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aunomdedieu4

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

FANS FICTIONS FRANCOPHONES

Entre elles

 

Au nom de Dieu…

 

Auteur : Minuit

 

Contes_de_minuit@yahoo.fr

 

partie 4

 

Chapitre 24

 

 

 

Début août, Franck, le correspondant canadien d’Audrey arriva. Anne et elle étaient allées le chercher à Orly. C’était un homme de grande taille, aux cheveux bruns parsemés de blanc. Il avait un accent canadien très prononcé. Il possédait, à Montréal une petite agence de publicité et venait en France autant pour les vacances que pour le travail. Sans se l’expliquer, Anne avait un sentiment de recul par rapport à lui et le trouvait assez antipathique.

 

Elle les laissa à Bourg-la-Reine où il devait passer la nuit avant de se rendre à Marseille chez un ami et collègue. De leur côté, Anne et Audrey iraient une semaine en Bourgogne. Elle décida d’oublier le correspondant pour un temps et de préparer ses affaires. Le téléphone sonnait.

 

"Allô ?

 

- Salut, c’est Sandra. Ça va ?

 

- Oui. Et toi ?

 

- Impeccable. Tu as récupéré le correspondant de la miss ?

 

- Oui et je l’ai laissé à Bourg-la-Reine.

 

- Il est comment.

 

- Euh… sympa ? avança t-elle sans conviction aucune.

 

- Je vois le genre, dit Sandra avec un petit rire. Vous partez quand, toutes les deux ?

 

- Demain après-midi. Tu nous rejoins dans une semaine, c’est ça ?

 

- Oui, en effet. Je vous appellerais, de toute façon avant de venir.

 

- Ok.»

 

Le lendemain, elles arrivèrent à Tonnerre en fin d’après-midi, ayant négligé de prendre l’autoroute pour passer par les nationales. Anne suivit les instructions d’Audrey et elle gara la voiture sur l’allée de gravier de la maison natale de la jeune rousse. Un monospace bleu nuit était déjà garé là. Annabelle, la sœur d’Audrey, était là avec son mari et ses enfants. Ils partaient le soir même pour l’Espagne. Audrey fit les présentations. Annabelle était plus grande qu’Audrey et elle avait un visage beaucoup plus dur, non sans charme. Elle semblait ravie de faire la connaissance de la jeune Créole. Son mari, Gérard, était un Eurasien d’une trentaine d’années. Tous deux étaient les forts sympathiques parents de trois enfants : Erwan, 8 ans, Julia, 5 ans et enfin Max qu’Anne connaissait déjà. Erwan avait des yeux malicieux et Anne avait, grâce à François qui le vénérait, entendu parler de ses exploits. C’était un maître en coups pendables. Julia était une toute petite fille, qui faisait penser à une adorable poupée chinoise avec des lunettes rouges. Tous deux entraînèrent François dans le jardin.

 

"On dîne avec vous, avant de partir, leur annonça Annabelle. On préfère faire la route de nuit, comme ça les enfants dormiront pendant le voyage. J’ai préparé ma chambre pour Anne.

 

- Elle dormira avec moi, déclara Audrey. La semaine prochaine, une autre amie, Sandra, nous rejoint, ainsi que Frank. Pour l’instant, je laisserais François dans ta chambre.

 

Annabelle regarda sa sœur en fronçant les sourcils, puis sourit.

 

- Si tu veux. Je vous laisse déposer les affaires dans ta chambre et je vous attends dehors, avec Gérard. C’est bientôt l’heure de l’apéro, et il faut surveiller les enfants. Tu sais comment ils sont quand ils sont tous ensemble."

 

La chambre où Audrey avait passé son enfance et son adolescence était assez petite, comparée à celle où avait grandi Anne. Les murs étaient recouverts d’un papier peint jaune pâle aux motifs égyptiens. Sur une bibliothèque, trônaient de nombreuses bandes dessinées. Un grand lit, une armoire rustique et un bureau composaient le reste de l’ameublement.

 

"La maison n’est pas très grande, dit Audrey. Il n’y a que trois chambres. Elle a été refaite quand mon frère s’est marié la première fois et ils ont agrandi le salon en cassant le mur de sa chambre. Le jardin est immense, cependant. C’est le domaine de mon père."

 

Elle referma la porte de sa chambre sur elles et elle renversa Anne sur le lit, en l’embrassant.

 

"Je suis contente que tu sois là, mon amour.

 

- C’est un sentiment que je partage, ma belle Audrey.

 

- On va avoir enfin une semaine toute à nous. J’attendais ça depuis longtemps, tu sais ?"

 

Annabelle et Gérard les attendaient, comme prévu, sur la terrasse. Le jeune père leur servit à boire, une bière pour Audrey et un kir pour Anne. Les deux sœurs échangeaient des nouvelles de leurs rejetons.

 

"Pourquoi Max a-t-il un casque de vélo ? demanda Audrey en avisant le plus jeune des enfants qui dandinait à proximité tandis que les plus grands jouaient à se courir après.

 

- C’est la seule solution que j’ai trouvée pour qu’il arrête de se faire mal, répondit la grande femme en riant. Gérard et moi avons passé un après-midi aux urgence, avant-hier : Max s’était blessé en se cognant contre le barbecue.

 

- Il n’arrête pas, renchérit Gérard. Je n’ai jamais vu un enfant tomber autant aux mauvais endroits."

 

Anne observait Audrey. Elle avait encore un autre visage, au milieu des siens. Elle était plus détendue, plus ouverte. Elle portait ce jour-là un débardeur beige sur un pantalon blanc. Son sourire était comme un rayon de soleil. Elle sentit le regard de son amante et le captura dans le sien. Elles étaient à nouveau seules au monde, durant quelques secondes.

 

"Les parents reviennent dans deux semaines, disait Annabelle. C’est l’anniversaire de maman, le week-end de leur retour.

 

- Je sais.

 

- Il y aura aussi la foire expo, si tu souviens bien. Nous serons de retour à ce moment-là. J’y emmènerais les enfants. Vous serez encore là, toutes les deux ?

 

- Je pense, approuva Audrey. Ça ne t’ennuie pas de revenir, le week-end de la foire, Anne ? Je sais que tu reprends le travail la semaine d’avant.

 

- Je verrais ça, répondit Anne un peu paniquée."

 

Elle pensait rentrer à Paris avant le retour des parents d’Audrey. Apparemment, son programme n’était pas compatible avec celui d’Audrey. Cette dernière lui toucha légèrement la cuisse, dans un geste rassurant. "Je ne suis pas obligée de leur dire que je suis leur belle-fille, se dit-elle."

 

Le dîner se composait de frites et de jambon. Les enfants mangèrent en premier, dans la cuisine. Une fois qu’ils eurent terminé, les adultes reprirent leurs places sur la terrasse, pour profiter de leur propre repas en regardant les petits s’amuser.

 

Annabelle, Gérard et leurs enfants partirent alors que le soleil se couchait. François dormait déjà. Anne et Audrey profitèrent de la chaleur de la nuit, sur la terrasse, à deviser en regardant les étoiles.

 

Il était seize heures. Audrey était dans la chambre de ses parents, les yeux rivés sur l’écran de l’ordinateur. Anne et François étaient dans le jardin, assis sur les marches d’un escalier de pierre. Anne lui racontait l’histoire du petit poucet. Elle adorait raconter des histoires, depuis qu’elle-même était enfant. Quand elle vivait encore à la Réunion, elle avait toujours une cour d’enfants à ses basques lors des repas de famille, à qui elle racontait, en plus des contes traditionnels, des histoires tout droit sorties de son imagination et adorait les voir trembler. L’histoire terminée, François voulut en avoir une autre.

 

"Demain, promit Anne. Pour l’instant, allons voir ce que fait ta maman."

 

Audrey leva son nez de l’écran et regarda venir son fils et sa compagne. Elle leur sourit.

 

"Vous faisiez quoi ?

 

- Anne m’a raconté l’histoire du petit poucet, maman. Y a un ogre qui mange les enfants, mais le petit poucet l’a eu.

 

- S’il fait des cauchemars, ce soir, tu te lèves pour t’en occuper, je te préviens.

 

- Il ne fera pas de cauchemars ! Les contes sont bénéfiques pour les enfants.

 

- Ouais.

 

- Pour les adultes aussi, tu sais. Ce soir, si tu veux, mon Audrey, je te raconterais l’histoire d’une princesse qui était amoureuse d’une jolie guerrière rousse…

 

- Je veux savoir, moi aussi, déclara Hadrien.

 

- Là je ne sais pas ce que tu vas lui raconter, taquina Audrey. Mais j’avoue que j’ai bien envie d’entendre cette histoire.

 

- C’est le genre d’histoire qui se raconte quand les enfants dorment, murmura t-elle à l’oreille de son amante avant de l’embrasser légèrement sur la joue. Je vais me faire un café, tu en veux un ?

 

- Oui, merci. Après, on va secouer les draps et les couvertures : ton allergie à la poussière m’empêche de dormir."

 

Le mercredi, Anne fut réveillée par un baiser. Elle ouvrit les yeux et sourit.

 

"Joyeux anniversaire, mon amour, murmura Audrey.

 

- Merci. Ça promet d’en être un bon, avec un réveil pareil, sourit la jeune brune.

 

- François n’est pas réveillé. On reste un peu au lit ?"

 

Elles attendirent le réveil de l’enfant, en se murmurant mille folies, ponctuées par de douces caresses. François poussa la porte de leur chambre et sauta dans le lit. Il se mit entre elles et entreprit de leur raconter ses rêves. Au bout d’un moment, Audrey se leva.

