| 
  • If you are citizen of an European Union member nation, you may not use this service unless you are at least 16 years old.

  • You already know Dokkio is an AI-powered assistant to organize & manage your digital files & messages. Very soon, Dokkio will support Outlook as well as One Drive. Check it out today!

View
 

eyeofthestorm8B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

L'OEIL DU CYCLONE

Eye of the Storm

 

 

Par Melissa Good

 

Résumé et traductions : Fryda

 

 

***********

Partie 5 - Chap. 8B

*********

 

 

" Bon sang. " Dar cogna le moniteur d'agacement, pour au moins la vingtième fois. " Allez, espèce de… "

" Hé, chef… si j'étais toi, je lui parlerais gentiment au lieu de lui taper dessus", commenta Mark, depuis son coin à l'abri de l'autre côté de la pièce. Ils étaient au centre des opérations, entourés d'équipement qui ronronnaient doucement et des climatiseurs qui sifflaient en soufflant de l'air. " Le miel, le vinaigre, tu connais l'histoire. "

" Quoi ? " grogna Dar en relançant la commande. " Quelle histoire ? "

" Qu'on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre ? "

" Et qu'est-ce que je ferais avec des mouches, Bon Dieu ? " marmonna son chef, perdue dans un script de démarrage. " Ah, te voilà, espèce de chieur. " Elle tapa une série de commande, révisa les résultats, puis relança l'unité. " Démarre ou crève. "

Mark travaillait sur son propre projet, en gardant un œil sur la haute silhouette penchée sur la console. Son esprit remonta quelques années en arrière, se souvenant des longues heures passées dans cette même pièce en compagnie de la plus jeune, mais moins sophistiquée Dar Roberts, une tâche rendue plus facile par le fait que la grande dirigeante s'était changée en jean et polo avant d'attaquer les problèmes de démarrage.

La pose était la même aussi. Les pieds enroulés autour de ceux de la chaise, un coude sur le bureau, la tête posée dessus, l'autre main qui agitait la souris avec des mouvements précis et rapides. Il pouvait aussi voir le profil acéré de Dar, très immobile, à l'exception des yeux qui balayaient l'écran, les petits muscles sur le côté qui bougeaient en réponse.

Un pincement de nostalgie le ramena brutalement. " T'sais, Dar… ça m'a un peu manqué de ne pas t'avoir dans les tranchées ici avec nous. " Mark était un jeune administrateur de systèmes lorsqu'ils travaillaient ensemble, alors que Dar venait juste d'être nommée responsable locale des opérations, et avait pris la responsabilité du centre de données. Ça avait été un choc, c'est le moins qu'on puisse dire, mais depuis le début, il s'était adapté à son style plus rapide que celui du reste de l'équipe. " Ça me manque vraiment. "

Les iris bleu clair, concentrés à en être presque noirs, se tournèrent vers lui lorsque Dar pencha la tête sur le côté. " Pourquoi ? " Demanda-t-elle avec curiosité. " C'était pas la joie tous les jours de travailler avec moi. "

Non, c'était vrai. Mais travailler avec Dar, c'était toujours savoir où on se trouvait. Si on faisait quelque chose de bien, on le savait. Si on merdait et qu'on la mettait en rogne, on le savait foutrement aussi. On ne se posait jamais de questions, pas comme avec d'autres personnes avec qui il avait travaillé avant pour ILS. Là il regarda le visage sérieux et intense en face de lui et secoua la tête. " Je sais pas… c'était toujours réconfortant de te voir arriver et t'occuper d'un problème. Je savais qu'il serait résolu. "

Dar sourit. " Merci. Enfin, je crois. "

" J'ai travaillé pour des cheffaillons qui ne pigeaient rien à ce que je faisais, tu ne sais pas à quel point ça faisait plaisir de savoir qu'il y avait quelqu'un là qui non seulement savait ce que je faisais, mais pouvait le faire mieux que moi ", ajouta-t-il. " Très cool, chef… très cool. "

Le visage de Dar se pinça en un sourire réticent. " Eh ben, ça, c'est un compliment venant de toi. " Elle regarda son moniteur. " Ah… bien. " Les routeurs principaux avaient fini par démarrer, et elle pouvait les voir là au milieu, dix îles vertes et solitaires, flottant dans un chaos de lignes sombres qui représentaient le réseau. " Bon… voyons ce qu'on a là. " Elle accéda au système maître et commença à balayer l'ensemble. " Merde. "

Mark tressaillit. " Qu'est-ce qu'il y a ? "

" Qui a configuré ça ? "

" Euh… pourquoi ? "

" Il n'a pas suivi l'ordre d'entretien d'ingénierie d'une part, et d'autre part, il a configuré les ports à l'envers. Alors qui a fait ça ? "

" Hum… moi. "

Dar le regarda et pianota sur son clavier.

" Je pensais que cette configuration était meilleure. "

Encore du pianotage.

Mark sourit. " Comme au bon vieux temps, hein ? "

Un sourire grognon en retour. " Oh ouais… comme tu dis. " Dar entra une commande et l'envoya. " Dialogue de démarrage… on y va. "

" Dar ! Tu viens de virer tout le routeur ! " Protesta Mark. " Ça m'a pris des heures de mettre ce truc en place ! "

" Il n'est pas à la place que JE veux ", répliqua Dar avec un froncement de sourcil. " Alors on dirait que je vais devoir le faire moi-même. " Elle s'affaira à taper, en jetant des coups d'œil à la configuration du réseau pour rafraîchir sa mémoire des divers ports et adresses.

Elle se sentait coupable mais elle aimait, se rendit-elle compte, remettre les mains dans le cambouis. La plus grande partie de son travail était intellectuel. Prendre des décisions, planifier, argumenter, discuter… si peu de choses étaient simples, claires et concises que d'avoir l'occasion de se replonger dans quelque chose d'aussi basique que ça était presque de la thérapie. Elle vérifia sa montre, puis continua à taper, contente d'avoir envoyé Kerry s'amuser.

Elle continua à taper.

Elle était contente, non ? Pas besoin que toutes les deux soient coincées ici dans la pièce froide, à faire des trucs basiques qui ennuyaient tout le monde. Kerry méritait d'avoir du temps à elle, avec ses amis, à faire les trucs qu'elle aimait.

