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TROPICAL STORM4

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

TROPICAL STORM

 

Tempête tropicale

 

de Melissa Good

 

 

traductrice : Fryda

 

 

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Partie 4A

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Chapitre 21

 

La porte se ferma derrière elle et elle fut surprise du silence de la pièce. Le bruit extérieur avait disparu et elle laissa passer un souffle en marchant sur le sol couvert de moquette vers le bureau de Dar. La cadre était assise sur le bureau, son téléphone posé juste au milieu, et les bras croisés sur sa poitrine. Elle portait une jupe et une veste de soie grise, et un chemisier vert forêt, et elle avait un air nonchalamment élégant.

 

Bien entendu. Kerry pouvait voir la frustration dans les lignes de son corps, mais Dar réussit à lui faire un sourire. " Alors, c'est ici l'Enfer, hein ? " La jeune femme blonde fit un tour du regard comme au spectacle. " Joli 'décor' (NDLT : en français dans le texte). "

 

Dar soupira et leva une main pour se frotter la tempe. " Ça a été une sacrée matinée. " Elle passa les doigts dans ses cheveux et laissa tomber son bras.

 

" C'est ce que je vois. " Répliqua Kerry en se sentant un peu embarrassée. " Y a-t-il... hum... question stupide, mais y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour aider ? "

 

La grande femme essayait visiblement de se détendre un peu. " Beaucoup de choses. Mais d'abord, je pense qu'il faut vous installer à un endroit où vous pourrez vous asseoir et tout ça. " Elle se leva. " Venez. "

 

Curieuse, Kerry la suivit vers une petite porte quelconque qu'elle n'avait même pas remarquée l'autre soir, et elle regarda Dar l'ouvrir puis lui faire signe d'avancer. " Allez-y - croyez-moi, c'est plus rapide par ici. Si je sors dans ce couloir, ça va me prendre huit heures pour aller de ce bureau à celui que je vous ai choisi. "

 

Kerry entra, se retrouvant dans un couloir nu et étroit, avec des portes sans signes d'un côté, et un mur blanc de l'autre. Elle avança de manière incertaine, jusqu'à ce qu'elle sente une main chaude sur son dos. Dar la guida en avant sur environ quinze mètres, jusqu'à ce qu'elle arrive à une autre porte sans signe, que la cadre lui fit signe dd'ouvrir. Elle poussa la poignée vers le bas et émergea dans un autre bureau.

 

Il était vaguement carré, une table de travail entourée par des chaises d'un côté, et un large bureau en bois de l'autre. La moquette et les murs étaient de couleur bordeaux, et derrière le bureau se trouvait une baie vitrée arborant la même vue que celle de Dar.

 

Sur le bureau il y avait un ordinateur, un téléphone, et rien d'autre, et la pièce était nue sans décorations, il était franchement apparent que ce bureau n'avait jamais été utilisé. " C'est... hum... " Dar s'appuya contre la porte et eut un regard d'excuse vers Kerry. " Plutôt vide, je sais... mais il y a l'essentiel. "

 

Kerry cligna des yeux vers le bureau, et vers les meubles. " C'est super. " Elle se retourna et regarda la fenêtre. " Avec cette vue, vous auriez pu me donner une boîte en carton et une petite boîte de conserve au bout d'une ficelle, et je serais heureuse. " Elle posa sa mallette sur le bureau. " Ecoutez... je sais que vous avez des problèmes jusque par-dessus la tête, là-bas... je vais m'installer et me connecter, et voir si je peux m'y retrouver, ok ? "

 

Dar sourit et baissa les yeux. " En fait, donnez-moi environ une heure pour tout arranger, ensuite je reviendrai pour la visite guidée, et nous pourrons parler. " Elle s'éclaircit la voix. " Si je ne suis pas de retour dans une heure, dites-vous que le reste du réseau est tombé en rade, et venez me trouver. "

 

Kerry lui fit face et sourit. " Vous pouvez compter sur moi . "

 

La brune sourit en retour puis fila dans le couloir.

 

" Whoo. " Kerry s'assit dans la chaise de bureau en cuir très confortable et jeta un œil autour d'elle. " Elle fait des excuses. Je ne peux pas le croire... je pourrais faire tenir une classe d'aérobic là-dedans, et elle fait des excuses parce que c'est un peu vide... Bon Dieu. " Elle examina le bureau, qui était bien fait, et ouvrit les tiroirs. Dedans il y avait des crayons et du papier, des trombones et une agrafeuse, les trucs habituels. La grand tiroir contenait des dossiers suspendus, vides, bien entendu.

 

Elle mit l'ordinateur en marche, impressionnée par le grand écran semblable à celui qu'utilisait Dar. Kerry se demanda si c'était le standard, mais elle était contente, parce que ses yeux avaient tendance à lui faire mal après une journée complète passée à fixer un écran plus petit.

 

L'ordinateur démarra et se connecta à un réseau, et elle entra son identifiant et son mot de passe, un peu surprise lorsque son menu habituel n'apparut pas, remplacé par un autre avec approximativement quatre fois plus d'options. " Oh, oh. " Elle fit une grimace. " Qu'est-ce que c'est que tout ce truc ? " CLIPC, PLIPC, CICS... il y avait une soupe alphabétique de choix, en même temps que ceux plus familiers qui lui donnaient accès aux sections de la paie et du personnel, et à la base de données de la clientèle. Elle en choisit un de manière expérimentale. " CLIPC... c'est ce avec quoi Dar avait des problèmes... Voyons ce que c'est. "

 

La connexion se fit et elle jeta un œil au résultat. " Oh... Netview... ok... je sais ce que c'est. " Elle se connecta à l'application du serveur IBM et essaya la commande qui affichait tout à l'écran. " Oh, oh... Bon Dieu... c'est énorme... wow... c'est vraiment énorme. "

 

Le réseau interne était affiché à l'écran, avec beaucoup de parties marquées comme inactives. " Je parie que c'est ce avec quoi Dar se bat, hein ? " Commenta-t-elle, en passant le bout d'un doigt sur l'écran. " Et bien... je me souviens qu'au Michigan, à l'université, nous faisions un 'ACT ALL' (NDLT : commande qui relance le système de réseau, un peu comme un CLEAR sur un PC)... " Elle tapa les caractères, puis hésita. " Ahh... ce n'est probablement pas une bonne idée... oh, zut... ça ne peut pas faire de mal. " Elle pressa la touche d'envoi.

