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reflectionsfromthepast5B

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Reflets du passé

(Reflections of the past)

 

 

De Missy Good

 

Traduction: Fryda

 

 

*********

Partie 5B

*********

 

Tout s'était joué pour sauver la vie de Gabrielle, au détriment de rester dans les ténèbres pour le reste de ses jours. Et quand elle y repensait, cela avait semblé être une décision si facile à prendre.

 

Les ténèbres s'étaient installées autour d'elle, lui volant même le plus petit soupçon d'ombre grise, et elle avait su, alors qu'ils entraient dans le palais, que cela ne changerait pas. Elle n'avait plus aucune chance maintenant, même avec l'antidote, de renverser le dommage que l'huile avait causé.

 

Mais elle avait mis ça de côté, et s'était concentrée sur la seule chose qui lui restait. C'était le chaos autour d'elle, martelant son ouïe devenue si sensible avec des vagues de bruits, et bombardant son sens de l'odorat d'un nombre inconfortable de parfums allant de la pierre dont était fait le château, à l'odeur souffrée du bois qui brûlait.

 

Ils avaient passé les gardes, ses instincts de combat restant fidèles et lui permettant de placer les coups dont elle avait besoin sans voir, en faisant confiance à son ouïe et aux commandes de son corps pour repérer ses opposants par leur respiration, et le mouvement de leurs pas sur le sol, et l'odeur de leur peur quand ils la repéraient.

 

Elle trouva le four plus par la chaleur montante et les faibles bruits de coups qu'autre chose, et puis elle mit les mains sur une boîte en bois en mouvement, qui lui érafla les mains jusqu'à ce qu'elle ait une prise, et fit pression de son corps contre la chaîne en mouvement, poussant les leviers jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent et que le cercueil ne devienne immobile.

 

Elle arracha le couvercle, ses mêmes sens de l'ouïe et de l'odorat identifiant l'occupante, et puis son toucher lui confirmant alors qu'elle soulevait Gabrielle et l'étreignait dans un soulagement simple et spontané.

 

Et elle avait senti l'inspiration soudaine et profonde lorsqu'elle lui avait parlé de sa cécité qui avait fait disparaître une si grande partie de son monde, et surtout de savoir qu'elle ne verrait plus les yeux compatissants qu'elle savait de nouveau fixés sur elle.

 

Elles étaient retournées à la chambre dans laquelle Gabrielle avait été retenue, pendant que Vidalis allait mélanger un peu de hénné, qu'elle soupçonnait d'être trop peu, trop tard, et elle s'était calmement installée sur un banc près de la fenêtre alors que le barde échangeait ses vêtements luxueux de cour pour sa tenue habituelle de voyage.

 

Assisse là, la bataille terminée, et gagnée, ça l'avait frappée.

 

Elle était aveugle.

 

Que font les guerriers aveugles ? Le cerveau épuisé de Xena lui avait soufflé la réponse. Ils meurent. Elle devenait une cible ambulante, incapable de se défendre de la manière la plus simple. Incapable de défendre Gabrielle.

 

Ce qui signifiait que voyager avec elle maintenant était hors de question. C'était une question de sécurité, avait-elle essayé de se convaincre. Ce n'était pas qu'elle ne voulait pas que Gabrielle la voit ainsi, pas du tout. Non… Gabrielle devait être en sécurité. Elle comprendrait.

 

Un son lui fit lever la tête, et elle concentra son ouïe dans la pièce, repérant les sons familiers de son amie sans aucun problème. Revenue dans ses vêtements habituels, parce que le mouvement et le murmure du tissu de la robe était parti, et elle pouvait entendre le doux raclement des bottes de cuir familières contre le sol de pierre de la chambre. " Tu te sens mieux ? " Demanda-t-elle doucement.

 

" Tu sais où je suis, n'est-ce pas ? " La voix de Gabrielle lui parvint.

 

Xena laissa sa tête reposer sur la pierre froide, mais la hocha légèrement. " Ouais… je sais où tu es… je sais que tu as fini de te changer, je sais que tu as mis des bottes, mais que tu ne les as pas lacées, et tu as du raisin. "

 

Un silence. " C'est… stupéfiant ", murmura finalement le barde, et elle s'approcha, submergeant presque Xena avec le barrage soudain des odeurs chaudes et familières et le son troublé de sa respiration. Elle s'était assise près de Xena et avait laissé passer une longue expiration. " Je… je ne sais pas quoi te dire ", avait-elle commencé d'une petite voix. " Peut-être que je vais attendre que Vidalis revienne avec ce truc et que tu puisses de nouveau me voir… je ne… "

 

Le silence tomba, et Xena tendit la main avec précaution et captura celle du barde, l'enserrant dans les siennes. " Gabrielle… je… je ne pense pas que ça va marcher. "

 

" Ne dis pas ça ", avait murmuré le barde doucement. " Ça va marcher, Xena… si tu savais que tu avais besoin de ce truc, pourquoi n'as-tu pas… "

 

" Je ne pouvais pas prendre le risque ", avait dit Xena, sentant chaque centimètre des ténèbres qui l'enserraient. " Je devais m'assurer que tu étais en d'abord sécurité. " Elle avait légèrement hoché la tête. " Tu ne l'étais pas. J'avais raison. "

 

" Mais… ", avait commencé Gabrielle.

 

" Pas de mais, Gabrielle. Pas de mais, pas de si, pas de regrets ", avait clairement et précisément dit Xena. " Je ne le regrette pas. " Elle s'était interrompue. " Et je ne le ferai jamais. "

 

Elle avait senti la douceur lorsque Gabrielle avait posé la tête contre son épaule, et puis la chaude humidité des larmes du barde sur sa peau. " Qu'est-ce qu'on va faire ? " Avait fini par demander Gabrielle, après un long silence entre elles.

 

Elle devrait simplement lui dire, avait pensé Xena. Simplement… c'était logique, de bon sens… jusqu'à ce qu'elle s'imagine prononçant les mots qui les sépareraient et elle s'aperçut qu'elle ne pouvait pas le faire. Elle pourrait… juste… ne pas… dire à Gabrielle qu'elle allait s'assurer qu'elle rentrait chez elle, seule. " Je… je ne sais pas ", avait-elle fini par répondre. " Il va falloir qu'on y réfléchisse. "

 

" Bonne réponse ", avait marmonné Gabrielle. " Parce que si tu avais dit quelque chose comme tu pars quelque part et je ne peux pas venir avec toi, ça m'aurait vraiment mise en colère. " Elle avait accentué son étreinte. " Parce que je ne te quitte pas, quoi qu'il arrive. " Elle avait pris une inspiration tremblante. " Alors… alors habitue-toi à cette idée, ok ? "

 

Elle ne le pense pas vraiment, s'était dit Xena. Et je ne vais pas la laisser abandonner ses rêves pour moi. Mais ça avait été merveilleux de l'entendre dire ça, et elle l'avait ancré ces mots en elle, les retenant contre les ténèbres qui se rapprochaient de plus en plus.