Ça ne dérangeait pas Dar non plus de l'accompagner, elle appréciait les soirées atypiques avec les filles, bien qu'elle se sentait souvent mal à l'aise, surtout à cause du fait qu'ils étaient en grande partie des employés d'ILS, à l'exception de Colleen.

On pourrait penser que depuis qu'elle vivait avec Kerry, cela ne la dérangeait plus, mais ce n'était pas le cas ; elle était partisane d'une certaine distance professionnelle et cela s'étendait aux gens de niveaux hiérarchiques inférieurs au sien dans la compagnie. C'était entièrement hypocrite, et Dar le reconnaissait aisément, mais elle savait aussi que les amis de Kerry se sentaient un peu mal à l'aise avec elle pour la même raison.

Et bien entendu, elle n'était pas assez égoïste pour demander à Kerry d'abandonner sa sortie pour lui tenir compagnie. Ce serait égoïste et égocentriste et méchant, et…

Dar soupira. Bon sang, comme j'aimerais qu'elle soit là.Elle finit de reconfigurer un port et enregistra la configuration, regardant le port se mettre à fonctionner et clignoter amicalement en vert. Comme c'est puéril, Dar. Pourquoi tu ne lui demandes pas d'acheter un nounours et de l'asperger de son parfum, comme ça tu pourrais le transporter et l'embrasser quand tu te sens seule. Sa conscience la tarauda avec sarcasme.

" Désolé, Dar… tu as dit quelque chose ? " Demanda Mark, en commençant sa propre tâche.

" Hum. " Elle leva les yeux. " Non… pourquoi, qu'est-ce que je disais ? "

" Quelque chose sur les nounours ? "

" Non… non, je pensais juste à commander… hum… une pizza ou un truc comme ça. " Elle leva les yeux. " Ça te dit ? "

" Oh oui ", approuva Mark aimablement. " Je commande… voyons… " Il ferma les yeux et se concentra. " Saucisse, pepperoni, bœuf et porc avec plein de fromage… " Il ouvrit un œil et la regarda avec espoir. " C'est ça ? "

Dar eut un petit rire. " Ouais. "

" Ooooh… tu veux dire que Kerry ne t'a pas encore convertie aux pizzas végétariennes ? " Mark se mit à rire. " Je sais qu'elle n'échangerait pas cette prescription pour une attaque cardiaque. "

" On fait moitié-moitié ", admit Dar. " Je m'assure que tout morceau de verdure qui traîne finisse sur sa part. " Elle se concentra sur une autre partie de la configuration. " Ah… là. " Elle coupa et colla, puis relança l'écran et remit l'équipement à zéro. " C'est bien mieux. "

" Bon sang. " Mark regarda l'écran avec une admiration ironique. " Je peux être comme toi quand je serai grand ? " Il prit le téléphone et composa un numéro. " Tu veux des gressins au fromage avec ? "

" Oh oui. "

" Du pepsi ? "

" Du Mister Pibb. "

" Ils ont des milk-shakes à la glace. "

" Bingo. "

" OK. " Mark passa la commande et reposa le téléphone, puis il se leva et réinitialisa manuellement une grande machine. " Il va falloir qu'on remplace ce commutateur, Dar… il me fait criser, et ils n'arrivent pas à se débarrasser des problèmes du patch de l'an 2000. "

Dar grogna et mit en place une procédure de tests. " C'est le DS3 international, je m'en doutais. "

La porte s'ouvrit, révélant la silhouette trapue de Brent qui poussait un chariot dans la pièce. " Hé Mark… qu'est-ce qui se passe ? J'ai entendu dire que nous… " Ses yeux bleus s'agrandirent un peu. " Oh… désolée, madame. Bonjour. " Il fit une pause. " Votre machine ne marche pas ? Vous voulez que j'y jette un œil ? " Les yeux bleus s'agrandirent encore lorsqu'il vit que Dar manipulait la grande console. " Ou vous en installer une nouvelle ? "

" Salut Brent ", gloussa Mark. " T'inquiète… Dar est qualifiée sur les routeurs. " Il sourit à la vue de l'expression sur le visage de Brent. " Elle reconfigure le nouveau réseau. "

" Ça vous pose un problème ? " gronda Dar doucement.

" Non… non… madame, bien sûr que non. C'est juste que je… " Brent avait l'air un peu intrigué.

" Que quoi ? Allez, crachez. "

" Hum… et bien, oui… je… " Le technicien regarda la responsable assise. " Je veux dire que, je ne pensais pas que… hum… "

Dar le regarda droit dans les yeux, le clouant d'un regard intense. " Pensais pas quoi ? "

Il déglutit. " Et bien, je ne pensais pas que vous… ce que je veux dire, ben, vous voyez… vous êtes la chef. "

" Et ? " Un sourcil noir se dressa.

" Et les chefs font des trucs de chefs ", bafouilla-t-il. " Pas, hum… des trucs de techniciens. " Une pause. " Vous voyez ? "

Mark gardait sagement le silence, enfouissant sa tête dans le moniteur en tapant furieusement. Il savait que sa chef jouait avec un Brent bien trop sérieux parfois, mais il espérait qu'elle n'irait pas trop loin. Dar pouvait être un peu trop intense parfois, surtout pour les plus jeunes qui ne la connaissaient pas comme Mark.

Dar finit ce qu'elle faisait et croisa les mains sur la console. " Est-ce que vous insinuez que je ne suis pas une techos ? " Sa voix prenait une tonalité dangereuse.

Il cligna des yeux.

" Vous pensez que parce qu'ils m'ont donné un titre, je ne sais pas quel bout d'un câble on connecte comme le reste des gens au 13ème ? "

" M… " Il couina, puis fixa Mark dans une requête désespérée.

Dar se leva, parce qu'elle avait besoin de s'étirer de toutes les façons, et s'avança vers lui, posant les mains sur ses hanches. " Est-ce que vous m'accusez d'avoir du sang de navet en techno, Brent ? " Elle le surplomba, en le fixant comme une panthère affamée.

Il sortit la langue pour essayer de dire quelque chose puis la mordit, en écartant les narines. Une rougeur colora son visage de brique et il eut l'air d'être sur le point de s'évanouir. " N… n… non, madame… non… je ne ferais jamais ça. "

Elle se pencha en avant et baissa la voix jusqu'à ronronner. " C'est bien. "

" Dar ? " Mark passa la tête de derrière sa console, réalisant que son technicien était sur le point d'exploser dans une combustion humaine spontanée.