 

"Je vais préparer le petit déjeuner, annonça t-elle.

 

- Tu veux de l’aide ?

 

- Non, reste au lit, je sais que aimes paresser, le matin, et c’est ton anniversaire, après tout.

 

- Je reste avec Anne, déclara François. Tu me racontes une autre histoire ?

 

Anne prit l’enfant dans ses bras et le serra contre elle, dans un geste d’affection maternelle qui leur était devenu familier au fil du temps.

 

- Tu veux quoi, comme histoire ?

 

- Je ne sais pas…

 

- Alors… attends… je vais te raconter l’histoire d’une sorcière de la Réunion. Elle s’appelait Grand-mère Kale et avait pour compagnons deux oiseaux de mauvais augure, Papangue et Fouquet…"

 

Cette histoire lui avait été racontée par son arrière-grand-mère, quand elle était petite. Tous les enfants de la Réunion connaissaient Grand-mère Kale et tremblaient en entendant son nom, même si cette histoire était différente selon les familles. François écoutait, en silence, comme elle le faisait elle-même quand elle était petite. Tout en lui disant le conte, elle se revoyait dans l’immense cuisine de Charlotte, son arrière-grand-mère, avec sa sœur et sa cousine, assises devant l’aïeule, l’écoutant avec la même attention. Elle revoyait la vieille dame, d’habitude droite et hautaine dans sa longue robe noire, leur mimer l’ogresse courant derrière les enfants… au point que ses arrières petites-filles avaient fini par être persuadée qu’elle était elle-même une sorcière.

 

Audrey s’était jointe à eux. Elle s’était assise sur le lit et écoutait aussi l’histoire de sa compagne.

 

"Et certains soirs, quand la lune brille à l’Est dans sa robe d’or rouge, on peut entendre Fouquet crier, terminait Anne. On ne sait trop ce qu’il dit, mais on peut être certain qu’il prévient Grand-mère Kale qu’elle peut se réveiller de son sommeil, pour se mettre en chasse.

 

- Tu l’as entendu ? demanda l’enfant.

 

- Une fois, admit Anne en souriant. Nous avions dîné chez mon oncle et il nous jouait de la guitare. Dans la nuit, un cri lugubre s’est élevé. Alors, Mamé Charlotte a regardé les enfants, et nous a dit que c’était le fouquet de Grand-mère Kale.

 

- Ils sont sinistres, dans ta famille, mon amour, releva Audrey.

 

- On a ce petit côté, oui, avoua Anne en riant. Allez, on va manger.

 

- Dis, elle vit seulement à la Réunion, ta grand-mère Kale, hein ? voulut savoir François en se dirigeant vers la cuisine.

 

- Oui : ici, elle ne peut dormir que dans la lave du volcan et il n’y en pas ici…

 

- Les sorcières n’existent pas, François, nia Audrey. C’est juste des histoires.

 

- Là, tu brises le charme, Audrey.

 

- Je ne veux pas qu’il se mette à avoir peur.

 

- C’était si excitant, cette peur-là, riait Anne. Tu sais, le fouquet existe vraiment : c’est en fait un oiseau de mer, un pétrel. Et son cri est à glacer le sang. Il arrive qu’il fasse son nid dans les terres et n’y rentre que très tard la nuit, ce qui fait qu’il passe à tord pour un oiseau nocturne. J’ai été déçue en apprenant la vérité."

 

En milieu d’après-midi, Anne se surprit à sourire toute seule, en regardant François et Audrey, à table pour le goûter. Une vraie vie de famille, songea t-elle. Elle s’imaginait bien, plus tard, avec Audrey et François dans une petite maison comme celle-ci…

 

Le soir, ils dînèrent dans un petit restaurant chinois d’Auxerre, au cadre très intime. Audrey fit découvrir à Anne la petite ville, le temps que François s’endorme dans sa poussette. Puis elles rentrèrent à Tonnerre ; l’enfant au lit, elles passèrent le reste de la soirée dans le jardin, l’une contre l’autre, à regarder les étoiles et à s’embrasser.

 

 

 

Chapitre 25

 

 

 

Sandra arriva à Tonnerre le lundi suivant. Elle avait ramené des provisions de chez elle et ses amies vérifièrent bien les dates de péremption de chaque paquet. Il n’y en avait que deux périmés. Anne et Audrey la laissèrent s’installer et allèrent préparer la salade du déjeuner dans la cuisine. Tandis qu’Audrey préparait la vinaigrette, Anne, qui n’avait pas l’esprit à travailler, lui entoura les hanches de ses bras et l’embrassait dans le cou. Ses mains se promenaient sous le chemisier de toile de son amante.

 

"Arrête ! pouffa Audrey en essayant de se dérober.

 

- Quoi ? demanda Anne innocemment sans obéir.

 

- Je suis en position d’infériorité, là.

 

- Et c’est désagréable à ce point ?

 

- Non ! C’est simplement que je ne peux pas faire la même chose… Quoique…"

 

Audrey laissa tomber ce qu’elle faisait et fit une rapide volte face ; elles se retrouvèrent dans les bras l’une de l’autre, Anne plaquée contre le mur de la cuisine, échangeant un baiser passionné.

 

Anne ouvrit rapidement les yeux en entendant s’ouvrir la porte de la cuisine. Elle eut juste le temps de voir Sandra rougir et ressortir précipitamment. Elle retint un petit rire et se dégagea d’Audrey.

 

"Tu peux venir, Sandra, cria t-elle."

 

Audrey lui lança un regard interrogateur.

 

"Elle est arrivée sur nous, chuchota Anne juste avant le retour de la blonde.

 

- Tu ne touches à rien, surtout, Sandra : Anne et moi, on prépare tout. Tu peux mettre la table, par contre !"

 

Après le repas, François fit sa sieste. Audrey travaillait sur l’ordinateur parental. Anne et Sandra prenaient l’air sur la terrasse.

 

"Vous puez le bonheur, toutes les deux, dit Sandra.

 

- Oui, admit Anne en riant. Quand j’arrive à l’arracher du pc. Ce n’est pas aussi simple que tu crois.

 

- C’est une informaticienne.

 

- Oui, mais parfois, j’aimerais qu’elle soit plus présente. Je sais, je demande beaucoup… Mais c’est vrai que je suis heureuse. Elle est plus détendue, ici.

 

- Je mets beaucoup de pression sur vous, lors du tournage, je sais.

 

- Il en faut, Sandra. Mais je me rends compte qu’Audrey gère très mal la pression. Je me demande comment ça se passe dans son boulot."

 

Franck, le correspondant canadien, arriva à la gare de Tonnerre le mercredi suivant. Anne fut rassurée de constater qu’elle n’était pas la seule à ne pas trop l’apprécier. Elle commençait à se demander si elle n’éprouvait pas de la jalousie, simplement. Mais Sandra n’accrochait vraiment pas non plus. Il n’avait qu’un mot à la bouche : "Mon Eglise." A croire qu’il était en campagne d’évangélisation. Bien entendu, tout le temps qu’il fut là, Anne et Audrey gardèrent leurs distances en sa présence. La nuit, ils se réunissaient dans le jardin, et admiraient les étoiles, comptant les étoiles filantes et faisant tout autant de vœux. Sandra et Franck se chamaillaient sur les constellations. Lui, ne voyait qu’un tas d’étoiles là où Sandra essayait de découvrir des formes.

 

"Je vais voir ce que fait Audrey, dit Anne en les laissant débattre sur le Scorpion."

 

Sa compagne avait promis de les rejoindre depuis une heure déjà et elle n’avait pas paru. Anne entra dans la maison silencieuse. Elle vit de la lumière dans la chambre des parents d’Audrey.

 

"Que fais-tu ? chuchota t-elle pour ne pas réveiller François.

 

Audrey déconnecta l’ordinateur.

 

- Je regardais mon courrier. François a eu du mal à s’endormir. Je viens.

 

- Tout va bien ?

 

- Oui. Allons-y."

 

Elles s’allongèrent à côté des deux autres. La nuit empêchait Franck de voir ce qui se passait ; Audrey prit la main d’Anne et la serra très fort. Anne se demandait ce qui se passait encore avec sa partenaire mais elle savait que ce n’était pas encore le moment de le lui demander…

 

Le matin suivant, ils partirent à la découverte des ruines d’un château de la région, que des jeunes avaient entrepris de restaurer en utilisant les mêmes techniques qu’au Moyen Age. Ils prirent un nombre impressionnant de photos, tant des ruines que d’eux. A la fin de la matinée, ils rentrèrent à Tonnerre pour le déjeuner. Pendant la sieste de François, ils discutèrent des sujets d’actualité, notamment la violence dans les banlieues, ce qui amena une fois de plus Sandra à supplier Anne de déménager, par égard pour sa voiture. A écouter Franck, le Canada était largement en avance sur la lutte contre la délinquance et la France devrait suivre l’exemple de ce pays. Il commençait sérieusement à énerver la Créole.

 

Elle le vit partir avec grand plaisir, le dimanche suivant. Sandra partit le même soir, elle devait rentrer à Bourges pour le travail.

 

Ce mardi-là, alors que les deux jeunes femmes étaient dans la petite piscine, elles se rendirent compte qu’il y avait un moment qu’elles n’avaient pas entendu François.

 

"Ne bouge pas, je vais voir ce qu’il fait, proposa Anne.

 

- Merci."

 

Elle passa une serviette autour de ses hanches. Son expérience lui avait appris qu’un enfant trop silencieux est un enfant qui fait une bêtise. Elle entra dans la maison. François n’était ni devant la télévision, ni dans la cuisine. Elle passa la tête par la porte de la chambre de l’enfant. Rien.

