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terrors11b

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Dar & Kerry

 

Terrors of the High Seas

Aventures en Haute Mer

 

 

Par Melissa Good

Traduction : Fryda

(fryda@orange.fr)

 

Voir les avertissements dans la partie 1

**********

Partie 11b

*********

 

Il faisait chaud et moite dans l’hôtel et Kerry s’aventura dans le hall. Le courant était toujours hors service mais le personnel avait relevé le défi et installé une table pleine de nourriture à l’allure relativement savoureuse pour que les invités se servent.

 

Son regard passa la pièce en revue, et elle s’arrêta en repérant Andrew assis sur le porche, sa main enroulée autour d’une tasse. « Ah. » Kerry attrapa un muffin et alla le rejoindre. « Salut Papa. »

 

Andrew leva les yeux vers elle. « Bonjour, kumquat. » Il l’accueillit mais son regard alla derrière son épaule. « Où est ma gamine ? »

 

« Elle dort. » Kerry s’assit et mordilla son muffin. « Elle était si fatiguée hier soir. J’ai pensé que ce serait mieux que je la laisse prendre du repos pendant que je nous récupère un petit-déjeuner. »

 

Andy hocha la tête pour approuver. « Elle a fait des choses fatigantes », dit-il. « Elle va bien ? »

 

« Je le pense. »

 

« J’ai emm’né les gars à l’hôpital et puis j’suis r’venu ici et j’ai créché avec des gens de la marina », raconta volontiers Andrew. « On dirait qu’ils ont cassé deux trois trucs dans la tête de Bud. Ça va d’mander quelques jours. »

 

« Tu aurais pu venir dans notre chambre », le réprimanda Kerry. « On a plein de place là-haut. »

 

« Nan. » Andrew prit une gorgée de quoi que ce soit qui se trouvait dans sa tasse. « Vous méritez votre intimité, jeunes dames. »

 

Kerry posa le menton sur son poing. « Papa, on dormait juste. » Elle lui sourit. « Je suis contente que Bud va aller bien. Il s’est réveillé ? »

 

« Ouaip. »

 

« Il sait qui l’a sorti du bateau ? »

 

« Ouaip. »

 

Kerry étudia son profil. « Il n’était pas vraiment content, hein ? »

 

« Non madame, il l’était pas. » Andrew se tourna et la regarda. « Mais comment tu sais ça ? » Il posa sa tasse et regarda sa voisine. « Ils t’ont dit quelque chose ? »

 

Kerry hocha la tête. « Oui, et Dar m’en a un peu parlé », dit-elle. « J’ai failli mettre un coup dans les noix à Bud plusieurs fois jusqu’à ce qu’il finisse par se calmer et qu’il arrête de dire des trucs méchants. » Ses doigts jouaient avec le bord de la table. « Qu’est-ce qui se passe ? »

 

Un serveur arriva près d’eux avec un pichet et leur offrit une boisson. Andrew tendit sa tasse et il la remplit, puis il tendit une tasse à Kerry également.

 

« Merci. » Kerry prit une gorgée prudente, soulagée de trouver du jus de fruit un peu tiède. Elle sentait qu’Andrew n’était pas très à l’aise de parler de Bud avec elle, et elle décida de ne pas pousser le sujet. « Je pensais avoir vu des céréales par-là, tu as déjà mangé ? »

 

« Ouais », lui dit-il. « J’suis descendu et j’ai vérifié le bateau. La coque a été un peu cognée mais rien de méchant. Elle devrait pouvoir repartir demain. »

 

« Merci », dit Kerry. « Est-ce que quelqu’un a dit si le bateau de DeSalliers avait été ramené ? »

 

« Non madame. »

 

Kerry le fixa calmement. Après un instant, Andrew croisa son regard. « Désolée si je me suis mêlée de ce qui ne me regarde pas », lui dit-elle.

