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terrors10b

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Dar & Kerry

 

Terrors of the High Seas

Aventures en Haute Mer

 

 

Par Melissa Good

Traduction : Fryda

(fryda@orange.fr)

 

Voir les avertissements dans la partie 1

**********

Partie 10b

*********

 

« Dar ? » Kerry laçait sa basket. « J’ai une question. » Elles étaient dans la chambre à coucher pour se changer, avec la seule lampe de chevet allumée. Tout était calme et frais et présentait un dernier moment de paix avant qu’elles aillent batailler avec le mauvais temps et DeSalliers.

 

« Mm ? » Dar fermait le bouton du haut de son jean.

 

« Comment est-ce qu’on va monter sur le bateau de DeSalliers ? »

 

Dar s’arrêta et leva les yeux. « Il a une barque, je crois. Je l’ai vue accrochée à un treuil quand on était à bord.

 

Kerry la fixa l’air sérieux. « Et s’il faut qu’on revienne rapidement ? Je déteste être à sa merci comme ça. »

 

Le bateau plongea, les faisant chercher leur équilibre. Après qu’il se fut stabilisé, Dar mit les mains sur ses hanches et fronça les sourcils pensivement. « On pourrait nager », dit-elle. « Mais dans ce temps, bon sang, j’espère qu’on n’aura pas à le faire. »

 

Kerry s’avança et glissa un doigt dans la taille du jean de Dar. « Tu penses qu’on devrait s’habiller au cas où ? Pas que je n’aime pas te voir en jean, mon cœur, parce que j’adore ça, mais c’est la galère pour nager avec. » Elle tira sur la taille. « Même s’il est lâche comme celui-là. »

 

« Tu marques un point », reconnut Dar en étudiant la tenue de Kerry, un tee-shirt enfoncé dans un short. « Je pourrais y aller en maillot de bains avec un short de gym par-dessus », dit-elle. « Tu portes un maillot dessous ? »

 

« Oui, ce serait parfait », approuva Kerry. Elle regarda tranquillement sa compagne se changer, se glisser hors de son jean et le plier avec soin avant d’enfiler son maillot. « Dar ? » Dans la lumière relativement faible, elle pouvait quand même voir le reflet des yeux de Dar qui la regardait. « Tu as peur ? »

 

Celle-ci ajusta les bretelles de son maillot noir. « De faire ça ? »

 

Kerry opina.

 

« Un peu. » La jeune femme brune soupira. « Effrayée que quelque chose d’autre arrive et que quelqu’un, nous peut-être, ou Bud, soit blessés. Bien sûr que j’ai peur. »

 

« Je me sens bien mieux maintenant que nous avons ceci. » Kerry toucha la feuille couverte de plastique sur la commode. « Ce n’est plus seulement du bluff. »

 

Dar hocha la tête.

 

« Dommage qu’il gagne, cependant », admit Kerry. « C’est vraiment un peu frustrant. On a enfin la réponse, et maintenant c’est pour rien. Wharton gagne quand même. »

 

« J’ai une théorie là-dessus. » Dar enfila une chemise en coton léger par-dessus son maillot, la laissant déboutonnée. « Les choses vont et viennent. Un jour ce sera son tour. » Elle rangea avec soin sa précieuse montre dans un tiroir, l’enroulant dans un pli de l’une de ses chemises de rechange.

 

« Comme pour mon père ? » Demanda Kerry calmement.

 

Dar s’interrompit et la regarda. « On peut dire ça », acquiesça-t-elle lentement. « Ça vous rattrape. » Elle baissa pensivement le regard. « Comme pour moi. »

 

Kerry se rapprocha. « Tu ne te compares pas sérieusement à Wharton ou à mon père, non ? » Sa voix s’était élevée.

 

« Non, pas exactement », répondit sa compagne.

 

« Bien. » Kerry la poussa. « Alors de quoi tu parles ? »

 

Dar entoura la nuque de Kerry de ses bras et posa son front contre celui de sa compagne. « Je n’en suis pas vraiment sûre. Repose-moi la question plus tard », dit-elle.

 

Le bateau tangua et elles bougèrent en même temps. Kerry se retint à la taille de Dar et se pencha pour l’embrasser. « Il est temps d’y aller », dit-elle. « Je serai contente quand tout sera fini. »

 

Dar frotta son nez contre le sien. « Moi aussi », admit-elle. « Parce que quand ça le sera, je vais virer tout le monde de ce foutu bateau et poser une pancarte ‘ne pas déranger’ sur le bastingage. »

 

« Entièrement d’accord », acquiesça Kerry.

 

Dar mit la feuille plastifiée dans sa poche arrière et la zippa, puis elle mit le bras autour des épaules de Kerry et l’emmena vers la porte de la chambre. « Tu sais à quoi je pensais là maintenant ? Le vieux bonhomme était un salaud. Peut-être que c’est de la justice poétique que le gamin ait tout pris. »

 

Kerry soupira. « La pensée m’a effleurée. »

 

Elles ouvrirent la porte et sortirent dans le séjour du bateau. « Je vais démarrer les moteurs », dit Dar à Charlie, qui gardait un œil sur un Bob toujours furibond. Elle prit l’imperméable sur le comptoir et l’enfila, avant de mettre les attaches. « On ferait aussi bien de bouger. »

 

« Je monte avec toi. » Charlie se leva avec précautions, se mettant en équilibre sur sa jambe artificielle.

 

« Merci les gars. » Kerry leur envoya un message télépathique alors qu’ils se dépêchaient pour la laisser avec un Bob furieux. « Je vais faire une marmite de soupe, Dar. On a raté le dîner »

 

De la soupe. L’estomac de Dar se mit soudain à gronder. « Génial. » Elle lança un regard appréciateur à sa compagne. « Merci. »

 

« Mm. » Kerry posa le regard sur Bob, puis croisa celui de Dar. Elle haussa ses sourcils clairs.

 

Sa compagne lui renvoya un regard légèrement penaud puis haussa les épaules. « Appelle-moi quand c’est prêt. Je viendrai te chercher », dit-elle. « Je veux dire, la chercher. »

 

« Je préférais la première version », épela silencieusement Kerry avant de se retourner et de se diriger vers la cuisine.

 

********************************

 

Dar naviguait avec précautions dans la tempête, se rapprochant de plus en plus du point de rencontre. Il faisait si sombre qu’elle pouvait à peine voir au-delà de la proue, et elle se reposait sur son radar et le profondimètre pour éviter les problèmes.

