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WINTER'S ENDING4

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

 

La fin de l'hiver (Winter's ending)

 

De Missy Good

 

Traduction: Katell

Traduction : Fryda

 

 

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Partie 4A

*********

 

 

Quatrième partie

 

 

Le silence la recouvrait comme une couverture, et Gabrielle pouvait clairement entendre la respiration difficile de l’Amazone par-dessus le craquement du feu, et le battement régulier depuis la cuisine de l’autre côté du mur. Son attention fut attirée par des bruits de pas, qu’elle reconnut, et elle jeta un coup d’œil vers la porte au moment où on la poussait. Sa compagne entra, jonglant avec un plateau et deux chopes. Elle referma la porte derrière elle du pied, et alla vers le barde ; elle s’installa ensuite en tailleur sur le sol près de l’endroit où celle-ci était assise. Elle tendit un grand bol fumant à Gabrielle et en prit un pour elle. « Tiens », dit-elle avec un sourire. « C’est un de mes préférés. »

 

« Oooh… » Gabrielle choisit un morceau dans le bol et le mit rapidement dans sa bouche. Le bol était rempli d’un mélange de graines cuites à la vapeur et d’une variété de viandes, du poulet, du poisson, des morceaux de saucisse, le tout dans une sauce douce mais salée que Gabrielle adora immédiatement. « Oh wow… j’adore ça. » Elle plongea avec enthousiasme, enfournant des grandes bouchées du mélange alternées avec des gorgées du vin chaud épicé que Xena avait également apporté.

 

« J’en étais plutôt sûre », marmonna Xena, concentrée sur son propre bol. « Je n’ai pas mangé de ce truc depuis… » Elle s’interrompit et resta absolument silencieuse un instant. « C’était aussi le plat préféré de Lycéus », finit-elle par dire tranquillement, en poussant la nourriture de sa fourchette.

 

Gabrielle étudia la tête penchée près d’elle et tendit la main pour caresser les doux cheveux bruns avec sympathie. « Il te manque, n’est-ce pas. »

 

Xena hocha silencieusement la tête, puis elle inspira profondément et continua à manger. « Parfois, quelque chose comme ça me le rappelle. »

 

La barde lui massa doucement le dos du bout des doigts. « Comme j’aimerais remonter le temps et changer ça pour toi. »

 

La guerrière arrêta de nouveau de manger, et joua nonchalamment avec un morceau de poisson. « Non, crois-moi », répondit-elle en levant les yeux pour croiser le regard de Gabrielle. « Et je ne le voudrais pas non plus. » Son visage était paisible. « Certaines choses doivent arriver, Gabrielle, c’est tout. » Elle piqua un morceau de viande et le tint en l’air en dressant un sourcil.

 

Gabrielle se pencha en avant et le prit bien entre ses dents, puis mordit, et sentit le baiser lorsque Xena mordit l’autre moitié. « Mmm… » Elle gloussa lorsqu’elle se séparèrent et se sourirent. « On dirait que oui. »

 

« Les gamines sont réveillées », l’informa Xena, en retournant temporairement son attention vers son déjeuner. « Cait les emmène faire un tour. »

 

« Hmm… ça pourrait bien être dangereux », dit le barde d’un ton songeur, en prenant une longue gorgée de sa chope. « Je pense que je suis en train de m’habituer à ce truc. Je le ressens à peine. »

 

Xena lui jeta un coup d’œil. « J’ai remarqué ça », répondit-elle tranquillement. « Sois prudente avec ça. »

 

Gabrielle jeta un coup d’œil à la chope puis à sa compagne, et sourit. « Une drogue à la fois, merci. C’est toi que je préfère. » Elle s’interrompit et pencha la tête d’un côté. « Jolie rougeur », dit-elle doucement en passant le bout de son doigt sur la nuque de Xena, regardant les muscles juste dessous se tendre par réflexe.

 

Elles finirent de manger, et s’installèrent pour veiller Ephiny. Xena attendit que le barde ait mis leurs plats de côté et s’installa sur le sol près d’elle, se blottissant contre son flanc gauche avec un soupir d’aise avant de parler. « Gabrielle ? »

 

« Hein ? » Le barde avait les yeux fermés et jouait avec une mèche des cheveux bruns de Xena.

 

Xena entoura sa compagne de ses bras et la maintint serrée tout contre elle. « Il faut qu’on envoie un mot aux Amazones. » D’une voix douce. « Ce soir. »

 

Gabrielle ouvrit les yeux. « Pourquoi ? Je pensais qu’on était… » Elle s’interrompit et son regard alla vers le visage d’Ephiny, puis celui de Xena. « Mais… tu as dit… »

 

« Je sais », répliqua la guerrière. « Mais ses poumons se remplissent et je… » Elle s’interrompit alors que le barde enfouissait son visage dans le tissu de sa chemise. « Ecoute… tout va sûrement bien se passer… je veux juste… elles doivent savoir, Gabrielle. » Silence. « Toris a dit qu’il irait… il va partir tout de suite. »

 

« J’irai », murmura le barde, en serrant le tissu dans ses poings.