 

L’expression d’Andrew s’adoucit et il cligna plusieurs fois des yeux. « C’était pas ça, Kerry », répondit-il. « Juste quelque chose qui me brûle le pantalon et j’aime pas en parler. »

 

« D’accord. » Kerry opina. « Est-ce que tu prends l’avion pour rentrer à la maison ? »

 

« Ouaip », dit Andrew. « Je m’suis dit que tout était d’équerre pour vous deux maint’nant. J’prends un avion ce soir. Ils ont pas encore rouvert l’aéroport », lui dit-il. « Ils nettoient encore. La tempête a mis le bazar, y a pas grand chose hors de la marina. »

 

Kerry étudia l’horizon, qui était clair et sans nuages. « C’est drôle. J’ai presque l’impression qu’hier était un rêve », admit-elle. « Mais je sais bien que non. »

 

Andrew pencha la tête dans une attitude d’écoute.

 

« Je suis contente que tu soies venu », lui dit Kerry. « Merci. »

 

Un sourire tira les traits balafrés en face d’elle. « C’est à ça qu’sert un père, non ? »

 

Kerry regarda derrière lui, le regard distant. « Seulement si on a de la chance », dit-elle en soupirant et en enlevant un peu du muffin de ses doigts. « Je vais aller chercher quelque chose pour Dar et moi. » Elle se repoussa de la table et se leva, avec l’envie soudaine d’être sous le soleil et de retour avec sa compagne. « Peut-être qu’on peut se voir pour le déjeuner ? »

 

Andy se leva et la tapota sur l’épaule. « J’vais t’aider à trouver des trucs, kumquat », dit-il. « On a peut-être besoin d’une discussion et je veux voir ma gamine. »

 

Kerry sourit, sentant la tension entre eux se détendre un peu. « D’accord Papa. Marché conclu. »

 

Ils entrèrent vers la table qui n’avait pas grand chose à offrir en terme d’assiettes. Andrew improvisa en piquant un panier de fleurs, qu’il retira, et se tint complaisamment derrière Kerry pendant qu’elle le remplissait Ils étaient à mi-chemin de la table quand la progression de Kerry fut interrompue, et elle leva les yeux pour voir le capitaine de police qui la bloquait poliment. « Oh. Bonjour. » Elle l’accueillit avec une cordialité prudente. « Je présume que vous avez eu une nuit chargée. »

 

« Très certainement, oui, Ms Stuart. Vous pouvez le dire », répondit-il avec courtoisie. « Je suis content de voir que vous allez bien. Est-ce que Ms Roberts va aussi bien ? »

 

« Tout à fait », lui dit Kerry, puis elle remarqua que son regarda passait par-dessus son épaule. « Oh, je suis désolée. Voici mon beau-père, Andrew Roberts. Papa, voici le Capitaine Alalau, de la police de Saint Thomas. »

 

« Salut. » Andrew émit une salutation modérément cordiale.

 

Alalau eut un bref mouvement de la tête. « Monsieur. » Il retourna son attention vers Kerry. « Est-ce que je peux vous demander, Ms Stuart, si vous et votre amie, Ms Roberts pourriez trouver un moment pour discuter avec moi un peu plus tard aujourd’hui ? Peut-être en déjeunant ? »

 

Oh oh. Kerry ne pensait pas qu’elles avaient des ennuis, même si elle se disait que dans les Iles Vierges, les criminels n’étaient pas invités à déjeuner, mais étant donné tout ce qui s’était passé jusque là, on n’était jamais sûr. « Hum… bien entendu », acquiesça-t-elle avec précautions. « Je suis sûre que ça ne posera aucun problème. »

 

« Excellent. » Le capitaine sourit et baissa légèrement la tête vers elle. « S’il vous plait, bon petit déjeuner. Malheureusement, le courant ne devrait pas revenir de la journée, mais nous travaillons pour le restaurer. »

 

« Merci. » Kerry le regarda s’éloigner. « Hm. »

 

« Gentil gars », dit Andrew d’une voix traînante.

 

« Très gentil », dit Kerry en soupirant, jetant les derniers objets dans leur panier, et attrapant une thermos de jus. « Allons. On va réveiller Dar et lui dire que son agenda social a changé. »

 

Ils quittèrent le hall, laissant l’espace incroyablement encombré derrière eux.

