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reflectionsfromthepast2B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Reflets du passé

(Reflections of the past)

 

 

De Missy Good

 

Traduction: Fryda

 

 

*********

Partie 2B

***********

 

 

Chapitre 14

 

La lumière du matin nous trouva pleinement éveillées, bien que je regrettai l'aube rosissante. Ma Dame, ce que j'avais mal… mon corps me faisait l'impression d'avoir été piétiné par une meute de bétail sauvage, il n'y avait pas un seul endroit qui ne me fasse souffrir.

 

Ma compagne du Nord avait bougé avant moi, et elle était accroupie au-dessus du faible feu, faisant tourner le lapin qu'elle avait tué la veille, et elle tourna son regard vers moi, me tendant une portion de la chair écorchée.

 

Ooh… mon estomac se retourna à l'odeur mais ses yeux étaient durs et je craignis de refuser, parce qu'elle pensait sûrement qu'elle faisait une bonne action.

 

Alors je le pris, et sous sa surveillance, je mordis un morceau, ne voulant pas rejeter le cadeau, et curieusement, mon corps l'accepta, bien que je ne sus pas dire si c'était dû à la faim primaire ou juste à l'étrangeté de la situation.

 

Une nuit complète sur ce bateau… j'étais profondément épuisée et je me sentais comme si ma force m'avait fuie, aspirée par le mal de mer et le dur travail. Alors je mangeai ce truc à moitié brûlé, à moitié cru, essayant de l'avaler sans le sentir, regardant Elevown me fixer de ses yeux sans couleur. Elle mangea sa part avec une rude élégance, nourrissant le feu avec les os, et fixant la forêt pendant un long et paisible moment.

 

Je réfléchis à ma rude situation que la lumière du jour montrait durement et pleinement. J'étais là, dans ce pays étrange, sans outils, sans… rien. Juste mes mains et les talents inconnus de cette femme du Nord, qui pouvait, à tout moment, décider de suivre son propre chemin et de me livrer à moi-même.

 

Ma Dame… j'avais peur… de la pensée d'être abandonnée, pensai-je. Ce n'est qu'un peu plus tard que je me rendis compte que j'avais cessé de la voir comme une ennemie, bien que cela prendrait du temps avant que je ne la considère comme une amie.

 

La fin de la matinée nous surprit dans un épais chemin de la forêt, et je sentis mon énergie revenir, la regardant arpenter comme si le vent la portait, un vent qui semblait déterminé à me repousser. Je ralentis mon pas et sentis ma respiration revenir, alors qu'un arbre amical offrait son écorce à ma main implorante.

 

Elle avait dû entendre mes pas ralentir, car elle se retourna et me fixa, penchant la tête d'un côté. Je lui fis signe de continuer… il n'y avait aucune raison que nous soyons toutes les deux retardées, bien que je ressentais en moi une douleur qui n'avait que peu à voir avec la marche.

 

Mais non… contre toutes mes attentes, elle revint sur le rude chemin qu'elle avait ouvert, ses pas égaux un peu chaloupés, comme si elle était encore sur un bateau. Elle s'arrêta devant moi et me prit le menton, tournant mon visage vers la lumière qui me fit cligner des yeux.

 

" Erfidr. " Sa voix contenait une froide interrogation. Pénible… oui, je présume que je l'étais.

 

" Er ganga ", répondis-je en dégageant mon visage de son étreinte, parce que si j'étais affaiblie, à qui la faute ? Je n'avais pas demandé à naviguer sur la mer infinie comme esclave de son peuple brutal. " Tu en as assez fait, à massacrer ma famille, et à m'amener ici si loin de chez moi. " Je finis dans ma propre langue, fatiguée d'essayer de parler ce langage étrange et froid.

 

L'ai-je imaginé ? Je savais qu'elle ne connaissait pas ma langue, mais la froideur grandit dans ses yeux. Imbécile, je jurai pour moi-même, tu ne connais qu'une seule personne dans ce pays oublié des dieux et tu l'insultes.

 

" Saudajarmer. " Elle cracha, le mot coloré de dégoût, bien que son sens me soit connu. Un bêlement de mouton. Puis elle fit demi-tour et partit, et le silence de la forêt se referma sur moi.

 

Je regardai sa silhouette couverte de fourrure jusqu'à ce que les branches se referment sur elle, incapable de maîtriser le sentiment de malaise que son départ laissait en moi.

 

Le temps passa, long et solitaire. Je me reposai un peu et ramassai quelques baies, qui me rassasièrent un peu, puis je continuai, ne sachant pas même où j'allais, sachant seulement qu'il n'y avait aucun abri dans la forêt. L'obscurité me trouva blottie sous un toit grossier de feuilles, trop fatiguée même pour faire un feu pour me réchauffer. J'avais trouvé des noix, et de l'eau… mais mon corps trembla de froid jusqu'à ce que je me blottisse et fixe douloureusement les étoiles.

 

Comme les étoiles étaient solitaires… mon esprit me ramena à l'époque où je passais mon temps avec mes frères et sœurs à deviner les figures dans le ciel, ou aux longues nuits passées à jouer sous la voûte.

 

C'était fini, soupira le vent. Tu es seule au monde. Oui, ma Dame… cela fit mal. Le vide de la nuit éveillait en moi un vide de l'âme qui faisait écho aux souvenirs de ceux que j'avais aimés… et perdus… et je restai là avec le poids de la nuit comme jamais auparavant, lorsque d'autres partageaient ses mystère avec moi.

 

Mère. Tes douces mains me manquent tant. Ta voix. Le sourire de mon père.

 

C'est si vide, de pleurer dans cet endroit oublié, si loin de chez moi.

 

Mais qu'est-ce que cela voulait dire maintenant ? Un coin de terre brûlée, et des ombres vides. De faibles éclats de rires, enfantins.

 

Fini.

 

Les feuilles bruissaient et mes yeux cherchèrent les feuilles argentées, s'arrêtant sur d'autres yeux qui me regardaient.

 

Le claquement de crocs, et un grognement, une toux, venant d'une ombre noir d'encre contre les arbres, un cauchemar sous la forme d'un chat sauvage géant. Une patte en avant, et il s'avança vers moi, et je sentis ma fin proche.

 

En étais-je reconnaissante ? ou… ma Dame… tu nous enseignes à aimer la vie… à nous y accrocher avec une force tenace… mais en toute honnêteté, je peux dire que j'accueillais la noirceur approchante de la bête. Ce serait rapide, plus que d'errer dans cette forêt brumeuse… et, peut-être que je prendrais part au dessein de la Dame, et que je servirais à donner un jour de vie de plus à l'une de ses créatures.

 

Plus près, avançant lentement dans une extase silencieuse, me dévorant de ses yeux dorés, les naseaux écartés.

 

Une pause, la queue battant alors qu'il s'accroupissait, et je fermai les yeux et offrit mon âme à ma Dame, tranquillement en paix.

 

Un bruissement de feuilles et j'attendis immobile. Un saut… et une toux soudaine qui me fit ouvrir grands les yeux, involontairement, alors que la bête m'effleurait et s'écrasait dans les branches.

 

Un poids fantomatique s'enroula autour de ses épaules, un rire sonore fendit les ombres, et mon esprit réalisa que la Dame était intervenue.

 

Ou plus vraisemblablement, Elevown, alors qu'elle mettait le chat au sol et portait un coup de sa hache à la gorge grognante, nous éclaboussant toutes les deux d'un sang riche et chaud.

 

Le picotement abrupt de cette odeur ne me quitterait pas jusqu'à ma mort, mêlé à l'odeur fraîche des bruyères dans lesquelles je me cachais et à la vue de la Viking s'élevant au-dessus de sa conquête, riant vers le ciel insouciant.

 

Elle me fit face, la lune la peignait de rayures d'argent et d'ombres, et reflétait les parties de sa lame encore libres de sang.

 

Un pas, et elle était à mes côtés, un mouvement, et son visage était près du mien, et ses yeux me cherchaient avec une attention sérieuse. Elle leva une main et toucha mon visage de son doigt, absorbant une larme sur sa peau dans le silence étouffé qui se joignit à nous.

 

Ma Dame, je ne pouvais pas la haïr, non, pas même si vous étiez à mon côté à me menacer. Elle m'avait sauvé la vie, pour des raisons qu'elle mieux que quiconque connaissait, et s'agenouillant, nos respirations mêlées, elle me prit quelque chose qui ne me manqua que longtemps après. " Er coma ? " Sa voix sonnait paresseuse et amusée.

 

Pourquoi ? Aucun mot ne passa mes lèvres, mais mon visage dut l'exprimer, parce qu'elle haussa les épaules et se leva, me regardant.

 

Assurément, le félin n'était pas seul… rester signifiait trouver la paix dans un petit moment. La suivre… c'était choisir la douleur, et la lutte. C'était choisir la vie, parce que deux volontés survivaient parfois, pas une seule.

