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UTOPIA2

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

UTOPIA

 

 

 

par Athena

 

SAISON 1 - EPISODE 2 : Bolides de Guerre

 

 

 

 

 

e-mail : athena.dialogue@caramail.com

 

Date de création : mai 2002

 

Nombre de pages : 39 - 146 Ko

 

 

RATING - (R) : M'avait-elle abandonnée pendant que j'errais dans le monde des rêves ? En parlant de rêve, celui que j'avais fait la concernait…

 

 

P.S : R = Romance

 

******************

 

Avertissements : Les personnages de cette histoire, s’ils font référence de par leurs ressemblances aux personnages de XWP m’appartiennent exclusivement. Seuls quelques lieux, faits, gestes et paroles ont été empruntés pour les besoins de la cause. Cette histoire a été écrite sans intention de violation du copyright. Tous les personnages, l'idée de l'histoire et l'histoire elle-même sont la propriété unique de l'auteur. Cette histoire ne peut pas être vendue ou utilisée de quelque façon que ce soit. Des copies de cette histoire peuvent être tirées pour l'usage privé seulement et doivent inclure toutes les notices d'avertissements et de copyright.

 

Violence et écart de langage : Les deux, vous êtes avertis.

 

Subtext : Beaucoup, mais subtext n’est pas tout à fait exact, ici il est plutôt approprié de dire maintext. De plus, mon histoire dépeint les pensées et les sentiments intimes de deux adultes de même sexe, rien de trop explicite cependant. Alors si vous êtes intolérant face à ce genre de comportement je vous suggère de quitter tout de suite la piste de danse.

 

Prologue : Cette histoire se veut la deuxième d’une série, alors il serait préférable de lire la première partie d’abord. Bref, je vous souhaite donc une bonne lecture.

 

Remerciements : Bien sûr Tante Lala ma super bêta lectrice adorée ! Et aussi Kaktus d’abord pour m’éditer, et aussi parce qu’elle à la bonté de corriger mes ff !

 

J'espère que vous aimerez. N'hésitez pas à envoyer des commentaires à : athena.dialogue@caramail.com

 

Athena

 

xxx

 

 

 

 

*****************

 


 

 

 

Chapitre 1

 

 

 

 

Le lendemain, quand j'ouvris les yeux, j'étais totalement désorientée. Pendant que je fixais le plafond en me demandant où j'étais, tout me revint à la mémoire, et je me retournais pour contempler ma superbe et divine amie. Elle n'était pas là. J'étais seule dans la grande chambre et mon cœur sombra comme une enclume dans un puits sans fond. M'avait-elle abandonnée pendant que j'errais dans le monde des rêves ? En parlant de rêve, celui que j'avais fait la concernait, et je pouvais encore ressentir les assauts de ses baisers torrides qui avaient allumé un feu ardent qui me consumait encore en cet instant. Maintenant que j'avais vu son visage et touché sa peau dans l’intimité onirique de mes songes, j'expérimentais la pire des déceptions en réalisant que tout cela n'était qu'une fantaisie, un songe creux.

 

 

 

 

Je grimaçais en soupirant lourdement et rejetais les couvertures pour balancer mes pieds hors du lit. Mes yeux ensommeillés firent rapidement le tour de la pièce. Je ne vis rien. Son sac, ses vêtements, et ses effets personnels n'étaient plus là. Certaine qu'elle m'avait laissée en plan derrière pour filer en douce, je lâchais quelques jurons à voix haute avant d'enfiler mes vêtements à la hâte. Je sentis une colère désespérée monter en moi. Une colère qui était surtout dirigée contre moi. J'aurais dû savoir qu'elle allait me faire faux bond. Ma colère se retourna ensuite contre elle. Pourquoi m'avait-elle fait ça ? Hier encore, elle avait semblé abdiquer à mon désir de la suivre. Ça n'allait pas se passer comme ça. J'allais la suivre quoi qu'il en soit. Je descendis donc l'escalier à toute vitesse et faillis entrer en collision avec Sirène qui portait une carafe de café vide.

 

 

 

 

M'excusant à demi je remontais aussitôt dans la chambre récupérer mon sac que j'avais oublié, en jurant entre mes dents, j'étais si distraite parfois. Quand je descendis l'escalier pour la deuxième fois, en soufflant comme un phoque, j'allais directement vers Sirène qui était toujours plantée là, à me regarder interdite. La prenant rapidement entre mes bras je lui servis une petite accolade et lui fis la bise. "Merci pour tout." M'empressais-je de lui dire en la relâchant. Me précipitant vers la porte je l'ouvris à la volée en saluant une femme qui était attablée au fond de la pièce.

 

 

 

 

Une fois sur la vieille rame de métro déglinguée qui servait de route, je stoppais net pétrifiée. La femme que j'avais saluée en sortant ressemblait étrangement à celle qui avait fait chavirer mon cœur. En fait, c'était elle.

 

 

 

 

Très embarrassée, je fis demi-tour et poussai de nouveau la porte de l'auberge. Sirène était encore à l'endroit où je l'avais laissée et fixait la porte d'un air hagard. Zina quant à elle, regardait également la porte, son morceau de pain toujours à la main et les yeux grands ouverts, figés dans un mouvement qu’elle n’avait pu se résoudre à terminer. Je réalisais que je devais avoir l'air complètement givrée. Quelle sotte je faisais ! Rouge des pieds à la tête, j'allais tranquillement m'asseoir devant elle en lui souriant un peu gênée.

 

 

 

 

"Heu... J'avais besoin de prendre l'air." Mentis-je. C'était vraiment une piètre excuse. Du coin de l'œil je vis Sirène hausser les épaules et retourner à sa cuisine. Jetant un petit regard à ma compagne je la vis sourire en coin. Bien sûr elle avait compris ce qui s'était passé, et cela semblait maintenant follement l'amuser. Elle mordit dans sa tranche de pain et poussa un panier recouvert et de la gelée devant moi.

 

 

 

 

"Bien dormi ?" Me demanda-t-elle avec toujours cette même lueur amusée au fond des yeux. Je me contentais d'hocher la tête pendant que mon rêve me revenait avec force et détails. Je dus rougir un peu plus que je ne l'étais déjà, et son sourire s'épanouit en même temps. "Tu parles dans ton sommeil." Me lança-t-elle alors. Oh ! Misère ! Qu'avait-elle entendu ? Je n'osais pas lui demander, car j'en avais une bonne idée étant donné le sourire pernicieux qu'elle m'offrait à cet instant. Me contentant de prendre une tranche de pain, il me fut impossible de la regarder droit dans les yeux de peur, de trahir mon malaise. "Je crois que tu t'es habillée un peu vite." Me lança t-elle alors en faisant un petit geste vague vers ma chemise. En effet, celle-ci était boutonnée tout de travers et je souris honteuse avant de corriger le tout. Quand je levais les yeux sur elle, elle me fixait toujours en souriant. Me raclant la gorge je lui offris un petit sourire timide.

 

 

 

 

"Tu es bien matinale." Dis-je pour changer de sujet.

 

 

 

 

"Toujours, je ne suis pas une lève-tard." Je pris note de ce fait, moi qui étais la pire des marmottes.

 

 

 

 

Sirène revint sur l'entrefait avec du fromage et un autre pot de café. Elle m'en servit une tasse avant de s'asseoir avec nous. Elle regarda Zina un instant et j'assistais bien malgré moi à cet échange silencieux. Puis toutes deux se mirent à me fixer d'un drôle d'air comme si elles complotaient contre moi. Je décidais de plonger mon nez dans ma tasse de café histoire de ne pas piquer un fard une fois de plus.

 

 

 

 

"Alors Zina, où comptes-tu aller ?" Demanda alors Sirène ce qui me soulagea grandement et m'évita de poser cette même question qui me brûlait les lèvres.

 

 

 

 

"Retourner à Illusia, j'ai des choses à récupérer, après 'nous' verrons." Elle fixa ses magnifiques yeux bleus sur moi.

 

 

 

 

NOUS ! Elle avait bien dit NOUS ! Mes yeux durent s'illuminer de fierté pendant qu'elle me regardait, car elle me lança un petit sourire entendu. Ce NOUS me remplit d'une joie démesurée. Notre premier NOUS j'étais au paroxysme du bonheur. Sirène se tourna également vers moi et me sourit légèrement. Le reste du petit déjeuner se déroula tranquillement pendant que nous parlions de la pluie et du beau temps. Puis vint le moment de dire adieu.

 

 

 

 

Les yeux pleins de larmes, Sirène serra Zina contre elle de toutes ses forces en lui recommandant d'être prudente et de revenir le plus souvent possible. Je versais quelques larmes quand elle me prit à mon tour dans ses bras pour me dire au revoir. "Prends bien soin d'elle. Et surtout tiens-lui tête, Zina est une personne vraiment bornée quand elle s’y met." Me lança t-elle en s'essuyant les yeux. J'hochais la tête incapable de prononcer une seule parole. Je détestais les adieux.

 

 

 

 

Nous, nous dirigeâmes vers Mid-Utopia, puis vers les docks. Une fois là-bas, elle trouva un navire en partance pour Illusia, et paya notre traversé, ce qui lui coûta un max. Je lui rendis ma part, puisqu'il n'était pas question qu'elle paie pour moi. Il me fallut, cependant, presque me battre avec elle pour qu'elle accepte finalement à contre cœur.

 

 

 

 

Je n'avais jamais mis les pieds sur un bateau de ma vie, et compris très vite que je n'avais pas le pied marin. Tout au long du voyage je rendis, et le petit déjeuner, et mon orgueil par-dessus le bastingage. Zina se moqua un peu de moi avant de me prendre en pitié et de me donner un truc tout à fait génial pour apaiser mes nausées. Une fois en vue d'Illusia, j'avais toujours ce petit teint verdâtre, mais quand nous touchâmes enfin terre mes maux de cœur cessèrent aussitôt et je me sentis vraiment mieux.

 

 

 

 

Chapitre 2

 

 

 

 

Je m'éveillais plus tard qu'à l'habitude ce matin là, et me tournai légèrement pour pouvoir la regarder dormir. Son visage était baigné par la douce lumière des torchères suspendues un peu partout dans la chambre, car évidement, au Tartare il n'y avait pas de lumière naturelle, c'était donc constamment la nuit. Bref elle était magnifique. Je la contemplais un bon moment en silence. Puis elle se retourna toujours endormie et se mit à marmonner.