 

Elles étaient sorties pour le traitement, dans la cour bordée d'arbres, où Xena sentit le dessin tacheté par la lumière du soleil à travers les feuilles contre sa peau, et la pierre froide du banc vers lequel Gabrielle l'avait amenée. Elle entendit et sentit Vidalis tout près, mais son attention était concentrée sur Gabrielle, qui se tenait debout devant elle.

 

Elle entendit les sons légers de l'infusion, et le sifflement tranquille alors que le barde rinçait le petit bout d'éponge qu'elle utilisait. Elle entendit Gabrielle respirer, plus vite que la normale, et plus fort à cause de la nervosité. Elle sentit la peau du barde, très distincte, et l'odeur acérée et amère du contenu du plat. " Vas-y ", avait-elle dit.

 

Les doigts chauds touchèrent sa mâchoire, relevant son visage vers le soleil, puis une goutte d'eau toucha ses paupières, et elle cligna des yeux, puis elle hoqueta à la piqûre violente dans ses yeux. Elle essaya de bouger la tête mais Gabrielle était insistante et mit une autre dose.

 

Elle avait fermé les yeux contre la piqûre et avait senti le mouvement léger alors que le barde essuyait la substance qui avait coulé sur son visage.

 

Un moment de silence, pendant lequel elle avait senti la respiration tendue de Gabrielle, et le son de déglutissement à plusieurs reprises, alors que Vidalis bougeait impatiemment dans la cour plus loin.

 

Elle avait cligné des yeux et les avait ouverts, et elle avait été choquée par la lumière bizarrement grise, là où il n'y avait eu que les ténèbres. Un autre clignement, et le gris passait à des couleurs floues, puis un mouvement devant elle attira son attention et elle se concentra dessus.

 

Et le mouvement était devenu une silhouette, qui se solidifia en un visage très familier. Elle s'en était souvenue plus tard, elle ne s'était jamais rendue compte de la beauté des yeux de Gabrielle jusqu'à ce qu'elle les voit briller dans la lumière du soleil de cette fin d'après-midi.

 

'Un spectacle qui lui réchauffa le cœur'. Oh oui. On peut dire qu'elle l'était bien.

 

Xena leva les yeux de son assiette, se rendant compte que tout le monde la regardait. " Quelque chose ne va pas "

 

Gabrielle sourit et captura sa main sous la table. " Nan… je viens juste de finir l'histoire. T'étais partie où ? "

 

La guerrière absorba les regards qu'elle recevait de sa famille et haussa les épaules. " Juste… je me souvenais de certains moments. " Elle se concentra sur son agneau pendant une minute. " Ça m'a donné une nouvelle perspective sur certaines choses. "

 

Cyrène la regarda en silence pendant une longue minute, en secouant la tête. " Xena… tu penses… qu'après un moment, tu te serais adaptée… à être aveugle. "

 

Xena leva les yeux, la fourchette dans la bouche, et elle s'interrompit en mordillant. " Je ne sais pas. " Elle haussa les épaules. " Je n'ai pas eu à vérifier. "

 

" Palémon a dit… ", risqua Toris. " Que c'était la chose la plus étonnante qu'il ait vue… il a dit… qu'après, il a essayé de se mettre un bandeau et de marcher… il a failli se tuer. " Il étala du beurre sur un morceau de pain et prit une bouchée. " Il a dit qu'il pouvait te voir approcher les choses d'autres manières… en utilisant tes autres sens, je présume. "

 

La guerrière hocha la tête. " En gros… ouais… on ne sait jamais… j'ai passé du temps… à m'entraîner avec les yeux bandés. " Elle se remit à son assiette, insensible aux regards surpris autour de la table. " C'est juste une question d'utiliser ce que tu as, plus ou moins. "

 

Gabrielle se pencha en avant. " Elle dit ça comme ça… comme si ce n'était rien, pas vrai ? " Elle rit légèrement. " Vous seriez stupéfaits de ce qu'elle peut dire juste en sentant un truc ou deux. "

 

Xena lui lança un regard et un sourire sensuels, ce qui causa un éclat de rires autour de la table.

 

" Tch. " Le barde lui frappa l'épaule. " Arrête un peu. "

 

Sa compagne se fabriqua un air innocent. " Je n'ai rien fait. C'est toi qui l'as dit ", protesta Xena d'un ton raisonnable, en finissant son assiette et en se penchant en arrière avec sa chope de bière, avant de prendre une gorgée et d'essayer de se souvenir si c'était sa troisième ou sa quatrième.

 

Si tu ne peux pas t'en souvenir, c'est que c'est la quatrième, lui dit son cerveau, et elle posa le reste sur la table, et mit son attention à l'histoire suivante de Gabrielle.

 

                            * La nuit était étoilée et claire lorsqu'elles quittèrent l'auberge pour rentrer chez elles. Gabrielle bâilla et se rapprocha de sa compagne, prenant son bras . " Maman est si mignonne… elle t'a fait ces gâteaux que tu aimes tant. "

 

" Elle NOUS a fait ", corrigea Xena avec un sourire paresseux. " Tu les aimes autant que moi, et elle le sait. " Elle prit une profonde inspiration de l'air froid de la nuit et apprécia l'odeur de pin qu'il contenait. " Belle nuit. "

 

Gabrielle regarda autour d'elle d'un air appréciateur. " Ouais. " Elle soupira. " Ça va me manquer. " Elle jeta un coup d'œil à sa compagne lorsqu'elle ne répondit pas, et étudia son profil silencieux. " Et toi ? "

 

L'air de la nuit se fit visible lorsque Xena expira, puis inspira. " J'y ai beaucoup pensé, Gabrielle. " Elle grimpa les quelques marches qui menaient au porche du chalet, le bois faisant écho sous leur poids, et elle s'installa sur le banc devant la fenêtre, avant de faire signe au barde de l'y rejoindre.

 

Gabrielle s'assit et se blottit contre elle avec joie, alors que la guerrière les enroulait de son manteau. " C'est vrai, hein ? "

 

Xena hocha la tête. " Oui… je… hum… réfléchissais à ce qu'on allait faire quand on aura fini ce truc avec Herc… et je… hum… " Ses yeux fouillèrent la nuit alors qu'elle essayait de trouver les mots justes pour décrire ce qu'elle ressentait, ce qui n'était jamais facile.

 

" Tu veux revenir ici ? " Proposa Gabrielle doucement, avec un léger soupçon de sourire sur le visage.

 

Xena s'appuya dans le banc et regarda ses mains, posées sur ses cuisses. " Je… j'aimerais essayer, oui ", répondit-elle sobrement. " Je sais… les choses ne vont pas arrêter de nous tomber dessus… il y aura toujours des situations comme celle-ci… ou d'autres choses dont il faudra s'occuper ", continua-t-elle. " Mais entre deux aventures… " Elle secoua un peu la tête. " Je n'ai jamais pensé que je pourrais ressentir ça. " Elle regarda sa compagne. " Je n'ai jamais pensé que je pourrais rentrer à la maison. "

 

" Et maintenant c'est le cas ", murmura le barde .

