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TERRORS6

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Dar & Kerry

 

Terrors of the High Seas

Aventures en Haute Mer

 

 

Par Melissa Good

Traduction : Fryda

(fryda@orange.fr)

 

Voir les avertissements dans la partie 1

**********

Partie 6a

*********

 

Dar fit surface, toussant pour vider ses poumons d’une goulée malencontreuse d’eau de mer. Elle fit un tour sur elle-même, secouant les cheveux de ses yeux en cherchant frénétiquement Kerry. Un moment plus tard, la jeune femme blonde émergeait tout près. Kerry la repéra et nagea vers elle avec des brassées rapides et efficaces. L’eau était agitée et la pluie rendait la vision difficile, mais elle traversa les rouleaux pour s’approcher de Dar.

 

Pendant un instant, elles se laissèrent porter par l’eau et se contentèrent de se regarder. Dar secoua la tête pour écarter les mèches à nouveau et plissa les yeux dans la pluie. « Viens. » Elle étouffa une toux. « Allons au bateau. »

 

Entre la marée, la pluie et le ressac, la nage fut difficile. Kerry se dit que ses palmes lui manquaient vraiment alors qu’elle luttait pour avancer. Le crawl n’y faisait pas grand chose alors elle opta pour la brasse, gardant juste la tête hors de l’eau pour pouvoir respirer. Mais sa force commençait à diminuer quand elles se trouvèrent à trois quarts du chemin vers les quais, et elle ralentit pour reprendre son souffle.

 

Dar sembla le sentir. Elle s’arrêta et se retourna dans l’eau, puis nagea vers elle. « Qu’est-ce qui ne va pas ? »

 

« J’suis fatiguée », admit Kerry. « Donne-moi une minute. »

 

« Tiens bon. » Dar tendit le bras, ses jambes bougeant avec force sous les vagues et la maintenant droite.

 

« Non, c’est bon. » Kerry se sentait un peu mieux. Elle recommença à avancer. Dar resta près d’elle alors qu’elles luttaient dans les rochers, la pluie tombant de plus en plus fort. Kerry sentit Dar ralentir juste à l’intérieur de la paroi et elle tendit la main pour s’accrocher aux rochers, résistant aux vagues qui essayaient de la projeter contre eux.

 

« C’est plus très loin. » Dar montra la silhouette oscillante de leur bateau, à peine visible dans la pluie. « Tu vas bien ? »

 

Kerry sentit ses forces revenir. « Oui. » Elle hocha la tête positivement. « Allons par-là. » Elle se repoussa de la paroi et commença à nager, sentant un fort courant lutter pour l’attirer avec la marée descendante. En grimaçant elle poussa à contre-courant et resta au niveau de l’épaule de Dar avec un effort déterminé. Le ressac la recouvrit, lui piquant les yeux et elle sentit le sel au fond de sa bouche plus d’une fois. Elle se concentra sur l’eau froide, le battement de la pluie et le grand corps qui bougeait juste devant elle.

 

Quelque chose, pas de l’eau, l’effleura, et elle sentit quelque chose de filandreux le long de son corps. Elle sursauta et se tordit, puis hoqueta quand une profonde douleur sur son estomac faillit lui faire perdre connaissance. « Bon sang. » Elle se maintint immobile avec beaucoup d’effort, et sentit les fils s’éloigner, et elle recommença à nager, en grimaçant aux élancements qui traversaient son corps.

 

Une méduse. Kerry jura entre ses dents. C’est bien ma veine. Mais après un moment, la douleur diminua un peu et elle la repoussa de son esprit alors qu’elle continuait.

 

Sa respiration devenait saccadée, et ses muscles brûlaient quand elle entendit le bruit distinct des vagues qui frappaient la fibre de verre tout près. Kerry leva les yeux pour voir une surface blanche cambrée au-dessus de sa tête. Elle tendit la main et attrapa le bord du quai couvert de bernacles en regardant Dar approcher du côté du bateau. D’une poussée puissante elle émergea de l’eau, les bras tendus vers le bastingage qui se baissa vers elle au dernier moment et s’enroula avec complaisance autour de ses mains.

 

Dar s’accrocha et se maintint ainsi un moment, reprenant visiblement des forces. Ses vêtements mouillés collaient à son corps et Kerry vit sa poitrine se gonfler alors qu’elle prenait une profonde inspiration. Le haut de son corps se contracta pour la tirer jusqu’au bastingage puis par-dessus, mais Kerry pouvait voir les efforts que cela demanda et étant donné comment elle se sentait elle-même à cet instant, reconnut volontiers la constitution très robuste de Dar.

 

Elle savait qu’elle n’allait pas en faire autant avant longtemps, alors elle se repoussa et nagea vers l’arrière, la partie la plus basse du bateau où l’échelle de plongée était accrochée à sa place. Au moment où elle y parvint, elle entendit les cliquetis alors que Dar détachait le panneau et libérait l’échelle. La chose qu’elle ressentit juste après fut une légère piqûre alors que le tube d’aluminium atteignait l’eau près d’elle et plongeait rapidement sous l’eau. Avec reconnaissance, elle s’accrocha aux marches, chevauchant l’échelle dans le ressac jusqu’à ce que le bateau plonge à nouveau, puis elle mit le pied sur la marche du bas et se poussa vers le haut.

 

La poigne de Dar s’accrocha soudainement autour de son bras et elle fut soulevée sans cérémonie sur le bateau, atterrissant sur le pont arrière tel un paquet détrempé alors que Dar remontait l’échelle et refermait le panneau.

 

Beuh. Kerry se rendit compte que de rester assise sans bouger était une bonne chose. Elle se fichait même de la pluie qui la couvrait, rinçant l’eau salée de son corps alors qu’elle luttait jambes croisées. Ses bras et ses jambes lui semblaient ankylosés et faibles, elle garda la tête baissée en posant les coudes sur ses cuisses, et se contenta de retrouver sa respiration.