 

"François ?"

 

Elle entendit un bruit dans la salle de bain, puis François se mit à pleurer. Elle entra dans la pièce et le vit, debout sur une chaise devant le miroir. Il avait la lèvre qui saignait et il pleurait. En un regard, elle eut vite compris ce qui s’était passé. Il devait être en train de jouer avec le rasoir de son grand-père et quand elle l’avait appelé, il s’était coupé.

 

"Dis pas à maman, supplia t-il.

 

- Allons, déjà, on va te soigner…"

 

Elle prit du coton qu’elle mouilla et comprima la blessure. Audrey arriva au même moment.

 

"Que se passe t-il ?

 

- Il s’est blessé avec un rasoir. J’essaie d’arrêter le sang. Trouve quelque chose pour désinfecter. Tu verras, mon chéri, ce n’est rien."

 

Anne leva le coton pour examiner la blessure. Ce n’était vraiment pas grand-chose, mais elle se demandait ce que sa compagne allait encore s’imaginer. Y verrait-elle un nouvel avertissement divin, surtout après les diatribes de Franck sur Dieu ?

 

Audrey revint et prit le relais.

 

"Voilà ce qui arrive quand on joue avec les effets des adules, François. Laisse-moi faire…"

 

Elle soigna l’enfant, qui, rassuré, ne tarda pas à aller se vautrer devant la télévision. Elle retrouva Anne dans la chambre et posa sa tête sur son épaule.

 

"Il me tuera, ce gosse, mon amour."

 

Anne était un peu plus rassurée…

 

Le soir, Anne errait comme une âme en peine dans la maison. Audrey était, comme souvent ces temps-ci, devant l’ordinateur. Au bout d’un moment, elle sortit et s’assit sur les marches. S’imaginait-elle seulement qu’Audrey semblait une fois de plus s’éloigner ? Elle ne savait plus. Bien sûr, les deux dernières semaines, elles s’étaient rapprochées. Mais depuis que Franck était venu, Audrey était distante.

 

Elle se leva. Elle avait besoin de marcher. La nuit était noire. Elle quitta le petit jardin et s’avança dans la rue étroite et déserte. Les parents d’Audrey habitaient un peu à l’écart du centre ville, dans une rue qui ne comptait que quelques maisons. Elle ne savait pas combien de temps elle avait marché. Quand elle revint, il y avait de la lumière dans le salon.

 

Audrey l’y attendait. Elle avait un visage fermé.

 

"D’où viens-tu ? J’étais folle d’inquiétude.

 

- Je suis allée marcher.

 

- Tu aurais pu me prévenir.

 

- Tu étais occupée, avec cet ordinateur. Comme hier, et avant-hier aussi. Bon, je vais me coucher, je suis fatiguée."

 

Audrey se coucha près d’elle, consciente que la jeune femme avait un problème. Anne lui tournait le dos, mais elle sentait que ses yeux étaient grands ouverts.

 

"Que se passe t-il ?

 

- Rien.

 

- Anne…

 

- Tu sais, il n’arrive pas souvent que nous ayons du temps vraiment à nous. En temps normal, nous sommes prises par notre travail, le tournage et que sais-je encore. Là, nous sommes enfin en vacances, avec la possibilité d’être ensemble. Et tu passes plus de temps avec cet ordinateur qu’avec ton fils et moi.

 

- Je ne m’en rendais pas compte. Je suis désolée, Anne. Mais dis-le, aussi, quand tu as quelque chose sur le cœur. Ne passe pas ton temps à fuir. Un jour, j’en aurais peut-être assez de te courir après. A chaque fois qu’on se dispute, tu fuis… Et on dira que c’est moi qui ai des problèmes de communication.

 

- Je préfère ne pas te dire des choses que je ne pense pas, la fuite est parfois le meilleur moyen… En ce qui concerne le temps que tu me consacres, je ne vais pas non plus te supplier de passer des moments avec moi.

 

- Je sais. Je n’ai pas réalisé ce que je faisais…"

 

Elle attira Anne contre elle. Vaincue, la jeune brune se laissa embrasser. Audrey l’entoura de ses bras et elles s’endormirent.

 

Aussitôt son fils endormi, à l’heure de la sieste, le lendemain, Audrey vint trouver Anne qui lisait une bande dessinée sur le lit. Elle arborait un grand sourire. Elle retira lentement le livre à son amie et l’allongea sur le lit.

 

"Qu’est ce que tu fais ?

 

- J’ai envie de toi, mon amour, murmura Audrey d’une voix rauque."

 

Elle la déshabilla et commença une exploration minutieuse de son corps… Les doutes d’Anne s’envolèrent brusquement.

 

Le lendemain, François ne semblait pas dans son assiette. Il ne mangea pas, prétextant avoir mal à la gorge. Sa mère l’examina. Il présentait une boule assez grosse dans le cou.

 

"On va aux urgences, déclara t-elle."

 

A l’hôpital, l’enfant fut rapidement pris en charge. N’ayant aucun lien de parenté légal avec lui, Anne fut obligée de rester dehors, à attendre. Une attente qui dura plus de trois heures. Trois heures durant lesquelles elle se demandait ce qui se passait, personne ne pouvant la renseigner.

 

Enfin, elle vit sa compagne et François revenir. Audrey tenait son fils par la main. Anne se leva.

 

"Alors ?

 

- Rien de grave, rassura Audrey. Apparemment, il s’agit des oreillons. Je dois revenir dans deux jours."

 

Au bout des deux jours, la petite boule s’était rétractée. L’enfant avait été fiévreux, mais c’était normal. Il semblait d’ailleurs aller mieux et était d’attaque pour accueillir ses grands-parents et ses cousins qui revenaient avec leurs parents ce jour-là.

 

La mère d’Audrey, Anise, était une femme encore jeune, mince et blonde. Anne était persuadée qu’Audrey tenait sa nervosité de cette femme. Le père, Bertrand, était de taille moyenne, brun et jovial. Anne savait que sa compagne avait toujours eu un problème relationnel avec cet homme et cela se voyait à leur comportement. Pourtant, le père semblait faire des efforts pour arracher quelques mots à sa fille. Audrey était enfermée dans une sorte de réserve qu’Anne ne s’expliquait pas.

 

Tous deux semblaient assez contents qu’Audrey ait enfin une amie. Anne n’était pas persuadée qu’ils seraient aussi contents s’ils savaient quel genre particulier d’amie elle était.

 

Pourtant, elle eut vraiment l’impression de passer un interrogatoire, à un moment. Pendant que les sœurs faisaient prendre le bain aux enfants, que Gérard et Anise faisaient la cuisine, Anne se retrouva seule sur la terrasse avec Bertrand.

 

"Alors, tu fais quoi, dans la vie, Anne ?

 

Elle se mordit les lèvres. Elle avait l’impression de revivre, en vrai, la pièce de théâtre qu’elle avait jouée en décembre.

 

- Je suis hôtesse. Mais je prépare un examen d’entrée dans une école de théâtre et de chant.

 

- C’est bien, ça. Ça change de l’uniforme, vois-tu. Mon aîné est dans la police, la petite dernière dans l’armée, et le fils est cuistot. Ça fait longtemps que tu connais Audrey ?

 

- Quelques temps, éluda Anne.

 

- Vous vous êtes rencontrées comment ? Elle ne sort pas beaucoup, d’après ce que je sais de sa vie.

 

- Euh… grâce à Internet, dit Anne en songeant à la conversation qu’Audrey avait eue à ce sujet avec sa mère.

 

- Moi, je m’y mets petit à petit. Mais elle, c’est son boulot. C’est bizarre de se rencontrer comme ça… Tu viens de la Réunion, Audrey m’a dit ?

 

- En effet. Ma famille vit là-bas.

 

- J’y ai été, une fois, quand j’étais dans la Marine. C’est un beau pays."

 

Elle aiguilla la conversation sur la Marine Nationale. Fille d’un ancien sous officier de ce corps d’armée, elle en savait assez pour en parler, évitant ainsi à la conversation de trop tourner autour d’Audrey et elle. Les autres ne tardèrent pas à les rejoindre sur la terrasse, pour l’apéritif. Anne pensa à sa mère : si cette dernière voyait à quelle vitesse les bouteilles d’alcool descendaient, elle en ferait une crise d’apoplexie. L’ambiance était joyeuse. Audrey avait enroulé sa jambe autour de celle de sa partenaire, sous la table. Les enfants jouaient, non loin. Tout le monde taquinait Annabelle sur la quantité de verres qu’elle avait déjà pris…

 

Un véritable camping s’était organisé dans la maison. Les enfants dormaient dans la chambre d’Audrey, Annabelle et son mari dans la leur, et Anne et Audrey déménagèrent au salon, sur le canapé.

 

Annabelle veilla avec elle. Elle brodait, tandis que sa sœur et Anne faisaient la conversation. Quand elle décida à aller se coucher, les deux jeunes femmes se mirent au lit à leur tour.

 

"Ce n’était pas si terrible, chuchota Anne. J’avais peur que tes parents ne se doute de quelque chose, que François ne fasse une gaffe…

 

- Moi aussi. Ça pourrait arriver si vite ! Je ne sais pas comment ils réagiraient, mais… mais je dois dire que je m’en fiche. Qu’ils pensent ce qu’ils veulent.

 

- Que se passe t-il entre ton père et toi ?

 

- Quand je lui ai annoncé que j’étais enceinte, sa première phrase a été : "Tu avortes quand ?" Je n’ai jamais réussi à totalement pardonner. Maintenant, bien sûr, il adore François…

 

- Qui le lui rend bien. Ils s’entendent comme larrons en foire, on dirait.

