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Tu es mon Autre2

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

FANS FICTIONS FRANCOPHONES

Entre elles

 

 

Tu es mon Autre

 

 

par Kaktus

 

DEUXIEME PARTIE

 

 

 

 

Ceci n’est pas mon histoire. Vous n’apprendrez rien de moi ou pas grand-chose, malgré les quelques digressions obligatoires pour que le récit soit compréhensible.

 

C’est leur histoire que je veux narrer. L’histoire qu’elles ont bien voulu me livrer, toutes les deux.

 

 

 

 

J’ai connu quelques hommes dans ma vie, ils n’ont pas compté. Je n’étais pas prête à aimer, maintenant je l’ai compris. Je trouvais qu’on faisait bien trop de tapage autour du mot aimer. Que les hommes et les femmes étaient trop différents pour pouvoir s’entendre bien longtemps, que ce n’était finalement qu’une histoire d’affinités à un moment donné. Un morceau de vie à partager, quelques heures agréables, et chacun reprenait sa liberté.

 

L’amour, un concept abstrait que notre société avait trop bien sacralisé, pour qu’il veuille encore dire quelque chose.

 

Si vous m’aviez parlé d’âmes sœurs, je me serais moquée de vous de telle façon que vous m’auriez inscrite illico sur la liste de vos pires ennemis. Je peux être très méchante, quand je m’y mets…

 

 

 

 

**********

 

 

 

 

 

A ma première consultation dans le petit cabinet attenant à son bureau, Clotilde me sermonna gentiment.

 

« Vous êtes ici depuis trois jours et vous n’avez pratiquement pas quitté votre chambre. Il faut que vous preniez l’air. Vous n’êtes pas obligée d’aller vous balader, passez au moins du temps sur la véranda, ce sera un bon début. »

 

 

 

 

Après le repas de midi, j’emportai un deuxième roman et m’installai sur une des chaises longues de la véranda. La vue, il me fallut le reconnaître, était magnifique. Le chalet se trouvait sur un léger promontoire et dominait la vallée en contrebas. Plus haut, aussi loin que le regard portât, il rencontrait le ciel et les cimes enneigées des montagnes.

 

Un sentier assez large s’éloignait du chalet sur la gauche et, au bout d’une centaine de mètres, pénétrait dans une forêt de conifères. Et sur la droite, le chemin de terre que j’avais emprunté pour arriver conduisait à la grande route menant à la station.

 

 

 

 

Il faisait beau et je me sentis un peu stupide avec mon pull en laine posé sur les épaules. Montagne ou pas, on était tout de même en plein été et il faisait aussi chaud qu’en ville. Moi et mes idées préconçues…

 

Il n’y avait que trois personnes sur la véranda. Le jeune anglais était penché sur un ordinateur portable et les sons qui en sortaient provenaient vraisemblablement d’un jeu vidéo. Un peu plus loin, les deux femmes étaient, comme à leur habitude, plongées dans une discussion à voix basse et je me doutai que je devais en être le sujet, aux regards scrutateurs qu’elles me jetèrent. Je les ignorai superbement et retrouvai les héros de mon roman policier avec presque du plaisir, moi qui pourtant ne suis pas une fervente lectrice.

 

 

 

 

Il me captiva bien plus que prévu, puisqu’au moment où je le refermai, ma montre indiquait 16h00. Paula, la femme de chambre, était en train de servir du thé aux deux mégères. Elle m’en apporta une tasse que j’acceptai avec plaisir et je remarquai que tous les pensionnaires avaient investi la véranda, de même que Clotilde, accoudée sur la balustrade en bois.

 

Je tournai mon regard dans la même direction qu’elle et aperçus sa nièce, accompagnée de Nicky, qui débouchaient de la forêt. La fillette se mit à courir et surgit en trombes sur la véranda.

 

« Tante Clotilde ! Regarde ce que Nicky m’a fabriqué ! C’est super, hein ? »

 

Elle brandissait un bateau taillé dans une écorce, une grande feuille dentelée faisant office de voile.