 

Dar se laissa tomber près d’elle, semblant tout aussi contente de rester immobile. Elle étendit ses longues jambes et posa les mains sur ses genoux. « Bon Dieu de merde. »

 

Kerry leva la tête et regarda sa compagne avec perplexité. « Est-ce que tu penses qu’on devrait aller à Las Vegas en vacances la prochaine fois ? »

 

Les yeux bleus entourés de cheveux noirs et emmêlés la regardèrent. « Avec ma chance, un virus informatique mettrait toute la ville en panne pendant qu’on y serait », dit Dar en soupirant. « Tu vas bien ? »

 

« J’suis juste lessivée », dit Kerry en hochant la tête. « Et je pense que j’ai avalé plus de deux litres d’eau de mer. Ma langue est en saumure. » Elle mit ses cheveux en arrière. « Dar, ça craint. »

 

« Oui oui. » Dar lâcha une expiration. « On pourrait aussi bien sortir de sous la pluie. » Avec un léger grognement elle se mit debout et regarda vers l’entrée de la marina. Il était difficile de deviner ce qui venait de se passer. A un moment elles étaient quelque part avec DeSalliers, l’instant d’après elles se retrouvaient dans une situation presque dangereuse.

 

Situation que, elle y réfléchit, elle avait fichtrement bien négocié.

 

« Dar ? »

 

Dar se tourna pour trouver Kerry qui levait la main avec une expression ironique.

 

« Ça t’ennuie de me tirer ? »

 

Dar serra sa main et se pencha en arrière pour la mettre debout. « Je me demande après qui il est parti ? » Songea-t-elle alors qu’elles se dirigeaient vers la porte de la cabine et qu’elle plongeait dans sa poche pour la clé. « Bon sang, si seulement on avait eu une minute de plus. »

 

« Ouais », acquiesça Kerry. « On était tout près. Tu as entendu ce qu’il disait ? Au sujet de sa réputation ? C’était quoi tout ce truc, je me demande ? »

 

Dar s’arrêta, tenant la porte ouverte. « Tu veux chercher ? »

 

Kerry leva les yeux vers elle. « Tu veux dire, sortir pour les poursuivre ? » Elle regarda Dar hocher la tête. « C’est totalement fou, Dar. » Un sourcil se haussa ironiquement vers elle. « Allons-y. »

 

« Entre et change-toi. Je vais nous libérer. » Dar lui donna une tape sur le derrière puis disparut sur le pont.

 

« Oye, oye, capt’aine. » Kerry entra dans la cabine et rit avec perplexité. « Personne va le croire », dit-elle à la pièce vide. Elles avaient apporté leurs affaires de l’hôtel avant d’aller petit-déjeuner, leurs sacs et le portable de Dar étaient sur la table où elles les avaient laissés.

 

Kerry enleva son tee-shirt détrempé en continuant dans la cabine jusqu’à l’avant. Elle l’accrocha sur le rail de la douche et ajouta son short, jetant ses chaussures dans la douche en même temps que ses chaussettes et ses sous-vêtements.

 

Le grondement des moteurs commença à vibrer à travers ses pieds nus. Kerry se glissa hors de l’avant jusque dans la chambre à coucher, se lançant un regard en coin dans le miroir en chemin vers la commode. « Wow. Visez le rat mouillé. » Elle se montra elle-même du doigt. Sa peau montrait quelques éraflures légères et la marque rouge où elle pensait avoir été piquée par une méduse. Ça battait toujours et elle tressaillit en appuyant légèrement sur l’endroit.

 

Le bateau bougea et elle s’agrippa rapidement à la commode, maintenant son équilibre. Elle attendit que le bateau ait fini de tourner et que la proue se mette en place, puis elle sortit des vêtements secs de la commode et les enfila. Elle attrapa ensuite un imperméable de l’armoire et le passa par-dessus sa tête, s’arrêtant en riant lorsque le vêtement lui tomba jusqu’aux genoux. « Oups. » Elle commença à le retirer puis s’arrêta à mi-chemin et remit le tissu caoutchouteux autour de son corps.

 

Sans vraiment s’arrêter pour réfléchir à pourquoi elle avait fait ça, elle alla à la cuisine et attrapa une bouteille d’eau dans le petit réfrigérateur. Elle fit sauter le bouchon et avala quelques gorgées pour éloigner le goût de l’eau de mer de sa bouche, puis elle se dirigea vers la porte.

 

******************************

 

Dar s’installa trempée dans le fauteuil de capitaine, tressaillant à l’humidité inconfortable de ses vêtements. Elle ajusta les manettes et guida le bateau hors du quai, se disant qu’elle pourrait laisser Kerry piloter assez longtemps pour se changer quand elles seraient au large.

 

La pluie battait avec régularité sur le toit qui la couvrait et Dar se pencha en avant pour mieux voir à travers le plastique alors qu’elle guidait le bateau dans le canal. Elle tourna à la bouée et poussa les moteurs, se lançant derrière la tache s’éloignant qu’était le vaisseau de DeSalliers.