 

- Oui. François est le seul qu’il emmène partout avec lui. J’essaie de faire des efforts mais ce n’est pas si facile."

 

Anne serra son amante contre elle. Elle partait le lendemain matin à Paris, la laissant ici.

 

"Et reviens, ce week-end, insista Anise, alors qu’Anne démarrait la voiture."

 

La route, seule, jusqu’à Paris fut un vrai supplice. Elle reprenait le travail dès le lundi matin et ne se sentait aucunement l’envie d’y retourner… Elle en avait vraiment assez de cet emploi d’hôtesse. Comme elle l’avait dit au père d’Audrey, elle se préparait à entrer dans une école de théâtre, sa passion de toujours. Elle devait préparer deux scènes, pour l’audition. Elle avait choisi Phèdre, de Racine, et la Mégère apprivoisée.

 

La semaine fut longue aux yeux de la jeune femme. Elle n’aspirait qu’à retrouver sa compagne et leur fils.

 

Elle arriva à Tonnerre le samedi, un peu avant midi. Elle s’était arrêtée au centre ville, pour retirer de l’argent.

 

"Anne ! AAAnne !"

 

Elle se retourna. Anise lui faisait signe de la main. Elle revenait visiblement de la boulangerie.

 

"Bonjour. Tu as retrouvé facilement la route ?

 

- Bonjour. Oui, ça a été, merci. Audrey vous a parlé de ma tendance à me perdre ?

 

- Oui, elle était un peu inquiète. Tu me ramènes à la maison ?"

 

Elle retrouva toute la petite famille, réunie dans le jardin. François lui sauta dans les bras, ravi, apparemment de la revoir. Elle apprit qu’il avait reçu un nouveau ballon, avec son grand-père. Audrey lui fit la bise, comme si elle n’était qu’une simple amie, mais elle comprenait et savait qu’elle n’aurait pas su comment réagir dans le cas contraire.

 

L’après-midi, elles allèrent avec Annabelle acheter le cadeau d’anniversaire d’Anise. Plus d’une fois, Audrey et Anne sentirent le regard curieux et interrogateur d’Annabelle sur elle. Il était certain que la sœur de la militaire se doutait de quelque chose, mais elle n’en parla pas.

 

C’était la nuit. Il n’y avait plus un bruit dans la maison. Anne et Audrey s’étaient glissées dans le canapé où elles devaient dormir. Audrey serra sa compagne dans ses bras.

 

"Enfin ! Enfin, mon amour !"

 

Elles s’embrassèrent longuement.

 

"La semaine m’a parue longue, soupira Audrey.

 

- A moi aussi. Je suis heureuse d’être là, enfin.

 

- Moi, je suis heureuse que tu sois là. Oh je t’aime… J’ai attendu toute la journée de pouvoir te serrer dans mes bras…"

 

Elles rattrapèrent le temps perdu, en restant longuement éveillée, en discutant entre caresses et baisers.

 

"Maman t’a raconté quoi dans la voiture ?

 

- Rien de particulier, tu sais… On a parlé des enfants, surtout, si je me souviens bien.

 

- Tu sais, ça m’a fait bizarre qu’elle te tutoie. Elle n’a jamais tutoyé aucun de nos amis. Même le père de François, elle l’a vouvoyé longtemps.

 

- Je ne sais pas, elle ne m’a jamais vouvoyée.

 

- Elle doit sentir, sans le savoir, que tu es un membre de la famille, sourit malicieusement Audrey."

 

Annabelle, Audrey, Anne et les enfants se rendirent l’après-midi à la foire expo. Les enfants étaient ravis.

 

"Vous êtes sûres que vous voulez rentrer à Paris ce soir ?

 

- Oui, Annabelle. Je reprends le travail mercredi, Anne aussi. Il faut se remettre de la route. Et j’ai pleins de trucs à acheter, pour la rentrée scolaire."

 

Il était vrai que François allait entrer à l’école, en septembre. Anne, de son côté, si elle avait apprécié les vacances en Bourgogne, avait hâte de reprendre leur vie parisienne, depuis le retour de la famille d’Audrey. Ils étaient tous sympathiques, mais en leur présence, elle n’était pas totalement à l’aise, à cause de ce qu’elle était pour Audrey…

 

 

 

Chapitre 26

 

 

 

Dès le premier week-end de leur retour, on recommença le tournage. François était chez son père. Matthieu était revenu, pour terminer ses dernières scènes en intérieur. Comme si Paris lui pesait vraiment trop, Audrey était redevenue nerveuse et agressive. Elle était tendue depuis l’arrivée à Colombes du groupe. Le samedi soir, elle piqua une crise de nerfs, sans motif particulier. Elle entra en trombe dans la cuisine, où Anne préparait à manger pour tout le monde.

 

"Je n’en peux plus. Il faut que ça s’arrête.

 

- Que s’est-il passé ?

 

- Rien. On fait tout ce qu’on peut, maintenant, pour qu’ils ne devinent pas notre relation, et j’en entends encore qui nous appellent les PACSEES.

 

- Calme toi, je…

 

- Je ne me calme pas. Laisse-moi gérer ça.

 

- Tu ne gères pas, là, tu t’énerves pour rien. Où est le mal ? Après tout, nous sommes ensemble, oui ou non ?"

 

Audrey partit dans la chambre. Anne continua à cuisiner, agacée par son amie. Sandra entra :

 

"Je vais déposer Christophe et Matthieu à Sartrouville après le repas. Je n’ai pas tout compris, avec Audrey, là. Elle s’est calmée ?

 

- Aucune idée.

 

- Toi, ça va ?

 

- Je ressens son état de nervosité, et ça me porte sur les nerfs, aussi. Je pensais que les vacances la calmeraient plus que ça. Bon, c’est prêt."

 

Le repas fut vite avalé. Avant de partir, Christophe insista pour voir les rushes des dernières prises de vue. Anne était dans la cuisine, ayant besoin de s’isoler des autres. Audrey vint la trouver, pendant que les autres regardaient les scènes tournées ce jour-là. Anne se détourna vers la fenêtre, sans lui parler.

 

"C’est bon, qu’est ce que j’ai encore fait ? soupira Audrey, excédée.

 

- Tu es toujours à t’énerver pour rien, tu comprendras que ça me pèse aussi.

 

- Oh, bon sang !"

 

D’un geste rageur, elle retourna avec les autres au salon. Anne commença la vaisselle. Audrey revint. Elle portait d’autres assiettes. Anne se retourna vers elle et la prit par l’épaule.

 

"Ecoute, je suis désolée. Je…"

 

Elle avait essayé de prendre la jeune rousse dans ses bras. Celle-ci résista et la regarda droit dans les yeux, avec dureté.

 

"Anne, non. Ça ne se passe pas comme ça. Il me faut du temps, pour avaler ça.

 

- Avaler quoi ? Alors moi, j’accepte ta mauvaise humeur, et j’accepte de t’ouvrir les bras quand ça te chante, mais je n’ai pas le droit de craquer moi aussi ?

 

Elle donna un grand coup de poing sur le plan de travail, surprise par sa propre violence.

 

- Tu me bouffes les nerfs, Audrey ! Je suis toujours sur le qui-vive avec toi. Toujours à me demander si ça va aller, si tu es de bonne humeur, comment tu vas réagir… J’en ai assez. Assez !"

 

Sa voix était montée rapidement dans des tonalités aiguës. Laissant là la vaisselle, elle sortit en trombe de la cuisine. Les autres avaient entendu les éclats de voix. Audrey l’avait suivie.

 

"C’est ça, Anne, fuis encore.

 

- Je fais ce que je veux. J’en ai assez de faire des efforts avec toi. J’en ai tellement assez que j’arrête là. C’est fini, Audrey.

 

- Alors c’est fini, cria Audrey en lui lançant un regard noir."

 

Sous l’œil médusé des autres, Anne claqua la porte d’entrée. Elle courut jusqu’à sa voiture et démarra en trombe. Elle ne savait pas où elle allait, elle s’en fichait. Elle avait besoin de rouler pour évacuer le stress et la colère.

 

Cette colère, elle la sentait vibrer en elle. Elle se rendait compte qu’elle la portait en elle depuis très longtemps. Elle aimait Audrey. Elle ne supportait plus de cacher leur relation, et cela depuis un moment déjà. Elle avait l’impression que sa partenaire avait honte de cette relation. L’extrême nervosité d’Audrey la touchait elle-même à chaque fois. A chaque fois, elle avait agit comme si elle pouvait passer dessus. Mais elle avait accumulé. Elle n’oubliait pas la souffrance ressentie, quand Audrey s’était éloignée d’elle au mois de juin. Elle vivait désormais dans la peur constante de perdre la jeune femme et cela aussi jouait sur ses nerfs.

 

Elle ne savait combien de temps elle avait roulé ni où elle était partie. Elle s’était retrouvée dans le parking de sa rue, sans savoir comment. Ayant éteint les feux et le moteur, elle resta là, dans le noir, à ruminer. Quelqu’un frappa à la vitre. Elle releva la tête. C’était Sandra. Elle ouvrit la porte et la jeune blonde s’installa à côté d’elle.

 

"On était tous inquiets. Où étais-tu passée ?

 

- Je ne sais pas. J’ai roulé.

 

- J’ai déposé Christophe et Matthieu. Ils étaient inquiets, eux aussi. Ils semblaient vraiment désolés de ce qui s’est passé…

 

- Ils ont compris quelque chose ?

 

- Que vous vous êtes disputées, oui, tout le monde l’a clairement compris. Mais que vous êtes en couple, je ne sais pas.

 

- Où est-elle ?

