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WINTER'S ENDING2

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

La fin de l'hiver (Winter's ending)

 

De Missy Good

 

Traduction: Katell

 

 

partie 1 partie 2
partie 3 partie 4
partie 5 partie 5 bis
partie 6 partie 7
partie 8 partie 9

 

 

 

- deuxième partie -

 

 

 

"Tu n'as pas besoin de le faire toi-même", fit Solari pour la quatrième fois. "Ephiny, pour l'amour d'Athéna, on a tout un régiment qui peut s'occuper d'emmener les gamines."

 

La régente amazone tourna un peu sa tête blonde et regarda Solari. "Non, vraiment ? Ça fait seulement quatre fois que tu me le dis." Elle retourna à son sac qu'elle était en train de remplir consciencieusement. "Solari, lâche-moi un peu, tu veux. J'en ai vraiment ras-le-bol d'être coincée ici… j'aimerais aller me promener quelques jours dans la nature… c'est si terrible ?" Elle lança un regard exaspéré à l'autre Amazone. "Ce temps est en train de me rendre dingue."

 

Solari soupira. Ce n'était pas qu'elle ne sympathisait pas avec Ephiny ; c'était qu'on était en train d'enfreindre les convenances. Ephiny était régente, après tout, et elle ne devrait pas aller batifoler dans la campagne avec un groupe d'Amazonettes à peine sortie de l'enfance et en sortie pour leur première chasse. "Ecoute… Eph…"

 

"Non, non, non et non." Ephiny se leva et se retourna, les mains sur les hanches. "Allez, Solari. Laisse tomber." Elle leva les yeux alors que la porte de sa hutte s'ouvrait. "Oh dieux… en voilà une autre."

 

Granella entra et alla s'appuyer contre le pilier de soutien central du bâtiment au toit bas. "T'as pas réussi, hein, Soli ?" demanda la jeune brune en lançant un regard plein de compassion à Solari.

 

Solari leva les yeux au ciel. "Nan." Elle leva les mains dans un geste défaitiste. "J'abandonne."

 

"Ecoutez", fit Ephiny avec un rire exaspéré. "Je suis une grande fille, OK ?" Elles étaient adorables, se dit-elle, mais elle comprenait à présent le petit sourire amusé mais toujours patient de Gabrielle lorsque Xena la traitait de cette façon. "Après tout, je ne suis pas la reine, qui elle, rappelons-le, a vraiment tendance à attirer les ennuis."

 

Solari ricana. "Ouais, ben, c'est pas comme si on était Xena, qui peut se sortir de n'importe quelle situation. Alors, fais attention, OK?"

 

"Je ferai attention", leur assura Ephiny. "Les petites sont prêtes ?"

 

Granella acquiesça. "Ça, pour être prêtes, elles sont prêtes."

 

Ephiny leva les yeux au ciel et ferma son sac. Elle le passa sur son épaule et fit signe à Solari et Granella de sortir. "Allez… dehors… dehors…"

 

Elles sortirent toutes les trois, et rejoignirent le petit groupe de jeune filles qui étaient en train d'ajuster les sangles de leurs sacs à dos tout en essayant d'avoir l'air détendu. "OK, tout le monde est prêt ?" demanda brusquement Ephiny en les regardant rapidement. Des hochements de tête lui répondirent. "OK, alors on est parties."

 

Elle les guida, en file indienne, sur le chemin qui menait hors du village amazone, et resserra son manteau autour d'elle pour se protéger du vent glacé.

 

Elles marchèrent en silence, toujours en file indienne derrière elle, comme c'était la coutume. C'est à peine si elle les entendait. Enfin, si elle s'était collé de la cire d'abeilles dans les oreilles et qu'elle s'était mise à chantonner. Un sourire se dessina sur ses lèvres alors que le souvenir de sa première expédition de chasse lui revenait à l'esprit.

 

C'était au cœur de l'été ; elles étaient parties, et le pire ennemi qu'elles avaient eu, c'était les feuilles mortes, toutes recroquevillées par la chaleur du soleil, et qui tombaient sous leurs pieds et trahissaient leur passage.

