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Utopia2bis

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

UTOPIA

 

 

 

par Athena

 

SAISON 1 - EPISODE 2 : Bolides de Guerre

 

partie 2

 

Chapitre 9

 

 

 

 

Je parcourais une bonne distance sans la croiser. Plus je cheminais, plus j'avais la ferme conviction qu'il lui était arrivé quelque chose. Quand le soleil toucha les montagnes à l'horizon, j'arrivais en vue d'un petit village en construction. Heureuse d'avoir trouvé un endroit ou je pourrais passer la nuit, je descendis la colline. Peut-être était-elle là bas ?

 

 

 

 

Quand j'arrivais au village, je vis qu'il y avait eu du grabuge, et mes pires soupçons se confirmèrent. Un villageois fort sympathique me dit qu'une grande femme monté sur un grand destrier blond était venue à leur rescousse et avait été blessée ce faisant. Sûrement remarqua t-il la vague de panique qui m'avait gagné à cette mention puisqu'il s'empressa de me dire qu'elle vivait et m'indiqua où elle se trouvait en ce moment.

 

 

 

 

Fort soulagée, je me dirigeais vers la petite maisonnette en bois. Quand la jeune femme vint m'ouvrir, je plissais les yeux. J'avais devant moi quelqu'un qui me ressemblait comme une jumelle. C'était assez particulier. Bref elle me conduisit vers Zina qui était alitée dans le grand lit d'une petite chambre. Quand elle m'aperçut, je la vis exhaler de soulagement. Je restais un moment plantée sur le seuil de la porte à la regarder heureuse qu'elle soit encore en vie. Elle avait dit vrai, partout où elle irait, il y aurait des problèmes. Surtout qu'elle semblait ignorer la peur et défier la mort. Je ressentais un mélange de franc soulagement, de tristesse, et de fierté. Je lui en voulais aussi un peu d'avoir risqué sa vie, mais je savais qu'au fond c'était ce que j'aurais moi-même fait. Mais tout de même l'idée de la perdre m'était insupportable. Je m'approchais donc du grand lit et me retins de lui sauter au cou. Après tout, elle était blessée.

 

 

 

 

Elle me raconta son histoire et je lui montrais mes nouvelles bottes de marche. Elle sembla très satisfaite. Je lui racontais ensuite ma soirée d'hier en n'omettant rien. Je fis même beaucoup d'effort pour décrire la jeune femme avec qui j'avais passé la soirée. Bien sûr, je savais très bien que je faisais exprès pour voir sa réaction. Je notais avec plaisir cette lueur contrariée dans ses yeux bleu ciel. Avais-je touché une corde sensible ? Cette interrogation me fit en rajouter. Elle tiqua à plusieurs reprises. Était ce de la jalousie que je voyais poindre en elle ? Très certainement, et j'avais un peu honte de la torturer comme cela. Mais d'un autre côté, cela me confirmait qu'elle ressentait quelque chose d'un peu plus profond que de l'amitié envers moi.

 

 

 

 

Quand Apy vint dans la chambre pour refaire le pansement de ma grande amie, je m'employais à l'aider du mieux que je le pus. C'est alors que je remarquais cette lueur dans les yeux de la belle. Bien pris qui croyait prendre puisque Zina lui faisait un peu les yeux doux ! C'était sans contre dit, mon tour d'éprouver un sentiment de mécontentement. Surtout que cette fille me ressemblait comme une goutte d'eau ! Avaient-elles partagé quelque chose ? J'avais cette drôle d'impression. Je me gardais bien de dire quoi que ce soit cependant. Je savais que ses petits regards câlins n'étaient pas fortuits. Zina se vengeait-elle ? Oh ! Par le grand Zeus ! J'avais trouvé chaussure à mes pieds ! En effet, et par deux fois ! J'avais de nouvelles bottes et une amie qui me bottait les fesses avec ! Je pris mentalement note de ne pas jouer trop souvent à ce petit jeu avec elle.

 

 

 

 

Apy nous dit qu'elle n'avait pas de lit pour moi, et Zina insista pour que je dorme avec elle. En mon for intérieur je tirais la langue à notre hôtesse. C'était moi qui dormirais avec elle ! C'était enfantin je sais, mais j'étais tout de même heureuse de cette issue. Bien sûr pour faire bonne figure, je voulus résister un peu, car au fond je ne savais pas si c'était une bonne idée de dormir avec elle, puisqu'elle était blessée. Mais ma 'Princesse Guerrière' employa un ton ferme pour couper court à tout projet d'entêtement. Je ne pouvais qu'obtempérer, vu le ton coupant et sans équivoque qu'elle avait employé. Je compris que quand elle employait ce ton bas et menaçant, il ne fallait surtout pas discuter si on voulait survivre. La contrarier était dangereux, et je ne doutais pas un instant que ce que j'avais entendu sur son tempérament intempestif et son mauvais caractère était fondé. Il ne faisait pas bon discuter avec elle quand elle était comme ça, et j'en pris bonne note. Car après tout, elle ne s'était certainement pas acquis cette réputation d'être un terrifiant et redoutable Seigneur de Guerre en badinant. Même si j'avais son amitié et peut-être plus, ce n'était pas une raison pour lui donner envie de me balancer par-dessus bord.

 

 

 

 

Je pouvais sentir ce feu qui couvait en son sein et brûlait en elle comme les forges de l'enfer. Quand je la regardais suffisamment longtemps dans les yeux, je pouvais presque voir son âme noire. Je ne savais pas si elle allait persister à rester dans le chemin qu'elle avait décidé d'emprunter, mais j'allais tout faire pour l'y aider. Parfois, elle m'effrayait, et je pouvais facilement imaginer ce qu'elle avait pu engendrer durant ces années passées à guerroyer. Elle devait être un leader sans merci, imprévisible, et terriblement impartial qui mettait fin aux jours de ceux qui se dressaient sur son chemin, et cela sans même cligner des yeux. Elle devait les écraser comme des petits insectes sous sa botte. Mais j'étais loin de m'imaginer que ce que je voyais en ces occasions n'était qu'une infime partie de l'iceberg, j'allais découvrir avec le temps que j'étais encore bien loin de la vérité, mais ça c'est une autre histoire.

 

 

 

 

Je grimpais donc dans le lit en prenant mille et une précautions. Me blottissant un peu contre elle, je m’endormis presque aussitôt. Après tout j'avais marché presque tout l'après-midi, et je m'étais levé très tôt ce matin. Je sombrais donc dans de doux rêves peuplés de lutins et de fées aux ailes translucides.