" Oui ? " La même voix basse et sexy lui répondit, roulant le mot joyeusement.

" A moins que tu ne veuilles nettoyer le pipi, arrête de foutre la trouille à Brent, tu veux bien ? " Il jeta un coup d'œil à l'infortuné technicien. " Détends-toi. Elle aboie bien plus qu'elle ne mord. "

Lentement, Dar se retourna et lui fit face, baissant un peu la tête et le clouant d'un regard glacé et sans merci. Un sourcil se fraya un chemin vers le haut. " Tu n'as jamais été mordu. ", lui rappela-t-elle. " Alors comment peux-tu savoir ? "

" Euh. " Mark se frotta la mâchoire. " J'ai entendu des histoires ? " Tenta-t-il. " Des vraiment, vraiment bonnes ? "

Dar fit une pause puis se mit à rire. " Ouais, c'est ça. " Elle traversa la pièce et se rassit, reprenant son travail. " Pour ta gouverne, Brent… je suis une techos qualifiée . "

" Oui, madame ", répondit-il immédiatement. " Peut-être qu'on pourra parler d'EPROM un de ces jours. "

Mark gloussa. " Dar peut parler d'EPROM. Bon sang, Dar peut brûler des EPROM. En fait, Dar a conçu cette salle des opérations ", fit-il. " Et près de cinquante pour cent des systèmes qu'on utilise, tant qu'à dire. "

" Vraiment ? " Brent avait l'air intéressé. Il roula son chariot et le mit de côté, puis il fit le tour de la console et s'installa dans une chaise près de Dar. " Hé… attendez une minute… dans la salle de commutation, il y a une tonne de DR écrit au stylo sur les boutons… c'est vous ? " Il la considérait visiblement sous un tout autre angle.

" Ouais. " Dar mit en place une autre procédure de test. " Ça a l'air décent… je vais essayer d'amener les autres sous-réseaux en ligne. "

" Ouaouh ", murmura Brent. " Hé… ça veut dire que vous avez écrit le programme d'inventaire aussi, hein ? " Ses yeux brillèrent. " Vos initiales sont dans le code. "

Un hochement de tête.

" Vous avez mis en place la routine qui lit les numéros de série des unités et les vérifie avec la facture originale, pour s'assurer qu'elles sont facturées au bon département ? "

" Oui. "

" Génial. " Brent soupira. " J'adore cette sous-routine. " Son regard pénétra le profil de Dar avec un intérêt nouveau et intense. " C'est ma préférée. "

Dar leva les yeux vers lui pendant un moment, puis vers Mark qui ricana. " Merci. " Elle se pencha en arrière et mit un genou contre le bois de la console, pour regarder son programme tourner. Le téléphone bourdonna, et Mark décrocha, puis se leva.

" La pizza est arrivée… ça a été rapide ", fit-il remarquer. " Je reviens tout de suite. " Le chef du SGI se glissa au-dehors et referma la porte derrière lui, laissant les deux autres seuls.

Il y eut un moment de silence. Dar restait profondément enfouie dans ses pensées, les souvenirs revenant en cascade alors qu'elle était assise là, se souvenant des heures passées à administrer ce petit coin de la compagnie. Elle avait été heureuse de le faire, elle s'en rendait compte, ça avait probablement été la dernière fois qu'elle avait été capable de simplement rentrer à la maison le soir et d'oublier son boulot.

Rentrer à la maison, et s'échapper dans les clubs, à passer son temps à boire et à échanger des conneries avec un groupe d'amis qui pensaient comme elle, se frottant à des aventures superficielles, et à se perdre dans les longs week-ends passés à vagabonder sur la plage.

A n'aller nulle part en particulier, et à se satisfaire de ça alors que les plaisirs du moment absorbaient son intérêt, et elle avait laissé beaucoup de choses glisser, l'ambition parmi elles.

Puis Shari était arrivée.

Et tout avait changé.

Rien ne l'amusait plus. Elle avait appris à se juger selon des règles différentes, et avait laissé derrière elle le confort du centre des opérations pour se lancer dans le défi sévère de la gestion de projet. Prouver à Shari qu'elle était tout ce que celle-ci ne pensait pas qu'elle était, se pousser de plus en plus haut jusqu'à ce qu'elle brise le plafond de verre, et atterrisse dans un bureau confortable avec une carte de visite professionnelle qui disait Directrice déléguée, que tout ceux qui disaient qu'elle était une perdante puissent avaler ça.

Et vous savez quoi ? Personne ne s'en intéressait. Il ne restait plus personne d'assez proche pour lui tapoter le dos et dire 'Bon travail, Dar. Tu as réussi. On est fiers de toi.'

Personne. Le soir où elle avait appris sa promotion, elle avait pris une bouteille de champagne sur la plage et l'avait partagée avec les crabes de nuit et le sifflement des vagues, ne ressentant que du soulagement vide. Alors elle avait décidé que cet accomplissement serait une fin en soi, et s'était convaincue que cela la rendait heureuse.

Jusqu'à ce maudit jour d'automne où elle avait repris une consolidation qui avait mal tourné, et était entrée dans le petit bureau carré pour annoncer un tas de mauvaises nouvelles à une responsable d'une société quelconque qu'elle ne s'attendait plus à revoir de sa vie.

Et y avait perdu son cœur, son âme et sa propre tromperie précieusement construite, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

" Madame ? "

Dar sursauta un peu. " Oh… désolée. Oui ? "

Brent se rapprocha, la rougeur visible sur sa peau claire. " Ça vous ennuie si je vous pose une question ? "

Elle se secoua, chassant les souvenirs et se retourna dans sa chaise. " Non… allez-y, Brent. " Elle le gratifia d'un bref sourire. " Je n'étais pas fâchée tout à l'heure, je vous taquinais juste un peu. "

" Ouais, je m'en suis rendu compte… hum… " Ses narines s'écartèrent. " Ms Kerry et vous êtes plutôt de bonnes amies, non ? " Il regarda autour de lui et baissa la voix.