 

" Ça va prendre une éternité, alors... " Elle réduit l'application et cliqua sur la messagerie, surprise d'avoir une boîte aux lettres pleine. " Et bien. Ça devrait m'occuper un moment... Bon Dieu... c'est quoi toutes ces choses... " Beaucoup de messages transférés par Dar... des trucs dans lesquels elle était apparemment impliquée et qu'elle voulait que Kerry examine. " Ok... voyons ce qu'on a ici. " Elle commença à lire. " Mon Dieu... concevoir des vélos de courses olympiques et faire des transferts financiers pour la Banque de Nouvelle-Zélande... pensez-vous que cette société puisse être plus diversifiée ? "

 

Il y avait toutes sortes de problèmes. Toutes sortes d'affaires opérationnelles, comme quels processeurs pourraient être assignés à quels projets, et quel projet avait priorité. Kerry fut peu à peu fascinée par l'ensemble d'interrelations et elle soupçonna qu'elle ne s'ennuierait certainement pas.

 

Elle se leva et retira ses quelques affaires personnelles, arrangeant le bureau à sa façon, et parcourant le bureau pour en découvrir tous les coins et recoins. Elle ouvrit la porte de devant et regarda dehors, laissant un minuscule sourire venir au coin de ses lèvres lorsqu'elle repéra une cuisine impeccable juste au bout du couloir. " Je parie qu'il y a du café là-bas. " Décida-t-elle en retirant une grande tasse bleu cobalt de sa mallette et en s'y dirigeant à grands pas.

 

" Wow. " Elle jeta un coup d'oeil circulaire à la cuisine et laissa échapper un petit rire. " C'est mieux équipé que celle de mon appartement. " Il y avait un réfrigérateur, bien sûr, avec un signe de commandement dessus. " Ne laissez pas de nourriture plus d'une semaine sans étiquette ou elle sera glorpée. " Lut Kerry. " Je ne vais pas demander ce que ça veut dire. " Il n'y avait pas seulement une cafetière normale sur le comptoir, mais aussi une machine expresso, et trois boîtes avec différents types de lait et de crème, et du vrai sucre comme du faux étaient disponibles. Alors qu'elle choisissait du sucre de régime et se versait une tasse de café, une jeune fille entra derrière elle et lança un salut joyeux.

 

" Bonjour. " Kerry se retourna et s'appuya sur le comptoir, en remuant son café. La fille retira un petit paquet du congélateur et l'enfourna dans un des trois grands fours micro-ondes commerciaux installés dans la baie près de la porte. " Petit déjeuner ? "

 

La fille se retourna et sourit. " Des trucs à grignoter. " Elle rit doucement. " Je travaille pour Eduard Castillo... il devient grognon autour de cette heure si je ne le nourris pas. " Elle tendit une main. " Mary Evers. "

 

Kerry prit sa main. " Kerry Stuart. "

 

Les yeux de la fille s'agrandirent. " Ohmondieu... vous êtes la nouvelle assistante de Dar Roberts ! "

 

La jeune femme blonde se força à rire. " Ok... allez-vous me dire que je suis courageuse, ou stupide ? "

 

Un sourire apparut sur le visage de la brune, et elle se pencha plus près. " J'allais dire que vous aviez de la chance. " Elle fit un clin d'œil à Kerry, puis retira le paquet qui fumait doucement du micro-ondes et le posa sur une petite assiette qu'elle avait apportée avec elle. " Tout le monde ne pense pas que Dar est une mauvaise chose, vous savez. "

 

Kerry était plaisamment surprise. " Et bien... c'est agréable à entendre parce qu'il se trouve que je l'aime bien. " Elle se laissa aller à sourire. " Et ça a été mortel de voir tout le monde me regarder comme si j'avais perdu la tête. "

 

" Vous l'aimez bien, hein ? " Mary se mordit la lèvre inférieure et rit doucement. " C'est intéressant... je pensais que vous veniez de chez Associated... ils ont presque été virés, vous savez. "

 

Des yeux vert océan l'étudièrent. " Oh oui, je sais. " Répliqua Kerry calmement. " J'étais là quand elle a trouvé un moyen de contourner ça. "

 

" Vraiment ? " Mary posa une serviette sur l'assiette. " C'est bon à entendre... ravie de vous avoir rencontrée, Kerry... je dois rapporter ce tamale au chef avant qu'il ne casse tous ses crayons. "

 

Kerry regarda le paquet qui était enroulé dans ce qui ressemblait à des enveloppes de maïs. " Ravie de vous avoir rencontrée aussi... à plus tard. " Elle s'interrompit. " Oh... que fait votre chef ? "

 

Mary se retourna au moment où elle partait. " Le marketing pour les Caraïbes... à bientôt. " Elle disparut dans le couloir, et Kerry regarda le mur pensivement avant de reprendre son café dans son bureau.

 

Son bureau. Elle sourit, tout en se tenant simplement le dos contre le mur et en regardant par la fenêtre. " Ah, et bien... au boulot. " Elle posa sa tasse et reprit sa lecture. Elle y était tellement absorbée qu'elle n'entendit pas la porte de derrière s'ouvrir, ni que quelqu'un approchait, jusqu'à ce qu'une main touche son bras, et elle sursauta. " Whoa ! "

 

Dar s'assit sur le bord du bureau de la jeune blonde, et la fixa, avec une expression énigmatique. " Bonjour. "

 

" Oh... bonjour... désolée... je ne vous ai pas entendu arriver... j'étais... " Kerry fit un geste vers l'écran. " J'essayais de rattraper tout ce truc que vous m'avez transmis... je les ai triés en quelque sorte entre information et action... quoi ? " Elle remarqua que Dar lui souriait. " Ce n'était pas ce qu'il fallait faire ? "

 

" Vous savez, Kerry... ils disent que la première impression que vous faites vous colle à la peau dans cette compagnie. " Déclara Dar. " La mienne... et bien, j'ai dit à Lester Roesenthal qu'il pouvait aller se faire foutre, et ça m'a en quelque sorte poursuivie toutes ces années. "

 

" Vraiment ? " Kerry était intriguée.

 

" Mmmm... alors... savez-vous quelle sera votre première impression ici ? " Demanda Dar, ses yeux bleus clouant Kerry dans sa chaise.