 

Elle avait à peine eu le temps de se détendre qu’elle entendit Kerry grimper l’échelle. Elle se tourna pour voir sa compagne apparaître sur le pont haut, vêtue d’un imperméable bleu qui n’était visiblement pas le sien. Kerry se dépêcha de se mettre sous la couverture du pont et repoussa la capuche de son imper, exposant ses cheveux blonds ébouriffés. « Jolie veste. »

 

« Tu aimes bien ? » Kerry lui tendit la bouteille d’eau et entoura les épaules de Dar de ses bras. « Je pense avoir été piquée par une méduse, Dar. »

 

« Ah oui ? » Dar ajusta leur direction puis tourna son attention vers Kerry. « Où ? »

 

Kerry souleva la veste bien trop grande et son tee-shirt et exposa son ventre. « Là. »

 

Dar regarda et toucha doucement la marque rouge irritée. « Ça fait mal ? » Elle regarda le visage de Kerry. « Pas juste piquer, faire mal vraiment ? »

 

« Un peu », admit Kerry. « Ça bat en quelque sorte », expliqua-t-elle. « Autrement je n’en aurais pas parlé, Dar. Je veux dire que j’ai été touchée par d’autres trucs avant ça. »

 

« Tu l’as nettoyé avec quelque chose ? »

 

Kerry secoua la tête. « Je ne pensais pas en avoir besoin, il faut ? »

 

« Je ne sais pas. » Dar fronça les sourcils. « Tu as vu quel genre de méduse c’était ? »

 

« Non. » Kerry s’assit près d’elle. « C’est bon, je pense. Ça a fait très mal quand c’est arrivé, mais maintenant c’est juste agaçant. » Elle regarda l’horizon. « C’est quoi le plan ? »

 

Dar ouvrit le petit placard sous la console et en sortit une bouteille marron et un petit paquet de gaze. « Relève cette veste », ordonna-t-elle en ouvrant la bouteille d’alcool pour mouiller la gaze.

 

« Tu devrais pas regarder où on va ? » La taquina doucement Kerry. « Au lieu de jouer avec mon nombril ? » Néanmoins elle souleva le tissu et le tee-shirt dessous, inspirant brusquement lorsque la gaze toucha sa peau et la brûla. « Ouille. »

 

« Certaines de ces choses stupides laissent des cellules urticaires », lui dit Dar. « Tiens le gouvernail pendant que je fais ça. »

 

Kerry enroula les doigts autour du métal, les maintenant dans la bonne direction alors qu’elle sentait Dar nettoyer avec précaution le point toujours douloureux sur son ventre. Le battement semblait être pire mais elle se dit que ça devait être parce que Dar le tripotait. « Qu’est-ce qu’on va faire quand on les rattrapera ? »

 

Dar finit sa tâche et baissa doucement le tee-shirt de Kerry, puis arrangea l’imperméable par-dessus. « Juste regarder », dit-elle, en donnant une petite tape sur le côté de Kerry. « Peut-être qu’on peut manœuvrer pour qu’il nous révèle son jeu. »

 

« Je l’espère. » Kerry s’assit et soupira.

 

Dar lui jeta un coup d’œil. Le profil de Kerry semblait tendu et elle pouvait voir des petites rides autour de ses yeux. « Hé. »

 

Kerry leva la tête, ses yeux verts visiblement rougis. « Hm ? »

 

« On n’a pas à faire ça. »

 

La jeune femme blonde pencha la tête. « Hein ? Je pensais que tu voulais leur courir après ? »

 

« Tu n’as pas l’air en forme. »

 

Kerry déglutit, le front contracté. « Je vais bien », dit-elle à Dar.

 

Dar la regarda avec suspicion.

 

« Dar. » La voix de Kerry prit une touche d’impatience. « Je ne suis pas une petite fille. »

 

« Je n’ai pas dit ça. » Dar joua avec les contrôles, bougeant les mains sur les manettes. « Je me demandais juste si être là-dehors à pourchasser un abruti dans la pluie est une si bonne idée », dit-elle. « Peut-être qu’on devrait juste laisser tomber, Ker. »

 

Kerry mit un pied nu contre la console et l’étudia. Elle pouvait entendre l’inquiétude dans la voix de Dar et savait qu’elle en était la cause. « Je pense… » Elle s’interrompit et réfléchit vraiment à ses mots. « Je pense que si nous avions laissé tomber au tout début, ça aurait été okay. »

 

Dar la regarda du coin de l’œil.

 

« Mais maintenant, je pense qu’il faut qu’on y voie clair. Tu sais ? » Dit Kerry. « Je n’aime pas l’idée de fuir, et si nous partons maintenant, sachant ce que nous savons, c’est l’impression que j’aurai. »

 

« Mmph. » Dar grogna d’un ton bourru. « Ceci était supposé être des vacances de détente », contra-t-elle. « Pour nous deux. »

 

Kerry tendit la main et encercla le bras de Dar de ses doigts. « Tu veux arrêter ? » Demanda-t-elle avec une sincérité tranquille. « Chérie, si c’est ce que tu veux, nous allons le faire. » Sa main se resserra légèrement.

 

Dar cloua son regard sur l’horizon, réfléchissant en silence pendant une longue minute. Elle se sentait tiraillée entre son désir de connaître la vérité et son envie également puissante de protéger Kerry.

 

« Dar ? » Dit Kerry doucement.

 

« Oui ? »

 

« Pourquoi est-ce qu’on ne fait pas un compromis ? On ne les suit pas. On fait le tour par l’autre côté de l’île de Charlie et on regarde de ce point sur le côté ouest. »

 

Dar ajusta légèrement les manettes. « Et ? » Elle testa l’idée avec prudence.

 

« De cette façon, nous ne forçons pas la confrontation, et nous pouvons satisfaire notre curiosité en quelque sorte », raisonna Kerry. « Et si rien ne se passe, nous pouvons… hum… » Elle tira doucement sur la manche mouillée de Dar. « Nous mettre plus à l’aise en bas. »

 

Dar décida que c’était un plan acceptable. « Okay », approuva-t-elle. « Je peux accepter ça. »

 

« Génial. » Kerry sourit brièvement. Elle glissa un peu sur son siège et s’appuya contre le corps mouillé de Dar, la tête posée sur son épaule. L’élancement de sa brûlure semblait empirer et elle avait mal au crâne maintenant, mais elle se dit que ça n’était rien qu’un peu de détente à proximité de Dar ne pouvait guérir.

 

Le bateau filait dans la pluie, faisant maintenant une courbe qui fit disparaître DeSalliers à l’horizon.