Des alarmes sonores et rugissantes se déclenchèrent dans la tête de Dar, si bruyamment qu'elle fut surprise que Brent ne puisse les entendre. " Oui ", répondit-elle avec précaution. " Pourquoi ? " C'était quoi ça ? Un millier de possibilités lui traversèrent l'esprit, et Ankow était au bout de la plupart d'entre elles. Est-ce qu'il avait d'autres informations ? Est-ce que Brent l'avait entendu chercher d'autres faits ? Qu'est-ce qu'il avait en tête ? Quel problème…

" Heu… " Le technicien se frotta la mâchoire. " Et bien, c'est juste que… "

" De quoi s'agit-il, Brent ? " Demanda Dar, son intérêt aiguisé.

" Est-ce que vous… hum… je sais que c'est une question bizarre… mais est-ce que vous savez si… hum… "

Oh oh. " Oui ? "

" Est-ce qu'elle voit quelqu'un ? "

Silence de mort. Dar inspira et serra la mâchoire, pour empêcher un rire nerveux d'exploser. Elle attendit un court instant. " Oui. " Une réponse grave et réfléchie. " Elle voit quelqu'un. " Bon sang. Est-ce qu'il est le dernier dans toute la foutue compagnie à recevoir le mémo ?

" Oh. " Il eut l'air abattu. " D'accord… et bien, je le pensais bien… je veux dire, elle est si sympathique, et si jolie… mais je me disais que ça valait la peine de poser la question. Merci, madame… je sais que c'est une question vraiment personnelle, et j'apprécie que vous y répondiez. " Il était toujours rouge brique.

" Pas de problème. "

" Elle n'est probablement pas mon type de toute façon… hein ? " Une question nostalgique.

Dar le fixa du regard. " Hum… Brent… "

" C'est pas grave. " Il baissa le regard. " C'est probablement un gars super intelligent avec une belle bagnole. " Il soupira et haussa les épaules. " Quelle question idiote. "

" Hum. " La cadre fouilla dans son esprit, essayant de trouver quelque chose d'intelligent à dire. " Je suis sûre que vous… ah… il n'y a rien de mal de votre côté, Brent, c'est juste qu'elle… hum… "

" Hé, madame… ça va, vraiment. Je comprends, pas besoin d'en dire plus. " Brent soupira. " Il doit avoir de la chance. "

" M… " Dar était sûre que sa cervelle coulait de ses oreilles maintenant.

La porte s'ouvrit, et Mark entra avec deux boîtes pleines de pizzas. " Hé… regardez ce que j'ai trouvé. " Il ouvrit un peu plus la porte et une silhouette blonde familière entra derrière lui.

" Salut ", dit Dar d'une voix rauque, reconnaissante.

Kerry entra d'un pas lourd et fit le tour de la console, pour poser les bras autour du cou de Dar et l'embrasser sur la tête. " Ma transmission a cassé juste en sortant du bureau… et j'ai été entraînée à faire du line dancing en karaoké. Je suis lessivée, on peut rentrer ? " Elle posa sa joue sur les cheveux noirs de sa compagne. " Hé, Brent. " Les yeux verts doux le regardèrent avec lassitude.

Il y eut un léger silence ténu, jusqu'à ce que Brent ne remue les pieds. " Je crois que j'ai bien vu pour intelligent et la bagnole ", marmonna-t-il, en rougissant encore plus alors qu'il se levait et disparaissait derrière quelques serveurs.

" Hein ? " Kerry pencha la tête. " Qu'est-ce qui se passe avec Brent ? " Elle regarda Dar et son front s'agrandit, puis elle jeta un coup d'œil à Mark qui haussa les épaules, honnêtement intrigué.

Dar soupira. " Il vient juste de se faire pincer les fesses par une évidence. "

" Ouille. " Kerry jeta un coup d'œil dans l'obscurité derrière les consoles. " A quel sujet ? "

La cadre leva la main pour se gratter la mâchoire. " Je te raconterai plus tard. " Elle tapota le mollet de Kerry, absorbant la chaleur contre son dos alors que la jeune femme était appuyée sur elle. " Assieds-toi… il faut juste que je finisse cette configuration. " Elle se tourna et tira le clavier plus près alors que Kerry s'installait dans la chaise près d'elle, la regardant avec intérêt.

Dar jeta un coup d'œil à l'écran, étonnée de voir son reflet qui lui faisait un écho ténu, un sourire sur ses lèvres se dessinant sans aucune permission. La main de Kerry se posa nonchalamment sur son genou sous le bureau et le sourire s'élargit.

Une pensée lui traversa soudain l'esprit. Est-ce que Kerry s'intéresserait à elle si elle n'était qu'une responsable de niveau moyen aux opérations ? Elle tourna légèrement la tête et étudia le profil intelligent près d'elle. Elle aimait les avantages que leur offraient leurs postes respectifs, Dar en était sûre, mais… n'avait-elle pas dit qu'elle serait satisfaite de simplement aller de-ci de-là en vendant de la poésie pour manger si elle devait ?

Etait-elle sérieuse ?

Est-ce que moi, je suis sérieuse, quand je pense à ça ? Est-ce que je n'ai pas galéré des années pour arriver où j'en suis ? Est-ce que je voudrais vraiment revenir au point où j'étais à l'époque, satisfaite d'avoir un boulot stable avec une paye et des primes décentes ?

Dar regarda le diagramme sur l'écran, sa toile d'araignée de tracés indiquant l'étendue du réseau élégamment dessiné. Fini, il changerait la façon dont la compagnie travaillait, et les propulserait dans le 21ème siècle comme l'une des rares sociétés capable de projeter l'explosion de services de données des dernières années dans le futur.

Le sourire dans l'écran grandit et devint un tantinet ironique. Avec un grand geste, Dar amena le reste du système en ligne, et regarda les traits gris sombres prendre vie avec les couleurs des procédures de test qu'elle lançait. " Qu'est-ce que tu en penses ? " Demanda-t-elle à une Kerry qui regardait avec avidité.

Mark se leva et se pencha par-dessus son épaule, pour regarder l'écran. " Bon Dieu. Redondance totale… " Il désactiva délibérément l'un des grands ports, et ils regardèrent le trafic de test se rerouter lui-même en souplesse. " Nom de Nom. "

" Ouaouh. " Kerry lançait un analyseur sur une autre console. " Regarde cette largeur de bande… je ne pourrais pas l'embouteiller même si j'essayais. "

Ils regardèrent tous les deux vers Dar avec quelque chose qui ressemblait à de l'adoration d'informaticiens.