 

 

 

 

Au début les mots qui sortaient de sa bouche étaient inintelligibles, mais bientôt ses doux soupirs se firent plus laborieux et je l'entendis prononcer mon nom à quelques reprises. Mon sang ne fit qu'un tour. Il était évident qu'elle faisait un rêve dans lequel je tenais le rôle du personnage principal, et à l'entendre soupirer, ce rêve devait en être un à faire rougir les démons de l'enfer. Je décidais sur-le-champ de me lever et pris toutes mes affaires avant de filer à la cuisine. Si je restais une minute de plus à l'écouter gémir, j'allais perdre le contrôle et faire de son rêve une réalité, et comme je n'avais pas oublié la promesse que je m'étais faite, je descendis rejoindre ma mère qui était occupée à faire le petit déjeuner.

 

 

 

 

Sirène me salua chaleureusement et prit note de mon état mental. "Ça va ?" Me demanda t-elle un peu inquiète. Je restais un moment pantelante à fixer le bout de mes bottes comme un garnement pris en flagrant délit avant de me ressaisir.

 

 

 

 

"Oui..." Lui répondis-je en souriant un peu pour la rassurer. Ce qui était tout à fait faux, seul un bain glacé aurait pu venir à bout de l’agitation lubrique qui m’embrasait. Ce n'était plus du sang qui coulait dans mes veines, mais de la lave, et tel un volcan j'étais sur le point d’entrer en irruption.

 

 

 

 

"J'ai du café frais, tu en veux ?" Me demanda t-elle en me montrant la grosse cafetière argentée qu'elle tenait à la main. J'hochais vaguement la tête et me dirigeai vers une des tables du fond en tentant de me recomposer et de chasser toutes idées de luxures de ma tête. Ma mère vint déposer, pain et vivres devant moi et retourna à la cuisine pour remplir sa cafetière. Sur l'entrefait, nous entendîmes quelqu'un descendre les escaliers à toute vitesse.

 

 

 

 

Larielle faillit entrer en collision avec Sirène puis se retourna pour remonter l'escalier comme si elle avait Cerbère le chien des enfers à ses trousses. Nous entendîmes une porte claquer et des pas précipités revenir en trombe vers l'escalier. Une fois de plus Larielle redescendit et fit la bise à une Sirène interdite avant de filer comme une flèche vers la porte. Elle me salua au passage et disparut.

 

 

 

 

Sirène et moi restâmes là à nous regarder en silence. Je me dis que ma petite amie blonde venait de se rendre compte qu'elle s'était acoquinée avec le diable et qu'elle s'enfuyait à toutes jambes, loin de moi. La chose inévitable que j'avais anticipée venait-elle de se produire ? Mon cœur menaça de s'arrêter de battre à tout jamais, quand je la vis repasser la porte et me regarder avec de grands yeux éberlués. Elle avait une teinte d'un rouge profond et apparemment elle était très embarrassée. Je compris qu'elle avait cru que je l'avais laissé derrière une fois de plus et qu'elle venait de se lancer à mes trousses.

 

 

 

 

Malgré moi, je fus extrêmement flattée mais surtout soulagée de la voir revenir. Elle posa son sac par terre et prit place devant moi. Par politesse ou par moquerie, je ne dis rien et la laissai mijoter dans son jus. Elle me sourit plusieurs fois et il ne fallait pas être une voyante pour voir qu'elle était totalement gênée.

 

 

 

 

"Heu... J'avais besoin de prendre l'air." Me dit-elle en regardant vers la porte. Nous savions toutes les deux qu'elle mentait, mais je me contentais de laisser passer. Je continuais à manger en poussant le panier de pain et la gelée devant elle. Elle sembla reprendre contenance, et je souris mentalement.

 

 

 

 

"Bien dormi ?" Lui demandais-je, me souvenant tout à coup des gémissements qui étaient monté d'elle pendant qu'elle murmurait mon nom. Je la vis rougir de plus belle, ce qui ne manqua pas de m'amuser un peu plus que je ne l'étais déjà… Incapable de me retenir, j'allais encore la tourmenter un peu. Comme on dit qui aime bien châtie bien. "Tu parles dans ton sommeil." Si elle était déjà rouge, elle s’empourpra davantage mais resta muette. Elle se rappelait son rêve apparemment.

 

 

 

 

Elle s'appliqua à étendre de la gelée sur sa tranche de pain en levant une ou deux fois les yeux vers moi à la dérobé. Quand sa teinte cramoisie devint moins prononcée, elle me regarda droit dans les yeux. Totalement amusée, je lui fis le commentaire qu'elle s'était peut-être habillée un peu vite. Elle prit encore quelques couleurs, et quand elle eut reboutonné sa chemise correctement elle me lança un petit sourire en coin.

 

 

 

 

"Tu es matinale."

 

 

 

 

Je souris encore sachant qu'elle s'employait à changer de sujet. Même si j'avais encore très envie de la taquiner, je décidais de n'en rien faire. "Toujours. Je ne suis pas une lève-tard." Ce qui était la vérité. Et même que, ce matin je m'étais laissé aller un peu.

 

 

 

 

Ma mère vint s'asseoir avec nous et pendant cet échange non verbal qui eut lieu entre elle et moi, je compris qu'elle aimait bien Larielle. Que voyait-elle en moi ? Elle me sondait de son regard inquisiteur. Une mère sait toujours ce que pense ou ressent sa progéniture. En quelques rapides coups de couteau, elle mit mon âme à nu, fit l'autopsie de mes espoirs et de mes peurs, puis mordit dans mon bouclier protecteur d'acier trempé. Et là, tout de suite, je pense qu'elle savait exactement ce que je ressentais envers ma nouvelle amie. Elle me sourit de connivence, ou plutôt heureuse de m'avoir percé à jour avant de me demander où je comptais aller.

 

 

 

 

Je fis exprès d'impliquer Larielle en ajoutant un NOUS volontaire dans ma phrase, histoire de voir comment elle allait réagir. Je ne crois pas jamais avoir utilisé le mot NOUS depuis que Lycéus était mort. Cela me fit vraiment tout drôle, mais en même temps me combla. Je pris note de sa réaction et vit un superbe sourire se dessiner sur ses lèvres vermeilles. Une lueur de joie indescriptible s'alluma dans ses prunelles vertes, et je compris qu'elle était aux anges. C'est fou ce que ce NOUS avait provoqué. Je l'utiliserais plus souvent à l'avenir.

 

 

 

 

L'heure de dire adieu à ma mère arriva et pendant qu'elle me serrait contre elle et me faisait les recommandations d'usages, je retins une larme qui menaçait de rouler sur ma joue. Bien sûr, elle me dit de revenir aussi souvent que possible avant de prendre Larielle dans ses bras. "Prends bien soin d'elle. Et surtout tiens-lui tête, Zina est une personne vraiment bornée quand elle s’y met." Larielle me tenait déjà tête ! Il n'était pas nécessaire que ma mère l'y encourage. Par dépit je soupirais un peu.

 

 

 

 

Nous prîmes ensuite la route et nous rendîmes sur les docks. Cela me coûta une somme faramineuse, mais tout de même, elle insista pour payer sa part. Bien sûr je m'obstinais à ne pas accepter, mais compris qu’elle me tiendrait tête durant toute la traversée et acquiesçai donc. Je repensais aux conseils que ma mère lui avait donnés et soupirais lourdement.

 

 

 

 

Quand le navire prit la mer, je la vis changer de couleur. Rose, rouge, puis livide et verte. Apparemment elle avait le mal de mer, et pendant qu'elle rendait son petit déjeuner par-dessus la rambarde, je lui fis quelques remarques railleuses, que voulez-vous, l’occasion fait le larron. Me sentant tout à fait coupable quand elle leva des yeux courroucés vers moi, je soupirais et lui montrais comment apaiser ses nausées.

 

 

 

 

Elle passa le reste du voyage à se tapoter le poignet. C'était un vieux truc chinois qu'une amie, Ma Ling, m'avait enseigné. Il y avait un point de pression précis sur le poignet qui enrayait les hauts le cœur. C'était très efficace, et ma nymphe des mers put enfin apprécier le voyage.

 

 

 

 

Quand nous arrivâmes à destination, je notais avec bonheur qu'elle reprit presque instantanément ses couleurs en posant pieds à terre. Nous étions maintenant en terre connue. Du moins pour moi.

 

 

 

 

Chapitre 3

 

 

 

 

Illusia en contraste avec Utopia était un continent tout à fait verdoyant. J'étais vraiment très peinée de ne pas avoir osé faire le voyage auparavant. Si j'avais su qu'elle était aussi magnifique, j'aurais quitté l'Utopie depuis belle lurette. Ici, les arbres étaient sains et touffus et l'herbe poussait dru. Les montagnes qui se détachaient dans l'horizon rendaient le paysage tout à fait féerique, ce qui était prometteur de fabuleux couchers de soleil. Le petit village au bord de l'océan était tout à fait charmant, et les rayons déclinants de fin d'après-midi étaient au rendez-vous pour illuminer la petite bourgade de ses rais orangés.

 

 

 

 

Zina nous mena vers une petite auberge située à l'extrême ouest. Ce n'était pas l'auberge la plus sympathique de l'endroit, mais ce n'était pas la pire non plus. Le sol poussiéreux était recouvert de paille sèche, et la chaleur d'un feu dansait dans le grand foyer. Des acclamations émanaient des fermiers et marchands qui étaient attablés, leurs mains noircies à force d'avoir travaillé la riche terre noire. La salle était bondée d'hommes pour la plupart, et elle balaya la pièce du regard. Le silence emplit doucement l'auberge ce qui me fit anticiper le pire. Tous les regards convergeaient vers ma grande amie et pendant plusieurs secondes j'eus cette terrible envie de prendre mes jambes à mon cou. Zina quant à elle semblait habituée à ce genre de chose et nous mena vers le bar, tandis que les conversations reprenaient leur cours. Je terminais donc de lui raconter une histoire des plus romantique que j'avais lue quand j'étais à la solde du riche excentrique pour lequel j'avais travaillé en tant que scribe.

 

 

 

 

"Alors Zeus dans son immense compassion pour le couple les transforma en énormes chênes." Elle ne me regardait pas, mais je savais qu'elle m'écoutait. "Et tu sais ce qui se passa ensuite ?" Lui demandais-je complètement transportée par mon récit.