 

*************************************

 

La seconde fois qu’elle ressentit le frisson, Kerry se rendit compte que quelque chose n’allait pas. Malgré la protection de son imperméable, elle avait froid et sa gorge semblait se serrer, rendant difficile de déglutir. Elle essaya d’ignorer la sensation mais son sens commun intervint. « Dar ? »

 

Sa compagne la regarda rapidement. Une main se leva et lui toucha le visage. « Tu vas bien ? »

 

Kerry pinça les lèvres. « Je ne crois pas. Je me sens minable », admit-elle. « J’ai froid et j’ai mal à la gorge. »

 

Dar mit la main sur son front et jura. Elle se retourna et observa les environs avec de l’anxiété dans les yeux. Elles étaient près de la partie nord de l’île de Charlie, mais autrement elles se trouvaient dans un grand coin d’océan calme et vide.

 

Elle ralentit les moteurs puis les arrêta, vérifiant la profondeur alors qu’elles dérivaient.

 

« Qu… » Kerry s’interrompit, ayant un peu de difficulté à respirer. « Qu’est-ce que tu fais ? » Elle regarda Dar manœuvrer les contrôles du bateau et se rendit soudain compte que ses mains tremblaient. « Dar ? »

 

« Il faut que je t’emmène en bas », dit Dar calmement, avec un monde de tension dans la voix. « Je vais jeter l’ancre. » Elle fit très exactement ce qu’elle disait et le raclement de l’ancre qu’elle déployait fut soudain plus fort alors qu’elle coupait les moteurs. « Viens. J’ai un kit en bas et je pense qu’on va en avoir besoin. »

 

Kerry n’était pas vraiment sûre de savoir ce qui se passait, mais elle se leva, se retenant au bras de Dar quand ses genoux menacèrent soudain de ne pas la maintenir. « Oh bon sang. »

 

« Tiens-toi à moi. » Dar la retint par la taille, et la guida vers l’échelle. « Tu as une réaction au truc qui t’a piquée, je pense. »

 

« Oh. » Kerry frissonna, avec l’impression d’être en train d’essayer de respirer sous l’eau. « Ma gorge… est un peu gonflée. » Elle garda du souffle pour grimper, sentant la profonde sécurité de Dar qui l’entourait. « Je me sens drôle. »

 

Elles atteignirent le pont et les jambes de Kerry cognèrent sous elle. « D… »

 

« Je t’ai. » Dar l’attrapa à plein corps et la porta dans la cabine, poussant la porte du pied pour l’emmener hors de la confusion de la pluie et de l’air chaud jusqu’à la tranquillité fraîche. Kerry inspira fort, entendant le son rauque de sa propre respiration, et il lui apparut soudain qu’elle devrait être effrayée.

 

Elle sentit le tissu frais du canapé contre le bas de ses jambes alors que Dar la reposait. « D… Dar ? » Elle s’accrocha au bras de Dar avec des doigts tremblants, en sentant que celle-ci glissait un oreiller sous sa tête, la redressant légèrement.

 

« Reste juste tranquille et essaie de te détendre. Je reviens tout de suite », lui dit Dar.

 

Kerry se contenta de la regarder, sa respiration arrivant maintenant de manière saccadée. Elle avait l’impression qu’il n’y avait pas assez d’oxygène dans l’air, et lorsque Dar revint et s’agenouilla près d’elle, elle remarqua que ses doigts et ses orteils chatouillaient. Une peur irraisonnée la submergea et elle commença à paniquer.

 

« Ker… Ker… doucement. » La voix de Dar pénétra le brouillard autour d’elle.

 

« Da… je ne peux pas respirer », dit-elle pantelante.

 

« Chérie, je sais. Donne-moi un instant. Tiens bon. »

 

Kerry sentit soudain quelque chose de froid contre son bras. « Qu… » Elle tourna la tête et vit Dar qui avançait une aiguille près d’elle, vacillant alors que les mains de sa compagne tremblaient. Kerry leva les yeux vers le visage de Dar et vit un masque féroce et déterminé, les yeux agrandis de frayeur et qui la terrifia.

 

Est-ce qu’elle allait mourir ?

 

Un doux cri échappa de sa gorge. Elle sentit une piqûre et son bras sursauta, puis un élancement de douleur solide la fit lutter, haletante, incapable d’inspirer décemment.

 

Le poids de Dar fut sur elle abruptement, la clouant. Kerry sentit la panique prendre le dessus et elle lutta contre la prise, agrippant Dar et poussant fortement le corps puissant allongé sur elle. Un autre bras attrapé et maintenu fermement, et elle sentit une autre piqûre.

 

Puis un frisson.

 

Puis une sensation enflammée et étrange sous sa peau, là où l’aiguille était entrée.

 

Puis tout fut loin et elle pensa entendre le claquement de quelque chose en travers de la pièce. Le poids se retirait et la cabine tournoyait vers le haut et en rond et elle ne pouvait pas respirer et il faisait froid et…

 

« Kerry ! ! ! ! »

 

La voix pénétra sa confusion d’une certaine façon. Kerry toussa et puis inspira par réflexe, surprise de pouvoir avaler une goulée d’air. Les bandeaux de pression autour de sa poitrine diminuèrent et elle frissonna, se blottissant près de la source de chaleur qui s’enroulait maintenant autour d’elle.

 

Lentement, le chatouillis dans ses mains diminua et elle les plia faiblement. Elle pouvait toujours sentir des frissons pénibles qui secouaient tout son corps et il lui était difficile de penser clairement. Mais elle savait qu’elle était soutenue en toute sécurité et elle pouvait sentir la respiration de Dar pressée contre son dos.