 

Elles étaient quatre, avec la vieille Erin pour guide dans les bois. Vers midi, même le sous-bois ombragé était devenu insupportable, et Erin leur avait fait faire une pause, les forçant à vider leurs outres et à chercher abri. Elles s'étaient reposées en silence, à écouter la forêt à peine respirer autour d'elle, et elles s'étaient concentrées si fort qu'elles avaient failli mourir de peur lorsqu'un sanglier avait déboulé de derrière des rochers et s'était soudain arrêté, les regardant droit dans les yeux.

 

Elles avaient regardé le sanglier ; même Erin avait été prise par surprise. Un silence sidéré s'était installé sur la petite clairière, et puis Ephiny avait poussé un cri étonné que ses amis avaient imité, par pur réflexe.

 

Le sanglier, souffrant de la chaleur, surexcité, et désorienté, avait dû pensé que ces cris provenaient d'une panthère, parce qu'il avait dressé la queue, les yeux écarquillés, et avait reculé précipitamment, si vite que c'en avait été ridicule, avant de finir par tomber sur les fesses, avec un grognement.

 

Erin avait recouvré ses esprits, et attrapé une lance ; voyant ça, le sanglier s'était aussitôt relevé et s'était précipité dans la direction opposée, ce qui, malheureusement pour lui, était droit dans les rochers. Il s'était assommé, et Erin avait réussi à s'occuper de lui sans problème.

 

Elles s'étaient toutes assises, à regarder le sanglier, et puis Erin, qui avait écorché l'animal en silence puis dépecé sa carcasse, s'était assise dessus. "Alors", avait-elle grogné, en posant son menton sur ses mains. "Maintenant, il va falloir m'aider à trouver une bonne histoire qui pourra expliquer comment on a attrapé ce sanglier, pas vrai ?"

 

C'était devenu une véritable légende, et Ephiny en riait encore rien que d'y penser. Comment Erin avait emmené ce groupe de gamines, et était revenue avec la proie la plus dangereuse de la forêt. Sa réputation en avait bénéficié pendant des années, et Ephiny et ses amies avaient participé à toutes les chasses pendant très longtemps. Elle jeta un coup d'œil à la file solennelle derrière elle. J'espère que cette sortie sera aussi réussie.

 

 

 

"Il y a du monde, ce soir", murmura Xena en posant les mains sur les épaules de Gabrielle. Se glissant derrière elle, elle s'assit le dos au mur. L'auberge était bondée, fréquentée par les villageois et les gens de passage, et le bruit était presque assourdissant. Des claquements, des plats épais qui s'entrechoquaient, des assiettes en bois contre les tables, mêlés aux voix fortes et plus douces, ainsi qu'aux rires. L'air sentait la bière fraîche, et portait le parfum distinctif du ragoût de saumon que les aides de Cyrène servaient sur d'épaisses tranches de pain chaud.

 

"Ouais", marmonna Gabrielle, la bouche pleine de ragoût. "Tu ferais mieux de manger avant que je ne te vole ton dîner", menaça-t-elle sur un ton joyeux.

 

Xena ricana et poignarda un morceau de pomme de terre, avant de le mastiquer. "C'est ce que j'appelle une menace à ne pas prendre à la légère." Du bout du doigt, elle donna un petit coup à Gabrielle dans les côtes. "Heureusement que je mange vite… ou je mourrais de faim."

 

"Pf…" fit le barde avec un petit ricanement, tout en volant de sa fourchette un morceau de poisson dans l'assiette de Xena. "Va falloir être plus rapide que ça, ô Princesse guerrière."

 

Xena se mit à rire et s'appuya sur le dossier de sa chaise, plongeant un morceau de pain dans le ragoût avant de le passer à Arès, qui était couché tout contre ses pieds. "Tiens, mon grand."

 

"Hé." Gabrielle arrêta de manger et la regarda fixement. "C'est ton dîner à toi, pas le sien."