 

*********************************

 

Le téléphone portable bourdonna près de la tête de Dar qui sursauta de son sommeil profond, tendant la main vers lui aveuglément dans la pièce obscure. « Beuh. » Elle captura l’objet et l’ouvrit, sa tête battant alors que son corps essayait de se réveiller « Ouais ? »

 

« Dar ! »

 

La voix d’Alastair était si normale qu’elle en faisait presque mal. « Bonjour, Alastair. »

 

« Vous allez bien ? »

 

Dar ouvrit un œil et le fit rouler, jaugeant son environnement. « Oui, je vais bien. Ça n’était qu’une fichue tempête. »

 

« Une tempête ? De quoi parlez-vous bon sang ? J’ai reçu un appel hier soir qui me disait que vous aviez été cambriolée ou un truc comme ça ! » Dit Alastair, sa voix visiblement bouleversée. « Qu’est-ce qui se passe là-bas, Bon Dieu, Dar ? »

 

Par où je commence ? Dar s’éclaircit la gorge. « Attendez, je relance mon cerveau », lui dit-elle. « Je dormais. »

 

Un silence momentané. « A dix heures ? Mon Dieu. Où est mon agenda ? »

 

« Je suis supposée être en vacances », dit Dar à son chef, d’un ton irrité. « Au cas où ça vous aurait échappé. » Elle se frotta les yeux et essaya de se secouer un peu. « Tout d’abord, je n’ai pas été cambriolée. »

 

« Et bien, c’est merveilleux. »

 

« On a forcé la chambre de mon hôtel. »

 

« C’est terrible ! »

 

« Mais ils n’ont rien pris, alors on nous a juste changé pour une chambre plus grande. »

 

« Et bien, ce n’est pas si terrible », dit Alastair. « Mon Dieu, Dar. J’ai été inquiet pendant un instant. J’ai beaucoup de ressources de la société en ce moment dans les îles. »

 

Est-ce qu’elle devait lui parler du reste ? « On a eu quelques accrocs ici en fait. »

 

« Oh oh », dit son patron. « Peut-être que c’est de ça que parlait Mark. Il avait l’air à moitié cinglé. »

 

« Mark ? Pourquoi est-ce qu’il vous appelle ? Est-ce qu’il pense être devenu ma mère tout d’un coup ? » Lâcha Dar brusquement.

 

« Non, elle m’a appelé la dernière fois », répondit benoîtement Alastair. « Apparemment, il a trouvé quelque chose dans un fichier de la police et il n’était pas très content. »

 

Des mères poules. Dar fronça les sourcils en regardant le plafond. « Bon, on a rencontré un couple de vieux copains de mon père et on a dû les aider à se sortir d’un bazar. Ça, et la tempête me rendent la vie actuellement impossible », dit-elle. « Tout va bien là-bas ? »

 

« Ici ? » La voix d’Alastair laissa passer une surprise innocente. « Oh, bien sûr. Aussi sûr que la pluie, Dar. Pas de problème ici. »

 

Oh oh. Dar fixa le téléphone, puis elle soupira. « Génial. Je présume qu’on se reparle quand je reviens au bureau la semaine prochaine alors, hein ? »

 

« Bien sûr… bien sûr. Vous passez un bon moment toutes les deux autrement ? » Demanda Alastair. « Vous vous reposez, vous vous détendez ? »

 

« Et bien. » Dar tendit l’oreille à l’approche de bruits de pas. « Là juste maintenant je suis allongée et vous me réveillez à dix heures. Qu’est-ce que ça vous dit ? »

 

« C’est bon à entendre, Dar. Bon à entendre. Allez-y doucement et essayez de rester loin des ennuis pour le reste de votre balade, hmm ? »

 

« Je vais essayer », lui dit Dar. « On se parle plus tard. » Elle ferma le téléphone et le posa de côté quand la porte s’ouvrit pour laisser entrer Kerry et la silhouette reconnaissable de son père. « Ah… salut. » Elle se sentit un peu embarrassé d’être surprise au lit.

