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TROPICAL STORM14

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

TROPICAL STORM

 

Tempête tropicale

 

de Melissa Good

 

 

traductrice : Fryda

 

 

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Partie 14A

*******

 

Chapitre 114

 

Dar jeta un coup d'œil au ciel gris pendant que l'avion se garait, regardant la pluie fouetter le petit hublot ovale tout en soupirant. Le vol avait été long, d'autant que la météo avait obligé leur avion à tourner en rond pendant trente minutes avant de finir par atterrir à Dulles ; et elle ressentait un besoin intense de s'étirer et de bouger dans le petit espace confiné.

 

Alors que l'avion arrivait vers la porte, elle détacha sa ceinture et se leva, contente d'être au moins en tête de l'avion, près de la sortie. Elle ouvrit le compartiment à bagages et retira sa veste, puis la mallette de son ordinateur et l'installa sur son épaule.

 

La porte s'ouvrit, laissant passer une rafale d'air humide et froid, et elle trembla par réflexe, serrant un peu plus sa veste contre elle ; elle la ferma avant de faire un aimable signe de tête au steward, et de sortir de l'appareil, pour se diriger vers le terminal. Elle venait de faire trois pas lorsqu'elle repéra Jack qui attendait, et elle sourit par réflexe lorsque son visage s'éclaira en la voyant.

 

Il était vraiment mignon, admit-elle, alors qu'il s'approchait, la serra dans ses bras , son immense silhouette lui donnant l'impression d'être toute petite. Elle rendit l'étreinte, sentant sa solidité sous ses mains, et elle lui tapota le dos. " Hé, Jack ! "

 

" Dar… " Il la serra une dernière fois et la relâcha. " Bon sang, je suis content de te voir… je suis tellement content que tu aies décidé de venir partager la dinde. "

 

Elle était également contente. Tout avait été si calme et si solitaire dans l'appartement la veille qu'elle en était presque devenue folle, sans pouvoir croire à cette réaction après tant d'années passées seule. Les quelques jours passés chez les Easton combleraient au moins l'absence de Kerry, et elle admit que le changement de paysage lui ferait du bien. " Contente de te voir moi aussi… tu as encore coupé tes cheveux, à ce que je vois ? " Elle ébouriffa ses cheveux coupés ras avec affection. " On vous paye à la longueur de vos cheveux ? "

 

Il rit. " C'est mieux que de penser que nous les pilotes sommes payés… à la longueur d'autre chose. " Répondit-il d'un air désabusé. " Viens… tu as enregistré des bagages ? "

 

Dar hocha la tête. " Un, oui… je pensais le prendre avec moi mais l'avion était plein, alors ils nous ont fait tout enregistrer. " Elle suivit sa silhouette qui avançait à grands pas vers le tapis des bagages, évitant la foule qui allait dans toutes les directions. " Comment va Gerry ? "

 

" Papa va très bien. " Répondit-il avec un sourire lumineux. " Il meurt d'envie de te voir aussi… il était vraiment excité à l'idée que tu aies accepté son invitation… et maman aussi, elle n'a pas arrêté de lui demander ce que tu aimais… comme il n'en a aucune idée, nous avons appelé ta secrétaire. "

 

Dar éclata de rire. " Oh mon Dieu… je suis dans le pétrin… elle a probablement dit à ta mère que j'aime les brocolis et les épinards… elle déteste ce que je mange. "

 

Il sourit. " Exactement… c'est ce qu'elle a fait… et maman était un peu méfiante, vu comme elle se souvenait de toi… alors elle a rappelé et elle est tombée sur une de tes assistantes. "

 

" Ah oui ? " Dar retint un sourire. " Je parie que ça n'a pas été pareil. "

 

" Ah ça non… et bon sang, j'étais content… parce que je hais les brocolis. " Répliqua Jack. " Les patates douces, c'est plus mon truc. " Il se mit près du tapis et croisa ses bras musclés. " Montre-moi. "

 

Dar obéit, le laissant soulever le sac en cuir du tapis avant de le mettre sur son épaule. La chevalerie l'avait toujours amusée et Jack en était le digne représentant… il avait pris son sac parce qu'il savait que c'était son privilège et son droit de le faire… pas parce qu'il voulait crâner ou marquer un point, ou ce genre de raison qu'un gars comme, disons, José, aurait eue. C'était un truc de mec, comme d'ouvrir les portes et de dire madame en soulevant son chapeau, de pousser une chaise… ça lui était tout à fait naturel, et il aurait été vraiment étonné si elle l'avait accusé d'être macho, ou si elle avait protesté qu'elle était capable de le porter elle-même.

 

C'était une douce innocence qui faisait plaisir, et une des choses que Dar aimait bien de la part du pilote. Le fait qu'il avait belle allure et un charmant sens de l'humour ne faisait pas non plus de mal. Ses cheveux étaient blonds et il avait des yeux bleu foncé intenses, et quand il jouait les idiots, il pouvait bouger ses oreilles, énormes sur sa coupe militaire. " Alors… que deviens-tu ? " Demanda Dar alors qu'ils se dirigeaient vers l'entrée. " J'ai entendu dire que tu faisais des missions sur porte-avions ? "

 

Il roula les yeux. " Oh sûr… sur le USS Nimitz. Je m'envole pour le rejoindre après Noël. " Dit-il dans un souffle. " J'ai passé une qualification de nuit le mois dernier, et je ne te dis pas, Dar… c'est la chose la plus effrayante que j'ai faite depuis que je suis tombé de cette maison dans les arbres quand j'avais dix ans, et que je me suis presque brisé le cou. "