 

" Euh... non. " Répondit Kerry nerveusement. " Mais vous allez me le dire, n'est-ce pas ? "

 

" Oh... oui... vous serez connue comme la petite nouvelle qui est entrée ici à son premier jour, s'est assise, s'est connectée, et a remis sur pied un système complètement hors service. "

 

Kerry se pétrifia et la fixa. " Euh... je n'ai pas fait ça. "

 

Dar pinça les lèvres et hocha sobrement la tête. " Vous êtes KSTUART01, n'est-ce pas ? "

 

" Hum... oui. " Une réponse hésitante. " Oh... Mon Dieu... cette commande Netview... oh, Dar, ne me dites pas que personne d'autre n'avait pensé à ça, c'est ridicule. " Protesta Kerry. " C'est basique ! "

 

Une douce étincelle apparut dans les yeux très bleus de Dar. " Mmmm. le problème avec nous les cinglés de l'informatique, c'est que parfois lorsque les choses vont de travers, on oublie de regarder d'abord les choses simples. On va d'abord aux trucs compliqués,. " Elle tapota la joue de Kerry. " Ils ont fait un chargement maître hier soir, et ont oublié de mettre le système en mode console - ça inactive toutes les unités logicielles de sorte que les nouveaux programmes puissent se mettre en place sans être utilisés. "

 

" Vous n'êtes pas une cinglée. " Objecta Kerry, consciente qu'elle rougissait méchamment. " N'est-ce pas ? "

 

" Bien sûre que j'en suis une, et vous aussi. " L'informa joyeusement Dar. " Bon travail, Kerry... vous avez validé vous-même mon choix d'assistante, vous avez démarré votre propre petite légende dans le même temps, et je n'ai même pas eu à faire quoi que ce soit. "

 

Kerry se réchauffa à la chaude approbation, s'y trempant avec un plaisir timide. " Merci... mais ce n'était pas mon intention. " Son visage se tordit dans un sourire ironique. " Quelle façon de démarrer, hein ? "

 

Dar se massa la nuque et rit doucement. " Il y a des façons pires que celle-là... écoutez, il est presque midi. Descendons prendre quelque chose, puis je vous ferai faire la visite. " Elle jeta un coup d'œil à la tasse de Kerry. " Je vois que vous avez trouvé la cuisine sans problème. "

 

Kerry hocha la tête. " Oui... belle installation... j'aime les micro-ondes parce que j'apporte habituellement un petit plateau de trucs surgelés pour le déjeuner. "

 

Un dressement de sourcil foncé. " Nous avons une cafétéria. " Remarqua Dar, sèchement. " Mais si vous préférez votre nourriture en boîte, bien sûr... allez-y. On vous demande de ne pas faire trop cuire les bâtonnets de poissons, néanmoins... ça prend des semaines pour faire disparaître l'odeur. "

 

" Vous... est-ce que la cafétéria est votre choix pour manger ? " Demanda Kerry. " Je veux dire... Dieu, ça sonnait drôle... ce que je veux dire, c'est, est-ce que c'est bon ? Beaucoup ne le sont pas. " Elle fit la grimace. " Quand je pense aux cantines, je pense à celle de la fac... beurk. "

 

Dar hocha la tête. " La mienne aussi. " Admit-elle. " J'ai fini par manger essentiellement des glaces et des cheeseburgers pendant quatre ans. "

 

Kerry rit d'un air désabusé en se levant. " Des pizzas et des sandwiches... je ne peux toujours pas supporter la vue d'une pizza livrée. " Elle suivit Dar hors du bureau., vers l'ascenseur. " Je présume que c'est différent aujourd'hui, hein ? " Commenta-t-elle alors que les portes s'ouvraient et qu'elles entraient, l'ascenseur complètement pour elles.

 

" Nan. " Confessa Dar d'un air un peu penaud. " Cheeseburger, frites, et milkshake, c'est toujours un de mes repas préférés. "

 

Kerry jeta un oeil à la silhouette fine, et cligna des yeux. " Vous n'en avez pas l'air en tout cas... vous devez faire de la musculation à fond, alors. "

 

La grande femme expira doucement. " Ça prend un bon moment de mon temps libre, oui. " Déclara-t-elle. " C'est un moyen de faire disparaître la frustration, aussi. " Elle attendit que les portes s'ouvrent, et sortit au deuxième étage, puis elle conduisit Kerry jusqu'à un jeu de double-portes desquelles sortaient des odeurs alléchantes.

 

La jeune femme blonde regardait avec étonnement son nouveau chef demander tranquillement le plat du jour, qui consistait en boulettes de viande et pommes de terre sautées, puis ajouter un verre de lait à son plateau, en même temps qu'un morceau de gâteau. Elle soupira et choisit une salade du chef et un verre de jus de pamplemousse ; elle suivit ensuite Dar vers une table dans un coin. " J'ai l'impression que tout le monde me regarde. " Murmura-t-elle alors qu'elles déroulaient leurs couverts.

 

" C'est le cas. " Répliqua Dar avec désinvolture. " Vous êtes la nouvelle... quelque chose d'aussi excitant n'est pas arrivé depuis qu'un L1011 qui passait au-dessus a lâché un panneau d'atterrissage qui s'est écrasé au milieu de l'atrium.

 

" Tch... Dar ! " Protesta Kerry, en mordillant un morceau de jambon. " Je suis sérieuse. "

 

Les yeux bleus la regardèrent par-dessus une fourchette pleine de pommes de terre. " Moi aussi. " Répliqua-t-elle honnêtement. " J'ai un poste haut placé, tout le monde sait qui je suis, alors lorsque je prends une assistante, ce qui n'était pas encore arrivé... c'est une grande nouvelle par ici. " Une pause. " Je vous avais avertie à ce sujet, n'est-ce pas ? "

 

Kerry soupira. " Oui... vous l'avez fait. " Elle leva les yeux, secrètement étonnée du confort dans lequel elles se trouvaient toutes les deux ensemble. " Avez-vous trouvé l'endroit d'où nous nous connaissons ? "

 

Dar mordit sa fourchette, en réfléchissant. " Nan. " Elle secoua la tête. " Je sais que ce n'est pas à l'école... j'ai trop bougé en grandissant et jamais près du Michigan... et je suis allée à l'université de Miami, alors c'est exclus. " Elle haussa les épaules. " Quoi qu'il en soit, comment va votre installation ? J'ai vu que vous aviez regardé une partie du courrier... j'ai une petite liste de projets que je voudrais vous voir reprendre. "

 

Elles passèrent le reste du déjeuner à parler travail, et Kerry eût une meilleure idée de ce qu'elle ferait. Ça semblait à moitié excitant, à moitié terrifiant, et elle espérait avoir une chance de faire quelques essais avent de commencer à prendre le genre de décisions que Dar attendait d'elle. La cadre déclara, clairement, qu'elle était incroyablement occupée, et qu'elle ne pouvait pas prendre le temps de faire du baby-sitting, alors Kerry devrait beaucoup compter sur elle-même, et dépendrait de son propre jugement.

 

" Ça pourrait être un peu effrayant. " Mentionna-t-elle alors qu'elles prenaient leurs plateaux et les déposaient dans la zone de ramassage. Un homme grand se tourna à moitié et les regarda passer, et Kerry ne put s'empêcher de remarquer la haine dans ses yeux lorsqu'il regarda Dar. Elle attendit que les portes de l'ascenseur se ferment avant de poser la question, cependant. " Qui était cet homme grand, un peu chauve ? "

 

" Peter Weyrhousen. " Répliqua Dar. " C'est le responsable des contrats avec le gouvernement. "

 

" Je crois qu'il ne vous aime pas trop. " Déclara Kerry à regret.