 

Xena lui caressa le visage. « Je pense qu’elle voudrait que tu sois près d’elle, mon amour. » Rien sur le fait qu’elle ne voulait pas que Gabrielle soit dehors. Rien sur le fait que c’était trop dangereux. Elle avait appris de la façon la plus rude ce qui importait pour sa compagne. « Surtout maintenant. »

 

Elle sentit l’affaissement de ses épaules, alors que les mots faisaient leur chemin, et que Gabrielle en ressentait la vérité. « Toris y sera très vite… tu le connais… et quand il sera de retour, elle ira probablement bien. » Xena hésita. « C’est juste une précaution, Gabrielle… par ailleurs, tu sais que nous ne pouvons pas partir pendant quelques jours, quoi qu’il arrive, ce ne serait pas juste de les laisser s’inquiéter. »

 

C’était plutôt raisonnable dans l’esprit tendu de Gabrielle. Si c’était Xena, je voudrais savoir. Elle y réfléchit pendant un moment. Bien sûr, si c’était Xena, je ‘saurais’. « Très bien », dit-elle en soupirant un peu plus détendue. « Tu as raison… je ne m’attendais juste pas à ce que tu dises ça. » Elle laissa sa tête retomber sur l’épaule de Xena. « A propos, elle dit que tu fais de très bons câlins. » Un regard coquin vers le visage de Xena.

 

« Ce n’était pas un câlin », objecta la guerrière, avec un froncement de sourcil. Oh… n’allons pas par-là…

 

« J’aime bien quand les gens me disent combien j’ai de la chance », la taquina le barde en lui poussant doucement les côtes. « Et tes câlins sont excellents. »

 

« Gabrielle… » Un grondement sourd d’avertissement. « Je ne suis pas du genre qui fait des câlins. »

 

Le barde laissa son regard voyager le long du corps de sa compagne, saisissant la vue d’elles deux enserrées. Son sourcil se dressa avec un effet stupéfiant.

 

« Toi c’est différent », grommela Xena.

 

« Tu es une sentimentale », plaisanta Gabrielle, en lui tapotant la poitrine d’un doigt, et je ne vais pas te laisser t’en tirer avec cette attitude de ‘ dure à cuire’. »

 

« Je ne suis PAS sentimentale », protesta Xena avec indignation.

 

Gabrielle leva les yeux vers elle avec un petit sourire, et regarda sa compagne fondre. « Bien sûr que si », dit-elle doucement avec un sourire malicieux. « Mais je ne le dirai à personne, je te le promets. »

 

« Tu ferais bien », grommela la guerrière, mais sa bouche se plissa en un sourire. « J’ai une réputation à maintenir, tu sais. »

 

Elles s’installèrent pour une longue veille, écoutant les bruits de l’activité de fin d’après-midi à côté, avec le frottement du vent sur les volets. Gabrielle se sentit s’assoupir et s’enfouit un peu plus dans l’étreinte de Xena, sentant la main de la guerrière commencer un lent massage du dos qui l’emportait dans un brouillard somnolent plaisant, ses yeux se fermant contre sa volonté.

 

Il n’y eut plus bientôt que le bruit de trois respirations et alors que les ombres de l’obscurité naissante s’enfonçaient dans la pièce, la lumière du feu reflétant deux chevelures claires, et l’étincelle stable et vive des yeux bleus foncés qui montaient la garde. Xena gardait un petit bol d’eau près d’elle et elle y plongeait régulièrement un petit morceau de lin pour le poser sur le front brûlant de l’Amazone. Ephiny remuait sans cesse, à cause de la fièvre, et murmurait entre ses dents ; Xena saisit le nom de Phantès et sentit son cœur se serrer un peu alors que son autre bras se resserrait inconsciemment autour d’une Gabrielle profondément endormie.

 

Des bruits légers de pas et des cliquetis de griffes attirèrent son attention et elle hésita, jetant un coup d’œil au visage paisible de Gabrielle avant de hausser mentalement les épaules, et de lever les yeux vers la porte. C’est mon frère. Et le sien aussi maintenant. Il faut qu’ils s’habituent à voir ça. Puis elle tourna sa pensée à l’intérieur. Et moi aussi, il faut que je m’habitue à ce qu’ils voient ça.

 

La porte s’ouvrit et Toris passa la tête.

 

Il les remarqua et effaça à peine un sourire de ses lèvres avant d’ouvrir la porte un peu plus, laissant Arès se faufiler et trotter vers elles, avec un reniflement.