 

- Dans l’appart. Elle est restée une heure dans ta chambre, pour se calmer, et elle nous a rejoint après. Tout le monde se demandait où tu étais passé.

 

- Rentrons."

 

Elle fut accueillie par les regards inquiets de ses amis. Personne ne lui posa de question. Elle s’excusa d’être partie comme ça et déclara qu’elle allait prendre une douche, avant de dormir.

 

Quand elle sortit de la salle de bain, tout le monde était déjà couché. Audrey l’attendait dans le lit. Elle se coucha, sans un mot.

 

"Je sais que je suis impossible à vivre, murmura Audrey. Je suis désolée, mon amour.

 

- Je n’aurais pas dû réagir comme ça."

 

Elle n’arrivait à dire plus. Elles s’endormirent en se tenant la main, espérant que tout irait mieux…

 

Le lendemain, ils tournèrent en Normandie. Anne et Audrey étaient un peu distantes l’une de l’autre, mais essayaient en douceur de se ré apprivoiser. Ils rentrèrent déjeuner à Colombes : Ophélie devait retourner chez elle, à Marne-la-Vallée car elle avait un spectacle de danse, le soir. Tous ses amis étaient conviés.

 

Sandra prit Aurore, Evelyne, Christophe et Cerise dans sa voiture. Matthieu était rentré chez lui. Anne et Audrey partirent avec leur propre véhicule.

 

Anne avait pris cette vieille habitude, depuis leur escapade au Mont Saint Michel, de poser sa main sur la cuisse d’Audrey quand elle conduisait, lorsqu’elles étaient seules. Ce jour-là, elle ne l’avait pas fait, au début du voyage, ne sachant pas comment l’interpréterait sa compagne. Mais instinctivement, sa main prit sa place, au bout de quelques minutes dans un embouteillage sur le périph. Audrey sourit et se pencha vers elle pour lui embrasser l’épaule. Quand elle se remit en place, elles constatèrent toutes les deux que les passagers d’un camion avaient l’œil rivé sur elles. Un œil on ne peut plus lubrique. Elles restèrent silencieuses un moment. Anne s’arrangea pour changer de file. La voiture de Sandra se dessinait quelques mètres en avant.

 

"Tu crois que les JEV t’ont vue ? demanda Anne.

 

- Aucune idée. Après tout, qu’ils pensent ce qu’ils veulent… Oh, ces deux imbéciles, dans le camion, par contre… je les aurais émasculés sur place.

 

- Charmant, sourit Anne. Ça m’agace aussi, ce genre de regard. On dirait que ceux qui nous voient ensemble croient que notre relation est basée uniquement sur le sexe. Qu’il n’y a pas de sentiment. Et ce genre de mec serait capable de vouloir s’inviter dans notre lit. C’est répugnant !

 

- Salauds !"

 

Le spectacle avait lieu dans le gymnase de Boissy. Les parents d’Ophélie étaient là. Ils connaissaient les nouveaux amis de leur fille, et les saluèrent chaleureusement. Ils leur proposèrent de passer chez eux, après le spectacle, pour prendre un verre. Si Ophélie était une actrice née, elle dansait encore mieux, comme le constatèrent ses amis. Dès qu’elle était apparue sur scène, ils s’étaient tous levés, pour lui faire une ovation en acclamant son nom. Les parents de l’adolescente s’étaient joints à eux, amusés…

 

Le week-end suivant, ils étaient en comité restreint. Il restait à tourner en priorité des scènes avec Anne, Audrey, Sandra et Christophe. La première fut tournée à l’appartement. Le manque d’acteur étant toujours d’actualité, Christophe, en plus de son rôle de Jack O’Neill, jouait celui d’une bande entière de Jaffas, et celui du Goa’uld Mars. Une grande tenture ésotérique composait le fond du décor. Mars était assis sur son trône. A ses côtés, ses esclaves. Evelyne, le visage voilé, portait un sari. De l’autre côté, Anne ne portait qu’un minuscule soutien-gorge, et une longue jupe fendue, style Princesse Léia chez Jabba. Sandra n’avait pas voulu le croire, quand elle avait vu sortir son amie de la salle de bains.

 

"Tu vas vraiment oser ?

 

- Pourquoi pas ?"

 

La sortie de Christophe n’avait pas été moins spectaculaire. Il avait demandé aux filles de le laisser se préparer seul. Il était apparu, complètement métamorphosé. Il était impossible de le reconnaître. Il avait gommé son visage avec une infâme mixture rougeâtre, qui donnait l’impression de profondes rides et de pustules. Il portait un long manteau noir, et des gants en papier aluminium. Sur ses yeux, il avait un serre tête noir et il avait recouvert ses cheveux d’une large capuche noire. Il faisait vraiment peur à voir… il avait pris une voix caverneuse. On aurait dit le fils de l’Empereur Palpatine et de Dracula.

 

A Château Gaillard, les scènes avec les trois filles furent tournées dans la bonne humeur et avec une légèreté inhabituelles. Le fait de n’avoir pas tout le groupe sur le dos était moins pesant et elles prirent plaisir à jouer, pour la première fois depuis longtemps, laissant la complicité qu’il y avait entre elles transparaître à travers la caméra. Il y eu pas mal d’improvisations et de crises de fou rire, quand, lors d’une pause, Anne et Audrey entreprirent de draguer Sandra sous le regard amusé d’Evelyne et de Christophe qui filmait. La pauvre Sandra était toute rouge…

 

Ils convinrent qu’il était plus amusant de tourner avec moins de monde. Le film était presque bouclé.

 

 

 

Chapitre 27

 

 

 

Audrey avait envoyé un message à Anne, au bureau, pour qu’elles passent la soirée ensemble. Elle lui avait dit qu’elle attendait un coup de fil important à neuf heures, et qu’elle préférait que sa compagne n’y assiste pas. Anne était intriguée.

 

Elle attendait, dans le salon. Elle entendait la voix d’Audrey, son rire, sans savoir ce qu’elle disait, ni à qui elle parlait. François se réveilla, et Anne n’arriva pas à le persuader de se recoucher. Il alla dans la chambre de sa mère, qui téléphonait toujours. Audrey ne tarda pas à le raccompagner dans sa chambre. En repassant, elle déposa un rapide baiser sur les lèvres d’Anne avant de retourner au téléphone.

 

"Je n’en ai plus pour longtemps, mon amour."

 

Un quart d’heure plus tard, elle avait enfin fini son appel.

 

"C’était quoi ? demanda Anne.

 

- Une surprise. Je t’en parlerai quand tout sera en place."

 

Anne ne devait en savoir plus sur ce mystérieux coup de téléphone…

 

A la mi-septembre, les parents d’Anne annoncèrent qu’ils arrivaient pour quelques jours de vacances. Anne et Audrey passèrent une journée à remettre de l’ordre dans l’appartement.

 

La veille de l’arrivée de ses parents, elle était chez Audrey. François faisait la sieste. Elles étaient au lit. Par ses caresses, Audrey excitait Anne sans jamais sembler vouloir aller plus loin. La jeune femme sentait le désir monter en elle à chaque seconde. Elle essayait de provoquer Audrey, pour que celle-ci arrête de jouer et passe enfin aux choses sérieuses. Audrey, sentant que sa victime était au bord de l’explosion, si elle n’agissait pas, sourit et arrêta le mouvement que sa main effectuait.

 

"C’est bon, j’ai fini.

 

- Quoi ?

 

- J’ai dit j’ai fini.

 

- Certainement pas !

 

- Oh que si ! Tu as dit que tu préférais dormir chez toi, cette nuit, je crois ?

 

- Oui, mais ça ne change rien !

 

- Pour moi si. Allez, il est temps de partir, mademoiselle O’Hara."

 

Anne comprit qu’Audrey ne plaisantait pas. Frustrée, elle se leva et elle ajusta ses vêtements. Elle prit son sac sur le sol et se prépara à partir.

 

"A quoi ça rimait, tout ça ? demanda t-elle sèchement.

 

- Je voulais m’assurer que tu penserais à moi, pendant ces quinze jours où nous ne nous verrons pas."

 

Elles échangèrent un long baiser, avant qu’une Anne un peu énervée ne quitte Bourg-la-Reine.

 

Le lendemain, elle appela Audrey à son bureau. On lui apprit que le sergent n’était pas encore arrivé. Elle consulta sa montre : neuf heures. Audrey avait une demi-heure de retard. Elle réessaya en cours de matinée. Cette fois, un des collègues de la jeune femme lui apprit qu’Audrey avait eu un souci de santé et qu’elle ne travaillait pas. Anne appela la jeune femme chez elle, sans succès.

 

L’après-midi, elle était à Orly, quand elle appela une nouvelle fois.

 

"Allô ?

 

- Audrey ! Tu sais que je me suis inquiétée toute la journée ?

 

- Je suis désolée, mon amour. Je me suis fait une entorse, dans le métro. On m’a envoyé à l’hôpital militaire. Le temps qu’ils s’occupent de moi, il était déjà midi. Un collègue m’a ramené à la maison.

 

- Comment t’es-tu débrouillée ?

 

- J’allais trop vite. J’ai glissé dans les escaliers. J’ai envie de t’avoir près de moi, là, avec tes doigts magiques pour me masser.

 

- J’aimerais bien mais je ne peux pas. Tiens, l’avion arrive. Je te rappelle demain, mon ange."

 

Ses parents la trouvèrent changée. Jamais ils ne lui avaient vu ce sourire permanent, cette lumière dans le regard, comme le lui confia sa mère. Elle se contenta de dire qu’elle avait repris le dessus, depuis la dernière fois où ils l’avaient vue. Elle aurait aimé pouvoir leur dire qu’elle était amoureuse. Mais elle doutait qu’ils comprennent. Elevés dans une île repliée sur elle-même, catholiques pratiquants, ils n’admettraient pas la vie de leur fille.