 

La pluie les fouettait rudement, battant d’un côté et de l’autre dans son intensité. Charlie était blotti dans le siège près d’elle, fixant également l’obscurité. « C’est méchant », murmura Dar.

 

« Ouais », répondit doucement l’ex-marin. « Ecoute, Dar, je suis désolé de tout ce tintouin tout à l’heure. »

 

Dar le regarda. « C’est bon », dit-elle. « Il y a trop de stress pour nous tous en ce moment. Je sais que tu es inquiet pour Bud. Moi aussi. » Elle regarda le radar. « On dirait que notre ami nous a abandonnés. » Elle montra l’écran. « Une complication en moins. »

 

Charlie hocha la tête. « J’ai vu ça », dit-il. « J’ai une sacrée meilleure approche de tout ça maintenant, depuis que tu as trouvé les papiers », ajouta-t-il. « C’est pas que je te faisais pas confiance pour faire au mieux, Dar, mais… »

 

« Mais c’est fichtrement mieux quand on a quelque chose à négocier », finit Dar pour lui. « Je ne me sentais pas très à l’aise non plus. Il y a tellement de conneries que je peux servir avant de manquer de billes. » Elle fit un léger ajustement à leur direction. « Je serai contente de lui donner ce foutu papier, de récupérer Bud et de foutre le camp de cette sacrée foutue tempête. »

 

« Ça t’embête pas que les mauvais types gagnent ? » Demanda Charlie en la regardant.

 

« Mauvais type est un terme relatif dans ce nid de vipères », marmonna Dar, tournant la tête en entendant quelqu’un approcher par l’échelle. « Ah. » Un sourire passa sur son visage lorsqu’elle reconnut la silhouette robuste dans son imperméable. Kerry portait une bouteille thermos qui pendait à son cou par une aiguillette, et utilisait ses deux mains pour se soulever à l’échelle cette fois. « Je t’avais dit que je viendrais te chercher ! » Cria Dar.

 

Kerry affermit son équilibre et traversa le pont qui plongeait. « Disons qu’il y a une limite au braillement irrité que je peux tolérer en une fois, d’accord ? » Elle se laissa tomber dans le troisième siège de l’autre côté de Dar. « Stupide petite mauviette. J’ai failli le jeter par un hublot. » Sa voix avait un ton exaspéré. « On y est presque ? »

 

« Presque », dit Dar en hochant la tête.

 

Un craquement de tonnerre les fit sursauter, et le ciel tout entier s’éclaira d’un éclair, effleurant les vagues montantes d’une incandescence argentée pendant un bref instant.

 

« Wow », dit Kerry en soupirant. « C’est plutôt mauvais. Et s’il ne se montre pas ? »

 

Personne ne répondit, ni ne se regarda.

 

« Il ferait mieux », finit par dire Dar. « S’il ne le fait pas, on va aller le trouver. »

 

L’éclair claqua à nouveau, et Kerry sursauta, attrapant le bras de sa compagne. « Dar ! » Elle montra au-delà de la proue. « Il y a quelque chose là-bas ! » Cria-t-elle. « Quelqu’un ! J’ai vu une personne ! »

 

« Quoi ? » Aboya Dar, incrédule. Elle coupa immédiatement les manettes, ralentissant le grand bateau dans un ballottement. « Où ? »

 

Charlie se redressa à demi et regarda. « C’est pas possible, Kerry. Pas dans ces eaux. »

 

Kerry força son regard. « Si », dit-elle avec une profonde certitude. « Je le jure.

 

Dar vérifia l’heure, puis regarda Kerry. « Allume le projecteur », dit-elle. « Je vais faire des cercles. »

 

Kerry se mit brusquement debout et se dirigea vers l’échelle, et se figea quand une lumière semblant brûler dans l’obscurité des vagues, les cloua de sa brillance. « Oh… ! »

 

« Que se… » Dar sentit le monde basculer. « Quoi encore ? »

 

« Dar. » Le visage de Charlie avait une expression étrange. « Ça c’est une lampe sous-marine de la Marine. »

 

Une lampe navale ? Dar sentit une soudaine possibilité faire sursauter son cœur. Alors qu’elle arrêtait les moteurs, elle entendit le léger écho d’un autre engin plus petit tout proche. « Kerry, reste ici. » Elle se retint au bastingage en contournant sa compagne. « Je pense que tout va bien. »

 

Kerry se tint au rail comme si sa vie en dépendait en regardant Dar descendre l’échelle. « J’espère qu’elle a raison. »

 

Le tonnerre gronda de manière inquiétante au-dessus de leurs têtes.

 

***************************************

 

Aussi près de l’eau, Dar pouvait voir le contour contre les vagues. C’était un canot, avec un seul occupant. La lumière la balaya et l’aveugla un instant, puis s’arrêta. « Papa ! »

 

« Hé, Dardar. » La voix d’Andrew Roberts éclata. « Envoie-moi tes amarres. »

 

Avec un sentiment de soulagement si profond qu’il lui donna presque le vertige, Dar souleva une des amarres de quai et la lança, visant avec précision vers la silhouette sombre. Elle la sentit se tendre. « Maintiens-le stable, Ker ! » Cria-t-elle à sa compagne. « C’est Papa ! »

 

« Oui ! » Kerry sautilla plusieurs fois. « Quelque chose de positif enfin ! ! ! ! »

 

Dar sourit en entendant les mots. Elle se pencha par-dessus le bastingage et regarda son père attacher le bateau noir en caoutchouc au cordage. « Tu veux que je descende l’échelle ? »

 

« Oui, madame. J’aimerais bien », cria Andrew en retour, attachant une seconde corde à sa taille, avant de faire un plongeon soigné par-dessus le côté du bateau.

 

Dar s’avança en se tortillant sur le pont et attrapa l’échelle arrière, se retenant alors que le bateau plongeait sauvagement dans les eaux qui empiraient. Elle déverrouilla le portillon de plongée et l’ouvrit, puis elle décrocha l’échelle et la laissa descendre dans l’océan.