 

Au moins elle pouvait respirer maintenant. Kerry inspira avec gratitude, se sentant totalement lessivée. « Wow », murmura-t-elle. « Ça craint. »

 

Elle sentit le faible sursaut derrière elle alors que Dar faillit rire. Elle pouvait entendre le battement du cœur de sa compagne là où son oreille était pressée contre la poitrine et elle toussa un peu, entendant un raclement dans ses poumons qui la déstabilisa. « Ouille. »

 

« Doucement », finit par dire Dar, se reculant sur le canapé pour bercer un peu plus Kerry. Le visage de celle-ci avait pris une teinte gris clair et elle pouvait sentir les frissons qui traversaient son corps. Maintenant que l’injection du médicament, un stimulant qu’elle portait toujours, était administré, il n’y avait pas grand chose que Dar pouvait faire en dehors d’être là pour elle.

 

Il y aurait assez de temps plus tard pour se vilipender de n’avoir pas vu les signes. Du temps plus tard pour elle d’être en colère de n’avoir pas vérifié plus avant la piqûre de Kerry, ou d’avoir pris plus de précautions, ou…

 

Dar soupira. Kerry n’avait jamais eu de réaction à une piqûre avant ça. Pour dire vrai, Dar gardait les injections pour elle, parce qu’elle avait été piquée à l’âge de dix ans et qu’elle avait presque eu des convulsions. « Doucement, mon amour. »

 

Kerry se contenta de rester là allongée, la tête posée contre la poitrine de Dar. Sa main était posée sans force sur la jambe de sa compagne, son pouce bougeant à peine. « Dar ? » Murmura-t-elle.

 

« Je suis là. »

 

« Est-ce que je suis en train de mourir ? »

 

Dar sentit la pression sanguine monter si haut qu’elle en fut étourdie et elle vit des étoiles devant ses yeux. « Non, mon coeur », répondit-elle doucement. « S’il te plait, n’y pense même pas. »

 

C’était comme d’écouter un tonnerre persistant. Kerry ne pouvait presque pas compter les battements. Elle roula la tête d’un côté et leva des yeux embrumés, pour voir la frayeur violente sur le visage de sa compagne. Elle leva la main pour toucher la mâchoire de Dar et elle la sentit bouger sous ses doigts.

 

Non. Kerry cligna des yeux. Elle ne pouvait pas mourir, n’est-ce pas ? Dar avait besoin d’elle.

 

La voulait.

 

« Je ne me suis jamais sentie comme ça auparavant », ronronna Kerry. « Qu’est-ce qui s’est passé ? »

 

Dar déglutit et puis avec impatience, elle se passa l’avant-bras sur les yeux. « Tu as réagi à ce foutu truc urticaire. »

 

Kerry haussa légèrement les sourcils. « Ouille. Ça ne me l’a jamais fait avant. » Elle sentit un autre frisson la parcourir, et elle s’enfouit dans l’étreinte de Dar, recherchant la chaleur. Son bras lui faisait mal et elle le regarda avec un froncement de sourcil. « Aie. » Elle toucha le point douloureux.

 

« Désolée. » Dar bougea. « J’ai dû te piquer très vite. » Elle prit une inspiration. « Et si je te mettais au lit ? Je parie que les couvertures te feront du bien. » Sa voix avait l’air un peu rude. « On devrait t’emmener à l’hôpital à St Johns. »

 

L’hôpital. Kerry plissa le nez. Beurk. « Et si on commençait par le lit », concéda-t-elle. « Mais seulement si tu viens avec moi. »

 

« Tu n’es pas en position de négocier, Kerrison. » Le ton de Dar s’était adouci et Kerry pouvait entendre le battement de cœur ralentir et reprendre son rythme. « Tu as besoin d’un médecin. » Mais elle se leva avec précaution, laissant passer un léger grognement d’effort en soulevant Kerry pour la prendre dans ses bras. Elle alla lentement jusqu’à la chambre, se mettant de côté pour qu’elles passent la porte toutes les deux et elle posa Kerry sur le lit.

 

Kerry la fixait à travers ses yeux à demi-fermés alors qu’elle l’examinait. « Urmph. »

 

Avec un soupir, Dar dézippa l’imperméable que Kerry portait toujours et le retira. Puis elle tira les couvertures sur le corps de sa compagne, la bordant avec soin. La peau de la jeune femme blonde avait toujours une teinte maladive, et elle frissonnait. « On rentre », lui dit Dar.

 

Kerry tendit la main pour attraper la sienne et la retint. « Ne me laisse pas. »

 

Dar contracta le front. « Kerry, je dois piloter le bateau, tu te souviens ? »

 

« Ne me laisse pas », implora Kerry doucement. « Sil te plait ? »

 

L’indécision se fraya un chemin sur le visage de Dar alors qu’elle se trouvait tiraillée entre deux besoins irrésistibles. Son sens commun lui disait d’emmener Kerry se faire soigner. Cependant elle savait que St Johns était loin et que d’ici à ce qu’elles arrivent, les symptômes de Kerry auraient probablement diminué.

 

« Je vais te donner quelque chose pour ta fièvre », temporisa Dar.

 

« Et enlever ces vêtements humides », la taquina Kerry faiblement. « On n’a pas besoin d’être malades toutes les deux. »

 

La cohérence dans les yeux de sa compagne rassura Dar immensément. « Okay. Ne bouge pas », l’avertit-elle en se tournant pour sortir de la chambre.

 

« D’accord. » Kerry la regarda partir. Elle se détendit un peu et tira les couvertures un peu plus autour d’elle, soulagée de sentir que son corps se calmait. Son bras lui faisait mal là où Dar l’avait piquée, et l’injection battait, ajoutant à l’inconfort de sa fièvre, mais elle pouvait maintenant respirer facilement et elle recommençait à sentir ses mains et ses pieds.

 

« Nom de bleu », dit Kerry au plafond de la cabine. « C’était pas marrant. »

 

Pas marrant du tout.