 

Ils devaient passer leur séjour sur les routes de France. Jacques, le père d’Anne, détestait Paris et ne pouvait y rester plus que nécessaire. Avant de prendre la route, Anne leur demanda de l’attendre à Colombes.

 

"Audrey s’est foulé le pied, dit-elle. Je veux m’assurer que tout va bien."

 

Elle leur avait parlé d’Audrey. Ses parents savaient que les deux jeunes femmes étaient très proches l’une de l’autre. Jamais il ne leur viendrait à l’esprit, cependant, qu’elles étaient amantes.

 

Audrey fut surprise et contente de voir Anne. Elle avait la cheville enflée mais avait pris l’incident avec philosophie. Anne lui promit de l’appeler le plus souvent possible.

 

Les quinze jours suivants se passèrent à parcourir la France. Les parents d’Anne avaient pour projet d’aller à Lourdes. Ils s’arrêtaient dans des petites villes, pour déguster les spécialités locales et visiter quelques monuments. Une fois à Lourdes, ils assistèrent ensemble à la messe. Anne avait un sentiment partagé, sur cette ville. Autant elle aimait l’enceinte de la grotte, toute propice au recueillement, autant elle détestait la ville elle-même, et ses commerces de bondieuseries. Elle s’y laissa prendre, tout de même, une fois : elle acheta à Audrey et à elle deux petites croix en argent identiques, et une Bible pour enfants à François. De Lourdes, ils se rendirent en Andorre. Ils remontèrent ensuite vers les Alpes, toujours pour visiter un haut lieu du catholicisme, la Salette. Ils en profitèrent pour se rendre à Chamonix et visiter la région. Ils regagnèrent ensuite la région parisienne, pour se reposer quelques temps, avant d’aller passer une journée à Lisieux. Anne avait oublié à quel point la religion et les pèlerinages faisaient partie intégrante de la vie de sa famille. Cela ne la dérangeait pas.

 

A chaque étape, elle envoyait à Audrey une carte postale. Ses parents lui proposèrent d’inviter son amie à dîner, le dernier soir où ils étaient en France. Elle déclina l’offre, disant que la jeune militaire étant légèrement handicapée par sa chute dans le métro aurait du mal à se déplacer. Intrigués de cette résistance, ils n’insistèrent pourtant pas.

 

Elle les déposa à l’aéroport et se rendit chez Audrey, heureuse de retrouver sa compagne. Elle sembla touchée par le cadeau et le mit tout de suite à son cou…

 

Anne passa son audition le lendemain à midi. Elle était prise et devait commencer les cours au mois de janvier suivant. Elle appela aussitôt Audrey pour le lui annoncer. La jeune femme attendait cet appel et eut un petit cri de joie en apprenant la nouvelle.

 

"Je savais que tu réussirais, mon amour, dit-elle. Arrive vite."

 

Elles fêtèrent ça au restaurant avec François. Anne apprit qu’Audrey avait appelé Sandra aussitôt après son coup de fil, pour lui annoncer la bonne nouvelle. "Il fallait que je le dise à quelqu’un : j’étais tellement fière de toi !"

 

Paradoxalement, Audrey semblait éviter tout contact physique avec Anne quand elle le pouvait. Anne sentait qu’elle reprenait ses distances. Leur relation s’essoufflait et Anne essayait vainement de lutter. Elle sentait obscurément qu’elle perdait Audrey, quoiqu’elle fasse. Ce fut en consultant ses mails sur l’ordinateur d’Audrey qu’elle vit l’adresse d’un site Internet qui l’intrigua : le Jesus’ Cafe. Elle n’y prêta pas trop attention, les premières fois. Mais un jour, au bureau, elle ne savait pas quoi faire et tapa l’adresse pour savoir de quoi il s’agissait.

 

 

 

Chapitre 28

 

 

 

Elle regardait l’écran et laissa la colère l’envahir toute entière. Ce n’était pas ces colères qui explosaient. C’était une de ces colères froides qui semblaient parfois prendre possession d’elle. Elle ouvrit sa boîte de messagerie et tapa un message à l’adresse d’Audrey.

 

"Cette fois, c’est vraiment fini. Je n’ai plus confiance en toi."

 

Elle avait ensuite essayé de négocier un congé avec son patron. Il n’était pas heureux, car elle revenait à peine de vacances.

 

"Virez-moi, si ça vous chante, lui lança t-elle.

 

- Anne, je ne peux pas vous laisser partir comme ça. J’ai des responsabilités et vous aussi.

 

- Ecoutez-moi, Emmanuel. Nous avions convenu que vous me licencierez en décembre. Je me fiche royalement que vous avanciez cette date. Je ne peux pas travailler en ce moment, et je ne viendrais pas demain. Arrangez-vous comme vous pourrez."

 

Elle resta injoignable deux jours durant. Elle vivait comme dans un cauchemar. Elle restait au lit, sans manger, avec pour seule compagne, une bouteille de whisky. Le téléphone sonnait, elle ne répondait pas. Elle ne dormait plus. Le troisième jour, elle appela Audrey.

 

"Pourquoi ? demanda t-elle.

 

- Je ne sais pas. Je ne suis pas prête à m’expliquer, Anne. On en reparlera."

 

Sandra commençait elle aussi à s’inquiéter. Anne décida de répondre à son appel.

 

"Anne, enfin ! J’essaie de te joindre depuis des jours ! Audrey, que j’ai fini par appeler m’a dit qu’elle ne savait pas où tu étais. Que se passe t-il ?

 

- Il se passe qu’Audrey et moi, c’est fini. Elle fréquente assidûment un site de rencontres entre chrétiens. Elle se cherche quelqu’un d’autre, Sandra. Un homme."

 

Sandra était atterrée ; apparemment, elle non plus ne se doutait pas de ce que manigançait Audrey. Elle promit de monter à Paris voir son amie dès le week-end suivant.

 

Anne se connecta une nouvelle fois sur le site. Elle choisit de payer un abonnement, pour pouvoir accéder au chat. Elle y retrouva Audrey, bien entendu. Au début, elle agissait sous couvert d’une autre identité. Elle y découvrait un visage d’Audrey qu’elle ne connaissait pas, celui d’une fervente chrétienne. Sandra passa la voir, comme promis. Elle trouva une sorte de fantôme sur pieds. Elle ne réussit pas à la convaincre de manger. Quand elle repartit, Anne était consciente que son amie était plus qu’inquiète pour elle.

 

Un jeudi soir, elle alla l’attendre devant l’école militaire. Audrey fut surprise de la voir, mais elle monta dans la voiture d’Anne.

 

"François est chez mes parents, dit-elle. Ça nous laissera le loisir de discuter."

 

Anne n’avait pas mangé depuis des jours. Elle avait des cernes et la souffrance et la colère emplissaient ses yeux. Elles parlèrent de tout et de rien, durant le trajet. Audrey proposa qu’elles se rendent au restaurant. Aucune des deux ne pouvait aborder le sujet qui les tourmentait. Elles rentrèrent à l’appartement d’Audrey sans avoir une seule fois parlé de leur situation.

 

"Audrey, je vais rentrer, et on n’a pas parlé.

 

- Je sais. Je sais aussi qu’il faudra qu’on parle. Je pense qu’il fallait qu’on se ré ajuste, avant. Si tu veux, on en parle demain. Dors ici."

 

Anne avait l’impression de ne plus être à sa place, tant qu’elles n’auraient pas réglé cette histoire. Elle ne ferma pas l’œil de la nuit. Le lendemain, Audrey prit une douche très tôt.

 

"Il faut que je me rende au centre des impôts, dit-elle. Ecoute, je t’appellerais."

 

Anne ne dit pas un mot. Elles se séparèrent devant la voiture de la jeune brune. Cette dernière regarda Audrey qui marchait vers le centre ville. Anne resta dix minutes debout dans la rue, sans bouger.

 

"Là, c’est elle qui fuit !"

 

Elle se mit à courir. Ses hauts talons n’étaient pas adaptés mais elle s’en fichait, il fallait qu’elle rattrape la jeune femme avant que celle-ci ne prenne son RER.

 

Elle arriva à la station, essoufflée. Elle vit Audrey et l’appela. Surprise, Audrey marcha vers elle.

 

"Quoi ?

 

- Je suis désolée. Je ne peux pas te laisser partir comme ça. Ton centre des impôts attendra : il y a plus urgent."

 

Audrey était sur le point de dire quelque chose. Quelque chose de très désagréable, si Anne en croyait la tête qu’elle faisait. Elle soupira.

 

"Ok. Il y a un café par là. Allons-y."

 

Elles prirent place au fond de la salle. Il n’y avait pas beaucoup de clients, elles seraient tranquilles.

 

"Quand je t’ai envoyé ce mail, tu n’as pas cherché à savoir de quoi je parlais ?

 

- Je me doutais que tu avais découvert mon profil sur le site.

 

- Pourquoi as-tu fait ça ? Tu sais à quel point j’ai eu mal, quand j’ai vu ça ? Quand j’ai vu le but du site, ton profil… quand j’ai lu ces mots : "hoping to start a relationship" ? Quand j’ai vu que tu niais notre relation, quand tu disais que ta dernière relation remontait au père de ton fils ?

 

- Je sais. Je peux comprendre que tu aies eu mal, Anne. Je ne voulais pas te faire souffrir…

 

- Alors, pourquoi ça ?