 

Elle y était à peine depuis un bref instant avant que sa brillance ne soit engouffrée par une grande silhouette sombre qui s’éleva toute dégoulinante hors de l’eau et envahit le pont. Andrew maintint son équilibre facilement malgré le balancement du bateau et retira son capuchon en néoprène. « Salut toi. »

 

« Salut Papa. » Dar sentit les mots émerger avant qu’elle puisse vraiment les censurer. Les sourcils grisonnants d’Andrew grimpèrent de surprise, mais il les accepta en s’avançant pour étreindre Dar brièvement. « Qu’est-ce qu’un chouette type comme toi fait dans une telle tempête ? »

 

Andrew se mit à rire. « Ne commence pas, Paladar », l’avertit-il, la relâchant juste à temps pour être assailli par une silhouette plus petite qui jaillissait du pont roulant. « Tu l’sais pt’être pas, mais une tempête comme ça est la raison pour laquelle on y est. »

 

Kerry jeta les bras autour de son beau-père sans un seul moment d’hésitation. « Whoo ! » Gargouilla-t-elle. « Salut papa ! »

 

La voix d’Andy s’adoucit perceptiblement. « Salut, Kerry », dit-il. « J’te r’mercie d’avoir envoyé ces lettres. »

 

Dar dressa les oreilles. « Des lettres ? »

 

Kerry la regarda. « Je lui ai mailé tout le truc qui se passait », dit-elle à sa compagne avec une touche d’excuse dans le ton.

 

« Tu savais qu’il venait ? » Demanda Dar.

 

« Nan. » Andrew mit un grand bras autour de sa fille. « J’ai décidé que ce matin. On rentre et on discute et on sort de ces foutues vagues. » Il leva les yeux. « C’est Charlie là-haut ? »

 

« Oui », dit Dar.

 

« On se met régulièrement dans le pétrin, hein ? » Commenta Andy.

 

« Où est Maman ? » Demanda Kerry alors qu’ils se dirigeaient vers l’échelle.

 

« Elle peint votre chien », répondit Andrew, en s’arrêtant alors que la porte de la cabine s’ouvrait et que Bob le regardait. « C’est le mec qui s’est carapaté de Bud et Chuck ? »

 

Bob écarquilla les yeux au grondement, et referma la porte en hâte.

 

« Oui », répondit Kerry, d’un ton distrait. « Papa, elle peint une image de Chino, hein ? »

 

Andrew la regarda puis se mit à rire. « Ouaip. »

 

« Ouf. Je vérifiais juste. » Kerry monta l’échelle la première. « J’aime bien sa couleur crème. »

 

Ceci lui valut un sourire même de Dar. Andrew se tourna vers elle alors qu’ils attendaient que Kerry monte. « Ta maman connaît ces gens à Boston », dit-il d’un ton sérieux. « Et je vais te dire, elle a pas de bonnes choses à te dire sur eux. »

 

« Eh bé. Quelle surprise. » Dar fit un geste vers le haut. « Vas-y. Je veux qu’on en termine avec ce foutu truc. »

 

Andrew commença à grimper à l’échelle. La porte de la cabine s’ouvrit et Bob regarda à nouveau.

 

« Qui c’est ? » Siffla-t-il en direction de Dar. « D’où est-ce qu’il est venu ? » Ajouta-t-il. « Qu’est-ce qu’il fait ici ? »

 

Dar posa son coude sur la marche. « C’est mon père », lui dit-elle. « Rendez-vous service et restez-là, et loin de nous. »

 

Un éclair de colère traversa le visage de Bob mais il fit retraite et ferma la porte. Dar posa les mains sur l’échelle pendant un instant, puis commença à grimper.

 

*************************************

 

Andrew émergea sur le pont supérieur, qui semblait à cet instant très embouteillé. « Salut, Charles. » Il salua les autres occupants du pont d’un air nonchalant en suivant Kerry vers les contrôles.

 

« Hé Andy », murmura Charlie. « Jolie surprise. » Son regard resta sur la console, inconscient de l’attention de Kerry sur lui. « Content que les papiers se soient trompés sur toi. »

 

« Ouaip », répondit Andrew avec aisance, en s’installant dans l’un des sièges. « Tout va bien maintenant. Tu nous as trouvé un plan, kumquat ? »

 

« Dar, oui. » Kerry attendit que sa compagne les rejoigne. Celle-ci prit le siège central et lança les moteurs, les faisant partir vers l’avant. Le mouvement du bateau contra lentement les vagues et Kerry se détendit quand son estomac se stabilisa un peu à nouveau. C’était pas vraiment le moment de demander une autre dose de sa médecine à Dar. « Je n’ai pas eu l’occasion de te le dire, papa, on a fini par trouver quelque chose de concret. »

 

« Ah oui ? » Andrew étudiait les contrôles.

 

« Oui. » Kerry plongea dans la poche arrière de Dar et en sortit la feuille pliée, se penchant par-dessus l’épaule de Dar pour la lui tendre. « C’est une sorte de papier légal. »

 

Andrew l’étudia, penchant sa tête grisonnante d’un côté. « Et ben, r’gardez-moi ça », murmura-t-il. « Vous avez prévu de donner ça comme partie de votre négociation ? »

 

« Pour Bud », lâcha soudainement Charlie. « Ouais. »

 

Andrew posa sa mâchoire sur son poing. « Ma femme dit qu’ce type est un vrai crasseux », dit-il. « Il utilise tout le fric qu’il peut pour payer des gens comme faisait ton papa, Kerry. »

 

Celle-ci se raidit, puis fronça les sourcils. « C’est un conservateur, tu veux dire », dit-elle. « Il n’y a pas de loi contre ça, non ? » Ses mains reposaient sur les épaules de Dar pour s’équilibrer et elle s’appuya un peu contre elle.

 

« Non, madame, sûrement pas », acquiesça Andrew. « Mais on dirait bien qu’il a développé une aversion pour les gens qui sont pas comme lui. » Il hésita de manière peu caractéristique.

 

Dar finit par parler. « Tu veux dire qu’il finance des groupes de haine ? » Demanda-t-elle. « Je sais qu’il y a un couple par-là qui pense que les gens comme Kerry et moi… » Son regard alla vers Charlie. « Et Bud et Charlie devraient être euthanasiés », ajouta-t-elle brutalement. « C’est ça que tu veux dire Papa ? »

 

Andrew relâcha une inspiration. « C’est ce que pense ta maman, Dar », reconnut-il calmement. « Et je crois qu’elle a raison. »

 

« Putain de merde », murmura Charlie.

 

Ils regardèrent tous la feuille posée dans la grande main d’Andrew. La pluie tombait dru contre la console de plexiglas avec un bruit de mitrailleuse.