 

« Hé mon garçon », appela Xena doucement, en mettant son nez contre son museau pour le laisser lui lécher le visage. Si je dois être sentimentale, autant l’être à fond, non ? Sûr. « Bonjour », ajouta-t-elle à l’attention de Toris qui s’avança pour s’installer près d’elle. « Tu es prêt à partir ? »

 

« Ouais », répondit-il doucement. « Il y a un changement ? » Il montra Ephiny d’un mouvement de mâchoire.

 

Xena remua la main. « La fièvre a empiré. Mais elle est plutôt coriace. » Elle mit sa main libre dans sa bourse et en sortit quelque chose, qu’elle tendit à Toris. « Tiens. Ça te donnera le libre passage dans le territoire des Amazones. »

 

Il hocha la tête et prit la bague sculptée avec précaution, l’admirant dans la lumière du feu. « Il faut que je trouve Eponine, ou Solari, c’est ça ? » Il se passa les doigts dans les cheveux. « Il va encore y avoir une tempête, sinon j’aurais proposé aux gamines de rentrer avec moi. Elles rendent maman folle. » Il pencha la tête près de celle de Xena et elle sentit l’odeur épicée du cuir et de la laine épaisse qu’il portait. « Elle dit qu’elles sont pires que nous. »

 

Xena fit une grimace et ils sourirent tous les deux. Elle tendit la main et tira sur les lacets de sa tunique pour la refermer. « Sois prudent, d’accord ? »

 

Toris acquiesça de la tête. « D’accord. » Puis son regard tomba sur la silhouette paisiblement endormie de Gabrielle enroulée autour de sa sœur et il sourit. « On penserait qu’elle choisirait quelque chose de plus doux comme oreiller. »

 

Les yeux verts s’ouvrirent et croisèrent son regard une seconde. « Nan… » dit le barde d’une voix endormie. « J’aime que mes matelas soient fermes. » Elle donna un coup dans le ventre de Xena avec un poing légèrement fermé et referma les yeux, se blottissant un peu plus avec un soupir de félicité.

 

Toris eut l’air de vouloir faire un commentaire, mais au lieu de ça il se mordit la lèvre et tapota l’épaule de sa sœur. « Bonne chance… »

 

« A toi aussi », dit Xena, en le regardant se lever pour aller vers la porte.

 

*************************************

 

« Les dieux soient loués, il fait noir », murmura le petit homme trapu à son cheval gris, tout en se tenant au milieu des ombres de la forêt, à attendre qu’un groupe de cavaliers le dépasse. Ils étaient vêtus de cuirs et de fourrures rapiécés, et il s’imagina sentir la puanteur venant d’eux depuis l’endroit où il se trouvait. « Bouge pas, mon gars. Y en a plus pour longtemps maintenant », dit-il d’une voix rassurante au cheval, qui lui poussait la poitrine de son museau avec insistance.

 

Il resserra son manteau et s’avança avec précaution à découvert, ses yeux clairs fouillant l’horizon à la recherche d’autres hors-la-loi. « J’espère que c’était les derniers. » Pas qu’un bon combat l’embêtait bien sûr, et en fait, dans des circonstances normales, il aurait été content de s’en prendre à ces voyous de second ordre. Mais pas maintenant… pas quand il devait se rendre à un endroit précis, et y trouver certaines personnes. De qui il espérait avec ferveur qu’elles l’aideraient. Avec un soupir, il mit le pied à l’étrier et souleva son corps fatigué et froid dans la selle, tournant la tête de son étalon vers la route. Une route qui bientôt, il pria pour ça, s’arrêterait à Amphipolis.

 

Il claqua de la langue et pressa les flancs du cheval, puis s’installa dans le rythme inconfortable, l’animal n’ayant pas du tout une allure régulière. J’espère que je sais ce que je suis en train de faire. Il se repassa la pensée pour la centième fois. Ok, ok… j’ai besoin d’aide. D’accord ? D’accord. Je ne peux pas faire ça tout seul, j’ai essayé et ça n’a pas marché. Il faut que je trouve de l’aide. Alors… qui je connais qui peut m’aider à pénétrer dans un château ? Il leva la main et repoussa ses cheveux blonds ondulés de son front, puis il déboucha une outre d’eau et prit une gorgée. Le choix est limité, hein ? C’est vrai. Il me faut quelqu’un qui peut pénétrer dans un château, et j’en connais deux qui savent le faire, mais il me faut aussi quelqu’un qui soit aussi têtu que lui..