 

Dar rit doucement. " Je ne peux pas l'imaginer… déjà atterrir sur ce petit pont, mais de nuit ? "

 

" En pleine mer. " Jack secoua la tête. " J'ai failli perdre mon déjeuner par des orifices que je ne connaissais même pas. " Il alla vers la porte et la lui ouvrit, en souriant d'un air désabusé lorsqu'il vit Dar tressaillir au froid qui la frappait. " Tu n'es pas habituée à ça, hein ? "

 

Dar serra sa veste et releva le col. " C'est bien vrai. " Murmura-t-elle. " Hier soir, j'étais dans mon jacuzzi à regarder les étoiles. "

 

" Et bien, est-ce qu'on ne serait pas une fragile plante d'appartement, madame. " Dit Jack en traînant la voix, les yeux brillants. " Si tu veux, j'ai un manteau épais dans la voiture… cette veste ne couvre pas grand-chose. "

 

Dar tira sur les manches et lui fit un sourire forcé. " Merci… je survivrai… je pense avoir mis mes gants quelque part. " Elle était contente d'avoir pensé à porter ses jeans les plus épais et des bottes, et elle se dit de penser à ajouter une couche de vêtement supplémentaire quand elle se changerait.

 

Ils entrèrent dans la voiture de Jack, une Ford Explorer marron aux sièges en cuir confortables. Il pressa un bouton sur le tableau de bord avant de refermer la portière de Dar ; puis il fit le tour et installa son grand corps dans le siège du conducteur avant de démarrer le moteur. " Des sièges chauffants. " Il montra le bouton puis fit un clin d'œil.

 

Dar sentit la chaleur commencer à la traverser et elle se détendit, étirant ses longues jambes en regardant le temps détestable. " On ne vend pas ce genre de choses à Miami. " Dit-elle avec un soupir. " Tu penses continuer ta carrière ? "

 

Il hocha la tête. " Oui… ça veut dire que je ne verrai pas mes parents pendant un moment… mais ça me donne une chance d'avoir un peu d'action. " Il la regarda. " Je veux dire… ne te méprends pas… je n'ai pas l'intention d'aller jeter des bombes sur qui que ce soit, d'accord ? "

 

Les yeux bleus allèrent à son visage et Dar laissa un minuscule sourire de compréhension passer sur ses lèvres. " Je sais. "

 

" Mais tu t'entraînes, tu t'entraînes… et ce serait sympa de pouvoir l'utiliser, tu vois ? C'est comme si tu ne faisais que des tests toute la journée… ça devient ennuyeux. "

 

" C'est vrai. " Reconnut Dar calmement. " Mais c'est juste que nous espérons tous que tout cet entraînement ne sera pas utilisé… même s'il apparaît de plus en plus que nous allons finir par être la police du monde. "

 

Jack la regarda, avant de retourner son attention vers la route. " Tu n'aimes pas cette idée ? " Demanda-t-il avec curiosité. " Je ne pensais pas que tu avais un problème avec l'usage de la force, Dar. "

 

Elle réfléchit à la question. " Tu sais… je ne le pensais pas non plus… Dieu sait que j'étais anxieuse de rejoindre les forces spéciales… je sais que je ne serais pas restée derrière un bureau. "

 

" Tu aurais fait un Navy Seal d'enfer, Dar. " Jack sourit. " Je parie que tu leur aurais botté les fesses. " Il regarda vers elle. " Pas à ton père, bien sûr. "

 

" Peut-être. " Dar sourit calmement. " C'est une pensée attirante… avoir ce genre de pouvoir… la puissance pour le droit… ce genre de truc… je pense que j'aurais pu le faire. " Elle se souvint qu'elle avait voulu… elle se souvint du goût du sang sur sa langue lorsqu'elle s'était mordue, quand les derniers efforts de son père pour la faire participer au programme avaient échoué. Elle était si près… si près de rejoindre cette fratrie. Elle connaissait la plupart des gars, elle savait qu'elle avait même eu une chance de briser les barrières de ce truc macho parce qu'ils la connaissaient… ils connaissaient son père… ils connaissaient ses capacités.

 

Elle savait qu'elle serait prête quand il le faudrait et placer un couteau où il le fallait.

 

Au lieu de ça, pétrifiée et furieuse, elle avait tourné le dos au service et avait pris une route différente. Un chemin tout aussi dangereux, avec des ennemis aussi tordus, mais avec une différence de taille. Là-bas, elle serait devenue une tueuse.

 

Ici elle ne l'était pas.

 

Elle n'eut aucune idée de pourquoi, mais soudain, cela avait de l'importance.

 

Jack entra dans l'allée de la maison des Easton quelques minutes plus tard, les pneus écrasant des branches mortes qui craquèrent. Il sortit et retira le sac de Dar, puis il la rejoignit pour aller vers la maison. " Nous avons une surprise à l'intérieur. " Murmura-t-il, ses yeux bleus s'éclairant. " Je pense que tu l'aimeras. "

 

Dar lui jeta un œil soupçonneux. " Jack, je déteste les surprises… tu le sais. "

 

Il sourit et ouvrit la porte. " Entre. "

 

Avec méfiance, Dar entra et reçut une bouffée envahissante de cannelle chaude et de pain cuit qui lui rappela qu'elle n'avait pas mangé de la journée. L'intérieur de la maison des Easton était grand et spacieux, un couloir d'entrée énorme menait au séjour, et juste devant, la cuisine d'où ces odeurs merveilleuses arrivaient. Mary Easton passa la tête lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir. " Dar ! C'est toi ! Viens ici ! " Elle se précipita en enfournant une cuillère dans la poche de son tablier, tout sourire. C'était une femme petite et ronde avec un visage ouvert et amical.