 

« Et tu sais, il flotte ! On l’a essayé ! »

 

« Il est superbe, ma puce », lui répondit Clotilde. « Va donc le déposer dans ta chambre, mais demande à Célestine de te donner un papier journal pour le mettre en dessous. Et profites-en aussi pour lui chiper une tartine. »

 

« D’accord ! »

 

 

 

 

La petite disparut dans le chalet au moment où Nicky arrivait sur la véranda. Comme à son habitude, elle lança un cordial bonjour à tout le monde et me gratifia en plus d’un petit sourire. Je posai ma tasse de thé et fis mine de me replonger dans mon roman. Je devais bien avouer que cette jeune femme m’intriguait, sans que je sache pourquoi. Elle s’accouda sur la balustrade au côté de Clotilde et elles échangèrent quelques phrases que je ne saisis pas, puis quand la directrice pénétra dans le chalet à son tour, Nicky alla s’installer à la table du vieil homme. Il lui montra l’album qu’il était en train de lire et ils se mirent à le feuilleter ensemble tout en discutant à bâtons rompus. L’ouvrage portait, à première vue, sur les papillons, pour le peu que je saisisse de leur conversation. J’observai la jeune femme à la dérobée. Elle devait être plus âgée finalement que je ne l’avais pensé, dans les vingt-cinq ans au moins. Elle avait une silhouette fine et élancée mais son teint halé montrait clairement qu’elle arrivait au terme de sa convalescence. Je soupirai intérieurement. Moi j’en avais encore pour trois semaines, sans doute plus…

 

 

 

 

***********

 

 

 

 

Le lendemain, me sentant nettement plus reposée que les matins précédents, je décidai de me secouer. Après le petit-déjeuner, je m’engageai donc sur le sentier qui menait à la forêt. Il faisait déjà passablement chaud et j’accueillis avec soulagement la fraîcheur procurée par les premiers arbres. Je constatai, avec dégoût, que j’étais pratiquement en nage, la respiration courte et sifflante.

 

« Saloperie ! » murmurai-je entre mes dents en m’asseyant sur le petit banc de bois que je trouvai quelques mètres plus loin.

 

Le temps que je reprenne mon souffle, je remarquai qu’un poteau se dressait juste à côté et portait plusieurs pancartes indiquant, à première vue, des buts de promenades partant vers de nombreux petits sentiers dans la forêt. Ils avaient des noms aussi pittoresques que « La source aux fées » ou « Le tronc aux pics-verts » et à côté de chaque promenade était inscrit le temps qu’il fallait pour arriver au but.

 

Je songeai avec amertume que je n’étais pas prête d’atteindre ces charmants endroits, étant donné mon piteux état physique.

 

 

 

 

« Salut ! »

 

Je tournai la tête, surprise, et découvris Nicky, assise sur une souche, à quelques mètres de moi.

 

« Oh, bonjour, » bredouillai-je « Je ne vous avais pas vue. »

 

Elle eut un bref haussement d’épaules et me sourit. Je découvris sur ses genoux un bloc à dessins qu’elle déposa à terre.

 

« Vous partez vous promener ? », m’interrogea-t-elle en dépliant ses jambes pour les étirer.

 

« C’est ce que je pensais faire, oui », grommelai-je « Mais ça ne semble pas une si bonne idée. »

 

Elle se leva, reprenant son bloc et s’approcha du banc.

 

« Il faut y aller doucement au début. Vous verrez, petit à petit, ça ira mieux », me rassura-t-elle.

 

Contre toute attente, elle s’assit sur le banc

 

« J’espère que vous n’avez pas oublié de noter l’heure de votre départ sur le tableau noir », continua-t-elle. Je haussai les sourcils, l’air interrogateur.

 

« Attention, Clotilde est intraitable à ce sujet. »

 

Je me rappelai alors que c’était une des règles inscrites sur le descriptif des Arolles.

 

« J’avoue, j’ai oublié », constatai-je un peu sèchement.

 

 

 

 

Nicky ne répondit pas. Le silence s’installa entre nous. Un silence que je trouvai d’abord pesant, mais j’eus beau chercher, je ne trouvai rien d’autre à dire. Il se prolongea et je finis par le trouver confortable. Après tout, pourquoi parler si on n’a rien à dire ?