 

Xena hocha lentement la tête. " Ouais… et je me suis rendue compte que peut-être… c'est ce que je veux. " Elle fixa le sol. " Je suis désolée. "

 

Les deux sourcils blonds se dressèrent d'un coup. " Désolée ? De quoi ? "

 

Les yeux bleu clair de Xena firent le tour du village, puis revinrent vers elle. " Ce n'est pas pour ça que tu as quitté ton village. "

 

Gabrielle la fixa et soupira. " Ta mère avait raison. Tu peux être bête parfois. " Elle mit la main autour de la joue de la guerrière et la força à croiser son regard. " Xena, tu es ce pourquoi j'ai quitté mon village. " Elle s'interrompit pour que les mots portent. " J'aime cet endroit, et tu le sais. "

 

" Alors ça ne te dérange pas ? " Il y avait maintenant une confiance grandissante dans la voix de la guerrière.

 

" Hum… non… ce qui m'amène à quelque chose que je… dont je voulais te parler. " Ce fut le tour de Gabrielle de regarder le sol. " Tu… viens juste de rendre les choses plus faciles. "

 

" Ah bon ? " Xena la fixa. " Est-ce que tu… je veux dire… est-ce que tu voulais que ça devienne plus permanent aussi ? "

 

Le barde se frotta la mâchoire et se passa la main dans ses cheveux clairs. " En quelque sorte. " Elle leva les yeux avec un air légèrement penaud. " Je ne sais pas… peut-être que c'est d'avoir parlé à Lila… je… " Elle leva les mains et les laissa retomber. " Mais j'ai eu une conversation avec Toris. " Un minuscule sourire. " Il était… un peu surpris de la question… mais… hum… il a donné son accord. "

 

Xena cligna des yeux. " Il… a donné son accord ? " Répéta-t-elle lentement.

 

Gabrielle hocha la tête. " Ouais… il hum… je lui ai dit que je… hum… souhaitais avoir un enfant… et… je… j'aime vraiment son allure, ses traits. " Elle rougit. " Et… il a accepté. "

 

La mâchoire de Xena tomba. " Euh… p… pourquoi tu n'as pas… dieux, Gabrielle… tu aurais pu en parler ! "

 

" Je ne… " Elle rit doucement. " Je ne voulais rien dire… pas avant que nous ne soyons revenues après l'été… mais maintenant que tu as amené le sujet… je, hum… pensais que c'était le bon moment pour en discuter. "

 

" Hum… " La guerrière s'interrompit et reprit. " Hum… " Un sourire menaça de s'installer sur son visage, et elle se contenta de lever les mains. " Ouaouh… je hum… hum… "

 

" Tu es sans voix ", dit Gabrielle en riant. " Mais je pense que tu aimes cette idée parce que tu souris, et tu ne le fais habituellement pas quand tu es furieuse. "

 

" Je… je ne suis pas furieuse, non ", finit par sortir Xena. " Mais.. Gabrielle… tu es sûre ? " Elle prit les mains du barde dans les siennes. " Je suis passée par là… tu es sûre que c'est ce que tu veux ? " Elle lança un regard désabusé au barde. " Ce n'est pas vraiment une partie de plaisir, tu sais. "

 

Gabrielle sourit. " Tout ce qui mérite d'être vécu mérite le mal qu'on se donne pour l'avoir ", dit-elle calmement. " J'ai appris ça. " Elle fixa le regard bleu brillant qui dansait près du sien. " Oui, j'en suis sûre. "

 

Xena sourit, et hocha la tête pour approuver. " Très bien. " Elle soupira de joie. " Mais j'aurais aimé être là quand tu lui as demandé. "

 

Gabrielle sourit en se souvenant.

 

Le vent avait soufflé en rafales toute la journée et ils étaient coincés à l'intérieur. Elle avait donné un petit cours de bâton à quelques étudiants qui avaient réussi à venir avant que le mauvais temps ne se lève, et elle avait reposé le bâton dans son coin et reprit son souffle quand Toris était entré dans la cuisine. "

 

" Hé… " Elle l'avait salué, décidant que c'était le bon moment.

 

Il avait levé les yeux. " Hé ! " Son visage s'était fendu dans ce sourire bizarre et familier alors qu'il traversait la pièce, et lui offrait la moitié du gâteau fraîchement cuit qu'il mangeait.

 

Elle avait accepté, et s'était assise à la table la plus proche. " Tu veux t'asseoir ? "

 

Un autre sourire. " OK. " Il avait enfourché le banc en face d'elle et posé les coudes sur la table. " Maman vient juste de les finir… " Il montra le gâteau. " C'est une nouvelle recette. "

 

Gabrielle en avait mordillé un coin, puis avait souri. " C'est une réussite. " Elle en prit une bouchée de bonne taille avec joie. " Alors… qu'est-ce que tu fais ces temps-ci ? " Comment se mettre à l'aise dans ce genre de conversation ? Se demanda-t-elle.

 

" Pas grand-chose ", avait répondu Toris, en finissant sa moitié de gâteau avant de se frotter légèrement les doigts. " Et toi ? J'ai entendu dire que les cours de bâton continuent… tu en as laissé quelques-uns debout ? "

 

" Quelques-uns… Quelques-uns. ", avait-elle ri, puis elle s'était éclairci la voix, et avait vérifié la présence d'autres personnes. Personne. " Ecoute… Toris… je… hum… il y a un truc dont j'aimerais te parler. "

 

Sa tête se pencha et il entrelaça ses doigts. " Oh ? " Il regarda autour de lui nerveusement. " Ecoute… je sais que j'en ai un peu trop fait avec les vannes hier… mais elle avait l'air d'accord, vraiment. "

 

" Hum… oui… non… " Gabrielle lui tapota la main. " Ça ne la dérangeait pas… non… ce n'est pas de ça dont je veux te parler. " Elle se passa plusieurs approches en revue dans la tête. " Toris… hum… qu'est-ce que tu penses des enfants ? "

 

Apparemment, c'est la dernière chose qu'il s'attendait à l'entendre demander. Il se redressa et ses sourcils se touchèrent. " Euh… ben, on en a parlé, Gran et moi… et… ben, tu… si nous… et on peut dire qu'on est presque… " Il rougit un peu. " Ben, voilà, après tout ça, on va probablement… Gabrielle… pourquoi tu me poses cette question ? "

 

Elle saisit l'occasion. " Et bien, tu vois…j'y ai vraiment pensé… et… j'aimerais bien en avoir un. "

 

Son visage s'éclaira. " Oh… bien sûr… " Il sourit, puis hésita. " Hum… tu… te… rends compte qu'il y a … hum… ben, un problème logistique là… euh… hein ? "

 

Elle hocha la tête et croisa les mains, se penchant un peu vers lui. " Ooouuiii… je… hum… m'en suis un peu aperçue… mais… hum… tu vois, j'aime vraiment beaucoup l'allure de Xena, ses traits. "

 

Un haussement d'une épaule. " Ben… bien sûr… qui ne l'aimerait pas ? " Demanda Toris d'un ton raisonnable.