 

" Mm... en fait, il me déteste. " La corrigea Dar. " Ces deux contrats que j'ai donnés à Associated venaient de sa zone. "

 

" J'ai horreur de penser que c'est de ma faute s'il a des ennuis. " Murmura Kerry.

 

Dar la surprit en riant. " Ne vous inquiétez pas de ça... ces deux contrats étaient un cadeau pour moi, personnellement, du Général Easton... il ne les aurait pas eus de toutes les façons. "

 

Kerry décida qu'elle avait un rire agréable. Il était bas et plus une sorte de rire profond qu'autre chose, mais il provoquait habituellement une petite expression malicieuse dans ses yeux, et c'était plutôt intéressant à voir.

 

Dar lui fit faire le tour promis, la présentant à divers responsables de département, tous lui produisant cet agréable et maladivement doux 'bonjour, c'est si agréable de vous rencontrer' sorte de sourire, dont vous saviez qu'il disparaissait aussitôt que vous aviez le dos tourné. Et c'était vrai parce que Dar fournit des commentaires acérés sur chacun d'eux après leur départ.

 

Une visite complémentaire du quatorzième étage suivit. C'était un étage vaguement carré, avec des grands bureaux comme celui de Dar à chaque coin. Le bureau de Dar se trouvait au coin nord-est, et les trois autres étaient partagés entre des cadres du même niveau qu'elle. Au coin sud-est se trouvait le bureau de Lou Draefus, le vice-président des finances que Dar appelait Duks, puis au sud-ouest, John Dierhdohl, vice-président des nouveaux comptes-clients. Le coin nord-ouest contenait l'espace voyant d'Eléanor Anastasia, chef de la division Marketing et Solutions d'entreprises.

 

Depuis que Dar était en charge des opérations, sa petite aile incluait le groupe GIS, où Mark Polenti avait créé son coin, le groupe de sécurité, le soutien de réseau et la division d'analyse, et la petite armée du personnel chargé des infrastructures qui travaillait sur la fourniture de ressources, à la fois en interne et en externe. Dar était en charge de tout ce qui allait de la mise en place de nouveaux circuits pour le bâtiment, aux installations (incluant l'air conditionné, on dirait), jusqu'à la surveillance de l'énorme réseau privé intranet, qui desservait tous leurs clients pour la connexion et le traitement des données. Si la division des ventes faisait un nouveau client et lui promettait dix-sept lignes T1 avec une sécurisation instantanée (NDLT : T1 lines = Lignes numériques de grande capacité réservées aux entreprises), le groupe de Dar s'occupait de l'achat et de la création des circuits, puis de leur installation et de leur maintenance. Si le contrat prévoyait également une demi-douzaine d'ordinateurs de type AS400, le groupe de Dar en faisait l'achat, les programmait, les installait, et les maintenait.

 

C'était, et Kerry s'en rendit vite compte, le coeur de la société, et maintenant elle avait une bonne idée de la raison pour laquelle Dar se trouvait dans cette position privilégiée. Personne ne voulait la mettre en colère, parce que tout le monde dépendait d'elle pour que le travail soit fait.

 

Elle le dit à Dar lorsqu'elles revinrent dans le bureau de la cadre, et cela lui valut un sourire ironique d'approbation en retour. " Je savais que j'ai pris la bonne décision. " Dit Dar calmement. " Il y a des gens qui travaillent ici depuis des années et qui n'ont pas encore compris ça. "

 

Kerry se sentit plutôt fière, à son premier jour.

 

Elle comprit autre chose. Le titre de Dar, et ce qu'elle faisait, étaient deux choses différentes. Elle était en charge des opérations, certes, mais elle fonctionnait en réalité comme la réparatrice de problèmes de la compagnie. S'il y avait le feu, on envoyait Dar, parce qu'au bout du compte, elle savait simplement quoi faire, et elle le faisait, sans aucun égard pour les sentiments de quiconque, ou le protocole, ou quoi que ce soit d'autre.

 

Pas étonnant que tout le monde la haïsse. Si Dar Roberts débarquait dans votre territoire, ça voulait dire que vous aviez vraiment fichu quelque chose en l'air, et elle était là pour vous tirer d'affaires. Ce n'était pas un sentiment agréable, réalisa la blonde, en s'asseyant à son bureau, examinant le reste de ses nouveaux projets. Ça voulait aussi dire que Dar était surchargée de travail de manière impossible, et Kerry soupçonnait que cela ajoutait aussi à sa réputation... elle n'avait simplement pas le temps d'être agréable. Elle devait y aller, prendre une décision, et en sortir pour pouvoir passer à une autre crise.

 

Dar avait dit qu'elle donnerait environ dix pour cent des projets en cours à Kerry. Il y avait vingt-deux projets sur la liste de Kerry à ce moment.

 

Dix pour cent. Comment diable cette femme trouvait-elle le temps de dormir ?

 

Elle présuma qu'elle le saurait bien assez tôt.

 

 

 

Chapitre 22

 

Dar regardait les étoiles apparaître au-dessus de l'océan à travers sa fenêtre, et s'appuyait sur le bureau, contente des quelques moments de paix à la fin d'une journée très longue, et très exaspérante.

 

Qui aurait été plus longue encore, et encore plus exaspérante si Kerry n'avait pas fait de magie ce matin, et résolu le plus grand problème de Dar, rendant tout le reste seulement mauvais et pas désastreux.

 

Maria entra, son sac à main jeté par-dessus l'épaule, pour lui souhaiter une bonne soirée. " Vous êtes en retard, Maria. " Dit Dar calmement.

 

" Aye... et que devrais-je dire de vous ? " Répondit la secrétaire en marchant vers elle pour se tenir de l'autre côté du bureau de son chef. " La secretarita du bureau de votre docteur n'a qu'un trou dans l'agenda, c'est jeudi à 14 heures, j'ai pris, ok ? "

 

Dar ignora le martèlement dans sa tête et sourit. " C'est bien... je pense que j'ai un rendez-vous jeudi matin, puis un déjeuner avec John D et son équipe, alors ça me laisse l'après-midi de libre. " Elle s'interrompit. " Journée plutôt rude, hein ? "

 

Maria se percha sur un coin du bureau. " Cette pauvre petite nouvelle chiquita... elle a l'air très gentille, Dar. " Son visage avait l'air troublé. " Je m'inquiète que ces gens ne la dévorent. "

 

" Nan. " La brune derrière le bureau secoua la tête. " Elle est coriace... avez-vous vu le visage de Jack lorsqu'il a fait irruption et a dit que le réseau s'était mystérieusement relevé ? J'ai dû vérifier les entrées pour voir ce qui s'était passé... et lui dire que ma toute nouvelle et inexpérimentée assistante, pas encore mûre, avait résolu le problème sur lequel ses techniciens de réseau avaient travaillé pendant douze heures... Dieu... " Dar rit. " Ma journée était gagnée. "

 

Maria la fixa, le visage anguleux dessinant un faible sourire étonné. " Vous l'aimez bien, cette petite chiquita ? "

 

" Je pense qu'elle a beaucoup de talent et de potentiel, oui. " Répondit Dar.