 

La situation avait changé, Kerry s’en rendait compte. L’arrivée d’Andrew et l’information qu’il apportait ouvrait une toute nouvelle facette dans le mélange, et maintenant il était question de ce qu’ils devaient faire, et elle n’était pas sûre de savoir exactement qui allait prendre cette décision.

 

Ça ne pouvait être, Dar lui avait dit une fois, que le capitaine du bateau.

 

« Bien. » Dar brisa le silence après une longue période. « Quoi qu’il en soit, il faut qu’on sorte Bud de là. » Elle se concentra sur le problème. « Il y aura toujours des connards là-dehors qui voudront prendre possession du monde. Il faut qu’on gère le point critique d’abord et ce point c’est un ami dans les ennuis. »

 

Il y eut un étrange moment de calme, et Kerry ressentit la bizarrerie. Elle se rendit compte que Dar s’était contentée d’avancer et de prendre la tête de la situation, prenant la décision et en acceptant ses conséquences de manière totalement naturelle. Andrew et Charlie la regardaient avec attention, et Kerry retint sa respiration en attendant de voir quelle serait leur réaction.

 

« Alors on continue avec le plan tel qu’il est », continua Dar. « Si quelque chose se développe pour nous permettre de contourner et de clouer Wharton, génial. Mais on sort Bud d’abord. » Sa voix était calme et ferme.

 

« Bien. » Andrew hocha la tête d’acceptation. « Je me disais que je pourrais grimper sur ce bateau et voir si je peux le balancer pendant que vous distrayez ces gens. »

 

Dar y réfléchit. « Je suis sûre qu’ils l’ont mis en cale », dit-elle. « Je vais essayer de les forcer à le faire remonter avant de commencer à négocier, mais je ne sais pas jusqu’où je peux pousser. » Elle poussa les manettes légèrement vers l’avant. « Je me sentirais mieux de savoir que tu es là. Juste au cas où. »

 

Un minuscule sourire apparut sur le visage de son père. « Tu parles », dit-il d’une voix traînante. « Bien qu’on dirait que tu as déjà couvert toutes tes bases. » Son regard alla vers sa fille avec une fierté silencieuse.

 

Dar accepta le compliment d’un léger signe de tête. « On a essayé. Mais j’aime bien avoir une carte dans ma manche. Ça rend le jeu plus facile. »

 

« Tu peux le dire. » Kerry se retint alors que le bateau traversait ce qui lui sembla être des vagues de plus de six mètres. « Espérons qu’ils se montrent. » Elle sentit les muscles dans la nuque de Dar se détendre sous ses mains, et elle sentit les siens suivre, contente que sa partenaire soit à l’aise de prendre la direction et que les deux ex-marins l’acceptent.

 

Elle savait que ça avait été dur pour Dar. Sa compagne était une dirigeante née, mais tout aussi naturellement, elle aimait et vénérait son père qui était également, Kerry le savait, un leader naturel. Dar aurait pu s’en remettre à Andrew et malgré ça elle avait choisi de faire confiance à son instinct, et de faire autrement.

 

Le temps aurait à prouver si cet instinct était bon ou pas.

 

**********************************

 

Elles trouvèrent l’endroit au milieu de l’océan. Le vent s’était levé, cognant les vagues contre le bateau, mais Dar les avait ancrés, et la proue montait et descendait avec une régularité stabilisée au lieu d’un roulis. Andrew avait attaché son bateau à l’arrière du Dixie et ils se contentaient d’attendre maintenant.

 

« Kerry est inquiète et ne fait pas confiance à DeSalliers pour nous transporter. Je pense qu’elle a raison », dit Dar à son père. « Ce serait mieux que tu nous emmènes. » Ils se tenaient cote à côté à la poupe, protégés en grande partie du vent par la cabine du navire.

 

« Bon sang oui », approuva Andrew. « J’vais parquer c’truc entre nous et ensuite partir. Il s’en rendra même pas compte. »

 

Dar le regarda avec curiosité. « C’est une proue plutôt élevée », dit-elle. « Tu envisages de t’amarrer ? »

 

Andrew lui lança un regard légèrement narquois et fouilla dans un des sacs à sa ceinture qu’il portait par-dessus sa combinaison de plongée noire en néoprène. « Nan. » Il leva quelque chose. Cela comportait une surface semblable à une tasse en caoutchouc souple, et une poignée solide en caoutchouc. « Tu mets ça sur la fibre de verre et tu tournes cette pièce. Ça te fait une poignée. »

 

Dar le prit et mit la main dedans, puis activa la succion. « Hmph », murmura-t-elle. « C’est plutôt génial. »

 

« Dar ! » Appela Kerry depuis le pont. « Le radar vient juste de signaler quelque chose. »

 

Dar tendit son jouet à son père. « Il était fichtrement temps. » Elle sentit la tension serrer ses entrailles, désirant que la confrontation soit loin derrière elle.

 

« Sacrées vacances, Dardar », commenta ironiquement son père. « Peut-être que la prochaine fois tu t’trouveras une p’tite ferme quelque part et que vous f’rez juste un pique-nique. »

 

Dar secoua la tête. « J’aurais dû deviner. Même quand on a passé quelques jours au lac, le cheval de Kerry a été piqué par une abeille, elle est tombée, on a failli couler, et on a réussi à finir dans une charrette familiale de foin. »

 

Andrew lui ébouriffa les cheveux. « Tu t’es toujours mise dans les choses les plus terribles. Tu te souviens de la fois où on est allés à ce ranch et tu as chevauché ce taureau ? »

 

Dar se couvrit les yeux. « N’en parle pas à Kerry, s’il te plait… »

 

« Me parler de quoi ? » Kerry apparut à son coude, regardant à travers la pluie. « On commence à les voir ? Charlie va rester aux contrôles. C’est dur pour lui de monter et descendre de l’échelle. » Et ça lui donnait quelque chose de très utile à faire, se raisonna Kerry, parce que personne ne faisait confiance à Bob pour diriger le bateau.

 

« On pourrait à peine voir quelque chose dans ce crachin », dit Andy. « Vous êtes prêtes ? »

 

Kerry tapota son imperméable. « Aussi prête qu’on peut l’être. Dar ? »

 

Dar avait baissé sa capuche, et le vent fouettait ses cheveux noirs sans arrêt. « Je suis prête. » Elle leva le menton. « Des lumières. »

 

Ils regardèrent. Assurément, très légèrement dans la tempête, on pouvait voir un point bouger. Kerry plia les mains avec nervosité, son battement de cœur augmentait maintenant que les choses arrivaient. Elle n’était pas assez stupide pour ignorer le fait qu’elle avait peur, n’importe qui de raisonnable ferait de même à sa place.