 

Je levai les yeux, regardant soudain derrière la froideur, et je me rendis compte qu'elle aussi était seule au monde, comme je l'étais, dans cet endroit.

 

Je choisis la vie.

 

Et me levant avec lassitude pour la rejoindre, mon imagination me fit croire un instant à une joie derrière ce masque. Vrai ou pas, nous partîmes.

 

Un long chemin, une colline, après qu'Elevown eut écorché sa proie, glissant ses longs doigts dans la fourrure soyeuse avec un plaisir sensuel. Nous grimpâmes, elle ardemment, moi déterminée, jusqu'à ce qu'une haute saillie n'apparaisse sous mes bottes abîmées et usées, et que le vent froid ne s'enroule autour de moi alors que nous faisions face à un mur de roche, dont le blanc pur et argenté était coupé par une ouverture sombre.

 

Elevown prit la torche allumée qu'elle y avait laissé, et se baissa pour entrer, je la suivis. La lumière vacillante de la torche me montra une petite caverne, avec la trace plus sombre d'un passage contre le mur du fond, et un sol couvert de fins éclats de roche qui bruissaient sous nos pas comme des gouttes d'eau.

 

Un foyer. Pour l'instant. Un refuge au moins, qui nous sauvait du vent et du froid, et nous protégeait des bêtes. Les yeux d'Elevown croisèrent les miens alors que nous nous installions avec lassitude contre un mur, nous regardant avec une attention curieuse.

 

Jusqu'à ce que le sommeil nous emporte, et que les brumes grises descendent pour nous apporter la paix jusqu'à ce que l'aube brûlante ne nous rappelle dans l'arène de la vie.

 

Chapitre 15

 

L'arène de la vie, hein ? Songea Xena en inspirant l'air froid et vivifiant du matin d'un air appréciateur. Pas mal, décida-t-elle évita une branche basse dénudée, et en allongeant légèrement sa foulée lorsque le sol commença à monter.

 

Le soleil apparaissait à peine à l'horizon et lançait un dard chaud et occasionnel au travers des arbres, qui saisit sa silhouette en course alors qu'elle s'installait dans un rythme confortable, sur un chemin bien connu. C'était sa course préférée, descendre les champs dénudés et le long de la rivière, puis remonter les rudes collines à une vitesse calculée pour faire appel aux ressources de son corps et donner un bon exercice à ses muscles. Après plusieurs essais, elle avait remarqué que ces courses matinales étaient ce qu'il y avait de mieux pour maintenir sa condition au niveau où elle se sentait le mieux… combinées avec quelques exercices légers et les entraînements qu'elle partageait avec Gabrielle.

 

Elle n'était pas au top… et elle le savait. Mais les mois d'hiver paresseux lui avaient procuré des avantages qui compensaient les quelques pertes à son avis. Elle avait volontiers payé ce prix, recevant en échange une dose de paix qui lui avait permis, au moins pour un petit moment, de laisser son passé derrière elle et de… vivre simplement.

 

Elle savait que ça ne durerait pas éternellement… alors elle s'était assurée de ne pas laisser ses talents s'éroder au-delà d'un certain point. Mais la possibilité de s'allonger paisiblement avec sa compagne devant le feu toutes ces longues nuits, sans que ses sens ne sursautent fiévreusement au moindre son, au moindre soupçon de danger… ça avait été un sursis très apprécié.

 

La tempête avait fini par s'amenuiser tard la veille au soir, et elles s'étaient éveillées dans une chaleur bienvenue, assez chaude, en fait, pour que Xena puisse obtenir de sortir du chalet simplement vêtue de son cuir, ce qui avait été… un peu frisquet au début, mais le vent frais était maintenant le bienvenu sur sa peau réchauffée par l'exercice.

 

" Hé, Arès… viens, ne traîne pas. " Elle appela le loup occupé à renifler partout, se penchant vers l'avant lorsque le chemin avait commencé à grimper et elle avait mis plus d'énergie joyeuse dans sa course, laissant le vent souffler ses cheveux vers l'arrière alors que les feuilles mortes volaient sous ses bottes. Dieux… comme c'est bon. Elle soupira joyeusement. Ça avait été un hiver entier de repos et de détente et elle le sentait bien là, dans le bondissement de son pas, et le flux presque incontrôlable d'énergie qui semblait bouillonner à la surface comme de l'eau dans une fontaine.

 

J'en avais besoin. Elle se l'admit, à contrecœur, ayant enfin compris la totalité des dommages qu'elle avait infligés à son corps ces dix dernières années lorsqu'elle s'était réveillée un matin, et s'était rendue compte que c'était la première fois qu'elle n'avait rien de meurtri. Rien… pas même le fond de raideur dans ses épaules dont elle avait souffert depuis une éternité. J'ai enduré ça si longtemps… je ne savais pas quoi faire de moi-même.

 

Deux longues enjambées, et un saut aisé par-dessus une coulée étroite dans la colline, là où la pluie avait taillé une blessure au couteau dans l'herbe boueuse, et Xena sourit férocement alors que ses pas l'amenèrent par-dessus un escarpement rocheux, et elle lança son corps dans un saut parfait avant d'atterrir avec un petit rebondissement et continuer sur la pente. Oui, songea-t-elle pensivement, je me sens…ses lèvres se tordirent d'un air désabusé. Rajeunie. C'était comme si elle faisait des pas minuscules de celle qu'elle était aujourd'hui, vers celle qu'elle avait été... avant.

 

Avant César. Son esprit lui murmura délicatement ce nom. Avant qu'elle n'apprenne de la façon la plus rude, ce qu'était la confiance, et l'honneur. Et l'amour. J'avais juré… que mon cœur ne ferait plus jamais une telle confiance. Elle se souvint avec un tressaillement. Et il ne l'a jamais fait… pas vraiment… j'ai toujours gardé ce petit mur… non, je ne laisserais personne aller jusqu'à mon cœur, pas moi. Nan. Et puis cette gamine de Potadeia est arrivée.

 

C'est juste une gamine agaçante. Xena avait fermement insisté à sa propre intention, tirant sur ses épaules le manteau de sa nature irritable alors qu'elle était assise près du feu, le fixant d'un œil mauvais. Elle est là pour l'excitation et la romance. Combien de fois est-elle 'tombée amoureuse' depuis qu'elle a insisté pour me suivre ? Je peux le dire de chaque pauvre gars sur lequel nous sommes tombées.

 

" Il est pas mignon ? " La voix essoufflée et pleine de confidences de Gabrielle avait fait écho dans ses oreilles et elle avait soupiré, secouant la tête devant la platitude des attirances du barde. Oui, sûr, gamine. Très mignon. Ses yeux étaient allés se poser sur la jeune fille, endormie en boule sur la couverture de l'autre côté du feu. Sa tête était posée sur la courbe de son bras, et l'autre main sous son menton, les doigts serrés. La lumière du feu caressait la joue pâle de la jeune fille, et Xena était ennuyée de sentir ses lèvres esquisser un sourire à contrecœur alors qu'elle regardait l'air de jeune innocence de Gabrielle.

 

D'un autre côté… la gamine était… plutôt mignonne, elle aussi. Elle se l'admit. Bien plus que l'un de ces petits gars dont elle tombait amoureuse. Elle avait un joli sourire et ses yeux étaient… on y voyait des points dorés flotter dans tout ce vert. Xena s'était surprise à noter des choses comme ça ces derniers temps... et elle se disait que c'était juste de la curiosité de sa part.

 

Ouais. Gabrielle n'est pas ton type, Xena, pas du tout, alors dirige tes pensées ailleurs. C'est une brave, et décente, et gentille… et douce… fille, qui va partir avec un de ces gars mignons que nous croisons sans arrêt, et voilà tout, s'était-elle dit fermement. Et je serai plutôt… contente quand ça se produira.

 

Elle était déjà partie deux fois… ce n'était qu'une question de temps, n'est-ce pas ? Si elle ne rentrait pas chez elle, ou à l'Académie… alors le futur de la jeune fille, c'était un mari et une famille, il n'y avait aucun doute là-dessus. Elle était… destinée à devenir une cuisinière plutôt décente après tout, et elle avait une attitude ouverte qui réussissait même à rendre Xena de bonne humeur, surtout ces derniers temps. Elle ferait une bonne épouse, n'est-ce pas ?

 

La guerrière mâchouilla sa lèvre, réfléchissant à cette pensée. Bon sang… ça faisait presqu'une année ? Non… c'était impossible. Mais si. Une année d'aventures, et de problèmes et… elle soupira. Et une érosion lente et grognonne de son mur d'indifférence si bien érigé. Que cette gamine soit maudite.