 

" Ah, ah, ah... " Maria remua un doigt. " Non, non... vous l'aimez bien. "

 

Un moment de silence, alors que la lumière de l'extérieur diminuait, et laissait Dar pratiquement dans l'ombre. La cadre sembla se poser cette même question à elle-même. " Oui... oui, je l'aime bien. Pourquoi ? "

 

La femme plus âgée soupira. " Je travaille pour vous depuis cinq ans et je n'ai jamais vu personne d'autre vous faire autant sourire. " Elle s'interrompit. " C'est bien. "

 

Dar fut doucement étonnée par l'observation, d'autant plus qu'elle se rendait compte que c'était vrai. " Je... je présume que c'est juste bon d'avoir quelqu'un d'assez brillant pour comprendre les choses... pas comme les dernières andouilles que j'ai essayées à ce poste. "

 

" Aye... c'est vrai. " Maria approuva tranquillement, toujours en la regardant. " C'est bien... j'espère qu'elle fait de la musculation. " Elle fit un signe de la main. " Bonsoir, Dar. "

 

La femme brune hocha la tête de manière absente. " Bonsoir, Maria... à demain. " Elle attendit le cliquetis de la porte qui se fermait, puis elle se retourna dans sa chaise et s'appuya en arrière, les doigts joints en pointe, regardant la lune se lever. Elle était énorme, et accrochée à l'horizon comme une lanterne d'été, envoyant une rivière ridée de lumière par-dessus l'océan presque calme. " Je l'espère aussi, Maria... vraiment "

 

 

 

Chapitre 23

 

" Ok, je pense que ça va marcher... mais pouvons-nous utiliser ce processeur pour autre chose pendant les heures creuses ? " Demanda Kerry en jouant avec un crayon, qu'elle poussait contre la surface de son bureau en le retournant. " Je sais que le groupe bancaire cherche des tranches horaires supplémentaires en milieu de journée... pourrions-nous l'utiliser à ce moment-là ? " Elle écouta la réponse, puis sourit et inscrivit une note sur son organiseur. " Bien... ok, alors je vais les appeler et leur faire savoir qu'ils peuvent compter sur vous pour ça. " Une pause. " Bien sûr... le gain ira sur votre budget. "

 

Un son satisfait au téléphone. " C'est agréable de travailler avec vous aussi... oui, c'est ça, Kerry Stuart, des Opérations, et bien, merci... je fais de mon mieux... bonsoir. "

 

Kerry se remit au fond de son fauteuil et laissa passer une expiration satisfaite. " Ça a marché. " Elle gribouilla quelques mots dans son calepin puis ajusta plusieurs éléments dans la feuille de calcul sur son écran, la recalculant, puis envoyant une copie à Dar, et aux deux départements qu'elle venait juste de réconcilier. C'était un sentiment agréable... elle commençait en fait à faire des choses, après deux jours d'installation et elle considérait finalement qu'elle méritait l'augmentation de salaire qui venait avec son nouveau poste.

 

Ça avait été une surprise... elle ne s'était pas inquiétée de le vérifier dans le système central lorsque Dar l'avait engagée, se disant que son nouveau chef garderait simplement son salaire au niveau où il avait été chez Associated. Les indemnités de licenciement qu'elle avait obtenues avaient été bien meilleures que prévu, après tout, et elle s'en était contentée.

 

On l'avait payée pour la première fois la veille, et elle avait appelé la banque, pensant en fait que ça devait être une erreur. Non, pas d'erreur, lui avait-on assuré, le transfert était correct. Alors elle s'était connectée plus tard, et avait vérifié son dossier d'employée, passant plusieurs minutes à fixer simplement l'écran avec une pure incrédulité. Pas qu'elle ait été dans le besoin avant, mais le complément lui avait simplement permis de sortir, et de dépenser un montant très satisfaisant pour améliorer à la fois l'ordinateur chez elle et son portable. " Vroum, vroum. " Elle avait regardé la nouvelle boîte démarrer avec joie. " Je pense que je suis une crétine. " Puis elle avait ri doucement en s'écoutant parler.

 

Elle était aussi sortie pour choisir une jolie grande tasse, fabriquée dans un bois vernis incassable, et l'avait rapportée pour Dar, qui avait fracassé la sienne contre le mur le jour précédent. Casser des tasses n'était pas nouveau pour la grande femme, elle l'avait appris par Maria, et la secrétaire conservait une provision de tasses simples de couleur bleu royal, pour remplacer celles qui étaient abîmées. Dar avait jeté un coup d'œil à son cadeau, puis lui avait lancé 'ce regard' et avait ri un peu en roulant les yeux, reconnaissant la gentille taquinerie envers son tempérament.

 

Kerry avait décidé qu'elle aimait vraiment bien Dar, en dépit des humeurs changeantes de la cadre, et de l'état permanent de conflit qui semblait exister autour de son bureau. Elles avaient passé pas mal de temps ensemble, se glissant dans une relation de travail plutôt bonne alors que Dar lui passait de plus en plus de responsabilités. Elle avait fait quelques erreurs, bien sûr, mais Dar lui avait assuré que c'était des erreurs intelligentes, et elle avait juste un peu crié.

 

Ça avait surprenant, cependant, de voir comme ces cris faisaient mal. Elle avait commencé à avoir le sentiment d'avoir trahi Dar, et elle était sortie sur le petit balcon qui faisait le tour du quatorzième étage, fixant l'océan pendant un moment pour se remettre. Puis elle avait carré ses épaules et était revenue à l'intérieur, se jetant sur les projets suivants, mais pas avant d'avoir trouvé un muffin aux pépites de chocolat au milieu de son bureau, une offre de paix dont Dar savait qu'elle ne pourrait pas la refuser.

 

La femme brune savait assurément bien ce qu'elle faisait dans ce domaine... elle tentait constamment Kerry avec toutes sortes de bonnes choses, et elle avait constaté qu'elle avait très peu de volonté lorsque Dar était concernée... elle envisageait de prendre l'escalier au lieu de l'ascenseur le matin pour compenser le sabotage alimentaire de son chef.

 

Cet après-midi était calme, cependant, depuis que Dar avait quitté le bureau pour un rendez-vous de quelque sorte, et elle décida d'essayer de terminer deux projets qu'elle avait en cours, puis de voir si Maria avait quelque chose dont Dar était trop prise pour pouvoir s'occuper.