Dar sourit, appréciant totalement l'instant. C'était presque meilleur que de la glace au chocolat.

Presque.

***************************************

Dar coinça un peu plus le coin de la serviette sous son bras alors qu'elle versait deux grands verres de thé à la pêche. Chino attendait patiemment sur ses talons, léchant occasionnellement sa jambe. " Gare à ta queue, Chino ", avertit la grande femme, en remettant la carafe dans le réfrigérateur avant de prendre les verres. " Allez… on va chercher maman Kerry. "

" Gruff. " Chino sortit en trottant par la baie vitrée et se redressa sur la marche inférieure du jacuzzi, la regardant pleine d'attente.

" Hé, ne t'endors pas là-dedans ", avertit Dar en posant la serviette avant d'entrer dans la baignoire. Kerry était affalée dans l'eau chaude, sa tête mouillée posée sur le bord de la baignoire et les bras étendus.

" Hein ? " Elle ouvrit un œil pour regarder Dar. " Oh… c'est toi. "

" Tu attendais quelqu'un d'autre… ? "

Kerry leva la tête et recula un peu pour attraper son verre. " Désolée… je suis si lessivée, tu m'as épuisée ce soir, Dar. " Elle lança un regard pathétique à sa compagne. " Est-ce que je peux demander à Colleen de venir quand on fait ça pour qu'elle puisse me seconder ? "

" Mm. " Dar n'était pas vraiment mécontente du compliment. Elle avait quitté la salle de gym et le cours de Kerry un peu plus tôt, puis avait pris son rythme habituel dans la salle de musculation de l'île. Elle se sentait un peu courbattue, un peu fatiguée, mais dans le bon sens. " Toi, tu as été formidable. Je pense qu'on va devoir te faire passer à la ceinture supérieure. "

" Ah oui ? " Kerry se redressa visiblement. " Et moi qui pensais que j'étais complètement à côté, merci Dar. " Elle se sentit heureuse de la tournure des choses, et plutôt satisfaite d'elle-même en général après un entretien de bilan et un objectif sincère administré par sa chef plus tôt dans l'après-midi.

Elle s'était rendu compte que la critique était plus aisée à accepter de quelqu'un dont vous saviez qu'il vous appréciait, plutôt que le contraire. Les évaluations de Dar étaient calmes, impersonnelles et très directes, traitant de choses spécifiques et fixées, et à l'écart des généralités intimidantes, et impossibles à changer. Votre attitude pose un problème, par exemple. Elle avait entendu une des filles dans la salle de pause répéter ce que lui avait dit un supérieur. Et qu'est-ce qu'on était supposé faire à ce sujet exactement ?

En plus, elle avait découvert que Dar avait la délicieuse habitude de commencer par tous les trucs pas cool, de s'en débarrasser, pour passer ensuite à tous les bons trucs, et quand le bilan était terminé, on se sentait plutôt bien même si au début c'était un peu douloureux. Le sien n'avait pas non plus été douloureux, parce qu'elle connaissait ses propres erreurs, et était capable d'en discuter avec son superviseur avec une franche honnêteté. " Est-ce que je t'ai remerciée pour mon bilan ? "

" Trois fois déjà ", fit remarquer Dar d'un ton neutre en sirotant son thé. " Personne ne l'a fait avant toi. " Elle étira ses jambes et les sortit de l'eau puis soupira, penchant la tête en arrière pour regarder les étoiles.

Kerry sentit le changement d'humeur et se glissa un peu plus près, là où elle pouvait sentir la chaleur de Dar. " Tu t'inquiètes pour demain ? "

Un hochement de tête.

" Moi aussi. "

Dar étudia le ciel, puis tourna la tête. " Ecoute… j'y ai pensé. " Son visage était très sérieux. " Quoiqu'il arrive demain, ne te dis pas que tu y es pour quelque chose, d'accord ? "

Kerry eut l'air étonné. " Hein ? "

" Tu es vraiment bonne dans ton domaine, Ker, je pense que tu dois continuer à le faire, quoiqu'il m'arrive. "

" Oh. " Kerry soupira, caressant la surface de l'eau. " Je ne veux pas rester là-bas sans toi, Dar. Je me sens vraiment mal à cette idée, et d'ailleurs, qui dit qu'ils me garderont ? "

" Ils ont besoin de toi. " La vérité.

" Ils ont aussi besoin de toi ", lança la jeune femme en retour. " C'est si injuste, regarde le boulot que tu fais pour eux, Dar ! Comment pourraient-ils envisager de te virer juste pour un truc comme… " Elle s'arrêta de parler et secoua la tête. " Ce n'est pas juste, voilà tout. "

Dar haussa les épaules. " On ne peut pas vraiment dire que c'est de leur faute, c'est moi qui ai pris la décision, Kerry. Je savais ce que je faisais. "

Kerry la regarda. " Tu as dit que tu m'avais embauchée pour mes compétences. Est-ce que tu es en train de dire que ce n'était pas vrai ? "

" Non. "

" C'est exactement ce que tu viens de dire. "

" Non, ce n'est pas vrai ", répliqua fermement Dar. " Je savais que j'engageais la meilleure candidate pour le poste, à l'époque ou maintenant, et ça, Kerrison, n'a jamais été un problème. "

" Alors qu'est-ce que tu voulais dire ? "

Dar se laissa glisser dans l'eau. " Je voulais dire que… je savais, quand je t'ai embauchée que j'étais attirée par toi. " Une pause. " Et je savais que ça n'allait pas s'arrêter après que je t'aie engagée. "

Le remous diminua près d'elle. " Oh. " Le visage de Kerry s'adoucit en un sourire penaud. " Et bien, j'en suis aussi coupable, alors voilà. " Elle réfléchit un peu puis leva les yeux. " Dar, je veux que tu saches combien je me sens nulle que ce soit à cause de nous deux que tout ça arrive. "

" Ça ne l'est pas. C'est juste un prétexte. "

" C'est un mauvais prétexte ", dit Kerry en se renfrognant. " Je veux dire, bon sang, Dar, je comprends pourquoi il y a une règle, d'accord ? Parce que ce serait facile pour quelqu'un d'utiliser sa position pour profiter d'un subbordonné, ou d'insinuer que les promotions, ou les augmentations de salaire dépendent de votre capacité à rendre cette personne heureuse d'une certaine façon. " Elle secoua la tête. " Mais ce n'est pas le cas pour nous, et nous le savons toutes les deux. "

" Je sais. "

" Je devrais aller leur parler. " La détermination carra la mâchoire légèrement arrondie.