 

" Hé ! " Un mouvement de l'autre côté du feu et elle avait levé les yeux pour voir la jeune fille assise, qui la regardait de ses yeux endormis. " Hum… " La jeune fille avait contourné le feu après s'être maladroitement mise debout, et elle s'était accroupie près de Xena. " Tout va bien ? "

 

" Oui. " La réponse avait été un peu brutale. " Retourne te coucher. " Et elle avait vu la soudaine aspiration alors que Gabrielle absorbait sa froideur, et que la jeune fille s'entourait de ses bras avant de baisser le regard vers le sol. Bon sang… Xena s'était sermonnée. Je fais ça depuis des jours. Qu'est-ce qui m'arrive donc, par Hadès ?

 

" Hum… ok… bien sûr… bon… c'est juste que tu as cette expression étrange… je n'étais pas… " Ses épaules s'affaissèrent et elle soupira doucement. " Laisse tomber. " Elle se leva et retourna vers son lit, se blottissant sur un côté et se protégeant le visage du feu avec son bras.

 

Elle a essayé de me tendre une main. Xena venait de s'en rendre compte, en fixant les flammes sans joie. Pourquoi ? Ses oreilles, bien plus aiguisées que celles de la jeune fille, avait entendu le reniflement à peine étouffé. Elle pleure. La guerrière avait soupiré silencieusement. Et là je fais quoi ? Je vous jure… c'est plus facile d'avoir affaire à une armée entière qu'à une seule petite gamine. Mais elle s'était ressaisie et était allée vers Gabrielle, s'agenouillant sur le sol avant de lui secouer rudement l'épaule. " Hé ! "

 

Le bras avait lentement bougé, exposant le visage couvert de larmes de la jeune fille, et ces yeux remarquables et tranquilles l'avaient regardée droit dans les yeux, et avaient fait tomber chaque mur, chaque barrière qu'elle avait si soigneusement érigés avec une aisance à couper le souffle. " Qu'est-ce qui ne va pas ? " avait-elle demandé, adoucissant consciencieusement sa voix.

 

" Tu ne m'aimes vraiment pas , hein ? " La question était calme. " Je sais… je me suis imposée en quelque sorte… tu m'en veux. Je suis désolée. "

 

Xena l'avait regardée pendant un long et silencieux moment, soudain honteuse. D'elle-même, de la façon dont elle avait traité la gamine. Personne ne méritait cela, surtout pas Gabrielle. " Non… " Elle s'assit, jambes croisées près de la jeune fille. " Je veux dire… oui… je veux dire… oh par Hadès, Gabrielle. "

 

Un silence. " Je t'aime bien, vraiment. " Elle regarda la jeune fille avec un air renfrogné. " Et… je ne t'en veux pas. "

 

Ces yeux. " Vraiment ? "

 

Gabrielle avait besoin d'y croire… et Xena était étonnée de réaliser… que c'était vrai. " Ouais… vraiment ", répondit-elle, l'air grognon, et ses doigts, sans sa permission, commencèrent à essuyer les larmes du visage de Gabrielle " Tu es une bonne… amie, Gabrielle. " Elle ne pouvait pas croire à la douceur de la peau de la jeune fille, et avant qu'elle ne le réalise, elle caressait la joue alors que leurs yeux se cherchaient. " Et… je… je suis contente que tu… aies décidé de… hum… rester avec cette vieille guerrière grognonne. "

 

Elle sentit les muscles bouger sous ses doigts alors que la jeune fille lui faisait un sourire timide. " Hé… c'est mieux. " Elle lui rendit son sourire. " Je vois maintenant pourquoi ces gars tombent amoureux de toi. Tu as un joli sourire. "

 

Gabrielle rougit un peu et inspira. " Et bien… tu sais… je ne le fais pas exprès… ça arrive comme ça, c'est tout " Elle haussa un peu les épaules.

 

Ouais. Xena avait lentement étudié ses sentiments. C'est sûr, n'est-ce pas ? " Tu te rendors, OK ? La route est longue demain… je veux traverser la Thessalie rapidement… éviter cette guerre. " Un peu plus tard, elle avait laissé sa main retomber, sentant l'air se rafraîchir sur sa paume en contraste avec la chaleur du visage de Gabrielle.

 

Les yeux de la jeune fille avaient suivi sa main, puis étaient remontés, alors qu'elle se remettait sur le côté. " OK… oui… c'est plutôt une bonne idée ", répliqua-t-elle doucement, en étouffant un bâillement. " Est-ce que… hum… tu vas suivre ton propre conseil ? "

 

Xena avait regardé les flammes et hoché la tête d'un air absent. " Oui… dans un moment. " Plus tard, elle s'était dit que c'était un coin d'herbe confortable, avec un arbre bien placé pour qu'on s'y appuie. Il était parfaitement compréhensible qu'elle se soit laissée glisser vers le sommeil. La journée avait été longue et elle avait essayé de leur tracer un bon chemin.

 

Mais elle n'avait jamais vraiment compris comment Gabrielle avait réussi à la recouvrir de son manteau sans la réveiller.

 

Tu es une cliente difficile, Xena. Elle rit d'elle-même silencieusement. Un coup d'œil à ces jolis yeux verts et tu avais la chair de poule. " Comment c'est arrivé, hein ? " demanda-t-elle à Arès, qui haletait et lui lançait des regards de temps en temps. " Qu'est-ce qu'ya, Arès ? Je te fatigue ? "

 

" Roooo… " protesta le loup.

 

" Oh, d'accord. " La guerrière se laissa fléchir, elle avait atteint le haut de l'arête de toutes les façons. " On se repose une minute. " Elle ralentit jusqu'à un petit pas de course, puis à la marche, posant les mains sur ses hanches et laissant sa respiration revenir. " Content ? " Son regard suivit l'animal qui tourna autour d'elle, puis s'effondra dans les feuilles lorsqu'elle finit par s'arrêter. " Paresseux. "

 

Le vent s'enroulait autour d'elle et elle se raidit, écoutant les sons les plus légers qui parvenaient à ses sens aiguisés. Un cri, mais… " Viens, Arès. " Xena bondit vers le son, descendant l'arête de rocher sur le côté opposé à Amphipolis, soudain consciente du silence inquiétant qui l'environnait. Le bruit de ses pas était douloureusement fort à ses oreilles, leur impact faisant légèrement écho.

 

Le son léger augmenta et elle ralentit alors qu'elle localisait sa source, près du bord d'un escarpement rocheux. " Oh… Arès… reste là. " Elle mit une main sur la tête du loup en se rapprochant, repérant une petite forme blottie sur la surface rocheuse. " Doucement. "

 

" Miaou. " Le chaton effrayé la regarda avec des yeux écarquillés et sauvages.

 

" Allons. " Xena soupira, voyant sa mère, c'était probable, accroupie sous un buisson, qui sifflait. Génial… elle roula mentalement les yeux. Je n'aurais pas à l'adopter au moins. " Doucement. " Elle se mit sur le ventre et s'avança, à l'affût de mouvements inattendus du chaton. " Viens par ici. " Plus près alors que l'animal se pressait contre le rocher, sa petite queue remuant de terreur.

 

Elle étendit la main avec précaution. " Hé… minou, minou… " Souffla-t-elle. " Viens… " Le chaton avança un peu le museau pour renifler ses doigts d'un air soupçonneux, puis miaula de nouveau. " C'est ça… doucement. " Elle mit la main autour du petit corps et soupira de soulagement.

 

Et elle sentit, plus qu'elle n'entendit, le craquement subliminal du bord qui tombait sous elle, l'envoyant bouler le long du ravin. Elle bondit en l'air, en jurant, maintenant le chaton hurlant d'une main, et essayant de se rattraper aux branches et aux crevasses qui défilaient rapidement.

 

Un rebond brutal et elle perdit le sens de l'équilibre alors qu'elle percutait une avancée de rocher, lui envoyant un éclair de douleur, tétanisant ses sens alors que le fond arrivait trop vite, trop durement… et qu'elle le toucha avec un craquement nauséeux.

 

Elle avait si mal qu'elle avait peur de respirer, avec la seule conscience du rire moqueur qui flottait derrière elle, alors qu'une épaisse couverture grise recouvrait ses sens.

 

Chapitre 16

 

" Alors ? " Cyrène regardait la silhouette immobile par-dessus l'épaule du guérisseur.

 

L'homme lui jeta un regard court et distrait. " Je m'en sortirais mieux si tu n'étais pas sur mon dos, Cy. "

 

L'aubergiste laissa échapper une expiration et fit un pas en arrière, lançant un coup d'œil à la silhouette fine et tendue juste à sa droite, qui regardait par la fenêtre. Gabrielle avait enlevé son manteau mais aucun des vêtements lourds qu'elle avait portés pour les conduire, à moitié affolée, jusqu'à l'endroit où sa compagne était tombée. Il leur avait fallu du temps pour remonter la guerrière avec précaution, inquiets que sa chute n'ai causé des dommages internes qui pourraient s'aggraver. Elle n'avait pas repris conscience depuis.