 

 

 

Chapitre 24

 

Dar avait décidé, il y a bien longtemps, que tout le monde avait naturellement horreur d'aller chez le médecin. Elle savait qu'elle n'était pas la seule dans ce cas, et elle soupçonnait que cela avait plus ou moins à voir avec la perte de dignité personnelle plus qu'autre chose. Elle ferma les yeux, et essaya de faire appel à un peu de patience pendant qu'elle était assise dans la salle d'examen, habillée d'une blouse qui faisait la moitié de la taille d'une serviette de cocktail.

 

La porte s'ouvrit, heureusement, et le Dr Steve entra. C'était un homme âgé d'une soixantaine d'années, avec un visage aimable et doux. " Bien, bien... regardez qui est là. "

 

Dar soupira. " Bonjour, Dr Steve. " Elle réussit à empêcher un sourire espiègle d'apparaître sur son visage. L'homme plus âgé était le médecin de sa famille depuis des années, et il la traitait toujours comme une adolescente gauche.

 

Il prit son stéthoscope et le posa sur son dos, puis sur sa poitrine, écoutant avec cette manière omnisciente et agaçante développée par la plupart des médecins. " Respire. "

 

Elle obéit, fléchissant un peu le bras contre la douleur du retrait de trois tubes de sang.

 

" Ok, allonge-toi. " Le Dr Steve commença à l'examiner doucement, ses doigts étaient fermes et professionnels alors qu'il tapotait et poussait. " Tu as un bleu là. "

 

" C'est la gym. " Dit Dar en mentant. Un des agresseurs de Kerry avait eu un coup heureux.

 

" Mm. " L'homme plus âgé passa les doigts avec précaution le long de son cou, en roulant sa tête d'un côté puis de l'autre. " Plutôt raide. "

 

" C'est une partie du problème, je pense. " Reconnut la brune d'un air désabusé. " C'est l'endroit où la douleur commence habituellement. "

 

" Oui, oui... comment dors-tu ? "

 

Un haussement d'épaules. " Pas mal... comme d'habitude. "

 

" Oh... alors toujours des nuits de quatre à cinq heures, hein ? " Fit remarquer le Dr Steve sèchement. " Tu te rendrais service si tu te laissais aller à une ou deux heures de plus. "

 

Dar expira. " J'ai essayé... je ne peux simplement pas m'endormir... et si je le fais, je me réveille tôt. "

 

L'homme s'appuya sur ses mains et l'étudia. " Non... tu n'as jamais pu... ton papa était pareil. " Il soupira. " Comment te sens-tu autrement ? " Il posa son stéthoscope sur sa poitrine et écouta. " Des papillotements ? Tu perds le souffle parfois ? "

 

Dar y réfléchit. " Non... pas que j'ai remarqué. " Répondit-elle lentement. " Lorsque la douleur est vraiment mauvaise, je suis plus consciente des battements de mon cœur... c'est comme si ça causait les pulsations. "

 

" Mm... c'est normal. " Lui dit le Dr Steve. " Assieds-toi. "

 

Dar le fit, levant une main pour la passer dans ses cheveux. " Alors... qu'est-ce qui m'arrive... je suis mourante ? " Le commentaire sur son cœur l'avait rendue un peu nerveuse et cela se voyait. Sa bouche était sèche, et elle déglutit de manière inconfortable en attendant sa réponse.

 

Le docteur écarquilla les yeux. " Si tu l'es, tu es la personne mourante de la meilleure santé que j'ai jamais examinée. " Il s'appuya contre le mur de la petite pièce. " Ta pression sanguine est un vrai bazar, Dar... le nombre de tes globules blancs est bas, chaque indicateur de stress que nous connaissons est élevé, et je suis un peu inquiet au sujet des quelques trucs que j'ai vus dans ta tension artérielle. Je t'ai pris un rendez-vous à l'institut de cardiologie de Miami pour un test de stress... non... ne discute pas, d'accord ? Ménage-moi... je suis un vieil homme, Dar... je pense que tu en as vraiment besoin. "

 

Dar laissa tomber sa tête, et expira. " Je n'ai pas le temps, Steve... "

 

Il tendit doucement la main et lui releva le menton pour qu'elle le regarde en face. " Tu n'as pas le temps de ne pas le faire, ma jolie... allons, ils ne sont pas trop occupés aujourd'hui, ça va te prendre une heure, et puis tu pourras me dire que tu me l'avais bien dit, ok ? "

 

" Une heure, hein ? " Elle hésita, puis se rendit. " D'accord... mais je pense que vous faites fausse route. "

 

" Oui, oui... et toi, tu l'as eu où, ton diplôme de médecine ? " Demanda l'homme d'un ton sarcastique. " Bien entendu, nous pourrions te dispenser de tout ça si tu acceptais simplement mon conseil, prenais une semaine de vacances, et allais traîner dans les keys ou quelque part avec le bateau. "

 

Une expression roublarde entra dans les yeux bleu clairs. " Oh... alors tout ce que j'ai à faire, c'est être d'accord pour prendre des vacances et je n'ai pas à aller à l'Institut ? "

 

Le Dr Steve remua un doigt vers elle. " Oh non... toi petite fille rusée... je te connais, tu vas être d'accord, et puis tu n'en prendras pas pendant deux ans. " Sa voix s'adoucit. " Dar... s'il te plaît... je déteste te voir t'infliger ça. " Il pencha la tête. " Ça ne va pas s'améliorer, ma chérie... ça va juste empirer, à moins que tu ne commences à ralentir. "

 

Dar garda le silence pendant un moment, puis hocha finalement la tête. " Très bien ... j'ai reçu le message. Je vais m'arranger... d'une manière ou d'une autre... pour prendre quelques jours de vacances. " Elle s'interrompit. " Entre-temps, pouvez-vous me donner quelque chose pour les maudits maux de crâne ? J'ai pris des cachets sans ordonnance, mais... "

 

L'homme hocha la tête. " Tu vas à l'Institut, je te donnerai une ordonnance pour une combinaison de calmant et de décontractant musculaire... ça devrait t'aider. Marché conclu ? "

 

Dar hésita puis capitula. " Conclu... écoutez, je sais que je me sens minable... je me suis même pris une assistante. Est-ce que vous aimez ça ? "

 

" C'est vrai ? " Le Dr Steve leva les yeux, avec un sourire de surprise. " Tu as trouvé quelqu'un qui te supporte ? Sainte Vierge... c'est un miracle. " Il rit à la vue de l'expression sur son visage. " Ça doit être un saint. "

 

Un sourcil sombre dressé. " Une sainte. " Dar sentit son visage se remplir d'un sourire inattendu.