 

Elle faisait confiance à Dar, et elle faisait certainement confiance à Andy. Cependant, elle ne faisait pas confiance à DeSalliers et une part d’elle-même s’inquiétait que la logique n’avait pas grand chose à voir avec ses actions. Elle s’inquiétait pour Bud, piégé dans les mains de cet homme, et elle s’inquiétait de ce qu’elles trouveraient sur l’autre bateau.

 

La porte de la cabine s’ouvrit et Bob passa la tête. « Je pense qu’il est à la radio », dit-il, juste au moment où Charlie appelait depuis le pont avec les mêmes nouvelles.

 

Dar carra les épaules et avança vers la porte. Bob recula de son chemin et elle se dirigea vers la console de la radio à l’intérieur, Kerry et Andy sur ses talons.

 

« Roberts ? Encore une chance de me répondre, ensuite je tranche la gorge de cette petite merde. » La voix de DeSalliers passa travers le grésillement.

 

Andy plissa les yeux. « J’aime déjà pas c’type. »

 

Dar prit le micro. « Je suis là », répondit-elle brusquement. « Il est temps que vous vous montriez. »

 

« Vous avez ce que j’ai demandé ? »

 

« J’ai ce dont vous avez besoin », répliqua Dar. « Alors finissons-en. »

 

DeSalliers se mit à rire. « Vous n’aimez pas ne pas avoir le contrôle, n’est-ce pas, Roberts ? Et bien, c’est dommage. Vous restez juste là. Je vous dirai quand je suis prêt. »

 

La radio fit silence. Dar laissa tomber le micro sur la console comme si c’était un rat mort. « J’ai rencontré plus de choses plus sympathique que ça pendant six jours de rang sur la route de Marathon », dit-elle. « Quel connard. »

 

« Ouais, et ben, il va avoir ce qu’il veut, non ? » Demanda Bob amèrement. « Et nous on va tous au diable. » Il avança vers le siège et s’y laissa tomber. « J’vous emmerde tous. »

 

Andrew croisa les bras sur sa large poitrine. « Cette situation est vraiment pleine de cinglés, non ? »

 

« Ouais, n’est-ce pas ? » Répliqua Bob.

 

« Vous savez quoi ? » Kerry s’adressa à lui avant que Dar ou Andrew ne puissent répondre. « Je commence vraiment à regretter d’avoir risqué ma vie pour vous, et je déteste ça. Alors fermez-là et grandissez avant que j’y fasse quelque chose. »

 

Bob fit retraite dans un silence renfrogné, les yeux fermement fixés sur le sol.

 

Kerry soupira de dégoût, et se secoua légèrement. Elle repoussa sa capuche, révélant des cheveux blonds humides et emmêlés dans lesquels elle passa les mains avec agitation. « Mon Dieu. »

 

Dar passa le bras autour d’elle et l’attira. « Reste stable, Charlie. » Elle appuya sur l’intercom. « Attendons de voir ce que ce salaud a en tête. »

 

« C’est sûrement pas bon », répliqua Charlie d’un air maussade. « Putain de con. »

 

« Ben alors, écoutez-moi ce langage », dit Andrew d’une voix traînante. « J’devrais te filer une fessée. »

 

Le commentaire relâcha une partie de la tension et tira un sourire de Dar et Kerry. « Je déteste attendre », admit Dar. « Et il a raison. Je déteste ne pas avoir le contrôle. » Elle relâcha Kerry et se retourna, choisissant un trajet pour faire les cent pas dans le séjour.

 

Kerry s’appuya contre la console de la radio et la regarda, se résignant au fait que tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était attendre.

 

Dar faisait les cent pas. Andrew s’appuya juste contre l’encadrement de la porte et se détendit.

 

******************************************

 

Le bateau de DeSalliers s’approcha d’eux, faisant des cercles autour de leur position deux fois avant de les recontacter. Les nerfs de Dar s’étaient aggravés au point de rupture. Elle avait cessé de faire les cent pas, et finit par retourner sur la poupe sous la pluie, comptant jusqu’à plus de mille entre ses dents dans une vaine tentative de se détendre.

 

« Dar. » Kerry passa la tête hors de la cabine. « Il est en ligne. »

 

Dar alla vers la porte et entra. Elle pouvait sentir sa respiration s’accélérer et elle prit une seconde pour inspirer, puis soupira avant de prendre le micro. « Oui ? » Elle lâcha le bouton et attendit. La chaleur soudaine de la main de Kerry sur son côté faillit la faire sursauter, mais après un instant elle se détendit un peu, se calmant alors que le pouce de Kerry lui massait nonchalamment la peau.

 

« J’ai vu que vous aviez un canot », dit DeSalliers. » Montez-y et venez ici. Pas de conneries, pas de belles paroles, ou alors je mitraille les moteurs et je vous fous à l’eau. »

 

« Assurez-vous de me toucher dès la première fois », gronda Dar en retour. « Ou vous finirez en bas à causer aux crabes. » Elle poussa le bouton et posa le micro, puis elle se dirigea vers la porte. « Allons-y »

 

Andrew tint la porte et attendit qu’elle passe devant lui. Il se retourna à ce moment-là et fit face à Bob. « Vous faites n’importe quelle connerie pendant que ces filles sont là-bas et je vous tue. »

 

Bob le fixa.

 

« C’est pas du bluff », dit Andrew tranquillement. Il se retourna et ferma la porte derrière lui.

 

Dar descendit de l’échelle jusqu’à l’embarcation massive dans laquelle son père était arrivé. C’était une vision familière, deux pontons en caoutchouc incroyablement dure et une structure interne flexible mais raide et des moteurs qui pourraient probablement propulser un jet. Il y avait des crochets et des attaches partout faites pour des utilisations militaires, ce qui n’était pas surprenant puisque son usage premier était de transporter des SEALS de la Marine vers les lieux de bataille.

 

Elle ne demanda pas à Andrew comment il l’avait eu.

 

Dar se retourna et attrapa Kerry qui descendait, la maintenant stable alors qu’elle la rejoignait au fond de l’embarcation. Elles portaient toutes deux des imperméables, et Andrew était pratiquement invisible lorsqu’il vint dans le bateau, le faisant balancer à cause de son poids.

