortilla un peu et commença à s’occuper de la chemise de Dar. « Je le savais. » Elle regarda la poitrine de sa compagne se soulever et descendre doucement sous sa main. Le vent dehors grattait les volets en bois contre le bâtiment et elles purent entendre un grondement à travers les murs. « On est à l’abri ici ? »

 

Dar jeta un coup d’œil dans la pièce. « Cet endroit est ici depuis une centaine d’année », dit-elle. « Je pense que c’est bon. »

 

« D’accord. » Kerry ouvrit la chemise de Dar et posa doucement les doigts sur les bleus qui parsemaient sa poitrine. « Tu as mal, mon cœur ? » Son ton était passé de joyeux à sérieux. « Tu es un peu égratignée ici. »

 

« Je suis trop fatiguée pour avoir mal maintenant », admit Dar. « Peut-être plus tard. » Elle se redressa lentement et enleva sa chemise, puis elle se leva pour enlever son jean. « Tu me rejoins dans ce strip-tease ou bien tu dors habillée ? »

 

« Tu penses qu’on a une chance de dormir ? » Kerry resta où elle était à regarder Dar traverser la pièce en sous-vêtements pour poser ses vêtements pliés près de leur sac. La lampe douce effaçait les marques de lutte de son corps et le rendait en ombres dorées pour les yeux appréciateurs de Kerry.

 

Elle en aimait la force. La grâce et le pouvoir solide étaient évidents dans chaque mouvement. Rien chez Dar n’était fait pour épater la galerie, tout était vrai, et tout était fonctionnel.

 

Et tout à elle. Kerry sourit pour elle-même à cette pensée. Elle passa un moment à se laisser aller dans la connaissance de ce que c’était d’aimer quelqu’un comme ça – et d’être aimée – jusqu’au plus profond. C’était un vrai cadeau et elle le savait, et dans cet instant unique, cela la rendit humble.

 

« Mon Dieu, je l’espère », dit Dar en soupirant tout en enfilant son pyjama. Elle se retourna et regarda Kerry, affalée sur le lit dans un désordre nonchalant. « J’ai eu assez d’aventures pour aujourd’hui. » Elle fixa de plus près la jeune femme qui la regardait. « Ker ? »

 

C’était comme de s’enfoncer dans les brumes du temps. Kerry ressentait soudain la profondeur de ce qu’il y avait entre elles, en ressentait l’ancienneté et entendait les faibles échos des vies derrière la sienne. C’était étrange, et effrayant, et elle écarquilla les yeux en plongeant dans le regard de Dar.

 

Curieuse, celle-ci s’approcha et s’assit sur le lit. « Ker ? » Demanda-t-elle à nouveau, le front plissé d’inquiétude. « Tu vas bien ? »

 

Kerry prit une inspiration. « Oui », murmura-t-elle. « Je viens juste d’avoir une sorte de déjà vu », dit-elle. « Je pense que la journée a été trop longue pour nous deux. »

 

Dar lui tapota la joue. « Déshabille-toi, et espérons que la tempête ne… »

 

Les lumières clignotèrent, puis s’éteignirent.

 

Un soupir. « Fichera pas en l’air le courant. » Dar se retourna et jeta un coup d’œil à la pièce maintenant complètement dans l’obscurité. Quelle idée idiote ça avait été.

 

« J’ai une torche dans le sac », dit Kerry en riant d’un air las, roulant hors du lit pour se mettre debout. Elle tâtonna vers la table et fouilla dans le sac, en sortant l’objet fin pour l’allumer « Il y a des bougies ici ? »

 

Dar la rejoignit et prit la torche, se frayant un chemin jusqu’au placard qui contenait la télévision. Elle regarda à l’intérieur et découvrit quelques bougies d’ouragan, quelques-unes déjà utilisées. « Tiens. »

 

Kerry lui prit les bougies et elles les allumèrent, les mettant partout dans la pièce à des endroits stratégiques.

 

Sous les lumières des bougies, l’intérieur prit une nouvelle dimension, les flammes légèrement vacillantes faisaient rebondir des ombres du plafond et donnaient un pittoresque suranné au lit ancien. Kerry trouva le minibar par accident et y fit un raid après s’être changée en pyjama.

 

Dar l’écouta farfouiller un moment, puis apporta une dernière bougie vers le lit, la posant sur la table de chevet. Elle souleva le drap du dessus et se mit au lit, faisant gonfler les oreillers pour s’installer tout contre.

 

Kerry apparut peu de temps après de l’ombre, ses cheveux clairs maintenant secs et recueillant des lueurs de bougie lorsqu’elle rejoignit sa compagne. Elle tendit une tasse à Dar et posa un panier de bonnes choses entre elles. Puis elle rampa dans le lit et se détendit, laissant sortir un soupir sincère.