 

****************************************

 

Dar alla dans la cuisine et se tint là un instant, puis elle s’appuya lentement sur le comptoir et mit la tête entre ses mains. Bon sang de merde, pensa-t-elle silencieusement. Bon sang de purée de merde on a été à deux doigts du pire.

 

Avec un soupir, elle se redressa, laissant ses mains tomber sur ses côtés. Elle se sentait complètement lessivée et ses jambes étaient toujours tremblantes, mais elle se força à marcher et elle prit la théière. Un thé brûlant ne ferait rien de particulièrement médical mais elle savait que Kerry aimait cette boisson. En plus ça lui donnait quelque chose à faire.

 

Dar remplit la théière et la posa sur la plaque de la cuisine, puis elle ouvrit le placard et en retira une bouteille de Tylénol. Elle en sortit deux comprimés et les posa, puis elle prit la tasse de Kerry sur son crochet et la posa à côté.

 

Elle étudia les objets puis secoua le flacon pour obtenir un peu plus de comprimés, mit de l’eau dans la tasse de Kerry et l’utilisa pour avaler les cachets. Puis elle se tourna et se pencha sur le comptoir, croisant les mains sur sa poitrine en attendant que l’eau bout.

 

L’humidité sur ses avant-bras lui rappela qu’elle avait oublié de se changer. Avec un soupir, elle se repoussa du comptoir et alla à l’endroit où se trouvaient toujours leurs sacs sur la table. Elle déboutonna sa chemise et l’enleva, la posant sur le dossier de la chaise, puis elle retira son soutien-gorge de sport, tressaillant à son humidité froide.

 

Les vêtements secs lui firent du bien sur sa peau et elle se sentit bien plus réchauffée lorsqu’elle retraversa vers la cuisine pour verser l’eau sur la boule de thé qu’elle avait mise dans la tasse de Kerry. La fumée s’éleva, apportant la senteur de mûres à ses narines. Elle prit un petit pot de miel dans le réfrigérateur, en versa un peu dans la tasse et le remua avec soin.

 

Quand elle eut le sentiment que tout était parfait, elle prit le Tylénol, mit une bouteille d’eau sous son bras et prit la tasse de thé avec précautions. Après un regard dans la cabine, elle se dirigea vers la chambre, passa la porte et balaya le lit du regard avec une anxiété difficilement cachée.

 

Kerry se trouvait exactement là où elle l’avait laissée, enroulée sur le côté, le bras autour de son oreiller. Ses yeux étaient à demi-ouverts et regardaient la porte, et ils s’agrandirent quand Dar entra. « Ah. Te voilà. »

 

« Oui me voilà », acquiesça Dar, en posant son fardeau sur la table de chevet. « Comment te sens-tu ? »

 

« Je me sens comme si je voulais ma Dar. » Kerry tendit la main et passa les doigts sur le doux coton du short de Dar.

 

Celle-ci s’assit sur le bord du lit et posa la main sur le front de Kerry. Il était chaud au toucher et sa couleur était assurément pâle. « Assieds-toi un instant et avale ça. » Elle aida Kerry à s’asseoir et lui tendit les cachets, puis elle déboucha la bouteille d’eau et la tint pendant que Kerry en prenait une gorgée, puis avalait.

 

« Merci. » Kerry s’appuya contre elle. « Seigneur, j’ai l’impression d’être un déchet bouilli. »

 

« Hm. » Dar mit le bras autour d’elle. « Je te crois. »

 

Kerry frissonna. « C’était vraiment effrayant. »

 

« Oh oui. » Dar prit la tasse de thé et la lui tendit. « J’avais peur. »

 

Kerry tint la tasse à deux mains, savourant sa chaleur. Elle prit une gorgée du thé doux et chaud et soupira. « Je sais », dit-elle. « Je pense que c’est ce qui m’a le plus fait peur. »

 

Dar se leva du lit et s’agenouilla devant la commode, ouvrit le dernier tiroir et farfouilla dedans. Elle trouva la petite boîte qu’elle y avait mise quand elles avaient abordé à Miami et la prit, l’apportant avec elle en se rasseyant au bord du lit.

 

« C’est quoi ? » Kerry la regardait avec curiosité. Son regard suivit la fermeture-éclair que Dar tirait, puis ses sourcils se haussèrent brusquement lorsqu’elle vit le brassard de prise de tension à l’intérieur. « D’où est-ce que ça vient ? »

 

« Du Dr Steve », répondit tranquillement Dar. « Donne-moi ton bras.

 

« Dar. »

 

Ignorant la pauvre protestation, Dar serra le brassard autour du bras musclé de sa compagne et commença à pomper.

 

« Tu sais comment utiliser ça ? » Dit Kerry en soupirant.

 

« Je peux reprogrammer manuellement le flash bios d’un serveur IBM, je pense que je peux me débrouiller », répliqua Dar, en regardant la petite jauge sur l’objet.

 

Kerry soupira d’un air mécontent et baissa les épaules.

 

Dar leva les yeux et saisit l’expression. « Il m’a fait le prendre », expliqua-t-elle doucement. « Je n’allais pas l’utiliser, mais comme j’ai dû te donner une sacrée dose de stimulant… »

 

Kerry jeta un coup d’œil à la jauge. « Hmph. » Elle la tapota de son autre main. « Bon sang. »

 

160. Pas bon du tout. Dar relâcha une partie de la pression et vérifia à nouveau. Plus de 100. Elle détacha le brassard du bras de Kerry qu’elle frotta dans une tentative de réconfort. « C’est probablement à cause du stimulant, ma chérie », dit-elle. « Pourquoi tu ne t’allongerais pas ? »

 

Kerry obéit docilement, toujours visiblement mécontente.

 

Dar jeta l’objet sur la commode et s’étira près d’elle, arrangeant doucement ses cheveux emmêlés avec ses doigts.