 

 

 

 

"Un bûcheron vint les abattre avec sa grosse hache et ils furent transformés en matière première dont il usa pour construire une jolie barque, un cabanon, et des latrines extérieures." Me lança t-elle avec ironie.

 

 

 

 

Je grimaçais dégoûtée par le sort qu'elle venait de faire subir à mes deux amants. "Mais non ! Leurs branches s'entrecroisèrent, et ils passèrent le reste de leurs jours enlacés l'un avec l'autre." Dis-je en lui donnant une petite bourrade.

 

 

 

 

"Quelle péroraison faut-il en tirer ?" Me demanda t-elle en haussant les épaules et en arquant un sourcil.

 

 

 

 

"Bien, que tout le monde, éventuellement, finit par trouver son arbre dans l'immense forêt de la vie." Elle me lança un petit regard en coin pour ensuite rouler les yeux au plafond. "Même toi Zina." Enchaînais-je en m'abstenant de lui dire que j'accepterais volontiers d'être son arbre. D'être le solide chêne sur lequel elle pourrait toujours s'appuyer et beaucoup plus si c’est ce qu’elle souhaitait. Mais ce qu'elle me répondit vint crever la petite bulle rose dans laquelle je flottais allègrement.

 

 

 

 

"Il me faut te dire, que les arbres les plus vigoureux et les plus forts d'une forêt, sont habituellement ceux qui se dressent droits et seuls parmi leurs pairs."

 

 

 

 

C'était sympathique comme réponse, autrement dit, elle voulait que je voie à quel point elle était pareille à ces arbres solitaires dont elle faisait allusion. Rien de tel qu'un peu d'élagage pour lui faire savoir que j’avais lu entre les branches de son arbre. "Tu n'as pas à toujours être forte, Zina, c'est aussi nécessaire que bon, pour l'âme, d'être vulnérable de temps à autre." Elle me sourit mystérieusement. J'allais aussi lui dire qu'avec moi elle n'avait pas à toujours porter ce masque stoïque, mais l'aubergiste vint à nous.

 

 

 

 

Elle se retourna et lui demanda une chambre qu'elle régla sur-le-champ. Elle me fit ensuite signe de la suivre, et nous ressortîmes dehors. Elle se contenta de me dire qu'elle avait des choses à aller récupérer dans une clairière avoisinante, et je lui emboîtais le pas en ne disant mot. Le paysage était vraiment superbe, et je le laissais imprégner mon être de sa magnificence, il faut avouer qu'elle marchait un peu devant ce qui enjolivait le tout.

 

 

 

 

Quand nous arrivâmes à la dite clairière, elle s'arrêta et porta deux doigts à sa bouche pour lâcher un sifflement strident qui se réverbéra en un écho. Elle scruta l'horizon et recommença une deuxième fois.

 

 

 

 

"Pourquoi tu fais ça ?" Lui demandais-je tout à fait curieuse en plissant les yeux. Peut-être voulait-elle me prouver qu’elle savait siffler ? Ce qu’elle ne savait pas c’est que j’étais une vraie championne dans ce domaine.

 

 

 

 

"Tu vas voir." Me répondit-elle en souriant à belles dents. Quand elle fut sur le point de réitérer la manœuvre, elle ne s'exécuta pas et son sourire s'élargit encore pendant que je vis quelque chose bouger au loin. Ce quelque chose se rapprochait drôlement vite. Quand je compris enfin de quoi il s'agissait, je m'efforçais de ne pas laisser ma mâchoire inférieure tomber de béatitude sur le sol herbeux. Devant moi apparut un grand destrier blond. Une bête magnifique au pelage doré et à la crinière d'un blanc de lin. Déjà qu'à Utopia on ne trouvait aucun animal à part des rats et des cancrelats, voir un cheval était pour moi tout à fait irréel. Je me rapprochais de Zina, un peu craintive mais aussi totalement fasciné.

 

 

 

 

La grande bête arriva bientôt à nos côtés et piaffa comme pour saluer sa maîtresse. "Tu m'as aussi manqué ma fille !" Dit Zina en lui caressant le museau. J'inclinais un instant la tête en me demandant si ma grande amie comprenait vraiment ce que cet équidé lui disait, puis sourit à cette expectative, car avec elle, rien ne saurait plus m'étonner. "Désolé de t'avoir laissé seule si longtemps, j'espère que tu as eu de belles vacances." Continua-t-elle. Il faut avouer que sa jument en jetait presque autant qu'elle. J'étais vraiment ahurie. La pouliche gratta le sol de son sabot comme pour acquiescer ce qui me troubla davantage.

 

 

 

 

Quand la jument tourna les yeux vers moi, je crus un instant qu'elle allait vraiment se mettre à parler. Zina me prit un bras et me fit faire un pas vers l'avant. "Je te présente Larielle." Dit-elle fièrement. "Larielle, voici Gora, ma jument." J'eus cette étrange impression qu'elle me présentait à un membre de sa famille, j'étais complètement médusée, le pire, c'est que la jument me renifla et sembla plisser les yeux. Un animal pouvait-il être jaloux ? Quand nous rentrerions à l'auberge, j'allais me prendre un verre de quelque chose de fort, j'avais trop d'imagination. Quand j'eus retrouvé un peu mes sens, je me retournais un peu vers ma grande fauve de compagne qui semblait exulter.

 

 

 

 

"Tu aurais pu m'avertir que tu avais une amie à quatre pattes." Lâchais-je, les yeux toujours rivés sur l'animal. Gora me regarda, et j'aurais pu jurer qu'elle me souriait d'un air de défi. En outre, j'avais la ferme sensation qu'elle me jaugeait comme on jauge une rivale en amour. Ça promettait.

 

 

 

 

"Je suis remplie de surprises." Répondit Zina pas peu fière d'elle en me lançant un petit regard des plus torve.

 

 

 

 

"En effet, pour une surprise c'est toute une surprise." Répondis-je en toisant la jument. J'allais tout de suite marquer mon territoire, pas question de m’en laisser imposer par ce quadrupède. Elle s'ébroua vivement ce qui me fit un peu reculer. Je décidais, tout de même, de ne pas trop la contrarier. "Je croyais que les animaux avaient été éradiqués de la terre lors du cataclysme."

 

 

 

 

"On voit tout de suite que tu n'as jamais voyagé. C'est une vérité pour certains continents dont Utopia, mais heureusement, ce n'est pas le cas ici. Hein ma fille." La jument émit un petit bruit et commença à trottiner en direction du bois situé à quelques pas de là. "Ici, les choses sont très différentes. Utopia est la poubelle du monde." Je la remerciais mentalement de me confesser si délicatement que j'avais vécu dans une poubelle toute ma vie, et nous, nous dirigeâmes vers l'orée du petit bois à la remorque de Gora.

 

 

 

 

Une fois là, Gora qui nous avait devancées broutait de l'herbe et avait l'air de se régaler. Nous entrâmes alors dans le sous-bois, et Zina nous mena devant un grand arbre sous lequel elle déposa son sac. J'en fis de même.

 

 

 

 

"C'est ici, attends-moi." Me dit-elle en s'agrippant fermement à l'arbre et en commençant à grimper comme un chat. Une fois de plus je la trouvais vraiment formidable. Quelques minutes plus tard, des choses commencèrent à dégringoler miraculeusement du ciel. De grosses sacoches de cuir, une selle, une bride, un fouet, un espèce de disque métallique, une grande épée, et enfin Zina, qui elle, atterrit avec souplesse en me souriant gaiement.

 

 

 

 

"Tout est là, c'est parfait." Me lança t-elle en faisant l'inventaire des choses qui étaient éparpillées par terre.

 

 

 

 

Je la regardais interloqué en me grattant la nuque comme je le faisais souvent quand j'étais dans cet état, c’est à dire complètement siphonnée.

 

 

 

 

"Pourquoi un cheval ?" Lui demandais-je alors, voyant très bien qu'avec toute cette panoplie de voyage, que Gora devait forcément être son moyen de transport attitré.

 

 

 

 

"Une voiture a besoin d'essence… Un cheval non… Est-ce qu'une voiture peut circuler dans les bois, traverser les rivières, grimper les montagnes ?" J'hochais négativement la tête de toute évidence elle marquait des points. "De plus, l'essence est si rare, un cheval ne tombe pas en panne, son essence c'est l'herbe et l'avoine. Mais encore, ce cheval n'est pas un cheval ordinaire…"

 

 

 

 

"Ah ! Non ?" Dis-je en haussant les sourcils. C'est tout juste si ce cheval ne parlait pas, alors ne me demandez pas pourquoi je lui servais cette interrogation. Bien en fait, ce n'était pas si innocent que ça en avait l'air. La jalousie est un très vilain défaut que je ne me connaissais pas auparavant.

 

 

 

 

"Non, parce que c'est 'mon' cheval." Se contenta t-elle de me répondre. Une réponse tout à fait édifiante !

 

 

 

 

Elle prit les sacoches de selles, et se retira un peu plus loin dans les bois pour se changer sans aucun doute. De toute façon dans l'état où je me trouvais, je ne remarquais pas tout à fait son absence. Je réfléchis un moment à tout ça. Pourquoi étais-je jalouse d'un cheval ? D'un autre côté, avoir une monture serait peut-être un avantage… Je réfléchis encore. Il était certain qu'elle voudrait me faire grimper derrière. Un sourire se forma sur mon visage à l'idée que de cette manière je pourrais atteindre une promiscuité tout à fait impossible en d'autres circonstances. J'en vins à la conclusion que ça serait vraiment agréable, quand je la vis revenir. Cela me scia les jambes en deux, et je faillis perdre pieds. Par chance que j'étais déjà appuyée contre l'arbre, sinon je serais sans doute tombée à la renverse.

 

 

 

 

Comme une apparition séraphique elle se tenait devant moi n'ayant aucune idée de l'effet ravageur qu'elle avait sur moi. Vêtue entièrement de cuir noir, elle était encore plus imposante et redoutable que jamais. Je retins une fois de plus ma mâchoire inférieure de tomber grande ouverte sur le sol et avalai avec difficulté la salive qui menaçait de s’écouler sur mon menton. Je devais ressembler à un ours mal léché qui bave devant un énorme pot de miel.