 

Cyrène alla vers le barde et lui massa les épaules. " Comment ça va ? "

 

Gabrielle se retourna et se reprit visiblement. " Je vais… bien ", dit-elle doucement. " Je vais… " Ses yeux glissèrent vers le lit et le fixèrent. " Elle va se remettre. " C'était plus une supplication qu'autre chose, et la voix du barde traîna sur la fin de la phrase.

 

Cyrène lui tapota doucement la joue. " Elle a beaucoup de raisons pour ça. " Elle attendit que Gabrielle la regarde. " Elle est très forte, tu le sais, n'est-ce pas ? "

 

Un vague hochement de tête. " Je sais. " Le barde se frotta les tempes et soupira. " J'aimerais tant savoir ce qui s'est passé… c'est… maman, elle n'a jamais d'accident de ce genre. "

 

L'aubergiste mit un bras autour d'elle en sympathie. " Je suis sûre qu'il y a une explication… et qu'elle nous la donnera aussitôt qu'elle reprendra connaissance. "

 

Ces mots firent place à un silence oppresseur alors qu'elles se tournaient vers Renas, qui s'était relevé et se frottait lentement les mains. Il carra ses épaules et alla vers elles, regardant le sol pendant un moment avant de croiser leurs yeux. " J'ai… fait tout ce qui était en mon pouvoir ", dit-il avec précaution. " Elle est… " Il s'interrompit. " C'est la blessure à la tête… le reste… ce ne sont que des écorchures et quelques bleus, ce n'est rien… bien que je me demande comment elle a fait pour dégringoler tout du long sans… " Il traîna sur les derniers mots. " Enfin… tout ce que nous pouvons faire, c'est attendre. "

 

" Combien de temps ? " demanda Cyrène, calmement.

 

Le guérisseur secoua sa tête rousse. " Je ne sais pas…ça peut arriver n'importe quand. "

 

Gabrielle regarda par-dessus l'épaule de l'homme. " Ou jamais. " Elle croisa son regard avec une compréhension blafarde et ses yeux verts se fermèrent lorsqu'il hocha faiblement la tête. Elle sentit le bras de Cyrène se resserrer autour de son épaule, et prit une inspiration tremblante, laissant le sentiment nauséeux se dissiper lentement dans son estomac. " Mais ça n'arrivera pas ", continua-t-elle, en affermissant sa voix. " Elle est plus coriace que ça. "

 

Il sourit un peu. " Ça… je veux bien le croire. " Il mit une main sur son bras. " Je ne sais pas quel est son niveau de conscience… essaie de lui parler… ça peut l'aider. "

 

" D'accord ", répondit Gabrielle en passant près de lui pour aller s'agenouiller près du lit, étalant précautionneusement la couverture douce avant de la poser sur les épaules de Xena ; puis elle soupira silencieusement à la vue de la pâleur extrême de la peau de sa compagne, et le contraste affreux du bleu qui s'étendait autour du bandage propre couvrant une grande partie de sa tête. Elle enroula ses doigts autour de la main toujours posée sur la couverture, et la leva, réchauffant sa surface froide contre sa joue. Je sais que tu es là… tu sais que je suis là et que je t'attends… et tu sais que je ne cesserai jamais de t'attendre. Elle ferma les yeux et sentit la chaleur de ses larmes sur sa joue. Alors reviens tout de suite.

 

Le cœur de Cyrène se serra à lui faire mal alors qu'elle regardait la mince silhouette du barde osciller, puis lentement descendre jusqu'à ce que sa tête repose sur l'épaule de Xena, leurs doigts entrelacés. Elle s'avança et mit une main sur l'épaule de Gabrielle. " Ma chérie… calme-toi, d'accord ? Je vais chercher de la soupe. " Elle s'interrompit, hésitante, puis continua. " Pour vous deux. " Injectant autant d'assurance qu'elle pouvait dans les mots.

 

Gabrielle leva les yeux vers elle avec reconnaissance. " Merci maman. " Elle acquiesça, regardant Cyrène et le guérisseur partir et fermer la porte avec précaution derrière eux. Puis elle retourna son attention vers sa compagne.

 

" Il m'a dit de te parler, Xena. " Elle parlait calmement. " Ok… ça, je peux le faire. " Elle examina le moindre soupçon de réponse dans le visage exténué, et elle n'en trouva aucun. " Ecoute… je sais que tu es là… quelque part. Et… je sais qu'il fait sûrement noir… et que c'est plutôt effrayant. " Elle frotta son pouce sur le dos de la main de la guerrière. " Mais tu vas retrouver ton chemin, je le sais. "

 

Le silence se réinstalla, et elle pouvait entendre les sons affaiblis du village flotter au travers de la vitre. " Xena… " reprit-elle. " Je… je pourrais lire… tu aimerais ça ? Et puis c'est mon tour… je me suis entraînée… je ne suis pas aussi bonne que toi… mais… je peux deviner la plupart des mots. "

 

Le silence. Et Gabrielle savait que si elle s'y laissait entraîner, la terreur la submergerait et elle deviendrait inutile, à toutes les deux. " Ok… alors je vais lire. " Elle lâcha la main inerte de Xena à contrecœur et prit un parchemin, puis revint au lit, et fixa calmement son occupante. " Je… " Elle mit une main sur la joue de sa compagne. " Tu as si froid… je peux peut-être arranger ça, OK ? " Elle fit le tour du lit et grimpa avec précaution pour s'installer au côté de la guerrière, passant un long moment à la regarder respirer faiblement.

 

" Allons, Xena… " Elle repoussa doucement les cheveux ébouriffés des yeux de la guerrière. " Je veux voir ces beaux yeux bleus, ok ? " Le barde déglutit. " Ça fait combien de temps que je ne t'ai pas dit combien j'aime tes yeux ? " Sa voix devint murmure. " Je les aime tant… ils sont si beaux… " Elle toucha une paupière avec un doigt aussi léger qu'une plume. " J'aime la façon dont ils s'éclairent quand tu souris. "

 

Ce fut si léger, qu'elle fut d'abord convaincue que c'était son propre corps qui tremblait, ou pire, un effet de son imagination désespérée, mais elle sentit un minuscule frisson sous son doigt. Elle retint sa respiration, et le sentit de nouveau, un tressaillement involontaire alors que le corps de Xena sentait la pression sur la peau sensible de sa paupière. " C'est ça… je sais que tu es là, mon amour. " Elle retira sa main et effleura l'endroit de ses lèvres. " Bon… je vais lire maintenant, d'accord ? "

 

Elle leva le parchemin et concentra son regard jusqu'à ce que les signes étrangers commencent à signifier quelque chose, ce qui prit du temps et lui fit mâchouiller sa lèvre de concentration. Dieu… ça semblait si facile pour Xena… " Ok… ok… j'y vais. "

 

Chapitre 17

 

Nos vies avaient pris un certain rythme, bien que très dures, et elles allaient l'être plus encore à cause du temps qui se dégradait de jour en jour, et se faisait de plus en plus froid dans notre petite grotte. Dans la région, on trouvait surtout des arbres aux aiguilles très fines, très bons pour fabriquer des matelas, mais pas pour fournir de la nourriture.

 

J'avais remarqué des buissons de baies et je ramassais de la verdure qui venait s'ajouter à ce qu'Elevown pouvait attraper, ce qui n'était pas beaucoup car elle n'avait que sa lourde hache et aucun outil pour bâtir des pièges ou des collets.

 

Ça la mettait en colère, je le savais… elle était de ceux qui veulent tout réussir, et ces grapillements l'érodaient comme l'eau sur un rocher. Elle partait en chasse pendant la journée et revenait au crépuscule, plus souvent les mains vides qu'autre chose, et elle s'asseyait dans le silence de l'obscurité contre le mur au fond de la grotte, s'aspergeant de colère comme s'éclaboussaient les petits oiseaux que je regardais lors de mes sorties dans les bois.

 

Moi-même, je n'avais pas tant de succès, j'étais étrangère à ces bois, et j'étais ignorante de ce qui était sain et ce qui ne l'était pas. Je m'essayai à la pêche… oh ma Dame, les eaux ne me sont pas clémentes, je dirais. Cependant, je trouvai une tortue, une grosse, et cette nuit-là, nous mangeâmes une soupe qui me réchauffa, et fit grand plaisir à ma compagne hésitante.

 

Je passais les nuits obscures en contemplation, la plupart du temps, à revivre les souvenirs du passé. Je ne pensais pas à l'avenir, parce que chaque jour passé dans ce pays désertique me faisait me demander s'il y en aurait un autre, ou si nous ne faisions que retarder la fin de nos voyages dans ce monde. Elle ne me parle pas, à part quelques mots, des instructions, ou parfois de la colère. Je pense qu'elle est en colère contre le monde entier, pas contre moi, mais je m'écarte de son chemin en tout cas. Je ne veux pas subir le contrecoup de son mécontentement.