 

L’homme blond secoua la tête. Ça limite mes choix. Et il me faut quelqu’un qu’il va écouter. Et là, ça nous ne laisse qu’une seule personne. J’espère seulement qu’elle… Oh, ne sois pas idiot. Bien sûr qu’elle va aider. Il savait que le bavardage servait surtout à éloigner son esprit du souci qui le rongeait.

 

De longues heures de chevauchée ne l’avaient pas aidé dans ses pensées. Le paysage allait de buissons rabougris à la forêt profonde, et au moins dans ce cas, il se sentait plus à l’aise d’être un peu à l’abri, bien que le son des sabots de sa monture semblait résonner sur les arbres culminants, bien plus fort qu’il ne le pensait.

 

Le cheval trottait dans un vent cinglant et humide qui traversait son manteau comme s’il était fait en crochet, et ça le glaçait au plus profond. Génial. C’est génial, il va encore pleuvoir, et je ne peux pas me permettre de m’arrêter. Bon sang de bon sang de bon sang… pourquoi est-ce que les choses ne peuvent pas bien se passer ? Il tendit la main sous le manteau et tira sur son gilet en cuir, le resserrant sur l’avant avant de se blottir un peu plus contre l’encolure du cheval.

 

Le bout de la forêt arriva et il se trouva bientôt à l’orée du bois, et à découvert, voyageant dans un paysage éclairé uniquement par à-coups par la lumière argentée de la lune alors que les nuages au-dessus de sa tête bougeaient rapidement et s’amoncelaient. Une odeur forte de pluie lui remplit les narines et il tira fermement sur la capuche de son manteau tout en poussant l’allure de son cheval gris.

 

Il entendit un rire derrière lui, et le bruit sourd de sabots. Oh Hadès dans un tonneau. Son esprit émit un grognement alors qu’il se retournait dans sa selle et vit le groupe serré qui gagnait du terrain. Il regarda autour de lui, sentant plus qu’il ne voyait le début des premiers champs maintenant en jachère et les contours à peine visibles des territoires habités.

 

« Allez, espèce de carne », gronda-t-il, en s’appuyant sur les flancs du cheval pour le talonner. « Il faut qu’on avance vite. » Il enroula les rênes autour de ses mains et poussa le cheval, entendant à peine le cri profond de chouette qui semblait faire écho dans ses oreilles. Il regarda derrière lui : ils se rapprochaient toujours et il voyait maintenant les épées dans leurs mains. Bon… ils n’avaient pas seulement l’intention de le dévaliser. Il regarda de nouveau vers l’avant et donna un bon coup sur le flanc du cheval, gagnant par-là une accélération appréciable.

 

Ça n’allait pas suffire, se rendit-il compte, quand le bruit de sabots augmenta encore. Et bon sang, je ne peux pas m’arrêter… je n’ai pas le temps et si je suis blessé ? Trop de choses dépendent de moi. Il entendit le claquement du fouet sur la peau alors que les cavaliers de tête s’approchaient, et il sentit le froid cinglant lorsque les nuages libérèrent leur fardeau et que la pluie lui fouetta le visage.

 

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Xena laissa Gabrielle dormir jusqu’après le crépuscule, quand elle dut se lever pour allumer les chandelles pour ne pas rester dans l’obscurité. Le barde abandonna son coin chaud à contrecœur, mais se leva aussi et aida Xena à mélanger une nouvelle dose de plantes pour la fièvre incessante d’Ephiny.

 

Elles travaillèrent en silence, avec un esprit d’équipe bâti au cours des nombreuses années passées ensemble, à connaître les moindres mouvements et intentions, à tel point que l’une pouvait commencer un geste et l’autre le finir sans s’interrompre.

 

« Allons Eph », appela doucement Gabrielle, en essuyant le front enfiévré. « Hé… réveille-toi maintenant… on a encore de ce mauvais truc pour toi. » Pas de réponse de l’Amazone, et Gabrielle lança un regard inquiet à sa compagne par-dessus son épaule. « Xena… »

 

Une main sur son épaule, une douce pression. « Je m’attendais à ça », répondit Xena d’une voix calme. « Aide-moi à la relever. Il faut qu’on lui fasse avaler ce truc quoi qu’il arrive. » Cette fois-ci, Gabrielle se glissa derrière Ephiny, maintenant l’Amazone assise pendant que Xena versait de petites quantités du mélange avec expertise dans la bouche de la jeune femme blonde. Puis elle toucha un point sur sa mâchoire, et Ephiny avala, par réflexe .

 

L’Amazone gémit doucement alors qu’elle la remettait en place sur le coussin, et la mâchoire de Gabrielle se serra. « On ne peut rien faire d’autre ? » Elle tourna le regard vers Xena, implorante.