 

 

 

 

Bien sûr ses vêtements avaient une tâche beaucoup plus spécifique que l'esthétique, car ils lui servaient en quelque sorte d'armure… Mais une armure avait-elle vraiment besoin d'être aussi sexy et prometteuse de nuits idylliques ? Encore un supplice de plus pour moi. Si son cheval me semblait être une rivale qu'est ce que ce serait avec des femelles humaines ??? Je n'étais certes pas au bout de mes peines. J'allais être servie et pas seulement en rivales, en rivaux également, c'était certain. Ce qui me fit penser que je ne savais toujours pas de quel côté de la balance elle penchait. Et si elle penchait du mauvais côté ? Bien je veux dire du mauvais côté pour moi… Je refoulais cette idée ridicule puisque j'avais quand même décelé certaines choses en elle qui ne trompaient pas. Du moins d'habitude. Bref, je finis par me remettre de mon choc émotionnel grave et me dis qu’un verre ne serait pas suffisant, j'allais avoir besoin de la bouteille à ce rythme là.

 

 

 

 

Elle était vraiment superbe, elle avait même troqué ses bottes pour une autre paire qui lui montaient, celles-là, jusqu'aux genoux. Ce qui laissait une partie de ses cuisses bronzées dénudées, j’avais de la veine. Elle portait maintenant une paire de short toujours en cuir noir qui la moulait comme un gant et l'avantageait en tout point. Sur son pull souple, elle avait enfilé une légère cotte de mailles faite d'un alliage que je ne reconnaissais pas. Passée à sa taille une large ceinture ornée d'une grosse boucle argentée brillait de mille feux. Et pour compléter le tout, un grand manteau de cuir usé lui descendait jusqu'aux mollets. Elle était incroyablement sublime, j'étais sur les genoux. J'avais le pressentiment que mes rêves de la veille allaient revenir en force cette nuit.

 

 

 

 

Elle sella Gora et transféra nos trucs dans les grandes sacoches de cuir, puis passa son fourreau derrière son épaule, dans son dos, d'où dépassait maintenant le pommeau de son épée et attrapa le cercle métallique que j'avais aperçu un moment auparavant pour le suspendre à un crochet conçu à cet effet à sa ceinture.

 

 

 

 

"Qu'est ce que c'est ?" Lui demandais-je alors en sortant de ma catalepsie.

 

 

 

 

Zina mit la main sur son cercle argenté en suivant mon regard. "Oh, ça ? C'est mon chakram. C'est une arme unique, très tranchante et très dommageable." Elle le détacha de sa ceinture lentement et le lança à travers les bois avec vigueur. Je le vis faire moult rebonds et revenir avec force dans sa main. Bien sûr, elle le rattrapa de façon tout à fait spectaculaire et j'ajoutais mentalement une autre bouteille au compte. "Je suis la seule à pouvoir me servir de ce truc. Je l'ai trouvé dans le tertre funéraire d'une de mes ancêtres. Tout comme l'épée d'ailleurs."

 

 

 

 

Sur ce, elle s'élança et monta avec grâce sur le dos de son cheval, puis me tendit la main. "Tu viens ?" Je me dis qu’en fin de compte, je n’aurais pas besoin de boire, puisqu’elle me saoulait parfaitement.

 

 

 

 

Elle me hissa comme si j'avais été une plume. C’était tout à fait ce que j'avais prévu, et je passais mes bras autour de sa taille en souriant derrière son dos. Sentir la chaleur de son corps, enfouir mon nez dans sa soyeuse chevelure, humer ce mélange de parfum épicé et de cuir bien huilé, me monta à la tête et finit de m'enivrer.

 

 

 

 

Comme je n'avais, de toute évidence, jamais monté à cheval, je n'étais absolument pas préparée pour ce qui allait suivre. Quand elle éperonna sa monture je faillis, premièrement, me retrouver cul par-dessus tête sur le sol et quand l'animal se mit à trotter, je crus que j'allais vraiment détester ça. Tout mon être rebondissait comme le vulgaire sac d’os que j'étais. Je pouvais même entendre ceux-ci cliqueter à l’intérieur de mon corps dans un tintamarre incongru. Par contre, cela s'améliora grandement quand elle fit galoper le grand destrier, mais j'étais beaucoup trop occupée à me tenir pour pouvoir profiter de notre nouvelle proximité. À vrai dire, j'étais morte de trouille et je l'entendis lâcher un rire bas pour combler mon malheur.

 

 

 

 

"Détends-toi un peu !!!" Me lança t-elle en riant encore. Comme si je pouvais me détendre ! Le paysage défilait à toute allure, et me détendre signerait mon arrêt de mort. À cette vitesse, c'était certain, je me romprais non seulement tous les os importants et nécessaires au bon fonctionnement du corps, mais aussi le cou !

 

 

 

 

Enfin nous arrivâmes à notre auberge et elle m'aida à descendre. Je devais être aussi pâle que le linceul qui recouvre les morts, mais j'étais décidée à m'adapter. Si c'est ce que ça prenait pour la serrer dans mes bras, je m'habituerais.

 

 

 

 

Elle alla porter sa jument dans l'écurie attenante, et revint ensuite me rejoindre devant l'auberge.

 

 

 

 

Nous montâmes finalement à notre chambre, et pendant qu'elle s'occupait de faire du feu dans l'âtre, je m'empressais d'aller commander à dîner et à boire. Évidemment quand nous étions revenues les gens de la place et surtout l'aubergiste n'avaient pas manqué de la remarquer une fois encore, et qui plus est, de la reluquer sans vergogne. Bien sûr, je les comprenais, elle arborait un port de reine absolument magistral, si la Reine des neufs enfers existait, elle devait faire pâle figure à côté de ma déesse aux cheveux d'ébène. En fait, elle représentait la puissance incarnée, une aura d'arrogance et d'impétuosité émanait d'elle. Elle était totalement flamboyante et imposait le respect.

 

 

 

 

L'aubergiste ne voulut rien savoir de mon argent et me dit de bien lui mentionner qu'il ne cherchait, en aucun cas, les ennuis. Je le rassurais du mieux que je le pus et remontais la rejoindre.

 

 

 

 

Chapitre 4

 

 

 

 

Une fois débarquées, je nous conduisis à travers la petite ville vers une des auberges potables du coin. J'allais d'abord nous réserver une chambre, puis nous irions récupérer certains trucs que j'avais laissés dans une clairière avoisinante, dont entre autre mes anciens vêtements et surtout ma jument que j'adorais par-dessus tout. Larielle allait faire toute une tête, c'est pour cette raison que je m'abstins de la mettre au parfum.

 

 

 

 

"Nous allons passer la nuit ici à Annath. Je connais une petite auberge assez sympathique." Lui dis-je en la guidant vers notre destination.

 

 

 

 

"Ouais, super." Me dit-elle.

 

 

 

 

"Juste une chose." Commençais-je. "Je suis connue par ici…" Je marquais une pause pour qu'elle entende bien la suite. "Si des problèmes surviennent, tiens-toi à l'écart, je me chargerai du reste."

 

 

 

 

Larielle hocha la tête. "Quels problèmes ?"

 

 

 

 

"Je ne suis pas, comme on pourrait dire, une personne… heu… ordinaire, et les gens ont plutôt tendance à redouter ma présence. Je suis un monstre pour certains, et une cible pour d'autres. Mon passé et ma réputation ne sont plus à faire par ici, et je ne suis pas particulièrement la bienvenue partout où je passe."

 

 

 

 

"Ah bon…" Dit simplement Larielle. "Mais tout ça va changer, n'est ce pas ?"

 

 

 

 

"Je l'espère, Larielle, je l'espère…" Dis-je, tout à fait sincère.

 

 

 

 

Elle me raconta ensuite une petite histoire fleur bleue, pendant que nous cheminions vers l'auberge. Au fond de moi je trouvais ce récit assez charmant, mais ce n'était pas dans mon tempérament de m'extasier juste pour lui faire plaisir. J'y allais donc de quelques répliques cinglantes, car je voyais très bien où elle voulait en venir avec cette histoire d'arbres entrelacés. Bien sûr elle avait raison de dire que je n'avais pas à être toujours forte. Mais elle ne me connaissait pas, c'était évident. Comme je devais résister à toutes ses subtiles avances, je m'employais à ne lui offrir aucun signe de reddition. Je n'avais pas oublié la promesse que je m'étais faite, même si c'était de plus en plus difficile.

 

 

 

 

Je pris une chambre et nous quittâmes l'auberge. Je la conduisis vers la clairière ou j'avais laissé Gora, ma jument, et me contentais de marcher un peu devant elle dans ma hâte de retrouver celle-ci.

 

 

 

 

Quand je l'eus appelée à deux reprises je la vis venir vers nous. J'étais totalement heureuse de la revoir. Cette jument était la plus magnifique des juments. Quand je l'avais vue la première fois, nous nous étions tout de suite entendues. Elle m'était apparue sur le sommet d'une petite colline un jour de pluie. Elle s'était cabrée sous les coups de tonnerre et le vent déchaîné telle une bête sauvage qui me mettait au défi de l'apprivoiser. Dès lors j'avais su que ce cheval était pour moi.

 

 

 

 

Bien sûr, j'observais Larielle à la dérobé et fus des plus satisfaite de constater sa consternation. Par contre, je connaissais suffisamment Gora pour savoir qu'elle serait peut-être un peu rétive à accepter une étrangère. Elle était un peu possessive. Possessive et jalouse. J'eus tôt fait de comprendre que j'avais vu juste. Mais ce qui me fis encore plus sourire, c'est que Larielle et elle semblaient partager ce même sentiment à mon égard. Elles se jaugèrent un moment comme deux chiens de faïence. Oh ! Par Hadès Dieu des Neuf Enfers ! Mes deux amies se considéraient-elles comme des rivales ? C'était des plus prometteurs.

 

 

 

 

Même si Larielle était celle qui détenait mon cœur, je connaissais bien Gora, manifestement ça lui prendrait un moment pour s'habituer à cette nouvelle condition. Larielle ne comprenait pas encore que cette monture signifiait qu'elle devrait monter en croupe derrière moi, et que forcément nos deux corps se fondraient l'un avec l'autre. Évidemment je savais que cette pensée aussi exquise qu'elle pouvait sembler, serait aussi très dangereuse pour moi et ma foutue promesse.

 

 

 

 

Comme Gora se dirigeait vers le sous bois dans lequel j'avais laissé tout notre attirail, nous lui emboîtâmes le pas. Quand nous arrivâmes enfin devant le gros arbre où j'avais laissé toutes mes choses j'y grimpais sans cérémonie.