 

 

 

Chapitre 10

 

 

 

 

Quand j'ouvris les yeux le lendemain elle dormait toujours la tête enfouie dans le creux de mon épaule. Même si je ne pouvais voir son visage, je pouvais sentir son souffle chaud et régulier venir caresser ma peau. Je fixais un moment le plafond en souriant. Si je devais fournir une description du bonheur, ça serait celle-là ! J'entendis alors frapper doucement à la porte. La voix de l'homme qui était venu hier parvint jusqu'à moi.

 

 

 

 

"Fallacius nous envois sa fille pour conclure un traité de paix. Je crois qu'il est prêt à nous céder cette partie des terres qu'il dit siennes. La réunion a lieu dans quinze minutes dans la grange de Barnéus. Tu dois être présente ne sois pas en retard."

 

 

 

 

"J'y serai."

 

 

 

 

Je l'entendis repasser la porte. C'était un piège bien sûr. Je me levais doucement pour ne pas réveiller ma petite amie et revêtit mes cuirs. Je me portais à merveille. Seul un petit élancement dans le côté me gênait à peine. Une fois habillée, je sortis de la chambre pour rejoindre Apy dans la cuisine. Elle me regarda avec ses yeux lumineux et me jaugea des pieds à la tête. Je remarquais cette petite lueur de convoitise dans ses yeux. C'était flatteur.

 

 

 

 

"C'est un piège." Lui dis-je. Évidemment elle ne me crut pas. J'allais devoir la convaincre. Ce que les gens pouvaient être naïfs ! "Il n'y aura pas de traité de paix." Dis-je de mon registre le plus bas. Je sortis en trombe de la maisonnette car il me fallait retrouver mes armes qu'elle avait assurément bien cachées. J'allais directement dans la grange et me mis à fouiller celle-ci avec hargne. Elle entra à son tour.

 

 

 

 

"Qu'est ce que tu fais ?"

 

 

 

 

"Je cherche mes armes." Dis-je de mauvaise humeur.

 

 

 

 

"Tu n'en as pas besoin. Nous ne voulons pas nous battre, de toute façon comme je te l'ai dit, ils vont nous offrir un traité de paix."

 

 

 

 

"Et comme je te l'ai dit, il n'y aura pas de traité de paix. Fallacius ne respecte que le pouvoir."

 

 

 

 

"Peut-être a t-il changé. Si toi tu l'as fait… Peut-être que nous pourrons le faire changer…"

 

 

 

 

"Il ne versera que le sang pour obtenir cette paix ! Je connais ce genre de leader ! J'étais ce genre de leader !" Je m'abstins de lui dire que j'étais encore pire que lui. Le mot était faible, en fait, c'est à peine s'il m'arrivait à la cheville.

 

 

 

 

Cela la convainquit un peu et elle me regarda un peu embarrassée. "Bon alors si tu tiens à venir avec moi, mais…"

 

 

 

 

"Mais quoi ?" Dis-je encore agacée. Qu'est-ce qui clochait avec moi ?

 

 

 

 

"Je crois que ce serait préférable que tu portes autre chose."

 

 

 

 

Je me regardais en haussant les épaules. Qu'est-ce qui n'allait pas avec mes vêtements ? "Je n'ai pas autre chose… " Lui dis-je un peu froissée. Je n'étais toujours pas bien pour aller à cette foutue réunion en tenue d'Ève.

 

 

 

 

Elle leva un doigt. "Viens avec moi."

 

 

 

 

Nous retournâmes à la maison et elle me donna une magnifique robe bleue. J'étais un peu rébarbative. "Je n'ai jamais porté ce genre de truc." Dis-je un peu incertaine que je voulais mettre ceci. Bien sûr, elle me lança un regard suppliant et j'abdiquais. Une minute plus tard je revins dans la cuisine dans mon nouvel accoutrement. Je vis ses yeux briller, elle semblait totalement charmée. Je soupirais. Déjà que j'avais horreur d'aller me jeter dans la gueule du loup sans armes, y aller de surcroît sans armure finit de me mettre en rogne. Larielle dormait toujours, et je la laissais se reposer. Je n'avais pas besoin qu'elle vienne se jeter avec moi dans le piège que nous réservait Fallacius.

 

 

 

 

Nous, nous rendîmes à cette satanée réunion et quand nous entrâmes dans la grange, je vis enfin à qui appartenait la voix que j'avais à maintes reprises entendues chez Apy puisque l'homme se dirigea aussitôt vers nous.

 

 

 

 

"Qu'est ce qu'elle fait ici ?" Demanda t-il sur un ton de dédain absolu.

 

 

 

 

J'avalais cette couleuvre sans rien dire. Il était évident qu'il détestait tout ce que je représentais et c'était pareil pour moi.

 

 

 

 

"Elle a le droit d'assister à cette réunion si ça lui plaît." Dit Apy d'un air de défi.

 

 

 

 

Je m'interposais derechef. "Je vais rester ici au fond de la grange, ne t'en fais pas, je me tiendrai bien tranquille." Dis-je à l'homme pour le rassurer. Il hocha la tête et se dirigea vers un des bancs en compagnie d'Apy.

 

 

 

 

Assise sur un siège devant toute l'assemblée se trouvait une jeune femme de haute stature, s'ans doute était-ce Ambivale la fille de Fallacius. Ses cheveux étaient nattés en une multitude de petites tresses et elle était vêtue entièrement de cuirs. Elle me rappelait quelqu'un, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt sur qui. Elle était entourée de deux soldats plutôt laids et elle commença à parler en bafouillant un peu. Apparemment elle n'était pas habituée à ce genre de chose et n'était pas une très bonne oratrice. Je remarquais tout de même cette petite lueur de malaise dans son regard. Elle semblait exécuter une tâche qu'elle détestait. Peut-être n'était-elle pas aussi pourrie que son père ?

 

 

 

 

Elle parlait et parlait en tentant, je crois bien, de gagner du temps. Quand elle me remarqua, je la vis ouvrir de grands yeux. M'avait t-elle reconnu ? Un flash me revint à la mémoire. C'était, elle, qui m'avait décoché ces flèches ! Je me souvenais maintenant. J'avais d'abord cru qu'il s'agissait d'un homme car elle était passablement loin, mais maintenant que cette image me revenait, je la reconnus. Elle aussi, car elle sembla un instant embarrassée. Je vis une lueur de soulagement dans son regard, ce qui était assez contradictoire. Pourquoi semblait-elle soulagée de me voir en vie ?