 

Elle finit tout de même par le rompre.

 

« Je pourrai le terminer ? »

 

Je la regardai, sans comprendre.

 

« Votre portrait. »

 

Elle ouvrit son bloc à dessin et en tourna rapidement les pages. J’eus le temps d’y apercevoir de nombreux croquis au crayon, mais pas ce qu’ils représentaient. Elle tourna le bloc vers moi et je compris ce qu’elle faisait dans l’arbre devant ma fenêtre le premier soir. Elle m’avait dessinée, couchée sur mon lit. J’avais un bras replié sous ma tête et les cheveux en bataille. Je grimaçai mais dus reconnaître que c’était ressemblant.

 

« Vous avez un beau profil. »

 

Elle l’avait énoncé simplement comme un fait avéré, et je me sentis bêtement rougir. Elle referma le bloc, semblant oublier sa question initiale, et se leva.

 

« Je vais rentrer. Je noterai votre nom sur le tableau », me lança-t-elle avec un clin d’œil. « Et ne vous découragez pas, vous allez vous sentir un peu mieux chaque jour. »

 

Je la regardai s’éloigner, presque déçue. J’avais envie d’en savoir plus.

 

 

 

 

**********

 

 

 

 

Les deux jours suivants, je poursuivis mes promenades, sans aller bien loin toutefois. Le troisième matin, je parvins à un endroit nommé ‘Creux du Roc’. Il s’agissait d’une petite clairière occupée par un rocher creusé en son centre, qui pouvait abriter deux à trois personnes. Je m’assis dans l’herbe, afin de reprendre mon souffle. J’étais en train de boire un peu d’eau dans la gourde que m’avait donnée Célestine la veille, quand Nicky surgit devant moi. Elle était vêtue d’un short écru et d’une chemise blanche dont elle avait roulé les manches haut sur ses épaules. Encore une fois, je constatai qu’elle semblait en pleine forme.

 

« Bonjour, Maguy. J’ai vu que vous n’aviez pas oublié le tableau noir aujourd’hui. »

 

Je hochai la tête et elle s’assit en face de moi, les jambes en tailleur.

 

« D’ici quelques jours, je vous emmènerai jusqu’à la rivière, si vous voulez. »

 

« Je ne crois pas que je sois capable de marcher beaucoup plus loin », grimaçai-je.

 

« Bien sûr que si ! »

 

Elle prit appui en arrière sur ses bras et d’un mouvement de la tête, écarta la mèche de cheveux qui tombait devant ses lunettes.

 

« Clotilde m’a dit que vous étiez avocate ? »

 

Je hochai à nouveau la tête, peu désireuse de parler de moi. Mais elle continua.

 

« C’est un drôle de métier… Défendre des voyous, des assassins, des chauffards… Je ne sais pas comment vous faites. »

 

« Je m’occupe surtout de cas de divorces et d’héritages », répondis-je platement. Je n’avais guère envie de me lancer dans un vieux débat dont tous les avocats entendent parler. Je changeai la conversation.

 

« Et vous ? Que faites-vous ? »

 

Elle parut surprise par la question.

 

« Moi ? Oh… je n’ai pas vraiment de profession. »

 

Je haussai les sourcils.

 

« Comment cela ? »

 

Elle plia les jambes et les entoura de ses bras.

 

« Je dessine de la BD. »

 

« Pourquoi dites-vous que ce n’est pas une profession ? »

 

Elle haussa les épaules.

 

« Quand je dessine, c’est plus une thérapie qu’autre chose. »

Elle sembla se perdre un instant dans ses pensées avant de reprendre :

 

« Je suis toujours étonnée que ça intéresse des gens et qu’ils payent pour lire mes albums. »

 

Elle se releva et me sourit.

 

« Rendez-vous après-demain devant les pancartes à 10 heures tapantes. »

 

Je voulus lui dire que je n’y serais pas, mais elle avait déjà tourné les talons.