 

*************************************

 

Ravalant une remarque acerbe, Xena s’affaira à faire du thé, combattant la frustration qu’elle ressentait toujours quand ses talents de guérisseuse se heurtaient à leurs limites, comme dans ce cas. Elle luttait avec sa colère quand une main douce se glissa dans les siennes. Elle regarda sur le côté vers Gabrielle.

 

« Désolée », dit le barde en lui serrant légèrement la main. « Si tu pouvais faire plus, tu le ferais. C’était idiot de poser cette question. » Les yeux verts du barde luirent de regret tranquille. « C’est juste que je m’inquiète à son sujet. »

 

Xena sentit son irritation se dissoudre comme par enchantement et elle sentit un sourire se frayer un chemin sur son visage. « Je sais », acquiesça-t-elle. « Moi aussi… et vraiment… ça m’ennuie de ne pas pouvoir faire plus. » Il y a eu une époque… songea-t-elle, où toutes les deux, on gardait ça en nous jusqu’à ce que l’une de nous explose. Je pense que nous avons changé toutes les deux, un peu. C’est une bonne chose… se dit-elle. Dieux, ces disputes faisaient vraiment mal… plus que je ne l’ai jamais montré. Je me demande si elle s’en est jamais rendue compte ?

 

Il y en avait eu une méchante, se souvint-elle. A quel sujet déjà ? Dieux… ça aurait pu être n’importe quoi… ah oui. Pour une fois, il n’était pas question de plans, ou de la laisser derrière, ou qui choisirait le moment pour s’arrêter.

 

Tout ce qu’elle avait essayé de faire, c’était de retenir Gabrielle hors du chemin assez longtemps pour arranger une petite surprise… ça faisait quinze longues nuits, et le temps avait été atroce. Juste une nuit dans une auberge sympathique, avec un bon dîner … rien de plus, mais elle ne pouvait pas faire la surprise au barde si Gabrielle l’entendait arranger ça.

 

Alors elle avait… d’accord, la méthode était nulle. Elle lui avait dit d’ aller ennuyer quelqu’un d’autre pendant quelques minutes. Elle s’était rendue compte, à la seconde où les mots passaient sa bouche, de l’erreur commise, à voir la froideur glaciale qui s’était installée dans les yeux habituellement doux du barde. Gabrielle avait tourné les talons et était partie, ne se retournant que pour lancer un regard à Xena avant de lâcher avec dégoût. « Peut-être que je vais aller le faire de manière définitive. Visiblement je perds mon temps avec toi. »

 

La douleur lancinante que ça avait causé l’avait surprise, l’avait choquée à un tel point qu’elle était restée là plusieurs minutes à juste souffrir. Ça ne faisait pas longtemps qu’elles avaient quitté la Thessalie et elle avait essayé de venir à bout de ses sentiments profonds pour le barde, et avait baissé largement sa garde contre ce genre de choses. Et ça lui avait rappelé pourquoi elle avait pris la décision il y avait bien longtemps de ne plus jamais laisser quelqu’un s’approcher si près.

 

C’était la raison, parce que seuls les gens qu’on laissait vous toucher pouvaient vous blesser autant. Et, oh, comme ça faisait mal. Plus que quand son armée l’avait abandonnée. Plus que quand sa mère l’avait rejetée. A contrecœur, elle avait maintenu son plan, sachant à peine pourquoi elle s’inquiétait. Puis elle était allée dans l’écurie et avait cherché la consolation, comme souvent, avec Argo, qui offrait la longueur de son encolure dorée et sa présence chaleureuse.

 

Elle s’occupait de la jument quand le barde était revenue, en marchant d’un pas colérique qui avait ébranlé le sang-froid de Xena. Alors elle avait fermement gardé le regard sur la robe dorée, et continué à passer le peigne avec rythme.

 

« Je présume qu’il est temps de trouver un buisson quelconque pour aller dormir. » Le commentaire sarcastique de Gabrielle lui fit fermer les yeux, mais le barde ne pouvait le voir, le dos tourné.

 

« On reste ici cette nuit », avait-elle répondu d’une voix monotone. Sans oser se retourner ni regarder Gabrielle en face. « On a une chambre en haut. »

 

« Bien », avait dit le barde et elle était partie.

 

Je voulais faire quelque chose de gentil, avait-elle crié de frustration. Comment ai-je réussi à tout rater à ce point ? Elle avait posé les bras sur le large dos d’Argo, et son front sur la surface chaude. Bon sang… arrête un peu, Xena. Tu n’es pas capable d’avoir une amitié normale, c’est tout, et encore moins… ses pensées s’étaient arrêtées là, comme toujours.

 

Des bruits de pas derrière elle, et une présence familière, et elle s’était durcie pour la colère à venir. Peut-être que la pièce ne plaisait pas au barde. Le bruit de pas avait ralenti en se rapprochant, puis était devenu hésitant. Deux mains avaient touché le flanc brillant d’Argo, et l’avait caressée, puis le barde s’était penchée en avant, se pressant contre le flanc de la jument de telle façon qu’elle pouvait voir le visage de Xena.