 

 

 

 

Tout était encore accroché à une grosse branche et je m'employais à les décrocher et à les laisser tomber sur le sol. Une fois revenue sur la terre ferme, je pris mon sac et allai un peu plus loin pour réintégrer mes légendaires vêtements. Ma jeune amie qui était restée près de l'arbre dans un état un peu languide allait en prendre pour son rhume quand je reviendrais accoutrée de mes cuirs. En vérité, j'allais y prendre un malin plaisir. Je ne sais pas pourquoi, mais j'aimais la voir me regarder avidement. C'était une douce vengeance, car si je provoquais son émoi, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle me faisait à moi. À chaque fois que je posais les yeux sur elle, j'étais inéluctablement aspirée aux confins des abysses par son indicible vénusté, et cela c’était sans parler de cette candide innocence qui était sienne et qui provoquait irréfutablement en moi un raz de marée qui balayait toutes notions vertueuses sur son passage. Je remettais en question presque à chaque seconde la promesse que je m'étais faite et c'était un combat dont l'issue, je le savais, était des plus incertaines. Je me savais déjà vouée à l’échec, seul ma fatuité me poussait à continuer, car jamais dans ma vie, je n'avais eu à affronter un tel adversaire.

 

 

 

 

Je réintégrais donc mes vêtements avant de revenir vers elle. Je remarquais, évidemment, sa réaction, c'était la même que j'avais vue tant de fois dans les yeux des gens que j'asservissais. Un mélange de frayeur, de consternation odieuse, de désir insipide, et pour finir de franche admiration. Je décidais de ne pas trop la persécuter et me dépêchais de seller Gora pendant qu'elle recouvrait ses sens.

 

 

 

 

"Pourquoi un cheval ?" Me demanda Larielle qui semblait maintenant un peu remise de ses émotions. Je lui servis des explications fort logiques qu'elle sembla approuver séance tenante. Je lui fis également savoir que ma monture n'était pas une monture ordinaire. En effet, Gora était une jument exceptionnellement intelligente en plus d'être extrêmement rapide. Elle était en quelque sorte mon alter ego.

 

 

 

 

Elle me demanda pourquoi et je décelais une note tout à fait discordante dans le ton de sa voix. "Parce que c'est 'mon' cheval." Tout ce qui m'appartenait était unique en son genre, elle y compris. Ce qu’elle ignorait c’est que j'étais plutôt très sélective. Elle allait devoir le découvrir par elle-même. De fait, je n'étais pas très portée sur le partage et Larielle faisait déjà partie des choses que je ne n'accepterais jamais de partager.

 

 

 

 

Quand je ramassais mon chakram je la vis plisser les yeux.

 

 

 

 

"Qu'est ce que c'est ?"

 

 

 

 

Ma jeune amie était très curieuse, et cela me surprit à peine qu'elle pose la question. Une petite démonstration était de mise. Cette arme était le symbole qui me distinguait, en fait c'était comme une signature. Je l'avais récupérée dans la crypte d'une de mes ancêtres, et celle-ci m'avait maintes fois été des plus utile. Tranchante comme un rasoir, j'étais la seule à pouvoir m'en servir. Tous ceux qui avaient tenté de l'utiliser servaient aujourd'hui d'engrais à jardins et de nourriture aux vers, car au lieu de revenir dans leur main elle finissait par leur trancher quelque chose de vital avant de revenir étrangement toujours dans la mienne en bout de course. Mon chakram était un peu comme un boomerang, mais un boomerang mortel qui laissait sur sa trajectoire une traînée de sang ou encore des pointes d'épées brisées. Ce chakram sectionnait tout tel un couteau que l'on plonge dans une motte de beurre mou, selon la force à laquelle je le lançais.

 

 

 

 

Je vis Larielle ouvrir de grands yeux, ce qui me fit sourire. Je n'en rajoutais pas et grimpais sur le dos de ma monture avant de lui tendre la main pour la hisser derrière moi. Je la sentis se blottir contre moi et fus heureuse de lui tourner le dos car je sais que le rose gagna ma gorge et mes joues. La sentir contre moi et sentir ses bras enlacer ma taille était un châtiment tout à fait savoureux. J'éperonnais Gora et sentis Larielle se raidir, évidemment je savais qu'elle n'avait jamais monter à cheval et cela me fit rire bien malgré moi. Elle allait devoir s'habituer ça s'était certain, car je m'emploierais à la faire grimper derrière moi le plus souvent possible ! Je lui suggérais alors de se détendre sachant très bien que c'était pour le moment une chose tout à fait impossible.

 

 

 

 

Quand nous arrivâmes à l'auberge je l'aidais à descendre et remarquais qu'elle tremblait un peu. Je ne dis rien pour ne pas la froisser et menai Gora dans l'écurie attenante où je lui servis une bonne rasade d'avoine, avant de revenir rejoindre Larielle sur le porche de l'auberge. Elle avait repris un peu ses couleurs. Nous montâmes ensuite à notre chambre et pendant que je m'occupais du feu elle redescendit chercher à manger et à boire.

 

 

 

 

Quand elle revint, elle me dit que l'aubergiste lui avait offert gratuitement le repas et l'avait avisé qu'il ne voulait pas avoir d'ennuis. Étant habituée à ce genre d'offrande et d'avertissements, je souris en haussant légèrement les épaules.

 

 

 

 

"Parfois ça a du bon d'être un féroce Seigneur de Guerre." Lui dis-je en lui faisant un petit clin d'œil complice. Je la vis rougir. Décidément j'adorais quand elle rougissait, je crois que je faisais tout en mon pouvoir pour cela. Je la regardais disposer notre repas sur la petite table en me disant que j'allais peut-être envoyer la promesse que je m'étais faite valdinguer aux oubliettes. Mes barricades étaient en train de foutre le camp en même temps que tout les beaux principes que je m'étais juré de tenir envers elle. Elle alluma une grosse chandelle qu'elle déposa au centre de la table. Ceci allait être notre premier repas en tête-à-tête et j'avisais la grosse cruche de vin rouge qu'elle avait mise sur le côté de la table. Cela allait être absolument dangereux. L'alcool avait sur moi un effet aphrodisiaque et je savais qu'après la troisième coupe mes inhibitions, que je n'avais pas en temps ordinaire, fondraient comme neige au soleil. Si je voulais tenir cette maudite promesse, il me fallait y aller doucement sur ce délectable breuvage. Je ne savais pas combien de temps j'allais encore résister.

 

 

 

 

Nous, nous mîmes à table et commençâmes à manger. Je la vis vider son verre d'un trait à plusieurs reprises. Apparemment elle avait besoin de faire passer quelques émotions. Bientôt ses joues devinrent rougeaudes et ses yeux se mirent à briller d'une lueur tout à fait exaltée. Elle me fixait avec concupiscence, et je savais quelles idées elle nourrissait en son for intérieur en ce moment même. Je décidais qu'il valait mieux tenter de lui changer les idées.

 

 

 

 

"Je compte aller vers Pandora. Alors demain j'irai à l'ouest voir si nous pouvons passer par-là sans problèmes. Sinon, nous devrons faire un détour qui nous fera perdre deux jours."

 

 

 

 

Elle se lécha doucement les lèvres pendant que de grandes bouffées de chaleur envahirent mon corps. Ses yeux me dévoraient littéralement, et pendant qu'elle mâchouillait doucement sa cuisse de poulet, j'eus la ferme impression que c'était mon cœur qu'elle déchiquetait tranquillement entre ses dents. Je me redressais donc doucement à ma pleine hauteur sans jamais la quitter des yeux et enlevai mon long manteau de cuir que j'envoyais choir sur le lit de façon théâtrale. Je n'étais quand même pas pour me laisser mettre à mal comme une jouvencelle… Me passant une main dans les cheveux pour replacer quelques mèches rebelles, je la vis cesser toute activité et me regarder des pieds à la tête un peu décontenancée. J'adorais jouer à ce jeu, cela me faisait penser à une partie de chasse ou souvent le chasseur devient la proie. Elle secoua un peu ses belles mèches blondes et vida encore d'un trait son verre. Il y a quelques louves plutôt noires qui n'ont rien de brebis ! Et j'étais l'une de ces louves. Ce jeu de la séduction j'y avais joué des centaines de fois, assez en tout cas pour savoir quelles ficelles tirer, et quand les tirer. Bien sûr, l’arsenal d'amantes qui avaient défilé entre mes draps étaient généralement des passades sans lendemain qui me servaient à canaliser mes impétueuses envies de luxures. Il était certain que parfois ces conquêtes que j'alignais sur des kilomètres servaient tantôt à des fins politico-stratégiques, et parfois à réaliser quelques fantasmes libidineux. Peu importe, elles ne représentaient rien à mes yeux sinon un exutoire.

 

 

 

 

Elle continua à grignoter son poulet en me regardant langoureusement, ce qui me fis encore évoquer mille péchés. Allais-je abdiquer dès ce soir ? Peut-être… Plus les heures passaient plus mes défenses s'amenuisaient. Dehors la nuit était tombée et maintenant que la seule lumière qui nous éclairait était celle de la grosse bougie au centre de la table et celle du feu dans l'âtre, l'ambiance dans la chambre se prêtait plus que jamais à la chose que je m'étais interdite d'accomplir. Quoi de plus tentant que le fruit défendu !

 

 

 

 

Comme si elle avait lu dans mes pensées elle leva instantanément un regard gourmand sur moi, auquel je répondis instinctivement de la même façon. Me ressaisissant tout à coup, je lui décochais un sourire entendu avant de décider de rompre ce petit écart de conduite de ma part. Bien sûr mon instinct de survie était plus fort que tout. "Faudrait te trouver de nouvelles chaussures…" Lui dis-je ce qui rompit, je le vis, toutes les idées qui s'étaient formées dans son esprit. "Pendant que j'irai en reconnaissance demain, tu en profiteras pour aller chez le bottier te faire coudre une nouvelle paire de botte…"

 

 

 

 

Elle me regarda un peu dans le brouillard avant de détacher ses yeux des miens pour regarder ses pieds sous la table. Elle ne put qu'acquiescer. "Ouais, c'est une bonne idée." Rétorqua t-elle en enlevant ses bottes pour les mettre de côté. Elle se massa un instant les pieds. Ses bottes étaient trouées, et si elle était pour me suivre aussi bien qu'elle soit bien chaussée.