 

 

 

 

J'entendis derrière moi un petit cliquetis, et en me retournant, je vis la pointe d'une épée se glisser dans l'entrebâillement de la porte pour soulever le loquet. Je le savais ! C'était bel et bien un piège ! De l'autre côté j'entendis quelques chuchotements. J'avisais une vielle fourche dans un des coins et m'en emparai. Ils allaient attaquer, mais j'allais les prendre de court ! En me donnant un élan je fracassais la porte en lui portant un violent coup de pied. Les hommes de mains de Fallacius qui se tenaient de l'autre côté attrapèrent leurs airs, et voulurent me prendre de front. Je leur fis un petit signe de la main et ils stoppèrent désarçonnés tandis que j'en profitais pour fendre les côtés de ma longue robe. Une fois cela fait, je leur fis signe d'approcher en souriant à belles dents. En plus d'être laids, ils maniaient l'épée comme des fillettes. Je les mis en déroute en moins de deux, et les regardais partir comme s'ils avaient le diable à leur trousse, ce qui n'était pas totalement faux. " Que tout le monde sorte !" M'écriais-je d'une voix courroucée. La place se vida aussitôt, c'est à croire que les habitants me craignaient presque autant qu'ils redoutaient les mercenaires de Fallacius.

 

 

 

 

Seule Ambivale et deux soldats restaient. Le plus bourru des deux lui ordonna de me tuer. Mais Ambivale refusa et quand il voulut venir vers moi, elle l'en empêcha. "Laisse. Partons." Et ils s'enfuirent par la porte de derrière.

 

 

 

 

Je restais un moment à réfléchir en me demandant pourquoi Ambivale avait empêché ce gros truand de venir terminer ses jours au bout de ma fourche quand je vis l'homme qui me haïssait tant venir vers moi.

 

 

 

 

Apy se dépêcha de le dépasser et vint se poster devant moi les mains sur les hanches. "Pourquoi as-tu fais ça ? Ils étaient sur le point de nous faire une offre."

 

 

 

 

"Ils allaient vous offrir la paix éternelle tu veux dire ! Ils étaient là pour vous passer par le fil de leurs épées ! Ouvrez donc les yeux ! Parfois il faut se battre pour obtenir la paix." À ces mots je pris congé d'eux. J'en avais marre, et j'allais aller moi-même régler le compte de ce Fallacius. Après avoir récupéré Larielle et Gora bien sûr.

 

 

*****

 

 

 

Chapitre 11

 

 

 

Quelque part ailleurs.

 

 

 

Fallacius très en colère s'avança vers l'homme de main qui avait accompagné sa fille au village. "Pourquoi sont-ils toujours en vie ?" Il agrippa l'homme par le col de sa tunique et prit le poignard qui était accroché à sa ceinture. "Je vais te montrer le sort que je réserve à ceux qui échouent." Il porta le poignard à la gorge de l'homme.

 

 

 

"Non, laisse-le, ce n'est pas sa faute." Dit doucement Ambivale en posant une main sur son bras.

 

 

 

"Pas sa faute… ?" S'écria son père rouge de colère.

 

 

 

"Non, c'est la mienne. Cette femme que j'avais cru tuer est toujours en vie, c'est Zina." Ambivale pensait qu'à la mention de ce nom, son père allait comprendre que cela était inutile de s'entêter à vouloir exterminer les gens de ce village puisqu'elle les défendait. On ne s'opposait pas à Zina.

 

 

 

Mais la réaction de son père fut tout autre que ce qu'elle avait anticipé.

 

 

 

"Zina…" Grogna t-il avec aigreur, avant de la regarder avec mépris. "Tu es un lâche mon fils !" Éructa t-il en grimaçant. Il avait toujours traité Ambivale comme si elle avait été son second fils, et ça depuis qu'elle était toute jeune. Il n'acceptait pas que sa défunte femme ait pu lui donner une fille. Il l'avait toujours appelé; mon fils, mon garçon, mon homme. Il masculinisait tout ce qui se rapportait à elle. Il s'avança donc vers elle. "Zina à tué ton frère, elle l'a poignardé pendant qu'il avait le dos tourné." Il se retourna pour jubiler. "Aujourd'hui je vais enfin le venger et tuer cette sale garce !" Il empoigna sa grosse épée pour la mettre dans le fourreau qu'il avait à la ceinture. "Qu'on prépare ma voiture ! Dipode et Békane, vous venez avec nous."

 

 

 

La rage s'était emparée d'Ambivale, si elle avait su, elle n'aurait pas hésité à venger son frère en tuant cette Zina qui était en fin de compte la cause de tous ses malheurs, puisque son père était devenu le despote qu'il était quand il avait appris la mort de Bonomy son frère. "Je vais avec toi ! Je vengerai mon frère !" Cracha Ambivale entre ses dents. Son père sourit fier de cette lumière meurtrière qui dansait maintenant dans les yeux de 'son fils', et ils partirent.

 

 

 

***

 

 

 

"Larielle."

 

 

 

Entendis-je comme si la voix venait des confins de l'univers.

 

 

 

"Larielle !" La voix vint un peu plus forte. Puis, je sentis des mains m'agripper les épaules et me secouer. Quand j'ouvris les yeux elle était penchée sur moi déjà tout habillée et prête à partir. C'était assez inusité.

 

 

 

"N'es-tu pas blessée ?" Dis-je ne me jetant en bas du lit.

 

 

 

"Ça va beaucoup mieux, j'ai une capacité de guérison ultra rapide. Allez, habille-toi, on file."

 

 

 

Je ne discutais pas car il y avait cette lueur dans ses yeux qui me disait qu'il valait mieux me dépêcher. Je m'habillais aussi rapidement que je le pus, et nous sortîmes sans même dire au revoir. Elle récupéra Gora, la sella et me fit monter derrière. Comme la veille je dus faire des pieds et des mains pour ne pas tomber en bas de notre monture, mais après environ une heure je commençais à maîtriser la chose. Elle stoppa Gora et nous mîmes pied à terre.

 

 

 

Elle me raconta ce qui était arrivé un peu plus tôt et m'expliqua ce qu'elle avait l'intention de faire. Bien sûr je rouspétais vivement quand elle me dit de retourner à Annath et de l'y attendre. "Oh ! Non ! Je ne retourne pas là bas sans toi ! De toute manière, tu ne peux pas me chasser à chaque fois qu'un problème pointe son nez. Je suis assez grande pour prendre soin de moi." Sur ce je me mis en route. Elle ne m'emboîta pas le pas et semblait à l'affût de quelque chose que je n'entendais pas. Sentait-elle monter la menace d'un danger ? "Tu n'as pas écouté un traître mot de ce que je viens de dire, n'est ce pas ?"

 

 

 

"Monte sur Gora !" M'ordonna t-elle.

 

 

 

Je n'eus pas le choix puisqu'elle m'y poussa elle-même. J'aurais bien aimé lui dire que monter seule était hors de question, mais je n'eus même pas le temps de cligner des yeux.