 

Leurs regards s’étaient croisés. « Tu avais préparé ça », avait déclaré Gabrielle calmement.

 

Xena avait baissé le regard vers la crinière qu’elle démêlait et fait un bref signe de tête.

 

« C’était une surprise », avait continué le barde.

 

Un autre bref signe de tête de Xena, qui s’était mordu la lèvre pour ne pas renvoyer ses mots au visage du barde. Parce qu’un instinct profond lui avait dit que cela détruirait leur amitié plus que cela ne l’avait déjà fait. Et quelque chose en elle ne voulait pas que ça arrive. « J’aurais sans doute dû trouver un autre moyen de t’éloigner », dit-elle d’une voix froide et lointaine.

 

Une main se leva de la robe d’Argo et elle sentit la pression chaleureuse sur son poignet, alors que les doigts s’enroulaient autour de son bras, interrompant son mouvement, et la forçant à prêter attention à la silhouette immobile à côté d’elle. Elle se tourna pour croiser un regard vert brumeux, qui, franc et honnête, captura le sien sans grand effort.

 

« Je suis désolée », avait dit Gabrielle, des mots simples sortis d’un cœur doux.

 

Ça n’aurait pas dû être aussi facile. Trois mots, un regard, et un simple contact, et son âme avait grimpé en tremblant vers la lumière et elle s’était à nouveau ouverte à la douleur. Elle était incapable de l’empêcher, incapable de freiner son propre besoin désespéré de cette fragile amitié. « C’est pas grave. » C’est tout ce qu’elle avait pu dire.

 

Gabrielle s’était approchée, avec une expression de regret. « Si c’est grave. » Elle secoua lentement la tête. « J’ai menti. »

 

Xena l’avait étudiée tranquillement. « A quel sujet ? »

 

Et le barde lui avait fait un sourire hésitant et timide. « Si je passais un millier d’années avec toi, je ne gâcherais pas une seule seconde. »

 

« Eh… pourquoi tu souris ? » La voix du barde, maintenant assurée et rassurée, la sortit de ses souvenirs. « Hmmm ? »

 

« Je réfléchissais », répondit Xena. « On va lui mettre un peu plus de pommade, et après on prend une pause et on mange. »

 

Gabrielle hocha calmement la tête. « Très bien. » Elle s’agenouilla à côté de l’Amazone, et étala le mélange sur sa poitrine qui bougeait lentement. « Xena ? »

 

« Oui ? » La guerrière s’agenouilla à côté d’elle, et mit le bras autour d’elle, en regardant ses mouvements.

 

« Si… » Le barde laissa la pensée traîner, en tournant le regard vers sa compagne.

 

Xena lui fit un sourire. « Où tu vas, je vais. »

 

La main de Gabrielle s’arrêta et elle se tourna vers Xena, avec une expression de surprise et d’étonnement. Un lent sourire sculpta son visage. « Tu le penses vraiment ? »

 

Un sourcil se dressa. « Ouais. Ça te pose un problème ? » Xena la mit au défi, prenant la jarre des mains du barde. « Finis ça. » Elle se leva et alla vers la table, posant la jarre avant de compter les herbes qui lui restaient. Je pense que… il se pourrait que je vienne de franchir une étape, se dit-elle calmement. Et je pense que j’aime ça. « Viens, on va avaler quelque chose rapidement. » Elle se tourna et croisa le regard inquiet du barde. « Je veux garder un œil sur elle. »

 

***********************************

 

Le petit groupe s’agglutinait près du feu pour les derniers préparatifs. Granella leva les yeux quand Solari entra dans la lumière du feu, rejetant la capuche de son manteau pour exposer ses cheveux noirs. « Prête ? » demanda-t-elle tranquillement.

 

Granella finit de nouer sa dague et acquiesça de la tête. « Pratiquement. »

 

Elles se regardèrent. Les cinq autres Amazones du groupe de recherche attachaient sur leur dos des sacs contenant leurs nécessaires de voyage. De l’eau, des provisions de route. Des sacs de couchage. Et dans le nécessaire de Granella, un choix complet d’herbes et de bandages. Que les dieux leur permettent de ne pas avoir à s’en servir.