 

 

 

 

Nous terminâmes notre repas avant de pousser nos chaises devant le foyer pour fixer les flammes qui y dansaient. "Voyager à mes côtés ne sera pas ce qu'on peu appeler de la rigolade, Larielle. J'espère que tu t'en rends bien compte."

 

 

 

 

"Oh ! Mais je sais, Zina… Je ne suis pas aveugle, j'ai bien vu comment ils te regardaient. Tu les effraies, tu sais. Mais cela finira bien par changer. J'ai confiance."

 

 

 

 

"Tu as une bien grande foi en moi. Je ne sais pas si je réussirai, mais je pense que tant que tu seras à mes côtés mes chances d'y parvenir seront bien meilleures." Et c'était vrai. Le vin aidant, devant la chaude lueur du feu qui baissait doucement, je me décidais à lui avouer ce que je ressentais pour elle. Si j'étais pour perdre mon combat, aussi bien le faire honorablement et lui livrer un peu ce que je ressentais pour elle. "Je ne sais pas si je serai en mesure de vaincre les ténèbres qui planent sur mon âme tels les rapaces sur les champs de batailles pour se délecter des hommes tombés au combat, mais ce que je sais en revanche, c’est que depuis la première seconde où j’ai posé les yeux sur toi…" J'avais prononcé ces paroles d'une voix grave, je n'étais pas très douée pour ce genre de chose, et les yeux toujours fixés sur les flammes de peur de la regarder, je me raclais la gorge avant de continuer sur le même ton. "Depuis la première seconde où je t'ai aperçue… mon cœur t'a appartenu, tu peux en faire ce que bon te semble, je… je… je…" Ce mot que j'allais prononcer resta coincé dans ma gorge, il était pour moi un mot qui avait été absent de mon vocabulaire depuis les dix dernières années. Jamais je ne l’avais prononcé devant personne de toute ma vie, enfin, je crois. Allais-je franchir le point de non-retour ? Il me semblait bien que c'est exactement ce que j'allais faire, et cela me fit penser que je devais être complètement dingue. J'allais lui dire le mot tabou, le mot interdit, le mot que je m'étais efforcée d'enterrer au plus profond de mon être sous une montagne d'orgueil et de vanité. Je me retournais pour la regarder avant de lâcher ce mot fatidique. Je ne sais pas très bien pourquoi je lui avouais tout ça. "t'aime." À peine avais-je laissé échapper ce mot de ma pauvre bouche que je m'en repentis aussitôt. Quand mes yeux se posèrent sur son visage, un sourire prit naissance aux coins de mes lèvres. Elle dormait à poing fermé.

 

 

 

 

Mon château de cartes venait de foutre le camp et s’écrouler comme si quelqu'un avait éternué dessus pendant que j’avais le dos tourné. J'étais tout de même soulagée, je ne sais pas pourquoi. Enfin, oui, je savais pourquoi, mais j'aimais bien me dire que non. D'un côté c'était mieux comme ça. Je réprimais un fou rire et vidais ma coupe d'un trait avant de me lever et de la regarder. Elle dormait comme un bébé, pas étonnant vu la quantité de vin qu'elle avait ingurgité en très peu de temps. Doucement je la soulevais et allai la poser sur le lit. Me déshabillant, je la rejoins ensuite, sachant que le sommeil tarderait à venir cette nuit.

 

 

 

 

Chapitre 5

 

 

 

 

Quand je m'éveillais le lendemain, elle était déjà partie. Cela me surprit à peine, j'avais un léger mal de crâne, et me dis que j'avais probablement bu un peu trop vite la veille. J'avais fait un merveilleux rêve où elle m'avouait son amour. Je fermais encore les yeux pour me souvenir. En me retournant une douce odeur épicée vint me chatouiller les narines. Son parfum. Toute ensommeillée, j'allongeais un bras pour tirer son oreiller contre moi. Il était totalement imprégné de son odeur et je dus me rendormir pendant encore un moment car quand j'ouvris les yeux le soleil avait presque atteint son zénith. M'étirant comme un chat je m’assis dans le grand lit. C'est à ce moment que je me rendis compte que je portais toujours mes vêtements. En y repensant, je ne me rappelais plus être venue me coucher. Je déduis que je m'étais sans doute endormie devant le foyer et qu'elle avait dû me porter jusqu'ici. Je me rejetais sur le lit en grognant de frustration. Assurément, j'avais manqué le meilleur.

 

 

 

 

Quand je me levais pour aller tirer les rideaux je vis qu'elle m'avait laissé une petite note sur la table ainsi qu'une poignée de dollars. Je me dépêchais de prendre celle-ci pour la serrer sur mon cœur, et me jetais à plat ventre sur notre grabat pour la lire.

 

 

 

 

J'espère que tu as bien dormi, en tout cas c'est ce qu'il m'a semblé quand je t'ai portée. Savais-tu que tu ronflais ? Rien de bien méchant, mais tu ronfles… Dis au bottier que c'est moi qui t’envoie, il me connaît bien, et saura utiliser les meilleurs cuirs. Je te laisse le soin de choisir la couleur, et surtout prends mon argent, c'est un cadeau, et un cadeau ça ne se refuse pas !!! Je devrais être de retour au cours de la soirée, au plus tard cette nuit. Évite les problèmes d'ici-là.

 

 

 

 

Z.

 

 

 

 

Je déposais un baiser sur la petite note avant de la plier et la fourrer dans mon sac. Mon estomac se mit à gronder comme un forcené, pendant que je m'habillais. J'allais m'offrir un super petit déjeuner.

 

 

 

 

Je passais une bonne partie de la journée chez le bottier, qui me fit une solide paire de bottes brunes lacées qui m'allaient à ravir. Je le payais en le remerciant et me dis qu'un peu de shopping était de mise. Elle me manquait terriblement. Je croisais sur mon chemin une boutique de vêtements et m'y arrêtais pour acheter quelques trucs qui me mettraient en valeur, étant donné que j'avais non seulement quelqu'un à séduire, mais aussi quelqu'un avec qui je me devais de rivaliser un peu. Une fois satisfaite de mes choix je ressortis dans la rue et croisais un étal de papyrus. Malédiction ! Qu'on me jette au plus profond d'un cul-de-fosse ! J'ai bien dû y dépenser une petite fortune, mais je savais ce que j'allais maintenant faire durant mes temps libres. Écrire.

 

 

 

 

C'est ce que j'avais toujours voulu faire, et pouvais maintenant réaliser ce rêve. Le soleil commença à baisser à l'horizon irisant le ciel de rouge, de rose et de pourpre. J'aurais tellement voulu qu'elle soit à mes côtés pour admirer ce fabuleux spectacle. Je me consolais en me disant qu'il y aurait plein d'autres occasions comme celle-ci.

 

 

 

 

Chapitre 6

 

 

 

 

Je me levais avant l'aube en prenant mille et unes précautions pour ne pas la réveiller. Elle avait un doux sourire sur le visage et respirais lentement. À quoi pouvait-elle bien rêver ? Moi mes nuits étaient constamment peuplées de cauchemars sanglants. Mais je dus constater que cette nuit, même si j'avais très peu dormi, ils n'étaient pas venus me hanter.

 

 

 

 

Je pris mes sacs, écrivis une petite note pour Larielle et allais récupérer Gora. Celle-ci s'ébroua un peu quand elle me vit. "Salut ma fille." Lançais-je heureuse de la revoir moi aussi.

 

 

 

 

"Bien dormi ?" Elle fit aller sa queue. "C'est une jolie donzelle que je nous ai ramenée là hein ?" Elle hennit, ce qui me fit dire qu'elle était d'accord avec moi. "Je crois que nous allons voyager un bout de temps avec elle." Elle s'ébroua encore. "Peut-être même un très long bout de temps, si les Dieux sont cléments." Elle hennit. Je la sellais et nous partîmes avant que les premières lueurs du jour ne pointent leur nez.

 

 

 

 

Vers midi j'arrivais en vue d'un petit village en construction. Je vis de loin, des paysans, des femmes et des enfants travailler d'arrache pieds pour monter une charpente à la verticale. Ils réussirent après y avoir mis passablement d'efforts. J'avais une certaine admiration pour les bâtisseurs qu'ils étaient. Quelque chose attira cependant mon attention au loin de l'autre côté de la vallée. Un gros nuage noir montait et se rapprochait à une vitesse folle. Mon sixième sens me fit dire que les ennuis approchaient au même rythme. Je lançais Gora au galop mais malheureusement j'étais encore trop loin et arrivais après que les malfrats eurent commencé à faire du grabuge.

 

 

 

 

Ces salopards attaquaient des gens sans aucune défense et malmenaient femme et enfant sans faire de distinction. Je jurais entre mes dents ça allait chauffer. J'allais botter leur derrière de lâches. Assis derrière le volant de leur bolide du désert à larges roues, probablement des voitures qu’ils avaient requinquées, ils s'employaient à foncer sur les structures et charpentes de bois que les paysans avaient si difficilement dressées.

 

 

 

 

De mon côté j'en mis quelques-uns uns hors d’état de nuire, avec une rage qui défiait l'entendement. Je me sentais en plein dans mon élément, pour moi me battre était une seconde nature. J'en trucidais encore quelques-uns avant d'apercevoir une de leur voiture accrocher un câble sur l'une des charpentes avec un gros crochet et mettre le pied à fond sur l'accélérateur. Bien caché sous cette structure, j'entrevis un petit garçon regarder avec effroi celle-ci sur le point de s'écrouler sur lui.

 

 

 

 

J'éperonnais Gora pour la lancer au grand galop et parvint à attraper le bambin juste au moment de l'effondrement. Je venais de le sauver d'une mort certaine. Frappant encore quelques malfrats avec mes pieds, je les vis battre en retraite. Le jeune garçon toujours sur mes genoux je stoppais ma monture tandis qu'une petite femme blonde qui ressemblait trait pour trait à Larielle venait en courant vers moi. Sans doute était-ce son fils. La jeune femme blonde prit le garçonnet dans ses bras. J'entendis alors une corde d'arbalète se détendre et me retournais juste au moment où trois flèches filaient droit sur moi. J'en attrapais deux à mains nues avant de me prendre la troisième dans le flanc gauche. Je vis les truands dans la voiture qui était sur la petite colline partir à la remorque de leur confrère qui s'enfuyaient, et les ténèbres étendirent leurs voiles sombres sur mon âme en furie.