 

Il portait une combinaison néoprène longue avec une veste en toile bouclée par-dessus qui portait toutes sortes de choses incluant un étui étanche dont Dar savait qu’il transportait habituellement une arme de poing. Andrew s’installa aux contrôles et démarra les moteurs. « Tu veux bien nous libérer, Dardar ? »

 

« Bien sûr. » Dar détacha l’embarcation et jeta le bout de l’amarre sur le Dixie. Les vagues montaient et descendaient sévèrement, mais apparemment elle s’y était habituée parce que ça ne la dérangeait pas autant. Mais Kerry, elle, était assise dans un des sièges durs et entourait les barres de ses bras et jambes.

 

« On y va. » Andrew dirigea le bateau vers celui de DeSalliers, visible comme une simple lumière dans la pluie.

 

Dar se maintint d’une main, et posa l’autre sur l’épaule de Kerry. Elle se pencha près de son oreille. « Tu as peur ? »

 

Kerry se tourna et Dar savait qu’elle levait les yeux vers elle bien que l’obscurité rendait ses traits invisibles. « Oui. »

 

« Moi aussi », lui dit Dar. « Mes genoux tremblent si fort que je ne veux pas m’asseoir au cas où je ne pourrais plus me relever. »

 

Kerry se mit à rire faiblement. « Est-ce que tu essaies de me remonter le moral ? » Elle pressa la main de Dar. « Si c’est le cas, ça marche. »

 

Dar pressa sa joue contre celle de Kerry. « Je t’aime », dit-elle. »

 

Kerry sourit, un mouvement que Dar put sentir contre sa peau. « Ça marche encore mieux », admit-elle. « Je t’aime aussi. »

 

« Tout va bien se passer », continua Dar « Mais si tu veux rester dans le bateau avec Papa, c’est bon, Ker. Je ne blague pas. Je sais que c’est effrayant comme la mort, et pas de problème si tu veux rester ici. »

 

C’était si tentant. La pensée de rester avec Andrew, en totale sécurité, était très persuasive. Kerry pouvait presque sentir l’acceptation chatouiller l’arrière de sa gorge. Cependant, l’image d’elle attendant dans l’obscurité pendant que Dar affrontait le danger seule était bien plus horrible. « Merci pour la proposition. » Elle tourna la tête et embrassa Dar. « Mais où tu vas, je vais. Je crèverais d’anxiété si tu me laissais ici. »

 

Dar hocha la tête, comme si elle s’attendait pleinement à la réponse de Kerry. « D’accord. » Elles regardèrent le bateau augmenter de plus en plus devant elles. « Il faut que je la joue dure avec lui, à cause des vingt-cinq mille dollars. »

 

Kerry hocha la tête. « Je sais. »

 

« Alors si je donne l’impression que je me fous de Bud, c’est pour une bonne raison. »

 

Kerry lui tapota la main. « Chérie, je le sais. Si tu te moquais éperdument de Bud, tu ne serais pas là », dit-elle. « Je serai derrière toi, quoique tu fasses ou dises. Je te fais confiance. »

 

« Même si je pars ? »

 

Kerry prit une inspiration. « Je suis avec toi, peu importe ce qui arrive. »

 

Dar se redressa alors que le moteur ralentissait son rythme. Le bateau de DeSalliers arriva dans leur champ de vision, des hommes armés visibles sur le pont arrière.

 

« Paladar, ces mecs ont des fusils », dit soudain Andrew.

 

« Je sais, Papa », acquiesça Dar. « On fera attention. »

 

« J’aime pas ça. »

 

« Ça ira pour nous. » Kerry se leva alors qu’ils approchaient de l’arrière du bateau, qui grimpait et descendait de manière nauséeuse. « On va retenir leur attention, Papa. Vois si tu peux leur causer des ennuis pendant ce temps, d’accord ? »

 

« Je vais leur causer des ennuis », marmonna Andrew, en rapprochant le bateau pour le mettre à niveau du pont et maintenir sa position. « J’vais faire exploser ce foutu truc de cet océan si ce type tord, ne serait-ce qu’un de vos orteils. »

 

Dar prit une profonde inspiration. « C’est parti. »

 

« Paladar Katherine, fais attention », dit soudainement son père. « S’il te plait. »

 

Dar sentit un petit réchauffement dans ses entrailles. « D’accord Papa. » Elle tendit la main vers l’échelle qui pendait de l’énorme poupe du bateau, ignorant les hommes armés qui la regardaient au-dessus. Maintenant que ça arrivait, elle sentait un peu de sa nervosité s’éloigner, alors que l’adrénaline la remplaçait. Ses nerfs se stabilisèrent et elle sentit les battements de son cœur ralentir alors qu’elle grimpait vers le pont qui plongeait.

 

Elle mit les mains sur le bastingage et passa son corps par-dessus dans un mouvement rapide et aisé, forçant les gardes à reculer s’ils ne voulaient pas être percutés. Elle fit un pas en avant, son corps bloquant l’accès à l’échelle pour permettre à Kerry de grimper à temps à bord.

 

« Juste une », dit soudain l’homme le plus proche. « Dites à l’autre de dégager. »

 

Dar se retourna alors que Kerry émergeait en haut de l’échelle. Elle tendit la main à celle-ci, ignorant complètement le garde.

 

« J’ai dit… »

 

« La ferme. » Dar le cloua d’un regard dur. « Soit on vient toutes les deux, soit on part toutes les deux. Choisissez. » Elle le regarda hésiter. « Choisissez ! » Répéta-t-elle dans un fort aboiement.

 

Il recula d’un pas. Kerry grimpa et rejoignit Dar sur le pont, frottant son imperméable. Dar prit une inspiration. « Très bien. » Elle prit son équilibre sur la poupe remuante. « Allons-y. »

 

Les gardes regardèrent sur le côté alors que les moteurs de l’embarcation démarraient et qu’elle s’éloignait du yacht. « C’est qui ? » Le capitaine des gardes retrouva son attitude.

 

« Mon pagayeur de canot », lui dit Dar. « Bon. On entre ou je le rappelle ? »

 

Le garde la regarda. « Je vous ai pas oubliée depuis la dernière fois, pétasse. Vous allez payer pour ça avant de partir. » Il montra la porte de la cabine du yacht du canon de son fusil. « Si vous partez. »

 

Dar et Kerry passèrent près de lui. Trois gardes suivirent, les fusils tout prêts.

 

Il était trop tard maintenant pour faire demi-tour.