 

Xena transperça un légume et l'agita sous le nez de sa compagne. "Décide-toi… soit tu voles mon dîner, soit tu m'engueules parce que je le partage." Elle mordit le légume, puis l'avala en faisant la grimace. "Beurk." Elle laissa le reste de côté et choisit un morceau de poisson à la place. "Voilà qui est mieux."

 

Gabrielle leva les yeux au ciel et attrapa le morceau en question, le dévorant avec un soupir exagéré. "Mais qu'est-ce que je vais faire de toi ?" Au moins, elle mange assez pour se rendre compte qu'elle n'aime pas certains trucs. C'est déjà pas mal. Enfin, je crois. Elle leva les yeux vers le regard malicieux de Xena et ne put s'empêcher de sourire. Le morceau de poisson suivant que la guerrière attrapa lui fut offert, avec un sourire.

 

"J'ai mon dîner, Xena", fit-elle remarquer, mais accepta quand même. "Tu n'as pas dit que tu retournais pêcher demain ?"

 

La guerrière finit quand même par se concentrer sur son repas et en avala une bonne portion avant de répondre. "Je pourrais. Mais je veux surtout aller vérifier les pièges que j'ai posés dans la vieille forêt." Elle essuya son assiette à l'aide d'un morceau de pain qu'elle avala ensuite, puis prit une gorgée de bière. "Mmm… maman a dû ouvrir un nouveau tonneau." Elle vida la chope, et hésita à en prendre une autre. Cyrène résolut son dilemme ; elle vint s'asseoir près de Gabrielle et accepta d'un hochement de tête l'assiette qu'un serveur venait de poser devant elle.

 

"Merci beaucoup." Elle tapota doucement son bras, puis lança un coup d'œil à sa fille… à ses filles, se corrigea-t-elle intérieurement avec une sensation fort agréable. Puis elle remercia, encore une fois, celui ou celle qui l'avait écoutée lorsqu'elle avait prié pour que Xena rentre à la maison.

 

Elle se souvenait très bien de cette journée, lorsque Johan était entré dans la cuisine et lui avait pris le bras, et lui avait dit ce que les éclaireurs avaient signalé, surexcités. Xena, et le barde, se dirigeant vers Amphipolis. Et puis lorsque Argo était apparue au coin du chemin, était entrée tranquillement dans la cour et avait déposé ses passagères, alors Cyrène avait su. "Vous allez rester", avait-elle dit, avec assurance, et sa fille avait hoché un peu la tête. "Pour un moment, en tout cas", avait dit Xena en échangeant un regard avec Gabrielle, qui avait souri, mais plus tard, bien plus tard cette même-nuit, le barde avait cédé à Cyrène et lui avait raconté ce qui s'était passé. Qu'elle avait failli encore une fois perdre sa fille, et que seul l'entêtement de Xena l'avait gardée en vie assez longtemps pour être secourue. Ça, et l'amour qu'elle portait au jeune barde, bien sûr.

 

"Excellent saumon, ma chérie." Cyrène tapota gentiment le bras de sa fille, remarquant l'expression détendue sur son visage. Elle leva les yeux alors que Toris prenait la quatrième chaise à la table et s'asseyait, une assiette remplie devant lui. Oh, non… pensa soudainement Cyrène. C'est parti.

 

"Tu crois que t'en as assez, Toris ?" fit Xena en traînant un peu la voix. Elle s'appuya en arrière contre le dossier de sa chaise et posa le pied sur un des soutiens de la table.

 

"Oui, merci bien", répondit son frère en ignorant royalement son sourire.

 

Gabrielle tira doucement sur la manche en laine de sa compagne. "Xena ?"

 

"Hmm ?" La guerrière pencha la tête en arrière et leva un sourcil. Le barde ne répondit pas, mais elle adressa à sa compagne un air de chiot blessé des plus convaincants. Puis elle regarda rapidement Toris, avant de poser à nouveau les yeux sur la guerrière.

 

Xena eu une petite moue, essayant de ne pas sourire, en vain, puis elle hocha la tête avec indulgence, et se tut. Elle leva son verre et prit une gorgée de bière.

 

"Les histoires que tu as racontées ce soir étaient vraiment charmantes, Gabrielle", fit Cyrène en souriant, après avoir observé l'interaction. "J'ai surtout aimé celle à propos du bateau."