 

" Bonjour, maman Mary. " Dar sourit en retour, ouvrant les bras à temps pour accueillir une étreinte odorante.

 

" Mon Dieu, tu as encore grandi ? " Demanda la petite femme, en levant les yeux vers elle. " Ma chérie, tu es superbe… tu as pris des vacances ou quoi ? "

 

" Nan… " Dar rit doucement en repoussant ses cheveux volontairement. " J'ai juste passé un peu de temps au soleil récemment… nous en avons là-bas, tu sais. "

 

" Jack, mets ce sac dans la chambre d'invité… puis redescends et montre tes nouveaux amis à Darry. " Les yeux de Mary étincelèrent. " J'ai un cake aux pommes tout frais… tu en veux un morceau ? "

 

" Bien sûr… ça sent merveilleusement bon. " Répliqua la grande femme, en posant son ordinateur sur la table de salon près du divan, et en déboutonnant sa veste. " C'est bon de vous voir. "

 

" Suis-moi " Mary s'accrocha à son bras et la tira vers la cuisine. " J'ai un millier de choses en route… je suis si contente que tu te sois laissée convaincre par Gerry de venir. " Elle se précipita dans la grande pièce claire, blanche avec des placards bleus sur les côtés, et elle se dirigea vers les étagères rafraîchissantes près du fourneau. " Tiens… mords là-dedans… je sais que tu aimes ça. "

 

Dar rit doucement. " Ah… oui… je me suis laissé dire que mon personnel a cafté. " Elle s'installa sur l'une des chaises et jeta un coup d'œil alentour, appréciant l'efficacité dans l'utilisation de l'espace.

 

" Allons… ne leur en veux pas. " Mary se mit à rire en tendant une tranche du cake chaud et épicé à Dar, après l'avoir recouverte de beurre. " Et ma chérie, il faut que je te dise une chose… ton assistante à Miami est l'une des personnes les plus gentilles auxquelles j'ai pu parler de toute ma vie. "

 

Dar sourit en mangeant son morceau de cake et elle mâcha un moment, avalant avant de répondre. " Kerry ? "

 

Mary hocha la tête. " Oui… quelle femme sympathique… et tu sais, je veux dire que je me rends bien compte que c'est le boulot, et que vous ne vous parlez probablement pas en dehors des heures comme nous le faisons dans l'armée, mais je pense qu'elle t'apprécie beaucoup. "

 

" Oh vraiment ? " Les yeux de Dar étincelèrent. " Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? "

 

Mary était radieuse. " Juste le son de sa voix… lorsqu'elle prononçait ton nom, on pouvait deviner son sourire. "

 

Dar sourit un peu. " Et bien, oui, Kerry est une personne vraiment, vraiment très gentille, et en fait, nous sommes de bonnes amies en dehors du travail aussi. " Petite sournoise … elle n'avait pas parlé de l'appel de Mary…. Il faut que je réfléchisse à quelque chose de suffisamment tordu pour me venger. " Je suis contente qu'elle vous ait plu. "

 

Jack revint et tira sur la veste de Dar. " Hé… donne-moi ça… et viens avec moi. "

 

La surprise. Dar se leva volontiers et ôta sa veste que Jack plia sur son bras, puis elle le suivit vers la porte arrière de la cuisine, deux marches plus bas dans une pièce de rangement. " Tu es prête ? " Murmura-t-il d'un air espiègle.

 

Dar pouvait entendre de petits bruits étouffés derrière la porte, mais elle ne pouvait pas vraiment dire de quoi il s'agissait. " Hum… ok. " Répliqua-t-elle d'un air incertain, en faisant un pas un arrière lorsqu'il ouvrit la porte et se mit sur le côté.

 

Une marée vivante de poils jaillit sur ses jambes et ses yeux s'agrandirent. " Bon sang ! "

 

Il y avait neuf chiots remuants, bousculant, couinant autour de ses bottes, qui tiraient dessus et la reniflaient en remuant sauvagement la queue.

 

" Vas-y… dis bonjour. " Jack sourit. " Ils sont à Alabaster. "

 

Dar leva les yeux, avant de se laisser tomber sur un genou et de s'occuper de chacun des chiots. Alabaster était le Labrador Retriever digne et solide de Gérald, un animal dont la couleur était tellement claire qu'il en était presque blanc, d'où le nom (NDLT : Alabaster = albâtre). " Ils sont superbes. "

 

Les chiots grimpèrent sur ses jambes en criant, et elle s'assit par terre, les laissant lui grimper dessus. " Bon sang… ils sont si mignons… " Elle en prit un, un petit mâle qui remua frénétiquement lorsqu'elle le mit contre elle, puis lui mordilla l'oreille. " Hé ! "

 

Jack mit sa veste de côté et s'assit près d'elle, attirant sa propre mini meute. " Oui, ils sont mignons, hein ? " Il gratta une grande femelle derrière les oreilles. " Ils ont cinq semaines… nous savons où en caser certains. " Il s'interrompt, regardant le chiot se blottir dans les bras de Dar et la fixer avec adoration. " Lequel veux-tu ? "

 

Dar leva les yeux de son jeu avec la patte du chiot. " Non… désolée… je… " Elle garda le silence pendant un moment, à réfléchir. " Tu es sérieux ? "