 

 

 

"Tu vas créer une diversion ! Accroche-toi et laisse filer Gora."

 

 

 

Sur ce elle donna une grande tape sur le postérieur de l'animal qui partit subitement au grand galop droit devant. J'eus beau crier, rien à faire. La seule chose que je pouvais maintenant faire était de me tenir de toutes mes forces pour ne pas vider les étriers.

 

 

 

***

 

 

 

Quand j'arrivais dans la chambre Larielle dormait comme une roche je dus même la secouer un peu pour qu'elle consente à ouvrir les yeux. Elle n'opposa pas d'arguments quand je lui dis que nous partions sur-le-champ, nous chevauchâmes pendant presque une heure avant que je stoppe notre monture. Je lui racontais alors ce qui était arrivé ce matin et voulut la renvoyer à Annath. Elle rouspéta de vive voix mais je n'entendis pas toutes ses imprécations. Mon sens de l’ouïe développé avait décelé un bruit de moteur au loin. Je m'empressais de la faire monter sur Gora. Puisqu'elle voulait se rendre utile et me tenir tête, elle allait servir de diversion.

 

 

 

Elle hurla à réveiller les morts, et je l'entendis également aligner jurons par-dessus jurons tandis que Gora filait à toute allure. Ils ne pourraient pas la manquer !

 

 

 

Quand je vis apparaître les bolides de guerres à essence, je montais dans un arbre qui était sur leur trajectoire et attendit qu'ils passent. Seulement deux voitures venaient à toute allure, bien sûr je vis leur meneur tendre le doigt vers Larielle qui filait sur Gora.

 

 

 

Je sautais habilement sur le dernier bolide qui passa sous moi et le vidai de ses passagers. Maintenant il me fallait rattraper Larielle et leurs régler leur compte. Je mis les gaz à fond et pris un raccourci pour les doubler. Je repérais Larielle toujours juchée sur Gora qui filait à tombeau ouvert, elle hurlait toujours avec l'énergie du désespoir.

 

 

 

Quand j'arrivais à sa hauteur, je fis signe à Larielle qui balançait dangereusement d'un côté à l'autre de ma monture. "Saute !" Lui criais-je de toutes mes forces.

 

 

 

"Es-tu complètement démente ?!?"

 

 

 

"Allez saute Larielle !"

 

 

 

"Si je meurs, je ne t'adresserai plus jamais la parole !" Me cria t-elle avant de s'élancer. Elle sauta.

 

 

 

"Tu appelles ça un saut ?" Lui criais-je par-dessus mon épaule tandis qu'elle s'accrochait à moi pour se redresser.

 

 

 

"Non j’appelle ça une acrobatie frénétique !" Me lança t-elle les yeux remplis de colère. Elle était encore plus belle quand elle était dans cet état.

 

 

 

Nos adversaires arrivèrent bientôt à nos côtés, tandis que nos deux voitures filaient aux limites de leur capacité.

 

 

 

"Toi ?" Dit Larielle à mes côtés et je suivis son regard.

 

 

 

Quand je vis Ambivale cette fois et que je me remémorais la description que Larielle m'avait faite de sa nouvelle amie, je compris que c'était d'elle qu'elle m'avait parlé. "Ne me dis pas que c'est elle ?" Criais-je vraiment furieuse en grimaçant. De toutes les filles du coin elle avait frayé avec la fille de notre ennemi.

 

 

 

Nous arrivâmes dans le lit d'une rivière parsemé de grosses roches, ma voiture ainsi que celle de mes poursuivants fit une embardée du tonnerre et nous fûmes éjectés. Heureusement personne ne fût blessé de notre côté, et je remarquais bientôt que c'était pareil pour nos adversaires quand Fallacius lui-même me chargea épée au poing. Je voulus dégainer mon épée par réflexe mais me rendis compte qu'elle n'était pas où elle aurait du se trouver, bien sûr puisqu'elle était là où Apy l'avait cachée car je ne l'avais pas retrouvée. J'allais devoir le combattre à main nue.

 

 

 

"Zina !" me dit-il avec hargne. "Ça fait longtemps que j'attendais l'occasion de régler le compte de celle qui a tué mon fils. Est-ce que le nom de Bonomy te dit quelque chose au moins ?"

 

 

 

"Bonomy ?" Je me rappelais du jeune homme. "Je ne l'ai pas tué, il est venu à moi sous la bannière blanche de la trêve, il voulait faire la paix avec moi. Ses propres hommes l'ont tué car ils le croyaient lâche."

 

 

 

Je vis que Larielle était confrontée à sa nouvelle amie.

 

 

 

Le père d'Ambivale se retourna pour suivre mon regard. "Qu'est ce que tu attends pour tuer cette femelle !" Lui cria t-il avant de charger.

 

 

 

J'attendis jusqu'à la dernière seconde avant de me propulser dans les airs et effectuer un saut périlleux par-dessus sa tête. J'atterris proprement derrière lui et lui assenai un violent coup de pied dans le dos, il se retourna et je me mis à frapper toutes les ouvertures que je pouvais trouver tandis qu'il balançait sa grosse épée dans des arcs mortels.

 

 

 

Pendant tout ce temps je me concentrais pour entendre ce que disait Larielle. "Attends." Du coin de l'œil, je vis Ambivale hésiter. "Tu te rappelles ce que je t'ai dit sur le point tournant de ma vie ?"

 

 

 

Elle hocha la tête.

 

 

 

"Tu es maintenant à ce point tournant."

 

 

 

J'écoutais distraitement en évitant les coups de Fallacius. Quand il fut sur le point de me porter un sale coup, son épée se retrouva bloquée par celle de sa fille. Larielle l'avait donc convaincue ! C'était incroyable !

 

 

 

"Ôte-toi de mon chemin Ambivale !"

 

 

 

"Non, père ! La tuerie s'arrête ici ! Plus personne n'a à mourir !"

 

 

 

"Tu as tort, au moins une autre personne doit mourir ! Et si cela doit être ma trouillarde de fille qu'il en soit ainsi !" Il devait être totalement enragé, car il avait daigné admettre qu'elle était une fille ! Sur ce il commencèrent à échanger des coups d'épées.

 

 

 

Fallacius frappait avec brutalité, et je ne doutais pas un instant qu'il voulait vraiment la tuer. "La paix est une illusion, lâche, il n'y a que la guerre, le pouvoir et la conquête sans aucun compromis qui font qu'un homme mérite de vivre !" Lui cria son père fou de rage.

 

 

 

Ils échangeaient des coups puissants, et je remarquais qu'Ambivale se débrouillait plutôt bien.