 

Parce qu'elle est forte, bien plus que moi, et son corps forgé aux arts de la guerre. Je l'ai regardée en cachette lorsqu'elle retire ses fourrures pour se baigner, et j'ai vu les marques de sa nature sur son corps, et surtout une longue cicatrice qui suit la courbe de son omoplate, et qui, je crois, lui fait mal lorsque les nuits sont froides.

 

C'était une journée après tant d'autres si longues, avec peu de nourriture, et encore moins d'espoir, et j'étais au milieu des arbres, creusant mon chemin pour trouver quelques maigres racines, j'avais un petit sac à moitié rempli de diverses choses, plus ou moins bonnes à manger. Je trouvai un buisson de baies et je m'approchai joyeusement bien qu'il s'étendait par-dessus ma pire ennemie, l'eau. Mais ma Dame… que je les voulais ces baies, j'étais si lasse d'avoir toujours faim, de voir mon propre déclin dans les yeux cernés et profonds de ma compagne.

 

Je tendis la main et la destinée me prit, je perdis l'équilibre et plongeai dans la rivière, où des doigts glacés me dépouillèrent de mes sensations, me repoussant loin de la rive et me culbutant dans sa violence.

 

Fut-ce la chance qui me fit trouver soudain une branche ? Je ne le sais pas, je ne fis que sentir le bois contre ma main et je m'y accrochai, me soulevant contre la rive dans un éclaboussement d'eau. Je m'extirpai brutalement de l'eau, maudissant la Dame, pour avoir perdu mon sac, aussi maigre fut-il.

 

Mais alors, un mouvement sauvage me secoua et je tirai sur mes vêtements, sentant bouger contre ma peau, pour trouver, bien que cela parut impossible, un poisson piégé dans ma chemise.

 

Ma Dame, le croiriez-vous ! Un poisson énorme, qui s'était frayé un chemin vers ma peau avec une inconscience impudente. Je l'envoyai voler loin de moi, fort heureusement à l'opposé de l'eau, et l'assommai contre un arbre.

 

Mouillée mais ravie, j'emportai ma prise et me dirigeai vers la grotte, bien que je dégoulinais d'eau, et je parvins même à capturer quelques-unes de mes baies si chères et si lassantes. J'étais contente de rentrer ce jour-là, parce que je savais qu'un repas chaud, amènerait peut-être un sourire grognon sur le visage de ma compagne de voyage nordique, quelque chose devenu rare ces jours-ci.

 

Je contournai le chemin et entrai dans notre refuge, clignant des yeux pour les habituer à l'obscurité. Un bruit m'alerta et je bougeai les yeux, pour voir Elevown à sa place contre le mur, les genoux relevés, entourés de ses bras. Je me rapprochai et elle tourna le visage, mais pas avant que je n'y voie de grandes bosses enflammées.

 

Je posai mon fardeau et m'avançai, mes yeux croisant les siens avec inquiétude, et elle me renvoya d'un geste, oui, avec cette expression renfrognée qui m'avertissait de garder mes distances.

 

Mais je suis insensée, et plutôt bornée, et je m'approchai malgré ça, me mettant à genoux pour regarder les marques gonflées, qui, maintenant que j'étais tout près, apparaissaient aussi le long de ses bras. Je la questionnai du regard, et avec un regard dégoûté, elle sortit quelque chose de sa chemise et me le tendit.

 

Je le pris et le regardai, observant sa forme minuscule et ses traits affreux de plus près. Ça ressemblait aux mouches de mon pays et je le reniflai, fronçant le nez à l'odeur âcre. Mes yeux allèrent de nouveau vers elle, sachant que si elle avait été piquée par ces choses, elle devait souffrir le martyre. Et vraiment, bien que son visage était calme, je le croyais bien et je compatissais pour elle.

 

Maintenant son regard était sur moi, et elle tendit les doigts, touchant mes vêtements humides, et me regardant d'un air interrogateur. Ma Dame, j'avais presque oublié ! J'allai à mon sac et en tirai le poisson, le lui montrant avec fierté, et satisfaite du petit sourire que j'en tirai, alors qu'elle prenait un bassin près d'elle et me le tendait ; je m'approchai assez pour voir ce qu'il contenait.

 

Ah, Elevown ! C'était ça le prix de ta souffrance ! Tout comme dans mon pays, les insectes piqueurs portaient du miel, et il était là, le rayon largement imprégné de la matière sucrée.

 

Nous fûmes joyeuses cette nuit-là, avec notre poisson, et nos baies au miel, et je ne pus trouver le repos avant d'avoir des herbes, ce que je trouvai de mieux, pour préparer une pâte pour recouvrir ses piqûres, et je dormis de bon cœur cette nuit-là.

 

Chapitre 18

 

" Oh, j'ai bien aimé celui-là. " Gabrielle scruta le visage de sa compagne silencieuse. " Et toi ? " Elle attendit pendant un moment pour réaliser avec douleur qu'elle n'obtiendrait pas de réponse, et elle sentit quelque chose se désintégrer en elle. Le parchemin bruissa lorsqu'elle le reposa et elle appuya sa tête sur l'épaule de Xena pendant un moment. " Xena… je ne sais pas où tu trouves à cet instant… " Elle sentit la douleur et la laissa monter. " Mais tu me manques. " Elle leva une main pour caresser l'avant-bras de la guerrière.

 

Un gémissement attira son attention et elle baissa les yeux vers Arès, allongé sur le sol près du lit. " Toi aussi, elle te manque, Arès ? "

 

Le loup se mit debout et posa la tête sur le bord du tissu qui couvrait Xena, et il lui lécha la main avec nostalgie. " Roo ? " Il l'avait rejointe à mi-chemin sur le ravin, trébuchant sur les rochers dans sa hâte, et l'avait pratiquement renversée alors qu'elle conduisait le groupe de villageois confus et dubitatifs. Mais lorsqu'ils virent Arès… cela leur fit comprendre que son 'pressentiment' était plus qu'il n'y paraissait, et ils la suivirent volontiers alors qu'elle courait sur ses jambes tremblantes vers le bord de l'escarpement.

 

Gabrielle lui caressa doucement la tête, puis elle soupira et retourna son attention vers le visage inexpressif de Xena. " Qu'est-ce qui s'est passé, mon amour ? " Elle dégagea le col de la chemise de la guerrière de sa gorge, et avec hésitation, elle sentit le pouls. " Qu'est-ce qui a pu te faire tomber de cette falaise ? Ça ne te ressemble pas. " Ça non, Gabrielle en était sûre. Même après un long hiver d'inactivité relative, et bien qu'elle avait indéniablement et délibérément, laissé passer certaines choses, Xena n'était jamais insouciante, et elle avait conscience, plus que quiconque de ses limites. Ça n'avait pas de sens.

 

Voir Xena dans cet état… elle frissonna. Ça lui ramenait tous ses cauchemars. De ce long trajet désespéré dans cette montagne, juste pour affronter l'échec au sommet. De voir Xena devenir de plus en plus distante alors qu'elle cessait de lutter contre ses blessures, et de se laisser aller à la douleur, et, Gabrielle le savait maintenant, aux terribles souvenirs que lui envoyait son esprit enfiévré.

 

Le même sentiment de poids dans sa poitrine, sauf que cette fois-ci, il était pire encore, parce que cette fois, elle savait ce qu'elle perdait. " Non. " Elle se raisonna. " Je ne dois pas penser à ça. " Ses yeux fixèrent le visage de Xena. " Tu me l'as promis, Xena. " Elle se pencha en avant et mit sa bouche près de l'oreille de la guerrière. " Alors tu vas lutter, tu m'entends ? " Elle inspira. " Tu vas lutter et tu vas revenir, Xena… bon sang… Xena… s'il te plaît. " Elle hoqueta. " S'il te plaît… s'il te plaît, reviens. "

 

" Ce n'est pas assez… parfois même toutes les herbes ne font rien ", lui avait dit Niklios, une note de tristesse dans la voix. " Il faut que la volonté soit présente… la volonté de s'accrocher à la vie avec toute sa force. " Il avait bandé sa jambe, regardant l'épuisement sur son visage devenir de l'angoisse alors que ses mots la pénétraient.