Dar se figura Kerry en train de débouler dans la salle du conseil d'administration, faisant face au reste de ses pairs, et sourit en franc réflexe. " Je vais te dire… on échange. Tu viens parler au conseil et je vais témoigner contre ton père… marché conclu ? "

" Sans foutue hésitation ", lâcha Kerry. " Compte sur moi. " Puis ses épaules s'affaissèrent et elle se calma. " Je ne veux pas y aller demain, Dar. "

" Peut-être qu'ils ne poseront pas trop de questions. "

" Ce ne sont pas les questions. Ce n'est pas le comité. "

Dar la regarda. " Ta famille ? "

Un signe de tête.

" Je viendrai aussi vite que je le pourrai, je te le promets. " Elle dirait au conseil de faire vite son boulot et elle prendrait le premier vol… ouais. Au diable tout ça. Peut-être qu'elle pourrait juste appeler Alastair et lui dire de… Dar soupira. Non, il fallait vraiment qu'elle y soit et qu'elle parle pour elle-même ; tout ça avait été clairement exprimé quel que soit le résultat. " Je ne pense pas que ça prendra longtemps. "

" Est-ce qu'ils vont te virer ? "

" Je pense, oui. " Etrange, après toutes ces idioties, que ça fasse aussi mal. " En fait, ils vont plutôt me demander de démissionner, à ce niveau, on n'est habituellement pas virée directement. Ça la fiche mal et ça a un effet bizarre sur les actions. Ils vont faire en sorte que ça ait l'air d'être un départ volontaire. "

" Dar… "

" Je sais, ça craint. Je suis d'accord, mais ce qu'ils cherchent, c'est l'image. L'image n'a rien à voir avec la réalité, Kerry. ; et si Ankow va en public avec son procès, alors là ils ont toute l'image que j'ai été impliquée avec une subordonnée, et peut-être que j'ai pris des décisions influencées par ce fait. "

Kerry soupira.

" C'est l'image qui les inquiète, je sais que tous, à titre personnel, se foutent de ma vie amoureuse, tu comprends ? "

" Non. "

C'était maintenant le tour de Dar de soupirer. " C'est une question de confiance, Kerry. Quand tu es à un poste comme le mien, seule en charge de milliards de dollars en actions, à prendre quotidiennement les décisions pour toute la compagnie, la déduction que je pourrais ne pas prendre les bonnes décisions leur fout la trouille, à eux et aussi aux actionnaires. "

" C'est stupide, Dar. Tu prends des décisions pour eux depuis des années. "

" Oui. " Un sourire minuscule. " Mais ils n'ont jamais soupçonné que je pouvais avoir une vie personnelle qui pourrait interférer avec ça avant. " Une pause. " Et ils ont raison, toutes les années où j'ai travaillé pour eux, rien dans ma vie n'est jamais passé avant mon travail. "

" Jusqu'à maintenant. "

" Jusqu'à maintenant. " Un acquiescement désabusé. " Mais ce n'est pas ta faute, Kerry. "

" Si, ça l'est. "

" Non. "

" Dar, c'est très certainement ma faute. " Elle fronça ses sourcils clairs. " Dire ça c'est prétendre que je suis cette enfant sans cervelle qui a trottiné à tes côtés quand tu m'as appelée. " Kerry posa son verre. " On pourrait dire la même chose de moi, que je t'ai manipulée juste pour arriver à mon poste, et que je t'exploite, espérant avoir ton poste quand tu partiras. " Elle croisa les bras. " Peut-être que tu es une victime innocente. "

Dar se contenta de la regarder.

" C'est juste que… " Kerry se retourna et vit l'expression dans les yeux de sa compagne et elle réagit, en tendant la main pour lui entourer la joue. " Je plaisantais ", déclara-t-elle. " Ou alors j'aurais pris le poste de directrice déléguée que tu me faisais miroiter il y a quelques mois, tu te souviens ? "

" Je m'en souviens. " La peau bougea lorsque Dar sourit. " Et même si tu l'avais fait, j'ai confiance en toi, Kerry. "

C'était comme de tenir un morceau de cristal précieux. " Merci. " Cela sortit dans un murmure. " Ça veut tout dire pour moi. " Elle sourit en retour. " Je pense toujours que tu devrais me laisser leur parler. "

Le téléphone sonna et Dar se força à détourner son visage du regard intense de Kerry pour répondre. Elle leva le portable. " Allô ? "

" Allô, Dar. "

Elle dressa un sourcil. " Bonjour, Dr Steve… qu'est-ce qui vous amène ? "

Le médecin s'éclaircit la voix. " Désolé de ne pas avoir appelé plus tôt, Dar, mais j'ai demandé au labo de refaire les tests trois ou quatre fois, parce que je ne voulais pas vous donner une information erronée. "

Un frisson descendit la colonne de Dar que même l'eau chaude du jacuzzi ne put arrêter. " Une information sur quoi ? " Son inquiétude devait se voir, parce que Kerry se redressa et mit la main sur son épaule. " Qu'est-ce qui se passe ? " Elle sentit son cœur accélérer.