 

 

 

"Laisse tomber Ambivale, tu sais que tu ne peux pas me battre." Cracha Fallacius entre ses dents.

 

 

 

Ambivale recula et Fallacius marqua une pause. Sans doutes pensait-il qu'elle allait abandonner, mais ce n'est pas tout à fait ce qu'elle fit.

 

 

 

"Non, tu as raison, je ne peux pas te battre à l'épée, mais je peux encore gagner." Il la regarda éberlué. Elle lâcha son épée qui tomba mollement sur le sol. "Je ne me battrai plus jamais, tu m'entends ? Plus jamais !" Son père la fixa de ses prunelles hagardes. "Mon frère est mort en tentant de faire la paix, je ne suis pas pire que lui. Je vais m'employer à faire régner la paix."

 

 

 

Sur l'entrefait, je vis arriver Apy au grand galop juchée sur une haridelle rousse. Elle vint à mes côtés et me donna mon chakram. C'était moins une, car à ce moment je vis Fallacius lever son épée. Cette fois il allait vraiment la tuer. Je lançais mon chakram qui avec un sifflement strident fit dévier le coup mortel, puis m'élançais dans les airs pour atterrir directement devant l'épée qu'Ambivale avait laissée tomber sur le sol. Fallacius venait directement dans mon dos, apparemment il avait l'intention de me trancher proprement en deux. Agrippant la grosse épée d'Ambivale, je levais le bras et parais son coup sans jamais me retourner, en allongeant l'épée dans mon dos. C'était une tactique que j'employais de temps à autres et qui trompait fort bien l'ennemi qui croyait voir là l'ultime ouverture. Je fis demi-tour et lui ouvris le ventre avant de lui servir un coup de pied qui l'envoya s'étendre sur le sol. Je jetais l'épée d'Ambivale sur le sol à mon tour. Fallacius était mort.

 

 

 

Ambivale regarda Apy. "Réunis tes gens, nous allons rédiger un traité de paix. Pas de piège cette fois."

 

 

 

Nous retournâmes tous au petit village et les paysans furent très heureux d'apprendre que leur ennemi était mort. Ambivale était un peu triste car elle venait tout de même de perdre son père, mais Larielle s'occupa de lui parler.

 

 

 

Je m'employais à dire au revoir à mes trois petits moussaillons. Ils me supplièrent de ne pas partir, et même la petite fille retrouva la parole. J'étais sans mot et complètement bouleversée. Je n'étais pas une sans cœur tout de même. Apy vint vers nous et leurs expliqua que je ne pouvais pas rester. Tous les trois me serrèrent très fort avant que leur mère ne les envoie jouer dehors. Bien sûr, comme je l'ai déjà dit, ils représentaient tout ce que je n'avais jamais eu, c'est à dire une famille bien à moi.

 

 

 

Apy me regarda. "Tu peux rester si tu le veux, tu sais. Je serais heureuse qu'il en soit ainsi." Je savais qu'au fond elle connaissait déjà ma réponse et me contentais de lui sourire légèrement. Je lui fis ensuite mes adieux en la remerciant. Quand je sortis rejoindre Larielle elle m'attendait près de Gora. Je sais qu'à cet instant je devais avoir l'air complètement abattu car j'avais été confrontée à une réalité qui aurait pu être mienne.

 

 

 

"Est-ce que ça va ?" Me demanda Larielle.

 

 

 

"Est-ce que ta famille te manque parfois ?"

 

 

 

"Parfois, mais ma famille maintenant c'est toi."

 

 

 

Cette déclaration en était une de taille pour moi, et je regardais une dernière fois les trois marmots et leur jolie maman tandis que Larielle et moi nous mîmes en route.

 

 

 

Chapitre 12

 

 

 

J'étais certaine que j'allais mourir aujourd'hui, en fait mourir là tout de suite, pendant que Gora filait comme si elle avait eu un troupeau de loups à ses trousses. Je balançais d'un côté à l'autre de la selle, et je savais que j'allais bientôt tomber. J'entendis un bruit de moteur derrière moi, puis ce bruit de moteur augmenta et me rejoint. Je fus vraiment heureuse de voir Zina au volant du bolide à mes côtés, mais quand elle me cria de sauter dans la voiture, j'étais certaine qu'elle venait de péter un plomb. Moi sauter ? Jamais !

 

 

 

"Allez, saute, Larielle !"

 

 

 

Elle était sérieuse, et c'était un ordre, non une suggestion. Avais-je le choix ? Non, alors autant mourir en tentant quelque chose. Je pris donc mon courage à deux mains. "Si je meurs, je ne t'adresserai plus jamais la parole !" Lui criais-je, si j'étais pour trépasser, alors aussi bien avoir le dernier mot !

 

 

 

M'élançant du mieux que je le pus, je sautais en fermant les yeux. À mon grand étonnement j'atterris dans le bolide juste derrière elle. J'avais les jambes en coton et m'agrippais à elle pour m'aider à me redresser.

 

 

 

"Tu appelles ça sauter ?" Me dit-elle sarcastique.

 

 

 

Si j'avais eu des flèches à la place des yeux, elle s'en serait pris quelques-unes. "Non, j’appelle ça une acrobatie frénétique." Lui criais-je tout à fait en rogne. Elle me sourit mystérieusement. C'est alors que la voiture de nos adversaires nous rattrapa, et je vis ma nouvelle amie, Ambivale, aux côtés d'un homme de haute stature, probablement son père Fallacius. "Toi ?" Criais-je tout à fait estomaquée en ouvrant de grands yeux.

 

 

 

"Ne me dis pas que c'est elle ?" Vociféra Zina par-dessus le bruit des moteurs. Elle semblait maintenant tout à fait en colère. Mais je n'eus pas le temps de lui répliquer quelque chose. Nos voitures respectives venaient d'atteindre le lit d'une rivière parsemé de grosses pierres. Nos bolides rebondirent et se renversèrent. Je me sentis voler dans les airs et m'écraser sur le sol à plusieurs mètres de là. Par chance, le sol sablonneux amortit notre chute et je me retrouvais à quatre pattes devant Zina qui commençait déjà à se relever. Nos adversaires avaient subi le même sort que nous. Malheureusement, ils étaient intacts.

 

 

 

Fallacius s'approcha et se posta devant Zina qui allait devoir se battre à mains nues.

 

 

 

Le père d'Ambivale s'adressa d'abord à Zina avant de l'attaquer franchement. Il lui dit que cela faisait longtemps qu'il voulait venger la mort de son fils un certain Bono… machin truc, et elle lui certifia que celui-ci était mort en voulant faire la paix avec elle, mais qu'il avait été tué par ses propres frères d'armes. Cela finit de mettre Fallacius en colère.