 

 

 

 

Au retour de ma balade, je pénétrai dans la bibliothèque avec curiosité. J’avais noté une étagère contenant une cinquantaine de bandes dessinées mais l’avais ignorée. Les seules BD que j’avais lues dans ma vie étaient les albums Tintin de mon frère et je n’en gardais pas un souvenir très marquant.

 

J’en découvris quatre au nom de Nicky Stone et supposai que c’était celles que je cherchais. En sortant de la bibliothèque, je tombai nez à nez avec Prune. Elle regarda les livres et eut une grimace envieuse.

 

« Tu as de la chance ! Tante Clotilde dit que je ne suis pas assez grande pour lire les bandes dessinées de Nicky. »

 

Ne sachant quoi lui répondre, je grommelai un « Désolée pour toi. » et filai dans ma chambre. Il était l’heure de manger et je les déposai sur la table de nuit. Je passai l’après-midi sur la véranda avec un roman, ne souhaitant pas qu’on me voie en train de lire ces livres-là. Ce n’est donc que le soir que je pus m’y plonger.

 

 

 

 

Je n’appréciai pas du tout… Ni les dessins, ni l’histoire. C’était le genre de choses qui devaient intéresser les adolescents males bourrés de testostérone. Le récit d’un héros au sombre passé qui souhaitait se racheter mais ne cessait d’échouer dans ses efforts. C’était très noir et très sanglant, à la limite du désespoir le plus total.

 

Et cela ne cadrait pas du tout avec la personne que j’avais côtoyée depuis que j’étais aux Arolles, encore moins au dessin qu’elle avait fait de moi.

 

C’est ma perplexité qui me décida à me rendre au rendez-vous qu’elle m’avait donné le surlendemain. La curiosité aussi et l’envie de comprendre.

 

 

 

 

*****

 

 

 

 

« Tu vois que tu pouvais le faire ! »

 

J’étais à bout de souffle, baignée de sueur et je m’écroulai littéralement sur la butte sur laquelle nous venions de déboucher, près d’une rivière, ou plutôt un petit torrent de montagne. Nicky avait décidé du tutoiement sans que j’aie droit à la parole.

 

Elle s’installa un peu plus loin sur un rocher. Je consultai ma montre. Nous avions marché environ 45 minutes, avec plusieurs pauses sur le chemin où elle m’avait montré des arbres, des plantes, quelques insectes, etc. Je la soupçonnai fortement d’avoir trouvé des prétextes pour me permettre de me reposer.

 

« Quand tu rentreras chez toi, il faudra continuer à te balader. Tu devrais prendre un chien, ça aide. »

 

Je la regardai, interloquée, mais elle avait l’air très sérieux.

 

Je bus un peu d’eau fraîche dans ma gourde. C’est vrai que je n’avais jamais été une adepte de l’exercice physique, et encore moins depuis que je fumais un demi paquet de cigarettes par jour.

 

« La directrice t’a engagée pour coacher ses malades ? », lui lançais-je d’un ton acerbe.

 

Elle me tendit la moitié de la pomme qu’elle venait de sortir de son sac.

 

« Clotilde est un très bon médecin. » Son visage s’était légèrement durci et je m’en voulus d’être si peu aimable.

 

« Je n’en doute pas, il n’y a qu’à voir le résultat avec toi », souris-je pour me rattraper.

 

Elle me scruta un instant d’un air interrogateur puis sembla comprendre quelque chose qui à moi, m’échappait.

 

« Oh, tu as cru que j’étais une de ses patientes ? » s’exclama-t-elle.

 

« Ce n’est pas le cas ? »

 

Elle croqua dans sa moitié de pomme avant de me répondre.

 

« Non. Je vis ici, aux Arolles. »

 

Evidemment qu’elle n’avait pas l’air malade… songeais-je, me sentant stupide soudainement.

 

« Mais tu sais, Maguy… » Elle s’était approchée de moi et elle posa sa main sur mon bras. « Elle m’a sauvée. »

 

Il y avait une telle intensité, dans sa voix comme dans son regard, que je n’osai pas bouger.

 

« Elle m’a sauvée de moi-même. »

 

 

 

********

Fin de la deuxième partie.

 

**********

 

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