 

" Non ", avait-elle murmuré. " Ne la laisse pas mourir. " Elle s'était laissée tomber à genoux, sans même ressentir la douleur lorsque sa jambe avait heurté le sol de la hutte. " S'il te plaît… fais quelque chose. "

 

" Mon enfant. " Sa main lui avait caressé le visage. " Sa volonté est bien plus forte que toutes les herbes en ma possession. " Les yeux de Niklios étaient allés vers le visage silencieux et assombri sur la couche, et il l'avait touchée doucement. " Sa respiration diminue. "

 

" Noooooon… " Le son dans sa gorge était comme le hurlement d'un animal et elle s'était jetée sur le corps de son amie comme si elle pouvait arrêter la mort. " Xena… ne me quitte pas, s'il te plaît. "

 

Mais les faibles mouvements de la poitrine s'étaient immobilisés sous son toucher, et le dernier sursaut léger de son cœur s'était arrêté sous ses doigts, et elle avait su, comme si elle avait senti l'esprit de Xena la traverser en partant.

 

Oh… dieux… comme ça faisait mal. Comme si on l'écorchait de l'intérieur, ne laissant qu'un espace vide, et le sentiment profond d'être seule qui la submergea dans une vague silencieuse et atroce. " Ce n'est pas ton heure… je peux le sentir ", avait-elle plaidé silencieusement. " Xena… je me sens si vide… ça me fait peur… s'il te plaît… reviens… le monde a besoin de toi. " La douleur la frappa de plein fouet. " J'ai besoin de toi. "

 

Mais seul le silence, et la mort lui avaient répondu. Elle avait passé la nuit en boule, refusant de lâcher la main de Xena qui se refroidissait, jusqu'à ce que les doigts légers de Niklios ne mette le bras de la guerrière près de son corps, et ne soulève le barde pour la porter sur une petite couchette proche, et adoucir ses pleurs hystériques, jusqu'à ce qu'elle puisse comprendre ce qu'il disait.

 

Le feu ? Non… son esprit se remémorait avec lassitude. " Il faut que je la ramène chez elle. " Une promesse qu'elle avait fait une éternité plus tôt, lui semblait-il, et qui lui revenait enfin. " Dans sa famille. "

 

" Mon enfant. " Niklios avait soupiré. " C'est toi sa famille, non ? " Il frotta ses mains. " C'est ce que je crois. "

 

Est-ce vrai ? Gabrielle se souvint y avoir pensé. Pas suffisamment pour qu'elle ne parte pas, on dirait. Et d'une certaine façon, cette pensée lui avait fait plus de mal que la perte de Xena elle-même. Elle avait essayé de s'en vouloir, mais le vide avait prévalu, il la remplissait avec un besoin aigu qui n'autorisait aucun autre sentiment que la tristesse. Xena… son esprit hurlait d'angoisse. Je suis perdue… et je suis si loin de chez moi… si loin de toi… tu es mon foyer, tu le savais. Un millier de choses non dites la submergèrent, sans retenue.

 

Oh… dieux… que je t'aimais. La vérité fracassante la frappa, la laissant haletante, affalée sans forces sur la couche sous les yeux inquiets de Niklios. Et à ce seul moment, dont elle ne se souvint que plus tard, elle avait vu le guérisseur bouger et avait senti, oh si brièvement, un toucher léger sur ses cheveux, qui aurait pu n'être que la brise.

 

Gabrielle laissa l'horreur du souvenir faire son chemin, et alors que sa tête reposait doucement sur l'épaule de sa compagne, les doigts qu'elle serrait si fermement dans les siens rendirent la pression, mais si faiblement.

 

Le barde fixa leurs mains jointes , reposant sur l'épaule de Xena, et elle s'arrêta de respirer, jusqu'à ce qu'elle le ressente de nouveau, à ne pas s'y tromper. Ses yeux allèrent au visage de sa compagne, et maintenant… en regardant de plus près, elle voyait un léger début de tension sur sa peau pâle. " Je savais que tu étais là ", dit-elle dans un souffle, effleurant la joue de Xena de ses lèvres. " Bats-toi , mon amour. "

 

Chapitre 19

 

Cyrène se glissa par la porte du chalet, la fermant derrière elle en écartant le petit pot de soupe de l'entrée. A moitié effrayée, elle jeta un coup d'œil dans la pièce, laissant passer un souffle lorsqu'elle vit le lent mouvement de la poitrine de sa fille, et elle soupira un peu à la vue de Gabrielle enroulée autour d'elle, les bras entourant la tête et les épaules de Xena d'un air protecteur.

 

Elle posa le pot, et alla vers le lit, en fit le tour sous les yeux observateurs d'Arès, et elle étudia sa fille attentivement, gardant le silence pour éviter de réveiller le barde épuisé. La blessure à la tête semblait toujours fermée, et Cyrène fut contente de voir que la respiration de Xena était plus forte, et la main qu'elle posa rapidement sur l'épaule de Xena lui indiqua que le corps de la guerrière était plus chaud que lors de son retour. C'est bien le moment que Toris soit parti chasser. Elle marmonna silencieusement. Granella et lui devaient rentrer le lendemain et elle espérait qu'ils suivraient leur plan… elle avait besoin d'un soutien moral, et elle savait que Gabrielle aussi, surtout elle… Mais, non. Son esprit repoussa fermement cette pensée.

 

Juste au moment où les yeux verts s'ouvrirent et la cherchèrent dans un brouillard, puis allèrent vers le visage de sa compagne pour y rester. " Maman ", dit-elle doucement. " Elle a serré ma main. "

 

Cyrène s'agenouilla et tapota les doigts du barde. " Elle sait que tu es là, ma chérie. " Elle sourit à la vue du sourire timide et exténué sur le visage de Gabrielle. " Il faut que tu y croies. "

 

Gabrielle laissa retomber sa tête contre celle de sa compagne. " J'y crois. " Elle regarda Xena avec affection. " Elle est vraiment têtue, t'sais. " Etait-ce un soupçon de mouvement près de sa bouche ? Ses yeux allèrent vers Cyrène. " J'ai entendu dire que c'était de famille. "

 

Cela lui valut un léger grognement de la part de l'aubergiste. " Contente de voir que ton humour est revenu, ma chérie. " Elle soupira. " Si je savais ce qui a poussé cette maudite gamine à plonger de la falaise. "

 

Etait-ce un autre mouvement ? Gabrielle passa une main pour vérifier sur la poitrine de sa compagne, et elle sentit les muscles se tendre sous ses doigts. " Je pense qu'elle n'aime pas qu'on l'appelle gamine, maman. " Elle posa sa main à plat sur le cœur de Xena et mit les lèvres près de son oreille. Je me demande si elle peut nous entendre ? Un sourire fit son chemin sur les lèvres du barde. " Je t'aime ", murmura-t-elle, et elle sentit le battement de cœur changer de rythme sous son toucher. Oh oui. " Elle nous entend. "

 

Cyrène la regarda. " Comment le sais-tu ? "

 

Gabrielle lui sourit. " J'ai de nombreux talents. "

 

Cela lui valut un pâle sourire de la part de l'aubergiste, qui se rapprocha, et toucha doucement la blessure affreuse sur la tête de sa fille. " Et bien, si tu peux m'entendre, Xena, tiens bon, d'accord ? Tu ne t'es pas ratée cette fois-ci. "

 

Un tressaillement sous ses doigts. " Allons, mon amour ", murmura Gabrielle. " Je sais que tu es là. " Elle s'interrompit. " Ouvre les yeux pour moi, ok ? "

 

" Ma chérie, laisse-lui du temps ", protesta Cyrène. " Elle a pris un mauvais coup… ça va prendre un peu de temps. "

 

Puis, étonnée, elle vit les yeux de la guerrière battre et s'ouvrir à demi, brumeux, pour trouver le visage de Gabrielle qui la regardait attentivement, et qui se fendit dans un énorme sourire. " Hé ! "

 

Un mouvement de sourcil lui répondit, mais ça lui suffit. " Xena, ne bouge pas, d'accord ? " Ce qui, maintenant qu'elle y pensait, était une remarque plutôt idiote, mais avec Xena, on ne savait jamais. " Tu as pris un grand coup sur la tête. "

 

Un tressaillement et un très léger signe de tête.

 

Cyrène laissa passer un souffle longtemps retenu et elle toucha l'épaule de sa fille, regardant les yeux clairs qui la cherchaient lentement. " Ma chérie ? " Elle sourit à la lueur de reconnaissance dans le regard de sa fille. " Ça va aller… reste calme, d'accord ? "

 

Xena inspira une fois, puis une seconde. " P… pas vraiment… le choix. " La voix de la guerrière était très faible, et elle semblait avoir du mal à parler. " Mal partout ", admit-elle en retournant le regard vers sa compagne. " C'est tout… bizarre. "

 

Le barde sentit des vagues de profond soulagement la traverser, malgré les mots de la guerrière. " Oui… je sais. " Elle massa doucement l'épaule de Xena. " Prends ton temps, mon amour… je veux juste… " Elle écarta les cheveux noirs des yeux de sa compagne. " C'est bon d'entendre ta voix. "

 

Xena ferma les yeux, mais elle réussit à lever une main et à l'enrouler autour du genou du barde, en soupirant un peu au contact. " Reste ", murmura-t-elle.