 

« Je vais descendre le cours de la rivière », dit Granella à une Solari à l’air épuisé. « Elles étaient censées préparer des pièges, et faire une leçon de pêche. Peut-être que… » Elle laissa son regard croiser celui de l’autre Amazone. « Peut-être qu’elles ont juste été retardées par le mauvais temps. »

 

« Ouais », dit doucement Solari. « Ecoute, Gran… » Elle s’interrompit et regarda le sol. « Prends deux jours, en descendant la rivière, d’accord ? »

 

Granella acquiesça lentement de la tête. « Très bien. » Elle s’interrompit. « Et après ? »

 

« Et après », dit Eponine en soupirant, tout en les rejoignant sous le toit en chaume. « Laisse les cinq autres continuer les recherches, et toi… » Elle s’interrompit. « Tu vas vers Amphipolis. »

 

Granella ferma les yeux pour acquiescer, souhaitant un court, très court instant, être déjà à Amphipolis. Mettre ce problème entre les mains de Gabrielle, qui, à son tour, le passerait à Xena, qui agiterait sa baguette magique et arrangerait tout.

 

Elle savait bien que ça n’était pas si simple. Vraiment. Mais des choses impossibles devenaient plus réalisables quand on était près de gens qui étaient revenus d’entre les morts avec une nonchalance étudiée. Gabrielle… Cela lui amena une autre pensée. Bon sang, elle et Ephiny sont proches. Elle ne va pas bien prendre la nouvelle. « Bon j’y vais », dit-elle en soupirant et en resserrant la boucle de son manteau.

 

Solari la serra fort dans ses bras et lui attrapa la tête entre ses deux mains, la forçant à la regarder. « Granella, tu feras attention, d’accord ? Vous toutes ? C’est… juste une précaution. » Elle se força à mettre de l’optimisme dans sa voix, que le mauvais temps et l’anxiété qui la hantait avait amenuisée depuis bien longtemps. « Quand vous les trouverez, vous direz à Ephiny, qu’elle va nous être très redevable de ça, D’accord ? »

 

Granella lui tapota le côté. « Je le ferai, je le promets. » Artémis, permets-moi d’en avoir l’occasion.

 

Le groupe d’éclaireuses partit sur le chemin rugueux qui menait hors du village vers la route sinueuse du col.

 

*****************************

 

Xena écouta le vent se lever, et alla vers la fenêtre pour regarder dehors, étirant son dos pour le débarrasser des contractures accumulées pendant les heures agenouillée au chevet d’Ephiny, essayant de calmer l’hystérie fiévreuse de l’Amazone.

 

La fièvre était arrivée à un niveau où la guerrière blonde n’avait plus conscience de son environnement, et avait commencé à revivre des moments horribles, à en juger par ses cris rauques. Cela devait avoir été des combats, s’était dit Xena, et seule sa force lui avait permis de maintenir l’Amazone, et de l’empêcher de se faire du mal.

 

Elle avait crié sans arrêt le nom de Phantès et avait lutté durement, revivant la bataille qui avait coûté la vie du centaure, à l’époque en Thessalie. Cela avait amené des larmes dans les yeux de Gabrielle et le barde avait passé un long moment la main d’Ephiny entre les siennes, à la rassurer doucement pendant que Xena la berçait contre elle pour lui éviter de se faire mal.

 

C’était épuisant, surtout parce cela lui avait fait revivre le souvenir de Thessalie, et une nuit dont Xena essayait de ne pas se souvenir. Elle fixait l’obscurité, écoutant les bruits dans la pièce derrière elle, le froissement des draps alors que Gabrielle essayait d’installer Ephiny plus confortablement ; et la voix basse du barde qui apaisait l’Amazone.

 

La fièvre avait cessé pour l’instant, et Ephiny avait cligné des yeux dans une conscience embuée, assez pour prendre une nouvelle dose de mélange d’herbes, et faire une ou deux faibles plaisanteries.

 

Gabrielle mit les couvertures sur les épaules d’Ephiny et la tapota. « Détends-toi maintenant, Eph. Ça va aller. »

 

L ‘Amazone blonde la regarda avec lassitude. « Après tout c’temps passé allongée ici, pourquoi j’suis si fatiguée, bon sang ? »

 

Le barde laissa un sourire courber ses lèvres. « Ta fièvre est un peu montée… tu étais très occupée à revivre de grandes batailles avec les Amazones. Xena a dû te maintenir sur le lit. »

 

« Oh », dit Ephiny en soupirant. « Désolée. »

 

« Ce n’est pas de ta faute. » Gabrielle sourit, simplement contente de l’entendre parler de manière sensée. « Elle avait besoin de faire de l’exercice. » Levant les yeux, elle vit le sursaut des omoplates quand ça lui valut un rire bref de la part de sa compagne. « Tu te reposes maintenant. » Elle entoura la main d’Ephiny de la sienne. « On a envoyé un mot au village. »

 

Les yeux clairs embués l’étudièrent. « Merci… je vais me faire botter les fesses pour ça. »

 

« Pourquoi ? » dit Gabrielle en riant doucement.