 

 

 

Pendant ce temps, j'étais confrontée à Ambivale qui me menaçait de sa grosse épée. Bien sûr son père l'encouragea fortement à me trucider. Il me fallut donc une fois de plus user de mon arme la plus redoutable, c'est à dire mes mots.

 

 

 

"Attends !" Lui criais-je tandis qu'elle s'avançait vers moi. "Tu te rappelles ce que je t'ai dit sur le point tournant de ma vie ?" Elle hocha un peu la tête, si elle m'écoutait, j'avais peut-être une chance. "Tu es maintenant à ce point tournant." Elle avait aussi entendu l'histoire que Zina avait racontée à son père. Tout ça mis ensemble fit qu'elle abaissa son épée pour réfléchir.

 

 

 

Pendant ce temps ma grande amie se battait avec brio et sans épée de surcroît. Je la voyais s'élancer dans les airs, et cogner férocement à chaque fois qu'elle trouvait une ouverture. Mais sa blessure récente, et le fait qu'elle devait utiliser encore plus d'énergie pour contrer les coups sauvages de Fallacius qui menait contre elle charge après charge fit qu'elle se retrouva un moment en difficulté. Je vis alors Ambivale relever son épée et voler au secours de Zina. Les Dieux soient loués !

 

 

 

Celle-ci confronta son père en lui disant que personne n'était obligé de mourir aujourd'hui. Son père ne l'entendait guère de cette oreille, et lui servit quelques imprécations au sujet de la guerre, et du pouvoir. La paix était pour lui une chose absurde et il ne lui fit pas de cadeau. Ils échangèrent des coups violents, mais Ambivale réussissait tout de même à les parer. Elle le contenait, du moins pour le moment.

 

 

 

"Laisse tomber Ambivale, tu sais que tu ne peux pas me battre." Lui dit son père.

 

 

 

Je vis Ambivale reculer.

 

 

 

"Non, tu as raison, je ne peux pas te battre à l'épée, mais je peux encore gagner." Il la regarda consterné. Elle lâcha son arme qui tomba avec un bruit étouffé sur le sol sablonneux. "Je ne me battrai plus jamais ! Tu m'entends ? Plus jamais !" J'étais fière d'elle, elle s'opposait enfin à lui en lui montrant une bonne fois pour toute, qui elle était vraiment. Elle avait du caractère et beaucoup de courage. "Mon frère est mort en tentant de faire la paix, je ne suis pas pire que lui. Je vais m'employer à faire régner la paix." Je savais bien qu'elle avait une bonne âme.

 

 

 

Je vis venir Apy juchée sur une grande jument au pelage roux. Elle vint vers nous et tendit à Zina son précieux chakram. Elle l'utilisa derechef, car bien sûr, Fallacius était sur le point de mettre fin aux jours de sa propre fille qu'il considérait comme lâche. Le chakram dévia le coup mortel qu'il avait lancé contre sa propre progéniture, et Zina bondit pour s'emparer de l'épée qu'Ambivale avait laissé choir sur le sol. Je crus défaillir en voyant Fallacius s'élancer vers Zina qui lui tournait le dos.

 

 

 

Il allait lui fendre le crâne jusqu'à la mâchoire si son coup portait. Mais ma terrible amie savait ce qu'elle faisait, et toute ébahie, je la vis étirer le bras vers l'arrière pour bloquer l'épée du méprisant Fallacius qui filait vers elle dans un destin funeste. Il fut surpris de voir cette femme bloquer son épée d'une façon tout à fait incroyable. Mais sa surprise n'en fut que plus grande quand Zina pivota sur elle-même pour lui ouvrir le ventre. Elle lui servit un rude coup de pied et il alla mourir à quelques mètres de là. Son compte était bon.

 

 

 

Ambivale annonça à Apy qu'ils allaient faire la paix, pour de bon cette fois, et nous retournâmes au village.

 

 

 

Pendant que Zina faisait ses adieux à Apy et sa petite famille, je retrouvais Ambivale assise près du foyer à fixer tristement les braises rouges.

 

 

 

"Hey ! mon amie." Dis-je doucement. "Je voulais te dire… Je voulais te dire… En fait je ne sais pas quoi te dire.

 

 

 

"Je sais que mon père était un homme terrible, mais il était mon père."

 

 

 

Je me contentais de fixer mes bottes un court instant avant de la regarder à nouveau.

 

 

 

"Tu as fais quelque chose de vraiment merveilleux aujourd'hui. Tu as sauvé beaucoup de vies.

 

 

 

"Je n'ai pas de regret." Elle leva la tête et fixa ses yeux sur moi. "J'ai cru comprendre que vous partiez."

 

 

 

"Oui." Me contentais-je de lui répondre en souriant timidement, les secondes s'égrainèrent sans que nous ne disions mots. "Je dois y aller." Lui dis-je en souriant encore. Elle me regarda en hochant la tête, et je me retournais pour partir.

 

 

 

"Larielle ?"

 

 

 

Je me retournais. "Oui ?"

 

 

 

"Merci." Me dit-elle avec sincérité.

 

 

 

"De rien." Lui dis-je avant de prendre congé. Je sortis de l'auberge et allai attendre Zina dehors aux côtés de Gora.

 

 

 

Quand celle-ci sortit à son tour de l'auberge, elle avait ce regard affligé, un regard à crever le cœur et à fendre l'âme. Je compris ce qu'elle ressentait quand elle me demanda si ma famille me manquait. Elle voyait en Apy et ses enfants, la famille qu'elle n'avait jamais eue, et qu'elle n'aurait probablement jamais. Bien sûr elle avait sa mère, mais ce n'était pas pareil qu'avoir son propre foyer et ses propres enfants. Elle me regardait de cet air bouleversé, et je sentis des larmes me venir aux yeux. "Parfois, mais ma famille maintenant c'est toi." Elle me sourit avec splendeur et nous nous mîmes en route. Je la vis jeter un dernier regard en arrière pour contempler une dernière fois la famille qu'elle avait eue pour quelques jours.

 

 

 

Quand le soleil descendit rejoindre les montagnes et que le ciel s'irisa de ses derniers rayons rougeoyants, nous avions parcouru environ trois kilomètres. Zina fit bifurquer notre monture et nous nous enfonçâmes dans une odorante forêt de cèdres. Quelques minutes plus tard, nous débouchâmes sur la berge d'un petit lac, et elle stoppa Gora. C'est ici que nous allions monter le camp et passer notre première nuit sous le firmament étoilé.