 

"Tu veux dire que j'ai gagné mon pain ce soir ?" fit le barde en plaisantant, volant le dernier quignon de Xena.

 

Cyrène se pencha en avant et prit la main de Gabrielle. "Même si tu ne racontais plus une seule histoire dans cette auberge, tu aurais déjà gagné bien plus que cela, et tu le sais bien." Elle était sérieuse. Ah… Gabrielle… ne pense pas un instant que je ne sais pas ce que tu as fait… ce que tu fais pour ma fille. Elle serait perdue sans toi, elle était perdue, et à présent, tu lui as donné une raison de ne pas abandonner. Elle remarqua discrètement l'expression presque étonnamment vulnérable dans les yeux bleus de sa fille et elle sourit.

 

Les yeux du barde croisèrent les siens, et les coins de sa bouche bougèrent un peu, comme pour accepter ces mots. "Je sais." Et elle sentit la sensation rassurante de la main de Xena sur son genou. Elle laissa glisser son autre main sous la table et serra les doigts de la guerrière dans les siens, sentant Xena lui répondre avec enthousiasme. Elle l'imita, ignorant le reste de la pièce pendant un long moment, se laissant baigner dans leur connexion. Elle remplit une place en elle, un manque que rien d'autre, ni nourriture, ni boisson, ni histoires, ne pouvait toucher. Elle sourit à Cyrène. "Je t'ai dit que j'ai reçu une lettre de ma sœur ?"

 

Toris leva la tête de son repas en souriant. "Elle vient ?"

 

Gabrielle se mit à rire et Xena l'imita. Toris et Cyrène échangèrent un regard, puis haussèrent les épaules. "Euh… oui." Le barde ferma les yeux et inspira, effaçant les pensées idiotes de son esprit. "Elle vient, et elle dit que mes parents vont sans doute venir aussi."

 

"C'est merveilleux", déclara Cyrène en hochant la tête vigoureusement. "Et tes Amazones ?"

 

"Ça oui", fit Xena, les yeux pleins de malice. "Elles viennent aussi." Elle cligna soudainement des yeux. "Euh…"

 

Les trois autres se tournèrent vers elle, perplexes.

 

Xena se mordit la lèvre, et regarda le barde. "Tu as invité d'autres personnes."

 

Gabrielle leva les sourcils, puis une expression presque comique s'afficha sur son visage. "Oh… ah, oui… enfin… on a ces amis, ceux dont je t'ai parlé, maman."

 

Cyrène la regarda pensivement. "Les gens chez qui vous avez logé… avant de venir ici ?" Elle jeta un bref coup d'œil à sa fille qui s'était réinstallée dans sa chaise, avec sa bière, respirant profondément, faisant bouger la laine chaude de sa tunique sur ses épaules. "Bien sûr qu'ils sont les bienvenus ici."

 

Le barde regarda la guerrière et elles poussèrent toutes les deux un soupir. "Merci maman", fit Gabrielle en souriant. "Euh… ils sont très gentils." Elle jouait distraitement avec sa fourchette, la plantant sur le bois de la table. "Ils sont juste… un peu différents."

 

Toris leva les yeux de son ragoût. "Evidemment. Ce sont les amis de Xena après tout." Il se baissa trop tard. "Aïe !" Un geste si rapide qu'il ne l'avait pas vu venir et qui le projeta contre le dossier de sa chaise. Il jeta un regard noir à sa sœur, qui l'observait d'un air détendu, bien que prudent. Il considéra brièvement l'idée d'une contre-attaque, puis la rejeta, ayant compris à son grand regret que sa sœur pouvait le battre aussi facilement que s'il avait été un gamin, si elle le voulait. "OK… OK… j'ai rien dit", marmonna-t-il en plaisantant, poussant un peu Xena du coude. "Je ne vais pas me frotter à toi, p'tite sœur."