 

Le sourcil grisonnant se leva. " Ah... je vois. " Il tapota doucement son genou. " Il faudra que tu me présentes à cette Job-ette des temps modernes un de ces jours. "

 

Dar grogna. " Allons... je ne suis pas si méchante... Kerry s'arrange tout à fait bien avec moi... c'est une gentille petite. " Un autre sourire.

 

Le Dr Steve se pencha en arrière et la regarda avec sagesse. " Si elle te fait sourire comme ça, elle doit être gentille. " Il la taquina, regardant une légère rougeur colorer sa peau. " Maintenant je veux vraiment la rencontrer. "

 

" Et bien, je ferais mieux de m'habiller et de sortir d'ici, si je dois traverser la ville. " Dar ignora la taquinerie. " J'ai encore des trucs à faire au bureau. " Elle sauta de la table et attrapa ses vêtements, et l'ordonnance que le docteur tendait. " Merci, Dr Steve. "

 

Il se leva et tapota son bras. " C'était bon de te voir... je t'appellerai quand j'aurai les résultats du test de stress, ok ? "

 

" D'accord. " Dar soupira avec résignation. " J'y vais. ".

 

 

 

Chapitre 25

 

" Hello, Maria. " Kerry se glissa par la porte et fit un sourire à la femme plus âgée.

 

La secrétaire leva les yeux de sa tâche. " Aye... chica... entrez. " Elle fit un geste de la main pour inviter Kerry à entrer, et tapota la chaise à côté de son bureau. " Qu'est-ce que vous avez donc fait ? J'ai entendu deux personnes dans la salle de déjeuner dire des choses très gentilles sur vous. "

 

Kerry se laissa tomber dans la chaise avec obéissance. Ça avait pris un jour ou deux pour qu'elles se testent avec précaution, mais elle sentait que Maria et elles avaient décidé qu'elles s'aimaient bien. Apparemment, Maria avait senti que Dar avait besoin d'aide depuis un moment, mais elle craignait l'habituelle parade de postulants, qui avaient tendance à traiter la secrétaire comme... et bien... comme une secrétaire. Kerry avait pris ses repères de Dar, et accordait un haut degré de respect à la femme plus âgée, faisant appel à elle aussi souvent que possible. " Oh... ceci-cela... j'essaie de finir le plus possible de ma liste de tâches... vous savez. " Elle sourit. " Y a-t-il quelque chose de brûlant dont il faut s'occuper avec le chef parti ? "

 

Maria roula les yeux. " Quand n'y a-t-il rien de brûlant ? " Elle tendit un dossier à Kerry. " Vous pourriez jeter un coup d'œil à ceci... le Service Client l'a envoyé et mis directement sur mon bureau. "

 

" Ok. " Kerry le prit, puis elle jeta un coup d'œil autour d'elle. " Est-ce que Dar revient aujourd'hui ? "

 

Maria regarda autour d'elle également, bien qu'elles fussent toutes les deux seules. " Si... elle est supposée revenir... mais elle est chez le docteur. "

 

Les yeux verts s'agrandirent un peu. " Juste un check-up, ou... "

 

La secrétaire hésita, déchirée entre sa connaissance de la nature très privée de Dar, et son besoin de partager ses inquiétudes. " Ce sont les maux de tête... ils sont si mauvais, elle est allée les faire vérifier. " Dit-elle finalement. " Mais, shhh. Elle n'aime pas en parler. "

 

" Mm... " Kerry hocha lentement la tête. " Ouais... j'ai remarqué qu'elle prend beaucoup d'aspirine... mais son job suffirait à donner un mal de crâne à un rocher. "

 

" Aye. " Maria soupira. " C'est bien que vous l'aidiez... c'est terrible comme ils attendent tellement d'elle. "

 

Elles sursautèrent toutes les deux lorsque la porte s'ouvrit et que Dar se glissa à l'intérieur, leur lançant un regard de douce surprise. " Bonjour. " Marmonna-t-elle en traversant le bureau extérieur pour ouvrir sa propre porte. " Y a-t-il quelque chose ? "

 

Kerry et Maria échangèrent des regards d'appréhension. L'attitude de Dar était calme et grimaçante, et ses yeux bleus manquaient de leur étincelle habituelle. " Hum... " Kerry se leva et montra le dossier. " Juste un truc du service clientèle... j'allais m'en occuper. "

 

Dar la regarda un moment, luttant avec sa conscience, puis elle fit un signe de tête vers la jeune femme blonde. " Bien. " Elle se retourna et entra dans son bureau, posant sa mallette et se laissant tomber dans sa chaise. Au lieu de regarder son écran, cependant, elle tourna son siège et regarda par la fenêtre la lente course des nuages par-dessus l'horizon à l'est. Les tests de stress l'avaient secouée. Pas parce qu'elle se sentait mal pendant qu'elle les passait... non. Mais les employés s'étaient massés au-dessus des écrans, et lui avaient lancé des regards inquiets tout le temps où elle était sur le tapis. Et les résultats avaient disparu du moment où elle eût terminé, pour être 'vus par un spécialiste', selon les termes d'une jeune infirmière agréable qui avait patiemment retiré les fils collés sur elle.

 

Dar se sentait déconcertée et une douce anxiété serrait sa poitrine, elle haïssait l'incertitude par-dessus tout. Qu'allaient-ils trouver ? Et s'ils trouvaient quelque chose... que ferait-elle ?

 

Un léger coup frappé lui fit regarder autour d'elle. " Oui ? " La porte s'ouvrit en partie et Kerry pointa sa tête blonde à l'intérieur. Dar expira et leva une main, lui faisant signe d'entrer. Il n'y avait pas de raison de passer ses nerfs sur la petite, n'est-ce pas ? " Entrez. "

 

Kerry obéit, traversant le sol moquetté et s'installant dans la chaise en face du bureau de Dar, le fichier serré dans ses deux mains. Elle avait l'air étonnamment nerveux. " Hum... " Elle prit une inspiration. " Tout va bien ? "

 

Dar la gratifia d'un sourire ironique. " Est-ce que tout le monde dans le bâtiment sait où j'étais ? "

 

" Non... juste nous, je présume. " Kerry voulait visiblement dire Maria et elle. " N'en veuillez pas à Maria de me l'avoir dit... elle s'inquiète juste pour vous. "

 

Prise entre l'agacement et l'embarras , Dar roula les yeux par compromis.