 

" Mmhmm… " Gabrielle approuva. " Grande, les cheveux noirs, ces yeux bleus magnifiques… " Elle regarda le début de la compréhension s'installer sur son visage. " Ça ferait un bébé, vraiment, vraiment mignon, tu crois pas ? "

 

" Euh. " Toris avait dégluti si fort qu'elle l'avait entendu. " Est-ce que tu… euh… tu ne me demandes pas… euh… " Il se passa la langue sur les lèvres. " Hein ? "

 

Elle hocha la tête. " Si, c'est ça. "

 

" Oh ", avait-il dit faiblement.

 

Elle avait attendu, observant les pensées traverser son esprit. " Xena et moi, on en a déjà parlé. " Elle écarta sa toute première inquiétude. " Elle hum… elle a raté une occasion de faire partie de la vie de Solon quand il était bébé… et après quand il a grandi. Je… j'aimerais lui rendre ça. " Elle croisa son regard. " Et… Toris… tu es mon frère… je t'aime… et il n'y a personne d'autre à qui je voudrais demander ça. "

 

Elle l'avait vu déglutir deux fois mais son regard n'avait jamais quitté le sien. " Très bien ", avait-il répondu calmement. " Je suis honoré que tu me le demande. " Puis il avait hoché la tête. " Quand tu seras prête, on le fera. "

 

Gabrielle avait souri. " Merci. "

 

" J'ai dit à Lila quand on y est allées que je lui en avais déjà parlé ", confessa le barde. " Mais ça a été de la voir… de lui parler… je pense que ça a déclenché quelque chose. " Elle laissa passer un soupir tranquille, alors que Xena se tournait à demi et l'entourait de ses bras, installant ses mains autour de sa taille d'un air protecteur. " C'est… un sentiment un peu étrange, et plutôt merveilleux ", finit-elle par dire.

 

" Ouais. " La voix de Xena gronda dans ses oreilles. " Tu as tout à fait raison. "

 

Elles restèrent ainsi assises pendant un long moment, à simplement regarder la lune, qui peignait la cour d'ombre et d'argent inhabituel. " Tu es prête pour ce parchemin ? " Demanda finalement Gabrielle. " Je pense que c'est… LE parchemin. "

 

" LE parchemin ", répéta Xena en mordillant l'oreille du barde. " LE parchemin ? Oh… ce 'LE parchemin' " Elle rit doucement. " Bien sûr… pourquoi pas ? " Elle souleva le barde dans ses bras, et se leva, l'envoyant légèrement en l'air avant de la rattraper. "

 

Gabrielle gloussa. " Tu ferais bien d'arrêter ça… tu vas te blesser. " Elle entoura la nuque de Xena de ses bras et laissa passer un soupir profond du fond du cœur. " Xena ? "

 

" Mmm ? " La guerrière semblait retenir sa respiration, se tenant debout les yeux fermés, et un sourire sur le visage.

 

" Est-ce qu'il est possible d'être autant heureux ? " Murmura Gabrielle. " J'ai l'impression que je vais exploser. "

 

Xena ouvrit les yeux. " Je pensais exactement la même chose. " Elle referma les yeux et se laissa submerger, une joie si intense qu'elle la traversa comme une vague. A ce moment précis, elle connaissait la paix, et le contentement et l'amour, elle oublia de réfléchir à si elle le méritait ou pas.

 

Puis elle serra légèrement le bras du barde et poussa la porte du chalet du pied, se glissa à l'intérieur et la referma derrière elle avec sa botte. " Hé, p'tit gars… " Elle attendit patiemment qu'Arès s'écarte du chemin avant de continuer et de déposer sa compagne sur le lit. Le loup sauta immédiatement près du barde et commença sa séance de léchouille.

 

" Arès… " Gabrielle se mit à rire. " Tiens… va voir maman… je pense qu'elle a une friandise pour toi dans sa poche. "

 

" Roo ? " Le loup trébucha jusqu'au bord du lit et la regarda avec espoir. " Arghrooo ? "

 

Xena mit les mains sur ses hanches. " Et comment tu as su que j'avais quelque chose pour lui ? " Demanda-t-elle au barde en levant un sourcil.

 

Gabrielle se mit sur le dos et fit un geste vers le plafond. " Oh s'il te plait… Xena… tu le fais toujours… tu es aussi prévisible que le coq qui nous réveille chaque matin."

 

" Oh vraiment, hein ? " Demanda la guerrière un défi dans la voix.

 

Le barde la fixa, éclairée par la lumière dorée de la chandelle et sourit. " Est-ce que je t'ai dit récemment combien tu es belle ? "

 

Un sourire ironique s'agrandit sur le visage de sa compagne. " Pas depuis que tu étais à moitié abrutie par le pain aux noix, Gabrielle. " Elle soupira et tendit le contenu de sa poche à un Arès impatient qui remuait la queue.

 

Gabrielle mit les mains derrière la tête. " Dieux… je le pense si souvent qu'on pourrait croire que ça sort de ma bouche à chaque phrase. " Elle s'interrompit. " Je devrais le dire plus souvent… tu dis toujours des choses si gentilles sur moi… je présume que j'oublie parfois parce que c'est si évident, je devrais aussi en dire. " Elle se frotta un peu les tempes. " Désolée… je bafouille… je pense que le dernier verre de bière m'a bien finie. "

 

Xena finit d'enfiler une chemise en laine épaisse et se laissa tomber sur le lit, roulant sur le côté, puis posa la tête sur une main. " C'est pas grave… tu es mignonne quand tu bafouilles. "

 

" Tu vois ? " Le barde ébouriffa la fourrure d'Arès, alors que le loup rampait près d'elle et enfouissait sa tête dans sa poitrine. " Tu dis toujours des trucs gentils. " Elle s'interrompit. " C'était gentil ça, non ? "

 

" Ouais ", la rassura la guerrière. " Ça l'était. " Elle frotta nonchalamment le dos d'Arès, puis regarda Gabrielle rouler sur le lit et enlever ses vêtements pour enfiler une chemise de nuit. La chandelle, décida-t-elle, avait un bel effet sur sa compagne, mettant en relief les teintes rouges de ses cheveux, et accrochant le tissu léger et fin qui couvrait son corps d'une lueur dorée.

 

Gabrielle se glissa dans sa chemise de nuit, et alla vers le bureau, où elle prit le précieux parchemin, et le tint contre elle. " Il se pourrait qu'on n'arrive pas au bout de ce truc… " Elle étouffa un soupir. " J'ai un peu sommeil, mais… " Elle apporta une grande chandelle avec elle vers le lit, et la posa, puis grimpa près de Xena.

 

L'odeur joyeuse de la cire fondante se mêlant au chaleureux mélange de parfums du barde mirent Xena dans un brouillard plaisant jusqu'à ce que sa joue ne soit doucement tapotée. " Euh… oh… désolée. " Elle sourit un peu et se releva contre la tête de lit, s'appuyant pour laisser le barde s'installer sur sa poitrine. Elle entoura la taille de Gabrielle d'un bras et attendit que sa compagne déroule le parchemin.