 

Xena se détendit à nouveau. Elle regarda son frère, amusée. Toute meute doit avoir son leader, p'tit frère… et dans cette portée, c'est moi, on le sait tous. Même Lyceus… je l'aimais, mais on aurait fini par se chamailler un jour, parce que je suis tellement compétitive, et que je ne peux pas supporter l'idée de ne pas relever un défi. Ses yeux se posèrent sur le visage de Gabrielle. Je me demande si c'est pour ça qu'on est tellement… elle fit une pause pour réfléchir. Même quand on n'était qu'amies, il n'y avait aucune compétition entre nous… Il y avait des choses qu'elle faisait bien, et moi d'autres… on respectait nos limites, la plupart du temps. C'est peut-être pour ça que ça marche si bien entre nous. Je me bats, elle négocie ; je suis impatiente, et elle est l'incarnation de la douce patience ; je ne peux pas rester en place… et elle, c'est une rêveuse. Je n'avais jamais rencontré quelqu'un de si différent… mais elle me va si bien que ça me coupe le souffle. On dit que les contraires s'attirent… elle n'est pas vraiment mon contraire, mais elle est ce qu'il y a de mieux en moi. Et je ne sais pas quel dieu a permis cela, mais…

 

Leurs yeux se croisèrent, et Xena sentit l'énergie passer entre elles ; elle s'y abandonna. "Bon…" fit-elle en étouffant un bâillement, après avoir vu Gabrielle faire la même chose un peu avant. "Il faut que je me lève tôt demain matin… je crois que je vais y aller."

 

Cyrène sourit. "Tu vas chasser loin, demain, ma chérie ?" Elle remplit à nouveau la chope de Xena, puis la sienne.

 

La guerrière lui adressa un regard indulgent, bien qu'ironique. "Merci. Non, je vais juste aller vérifier les pièges dans la vieille forêt." Elle prit une gorgée. "C'est un nouveau tonneau ?"

 

Sa mère se mit à rire. "Oui, et il n'est pas mauvais, si je ne m'abuse."

 

Ils se retournèrent tous en entendant la porte de l'auberge s'ouvrir brusquement. Une silhouette enveloppée de fourrures entra précipitamment, refermant la porte avec un claquement assourdissant. "Par tous les dieux", marmonna le nouveau venu, et il ouvrit son manteau pour révéler un homme grand, aux cheveux sombres, la barbe noire épaisse et aux yeux fatigués et rougis. "Je n'en peux plus", fit-il, à bout de souffle et il se serait effondré si une main puissante n'avait saisi son bras et ne l'avait aidé à rester sur ses pieds. Il leva la tête vers un regard bleu très pâle et cligna des yeux. "Merci à toi."

 

"Pas de problème", répondit doucement Xena en le guidant vers une chaise, avant de l'aider à s'asseoir. "Que s'est-il passé ?" demanda-t-elle tandis que Gabrielle s'accroupissait près de l'homme et lui tendait un bol de soupe bien chaude.

 

"Eh bien…" fit-il, puis il regarda le barde dans les yeux et sembla perdre le fil de conversation pendant un instant. "Euh… une tempête de glace", dit-il enfin, avec un sourire pour Gabrielle. "Elle m'a poussé hors de la route… des grêlons de la taille d'œufs de poule… j'ai failli me faire assommer." Il prit un gorgée de soupe."Merci, ma dame."

 

Gabrielle se mit à rire doucement. "Gabrielle, ça suffira." Elle lui tapota la jambe et attendit, tandis que Xena examinait le voyageur d'une main experte. "Tu voyageais tout seul ?"

 

"Oui", fit l'homme dans un souffle, sans jamais quitter son visage des yeux. "Je m'appelle Rurik." Il tendit sa main libre, et sourit lorsqu'elle la prit et la serra dans la sienne. "Tu es aussi de passage ?"

 

Le barde secoua la tête. "Non. J'habite à Amphipolis."

 

L'homme grogna. "C'est donc là que je suis ? Incroyable."

 

Xena termina son examen, puis se recula et le regarda pensivement. "Tu as de bonnes écorchures, mais rien de sérieux. Tu as eu de la chance."