 

« Bah », marmonna Kerry.

 

« Je parie que quand je vérifierai plus tard, ça ira bien. » Dar lui fit un sourire de sympathie.

 

Kerry la regarda sévèrement puis leva la main. « Donne-moi ça. » Elle montra le brassard.

 

Dar tendit la main et l’attrapa, puis le lui tendit, surprise de voir Kerry l’enrouler autour de son bras à elle et commencer à pomper. « Hum… »

 

« Ah ah. » Kerry continua sa tâche. « Il faut être juste, Dar. Je pensais que ton cœur allait sortir de ta poitrine tout à l’heure. » Elle finit de pomper, et observa les résultats. « Ah. » Elle lança un regard à Dar. « Plus haute que la mienne, chérie. Garde ta tête sur l’oreiller. »

 

Dar cligna les yeux, réellement surprise, regardant son propre bras. Puis elle fit un sourire penaud à Kerry et gigota pour se mettre dans une position plus confortable près de sa compagne. « J’étais stressée », dit-elle. « Tu comptes pour moi. »

 

Kerry jeta le brassard dans le coin et entoura Dar de son bras en posant la tête sur son épaule. « Je présume qu’on laisse partir DeSalliers, hein ? » Murmura-t-elle. « Est-ce qu’on est dépassées par tout ça, Dar ? »

 

Dar avait fermé les yeux et elle accueillit avec bienveillance la diminution du battement dans sa tête jusque derrière son crâne. Elle réfléchit à la question de Kerry pendant quelques minutes. « Je ne sais pas. Peut-être. » Son corps bougea légèrement et elle attira Kerry plus près. « Prenons du bon temps un moment, ensuite on repartira pour St Johns. » Elle massa le dos de Kerry. « J’aimerais vérifier pour toi au cas où. »

 

Un œil vert roula et se fixa sur elle dans une faible accusation.

 

« Je sais, je sais », dit Dar en soupirant. « Je donnerais des coups de pieds et je hurlerais à la simple suggestion. »

 

Kerry ricana doucement. « Oui, ça c’est sûr »

 

« Fais-moi plaisir », requit la jeune femme brune. « S’il te plait ? »

 

Kerry grogna, ayant marqué son point. « Okay. » Elle referma les yeux.

 

Dar mit les bras autour d’elle et l’étreignit. « Brave fille », dit-elle, puis elle s’interrompit en entendant le bruit d’un moteur approchant. Elle échangea un rapide coup d’œil avec Kerry. « Je vais voir ce que c’est. »

 

Kerry se redressa sur un coude et regarda Dar se lever et partir. Elle soupesa l’idée de la suivre mais son corps protesta, refusant de bouger. Elle tapota plutôt l’oreiller derrière elle et se réinstalla, levant les pieds, et prenant sa tasse de thé pour inhaler la fumée odorante.

 

*************************************

 

Dar se fraya un chemin dans la cabine et alla à la porte, l’ouvrit et regarda dehors. Un bateau de pêche de taille moyenne les approchait, avec deux hommes sur le pont supérieur et plusieurs autres à la poupe.

 

Pendant un moment elle les fixa, puis la compréhension se fit.

 

Des pirates ?

 

Dar ne voyait pas vraiment d’équipement de pêche sur le bateau et les hommes se rassemblaient, en la regardant. Son battement de cœur commença à augmenter et pendant un bref instant, elle souhaita que Kerry et elle soient de retour au bureau avec un merdier international à plusieurs niveaux. Avec un léger juron, elle mit la tête en arrière et se précipita vers le banc, l’ouvrit brusquement et en sortit la boîte. « Ker ! » Cria-t-elle. « Garde ta fichue tête baissée ! »

 

Elle ouvrit la boîte et en sortit le fusil, le chargeant en hâte lorsqu’elle entendit les manettes de moteurs à l’extérieur. Avec un mouvement sauvage, elle chargea, puis sauta vers la porte et l’ouvrit brutalement.

 

Deux hommes étaient sur le point de sauter à bord depuis la proue du bateau de pêche. Dar se prépara et mit le fusil à l’épaule, visant le long du canon alors que son doigt s’enroulait autour de la gâchette. « Arrêtez-vous ! » Aboya-t-elle.

 

Les hommes sur la poupe avaient des fusils. Elle pouvait les voir du coin de l’œil. Mais son problème immédiat était les hommes sur la proue.

 

« C’est bon, madame ! Doucement ! Personne ne va être blessé ! » Cria l’homme le plus proche. « Vous avez une arme, on en a dix. Maintenant posez ça par terre, d’accord ? »

 

« J’vous emmerde ! » Gronda Dar en retour. « Touchez le bateau et je fais sauter votre foutue queue ! »

 

L’homme redressa son fusil d’un air détaché. « Je vous le dis, madame ! Posez ça à terre ! »

 

Dar ne bougea pas. Elle resserra son doigt sur la gâchette, sentant le métal froid se réchauffer au contact. « Reculez ! » Cria-t-elle à l’homme. « Embarquez vos culs loin d’ici, espèce de merdeux de pirates ! » Une main toucha son dos et elle faillit sauter à travers la cloison. « Grrr ! »

 

« J’appelle les gardes-côtes », lui dit Kerry à voix basse. « Je leur dis. »

 

« Allez-y sautez ! Elle va pas tirer ! C’est que de la parlotte ! » Cria l’homme sur la poupe. « Dépêchez-vous ! »

 

Dar sentit son cœur défaillir alors que l’homme sur la proue s’apprêtait à sauter. Elle tourna le canon du fusil vers lui et déglutit, pas sûre de savoir si elle voulait ou était capable d’appuyer sur la gâchette.

 

« Dar. » La voix de Kerry était tendue.