 

**********************************

 

Andrew ramena l’embarcation au Dixie et l’attacha à la corde qu’il avait laissée dans l’eau pour ça. Il enfila sa fine bouteille, ajusta son masque et entra dans l’eau en à peine le temps qu’il fallait pour y réfléchir.

 

Sous les vagues, la situation était bien plus facile. Il pouvait en sentir la traction au-dessus, mais elles ne bloquaient pas sa progression, et il palma rapidement vers l’autre bateau.

 

Le bruit de la coque qui brisait l’eau le guida, sa torche éteinte sur sa ceinture. Pas besoin de faire de la publicité.

 

Il pouvait sentir le bateau près de lui, et il alla à la verticale, sortant ses nouveaux gadgets et les ajustant à ses mains. Il approcha avec soin de la coque du bateau et tendit un bras, sentant le sursaut quand il y eut contact avec la fibre de verre. « Je t’ai. »

 

Il arma le verrou et s’accrocha alors que le bateau le soulevait presque de l’eau. « Bon sang. » Andrew leva rapidement son autre main et l’accrocha, pendu des deux mains alors que le bateau roulait. Il attendit que la coque redescende dans l’eau, puis relâcha sa première main et l’étendit plus haut, remontant vers la surface comme une araignée extrêmement grande.

 

***********************************

 

Dar s’arrêta à la porte de la cabine, ignorant la poussée du garde derrière elle. Elle vérifia d’abord la pièce, puis entra, gardant une main légèrement posée sur le dos de Kerry. DeSalliers se tenait près du bar, et trois hommes étaient stationnés dans la pièce, portant des armes.

 

Dar pinça les lèvres dans un sourire féroce. « Six gars avec des fusils ? » Elle se regarda ainsi que Kerry. « Je suis flattée. »

 

« Je me sens si dangereuse », ajouta Kerry croisant les bras sur sa poitrine. « Et je ne porte même pas ma ceinture marron. »

 

« La ferme. » DeSalliers fit signe aux trois autres gardes de sortir. « Vous avez les mains vides, Roberts. Je pensais que vous étiez plus maligne que ça, mais en fait, à y repenser, j’aurais dû réaliser que vous ne l’étiez pas. »

 

Dar lui tourna délibérément le dos, marchant nonchalamment dans la cabine en étudiant une des cartes sur le mur. « Je n’ai pas les mains vides. Vous avez la tête vide. » Elle le regarda par-dessus son épaule. « Voici mon marché. Vous me montrez Bud. »

 

« Ce n’est pas votre marché », l’interrompit DeSalliers. « Alors vous la fermez et vous m’écoutez. »

 

« NON. » Dar se retourna et passa tout près du canon du fusil d’un des gardes. « C’est vous qui m’écoutez, espèce de taré. » Elle sentit sa colère monter et une poussée d’énergie emplit son corps. « Vous voulez l’information que j’ai ? Vraiment ? Autrement, je sors simplement d’ici et je la vends au plus offrant. »

 

« Vous n’avez que de la merde. »

 

« Ah oui ? » Dar sourit. « Vous avez tort. Je sais tout sur la contrebande. » Elle pointa un de ses doigts. « Je sais qu’il a conclu un marché avec les locaux. » Elle s’interrompit et attendit. DeSalliers la regardait dans un silence mortel et amer. « Je sais au sujet du testament. Alors, connard, si vous voulez ce que j’ai, vous faites ce que je dis et c’est à vous. »

 

Tout le visage de DeSalliers se pinça.

 

« Vous n’avez que deux jours avant que votre prêt arrive à échéance », intervint Kerry. « Si j’étais vous, je me contenterais de récupérer ce que je peux de ceci. »

 

L’homme la regarda. « Vous ne savez rien. »

 

« Bien sûr que si. » Kerry gardait un ton égal, presque gentil. « Tout est dans une base de données quelque part. Vous vous en rendez compte, n’est-ce pas ? Des fichiers publics de dettes. »

 

DeSalliers ricana doucement. « Ouais. C’est comme ça que vous avez ruiné votre vieux, n’est-ce pas ? Ça l’a tué, non ? »

 

C’était comme de prendre une lance dans le ventre. Kerry mit un couvercle sur ses émotions et réussit d’une certaine façon à garder son expression inchangée. « Oui, c’est ça », répondit-elle. « Je serai contente de faire pareil avec vous. »

 

Dar réfléchit au fait que si elle avait eu un revolver dans la main à cet instant, elle aurait tiré sur DeSalliers sans un instant de regret. « Alors voilà le marché », répéta-t-elle. « Vous me montrez Bud. Vous me donnez un compte de transfert et je vous envoie votre monnaie puante. Ensuite je vous donne votre indice et vous laissez partir Bud. »

 

DeSalliers la regarda à travers ses yeux plissés. Il garda le silence un moment, puis très, très lentement, il hocha la tête d’approbation. « Et comment je sais que vous avez un indice flagrant ? »

 

« Parce que je le dis », lui dit Dar. « Vous ne valez pas la peine que je mente, et Wharton ne vaut pas la peine qu’on mente pour lui. »

 

Leur hôte montra un des gardes. « Apporte le crasseux. »

 

Kerry relâcha sa respiration et souhaita avoir un verre d’eau. Ses entrailles grouillaient si fort qu’elle se sentait comme une machine à laver. Elle se força à bouger lentement et avec nonchalance, traversa la cabine pour revenir près de Dar. Son regard croisa celui de sa compagne, et pendant un bref instant, le masque de cette dernière tomba et elle vit la sympathie et le regret dans les yeux bleu clair qui la regardaient.

 

Kerry pinça les lèvres d’acceptation, et tapota la hanche de Dar en s’arrêtant près d’elle. Jusqu’ici, décida-t-elle, le plan semblait fonctionner.

 

Elle pria Dieu que ça dure.

 

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Andrew leva lentement la tête au-dessus du bord de la coque et regarda par-dessus. C’était vide. Les gardes s’étaient agglutinés à la poupe, hors de la tempête, exactement ce qu’il espérait. Avec un léger reniflement, il relâcha une de ses prises et l’enleva, la mit dans son sac et transféra sa main sur le bastingage. Il répéta le mouvement de l’autre main puis se souleva et passa sur le pont.

 

Il resta allongé là un instant, écoutant et reprenant sa respiration. « J’suis sacrément trop vieux pour faire ça », marmonna-t-il à son intention. Le pont resta silencieux, aussi il se souleva et rampa jusqu’aux deux écoutilles proéminentes en son centre. Puis il s’allongea de nouveau et les examina.