 

Rurik leva les yeux vers elle. "Ça oui… échapper à la tempête et me retrouver ici." Ses yeux se posèrent à nouveau sur le visage de Gabrielle, puis retournèrent sur celui de Xena. "Merci pour ton aide…" Il s'interrompit et prit la main qu'on lui offrait lentement.

 

"Xena", fit la guerrière avec une pointe d'amusement, attendant le regard de pure surprise sur le visage du visiteur. Elle ne fut pas déçue. "Mais tu as besoin de repos."

 

"Es-tu…" commença-t-il.

 

"Oui", répondit-elle. "Mais ne le dis à personne, OK ? L'hiver a été calme jusqu'à présent." Elle laissa tomber sa main sur l'épaule de Gabrielle, toujours accroupie. "Heureusement que je t'ai attrapé ce poisson aujourd'hui."

 

Gabrielle se mordit un peu la lèvre. "Xena, si le temps est aussi mauvais, peut-être que…" Elle s'interrompit en sentant les longs doigts se serrer sur son épaule. Bien sûr que non. Le temps, empêcher Xena de faire ce qu'elle veut faire ? Jamais de la vie. En pensées, elle leva les yeux au ciel. Elle sortirait rien que pour prouver qu'elle peut le faire.

 

"Je verrai comment est le temps demain matin", rassura sa compagne, dans une réponse inattendue. Elle regarda par la fenêtre sur sa gauche, grimaçant en voyant la neige fondue s'écraser sur les panneaux cirés. "Je plains ceux qui sont dehors."

 

Rurik hocha vigoureusement la tête. "Bien parlé, madame." Ce qui lui valut un sourcil levé de la part de la grande guerrière, et un gloussement étouffé de la part du jeune barde à ses côtés. Des sœurs ? Non… elles ne se ressemblent pas assez, même si les voies des dieux sont parfois impénétrables. Des cousines, peut-être, en voyant comment la petite s'inquiète à cause du temps. Dieux, ce qu'elle est jolie… regardez-moi ces yeux… je me demande si elle est prise ? Ah… oui ; elle a une bague au doigt. Dommage… enfin, peut-être qu'il n'est pas là… on verra bien. "J'ai quelques dinars pour une chambre s'il y a de la place." Il arracha à contrecœur ses yeux de la vision devant lui et les tourna vers la guerrière.

 

"Maman ?" fit Xena en se tournant à moitié, trouvant Cyrène juste derrière elle.

 

L'aubergiste hocha la tête rapidement. "On a une petite chambre de libre. Je vais te montrer."

 

Rurik se leva péniblement et remit son manteau en place avec un soupir. "Merci, aubergiste. Un bon lit bien chaud, c'est exactement ce qu'il me faut, ce soir." Il hocha la tête à l'attention de Xena. "Ravi d'avoir fait ta connaissance." Puis il sourit à Gabrielle. "Toi aussi, Gabrielle." Il la dévisagea aussi longtemps qu'il osa, puis se détourna et suivit Cyrène vers l'escalier.

 

Gabrielle se releva et donna un petit coup à Xena dans les côtes. "Oui, madame", fit-elle en gloussant, et elle se mordit la lèvre.

 

Xena lui lança un regard désabusé. "Ouais, ouais… mais je crois qu'il est tombé amoureux de toi, la rouquine."

 

Ce qui lui valut une bonne tape. "Tu vas voir ce que je vais te faire, Princesse guerrière." Puis elle fit une pause. "Il quoi ?" Elle fronça les sourcils. "Xena, tu as bu trop de bière."

 

La guerrière leva un sourcil paresseusement, puis s'appuya contre un pilier de soutien, et Toris la rejoignit. Ils la regardèrent tous les deux de leurs yeux bleus identiques, avec le même pétillement. Xena tourna la tête vers son frère. "Qu'est-ce que t'en dis ?"

 

"Pour sûr", approuva Toris d'un hochement de tête. "Tombé comme une pierre du haut d'une falaise." Il sourit à Gabrielle. "J'ai pas vu quelqu'un avoir l'air aussi amoureux depuis…" Il réfléchit un instant. "Depuis…"

 

"Hower", fit Xena en riant, en voyant Gabrielle se souvenir. "Ouais… tu t'en souviens, hein ?… maintenant, tu en as un, toi aussi…"

 

"Pas du tout", grogna le barde. Ses yeux allèrent de l'un à l'autre. "Si ?"