 

Je dois la protéger, dit la voix intérieure de Dar calmement. « Reste en arrière », cria-t-elle par-dessus son épaule, puis elle fit face devant. L’homme lançait une corde vers le pont et grimpait sur le bastingage.

 

Dar se raidit et appuya sur la gâchette. L’arme recula avec puissance, sursautant contre son épaule. Des cris explosèrent.

 

Puis elle tira à nouveau. Des échardes de blanc émergèrent partout sur l’eau alors que les deux tirs traversaient la coque du bateau pirate près de la ligne d’eau. Elle pompa le fusil et chargea deux nouvelles cartouches dans la chambre.

 

« Espèce de garce timbrée ! »

 

« Tirez-lui dessus ! »

 

« Attention ! »

 

« Revenez Bon Dieu ! Revenez ! Seigneur ! »

 

« La prochaine va coller votre copain dans l’eau ! » Cria Dar. « Au lieu de merder la fibre de verre ! » Elle tourna le fusil vers la poupe, parce que les deux hommes de la proue avaient plongé pour se mettre à couvert. L’un des hommes qui lui faisaient face leva son fusil et mit en joue, et leurs regards se croisèrent à travers leurs lignes de visée.

 

Et à ce moment, avec sa vie en ligne de mire, Dar sentit sa peur s’effacer alors que la prédatrice en elle s’éveillait. Elle plissa les yeux et un sourire s’installa de lui-même sur son visage et elle sut au plus profond d’elle-même que non seulement elle pourrait appuyer sur la gâchette…

 

Elle le ferait.

 

Son doigt se resserra.

 

« Sors de là Bon Dieu, mec ! On coule, merde ! » L’un des hommes de la proue avait grimpé à l’arrière et attrapait le gouvernail.

 

« Gardes-côtes, gardes-côtes, mayday, mayday. » La voix de Kerry lui parvenait de derrière elle. « Ici le Dixieland Yankee, un vaisseau US enregistré attaqué juste au nord d’AVI B21. »

 

« Merde ! Elles appellent les gardes-côtes ! Bougez de là ! » L’homme qui pointait son fusil vers Dar baissa le canon et se cacha derrière la cabine. « Bougez ! Bougez ! »

 

Le bateau de pêche remua dans l’eau, puis ses moteurs s’allumèrent et la proue s’éloigna d’elles. Ils lancèrent les moteurs et la proue se redressa, deux trous maintenant visibles sur sa courbe blanche. Alors qu’ils partaient, l’un des hommes sur la poupe leva son fusil à l’épaule et les visa.

 

« Merde. » Dar sauta à travers l’encadrement de la porte, essayant de la fermer.

 

Un des compagnons de l’homme releva le canon, puis frappa l’homme sur la nuque. Le porteur de l’arme réagit avec colère et le frappa avec la crosse du fusil. Ils se battirent, se poussant l’un l’autre alors que le bateau faisait retraite, dans une large courbe vers la côte sud de l’île juste au nord de celle de Charlie.

 

« On ferait mieux de partir d’ici », dit Dar avec tension. « Au cas où ils reviendraient. » Elle se tourna pour voir Kerry qui la regardait avec un visage pâle et des yeux agrandis. « Tu vas bien ? »

 

Kerry posa le micro. Elle s’appuya contre le mur de la cabine et soupira. « Ouais. » Sa voix contenait une note rude. « Mais retourner à un endroit où je pourrais juste… » Elle prit une inspiration. « Faire un somme serait vraiment génial. »

 

Dar la guida vers le canapé et l’assit en posant le fusil. « Allonge-toi ici, ma chérie. Je vais remonter l’ancre et on va aller s’amarrer près de chez Charlie et Bud », dit-elle. « Bud est toubib. »

 

« Je parie que ses manières de chevet sont super », marmonna Kerry en s’allongeant sur le canapé. Elle regarda le visage de Dar alors que celle-ci fermait la boîte, y voyant les mouvements agités des muscles de sa mâchoire, et la tension présente. « Hé, Dar ? »

 

« Oui ? » Dar ne leva pas les yeux.

 

Kerry tendit la main pour caresser sa jambe. « C’était vraiment impressionnant », dit-elle.

 

Les mains de Dar s’arrêtèrent dans leur tâche. La tête sombre se tourna et leurs regards se croisèrent. Dar ferma le banc et s’assit dessus près de Kerry, les avant-bras posés sur ses genoux. « C’est vrai ? » Répondit-elle doucement. « Ça m’a juste fait l’impression d’une bordée de cris suffisants. »

 

Kerry sourit. « Ça a marché », dit-elle. « C’était une idée géniale de faire un trou dans leur bateau. »

 

Dar fixa le sol entre ses pieds nus. Son esprit retourna au sentiment qu’elle avait eu quand le fusil s’était centré sur l’homme à la proue. Il n’y avait eu ni peur ni confusion en elle. Elle avait centré son canon sur sa poitrine.

 

Pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas appuyé sur la gâchette ? Qu’est-ce qui avait abaissé le canon, pour viser le bateau à la place ?

 

« Dar »

 

Dar leva la tête et se tourna. « Oui ? Hum… merci. » Elle réussit à sourire. « Je ne suis pas sûre que tout était prévu, mais je suis contente d’avoir fini par faire ce qu’il fallait. » Elle se mit debout. « Appelle-moi si tu as besoin de quelque chose, d’accord ? » Elle ébouriffa les cheveux de Kerry puis alla à la porte et sortit.

 

Kerry sentit son front se plisser. Son instinct lui disait que quelque chose dans la voix de Dar… dans son attitude… ne sonnait pas vraiment juste. Elle entendit les moteurs démarrer suivis par le cliquetis de l’ancre qui remontait, et elle sentit le mouvement alors que le bateau se dirigeait vers l’île.

 

Plus tard, elles auraient le temps de parler. Kerry posa la tête sur le canapé et laissa ses yeux se fermer. Alors elle saurait.

 

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