 

Jack pencha la tête. " Bien sûr… papa et moi nous en avons parlé… il s'inquiète pour toi… il pense qu'un Labrador serait l'idéal pour toi. " Il gratta le poitrail du chiot. " Ils sont loyaux, amicaux… obéissants… tu pourrais les emmener en balade.. ce serait bien pour toi. "

 

Pendant un moment, Dar ne répondit pas. Elle regarda vers la petite tête qui s'était fourrée contre sa poitrine, son museau minuscule reniflant ses cheveux avec intérêt. Les yeux bruns innocents clignèrent vers elle et le petit museau s'ouvrit pour laisser sortir une langue douce et rosée en forme de U. D'abord des poissons, maintenant un chiot ? Qu'est-ce qu'il t'arrive, Dar ? " Laisse-moi y réfléchir. " Dit-elle finalement en levant les yeux avec un sourire malicieux. " Je… j'apprécie vraiment l'offre. "

 

Jack sourit et se retourna lorsque Alabaster entra, reniflant ses petits avec un froncement de Labrador inquiet. Elle repéra Dar et aboya de surprise, puis elle se fraya un chemin au travers de la meute et commença à lécher le visage de la cadre d'une manière directe et professionnelle.

 

" Doucement… " Dar rit en lui tapotant le flanc. " Ouais… je suis contente de te voir aussi, ma fille. " Elle s'appuya contre la machine à laver et soupira, laissant les chiots s'accrocher à ses jambes. Et bien, si elle ne pouvait pas être avec Kerry, ceci n'était pas un si mauvais second choix. Dehors, le vent hurlait et des branches frappaient le toit, mais elle sourit simplement à Jack et pencha la tête en direction du séjour. " Ça te dit de faire du feu ? "

 

Il sourit en retour et tendit une main pour l'aider à se lever. " Tu peux encore fendre une bûche comme tu savais le faire ? "

 

" On verra bien. " Répliqua Dar en se dirigeant vers l'escalier, en évitant les chiots avec précaution.

 

Chapitre 115

 

Kerry bâilla un peu en se réveillant, et elle laissa ses yeux parcourir la pièce tranquille avant de s'arrêter sur la forme endormie de sa sœur avec un petit sourire. L'aube venait juste de se lever et les premières pousses gris-rose étaient à peine visibles entre les arbres de la cour.

 

Elle resta ainsi un moment puis décidant de ne pas se rendormir, elle se glissa de dessous les couvertures, marchant à petits pas sur le sol moquetté pour s'agenouiller devant son sac de voyage. Son corps était un peu ankylosé et elle décida qu'une petite course autour du lac ne serait pas une mauvaise idée ; elle mit donc un pantalon de survêtement et un sweat-shirt par-dessus un épais T-shirt et elle laça ses baskets.

 

Courir n'avait jamais eu sa faveur mais ces derniers temps, en se joignant à Dar lorsqu'elles étaient sur l'île, et que Dar l'avait convaincue de la suivre pour ses courses nocturnes, elle y avait pris goût. C'est du moins ce qu'elle se disait. En tout cas, ça ne demandait pas d'équipement particulier, n'est-ce pas ? Elle descendit tranquillement l'escalier jusqu'à la porte de derrière ; elle n'entendait que les faibles bruits de quelqu'un qui s'activait dans la cuisine. Elle ôta le verrou et se glissa dehors, inspirant brusquement alors que l'air frais de l'extérieur la frappait. " Ouah, bon sang. " Marmonna-t-elle en s'étirant rapidement avant de partir dans un petit trot en direction du chemin. " Il vaudrait mieux que je m'échauffe vite. "

 

Le chemin était recouvert de gravier et elle le trouva sans aucun problème, ses pieds prenant un rythme familier alors que son corps s'éveillait. L'air froid la fit tout d'abord cligner un peu des yeux, mais elle s'y habitua et inspira à pleins poumons lorsqu'elle atteignit le virage qui allait l'amener au petit lac.

 

Tout était calme. Elle était seule dehors à cette heure-ci, et le bruit de ses pas résonnait fort sur le gravier. Il n'y avait pas d'autre bruit que celui du vent et elle se rendit compte qu'elle s'était tellement habituée à la faune de Miami que l'absence d'oiseaux et de criquets lui semblait étrange. Elle pensa à Bob le canard en descendant le long du lac à grandes enjambées. Bob était un vieil ami qui vivait dans le canal près de son appartement. Les nuits d'été, elle atterrissait souvent près des eaux noires et ridées, et bien souvent, Bob venait la retrouver.

 

Elle avait pris l'habitude d'emporter des croûtons de pain dans ses poches pour le vieux canard blanc ; et bien des soirs, elle restait là assise, la légère brise venant la rafraîchir de la chaleur moite, jusqu'à ce que la silhouette familière et claudiquante vienne vers elle.

 

Kerry sourit en pensant à lui, se souvenant du regard soupçonneux qu'il avait lancé à Dar lorsqu'elle avait fait se rencontrer sa nouvelle et son ancien ami. Il avait fallu environ dix minutes à Bob pour venir vers elles en ronchonnant, remuant la queue à l'intention de la grande femme en caquetant un son de protestation.

 

Sa respiration était maintenant un flot régulier et visible, et elle jeta un coup d'œil autour d'elle, avec le souhait que sa compagne de course soit avec elle. Elle devait vraiment faire un effort pour se maintenir au niveau de Dar ; parce que même si elle taquinait la grande femme sur son amour du chocolat et ses autres petits péchés, Dar était vraiment en grande forme, et ça se voyait dans sa facilité à courir et dans sa capacité à ajouter des petits plus à ses exercices matinaux.