 

Avec un léger grognement, il plongea dans une poche de sa veste et en sortit un outil fin. Il en glissa le bord sous l’ouverture et souleva légèrement vers le haut près du gond, travaillant la couverture de fibre de verre d’arrière en avant. Avec un léger craquement, le gond se brisa. Andy le laissa ainsi et se dirigea vers l’autre côté de l’écoutille, travaillant sur le gond suivant.

 

Un léger craquement l’avertit. Il pressa son corps contre la coque et écouta. Quelqu’un venait le long du bastingage vers la proue. Andrew jura silencieusement mais resta très tranquille, sentant ses muscles se tendre alors qu’il regardait l’espace entre la cabine et le bastingage.

 

Un homme passa et s’appuya sur le rail, pour regarder les vagues. Il ne semblait pas enclin à bouger, même après quelques minutes.

 

Andrew mit les mains sur la surface de la coque et se souleva, se mettant silencieusement debout de toute sa hauteur derrière l’homme. Il avança en même temps que le roulis du bateau jusqu’à ce qu’il soit juste derrière sa cible.

 

L’homme portait un fusil sur l’épaule. Andrew l’étudia un bref instant, puis serra la main en un poing et frappa l’homme sur la nuque. Avec un léger bruit d’étouffement, les genoux de celui-ci s’entrechoquèrent. Andrew enleva le fusil et le jeta dans l’eau, puis il débattit à l’idée de jeter l’homme avec.

 

Ça n’aurait pas été la première fois, en tous cas.

 

Avec un léger soupir, il tira plutôt l’homme au bord de la proue et le posa sur la courbe. Puis il revint à l’écoutille et se laissa retomber à côté, soulevant le bord pour regarder en dessous.

 

**********************************

 

Les gardes traînèrent Bud et le tinrent en vue au bord des marches qui menaient à la cabine. Ses yeux étaient fermés et gonflés, et son visage était couvert de bleus. Il ne semblait pas conscient de ce qui se passait autour de lui.

 

« Vous êtes un hôte sympathique. » Kerry garda la voix neutre.

 

DeSalliers rit. « Il l’a probablement apprécié. C’est le genre. » Il fit signe au garde. « Remmenez-le jusqu’à ce que je vous rappelle. » Il semblait être légèrement de meilleure humeur maintenant. « Voici les chiffres. » Il tendit un papier à Dar.

 

Celle-ci fixait toujours l’ouverture de la porte, gardant la silhouette battue à l’esprit. Elle prit le papier et le fixa. « De l’argent ensanglanté. » Elle prit son téléphone et accéda à ses connexions web.

 

DeSalliers la regardait. « Ça doit vous tuer », la railla-t-il. « Perdante. »

 

Les yeux bleu clair se fixèrent sur lui. Dar lui rendit le papier. « C’est fait. Le transfert aura lieu quand la banque sera ouverte demain. »

 

« Vous espérez que je vous croie ? »

 

Dar haussa les épaules. « DeSalliers, c’est un changement de poche », dit-elle. « Juste un mauvais morceau de votre merde que je dois nettoyer de mes chaussures. »

 

Le garde revint et s’appuya contre la porte, regardant Dar et Kerry avec des yeux méprisants.

 

DeSalliers froissa le papier et le jeta. « Assez de conneries. Passez-le moi. » Il tendit la main vers Dar. « Vous polluez mon bateau, et je veux vous voir décamper avec votre dégoûtante petite tapette. »

 

Dar tendit la main derrière elle et dézippa sa poche. Elle en sortit le morceau de plastique plié et de manière presque nonchalante, le jeta à DeSalliers ; il siffla à travers la cabine et le frappa dans la poitrine. « Tenez », dit-elle. « Maintenant, amenez Bud ici, et on sera plus que contents de libérer ce trou de merde. »

 

DeSalliers déplia le papier et se pencha pour le lire, l’apportant à la lumière. « Vous ne pensez pas que je vais… » Il s’arrêta de parler un instant. Puis il leva lentement les yeux vers Dar. « Et bien. » Il semblait un peu incrédule. « Imaginez ça. Vous avez dit la vérité. »

 

Dar se sentait extrêmement fatiguée et elle ne voulait rien d’autre que sortir Kerry, elle-même, Bud et probablement son père de ce foutu bateau de ce coin de l’océan. « Ouais. Alors donnez-moi ce que je veux et vous pouvez aller ouvrir une bouteille de mauvais champagne. »

 

Leur hôte plia le papier et le mit dans sa poche, le tapotant d’une main. Puis il sortit son téléphone et composa un numéro. « Quand je serai prêt. » Il fit un sourire narquois à Dar. « Je veux avoir une chance de savourer ma victoire sur vous. »

 

Kerry laissa sa main reposer sur le dos de Dar. C’était presque fini. La tension lui avait donné une migraine pour compléter son estomac déjà retourné et elle avait l’impression qu’elle allait s’avancer pour cogner DeSalliers dans les tibias.

 

« Wharton ? Ici DeSalliers. » L’homme parla brusquement dans le téléphone. « J’ai votre preuve. Ici dans ma main. » Son regard bougea et alla vers Dar. « Non, je l’ai obtenu d’elle. Pas de problème. »

 

Dar sentit une brûlure démarrer dans sa nuque.

 

« Quoi ? » Dit DeSalliers. « Ça ne faisait pas partie du marché. » Il écouta à nouveau. « Ecoutez… » Il fut coupé et elles purent entendre une voix coléreuse mais pas les mots. Le son s’arrêta et il fut laissé à regarder le téléphone avec un visage sans expression. Après un instant, il leva les yeux et les regarda froidement. « Et bien, ce n’était pas quelque chose que je ne voulais pas vraiment faire de toutes les façons », dit-il.

 

« Il vous a doublé ? » Demanda Dar, bien qu’une terreur soudaine emplit ses entrailles.

 

« Non. Vous », dit DeSalliers d’un ton absent. « Gregos ? » Il se tourna pour regarder le garde près de la porte. « Tue-les. » Il recula vers une petite porte tout près. « Je présume que les pirates seront blâmés pour encore autre chose. »

 

« Oui, monsieur. » Le garde leva son fusil et le pointa. « Avec plaisir. »

 

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Fin de la partie X

Suite et fin partie XI

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