 

La tempête faisait rage dehors. Elles pouvaient entendre les choses claquer contre les fenêtres, et au loin, le bruit de la sirène. « Dar ? » Demanda soudain Kerry. « Que penses-tu qu’il est arrivé à DeSalliers ? »

 

Dar sirota de sa tasse, y trouvant un mélange agréable de rhum et de jus d’ananas. « Tu veux dire, là dehors ? »

 

Kerry brisa un gâteau en deux et en mit une portion dans la bouche de Dar. « Oui. Est-ce qu’il pourrait… je veux dire, la tempête est plutôt méchante même si c’est un grand bateau. Et s’il a coulé ? »

 

Tant mieux. Dar se sentit choquée d’entendre cette pensée faire écho froidement dans son subconscient, mais après un instant, elle continua de mâcher son gâteau et l’avala. « Ces salauds ont kidnappé Bud, nous ont rendu la vie impossible, et nous ont presque tuées toutes les deux sans mentionner mon père. Je me fous pas mal de ce qui leur arrive. »

 

Kerry mordilla pensivement son gâteau. « Vraiment ? »

 

Dar réfléchit à prétendre le contraire. Elle décida qu’elle était sacrément trop fatiguée pour ça. « Vraiment. »

 

« Mm. » La jeune femme blonde appuya la tête contre l’épaule de sa compagne. « J’espère qu’ils ne couleront pas. »

 

Dar la regarda.

 

« Mourir est trop facile. Qu’il vive avec la connaissance qu’il a été battu est bien plus jouissif. » Kerry bougea les orteils avec contentement et cassa un autre gâteau.

 

« Sauf qu’il a eu ce qu’il voulait », lui rappela Dar d’un ton désabusé.

 

« Non, pas du tout. » Kerry leva la main et jeta quelque chose sur la poitrine de sa compagne. « J’aurais été damnée de le laisser filer avec ça »

 

Dar fixa la feuille couverte de plastique posée au centre de sa poitrine. « Fils de pute. »

 

« Fille de salaud, en fait », la corrigea Kerry « Une des choses que toi et moi n’avons pas en commun. » Elle prit une gorgée de son rhum et l’avala, puis s’appuya contre Dar à nouveau. « Alors. »

 

« Alors », répéta Dar en retournant la feuille entre ses doigts.

 

« La mort est un prix élevé à payer pour la stupidité », dit Kerry. « Et je… je ne veux pas avoir ça sur ma conscience. Est-ce qu’il y a un moyen de les aider s’ils ont des ennuis ? » Demanda-t-elle d’un ton sérieux.

 

Dar pinça les lèvres. « J’ai appelé les Gardes Côte pour eux sur le chemin du retour », admit-elle. « Alors oui, je me fiche complètement qu’ils coulent, mais je n’allais pas abandonner une loi marine qui m’avait été inculquée à l’âge de quatre ans. »

 

Kerry se redressa et donna un baiser à Dar. Elle se lécha les lèvres quand elles se séparèrent et fixa sa compagne dans les yeux. « Je me sens… vraiment bizarre avec ce qu’on a fait ce soir, Dar », dit-elle. « Une partie de moi est déboussolée, mais une partie de moi… »

 

« Comme de combattre pour l’intérêt supérieur ? » Répondit Dar d’une voix ordinaire.

 

Un petit silence tomba. Kerry se laissa retomber contre les oreillers sans quitter Dar du regard. « L’intérêt supérieur. » Les mots semblaient intéressants dans sa bouche et elle joua un peu avec, savourant leur signification. « Est-ce que c’est ce qu’on a fait ? »

 

Dar haussa les épaules. « Je ne sais pas. C’est quelque chose que mon père mentionnait toujours. Faire des choses pour d’autres gens ou agir quand ça n’est pas dans ton meilleur intérêt simplement parce que c’est la chose juste à faire. » Elle tendit la main et la passa dans les cheveux désordonnés de Kerry. « C’est ce que font les militaires, si tu y penses. »

 

« Ça dépend de qui définit le mot ‘juste’ cette année », répliqua Kerry, avec une touche de scepticisme ironique. « Mais je vois ce que tu veux dire. » Elle mit les bras autour de Dar. « Tu as aimé le faire ? »

 

Dar lui rendit son étreinte alors qu’elles écoutaient le vent hurler. « Je n’y suis pas très bonne », dit-elle. « Je préfère m’occuper de mes intérêts que de ceux des autres. »

 

Kerry se redressa sur son coude et la regarda les deux sourcils dressés. « Dar, c’est un vrai mensonge », déclara-t-elle platement. « Tu t’es mise en danger pour moi avant même qu’on se soit vraiment rencontrées ! »

 

« C’est parce que tu es mon intérêt. » Dar mit le bout de son doigt sur le nez de Kerry.

 

Il n’y avait pas grand chose qu’elle pouvait répondre à cela. Elle se blottit de nouveau près de Dar et secoua la tête. Le vent frappait plus fort dehors et elle entendit un coup très puissant alors que quelque chose frappait le bâtiment. Elle mit ses pensées sur l’intérêt supérieur de côté pour l’instant. « Tu as peur ? »

 

« Non », lui dit Dar. « Je suis juste fatiguée. »

 

Kerry comprit le message et tira les couvertures sur la longue silhouette de sa compagne, les enroulant toutes les deux à l’intérieur. Elle remit les bras autour de Dar et posa la tête sur l’épaule de sa compagne. Elle sentit les muscles de celle-ci se détendre presque immédiatement, malgré le bruit rageur dehors. Les battements du cœur sous son oreille prirent un rythme régulier et ralentirent et elle se concentra pour les compter.

 

Ils couvriraient la tempête.

 

Ils l’avaient toujours fait, lui rappela une voix intérieure floue.

 

Kerry y réfléchit, se perdant dans le scintillement des bougies toutes proches alors que le vent soufflait par-dessus.

 

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