 

- Je ne sais pas. La curiosité, peut-être. J’avais envie de savoir si on me répondrait. Et j’aime discuter avec ces gens. Ils parlent de Dieu. On s’était promis de le faire, et jamais on n’a abordé le sujet. Dieu n’approuve pas notre relation, Anne.

 

- Au diable ce genre de stupidités, Audrey. Si je ne parlais pas de Dieu avec toi c’est que j’avais peur que tu ne finisse par adopter ce genre d’idées extrémistes, vois-tu ?

 

- Ils n’ont peut-être pas tord. La Bible parle de ça. L’homosexualité est mauvaise.

 

- Non. Jésus n’en a jamais parlé, et crois-moi, il a abordé tous les sujets importants. Saint Paul, certes, fait des allusions. Mais si on avait écouté tout ce qu’à écrit Paul, il n’y aurait plus un seul être humain sur Terre. Tu ne peux pas laisser ces gens nous détruire, Audrey.

 

- Non… bien sûr que non, mais j’ai peur…

 

- Si tu m’aimes, et je sais que tu m’aimes, on pourra affronter ça ensemble, mon amour. Je suis prête à être patiente aussi longtemps qu’il le faudra. Mais je ne veux pas te perdre.

 

- Je ne sais pas si je peux aimer, Anne. Je ne sais pas aimer comme il faut.

 

- Je ne te suis pas, là.

 

- Je n’ai jamais été vraiment par mes parents. Ça joue, tu sais. Je suis un accident, et plus d’une fois on me l’a répété. Bon sang, Anne, même François, je ne sais pas si je l’aime comme il faut. Je l’ai eu trop jeune. Maintenant, il me semble comme un frein à ma vie. Et il y a toi. Je ne sais pas comment réagir, face à nous. Il y a des moments où j’ai l’impression que je pourrais me battre contre la terre entière pour notre amour et d’autres où j’ai envie de tout laisser tomber parce que ça me paraît immoral."

 

Elles parlèrent toute la matinée. Anne comprit qu’Audrey était manipulée dans ses pensées au moment où elle était le plus faible. Elle était prête à pardonner à Audrey d’être allée sur ce site. Elle était prête à lui ouvrir les bras et à tout oublier, pourvu qu’elle ne perde pas son amour. Elles se séparèrent à midi devant la voiture.

 

"Je te promets, Anne, que je ferais tout pour sauver notre couple. Il faut d’abord que je fasse un travail sur moi.

 

- Ne romps pas le contact, Audrey.

 

- Compte sur moi, mon amour, promit la jeune femme rousse en larmes en serrant sa compagne contre elle."

 

Elle appela Audrey deux jours plus tard. La jeune femme était froide. Comme si celle qui lui avait fait cette promesse sur le trottoir n’était qu’une illusion.

 

"Dieu m’a parlé, Anne. Il m’a montré à quel point nous avons fauté, toutes les deux. Si tu ne veux pas le comprendre, ce n’est pas ma faute. Je n’y peux rien, mais c’est fini."

 

Elle était atterrée. Dévastée. Elle se rendit sur le site, où, bien entendu, Audrey chattait avec les membres. Elle laissa éclater sa colère contre eux. Elle avait l’avantage de connaître la Bible et savait contrer leurs arguments. Rien n’y faisait. Ces gens-là étaient bornés. Elle se fit traiter d’animal, d’être démoniaque et de sale lesbienne. "Si tu ne veux pas voir la Justice de Dieu, libre à toi, lui dit-on. Laisse-nous Audrey et va t-en." Elle fut éjectée du chat aussitôt. Elle ouvrit Word et se mit à écrire une longue lettre, qu’elle envoya par email à Audrey.

 

Mon amour,

 

J’ai beau essayer de dormir, rien à faire. Je suis trop fatiguée, trop agitée pour y arriver. Je n’arrête pas de penser à tout ce qui nous arrive. Je ne sais pas plus que toi comment je dois réagir… Notre situation est aussi une première pour moi, tu sais. Je suis encore partagée entre différents sentiments. Je n’arrive pas à y voir clair.

 

Je suis, malgré tout ce que tu as pu me dire, persuadée que j’aurais dû faire plus pour sauver notre relation. Je n’arrive pas à comprendre comment tu as pu croire que pour moi, elle ne comptait pas et qu’elle était une erreur… Audrey, je te l’ai dit, tu es toute ma vie, même si tu ne le crois pas. Notre relation, j’y tiens plus que tout. Actuellement, je ne sais pas où elle en est. Je doute que tu le saches aussi, mais je ne peux pas me dire qu’elle est finie. Je ne peux certes pas forcer la porte de ton cœur, mais tu m’as dit que j’y avais une place. Donne-moi une chance de l’aider à guérir. Je me trompe peut-être, je prends peut-être mes désirs pour la réalité, mais en repensant à notre conversation, je ne peux m’empêcher de me dire que malgré toi, tu m’aimes encore ; mais tu as tellement peur de me voir te blesser que tu préfères te dire que tu ne sais pas aimer. Moi aussi, j’ai peur. Mais ce que j’éprouve pour toi est tellement fort que je me sens le courage de tout affronter. Même me battre contre tes peurs, s’il le faut. La seule chose contre laquelle je ne pourrais me battre serait ton indifférence. Je me sens tellement impuissante face à ta détresse ! Je donnerais tout ce que j’ai pour que tu ne souffres plus. Mais non seulement tu n’es pas prête à l’accepter, mais je n’ai rien d’autre à t’offrir que mon amour, et une écoute. J’ai toujours voulu t’écouter, mais tu n’as jamais voulu parler… Audrey, si je savais que cela te soulagerait d’une façon ou d’une autre, je pourrais mourir pour toi ; même la souffrance que j’endure, je l’accepterais avec joie, si à travers elle, ta blessure s’effaçait. Pourquoi ne peux-tu me croire ? Je ne vois pas l’intérêt que j’aurais à vouloir rester avec toi, si je cherchais à te mentir, à te tromper, si je ne t’aimais pas. Moi aussi, j’avais cette impression que tu n’accordais aucune importance à notre relation. J’en ai souffert sans t’en parler, car je ne voulais pas mendier l’amour. Et c’est pourtant ce que je fais, aujourd’hui. Mais si je le fais, c’est parce que, du plus profond de mon cœur, je sais que tu peux m’en donner, quoique tu en penses…

 

Je suis persuadée que la meilleure façon, pour toi, de guérir de ce manque d’amour et de confiance est de te laisser aimer. Je ne sais pas ce qu’on t’a dit de Dieu précisément, mais il est une chose que tu ne peux nier : il t’aime. Il peut seul guérir ton âme. Mais je veux bien l’aider. Au fait, tu dis que tu ne veux pas avoir besoin de quelqu’un, mais même Dieu a besoin de toi ! Il a besoin de chacun de nous. Je traverse, il est vrai, une grande période de doute quant à ma position dans mon Eglise, mais de lui, je ne doute pas. Je sais qu’il est là, présent, même si je ne le sens pas, et si au fond, c’est moi qui refuse de le voir, pour l’instant. Il est présent, plein d’amour et nous ne le voyons sans doute pas. Je me dis, en écrivant cette phrase que Dieu ressent peut-être, face à moi, ce que je ressens face à toi. Un sentiment d’impuissance totale, devant tant de portes fermées… Il ne peut que rester à la porte, continuer à frapper et à espérer qu’on lui ouvrira. Je veux, en fait, lui ouvrir, mais je suis bloquée, moi aussi, parce que je me pose trop de questions, pour le moment. Si tu le désires, je m’en ouvrirais à toi, un jour.

 

C’est vrai, mon Audrey, que j’ai le cœur qui saigne, en ce moment. C’est vrai que je ne peux m’empêcher de me sentir trahie par toi, suite à ces mots que tu as écrit sur ce site… Jamais, je pense, je ne pourrais te dire ce que j’ai ressenti, quand j’ai lu "hoping to start a relationship", sans compter le fait que tu avais complètement zappé notre relation, en disant que le père de François était la dernière que tu aies vécue. Tout ça, ce sont des mots, un geste que j’aurais du mal à oublier. Je me dis que je dois avoir ma part de responsabilité dans tout ça. A chaque fois que je vois ces mots, à chaque fois j’en pleure. Et je devrais être habituée, parce que je n’arrête pas de les lire. Rien à faire… Tu me disais que tu ne saurais plus réagir, face à moi, quant à tes correspondants. Je ne suis pas jalouse de ça, Audrey. J’avoue que je me suis déjà surprise à me dire que tu confiais sans doute à ces étrangers, alors que tu restais silencieuse face à moi… Mais, pour moi, il suffit que tu me dises qu’il n’y a personne d’autre pour que je te croie. Je décide de te faire confiance pour deux. Quitte à me prendre une autre claque du genre… Bon, puisque je décide de tout dire, je ne serais pas mécontente que tu changes un ou deux trucs dans ton profil. Cela dit, je peux comprendre que d’aller sur ce site te fait du bien. Mais c’était le coup de la "rencontre" éventuelle qui était dur à encaisser… alors que nous étions ensemble. Et je dois aussi avouer qu’après coup, je me suis demandée si ton coup de fil, reçu à 21 heures n’était pas de quelqu’un rencontré sur ce site que je ne peux m’empêcher de ne pas aimer… Oui, je suis jalouse, mais c’est parce que je t’aime. Un seul de mot de toi, mon ange, pourrait faire s’envoler mes doutes.