 

Alors qu'elle le faisait, elle fut consciente de l'endroit où se trouvait sa main, et elle laissa son esprit vagabonder sur la pensée de sa compagne enceinte. Un sourire apparut sur son visage, invisible au barde. Sa propre grossesse… le sourire disparut. Elle ne s'était pas très bien passée. Elle avait toujours été surprise qu'elle et Solon aient survécu. Mais Gabrielle… ce serait différent. Le sourire réapparut. Elle aurait une excuse pour gâter sa compagne sans qu'elle puisse refuser, et elle avait l'intention de saisir la chance. Et sa mère… dieux. Le sourire s'agrandit encore plus, imaginant le ravissement de Cyrène.

 

" Prête ? " La voix de Gabrielle brisa sa rêverie, et elle tourna son attention vers le parchemin.

 

****************

Une fois encore les couleurs changent ici, alors que le soleil commence sa descente vers les mois sombres, et que nous nous préparons à l'arrivée de la fin de l'année.

 

Notre hiver sera bien plus sûr cette fois, je le sais, parce que nous avons prévu de bonnes provisions, et que nous avons fait des réserves pour les mois sombres et froids, quand la chasse deviendra difficile, et que le monde prend sa revanche avant le renouveau du printemps.

 

Je vais bien, autant que faire se peut, et je peux à peine croire que cela fait une année que nous sommes arrivées dans cet endroit lointain, une année dans laquelle tant de choses se sont produites, et tant de choses ont changé.

 

Une grande ville, qu'ils appellent Cirron, va avoir un festival de la moisson, et j'ai convaincu ma compagne d'y aller, car je ressens le besoin d'offrir mes remerciements pour notre survivance pendant cette année, même s'ils rendent hommage à des dieux qui me sont inconnus.

 

Ainsi je la convaincs, je connais son grognement de contrariété, et nous voilà en route ce matin clair et brumeux où nos respirations sont à peine visibles.

 

Les couleurs marquées et rayées lui vont bien, et contrastent avec ses cheveux clairs et ses yeux gris, et je me surprends à la regarder comme à l'accoutumée, alors que nous marchons sur le long chemin, traversons la rivière et les bois sombres, vers la route qui mène à Cirron.

 

Comme toujours, dans ces bois, mes yeux voient des ombres et des murmures de choses invisibles, et je déroule un conte qui parle de magie et de fées pour distraire Elevown alors que nous marchons.

 

Elle marche près de moi, ses longues enjambées retenues pour rester à mon niveau, avec cette démarche chaloupée qui lui vient d'une vie passée à bord des navires, du moins c'est ce qu'elle dit, et nos bras s'effleurent souvent lorsqu'elle se penche pour entendre mes paroles.

 

" Vois-tu des monstres partout, Ardy ? " Sa voix contient de la chaleur alors que je termine, et elle me sourit, une expression que j'ai vue de plus en plus sur son visage ces derniers temps, comme je la vois de plus en plus sur le mien.

 

Curieux, c'est sûr.

 

" Non… " Je la devance. " Mais il y a des choses autour de nous, des yeux qui nous regardent, je le sens. "

 

Ses yeux prennent une lueur de chasseresse. " Ja. Moi aussi. " Elle prend cette excuse pour se rapprocher, comme pour m'assurer que je suis en sécurité, et je reçois cela avec un plaisir tranquille qui démarre en moi, comme souvent, un flot de pensées.

 

Nous arrivons à Cirron alors que l'obscurité s'installe, et nous passons les portes de la ville, où beaucoup d'amusements nous attendent déjà. La place centrale est pleine d'ombres créées par des torches, et la musique roule dans l'air crépitant au milieu du bruit solide de bottes lancées dans des pas de danse.

 

Je sens de la viande rôtie et je vois les yeux d'Elevown s'allumer, alors qu'elle repère un groupe de combattants qui échangent des histoires de batailles en cercle autour d'un foyer et . Je m'attends à ce qu'elle les rejoigne, mais au lieu de ça, elle fait quelque chose d'étrange, elle évite le langage rude, et me suit de près, passant la tête dans les boutiques éclairées des marchands avec moi alors que nous naviguons dans le marché festif.

 

Ah, la voilà partie, se glissant dans la foule comme un fantôme aux cheveux clairs, revenant alors que je trouve certains des fruits que nous aimons toutes deux et les serre contre ma poitrine. Ses yeux gris luisent légèrement, alors qu'elle m'échange une tasse contre un peu de mon plat, et je bois largement le vin riche et doux de la dernière vendange, et je la regarde faire de même, alors que son attention vagabonde bien au-delà de nous deux.

 

" C'est bon, ja ? " Elle lève sa tasse et je hoche la tête. Oui, pas comme l'hydromel de mon père, mais c'est assez bon. Nous marchons, notre vin à la main, évitant les enfants rieurs et les gens qui nous sourient. J'ai toujours aimé la moisson à la maison, c'est un moment pour les débuts comme pour les fins, quand nous célébrions la bonté de la Dame, et nous assurions que beaucoup de choses fussent prêtes pour les longs mois morts à venir.

 

Cette nuit-là, trois mariages furent célébrés, et les danses sur la place étaient sauvages et effrénées alors que les jeunes gens s'amusaient, ceci étant leur dernière soirée avant leur libération d'avec leurs liens familiaux. Elevown prend possession d'une table près du feu, et nous nous installons confortablement pour regarder les esprits en verve.

 

Une main sur mon poignet. " Faim ? " me demande-t-elle avec une requête dans ces yeux clairs. Car elle, elle a toujours faim, comme un loup qui ne cesse jamais, bien que sa silhouette ne le montre pas. " Oui… un peu. " Je la taquine, car je sais que je sens du sanglier rôti dont elle est si friande.

 

Un sourire, et la voilà partie en chasse, et je me cale dans ma chaise et regarde les danseurs endiablés, alors qu'ils tournoient et bougent dans des grands mouvements les uns avec les autres, si différents de ce que nous faisions dans mon pays. Je me perds dans cette contemplation jusqu'à ce qu'un peu de temps passe, et voilà Elevown, qui me revient, triomphalement chargée d'assiettes qu'elle dépose sur la table avec un geste de fierté.

 

Ah, ma Dame… elle s'est surpassée cette fois. Car c'est un festin, de toutes les bonnes choses qui poussent et ont poussé dans les champs alentours. Le sanglier est là, et de longues racines rôties, et des graines dans des petites tranches de pain noir et parfumé. Avec mes fruits, nous en faisons un excellent dîner, et regardons les danses alors que la musique se fraye un chemin à travers nous deux et part en spirale vers les étoiles.

 

Je trouve un morceau de rôti un peu plus tendre et connaissant ses goûts, je le mets sur mon couteau et puis sur mes doigts et le lui offre pour plaisanter.

 

Ses yeux brillent et elle penche la nuque, et prend le morceau et je sens le contact de ses dents qui capturent mes doigts, et ses lèvres qui se referment.