 

Des sourires identiques lui répondirent.

 

"Oh, par Hadès", soupira Gabrielle. "Qu'est-ce que je vais faire ?" Elle se couvrit les yeux de la main. "C'est pas comme si je pouvais le menacer de lui coller une raclée comme toi."

 

Xena lui saisit le poignet, et poussa la manche du barde vers le haut, exposant son bras, avant de lui tâter un muscle bien défini. "Bien sûr que si", dit-elle doucement, puis elle laissa retomber la manche et toucha le bout du nez de Gabrielle. Elle se tourna alors vers Toris et lui fit un clin d'œil. "Bonne nuit, Toris."

 

Elle passa devant eux, se dirigeant vers la porte, puis attendit Gabrielle, une main posée sur la surface en bois. Arès se leva et s'étira, se secouant un peu avant de rejoindre Xena près de la porte.

 

Gabrielle secoua la tête et leva les yeux au ciel. "Dieux. Pourquoi moi ?" Elle eut un petit rire. "Bonne nuit, Toris."

 

"Bonne nuit, vous deux", fit-il avec un petit geste de la main. "Attention à la tempête, OK ?" Ses yeux croisèrent ceux de Xena par-dessus la tête du barde. "Et fais attention demain matin. Si le temps est toujours comme ça, pour l'amour des dieux, Xena, reste chez toi, OK ?"

 

Il fut un temps où elle se serait mise en colère. Un autre où elle l'aurait ignoré. A présent, les yeux de Xena se radoucirent et elle lui fit un petit clin d'œil. "Merci du conseil, Toris." Puis elle enfila son manteau et en ouvrit un pan. "Viens là. Je ne veux pas que tu te fasses assommer."

 

"Et toi, alors?" protesta Gabrielle tout en se blottissant contre elle, un bras enroulé autour de la tunique en laine de sa compagne. "Hein ?"

 

Xena ouvrit la porte et sortit, se protégeant la tête d'un bras levé. "J'ai la tête dure. T'inquiète", marmonna-t-elle et elle sentit Gabrielle lui donner une tape sur le ventre. "On dirait qu'elle m'a entendue", fit-elle à l'attention d'Arès, qui les suivait de près. "Faites attention, tous les deux", ordonna-t-elle et elle sentit le loup fourrer son museau tout contre son genou. "Tu es bon garçon, toi." Puis elle sentit Gabrielle se blottir contre le creux de son épaule. "Brave fille, va", fit-elle en plaisantant, mais elle grimaça presque aussitôt en recevant un petit coup dans les côtes.

 

La tempête était déchaînée, fouettant des gouttes d'eau gelée sur le corps de Xena, rebondissant sur ses bras. Le sol sous ses pieds était en train de se transformer en boue glacée, et les ténèbres enveloppaient les maisons autour de l'auberge, le vent déchiquetant les torches et l'obligeant à trouver son chemin dans un vide froid et amer.

 

Mais Xena connaissait la cour comme sa poche, et elle trouva son chemin jusqu'à leur porte, soupirant de soulagement en refermant le lourd panneau en bois derrière elles. "Dieux", fit-elle dans un soupir. Elle retira son manteau et aida Gabrielle à en faire de même. "Attends… je m'en occupe."

 

Le barde abandonna volontiers le manteau et avança jusqu'au feu, tout en se frottant les mains. "Ce temps est vraiment bizarre, Xena. Ça commence à m'inquiéter."

 

"Mmm", acquiesça sa compagne. Elle s'arrêta derrière elle, enveloppa les bras autour de Gabrielle et posa doucement le menton sur la tête du barde. "Je n'ai jamais vu un truc pareil."

 

Gabrielle ne répondit pas, trop occupée à absorber la chaleur qui l'entourait. Elle resta ainsi pendant une minute, puis se retourna dans les bras de Xena et se blottit contre elle. "Mmm", marmonna-t-elle. "Xena ?"