 

Comme de jongler. Elle y avait difficilement cru la première fois qu'elle avait vu Dar prendre trois pierres, et jongler savamment tout en courant autour de l'île. Elle disait que ça développait le sens de l'équilibre et de la coordination, et que cela faisait également travailler le haut du corps, alors que la course ne touchait que les jambes et le bas du corps.

 

Jongler. Mon Dieu… Kerry était sûre qu'elle serait tombée tête la première si elle avait seulement essayé. Elle continua à courir autour du lac, descendant la colline, puis elle fit un demi-tour et remonta. Cette partie-là lui manquait à Miami, où les seules collines étaient des bretelles d'autoroutes. Elle pouvait sentir la tension dans ses cuisses et ses mollets, mais elle continua, dépassant la tension comme Dar lui avait enseigné.

 

Le circuit faisait un peu plus de deux kilomètres et elle fut contente de voir la maison au bout lorsqu'elle arriva au sommet de la colline, sa respiration un peu plus difficile et la sueur sur sa peau. Le soleil s'était maintenant levé et elle ralentit pour passer au pas lorsqu'elle atteignit le chemin de la cuisine, se calmant et essayant de reprendre sa respiration. Dar avait dit que la résistance était une question de temps, et elle ressentit la satisfaction de l'effort accompli lorsqu'elle grimpa l'escalier vers la cour.

 

Elle s'arrêta brutalement à la vue de la haute silhouette nonchalante qui attendait là, les cheveux argentés dessinés dans la lumière de l'aube. Kerry inspira brusquement. " Bonjour, Kyle. " Dit-elle avec précaution.

 

" Tiens, tiens. " Kyle se repoussa du poteau contre lequel il était appuyé et marcha vers elle. " On a l'air moite. " Rit-il doucement. " Tu deviens la parfaite petite athlète, n'est-ce pas ? "

 

Kerry le regarda d'un air neutre. " Ce n'est pas ce que je dirais. "

 

" Ah non ? " Demanda Kyle paresseusement, en passant un doigt sur sa joue moite. " Je ne sais pas… tu t'inscris à la gym, tu prends des leçons de karaté… maintenant ceci… je me demande. " Ses yeux passèrent le long de son corps. " Ce n'est pas très féminin. "

 

" Les femmes peuvent aussi être en forme. " Commenta doucement la jeune blonde. " Et je ne pense pas que ça vous regarde, Kyle. "

 

Il l'étudia. " Tu serais surprise de ce qui me regarde, fillette. " Répliqua-t-il avec facilité. " Surtout lorsque ça concerne ma future nièce… tu me suis ? "

 

Les yeux verts de Kerry se rétrécirent. " Je pense que vous dépassez les bornes, Kyle. "

 

" Et je pense qu'il y a quelque chose chez toi que je n'aime pas…et que ton père n'aimera pas… et ça va être merveilleux de le découvrir, mon chou. " Il la tapota sous le menton. " Va prendre une douche. Tu pues. " Puis il se tourna et s'éloigna, descendant l'escalier pour aller vers le garage.

 

" Pas autant que toi, trouduc. " Dit Kerry d'une voix acérée. Elle se tourna et monta l'escalier vers l'entrée de derrière, où elle fut repérée par Mary. " Oh… bonjour, Mary. "

 

" Ms Kerry… bonjour. " La femme noire d'âge moyen lui fit un signe de tête. " Vous êtes allée courir ? Bonté divine… il fait trop froid pour ça, vous allez attraper la mort si vous ne faites pas attention. "

 

Kerry passa les doigts dans ses cheveux. " Ça va… je me suis vite réchauffée. " Elle sourit à la servante, qui était dans sa famille depuis que Kerry était enfant. " Est-ce que par hasard il y aurait des muffins ? "

 

Mary regarda autour d'elle puis se rapprocha. " Et bien, vous savez… votre mère nous a dit de ne pas vous donner ces trucs, parce qu'elle pense que c'est mauvais pour vous, mais je dois dire, Ms Kerry… que vous m'avez plutôt l'air en très bonne santé. "

 

Kerry regarda aussi autour d'elle, puis retira son sweat-shirt et son T-shirt, pour ne garder que son soutien-gorge de sport. Elle tendit les mains. " Est-ce que j'ai l'air de quelqu'un à qui un muffin ferait du mal ? "

 

Mary la regarda de bas en haut. " Mm, mm… non, madame, sûrement pas… je vais vous chercher ce muffin, mais s'il vous plaît, remettez ces vêtements avant que l'un de ces messieurs vous voit. "

 

" Merci. " Kerry sourit et remit son sweat-shirt, attendant patiemment que Mary ne disparaisse puis ne réapparaisse avec un petit panier.

 

" Et voilà… deux muffins tout chauds aux myrtilles et quelque chose pour mettre par-dessus… allez et bon appétit. " Elle tendit le panier à Kerry et la repoussa.

 

La jeune blonde sourit de triomphe et entra dans le couloir, se dirigeant vers l'escalier qu'elle monta au petit trot pendant que Mary la regardait.

 

Elizabeth s'approcha et poussa sa compagne. " Qu'est-ce que tu regardes ? "

 

" Mm, mm… on peut dire que cette fille a joliment grandi. " Mary fit un son avec sa langue. " On dirait l'enfant du malin à retirer ses vêtements devant moi comme ça… elle a un joli nombril. "

 

" Espèce de vieille putain. " Liz rit profondément.