 

Et nous voilà, pendant ce moment, seules dans Cirron.. Je crois bien que si un troupeau de bêtes sauvages passaient près de nous, je ne le remarquerais pas. Juste un moment, puis le bruit s'abat de nouveau sur moi, et mes doigts me sont rendus, et nous restons là à nous interroger, alors que nos regards se croisent, et je sens un sourire charmé se former sur ses lèvres.

 

Je ne peux pas croire ce que je ressens. Je la regarde, comme dans un rêve, découper un morceau et me le tendre, et je le prends en silence, puis je sens la douceur de ses phalanges effleurer ma joue.

 

Sur quelle route marchons-nous, toutes les deux ? Le temps passé m'a montré le changement en elle, une douceur que je ne m'attendais pas à voir, et avec elle une chaleur et une proximité qui ne peuvent que me ravir. Elle choisit ma compagnie, même dans la solitude de notre grotte, restant à mes côtés alors que nous vaquons à nos tâches nocturnes, et que nous trouvons un endroit que nous aimons pour regarder notre feu, ses bras autour de mon cou, et son menton sur mon épaule dans un compagnonnage sans arrière-pensée.

 

Qu'il y ait de l'amour entre nous est indéniable, je le sais, mais depuis peu je me demande si nous n'allons pas vers quelque chose de plus profond, dans des eaux inconnues, et je ne sais pas si je suis capable, ou si je veux m'ouvrir aux souvenirs qui vont revenir et tout ramener.

 

Cette nuit, cependant, cette nuit, j'apprécie ses attentions avec un doux vertige qui ne menace pas mes sens, et nous sommes là, assises et satisfaites, échangeant nos portions à tour de rôle, laissant la magie de la nuit passer sur nous avec plaisir.

 

La lune se lève enfin, et les festivités prennent fin, et je suis heureuse, bien que j'aie échoué dans ma quête pour convaincre Elevown de venir sur la piste de danse. Elle est intimidée par les regards sur elle, bien qu'avec sa grâce et son talent pour bouger, elle n'a rien à craindre. Mais je ne peux pas lui en vouloir ; elle m'a présenté ses excuses de façon si attanchante en détournant pour moi une assiette des gâteaux au miel qu'elle sait que j'aime tant, et a pacifié mon indigence envers sa timidité. Par ce geste, je lui permets d'acheter mon pardon.

 

Nous nous promenons au milieu de la foule qui murmure, allant vers un endroit que nous avons loué pour cette nuit et la suivante, pour profiter encore plus du festival, et nous voilà arrivées à notre lieu de repos, une auberge bien située dont les fenêtres donnent sur la place ornée de rubans du festival, et dont la patronne aux joues telles des pommes nous accueille avec chaleur et gentilles intentions.

 

Fatiguées, nous le sommes toutes deux, même ma robuste compagne, qui présente son côté grincheux à notre hôtesse, mais dont les contours et les mouvements du corps me sont si familiers que je vois la fatigue en elle sans problème. Je la convaincs d'enlever sa veste et ses armes, et d'enfiler la chemise rouge que j'aime aussi, pour voir le contraste avec sa peau claire.

 

Je vais à la fenêtre et je reste là tranquillement, regardant la place et ses points éclairés par les torches, jusqu'à ce que je sente une main sur mon épaule et me retourne pour la voir derrière moi, suivant mon regard dans l'obscurité. " Que vois-tu ? " Ses yeux regardent par-dessus les miens.

 

" Que ces gens ne sont pas si différents des miens. " Je lui réponds doucement. " Les coutumes sont différentes, mais il reste les remerciements pour les actions de grâce, ce qui semble être une bonne chose. "

 

" Ja. " Elle s'appuie sur l'arche en bois qui retient la fenêtre. " Nous le faisons aussi… surtout l'union pour mieux survivre au froid des hivers. "

 

Mes yeux la fixent avec intérêt. " Etait-ce ton cas, cariad ? "

 

Un simple signe négatif. " Ce n'était pas mon destin. " La réponse est dite d'un ton tranquille. " J'étais mariée à Thor, aucun foyer ne me dompterait. " Le sourire léger et moqueur que je connais bien et qu'elle utilise pour cacher la douleur apparaît. " Mon père m'a dit d'améliorer mes talents, car ma force était considérée comme remarquables si mon allure ne l'était pas. "

 

Je m'étonne à la douleur infime et enfantine que je vois dans ses yeux. " Alors ton père devait être fou ou aveugle, cariad… parce que tu es très belle. "

 

Ah… je l'ai prise de court, et elle est là devant moi, démunie de ses défenses. " Tu le penses vraiment, Ardy ? "

 

" Oui. " Ma réponse est simple.

 

" C'est bien. " Son sourire capture le mien. " Parce que je pense la même chose de toi. " Ses yeux cherchent dans l'obscurité, avec une respiration que mes yeux voient apeurée. " Et toi, Ardy ? " Elle regarde la place et les quelques danseurs qui s'attardent encore. " L'étais-tu ? "

 

Je souris. " Pas encore, mais presque. " Je me souviens de notre longue maison. " Mon père avait eu beaucoup d'offres, bien que je pense qu'elles avaient plus à faire avec l'avantage de s'unir à notre maison qu'avec mes charmes. "

 

" C'était des imbéciles alors. " Il y a une douce expression dans ses yeux qui me touche. " Je me serais moquée que ton père soit chaman ou mendiant. "

 

" C'est vrai ? " Je la taquine . " Que fais-tu de tes ambitions, alors ? "

 

Aucune de nous ne bouge, et pourtant, pourtant nous sommes si proches maintenant que je peux presque entendre le battement de son cœur, et je me demande si sa rapidité vaut la mienne. Je tremble, en équilibre sur la lame d'un couteau de frayeur, la moitié de mon être désireuse de se cacher pour ne pas réveiller mes cauchemars, et l'autre moitié…

 

Ah, ma Dame.

 

" Je les abandonnerais, sans hésiter. " Sa réponse arrive, inévitable, comme le printemps arrive après l'hiver. Sa main se pose sur ma joue dans une douce prière, et je suis incapable de m'empêcher de me rapprocher d'elle, incapable de retenir les réponses de mon corps. Elle penche la tête et ses lèvres effleurent les miennes, puis de nouveau, puis reviennent et restent là, et mes frayeurs s'envolent comme un oiseau, dans le ciel étoilé, loin de moi.

 

Je n'ai jamais rien connu de tel, si doux et si peu exigeant, mais cela remplit mon âme avec une telle complétude que c'est comme si j'avais attendu ça tous les jours de ma vie.

 

Peut-être que c'est le cas.

 

Nous nous arrêtons et elle se recule pour étudier mon visage. " As-tu peur ? " Sa voix n'est qu'un faible murmure. " Est-ce que je t'ai fait mal ? "

 

Sa demande calme mon trouble, et je laisse ma confiance prendre le pas, risquant tout, mais incapable de l'en empêcher. " Non… non je n'ai pas peur. " Mes mains recherchent les siennes avec émerveillement, mes doigts étendus contre la chaleur solide de sa peau à travers le tissu, et je sens son mouvement pour accompagner mon toucher, et ses mains me trouvent dans un contact si léger sur ma nuque et mes épaules.