 

Gabrielle se blottit un peu plus, et glissa un bras autour de l'estomac de sa compagne. " Ne t'inquiète pas. Je ne vais nulle part ", promit-elle, en touchant la peau douce du cou de Xena du bout de son nez. " Je ne te lâche pas. " Elle regarda la guerrière dont la respiration redevenait régulière alors qu'elle sombrait dans le sommeil, et elle se sentit se détendre elle-même. " Ça va aller ", murmura-t-elle, en partie pour elle-même, en partie pour Cyrène, qui regardait calmement.

 

L'aubergiste secoua un peu la tête et tapota la main du barde. " J'en suis sûre, Gabrielle. " Intérieurement, elle avait de sérieuses réserves, mais elle ne voyait pas l'intérêt d'inquiéter plus le barde. " Tu manges un peu de soupe, tu m'entends ? "

 

Le barde cligna des yeux d'un air ensommeillé. " OK… je vais juste… " Elle sentit une chaleur amicale l'envelopper et laissa son corps s'y détendre. " Hum… rester là avec elle, un petit peu… puis je mangerai un morceau. " Les doigts enroulés autour de son genou se resserrèrent légèrement et elle massa doucement le ventre de la guerrière en réponse.

 

Cyrène soupira et se leva. " Très bien, je reviendrai lorsque Renas viendra l'examiner. " Elle tira sur la couverture pour recouvrir le barde à moitié endormi, qui lui fit un petit sourire en réponse et regarda l'aubergiste quitter le chalet et fermer la porte derrière elle.

 

Le battement douloureux dans sa tête la sortit d'un sommeil agité vers la conscience renouvelée de son environnement, et Xena fit tout ce qu'elle put pour réfréner un grognement. Le brouillard grisâtre qui entourait ses pensées s'était un peu dissipé, mais elle avait toujours le sentiment qu'elle était prise dans un marais épais. Chaque pensée demandait un gros effort, et pour ce qui était de bouger... dieux. Elle devait se concentrer jusqu'à l'épuisement pour faire les choses les plus simples, comme de bouger un doigt.

 

Cette fois-ci, c'est la bonne. Jura-t-elle paresseusement. Une vague de nausée la submergea et elle serra la mâchoire, ce qui envoya des éclairs de douleur vers sa tête. Dieux. Ça faisait mal de respirer. Elle se concentra pour essayer de ressentir son environnement, et elle se sentit plonger à la place. C'était comme si ses sens habituellement aiguisés était entourés de coton épais, les rendant pratiquement inutiles.

 

Elle se concentra sur une chose à la fois en soupirant, d'abord sur les bruits. Lentement, bien trop lentement, le fouillis des sons s'éclaircit de lui-même, et elle fut capable de distinguer les premiers bruits de la pièce : le claquement tranquille du feu, le craquement du plancher, la respiration d'Arès au pied du lit. Ok… ok… ça c'est bon. Elle se concentra un peu plus et saisit le bruit du vent qui effleurait le toit et le claquement de sabots à l'extérieur. C'est mieux. Puis elle se laissa revenir au léger murmure de la respiration de Gabrielle, si doux contre son cou, et le bruissement tranquille du mouvement du barde qui se blottissait un peu plus contre elle.

 

Elle apprécia cela pendant un long moment, puis elle retourna au tri dans le désordre qu'était devenu son monde. Les odeurs… ah. Le feu dégageait une odeur âcre de chêne brûlé, et elle put détecter l'arôme riche de la viande dans la soupe que sa mère avait laissée. Elle soupira alors qu'une autre vague de nausée l'envahissait. Peut-être pas. Elle ouvrit un œil à contrecœur, le refermant alors que la lumière frappait cruellement sa vision. Aïe. Elle attendit un moment, puis réessaya, levant les paupières par petits à coups jusqu'à ce qu'elle puisse regarder, dans le brouillard, la pièce où elle se trouvait.

 

La maison. Un sentiment de soulagement la submergea et elle tourna lentement la tête pour regarder les cheveux blonds nichés contre son épaule, réussissant à produire un petit sourire lorsque ses yeux se concentrèrent sur le visage endormi du barde. Gabrielle. Son esprit caressa le prénom. Tu m'as ramenée à la maison, mon amour. Tout comme la dernière fois.

 

Son esprit divagua, quittant le présent et retournant rêveusement vers un passé plus sombre. Lorsqu'elle avait laissé la vie lui glisser des mains, et était enfermée dans un endroit semblable au brouillard grisâtre auquel elle venait d'échapper.

 

C'était le chaos, des ombres et des lumières mouvantes, et les pensées… dieux… ils disaient que les morts peuvent entendre les pensées des vivants… que c'était donc vrai. Elle en avait assez entendu pour que ça lui dure… et bien… laisse tomber. Mais malgré son envie de ne pas entendre, une voix passait au travers, si nette, si aiguë… et l'agonie qu'elle contenait la transperçait comme si les pensées étaient des couteaux.

 

Gabrielle, dans un tourbillon de tourments qui rendait Xena pratiquement folle… alors qu'elle essayait de se frayer un chemin dans la couche épaisse de douleur qui entourait son amie, voulant trouver un chemin… n'importe lequel pour lui apporter le réconfort.

 

Mais le jeune barde souffrait tellement qu'elle ne pouvait entendre, et Xena avait dû supporter les cauchemars et la douleur permanente qui décimait Gabrielle même lorsqu'elle ramenait le corps de sa compagne à la maison… pour tenir cette dernière promesse qu'elle lui avait faite.

 

Sans interruption, jusqu'à ce qu'Autolycus, avec son intervention féroce et désespérée, ne réussisse à reprendre son corps aux Amazones… Une minuscule percée dans les nuages sombres qui entouraient le barde… une percée que Xena était décidée à utiliser pour atteindre enfin son amie.

 

Autolycus n'était pas très chaud pour ça, mais… elle ne lui avait pas demandé son avis . Pas pour ça, non… pas pour quelque chose qu'elle voulait si désespérément. Dont elle avait besoin. De regarder dans les yeux de Gabrielle du point de vue du Roi des Voleurs, et d'y voir cette expression d'espoir fragile, hanté et désespéré qui y tremblait. Non. Je ne peux pas la laisser perdre ça.

 

Elle avait pris le contrôle d'Autolycus, apaisant sa panique de nouveau, et elle avait croisé les yeux du barde, la regardant s'immobiliser alors qu'elle se rendait plus ou moins compte qu'elle ne regardait plus Autolycus seulement. " Ferme les yeux… Gabrielle… et pense à moi. "

 

Et elle le fit. Un mouvement du brouillard, du lieu, du temps… et le barde était là, son corps tout entier tendu du besoin de croire. " Gabrielle. " C'était sa voix dans la brume. " Gabrielle. "

 

Les yeux verts s'étaient ouverts et lorsque son esprit avait reconnu ce qu'elle voyait, un sanglot étouffé lui avait échappé, et une expression qui contenait tout ce que Xena avait espéré apparut dans ses yeux. " Tout va bien… je ne suis pas morte. "

 

Il lui avait fallu chaque once de volonté pour ne pas entourer le barde de ses bras et l'étreindre, l'étreindre jusqu'à ce que… oh comme elle l'avait souhaité. Mais elles avaient si peu de temps… alors elle avait arrêté l'élan de Gabrielle d'un geste d'avertissement. Mais il lui était si difficile de voir la joie dans les yeux du barde se transformer en douleur profonde. " Pourquoi m'as-tu quittée ? "

 

Oh, Gabrielle… si seulement je savais répondre à ça. Comme j'avais été stupide de ne pas me rendre compte… comme j'avais été égoïste de penser que je pourrais choisir la voie la plus facile. Que personne ne s'en inquiéterait.

 

" Il y a tellement de choses que je voulais te dire. " La voix de Gabrielle s'était radoucie.

 

Pas le temps. Elle avait levé la main pour arrêter le barde. " Ne dis rien. " Elle s'était rapprochée et avait vu de nouveau la douleur dans les yeux du barde. " Je n'ai pas beaucoup de temps… Il me faut de l'ambroisie ou je mourrai pour de bon. "

 

Une angoisse profonde s'installa sur le visage de Gabrielle. " Xena… je ne veux pas te perdre à nouveau . " L'agonie pure l'avait touchée, et elle s'était approchée, si près qu'elle pouvait sentir la chaleur du corps de Gabrielle, même dans le monde irréel.

 

Il y avait un temps pour la vérité, et elle se laissa aller à ce moment, approchant la main pour caresser le visage de Gabrielle, et sentir la chaleur éthérée alors que le barde cédait au toucher, et que les yeux verts se levait vers les siens avec une âme tourmentée, un espoir timide. " Gabrielle… " Elle en avait senti la véracité rouler en elle. " Je serai toujours près de toi. " Et avec ces mots, elle avait pris le barde dans ses bras, avait penché la tête et embrassé légèrement Gabrielle sur les lèvres.