 

"Oui ?" répondit la voix grave de la guerrière.

 

"Il n'est pas vraiment… tu crois ?" Sa tête était appuyée contre la poitrine de Xena, écoutant la musique que jouaient les battements de son cœur. "Je veux dire… tu ne crois pas vraiment qu'il est tombé amoureux de moi, si ?"

 

"Oh, si", confirma la guerrière, releva doucement le visage de Gabrielle vers elle. Elle l'étudia un moment, puis : "Je ne peux pas lui en vouloir, remarque." Elle sourit en voyant la rougeur envahir la peau claire de Gabrielle.

 

"Je ne suis pas…" Le barde s'interrompit et baissa les yeux, embarrassée. "Enfin… je ne trouve pas que je sois…"

 

"Regarde-moi", demanda doucement Xena, puis elle attendit sa réaction. Les yeux verts du barde étaient presque bruns dans la lumière de l'âtre, et le regard qu'elle posa sur Xena était empli d'une confiance tranquille et totalement ouverte. "Moi si", dit la guerrière en souriant. "Complètement."

 

"Tu trouves vraiment ?" murmura timidement Gabrielle.

 

"Je trouve que tu es belle ?" fit Xena en riant doucement. "Oui." Elle leva la main et passa les doigts dans les cheveux, emmêlés par le vent, de Gabrielle. "Je l'ai toujours pensé."

 

"Oh", fit le barde dans un souffle, en sentant les mots flotter vers elle comme du miel dans sa gorge. "Je veux dire… euh… je ne… crois pas que… euh…" Elle s'interrompit à nouveau, et se reprit en secouant légèrement la tête. "Merci", parvint-elle enfin à dire, en posant doucement la tête contre la poitrine de Xena. Elle enroula ses bras autour de sa compagne et la serra fort contre elle. "Ça me fait du bien d'entendre ça."

 

Xena sourit et secoua un peu la tête. "Si tu as besoin de l'entendre à nouveau, tu me le dis, OK ?" Elle saisit la mâchoire de Gabrielle et lui leva le visage. "OK ??"

 

"Ouais", fit Gabrielle en souriant. "Promis." Elle joua tranquillement avec le col de la tunique de Xena, la tirant un peu pour l'arranger, puis leva les yeux. "Je t'aime." Elle prononça les mots lentement, goûtant leur douceur.

 

Xena ferma les yeux, inspira profondément, puis les rouvrit et prit le visage de Gabrielle entre ses deux mains. "Je t'aime aussi", dit-elle d'une voix douce et basse qui résonna à l'infini dans les oreilles du barde. Puis elle renforça ses paroles par un baiser, qui fit frissonner le barde.

 

"Xena ?" demanda-t-elle, le souffle anormalement irrégulier, dès qu'elles s'arrêtèrent un instant.

 

"Hmm ?" fit la guerrière en mordillant la gorge de Gabrielle.

 

"Euh…" bégaya le barde, avant de se concentrer. "Qu'est-ce que je vais faire avec ce type ?"

 

Xena captura le lobe de son oreille entre ses dents et le mordit très gentiment. "Pas ça, en tout cas", dit-elle entre ses dents.

 

Gabrielle gloussa, puis laissa son corps réagir, lui laissant les mains libres pour explorer plus loin. "Non, vraiment."

 

La guerrière progressa doucement autour de l'oreille de Gabrielle. "Ben…" fit-elle tranquillement. "Tu lui dis…"

 

"Que tu vas le découper en petits morceaux", finit Gabrielle en souriant.

 

"Quelque chose comme ça, oui", acquiesça Xena en la poussant doucement vers le lit. "Allez, viens… il fait froid ici."

 

"Ahh…" fit le barde, pour la taquiner, en sentant sa compagne réagir sous ses caresses. "Tu n'as pas l'air d'avoir froid."

 

Ce qui lui valut un rire profond et malicieux ; soudain, ses pieds ne touchèrent plus le sol, la pièce tout entière bascula, et elle sentit bientôt la douceur du lit sous son dos.

 

 

 

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