 

 

 

Elle recueillit quelques grosses roches qu'elle disposa en cercle avant de quérir du bois pour y allumer un petit feu. Durant ce temps je sortis les grosses couvertures de fourrures en me demandant si je devais faire une couche ou deux… J'y allais pour une. Après tout n'avait-elle pas insisté la nuit dernière pour que je dorme avec elle ? Si elle ronchonnait, j'allais lui servir la même médecine ! Elle se contenta seulement de me jeter un regard lourd de signification. Qu'étais-je supposée comprendre ? Que je jouais avec le feu ? Elle n'avait rien vu encore. Et je commençais à déboutonner ma chemise dans le but évident de me changer et de faire un brin de toilette dans le petit lac.

 

 

 

Le visage de ma guerrière rosit sous l'effet de la chaleur du feu ou de l'embarras. "Je vais aller nous chasser notre souper." Dit-elle avant de disparaître dans les bois alors que le soleil embrasait d'or l'horizon.

 

 

 

Je souris en coin. Je trouvais qu'elle s'était éclipsé bien vite. Que redoutait-elle ? Elle qui était sans peur et sans reproches ! Mon sourire s'élargit. Ça c'était plus qu'étonnant. La rumeur dénonçant ses mœurs légères s'était répandue jusqu'à moi pendant mon court séjour à Annath, et je n'étais maintenant pas sans savoir que ce n’était pas la bienséance qui la faisait fuir, elle n’était pas du genre très scrupuleuse. Cependant, je me demandais tout de même pourquoi elle semblait se débattre comme un diable dans un bénitier, à chaque fois que je tentais de la charmer ? Une fois nue, j'entrais dans l'eau fraîche du petit lac, et nageait doucement. La caresse de l'eau sur mon corps eut tôt fait de chasser toutes les courbatures que je m'étais gagnées durant ma course folle sur le dos de Gora. Je me lavais et ressortis de l'eau en pleine forme.

 

 

 

Une fois que je me fus séchée, je choisis très consciencieusement une de mes plus affriolantes tenues. On n’attirait pas les abeilles avec du vinaigre… Une courte jupe moulante ainsi qu'un bustier ajusté d'un vert profond qui s'agençaient parfaitement avec mes yeux devraient faire l’affaire.

 

 

 

Satisfaite, je pris alors mon papyrus que j'avais si chèrement payé et m'étendis sur les couvertures pour attendre son retour. Réfléchissant un instant, je regardais le petit lac. Me décidant enfin, j’inscrivis le titre de ma première histoire. Retour dans la ville du péché. Et je me mis à scribouiller le papier.

 

 

 

Quand elle revint, elle affichait cet air de devoir accompli. Je remarquais qu'elle avait les cheveux trempés, et me dis qu'elle devait avoir pris un bain elle aussi. Quand elle me vit, elle ne put empêcher sa mâchoire de tomber, grande ouverte. Ses yeux lazulites se mirent à luire de malice et son visage arbora un sourire allant d'une oreille à l'autre. Puis, je vis une agitation frénétique la gagner, et enfin son visage redevint aussi indéchiffrable qu'un masque. Que pouvait-il se passer dans les profondeurs les plus secrètes de son esprit ?

 

 

 

À la main gauche elle tenait un lièvre grassouillet. Comme il n'était pas question que je touche à cet animal - par animal je voulais dire le lièvre et non Zina bien sûr- qui allait terminer dans mon estomac je la laissais dépecer notre futur souper. Je stoppais d’écrire et me mis à réfléchir. Au fond de moi, je savais que j’avais tort de lui forcer ainsi la main. À jouer gros, on risquait gros. Notre amitié était toute nouvelle, et si pour moi avoir une amie semblait la chose la plus normale du monde, pour elle, je le savais bien, cela était totalement différent. Je réfléchis encore. Durant toutes ces années qu’elle avait passées sur les champs de batailles à guerroyer, elle ne devait pas s’être faite beaucoup d’amis, et encore moins intimes… Forcément être un bon Seigneur de Guerre impliquait qu’on ait des alliés, mais alliés ne voulait certes pas dire amis ! Les trahisons, les vendettas et les complots devaient lui avoir gâché la vie, de toute évidence on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Je me retournais pour lui jeter un petit coup d’œil furtif et me remémorais ce qu’elle m’avait dit voilà quatre jours.

 

 

 

"Pourquoi m'as-tu suivie ?"

 

 

 

"Parce que tu es mon amie."

 

 

 

"Je n'ai pas d'amie."

 

 

 

Tout s’éclaira dans mon petit cerveau. Tout ça était une question de confiance. La trahison ne naissait-elle pas de la confiance ? La confiance ne devait pas être une chose qu’elle accordait facilement, et de toute façon, la confiance ne se réclame pas, elle se gagne. Une phrase célèbre me vint à l’esprit; Là où règne la puissance, il n'y a pas d'amour. Je me promis de mettre un frein à mes ardeurs de peur de risquer de briser cette précieuse chose qui s’était formé entre elle et moi. Je levais les yeux sur elle, la nuit était maintenant tombée, et elle se leva alors, dans un mouvement fluide, les muscles de ses longues cuisses luirent en bas relief dans la lumière ombragée du feu. Je sus instantanément que je ne saurais tenir aucune promesse sans perdre la raison.

 

 

 

"Qu'est ce que tu écris ?" Me demanda t-elle mi-figue mi-raisin en plissant les yeux.

 

 

 

"Nos aventures." Me contentais-je de lui répondre évasivement.

 

 

 

Elle vint s'asseoir à mes côtés et se pencha pour lire par-dessus mon épaule. Je me dépêchais de rouler mon parchemin pour qu'elle ne puisse pas le faire. "Oh ! Non, non, non… Tu le liras quand je l'aurai terminée et pas avant !" La tançais-je en me tournant sur le dos pour scruter la voie lactée. Une étoile filante vrilla le ciel comme pour se moquer de moi.

 

 

 

Elle se coucha sur le dos à mes côtés et, levant la tête, elle prit plusieurs inspirations profondes, comme pour essayer de boire la clarté de la lune et tout l'air du ciel.

 

 

 

Les minutes passèrent sans que nous ne disions mot, et soudain, sa voix brisa le silence.

 

 

 

"Je m'étais fait une promesse que je ne peux plus tenir." Me dit-elle d'une voix de velours en se retournant vers moi. Comme j'ouvrais la bouche pour lui demander quelle était cette promesse, elle approcha son visage du mien et m'embrassa avec fougue. Son baiser passionné et ardent me transporta bien plus haut que le paradis, elle m'amena à un endroit où aucun homme n'aurait pu imaginer qu'il était possible d'aller. Quand nos lèvres se séparèrent, je n'étais plus certaine d'être vivante. Le rouge aux joues et les sangs en ébullition je la regardais en reprenant un peu mon souffle. "Je t'aime, Larielle." Me dit-elle. Elle m'embrassa encore, je voulais que ce baiser dure toute ma vie.