 

« Elles ont tout fait pour que je… » Ephiny s’arrêta de tousser. « Sorte pas. »

 

Le barde pencha la tête. « Et bien, en fait, j’allais te poser cette question. Qu’est-ce qui t’a donc pris d’aller te promener dans les bois ? Eponine ou Solari, ou une demi-douzaine d’autres auraient pu le faire, non ? »

 

Une ombre passa au-dessus d’elles et elles levèrent les yeux pour voir la haute silhouette de Xena éclairée par la lumière du feu. « Laisse-moi deviner. Tu en avais marre d’être enfermée ?. »

 

Ephiny se mit à rougir, de façon presque invisible sur ses couleurs dues à la fièvre. « Non… non… », commença-t-elle à dire en protestant puis elle leva les yeux et vit l’étincelle amusée de compréhension dans les yeux bleus de Xena. « Ouais. Quelque chose comme ça », marmonna-t-elle, et elle tira les couvertures sur sa tête.

 

Xena rit doucement. « Je reviens tout de suite. » Elle ébouriffa les cheveux de Gabrielle et s’avança vers la porte.

 

« Tu m’apportes quelque chose à boire aussi ? » héla le barde d’une voix absente, en essorant le torchon qu’elles avaient utilisé pour la fièvre d’Ephiny pour ce qui semblait être la millième fois.

 

« D’accord », répondit Xena, alors que la porte se refermait derrière elle.

 

Ephiny baissa la couverture et la fixa curieusement. « Comment tu sais ça toi ? »

 

« Sais quoi ? » demanda Gabrielle en s’épongeant le front.

 

« Qu’elle allait se chercher à boire ? » L’Amazone pencha la tête un peu et étudia le visage de Gabrielle.

 

Arès se leva de l’endroit où il était lové près du feu et poussa la main de Gabrielle. Elle le tapota doucement en essayant de trouver une réponse. Comment je savais ? Je dois avoir… réfléchi au temps passé depuis le dîner, et au fait qu’elle s’est éclairci la voix deux fois, et… « Je n’en sais rien », dit-elle calmement. « Juste une idée comme ça, je pense. » Mais ça ne l’était pas, et elle le savait. Elle l’avait su, de cette façon impensable qu’elle avait fini par associer à leur connexion, et ce n’était pas quelque chose dont elle voulait parler avec Ephiny. Pas maintenant.

 

Elles entendirent toutes les deux l’agitation à l’extérieur et Gabrielle se leva en tressaillant. « Par les dieux… » Des voix excitées grondaient à travers la forêt, soudain ponctuée par la voix de stentor de Xena. « Je reviens tout de suite. »

 

Elle passa la porte et repéra un petit groupe serré de villageois vêtus de capes qui entouraient la haute silhouette de Xena. La guerrière leva les yeux quand elle entra dans la pièce et leurs regards se croisèrent. Un mouvement de tête la fit se rapprocher, à temps pour entendre la fin du rapport des guetteurs.

 

« Il y en a au moins une douzaine, Xena, ils pourchassent un pauvre gars tout seul, qui essaie de s’enfuir. Il doit savoir qu’il est près de chez nous. » Ceci fut dit par Terrel, le forgeron du village qui avait un goût certain pour l’intrigue, et était l’un des ses plus fidèles élèves des cours de bâton. Le front de Gabrielle s’agrandit quand elle réfléchit à la nouvelle.

 

« Il va perdre son cheval, et ses vêtements, c’est plus que probable », répondit Xena avec un ton sombre. « Je vais m’en occuper. » Et sur ces mots elle se dirigea vers la porte, prit son manteau d’une main et son épée de l’autre, plaçant la lame sous son bras.

 

Gabrielle passa par-dessus un banc et arriva près d’elle alors qu’elle atteignait la porte. « T’en as marre d’être enfermée ? » Elle arrêta la guerrière d’une main sur son avant-bras. Leurs regards se croisèrent et elle y vit une légère étincelle de reconnaissance.

 

« Je suis la meilleure personne pour ce boulot », contra-attaqua la guerrière en ouvrant le bras tout en courbant un sourcil en questionnement.

 

Cela lui valut un sourire à contrecœur du barde, et un hochement de tête d’approbation. « Sois prudente. » Elle regarda Xena se diriger vers l’écurie en courant, entrant dans le bâtiment pour ce qui parut être une seconde, puis la porte se rouvrit brusquement, et la forme dorée d’Argo apparut, en reniflant dans la pluie battante. A cru… oh dieux, Xena… La guerrière se hissa sur la jument avec un mouvement fluide, puis elle enroula sa main dans la crinière de l’animal et brandit son épée de l’autre, envoyant le fourreau voler proprement sur le porche de l’auberge.

 

Puis dans un fracas de bruits de sabots humides, elles filèrent.

 

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