 

" Mon enfant, s'il te plaît… je me demande qui lui a finalement mis du plomb dans la tête… c'est du bon boulot. " Mary secoua la tête. " La meilleure chose qu'elle ait faite, ça a été de quitter cette maison. "

 

" Hm… et ce serait encore mieux si elle n'y était pas revenue. " Déclara Liz doucement en attrapant les nappes pour les plier.

 

 

 

Chapitre 116

 

" Tu savais que ce truc était disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? " Gerald Easton montrait l'écran. " On me dit sans arrêt qu'il y a une chaîne câblée pour chaque chose, je veux bien le croire. " Ils regardaient la chaîne militaire, une station qui passait des programmes sur les forces armées. " Bon sang de bonsoir… regarde ça, Dar… ils vendent des treillis comme si c'était du téléshopping. "

 

Dar étira ses jambes et les croisa, laissant sa tête reposer sur le dossier du divan. " Ils se font du fric… beaucoup de civils achètent et utilisent ces trucs… mon Dieu… 88 dollars pour une bête paire de bottes ? "

 

" Hmph. " Easton tira sur sa pipe et secoua la tête. " Ce sont vraiment des conneries modernes… Qu'est-ce qu'ils peuvent bien faire avec une maudite boîte de rations ? Je n'en donnerais pas à Alabaster… elle me mordrait le… ah. "

 

" La jambe. " Proposa Dar avec un sourire malicieux. " Et bien, nous sommes entre deux chaises, Gerry… c'est mieux que " Les pélerins, ou la conquête de l'Amérique révisée. "

 

" Des communistes. " Le général grogna. " C'est la mode aujourd'hui de montrer l'histoire sous son pire jour. "

 

Dar étouffa un sourire et leva les yeux lorsque Jack apparut dans l'encadrement de la porte, portant un ballon de football américain.

 

" Ça te tente, Dar ? " Le grand blond souriait. " Le temps est au beau… je me disais qu'on pourrait se mettre en appétit dehors. "

 

" Tu parles. " Dar se leva et le suivit volontiers à l'extérieur, en riant lorsqu'Alabaster les dépassa en courant, anxieuse d'échapper aux dents minuscules de ses neufs chiots pendant un moment. Elle traversa la pelouse encore humide alors que le soleil filtrait et elle inspira le vent froid, mettant de côté l'impression de malaise qu'elle traînait depuis le matin.

 

Détends-toi un peu, Dar… si Kerry ne t'a pas appelée deux fois, c'est que tout va sûrement bien… elle est avec sa famille et peut-être même qu'ils s'amusent. " Vas-y. "

 

Jack lui lança la balle qu'elle attrapa d'une main, puis elle l'examina. " Pas mal. " Elle complimenta son propriétaire, en notant les rayures dues à la longue pratique, avant d'enrouler ses doigts sur le cuir et de la renvoyer.

 

" Alors… comment ça se passe au bureau ? " Demanda Jack en lui renvoyant la balle. " Tu diriges toujours le monde depuis les coulisses ? "

 

Dar l'attrapa et la relança d'un geste souple, en mettant un peu plus de force dans le jet. " Plus ou moins… on gagne, on perd… l'année a été plutôt bonne pour nous. "

 

" Hé… " Jack secoua sa main en attrapant la balle. " Mon Dieu, Dar… tu sais, tu y mets toujours de la pêche. "

 

" Désolée. " La femme brune sourit.

 

" Ouais, c'est vrai. " Jack la relança. " Il t'arrive de regretter tout ça ? " Demanda-t-il ouvertement. " Je veux dire… tu sais, quelqu'un qui a tes talents pourrait se faire du fric dans l'armée. "

 

Dar s'arrêta au milieu de son lancer et mit ses mains sur les hanches, ou plutôt une main et une balle. " Serais-tu en train de me recruter ? "

 

Il mit les mains dans ses poches et la regarda à travers ses sourcils de petit garçon. " Qui, moi ? " Il rit d'un air penaud. " Je ne sais pas, Dar… tu as toujours ta place dans le monde militaire… je me demandais simplement s'il t'arrivait de penser à revenir. "

 

Dar jongla avec la balle et la renvoya. " C'est trop tard. " Lui dit-elle. " Je suis bien trop habituée à donner des ordres… je ne tiendrais pas une minute. " Elle savait que c'était un aveu honnête. " J'enverrais promener un général à cinq étoiles pour pouvoir approcher un serveur et je finirais pas cirer des chaussures. "

 

Jack attrapa la balle et la relança. " C'était juste une idée en l'air. " Dit-il. " Tu ne peux pas m'en vouloir d'avoir essayé, non ? "

 

Ils jouèrent encore un peu puis changèrent pour un nouveau jeu, où l'un d'eux prendrait la balle et essaierait de dépasser l'autre. " Hors-jeu ou placage ? " Demanda Jack joyeusement.

 

" Ah oui, et avec quel bulldozer je te plaque ? " Grogna Dar.

 

" Trouillarde. " Il sourit.

 

Dar sentit son esprit de compétition émerger. " Très bien… mais ne dis pas que je ne t'avais pas prévenu. " Elle attrapa la balle et commença à courir, alors qu'il criait en sautant après elle.