 

C'est si différent… son toucher éveille un feu qui voyage le long de ma peau et la soulève à son passage, et nous laissons nos lèvres se retrouver une fois encore, nos corps ressentant le besoin de l'autre dans une douce douleur qui me surprend grandement.

 

J'avais pensé que tout ça m'avait été volé. Jamais je n'eus pensé ressentir si facilement la faim que mon corps fait jaillir, une douce vague qui balaient mes moments les plus sombres comme une vague laisse propre le sable qu'elle caresse.

 

Mes genoux sont de plus en plus faibles, et je la guide, et nous basculons sur le lit, emmêlées l'une à l'autre, et je sens mes mains qui courent sur elle, cherchant chaque courbe souple et chaque creux, comme les siennes le font sur moi.

 

Ses doigts trouvent ma ceinture et cette pression s'adoucit alors que je sens la chaleur du feu dans l'air toucher ma peau quand elle se débarrasse de mes vêtements, et je vois la lueur de la chandelle la brunir alors que je la libère des siens.

 

Elle est si douce avec moi, je me sens comme un objet en verre entre ses mains ; ses touchers, ses caresses sont si prudents, si doux, que je me libère de mes soucis et me livre à elle si pleinement. Mon cœur fait confiance à ses mains alors qu'elle m'emporte vers des endroits où je ne suis jamais allée.

 

Et moi, à mon tour, je me laisse aller à l'explorer dans chaque détail, me ravissant de ses lignes bien découpées et fortes, et de sa vulnérabilité enfantine, presque hésitante tandis qu'elle fait tomber ses défenses et m'offre ses secrets, sa confiance, la chose la plus chère à ses yeux, et par-là même, la plus belle chose dont elle puisse me faire cadeau.

 

Nous nous arrêtons alors, nos corps satisfaits, ne voulant pas pousser les choses plus loin cette nuit-là alors que toutes les deux nous ressentons la fatigue de la journée, et nous nous emmêlons dans une étreinte heureuse. Je me retrouve avec elle enroulée autour de moi, la tête posée sur ma poitrine, et je passe la main dans ses cheveux, humides de nos caresses alors qu'elle émet des bruits, comme le font les tous petits chiots satisfaits.

 

Je sens la vague submergeante du sommeil qui m'emporte et je m'y soumets, ayant vu un changement si inattendu dans ma vie cette nuit, bien que je sais au fond de moi que mon cœur devrait confesser l'avoir prévu depuis si longtemps.

 

Je me sens… si complète… dans la sécurité de ses bras et l'assurance de son amour, j'ai trouvé la paix. Où cela va nous mener, je ne le sais pas, la seule chose que je sais c'est que nous avançons comme une seule personne, et plus deux êtres seuls.

 

Xena jeta un coup d'œil au visage de Gabrielle, légèrement déformé par la pensée. " Qu'es-tu… en train de penser pour faire une tête pareille ? "

 

" Mmm… " Le barde posa le parchemin et se tourna à demi, se blottissant sur la poitrine de Xena avec une expression très satisfaite. " Je me demandais juste ce qu'étaient des bruits de petit chiot, c'est tout. "

 

La guerrière la fixa impassiblement pendant un long moment, puis émit un petit soupir haut perché, suivi par des petits bruits de succion, et elle finit par un doux grognement.

 

Sa partenaire se mit à rire. " Ooooh…. C'est plutôt mignon. " Elle posa la tête et massa doucement le ventre de Xena, puis elle le tapota. " J'ai vraiment beaucoup aimé celui-là… ça m'a fait du bien de les voir heureuses. " Elle sourit. " On a à peine entamé ce tas de parchemins… elles ont passé beaucoup de temps ensemble, hein ? "

 

Xena hocha la tête pensivement. " Oui… c'est vrai. " Elle posa la tête sur celle du barde. " J'espère que le tas de parchemin que tu laisseras fera deux fois celui-là. "

 

Le barde leva les yeux vers elle. " Je peux raconter toutes tes histoires, alors ? "

 

La guerrière secoua la tête. " Seulement si tu es dedans. " Elle fit un sourire en coin au barde. " C'est le marché. "

 

Gabrielle réfléchit, la tête penchée sur le côté. " Très bien… je peux accepter ça. " Elle donna un petit coup dans la poitrine de Xena. " Mais alors, je ne te permets pas d'avoir des aventures sans moi . "

 

" D'accord. " La guerrière rit doucement. " Marché conclu. " Elle se détendit et massa le dos du barde. " On ferait mieux de dormir un peu… je veux qu'on parte tôt. "

 

Gabrielle eut un sourire narquois. " Et c'est toi qui me dit ça ? C'est moi qui ait dû te tirer du lit le matin ces derniers temps, partenaire. " Elle remonta les couvertures autour d'elles et s'intalla avec un soupir satisfait. Glissant une main sous la chemise de sa compagne, elle laissa ses doigts se promener en traçant les contours et les cicatrices familiers. " Xena ? "

 

" Mmm ? " Marmonna la guerrière, en mordillant paresseusement l'oreille exposée du barde.

 

" Si… " Elle s'interrompit alors que Xena mordait doucement le lobe de son oreille, et elle perdit momentanément le fil de ses pensées. " Euh… qu'est-ce que je disais déjà… si on a un garçon… "

 

" J'espère qu'il aura ta personnalité… " Un rire de gorge. " Un garçon avec la personnalité de Toris ou la mienne va s'attirer des ennuis. "

 

" Uhmm… ben… " Le barde fut encore une fois détournée par une expédition volontaire le long de sa clavicule. " Ouais… mais si… hé… tu ne t'attires pas d'ennuis. "

 

Xena interrompit ce qu'elle était en train de faire et se pencha au-dessus de sa compagne, la regardant avec les deux sourcils dressés.

 

" Et bien… ok… je crois que je vois ce que tu veux dire. " Le barde sourit, saisissant la chance d'ouvrir la chemise de sa compagne. " Mais ce que je voulais dire c'est que… si on a un garçon, est-ce que tu es d'accord pour qu'on l'appelle Lyceus ? "

 

Xena posa son front sur celui de Gabrielle et soupira doucement. " Tu ne sais pas à quel point j'ai eu envie d'appeler Solon comme ça. " Elle ouvrit les yeux et fixa les yeux verts du barde. " C'était trop proche de moi. "

 

Gabrielle lui embrassa le nez. " Alors… c'est oui ? "

 

" J'allais dire… ne donne pas de nom à tes bébés avant qu'ils ne viennent au monde… mais… " Xena soupira joyeusement. " Si c'est ce que tu veux, d'accord… j'adorerais ça. "

 

" Bien. " Le barde l'embrassa, cette fois sur les lèvres. " Il faut que je réfléchisse à un nom de fille. "

 

" Mmm… on pourrait l'appeler comme toi… ça ferait… " Xena réfléchit. " Trois homonymes ? "

 

Gabrielle s'interrompit, les sourcils froncés. " Trois ? "

 

Xena hocha la tête. " Ouais… le gamin d'Ephiny… la gamine de Pandore… et… " Elle s'interrompit, se souvenant. " Une petite fille dans un petit village près du territoire de Jessan… elle doit avoir… oh… cinq ou six ans, je pense. "

 

Le barde commença une lente et douce exploration. " Oohh… quand Wennid t'avait vue. " Elle mordilla la peau douce.