" Tu te souviens que je t'ai pris du sang quand tu étais malade ? "

" Oui. "

" On y a trouvé des toxines, Dar. Je les ai envoyées à un labo plus grand pour qu'ils vérifient ce que c'était. " Steve hésita. " Les résultats sont revenus positifs et montraient des composants chimiques sérieusement toxiques dont je ne vais pas t'imposer les noms. "

Le front de Dar s'agrandit quand elle pesa l'information. " Steve, est-ce que vous êtes en train de dire que j'ai été empoisonnée ? " Une pause. " Accidentellement ? "

Il y eut un long silence. " Dar… ce genre de truc, on l'absorbe par la peau. On ne l'avale pas ou un truc comme ça. " Une pause embarrassée. " Il a fallu qu'on te touche. "

" Me toucher ", murmura Dar, puis elle pencha la tête vers Kerry. " Le Dr Steve dit que c'est une sorte de poison qui m'a rendue malade l'autre jour. " Elle vit les yeux de Kerry s'agrandir de choc. " Quelque chose qui m'est arrivé en touchant ce truc… Bon Dieu, ça peut être n'importe quoi. " Le téléphone bougea. " Steve, à part le bureau et la maison, je suis allée dans plusieurs endroits inhabituels ce jour-là, quels sont les chances que ce soit ailleurs ? Comme l'aéroport, par exemple ? "

" Dar, ce truc… " Steve hésita. " Il n'est pas très commun. " Il semblait mal à l'aise. " J'aimerais que tu viennes demain, laisse-moi te prendre un peu plus de sang pour m'assurer que tu t'es débarrassée de tout, tu n'as pas été malade depuis, non ? "

" Non… pas du tout, en fait, je me sens très bien. On rentre de la gym et Kerry se plaignait que je l'avais lessivée ", répliqua-t-elle. " J'avais un peu mal au cœur le lendemain, mais même le matin où vous êtes venu, j'ai réussi à avaler un petit déjeuner. "

" Bien. " Steve semblait soulagé. " Tout va probablement bien, alors, mais j'aimerais faire encore quelques tests sanguins quand même ", insista-t-il. " Passe demain matin… ça ne prendra qu'une minute. "

" D'accord. " Dar soupira. " Je dois prendre un avion, mais je passerai d'abord au cabinet. "

" Génial. On se voit demain alors, Dar. " Steve raccrocha, laissant un clic faire écho derrière lui.

Dar reposa le téléphone et regarda son amie. " Bon sang. " Elle n'était pas sûre de savoir comment réagir. " Je ne m'attendais pas à ça… je pensais que c'était qu'un fichu virus. "

" C'était quoi ? " Demanda Kerry. " Est-ce qu'il sait ce que c'était ? Je t'ai entendu dire que c'était par le contact… tu veux dire qu'il s'absorbe par la peau ? "

Dar hocha la tête pensivement. " Et bien, seules deux personnes m'ont touchée ce jour-là, alors ça fiche sa théorie en l'air. " Elle tira sur une mèche de cheveux blonds. " Toi et Papa. " Elle leva les yeux lorsqu'un léger coup résonna clairement à la porte ouverte. Elle se pencha et pressa le bouton de l'intercom. " Oui ? "

" Salut, Dardar. "

" Salut Papa… entre. "

" Dar ! " Kerry lui lança un regard. " Au cas où tu aurais oublié, on est toutes nues. "

" Il m'a déjà vue toute nue ", protesta doucement Dar, alors que la porte s'ouvrait et que des bruits de pas larges traversaient le sol carrelé. Elle baissa les yeux. " Bien sûr, j'étais un peu plus petite à l'époque. " Elle leva les yeux. " Salut, Papa. "

" Salut vous… Jésus Marie Joseph ! " Andrew détourna la tête. " Paladar Roberts ! Habille-toi ! "

" Est-ce que ça veut dire que je peux rester nue ? " Demanda Kerry innocemment. " Super. "

" Non, ma jeune dame, tu peux certainement pas. "

" Allons, papa… ils vont être tout mouillés là-dedans ", dit Dar en riant. " On est sous les bulles, regarde. "

" Non. "

" Non, vraiment. On ne voit que nos têtes. "

Andrew jeta un coup d'œil, repérant deux paires d'yeux qui brillaient au ras de l'eau. Dar avait monté les jets et le bain à remous créait un écran mousseux mais efficace. " Vous deux, les petites bernacles, vous allez vous prendre une fessée un de ces jours ", grogna-t-il.

" On vous aime aussi, Papa. " Kerry sourit à pleine dents en l'éclaboussant un peu. Son visage était visiblement rougi par le soleil, la couleur effaçant une grande partie des cicatrices et augmentant le contraste avec ses yeux clairs, et les lignes de tension s'étaient considérablement détendues cette dernière semaine. Un coin de sa bouche se plissa, étrangement comme le faisait souvent sa fille et il tendit la main pour l'éclabousser à son tour. " Vous vous êtes bien amusés ? "

Le plissement devint un sourire. " On était occupés, si c'est ce que tu veux dire ", dit-il. " On s'est trouvé une nouvelle maison. "

" Ah oui ? " Dar oublia ses inquiétudes pour un moment. " Où ça ? "

" A la Marina de South Beach. "

Des regards identiquement intrigués le fixèrent. " South B… " Dar commença à dire. " Où ? " Ajouta Kerry simultanément.

" Ta mère aimait tellement ce fichu bateau, on s'est dit que peut-être on en prendrait un pour nous, et qu'on y vivrait ", répondit placidement Andrew, en se balançant d'avant en arrière sur ses talons. " Alors on l'a fait… on est allés là-bas et je l'ai commandé l'autre jour. Il s'ra prêt dans une semaine ou deux. "

" Tu as commandé un bateau ? " Dar cligna des yeux. " Comme … un comme le nôtre ? "

" Plus grand. " Son père eut un sourire satisfait. " Quelque chose comme dix-huit mètres de long … et j'leur ai d'mandé d'y mettre les deux plus gros fichus moteurs que j'ai pu trouver. "

Dar en resta bouche bée, pétrifiée par la nouvelle. " Je… " Elle essaya de dire quelque chose en retour. " Mais… "

" Ouaouh. " Kerry posa le menton sur l'épaule de Dar. " J'ai hâte de voir ça… je parie que Mme Roberts va arranger l'intérieur à sa façon. " Elle sourit. " Est-ce qu'on peut avoir une pendaison de crémaillère ? " Elle réussit à se sortir le voyage du lendemain de la tête, le remplaçant par l'excitation de voir la nouvelle maison de son amie. " Comme j'aimerais qu'on soit déjà la semaine prochaine. "

Dar soupira. " Moi aussi. "

Andrew pencha la tête et les regarda par-dessous ses sourcils grisonnants. " C'est quoi vot' problème ? " Il jeta un coup d'œil à Kerry. " Je sais que tu vas dans le Nord demain. "

Kerry hocha la tête puis leva les yeux vers Dar. " Dar doit se rendre à Houston. "