 

" Hum... oubliez que j'ai posé la question. " Déclara Kerry avec hâte. " Sujet suivant... je pense que tout le machin de Tucson va marcher... le département des infrastructures a été capable de mettre en œuvre le circuit T3 à temps, ils attendent maintenant que les installateurs arrivent (NDLT : T3 = il s'agit d'un circuit " public " à haut débit, c.-à-d. entre deux commutateurs des opérateurs du réseau et pas interne à l'entreprise.) . "

 

" C'est bien... j'avais peur qu'ils n'aient fichu celui-là complètement en l'air... est-ce que vous les avez harcelés jusqu'à ce qu'ils aient fini ? "

 

" Et bien, pas vraiment... j'ai juste parlé au client en quelque sorte, et obtenu quelques concessions des gestionnaires de son immeuble pour que ça leur soit plus facile. " Expliqua Kerry calmement.

 

" Bon travail. " Dit Dar, puis elle hésita. " Kerry ? " Les yeux verts se levèrent et croisèrent les siens. " Je vais bien... merci de le demander. "

 

Kerry cligna des yeux. " Je sais que vous n'aimez pas que les gens se mêlent de vos affaires personnelles. " Déclara-t-elle doucement. " Je ne voulais pas être importune, ou quoi que ce soit... je suis contente que tout aille bien. "

 

Dar ressentit un regret tranquille à l'écoute de l'excuse de la jeune blonde. " Je... hum... ça ne me dérange pas, pas si c'est Maria... ou vous... je n'aime simplement pas que toute la société soit au courant. " Elle lança un sourire désabusé à Kerry. " Vous seriez surprise de ce qui peut passer pour des ragots juteux par ici. "

 

" Ah. " Kerry hocha la tête avec une compréhension soulagée. " Compris... ainsi, si quelqu'un soupçonnait que vous êtes malade, il essaierait d'en tirer avantage. "

 

" Exactement. "

 

" Dar, ça craint. "

 

Cela lui valut un autre sourire désabusé. " Et bien... je ne peux pas dire que je ne suis pas d'accord, et je ne suis pas moi-même quelqu'un qui papote, mais c'est un élément de la vie ici. "

 

Kerry serra les lèvres et hocha la tête. " Je comprends. " Elle s'interrompit, puis leva les yeux, étudiant le visage de Dar à moitié dans l'ombre. " En tout cas, je suis contente que tout aille bien. "

 

Un faible soupçon d'interrogation dans sa voix. Dar se pencha en avant et reposa les bras sur son bureau. " Plutôt. " Admit-elle. " Fondamentalement, on m'a dit que je devrais prendre des vacances et ne pas travailler si dur. " Elle haussa les épaules. " Comme d'habitude. " Elle repoussa le souvenir du test de stress, décidant que sa jeune assistante n'avait pas besoin de connaître cette information, du moins pas jusqu'à ce que quelque chose de mauvais soit confirmé. Après ça...

 

Dar ne voulait pas penser à après. " On m'a donné des médicaments pour les maux de tête, et voilà. "

 

Kerry absorba ce qu'elle venait de dire. " Alors... quand avez-vous pris des vacances pour la dernière fois ? " Demanda-t-elle avec curiosité. " Je sais que les miennes datent un peu... tant que le truc marchait... je suis allée quelques jours sur Marco Island. " Ça avait été une excursion amusante, elle et quelques autres d'Associated avaient loué une petite maison sur la côte ouest de la Floride, et avaient passé du temps à chercher des coquillages et à traîner sur la plage.

 

Dar se concentra. " Hum... je pense que les miennes, c'était... du ski dans le Colorado. " Se souvint-elle. " Environ une semaine... j'ai fini par rencontrer la plupart des arbres à Aspen de très très près. " Elle rit doucement. " J'ai fini par m'en sortir le dernier jour... mais je n'y suis pas retournée depuis. "

 

" Ça a l'air amusant... j'ai skié plusieurs fois... mais je n'y suis pas très douée. " Confessa Kerry avec un sourire. " J'ai rencontré un lapin la dernière fois, et me suis retrouvée cul par-dessus tête... j'ai fini avec un poignet cassé. "

 

" Aïe. " Dar rit.

 

" Alors... est-ce que vous allez suivre le conseil du docteur ? " Demanda Kerry. " Prendre des vacances, je veux dire ? "

 

Dar leva les yeux. " Vous essayez de vous débarrasser de moi ? " Son ton était léger mais méfiant.

 

" Non. " Répondit Kerry très sérieusement. " J'essaie de me représenter comment je vais pouvoir faire installer une mitrailleuse sur mon bureau à temps. " Elle leva les mains. " Rattataataa. "

 

Dar ne put s'en empêcher, elle éclata de rire, se penchant en arrière et sentant tout son corps se détendre après la tension de la journée. " Oh... Mon Dieu, merci... j'en avais besoin. " Elle complimenta la jeune blonde, puis appuya son menton sur ses doigts entremêlés. Une idée jaillit dans son esprit, et elle commença à parler avant même de vraiment penser à ce qu'elle faisait. " Ecoutez... je dois aller au bureau de Miami Sud pour un rendez-vous rapide... je pense que vous devriez venir avec moi, comme ça je pourrais vous présenter aux gars là-bas. "

 

" Ok. " Kerry approuva aimablement, toute contente d'avoir pu faire rire Dar. " Ça me va aussi... et c'est pratiquement sur mon chemin, de toute façon. "

 

" Hé... nous pourrions... essayer ce restaurant Thaï après le rendez-vous... c'est justement par là-bas... je n'ai pas déjeuné, alors... " Dar se sentit un peu embarrassée mais détendue lorsqu'elle vit les yeux de Kerry s'éclairer. " Je ne l'ai pas fait depuis longtemps. "

 

" Bien sûr. " La jeune femme approuva avec enthousiasme. " J'ai attendu d'en avoir l'occasion... aucun de mes amis n'aime manger Thaï, alors... j'attendais quelqu'un qui aime, ou d'y aller toute seule . " Elle fit une grimace. " J'ai horreur de faire ça. "

 

Dar jeta un coup d'œil à ses mains. " Je m'y suis habituée au cours des années. " Commenta-t-elle légèrement. " Mais je sais ce que vous voulez dire. " Elle se leva. " Ok... et bien, alors allons-y... ce rendez-vous est fixé à cinq heures. "

 

" J'attrape mes affaires et je vous rejoins à l'ascenseur. " Kerry approuva et sortit à petits pas.

 

La pièce semblait tellement plus vide sans elle, songea Dar. Elle savait à peine pourquoi elle avait amené le sujet du restaurant, sinon le fait qu'elle avait faim là... et...

 

Et...

 

Dar mâchouilla sa lèvre. " Et que tu aimes passer du temps avec la petite. " Se dit-elle ironiquement. " Allons, admets-le simplement... elle présente une nouvelle perspective... totalement différente de la tienne, et pour une folle raison, elle t'aime bien. " Un doux soupir. " Que je sois maudite si je sais pourquoi ?. "

 

Elle resta assise à réfléchir pendant un moment encore, puis elle rassembla ses affaires et sortit.

 

 

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