 

 

 

Il est tout à fait inutile de vous dire ce qui se passa par la suite. Mais une chose est certaine, quand vint la lumière du jour, notre lièvre gisait carbonisé dans les braises, mais nous étions aussi satisfaites qu'une paire de chatons bien nourris.

 

 

 

Chapitre 13

 

 

 

Nous parcourûmes environ trois kilomètres, je savais où nous allions passer la nuit, car j'avais déjà plusieurs fois bivouaqué à cet endroit, et je savais que c'était tout à fait charmant. Allais-je briser cette promesse débile que je m'étais faite ? En y repensant, je me trouvais tout à fait ridicule d'avoir pensé pouvoir tenir celle-ci ad vitam éternam… Si je m'y tenais j'allais passer à côté de la meilleure chose qui me soit arrivée de toute ma vie, c'est à dire, Larielle. De plus, je savais très clairement les sentiments qu'elle nourrissait à mon égard, il ne fallait pas être devin pour voir qu'elle me vouait un culte sans borne et qu'elle était follement amoureuse de moi. Pourquoi résister plus longtemps à ses avances puisque je ressentais pour elle la même chose et davantage !

 

 

 

Nous conduisant à travers bois, alors que le disque d'or rouge du soleil s'enfonçait derrière l'horizon je me posais cette question. Refuserais-tu un bouquet parce que tu cherchais une simple fleur Zina ? Il était évident que non, me dis-je en posant pied à terre.

 

 

 

Pendant que je préparais le feu de camp je la regardais débattre avec sa conscience. Elle se demandait si elle devait disposer deux couches plutôt qu'une. Je poussais un soupir soulagé quand je la vis opter pour une seule. Bien sûr elle ne manqua pas mon regard entendu que je lui lançais une fois qu'elle se fut exécutée. Des pensées fiévreuses m'enflammèrent derechef et je compris qu'un bain d'eau froide en règle était nécessaire pour m'empêcher de lui sauter dessus comme une bête en rut. Surtout qu'elle était sur le point de se déshabiller pour sans doute piquer une tête dans le lac. Oh! Par Hadès ! Si je restais ici, je perdrais toute contenance et tout contrôle. Je me voyais déjà la jeter sur le lit et la prendre là tout de suite !

 

 

 

Je lui dis alors que j'allais chasser notre souper, ce qui était à moitié vrai et filais comme une ombre parmi les ombres. Je savais que quelques mètres plus loin, une imposante chute d'eau rugissait avec une puissance primitive tout à fait analogue à ce que je ressentais en ce moment. J'avais la tête lourde ; mes pensées étaient les ombres fugitives du délire. Des souvenirs qui s'accrochaient à mon histoire. Une telle femme, me dis-je, est un rare trésor. À chacun de mes pas aériens, je sentais le passé reculer, s'éloigner de plus en plus, tomber de mon corps comme un linceul mangé aux vers. Des mots se formaient dans mon esprit, écrits en lettre de feu : je suis la Destructrice des Nations, je suis Zina la Conquérante… je suis Amoureuse. J'avais l'impression d'avoir vécu jusqu'ici dans un profond sommeil et d'être maintenant sur le point de m'éveiller. Mon cœur battait dans ma poitrine et mon sang tambourinait à mes oreilles. Cette nuit j'allais la faire mienne.

 

 

 

J'atteignis la grosse chute, et me déshabillais avant de plonger mon corps bouillant dans l'eau fraîche. Cela eut l'effet escompté et quand mes sangs se furent suffisamment refroidis en même temps que le feu qui consumait mon esprit, je sortis et me rhabillais. En revenant vers notre campement de fortune, j'attrapais un lièvre qui passait par-là. Quand je revins enfin près d'elle, elle brillait comme un soleil qui a rendez-vous avec la lune. La voir ainsi vêtue, ralluma un grand brasier dans tout mon corps. Oh ! Par le Trident de Poséidon ! J'allais mettre le feu à toute la forêt et à Illusia au complet si je continuais à la regarder.

 

 

 

Elle était occupée à écrire sur du papyrus. Je m'employais alors à faire le souper, de temps à autre je lui jetais de furtifs coups d'œil ce qui était presque du masochisme, puisqu'elle était couchée à plat ventre et que mes yeux n'avaient de cesse de se poser sur son magnifique postérieur rond et ferme. Je réussis tout de même à me réfréner. Quand mon lièvre se retrouva sur les braises, et que la fumée ondula comme un serpent aérien pour venir me mordre le nez, je la rejoins. À la lueur du feu, ses traits délicats étaient encore plus adorables et mon cœur se gonfla dans ma poitrine. Que pouvait-elle bien écrire ? Je voulus lire par-dessus son épaule, mais elle roula aussitôt son parchemin en me lançant un regard en coin. J'allais devoir attendre qu'elle ait terminé avant de pouvoir lire.

 

 

 

Me couchant sur le grabat je m'étendis à ses côtés pour regarder le ciel. Lentement les bruits nocturnes emplirent l'atmosphère. La lune montait avec son cortège d'étoiles et les cieux scintillaient de tant d'étoiles qu'on aurait cru qu'un feu brûlait dans le firmament des Dieux, brillant à travers des myriades de petits trous dans la voûte céleste. Ce soir, j'allais goûter ses nectars. Nous restâmes un moment sans rien dire avant que ma voix ne brise le silence. "Je m'étais fait une promesse que je ne peux plus tenir." Je me retournais vers elle.

 

 

 

Je la vis se tourner un peu vers moi et ouvrir la bouche, la curiosité de Larielle était loin d'être satisfaite, mais je n'avais aucunement l'intention de lui avouer tout ce par quoi j'étais passé avec cette damnée promesse. Me penchant sur elle, je la tirais vers moi et l'embrassai sans attendre. C'était comme croquer dans un raisin mûr dont le jus sucré vous éclabousse le palais et je fus transportée aux limites de la folie.

 

 

 

Quand nos lèvres se descellèrent, je déposais mes armes à ses pieds et lui jurais mentalement de toujours la protéger et l'aimer. Elle serait ma princesse, ma reine, la lumière dans mes ténèbres. Je lui avouais mon amour, et l'embrassai de nouveau, c'était le point de non-retour. Nous passâmes la nuit ainsi perdues dans l'étreinte l'une de l'autre. Mon bateau avait réussi à accoster à son port finalement, et il coula en même temps que mon cœur. Je l'aimais plus que ma vie.

 

 

 

Fin…

 

 

 

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