 

" Merde… Dar ! C'est pas sympa ! " Il courut plus vite, glissant à côté d'elle alors qu'elle l'évitait en sautant par-dessus un petit monticule dans la cour. Il sauta après elle, et il ne resta que le champ dégagé devant eux. " Ah… je t'ai là. "

 

" Tu crois, hein ? " Dar se pencha en avant et accéléra, allongeant ses foulées jusqu'à pleine course ; elle entendait ses pas déterminés derrière elle. " Vous les pilotes, vous passez trop de temps sur vos fesses. " Cria-t-elle alors qu'elle poussait entre deux grands arbres au bout du champ et qu'elle ralentit, le laissant la dépasser brusquement et glisser pour s'arrêter dans l'herbe humide. " Hé… je marque. "

 

" Toi… toi… " Jack agita un doigt devant elle. " Bon sang, Dar… pour quelqu'un qui passe ses journées derrière un bureau, tu as une sacrée foulée. "

 

Elle lui lança la balle. " A toi. "

 

Il réfléchit puis fonça, mettant la balle sous son bras avec un air de professionnel. Dar lui laissa quelques pas d'avance puis elle démarra, courant légèrement sur son côté. Elle se rapprocha alors et attendit qu'il fasse un écart, puis elle changea de nouveau son angle et accéléra, prévoyant son mouvement et projetant son corps contre le sien ; elle l'entoura de ses bras et laissa l'élan et le poids les basculer.

 

Ils atterrirent dans l'herbe avec un son étouffé.

 

" Merde. " Jack soupira.

 

Dar le relâcha et s'assit, frottant son jean aux genoux tout en éclatant de rire.

 

Jack se renfrogna puis se mit aussi à rire. " J'aurais dû me souvenir qu'il ne faut pas te défier. " Admit-il. " Tu trouves toujours le moyen de gagner. "

 

Elle allait répondre lorsque le téléphone accroché à sa ceinture émit un son. Elle le retira et l'ouvrit. " Oui ? "

 

" Joyeux Thanskgiving. " La voix de Kerry avait l'air un peu tendu mais elle était néanmoins chaleureuse.

 

" A toi aussi… comment ça va ? " Dar étira ses jambes et cueillit un brin d'herbe alors que Jack se couchait dans l'herbe, les mains derrière la tête à regarder les nuages.

 

" Ça va. " Kerry soupira. " Maman m'a entreprise toute la matinée, essayant de me convaincre que c'était mieux pour moi de rentrer maintenant à la maison, pour qu'elle ait le temps de préparer le mariage. "

 

" Ah. " Dar expira. " Alors tu n'as rien dit encore, hein ? " Elle garda un ton compatissant. Alabaster trotta vers elle et la poussa du museau, et elle la caressa d'un air absent. " On dirait que ça va mettre la pagaille. "

 

" Ouais. " Murmura la jeune blonde au téléphone. " Qu'est-ce que tu fais ? "

 

Dar remua ses baskets. " En fait, je suis assise dans l'herbe… je viens de jouer au ballon avec Jack. " Admit-elle. " On a fait un peu d'exercice avant de rentrer et que maman Easton ne nous gave jusqu'à l'explosion. "

 

" Boom ! " Fit Jack sans bruit en écartant les bras pour mimer. Alabaster alla vers lui et le poussa du museau.

 

" Comme j'aimerais être avec toi. " Admit Kerry. " Ça semble plus amusant qu'ici… je vais aller en ville avec Angela, juste pour m'éloigner de toutes ces idioties. J'ai jeté un œil au courrier, à propos… et je t'ai répondu, ainsi qu'à quelques autres. "

 

" Brave fille. " Dar sourit. " Filer semble être une bonne idée… peut-être qu'à partir de demain ça va se tasser un peu. "

 

" Peut-être. " Répliqua Kerry à contrecœur. " Et bien, quoi qu'il en soit… j'y vais… je voulais juste te dire bonjour, et j'espère que ton dîner se passera bien. "

 

" Le tien aussi. " Répondit Dar.

 

" Je ne crois pas. " La réponse était bizarrement pessimiste. " Mais je vais faire de mon mieux… à plus tard, Dar. "

 

Dar referma le téléphone pensivement et le rattacha à sa ceinture. Elle avait l'air diablement déprimée. " Les familles peuvent être une telle plaie. " Dit-elle à voix haute.

 

" Hmm ? " Jack tourna la tête. " Oh… ouais, je présume que c'est vrai… c'était le bureau ? "

 

" Non… mon assistante… elle est chez ses parents et ils lui font passer un sale moment. "

 

Lentement, Jack roula sur le côté et mit la tête sur une main. " Dar… je… " Il se tut, puis cueillit un brin d'herbe, sans la regarder. " J'ai besoin d'un conseil. "

 

Dar leva un genou et l'entoura de son bras. " Vas-y. "

 

Il hésitait. " Est-ce qu'il t'est déjà arrivé… d'avoir à dire à quelqu'un… je veux dire, quelqu'un qui compte pour toi, quelque chose qui va le blesser… et… le décevoir ? "

 

Oh, oh… Dar réfléchit avec prudence avant de répondre. " Oui… ça m'est arrivé… pourquoi ? "

 

Il leva ses yeux bleus qui croisèrent ceux de Dar. " Est-ce que ça a été difficile ? "

 

Elle hocha la tête. " Très. "

 

Il regarda de nouveau vers le sol. " Est-ce que tu penses que parfois… c'est mieux de se taire ? "

 

" Et bien… " Dar soupira. " Ça dépend de ce dont il s'agit, et de l'autre personne… par exemple, tu ne diras pas à une grand-mère que son mari mort depuis longtemps était un escroc… ça n'a aucun sens. "

 

Il hocha la tête.