 

 

 

 

Trois petites voix enfantines me tirèrent de l'inconscience. J'étais étendue dans un grand lit, une douleur lancinante me vrillait le flanc, et j'ouvris les yeux pour voir trois petits moussaillons debout à me regarder sur le seuil de la porte. "Bouh !" Fis-je en grognant un peu. Ils se tirèrent vite fait, mais j'entendis tout de même le plus jeune avertir sa mère que la femme était réveillée, j'esquissais un faible sourire en toussant un peu. Cela me fit un mal de chien. Je baissais les yeux vers mon abdomen. La flèche s'y trouvait toujours. Il fallait me débarrasser de ça avant que ça ne s'infecte ou pire encore. Comme j'étais pour tenter d’enlever ma cotte de maille et mon pull, je vis la jeune femme blonde venir à mon chevet. Tout naturellement, elle m'obligea à rester tranquille pendant qu'elle l’enlevait à ma place.

 

 

 

 

"C'est une chance, elle n'a pas traversé." Me dit-elle en commençant à enlever ma cotte de mailles qui était foutue.

 

 

 

 

"Non… Ce n'est pas une chance." Grognais-je en serrant les dents. Dieux que ça faisait mal !

 

 

 

 

Elle me regarda interloquée.

 

 

 

 

"Il va falloir faire traverser la pointe de l’autre côté si on veut la retirer." Lui avouais-je.

 

 

 

 

Ses yeux verts s'élargirent, elle ressemblait beaucoup à Larielle, mais rien ne valait l'original.

 

 

 

 

"Je n'ai jamais fait ça." Me lança t-elle un peu horrifiée par cette éventualité.

 

 

 

 

"Moi si… Va chercher de l'eau, des linges propres, une bouteille de ce que tu as de plus fort, et mets le tisonnier dans le feu." Lui soufflais-je en souffrant le martyr. Elle s'empressa de faire ce que je lui avais demandé, pendant que je regardais l'étendue des dégâts. J'avais eu de la chance tout de même. Elle revint bientôt avec le tout et j'avisais la flasque de métal qu'elle avait à la main.

 

 

 

 

"D'abord ça." Éructais-je. Elle ôta le bouchon et me le tendit. Je dus en avaler un peu plus de la moitié avant de la lui redonner en grimaçant. "Tu vas m'aider à pousser." Elle plaça ses mains sur la hampe de la flèche et nous poussâmes un bon coup. Je serrais les dents et lâchais un cri sourd quand je sentis la flèche s'enfoncer encore plus profondément dans mon corps. Je m'agrippais à son épaule quand le bout métallique ressortit de l'autre côté, puis repris un instant mon souffle. "Tu dois maintenant casser le bout près de la pointe, ensuite nous allons tirer pour la faire ressortir de ce côté, surtout essaie de faire vite, je vais t'aider d'accord." J'avais déjà fait ce genre de truc toute seule, mais j'étais forcée d’admettre qu'à deux c'était vraiment plus facile.

 

 

 

 

Elle hocha légèrement la tête. J'entendis le craquement quand elle cassa la pointe de la flèche et me retint de ne pas lâcher un cri de mort quand nous la retirâmes hors de mes entrailles. Je me laissais lourdement retomber sur l'oreiller. Je devais être aussi pâle que les draps blancs de ce lit. "Va chercher le tisonnier." Lui ordonnais-je en combattant de toutes mes forces pour ne pas sombrer dans l'inconscience. Elle revint avec le tisonnier chauffé à blanc et me regarda un instant. Elle semblait totalement dépassée. Ça se voyait qu'elle n'avait jamais soigné de blessures de ce genre. "Approche." Dis-je en lui montrant mon flanc.

 

 

 

 

"Tu ne vas pas ???" Me dit-elle les yeux aussi grands que des soucoupes. Je saisis le tisonnier sans ménagement et me l'enfonçais moi-même dans le flanc. C'était le seul moyen. J'hurlais atrocement pendant que la noirceur recouvrait une fois de plus mon âme.

 

 

 

 

Chapitre 7

 

 

 

 

Une fois que le soleil fut entièrement couché, je décidais qu'il était temps de rentrer à l'auberge. Quand j'entrais dans celle-ci un feu brûlait déjà doucement dans l'âtre et je me dirigeais vers le bar. Une espèce de gros type aux dents jaunies vint aussitôt m'accoster. "Laisse-moi te payer un verre… De cette manière tu me devras quelque chose." Me dit-il en me soufflant son haleine fétide au visage.

 

 

 

 

"C'est très généreux. Mais je dois décliner. Qu'est ce que les gens penseraient ? Je veux dire, moi, une innocente jeune femme, accepter un cadeau d'un pur étranger… Cette rumeur circulerait dans ce village aussi vite que brûle un fétu de paille."

 

 

 

 

Il me regarda béatement. "Est-ce que ça veut dire oui ?"

 

 

 

 

Je m'étais trompée, il était aussi bête qu'un âne. "Pas exactement, à vrai dire, je cherche une amie."

 

 

 

 

Il me regarda en souriant vertement. "Mais moi aussi !"

 

 

 

 

"Non, je suis sérieuse." Il posa les deux mains sur mes épaules. Je le repoussais avec dédain. "Tu ferais mieux d'enlever tes sales pattes de là, mon amie se nomme Zina." Je croyais que la seule mention de ce nom refroidirait ses ardeurs.

 

 

 

 

"Zina la Princesse Guerrière ?"

 

 

 

 

Je plissais les yeux et hochais doucement la tête. Je ne savais pas que Zina était une Princesse, j'allais devoir lui parler de ça. "Ouais, c'est bien elle."

 

 

 

 

"Oh ! Je pourrais être votre ami à toutes les deux..." Il sourit vertement. Je me dis que si elle avait été ici, elle lui aurait bien vite fait ravaler son petit sourire de porc.

 

 

 

 

Décidément il avait la tête dure. "Et je cherche aussi mon autre amie." Je balayais la place du regard et avisai une femme guerrière assise toute seule à une table. "Tu l'as peut-être vue, grande, forte, vraiment très jalouse… Oh ! La voilà ! Elle se repose après avoir aiguisé sa grosse épée à deux mains."

 

 

 

 

"Pfff, tu ne connais très certainement pas cette fille…"

 

 

 

 

Je me dirigeais sans même hésiter vers la grande femme aux cheveux tressés et lui flanquai un super baiser sur la bouche en posant mes fesses sur ses genoux. "Fais semblant de me connaître." Lui murmurais-je à l'oreille. Elle ne se fit pas prier, et je me retournais vers mon connard de première pour lui faire comprendre qu'il pouvait remballer sa salade et aller voir ailleurs si j'y étais. Je le vis se diriger vers le fond de la pièce. Enfin j'avais réussi à me débarrasser de ce ver de terre.

 

 

 

 

"Alors, on se connaît depuis longtemps ?" Me demanda la grande femme en souriant timidement.

 

 

 

 

Je passais sur l'autre chaise en face d'elle en lui rendant son sourire. Je lui tendis la main. "Larielle. Et tu es tombée follement amoureuse de moi la première fois que l'on s'est rencontrée."

 

 

 

 

"Pas surprenant avec le baiser que tu viens de me donner." Me lança t-elle avec humour. Nous éclatâmes de rire.

 

 

 

 

"Non, à vrai dire, j'attends ma meilleure amie. Peut-être l'as-tu vu ? Environ six pieds, beaucoup de cuir, de longs cheveux noirs, elle se bat comme une harpie enragée, elle s'appelle Zina."

 

 

 

 

"C'est vraiment une description !" Me répondit-elle en me souriant étonnée. Elle était assez mignonne. Ses cheveux bruns étaient nattés en une multitude de petites tresses qui lui descendaient jusque dans la nuque, son nez était chamarré de taches de rousseur, ce qui faisait ressortir ses jolis yeux gris. Elle devait avoir environ vingt ans. Cependant j'avais remarqué cette petite lueur de tristesse dans ses yeux tandis que je décrivais ma guerrière.

 

 

 

 

"J'ai ce don. Je dois dire qu'il me sert vraiment depuis deux jours. En fait depuis que j'ai pris cette décision de la suivre. Ça vraiment été un choix facile puisque j'étais rendue à ce point tournant de ma vie. Tu sais quand tout te semble impossible et que tu crois que ta vie n'a plus de sens. Je me suis donc demandée qui j'étais, et ce que je voulais vraiment, et je n'ai pas hésité une seule seconde, et me voilà.. Puis-je te demander ce que tu fais ici toute seule ?"

 

 

 

 

"Oh.. heu.. J'avais des idées à ressasser."

 

 

 

 

"Tu veux en parler ?"

 

 

 

 

"Bien…" Elle hésita. "C'est mon père, je travaille pour lui, mais je déteste vraiment ce qu'il me demande de faire. Ça me répugne."

 

 

 

 

La soirée passa ainsi tandis que nous discutions et quand les clients commencèrent à quitter la place, je m'excusais auprès de ma nouvelle amie en lui assurant que nous finirions bien par nous revoir, et pris congé d'elle. J'étais un peu inquiètes car Zina n'était toujours pas revenue, mais puisqu'elle m'avait dit qu'il se pourrait qu'elle arrive durant la nuit, je montais me coucher.

 

 

 

 

Chapitre 8

 

 

 

 

"Si elle meurt, je vais garder son cheval." Dit une petite voix.

 

 

 

 

"Non c'est moi qui vais garder son cheval." Répondit une autre petite voix.

 

 

 

 

"Pffff tu n'es même pas assez grand pour monter dessus, ça sera moi."

 

 

 

 

J'ouvris un œil pour voir deux petits garçonnets se chicaner pour la garde de Gora. Bien sûr la douleur qui m'élançait dans le côté me rappela où j'étais et ce qui était arrivé. En ayant plus qu'assez de les entendre piailler, je me raclais la gorge pour les faire taire. "Je ne suis pas encore morte, et je pense que ça va prendre beaucoup plus qu'une flèche pour se débarrasser de moi." Ils s'enfuirent à toutes jambes.

 

 

 

 

"Maman ! Maman ! Elle est réveillée." Entendis-je leurs petites voix crier à l'unisson de l'autre côté de la porte.