Dar se retrouva l'objet d'une étude familière, et elle se sentit redevenir toute petite tout d'un coup. " Tu sais le gars dont je t'ai dit qu'il voulait me créer des problèmes ? "

" Ouais. "

" Il l'a fait ", admit-elle. " Je ne pense pas que je travaillerai encore pour ILS après-demain. "

Andrew eut l'air vraiment choqué. " Pourquoi ? "

Dar jeta un coup d'œil à Kerry, puis haussa les épaules. " Le scandale… ils ont une connerie de procès sur mon compte, et je pense qu'ils vont me demander de démissionner, pour éviter que tout ça devienne public. " Elle ne pouvait plus croiser son regard et elle regarda l'eau bouillonnante à la place. " J'ai… hum… désobéi aux règles avec Kerry. "

Son père ricana. " Après tout ce foutu temps, ils vont te demander de te tirer pour ça ? Allez… lâche-moi un peu… il faut qu'ils sortent la tête de leurs trous." Il s'interrompit. " Sérieusement, tu vas pas faire ça, hein ? "

Elle secoua légèrement la tête. " Je ne sais pas. "

Andrew se pencha et lui prit le menton, la forçant à lever les yeux. " Ecoute-moi bien, Paladar, tu as donné deux cents pour cent de toi à ces gens depuis l'âge de quinze ans. Ne pars pas la queue entre les jambes. "

A ce moment précis, Kerry aurait pu l'embrasser. C'était exactement ce qu'elle avait voulu dire à Dar, mais elle avait hésité, parce qu'elle était si proche, et si impliquée dans toute la situation. En plus, ce genre de choses sonnait mieux venant de son père. Son instinct était de combattre ce qu'elle considérait comme une situation incroyablement injuste, et elle était contente de voir qu'Andy était de son côté. Elle glissa un bras autour de l'estomac de Dar dans l'eau, et passa les doigts sur la surface musclée.

" Je ne sais pas s'ils valent la peine que je me batte ", objecta doucement Dar.

" Peut-être que non, mais ta fierté si ", répondit son père. " Perdre c'est une chose… on doit tous le faire de temps en temps… mais abandonner, c'est autre chose. " Il serra la mâchoire. " Tu es ma gamine et je ne t'ai pas élevée pour te défiler devant des riens. "

Dar serra les lèvres en un sourire grimaçant. " Non, c'est vrai ", admit Dar. " Et je ne l'ai jamais fait. " Elle ferma les yeux et pencha la tête dans un acquiescement tacite, et elle sentit sa mâchoire se desserrer et il la tapota doucement.

" Ça c't' une bonne fille. "

Ouais. Dar soupira, en acceptant cela. Donc elle partirait la tête haute, ça ferait une bonne histoire dans tous les cas, non ? " Mais j'aimerais bien avoir quelque chose à lui jeter à la figure. " Elle bougea un peu. " Mark n'a pas pu trouver un fichu truc sur lui. "

" Tu vas y réfléchir et trouver, Dardar ", prédit son père. " C'est le même gars qui t'a ennuyée ce soir-là ? "

Ce soir-là. " Oui. "

" Il a eu de la chance de t'lâcher, gamine, il a failli prendre mon pied au cul. "

Lâcher… Dar se redressa et regarda l'horizon. Elle tendit la main et toucha un point sur son bras, tout en remuant les souvenirs de ce soir-là. " Il m'a agrippée, non ? "

Kerry écarquilla les yeux. " Ankow ? " Elle se redressa également. " Il t'a touchée ? Ce soir-là ? Cette espèce de dégueu… "

Andy cligna des yeux. " On est possessive, hein ? " fit-il remarquer.

" Non… non, le Dr Steve vient juste d'appeler. Il a découvert que c'est du poison qui a rendu Dar malade la semaine dernière ; il a dit qu'elle l'avait pris par la peau ", bredouilla Kerry. " Je parie que c'est ce fils de pute qui l'a fait. Je parie qu'il l'a fait… Ce salopard… bon sang, si je mets les mains sur lui, je vais... " Elle commença à se lever.

Dar l'attrapa et la tira vers le bas alors qu'Andrew criait et se couvrait les yeux. " Calme-toi. " Elle se retrouva emmêlée avec son amie, leurs regards tout proches. " Ne sautons pas aux conclusions. " Elle sentit le corps tendu par la colère dans ses bras se détendre lentement alors que Kerry glissait de nouveau dans l'eau.

" De quoi elle parle ? " Demanda Andy, toujours la main sur les yeux. " Qu'est-ce que Steve a trouvé ? "

" C'est bon, tu peux te retourner ", lui dit Dar. " Il a trouvé une sorte de toxine, il n'a pas dit quoi, juste que c'était quelque chose qu'on absorbait à travers la peau, et que c'était plutôt moche. Il veut que je passe demain matin pour s'assurer que tout est parti. "

Les yeux bleus réapparurent, puis l'ex-marine cligna. " D'main, hein ? Ça t'ennuie si je viens avec toi ? " Son regard s'était durci, et toute son attitude avait subtilement changé. " J'aimerais bien en entendre plus. " Il s'éclaircit la voix. " J'en profit'rai pour dire bonjour à l'ancien. "

Dar hocha la tête d'un air absent. " D'accord. " Son front s'agrandit. " Tu ne penses pas vraiment qu'il… " Elle se força à rire. " Allons… on n'est pas dans un mauvais roman policier. "

" J'sais pas. " Andrew toucha la peau sur son bras, là où la main d'Ankow avait serré. " Mais j'ai bien l'intention de l'savoir. " Sa voix était tombée d'un ton et était plus profonde, dans un grondement rauque qui ressemblait plus à un ronronnement qu'autre chose.

Pendant un moment, le danger flotta autour d'eux. Puis Andy se redressa et cogna le bord du jacuzzi. " J'suis v'nu voir si vous voulez v'nir prendre une tasse de quelque chose là-bas. "

" Il faut qu'on s'habille alors, hein ? " murmura Kerry, depuis son nid chaud contre Dar.

Andy dressa un sourcil.

" D'accord ", acquiesça Dar. " On vous rejoint dans quelques minutes. " Elle le regarda partir, et entendit le léger bruit de la grille lorsqu'il sortit du jardin pour se diriger vers la plage.

 

****************

 

Comments (0)

You don't have permission to comment on this page.