 

" Hum… " Xena cligna des yeux, puis prit une profonde inspiration. " Ouais… oui… euh… oui. Quand tu… es rentrée chez toi. " Elle laissa ses mains glisser le long du corps de sa compagne. " La seule qui a survécu… une gamine vraiment mignonne. "

 

" Mmm… est-ce que je suis une gamine vraiment mignonne ? " Demanda Gabrielle, en mordillant légèrement.

 

" Très mignonne. " Hoqueta Xena. " Ouah… "

 

" Eh… " Le barde rit doucement. " J'tai eue. "

 

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Xena finit d'arranger sa sacoche de selle sur la jument noisette qu'elle empruntait à Toris, et elle tapota l'épaule de l'animal. " Brave fille. "

 

La jument la regarda, à peine intéressée.

 

La guerrière soupira. " Ok… ok… t'es pas du genre causante, hein ? "

 

Un silence.

 

" Compris. " Xena ajusta une sangle, et secoua la tête, tout en allant vers la stalle suivante pour une étreinte d'adieu à Argo. " On ne sera pas parties longtemps, ma fille… je te le promets. " Elle laissa ses mains glisser le long du corps de la jument. " Dieux… regarde comme tu as grossi… " Elle pressa doucement un poing contre le flanc gonflé, et sentit le mouvement à l'intérieur. (NDLT : au cas où vous ne l'auriez pas compris ou lu dans la V.O., Argo attend des petits d'un superbe étalon de chez Jessan.). " Hé… sentez-moi ce coup de pied… "

 

La jument tourna la tête et la poussa au côté, en reniflant doucement.

 

" Ouais… je sais… je serai rentrée à temps… ne t'inquiète pas. " Elle pressa affectueusement Argo au niveau du cou. " Tu fais attention à toi, d'accord ? Ne laisse pas maman te donner trop de carottes. "

 

Un autre hennissement. Xena rit et la tapota une dernière fois, puis elle déverrouilla la porte de l'autre stalle, où Gabrielle s'attardait, bavardant avec Toris et Granella. " Prête ? " Demanda la guerrière.

 

" Ouaip… " Confirma Gabrielle, en resserrant la boucle de son manteau et en levant son bâton. " Prête. "

 

Xena lui tendit les rênes. " Tiens-moi ça une minute. " Elle se baissa pour passer la porte de l'auberge, et poussa celle de la cuisine. " Maman ? "

 

Cyrène passa la tête de la pièce à provisions. " Vous partez ? " Elle sortit, se frottant les mains sur un torchon et elle traversa la pièce vers sa fille, l'enveloppant dans une énorme étreinte. " Quand est-ce qu'on peut s'attendre à vous revoir ? "

 

Xena hésita, puis fit un sourire invisible au-dessus de l'épaule de sa mère. " Probablement plus tôt que tu ne le penses ", admit-elle tranquillement.

 

Cyrène la relâcha et la tint à distance de ses bras. " Vous revenez ici toutes les deux ? C'est ça que ça veut dire ? "

 

La guerrière laissa tomber son regard, et haussa légèrement les épaules. " Je… ouais. C'est ça que ça veut dire. "

 

L'aubergiste rayonna. " Fripouille… pourquoi est-ce que tu n'as rien dit avant ? "

 

Xena lui sourit. " Ben… on en a seulement parlé hier soir… je pense que toutes les deux, on… je… hum… ça a été sympa d'avoir une endroit stable pour changer… et euh… ben, Gabrielle… elle a… elle hum… elle voudrait avoir… hum… un enfant. " Voilà. C'était dit. Bon sang que ça avait été difficile.

 

La mâchoire de Cyrène tomba. " Oh ! " Puis elle étudia Xena de très près. " Ma chérie ? Ecoute … je sais… mieux que personne… que tu as de nombreux talents, ma belle… mais… hum… "

 

" Ah… oui… ben, je sais- mais c'est un petit talent que mon frère a consenti à prêter. " Xena réussit à garder le visage sérieux. " On… se ressemble. "

 

Cyrène s'assit sur le bord de la table et leva la main. " Attends. " Elle s'éclaircit la voix. " Tu es en train de me dire que vous comptez revenir ici, et démarrer une famille en vous servant de ton frère comme d'un étalon "

 

Xena croisa les bras. " Hum… ouais. "

 

Cyrène se mâchouilla la lèvre. " Ça me plaît. " Elle tapota Xena sur le côté. " Je vais demander à mes commères de commencer à tricoter des chaussons. " Elle laissa passer un petit rire, puis se leva et étreignit à nouveau sa fille. " Prends soin de toi, ma chérie, d'accord ? "

 

" D'accord. " Xena lui rendit son étreinte. " A bientôt. " Elle relâcha sa mère, puis ouvrit la porte et sortit, en penchant la tête pour regarder le brillant soleil matinal. On y va, on règle le problème, et on revient ici. J'aime bien ça. Elle sourit à Gabrielle, et lui prit les rênes marron, se soulevant pour monter dans la selle. " Tu veux un coup de main ? "

 

Gabrielle attrapa le bras offert et se laissa soulever. " Oouuf. " Elle se mit en place, et entoura la taille de sa compagne de son bras. " Vas-y. "

 

Elles partirent sur la route, dans l'air sec, d'un matin de printemps frais. " Je l'ai dit à maman ", dit Xena par-dessus son épaule.

 

" Vraiment ? " Gabrielle n'avait pas à lui demander de quoi elle parlait. " Qu'est-ce qu'elle a dit… elle était choquée ? "

 

Xena grogna. " Ma mère ? Non… elle va demander au club des commères de tricoter des chaussettes. "

 

" Oh génial. " Le barde leva les yeux au ciel. " Ça va leur donner de quoi parler. "

 

" Notre but c'est de faire plaisir ", commenta Xena avec désinvolture. " Pas vrai ? "

 

" Vrai ", répondit Gabrielle, et elle resserra sa prise alors que la jument noisette passait au trot, les emmenant toutes les deux vers le futur.

 

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C'est donc la fin, les amis… merci de m'avoir lue. Il y a une petite coupure dans le temps entre la fin de cette histoire, et le début de Darkness Falls (NDLT : non traduit à ce jour), qui commence après le " Rift " dans la série (NDLT : il s'agit des épisodes de la saison trois qui marquent une période dramatique entre les héroïnes). Melissa Good

 

Traduction terminée le 08/10/2000. Fryda

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Comments (2)

lilclyne said

at 9:43 pm on Nov 11, 2009

VIVEMENT la suite en francais =D j adore !
HAVING DECORATED the suite there french =D I loves!

chachouille said

at 9:16 pm on Nov 19, 2009

Merci beaucoup pour la traduction

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