 

 

 

 

Je ne sais pas si je restais très longtemps consciente, mais quand j'ouvris de nouveau les yeux elle était là. Larielle était penchée sur moi et refaisait mon bandage. Comme elle était magnifique. Aussitôt qu'elle me vit ouvrir les yeux elle souleva ma tête pour me donner à boire. Ses mains étaient aussi douces que du satin. Comme elle sentait bon. Je soulevais mes yeux vers elle et lui saisis la nuque pour l'embrasser, nos lèvres se scellèrent en un langoureux baiser, et quand enfin elle reposa ma tête sur l'oreiller je lui dis que je l'aimais. Quand elle se pencha à nouveau sur moi pour tirer les draps sur mon corps, j'ouvris de grands yeux. Ce n'était plus Larielle, mais une étrangère, elle dut comprendre ma détresse car elle posa un doigt sur ma bouche. "Tu as de la fièvre."

 

 

 

 

***

 

 

 

 

Les yeux encore clos, j'étirais la main pour tâter son côté du lit. Ne la trouvant pas je m’assis d'un coup. Quelle heure pouvait-il être ? Je regardais dehors, au loin le soleil brillait bas. Environ huit heures me dis-je. Elle n'était toujours pas revenue, et j'étais maintenant morte d'inquiétude. C'était un matin désagréable, fait pour des pensées déplaisantes. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? J'avais un mauvais pressentiment. J'allais encore attendre jusqu'à midi, et si elle ne donnait pas signe de vie, j'allais partir à sa recherche. Une idée m'effleura l'esprit. Et si elle était partie en me laissant derrière ? Je chassais aussitôt cette foutue idée paranoïaque, si elle avait voulu cela, elle l'aurait fait depuis longtemps, de plus, elle m’avait laissé une note me disant qu’elle reviendrait.

 

 

 

 

Je me rongeais les sangs jusqu'à midi tapant, avant de réunir tous mes effets personnels et je quittais l'auberge en direction de l'ouest. Si elle était en chemin je finirais bien par la croiser.

 

 

 

 

***

 

 

 

 

"Les autres ont entendu parlé d'elle. Ce n'est pas une guerrière à la solde des justes, c'est un assassin, une meurtrière sanguinaire." Dit une voix dans la pièce voisine.

 

 

 

 

"Ça m'est égal, elle a sauvé mon fils, et tant qu'elle n'ira pas mieux, elle restera ici."

 

 

 

 

"Les gens parlent, tu sais, Apy. Bientôt, si tu ne la renvoies pas, ils viendront eux-mêmes s'assurer qu'elle quitte les lieux. Nous avons tellement travaillé pour suivre la voie de la paix. Cette femme ne fera que nous amener encore plus de problèmes."

 

 

 

 

"Quand elle sera remise, elle partira."

 

 

 

 

Je tâtais mon bandage. Je me sentais beaucoup mieux, et ma fièvre semblait être tombée. Je serais presque totalement remise d'ici vingt-quatre heures, car j'avais hérité d'une faculté de guérison ultra rapide. Sans doute un héritage, de la même ancêtre à qui avait appartenu mon chakram. Je remerciais les Dieux. Le visage de Larielle se dessina devant mes yeux clos. Cet homme avait raison, j'étais une meurtrière. Elle devait être morte d'inquiétude. Il me fallait partir d'ici pour éviter que mon hôtesse ait des problèmes, et rejoindre Larielle qui devait se morfondre.

 

 

 

 

J'ouvris donc les yeux et me levais péniblement. Le pire fut de remettre mes vêtements, mais en serrant les dents j'y parvins sans trop perdre de temps. J'ouvris la fenêtre et sortis dehors avec mon gros sac. Il ne me fut pas difficile de trouver l'écurie, puisqu'elle était directement derrière la petite maison de bois. Gora me regarda avec une lueur de désapprobation non voilée. Doucement je déposais la couverture de laine sur son large dos. Elle me laissa faire bien sûr, j'étais son maître, et elle était obéissante, nous avions traversé des situations beaucoup plus dramatiques que celle-là.

 

 

 

 

J'entendis la porte de la grange claquer et me retournais pour voir mon hôtesse me regarder de la même manière que ma jument venait de le faire.

 

 

 

 

"Il n'est pas question que tu partes dans ton état." Me lança t-elle alors en mettant ses deux poings sur ses hanches.

 

 

 

 

Je compris que j'allais avoir affaire à une femme presque aussi têtue que ma Larielle. Mais j'étais Zina, et tout le monde savait que je ne m'en laissais pas imposer. "Ce que cet homme t'a dit est la pure vérité, il me faut partir. De plus mon amie m'attend. Elle doit être morte d'inquiétude."

 

 

 

 

"Tu veux parler de Larielle ?" Me demanda t-elle.

 

 

 

 

Je plissais les yeux. Comment savait-elle son nom ?

 

 

 

 

"Tu n'arrêtais pas de la demander. Tu as fais une grosse poussée de fièvre. Dans ton délire, tu m'as pris pour elle et ça à quelques reprises."

 

 

 

 

Je me retournais pour grimacer. Apparemment, j'avais eu quelques moments de grands égarements. Je me penchais pour prendre la lourde selle de Gora, et quand je vins pour la soulever, une vive douleur me la fit lâcher tandis qu'un petit cri s'échappa de ma gorge. Merde, Apy avait raison, je ne pouvais pas partir tout de suite. Je n'étais même pas en mesure de soulever ma selle. Elle s'avança vers moi.

 

 

 

 

"Tu vois bien que j'ai raison. Es-tu à ce point brave que tu refuses mon aide ?" Me demanda t-elle.

 

 

 

 

J'abdiquais et retournais me mettre au lit. Demain je serais sur pieds. Apy était une gentille fille, un peu jeune pour avoir trois enfants, mais c'était bien les siens. Deux jeunes garçons, et une petite fille au profil délicat, un peu altier et aux boucles presque blanches tant elles étaient blondes ; elle me regardait de ses yeux gris-vert, sans reproches ni plaintes, mais avec une vive animosité. Elle ressemblait à sa mère, qui elle, ressemblait à Larielle. Larielle. J'essayais de m'accrocher à cette vision, pour en ressortir comme d'une eau profonde et claire qu'illumine d'en haut un rayon de soleil.

 

 

 

 

Je vis les trois petits venir vers moi en catimini. Bien sûr je les laissais faire, j'aimais bien les enfants, surtout que ceux-ci étaient particulièrement beaux. Ils grimpèrent sur le lit et nous commençâmes à faire connaissance. La petite fille était muette. Elle n'avait plus dit mot depuis que son père était mort l'année dernière. Au bout du compte ils demandèrent une histoire. Je me fis un plaisir de leur en raconter une, mais je dus censurer quelques passages un peu trop violents pour des enfants de cet âge. La mère vint bientôt se poster dans le cadre de la porte pour nous regarder avec tendresse. Ils avaient l'air tellement heureux. En fait, ils représentaient tout ce que j'aurais pu avoir si je n'avais pas décidé de faire la guerre.

 

 

 

 

Vers la fin de l'après-midi on cogna à la porte, je me dis tout de suite que c'était sûrement les ennuis qui allaient en passer le seuil et tendis l'oreille.

 

 

 

 

Une voix féminine s'éleva derrière les murs de ma chambre. Une voix que je reconnus instantanément. Larielle ! Elle m'avait retrouvée ! Les Dieux soient loués ! Je la vis apparaître sur le pas de ma chambre. Elle resta immobile un instant à m'observer. Son regard chargé de tristes interrogations et de reproches non voilés me scrutait. Elle était entourée d'une lumière semblable à une auréole de gloire, et je lui souris faiblement, tandis qu'elle venait vers moi.

 

 

 

 

"Qu'est ce qui s'est passé ?"

 

 

 

 

Je lui racontais mon histoire pendant qu'une ombre de dédain durcit son regard. Elle me prit la main et se pencha un peu sur moi pour replacer mon oreiller. "Nous allons trouver une solution, n'est ce pas ?"

 

 

 

 

"Ouais."

 

 

 

 

Elle était venue à moi. Encore une fois. "Alors, qu'as-tu fait pendant mon absence ? Oh ! Et ces bottes, tu me les montres ?"

 

 

 

 

Elle s'assit sur le lit et me montra ses nouvelles bottes, elles étaient superbes et je touchais le cuir pour m'assurer qu'il était bien résistant. Ce bottier avait fait du bon travail et avait choisi les meilleurs matériaux. Elle me raconta qu'elle avait rencontré une sympathique jeune femme avec qui elle avait passé la soirée d'hier à discuter en attendant mon retour.

 

 

 

 

Bien sûr cela ne me fit pas nécessairement plaisir étant donné la façon dont elle l'avait abordé pour se débarrasser d'une espèce de saligaud dégoûtant. Une vague de franc mécontentement me parcourut l'échine mais je ne dis rien. Nous ne nous étions rien promis de ce côté, sans compter que la seule chose que nous partagions était de l'amitié, du moins pour le moment. Mais je savais qu'un jour j'allais plonger dans les eaux de son port, et cela me fit tiquer qu'elle puisse ressentir quelque chose pour cette jeune inconnue qu'elle m'avait décrite avec assez de ferveur. Pourquoi elle en mettait autant ? Elle savait ce qu'elle faisait et cela marchait… J'étais verte de jalousie.

 

 

 

 

Apy vint refaire mes bandages et Larielle l'aida comme elle le put. C'était tout à fait bizarre que de les voir côte à côte. Elles se ressemblaient tant. J'en profitais pour faire un peu de charme à notre hôtesse, histoire de rendre un peu à ma jeune amie la monnaie de sa pièce. J'étais du genre œil pour œil et dent pour dent. Était-ce de la jalousie, ce petit reflet étincelant qui valsait dans ses yeux d'outremer ? Très certainement. La partie était maintenant égale, un pour Larielle, et un pour Zina ! Me dis-je en traçant le score avec une grosse craie sur un tableau imaginaire.

 

 

 

 

Notre hôtesse nous fit savoir qu'il n'y avait pas d'autre lit pour Larielle et je m'empressais de lui dire que celle-ci pourrait dormir avec moi. Larielle me dit qu'elle pouvait facilement dormir à même le sol mais je ne lui laissais pas le choix. Elle dormirait avec moi. Elle ne put qu'acquiescer car j'avais employé ce ton que je prenais pour commander mes armées, c'est à dire tranchant et sans aucune possibilité d'argumentation.

 

 

 

 

Elle revêtit donc sa courte chemise de nuit et grimpa avec précaution à mes côtés. Elle se blottit un peu contre moi, et nous finîmes par nous endormir l'une contre l'autre sans dire un mot.

 

 

 

 

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