 

" Mais les choses importantes… Jack, elles finissent toujours par sortir. " Elle fut frappée par l'hypocrisie de ce qu'elle disait et elle tressaillit en réflexe.

 

" C'est drôle que tu dises ça comme ça. " Répliqua-t-il doucement.

 

Les yeux de Dar se fixèrent sur sa tête penchée, un sourcil levé. " Tu veux me dire ce qui se passe ? Tu sais que je sais garder un secret. "

 

Il déglutit et toucha nerveusement l'herbe. " Dar, tu me connais depuis que je porte des culottes courtes. " Il expira. " Nous avons grandi ensemble… est-ce que je t'ai paru… anormal ? "

 

Dar laissa passer un grognement et rit. " Jack, tu es la personne la plus normale que je connaisse… tu es le stéréotype du gars de la Marine, et tu le sais. "

 

Jack hocha la tête. " C'est bien ce que je pensais… c'est ce que j'ai toujours pensé… jusqu'en mai dernier. " Il se tut pendant un long moment. " J'ai un nouvel équipier arrière. "

 

Il fallut un moment à Dar pour se rendre compte qu'il parlait de son co-pilote et pas d'une voiture. " Ah oui ? " Dit-elle avec précaution.

 

" Robbie… ouais… nous l'appelons Robin des Bois. " Jack semblait fortement intéressé par les brins d'herbe. " Nous… hum… nous nous entendons vraiment bien, tu sais ? Quelques fois ça marche, quelques fois pas… j'ai eu quelques équipiers arrières auxquels je pouvais à peine parler, et certains qui sont restés mes copains. "

 

" Je vois. " Murmura Dar. " C'est un gars sympa, hein ? "

 

" Ouais. " Jack soupira. " Nous avons commencé à traîner ensemble et je… hum… je… je… ça ne m'était jamais arrivé, mais je… j'ai eu envie de… de le toucher. "

 

Les yeux de Dar se fermèrent un court instant et elle bougea en se mordant la lèvre. " Ouais… et ? " Elle gardait un ton intéressé mais calme dans sa voix.

 

" Et… tout d'abord, j'étais… je pensais être malade, OK ? Il y avait un moment que je n'avais pas eu de petite amie et… et bien, tu sais. " Il avait l'air terrible. " Et je… je… je me suis dit que je devrais me cacher dans un coin… et… et… "

 

" Je sais. " Répliqua Dar doucement. " Et que s'est-il passé ? "

 

Il arracha quelques brins d'herbe. " Je revenais de la douche… et… et il est venu dans ma chambre… et il… hum… il… " Il se tut de nouveau.

 

" Il t'a touché ? " Devina Dar, ce qui lui valut un petit signe de tête. " Et tu as aimé ça. " Un autre signe. " ok. "

 

Jack leva finalement la tête, regardant les yeux bleus craintivement. " Tu ne trouves pas ça dégoûtant ? "'

 

Dar tendit la main et la mit sur la sienne. " Ce serait incroyablement hypocrite de ma part. "

 

Un silence de mort. Jack cligna des yeux vers elle. " M… " Il fronça les sourcils. " Tu… ? "

 

Les yeux bleus croisèrent les siens. " Tu trouves ça dégoûtant ? "

 

" Dar… c'est de la folie… tu pourrais avoir tous les gars que tu veux… je ne… je veux dire… tu es superbe… je… " Il bredouilla en reculant.

 

Dar attendit. Elle finit par soupirer. " Non je ne pense pas que ce soit dégoûtant et tu ne le devrais pas non plus. "

 

Il y réfléchit. " Tous les deux, nous étions un peu… nous étions plutôt anxieux. " Il soupira. " Mais passé ce moment… tout a été bien. " Il s'interrompit. " Jusqu'à ce que je me dise qu'il fallait que j'en parle à mon père. "

 

Dar expira. " Ouais. "

 

" Dar, ça le tuerait.. " Jack leva les yeux vers elle. " Je suis son fils unique… il veut des petits-enfants… Mon Dieu, il m'a tout donné… il a tout fait pour moi… je… " Il balança sa tête blonde d'avant en arrière. " Je ne peux pas lui faire ça… je l'aime trop. "

 

Sacré problème. Dar avait du chagrin autant pour son ami que pour Gérald Easton, qui serait probablement anéanti par la nouvelle. Elle n'en voulait pas vraiment à Gérald… il était prisonnier de sa génération, de son éducation, et de sa vie dévouée à l'armée. " Tu veux que je te dise… tu mets ça de côté pendant quelques jours… je vais y réfléchir. Peut-être que j'aurai une idée. " Lui dit-elle avec sympathie.

 

Il la regarda d'un air pathétique. " Si tu peux trouver un moyen de me sauver la peau avec honneur, je te serai redevable pour le restant de mes jours, Dar. "

 

Elle lui ébouriffa doucement les cheveux. " C'est à ça que servent les amis, Jack… et je n'en ai pas beaucoup, alors j'en prends bien soin. " Elle le fixa. " Tu sais, j'ai dit à ton père que si je devais me marier, ce serait avec toi. "

 

Il rougit profondément.

 

" Tu sais… " Elle se moqua doucement de lui. " Au pire, s'il le faut, je porterai ton enfant pour faire plaisir à ton père. "

 

Le visage de Jack prit une teinte tellement foncée que ses yeux en ressortaient encore plus blancs.

 

Elle ébouriffa de nouveau ses cheveux et rit doucement.

 

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