 

Tu ne sais pas où tu en es, ni ce que tu veux pour nous deux. Tu ne veux plus te projeter dans l’avenir… Les déconvenues, c’est sûr, ça fait mal, je suis bien placée pour le reconnaître. Mais si on se contente de vivre au jour le jour, on renie l’amour que nous avons l’une pour l’autre. Ce serait un peu comme montrer un bout de pain à un enfant qui a faim, puis de le donner à chien pour qu’il le mange. Moi, plus d’une fois, j’ai imaginé qu’on habitait ensemble, qu’on partagerait nos vies, nos peines, nos joies… Et c’était beau, dans mes rêves. On s’aimait, ce n’était pas facile tous les jours, mais voilà, on avait un chez nous, où il n’y aurait d’autres souvenirs que les nôtres, sans souvenirs parasites d’anciennes relations. C’est idiot, non ? Mais c’était mon rêve… Je n’ai jamais envisagé notre relation comme quelque chose de passager ; je ne me serais jamais engagée avec toi, si je n’avais pas la certitude que tu étais la personne que j’attendais. Et j’en reste persuadée. J’ai cru que nous pourrions braver les préjugés, trouver un moyen de s’aimer en paix…

 

Tu n’en as peut être rien à faire, mais je veux que tu me fasses aussi confiance. Je t’aime, Audrey. Je veux essayer de t’aider à t’en sortir. Je sais qu’on nous pourrions le faire, si seulement tu voulais y croire, ne serait ce qu’un peu. Je me chargerais de croire beaucoup, totalement. Je n’ai pas la force de te guérir de tes blessures, mais je peux peut-être les aider à cicatriser. Si tu n’es pas encore capable de m’ouvrir tout ton cœur, laisse moi quand même entrer dans la partie qui reste accessible. Ensemble, nous trouverons la clé qu’on t’a volée. Ça paraît ridiculement facile dans cette lettre, mais je sais que cela ne le sera pas, et que nous devrons lutter jour après jour. Mais si nous nous aimons, nous pourrions y arriver. Il faut déjà que tu commences par reconnaître tes sentiments, quitte à avoir la trouille un bon bout de temps.

 

C’est vrai que lorsque nous n’étions que des amies, nous pouvions mieux parler… enfin, nous n’avions pas tous ces problèmes, en tout cas, parce qu’en y réfléchissant, nous ne sommes rien confié, autrefois, nous nous contentions de plaisanter ensemble. Je ne pense pas que le fait que nous soyons amantes aurait changé quoique ce soit, si ce n’est que nous aurions être plus proches. Par amour pour toi, j’ai accepté le fait que tu ne me désirais plus, physiquement. J’ai, il est vrai, parfois essayé de te tenter, mais j’ai bien compris, au final, que je n’y pouvais rien. (Au fait, si tu m’éclairais une fois pour toutes, sur la raison de tes actes du dernier week-end où nous nous sommes vues, avant l’arrivée de mes parents ? J’avoue que cela ne cesse de me tourmenter aussi.) J’avais, j’ai toujours, ce besoin de toi, de ton corps, mais je me suis dit, au bout du compte, que je n’avais pas à partager ton corps, si ton âme me restait si étrangère. Mon amour pour toi a été blessé des deux façons, Audrey. Je n’aurais jamais cru, autrefois, que l’acte sexuel dans un couple faisait aussi partie de l’amour. Je m’explique : j’avais toujours pensé que c’était secondaire. Mais avec toi, j’ai appris à aimer autrement et toutes mes convictions ont été ébranlées. Avec toi, j’ai appris le bonheur de se donner entièrement à l’autre. Et j’ai fini par apprendre aussi la souffrance de ne pas être désirée…

 

Je sais que tu n’y es pour rien. Mais ne me refuse pas le droit de t’aimer. Tu m’aimes aussi, Audrey. J’en ai douté, jusqu’à notre conversation de ce soir. J’en ai douté au point de vouloir en mourir. Mais je sais, maintenant, que même si tu te le caches, tu m’aimes. Alors, laisse-moi t’aimer ; et ne refuse pas de m’aimer. Je te promets d’essayer d’être plus patiente avec toi. Je ne te forcerais pas à m’ouvrir ton lit ou quoique ce soit dans le genre. Je veux juste avoir le droit de t’aimer, de te le dire et peut-être de t’embrasser, sauf si cela te répugne et surtout, sauf si tu n’as pas l’impression de faire là un geste d’amour… je veux seulement essayer, je crois, de t’apprivoiser. Parle-moi. Ensemble, essayons de refaire le chemin de ta vie, de tes souffrances, sans pourtant que tu te sentes forcée. Sois juste ouverte. N’aie pas peur de me parler de toi. J’ai toujours désiré te connaître plus, mon ange. Et quoique tu pourras dire sur toi ne fera pas mourir mon amour. Je savais déjà, en m’engageant avec toi, que tu avais eu une vie difficile. Je n’imaginais pas à quel point, mais cela n’empêche pas que, le sentant, j’ai voulu partager ça avec toi…

 

Je ne pense pas avoir fait le tour de ce que je voulais te dire, mais mon cerveau ne me répond plus. Je t’aime, ma princesse. Ces simples mots pourraient résumer le contenu de cette lettre. Essaie de me faire confiance. Il suffit de le vouloir, ne serait ce qu’un peu, pour amorcer un changement positif en nous. Peu importe ce qu’on pourra en dire autour de nous, ce que nous ressentons est fort, et nous pourrions vaincre les obstacles ensemble, qu’ils soient autour ou en nous.

 

 

 

N’oublie pas ta promesse de ne pas couper les liens. Je t’aime, mon Audrey.

 

 

 

Anne

 

Cette lettre resta sans réponse. Comme les suivantes. Anne n’était plus que le fantôme d’elle-même. Sandra passait souvent et se désespérait de la voir chaque jour s’enfoncer de plus en plus. Elle était enfermée dans sa douleur.

 

En décembre, usée, vide d’elle-même, elle prit l’avion pour retourner sur son île. Jusqu’au dernier moment, elle scrutait l’aéroport, dans l’espoir de voir venir Audrey.

 

A la Réunion, sa mère seule apprit ce qui lui était arrivé. Elle n’arrivait pas à tout comprendre, mais elle seconda Anne du mieux qu’elle pouvait. Cela ne servait à rien. La jeune femme se contentait d’exister, à défaut de vivre. La haine l’emplissait toute. Elle avait en effet développé pour le christianisme une haine qui la dévorait chaque jour un peu plus.

 

Elle apprit par Sandra que le film était bouclé puis en reçut une copie par courrier. Il avait été envoyé aux studios de Vancouver, où les acteurs et les scénaristes l’avaient vu et apprécié.

 

En janvier, elle avala deux boîtes de pilules, dans l’espoir d’en finir, profitant que son père soit au travail et sa mère à l’église. Elle reprit conscience deux jours plus tard, dans sa chambre, ses parents autour d’elle. Ils ne l’avaient pas envoyée à l’hôpital. Ils avaient réussi à la maintenir réveillée, après l’avoir découverte, endormie. Une semaine durant, elle eut l’impression de planer dans le brouillard.

 

Cette tentative de suicide fut suivie d’une autre. La vie plus aucun sens. Mais elle ne parvenait pas à mourir de cette façon. Elle attendrait la mort sans lutter. Sans forcer non plus.

 

Sa famille était un soutien présent, mais inutile. Personne ne savait comment la sortir de là. Sandra lui écrivait souvent, elle répondait. Rien n’avait d’importance. Un jour, Audrey recommença à lui écrire. Pour parler de tout et de rien, jamais d’elles. Anne recommença à prendre le dessus. Au bout de deux ans, elle retourna en France. Les courriers rares mais réguliers d’Audrey, le ton amical qu’elle employait lui avaient redonné envie de se battre. Anne s’installa en Bretagne, en pleine campagne. Elle ne revit Audrey que quelques mois plus tard, pour les trente ans de Sandra qui était retourner s’installer en région parisienne.

 

Audrey portait toujours la petite croix qu’Anne lui avait offerte. Elles avaient changé toutes les deux. Elles portaient désormais les cheveux longs. Audrey semblait en paix avec elle-même, tandis qu’Anne portait toujours le poids de sa souffrance. La rencontre était assez tendue, au départ, mais Audrey ré apprivoisa son ex compagne au cours de la soirée. Elles retrouvèrent leur complicité d’autrefois.

 

Anne était retournée sur le site, de temps à autres. Elle apprit qu’Audrey y avait rencontré quelqu’un, un Américain, qu’elle projetait d’épouser. Ce fut une nouvelle occasion de désespoir pour la Créole…

 

Elles se revirent à plusieurs autres occasions. En avril, Sandra invita tout le groupe chez elle. Anne et Audrey s’aménagèrent un moment pour déjeuner en tête à tête, sans jamais reparler du passé. Quelques mois plus tard, Sandra les avait engagées comme volontaires lors d’une convention. Elles travaillèrent ensemble. Malgré le temps et les déchirures, elles n’avaient pas perdu cette faculté qu’elles avaient de communiquer à demi-mot. Elles dormirent dans le même lit pour la dernière fois lors de cette convention.

 

Sur le site, Audrey ne parlait plus d’épouser cet Américain. Anne ne savait pas où elle en était. Un jour, elle reçut un tout dernier email d’Audrey. Celle-ci annonçait à Sandra et Anne qu’elle avait profondément changé, intérieurement, et qu’elle désirait couper les ponts, ne sachant comment concilier sa nouvelle vie et l’ancienne. Sans aucune autre explication…

 

Au nom de Dieu, un amour avait été sacrifié. Au nom de Dieu, une vie avait été détruite. Au nom de Dieu les hommes se permettaient de juger et de salir ce qu’il y avait eu de plus beau et de plus pur dans la vie d’Anne.

 

 

 

FIN

 

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