 

Elle voulait que ce soit un geste de réconfort… elle le voulait comme une douce promesse… que le temps leur soit donné pour… mais, en fait, ça avait été un choc pour elle, un contact chaud et frissonnant qui avait libéré un flot de compréhension sensuelle entre elles au-delà de ce à quoi elle s'attendait.

 

Ça l'avait stupéfiée, à tel point qu'elle était restée là longtemps, à flotter, bien après qu'elle ait quitté le corps d'Autolycus, et qu'elle les ait regardés se séparer embarrassés. Il lui avait fallu une éternité pour réagir, et frapper le Roi des Voleurs sur la tête pour son comportement avec son… son ? Son barde… et elle s'en était voulu parce qu'elle s'était rendue compte que le pauvre Autolycus n'avait rien à voir du tout avec ça.

 

C'était elle… c'était … elles. Elle s'était sentie nerveuse, étourdie, et confuse tout à la fois… elle ne s'était jamais attendue à… oh, bien sûr… il y avait de l'amour entre elles, n'importe quel idiot pouvait le voir… mais… ça ne lui avait pas fait l'effet d'un baiser entre amies. Peut-être était-ce dû au passage des rêves.

 

Ouais… Bien sûr… c'était ça… elle projetait quelque chose qui ne pouvait simplement pas exister. Pas Gabrielle… qui tombait amoureuse de chaque gars un peu mignon qu'elles rencontraient. N'est-ce pas ? Lentement, elle avait repoussé ce sentiment, avec un regret nostalgique. Pendant une minute… ça avait été si bon… si… juste.

 

Mais non. Gabrielle ne ressentait pas cela. Pas pour elle.

 

Et ensuite… peu de temps après, elle avait pris possession du corps de Gabrielle pour arrêter Velasca. Et elle avait eu la plus grande surprise de sa vie.

 

Le soleil se frayait un chemin silencieux dans la pièce, se glissant par la vitre avec un doux rayonnement et inondant le sol de lumière dorée. Gabrielle ne se réveilla que lorsque les rayons rougissants touchèrent son visage, momentanément troublée d'être au lit, à cette heure-là, et toujours habillée. Puis le souvenir afflua, et elle grogna doucement, se bougeant avec raideur de la position dans laquelle elle s'était maladroitement endormie.

 

Cela lui fit lever la tête et elle cligna des yeux en voyant deux yeux la regarder. " Oh… " Un doux sourire passa sur son visage. " Salut. " Elle se souleva sur un coude pour avoir une meilleure vue de sa compagne blessée. " Tu vas mieux ? "

 

Xena inspira profondément et avec précaution. " Un peu ", répondit-elle calmement, en tressaillant un peu en bougeant la tête. " Pas vraiment ", admit-elle avec un faible sourire. " Tout est encore… brumeux. "

 

" Mmm ", répondit Gabrielle pensivement. " Tu es réveillée depuis longtemps ? "

 

" Non ", répliqua la guerrière. " Renas est passé… il a changé le bandage. "

 

Cela fit légèrement rougir le barde. " Et je ne me suis même pas réveillée ? " Elle tressaillit. " Désolée. "

 

Xena lui lança un regard affectueux. " C'est pas grave. " Puis son visage se tendit. " Je suis… je crois que j'ai oublié pas mal de trucs, Gabrielle. "

 

Le barde l'étudia avec inquiétude. " OK… on va jouer alors. " Une vieille habitude lorsque sa compagne tirait la sonnette d'alarme. " Tu sais qui tu es ? "

 

Xena hocha lentement la tête. " Oui. "

 

" C'est un plus… je déteste avoir à expliquer tout ce truc ", blagua faiblement Gabrielle. " Tu sais qui je suis ? "

 

La guerrière sourit doucement. " L'amour de ma vie. " Ses lèvres se tordirent à la vue du rougissement provoqué par ses mots. " Quoi… c'est pas ça ? "

 

Gabrielle la frappa très doucement. " C'est encore mieux… je ne sais pas ce que je ferais si tu ne… " Sans qu'elle s'y attende, ses yeux se remplirent de larmes. " t'en souvenais pas. " Elle réussit à finir la phrase d'une voix légèrement enrouée.

 

" Shh. " Xena lui baissa la tête et l'embrassa. " C'est écrit si profondément en moi que rien ne pourrait l'effacer, mon barde. "

 

" Hé… une phrase entière ", marmonna le barde, en ravalant son inquiétude momentanée. Elle renifla et se redressa. " Désolée. " Elle réfléchit un moment. " Tu sais où tu es ? "

 

La guerrière garda le silence pendant un long moment. " A la maison. "

 

Le barde hocha la tête. " Jusque là, c'est tout bon. Tu sais quel jour on est ? "

 

Un silence.

 

" Ok… tu sais quelle année ? " essaya Gabrielle doucement.

 

Un silence encore plus grand. " OK. " Le barde soupira. " Quelle est la dernière chose dont tu te souviennes ? "

 

Xena y réfléchit un moment. " Hum… je lisais, pour toi… un naufrage. "

 

" Ah. " Gabrielle soupira de soulagement. " Et bien… ce n'est pas si mal… c'était hier. " Elle tapota la couverture sur la poitrine de Xena. " Tu… ne te souviens pas de ce qui est arrivé aujourd'hui… pourquoi tu es tombée ? "

 

Xena leva les sourcils puis tressaillit. " Par les dieux… ça fait mal… je suis tombée ? " Son front s'agrandit. " Bon sang… je… je ne me souviens même pas être sortie. " Elle essaya de se concentrer, mais elle n'y parvint pas, et leva de nouveau une main à sa tête.

 

Gabrielle la saisit et la mit dans la sienne. " Arrête ça… ne t'inquiète pas pour ça, Xena. Ce n'est pas important… tu es à la maison… nous t'avons retrouvée… c'est tout ce qui compte. " Elle regarda sa compagne fermer les yeux. " Tu as besoin de repos… comme tu me l'as dit, d'accord ? Je t'ai prévenue que j'allais te fourrer au lit pendant deux semaines la prochaine fois que tu te blesserais, tu t'en souviens ? "

 

Un œil bleu la fixa. " Non. "

 

Gabrielle la cogna doucement dans les côtes. " Menteuse. "

 

C'est la lueur malicieuse dans son œil qui la trahit. " Qui, moi ? " Puis elle soupira. " J'ai trop mal au crâne pour dormir. "

 

Le barde l'étudia attentivement. " Tu veux que j'aille demander quelque chose à Renas ? "

 

Xena secoua un peu la tête. " Ce n'est pas une bonne idée pour une blessure à la tête. " Elle tressaillit avec regret. " Malheureusement. " Son regard se posa doucement sur le visage inquiet de sa compagne. Il faut que je lui fasse penser à autre chose… inutile que nous soyons malheureuses toutes les deux. " Est-ce que tu voudrais… hum… me lire quelque chose ? "

 

" Hmmm ? Oh… bien sûr. " Gabrielle sourit. " Je m'en suis bien sortie avec le dernier, hein ? "

 

La guerrière leva la main et traça la mâchoire de sa compagne. " J'étais dans un endroit obscur… une sorte de vide… et j'entendais cette voix… j'ai pensé que je ferais bien de la suivre pour voir d'où elle venait. " Elle sourit un peu. " C'était toi… tu parlais de poisson et de miel… et de baies… et je me souviens avoir pensé… c'est bien d'elle. "

 

Gabrielle grogna de rires. " Oh… super… merci. " Elle roula hors du lit et alla vers la pile de parchemins, échangeant celui qu'elle tenait pour un autre. " Je te donne un peu de soupe… ok ? "

 

" Non ", objecta Xena en croisant les bras sur sa poitrine. " Je ne peux pas. " La seule pensée lui tordait le ventre.

 

Le barde apporta le nouveau parchemin et le posa sur la table, puis elle mit très doucement la main sur le front de sa compagne. " Tu devrais, Xena. "

 

La guerrière déglutit de nausée. " Ça va me rendre malade… " pria-t-elle la barde. " Vu comme est mon crâne… je ne veux pas vomir, Gab… " Ses yeux étaient suppliants. " S'il te plaît ? "

 

" Shh… " Gabrielle la calma, mal à l'aise de s'entendre appeler par son diminutif si peu souvent employé. " Ok… ok… je comprends. " Xena était une patiente difficile, et elle l'admettait elle-même, mais elle en était à montrer parfois cette facette très vulnérable d'elle-même à sa compagne, et Gabrielle avait deviné depuis longtemps que c'était une preuve ultime de confiance de la part de Xena. Alors elle ne fit pas de commentaire, elle retourna sur le lit et se blottit près de la guerrière, prête à continuer sa lecture.

 

A suivre - 3ème partie

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