 

« Bonjour, dormeuse. » Kerry la taquina en refermant la porte avant de poser le panier. « Je me disais que tu serais réveillée. »

 

« Uniquement par la grâce d’Alastair », admit Dar. « Mark lui a dit que nous avions des problèmes. »

 

Kerry s’arrêta et la regarda. « Quoi ? »

 

« Oui. Une compagnie de cent milliards de dollars dirigée par deux nounous bileuses. » Dar mit le bras sur ses yeux, tressaillant au mal de crâne assourdissant. « Salut Papa. »

 

« Salut, Dardar. » Andrew s’accroupit près du lit et tapota son bras. « Tu vas bien ? »

 

« Mmpfh », grogna Dar. « J’ai une chance d’obtenir de l’air frais ici ? »

 

Kerry alla à la fenêtre et ouvrit les volets. Une partie des panneaux en bois avaient été enlevés et la lumière entra à flots. Elle déverrouilla la fenêtre et l’ouvrit, récompensée par une bouffée d’air qui souffla ses cheveux en arrière. « Et comme ça ? »

 

« C’est mieux. » Dar avait toujours les yeux fermés. « Qu’est-ce qui se passe dehors ? »

 

« Pas de courant, des touristes grognons, un temps lourd, et la police qui veut déjeuner avec nous. »

 

Dar ouvrit brusquement les yeux et elle se redressa pleinement sur ses coudes. « Nous ? »

 

« Nous », confirma Kerry.

 

« Bck. » Dar s’allongea et tira les couvertures sur sa tête.

 

« Oui », approuva Kerry d’un air désabusé. « C’est exactement ça. »

 

************************************

 

Le bateau roulait doucement sous elle lorsque Kerry sauta à bord. Dar était toujours sur le quai, examinant le léger dommage reçu par la coque, et Kerry se laissa tomber dans un des fauteuils sur la poupe pour l’attendre. Le soleil était de sortie et l’air se nettoyait de son humidité, la brise légère soulevait nonchalamment des mèches de ses cheveux. Elle s’adossa et regarda la marina, tressaillant un peu à la vue des petits bateaux jetés sur la falaise et des débris qui flottaient dans l’eau.

 

La marina elle-même avait subi peu de dommages, ses quais en béton avaient plutôt bien résisté à la tempête, et avait fourni une protection à la plupart des bateaux qui s’y trouvaient. Beaucoup de propriétaires se trouvaient là, vérifiant les choses, et tout autour, les équipes de terre retiraient des morceaux sombrés et d’autres débris.

 

Kerry se sentait bizarrement nerveuse. Elle s’était rendu compte sur le chemin vers le bateau qu’elle ne voulait rien de plus que quitter cette île et s’éloigner du chaos que leurs vacances étaient devenues. Un coin de son cerveau se demandait ce qui était arrivé à DeSalliers, mais ce coin-là ne pesait pas lourd face au reste d’elle-même qui voulait mettre ces quelques derniers jours derrière elles deux.

 

Dar apparut sur le quai et fit le tour de la poupe, sautant à bord pour venir sur le pont. « Pas trop méchant », confirma-t-elle. « Juste quelques égratignures. »

 

« Bien. » Kerry lui tendit la main. Dar s’approcha et la prit, faisant le tour du fauteuil dans lequel se trouvait Kerry pour poser son autre main sur l’épaule de cette dernière « On a un plan ? »

 

« Un plan », dit Dar en bâillant, sa mâchoire craquant légèrement. « Je suis trop lessivée pour avoir un plan. » Elle se mit dans le fauteuil près de Kerry et balança une longue jambe par-dessus l’accoudoir. « Je présume qu’il faut d’abord qu’on aille parler aux flics. » Elle posa la tête sur sa main. « Qu’est-ce que tu veux faire après ça ? »

 

Partir. Kerry refoula la réponse, sachant que le sens des responsabilités la tuerait pour ça. « Et bien, si tout se passe bien… »

 

« Tu penses que non ? » L’interrompit doucement Dar. « C’est un rendez-vous pour déjeuner. »

 

« Je sais », acquiesça Kerry. « Mais je préfère ne rien considérer comme acquis. Maintenant, si ça se passe bien, on pourrait aller voir Charlie et Bud et s’assurer que lui et Charlie vont bien. »

 

« Ouais », grogna Dar.

 

« On pourrait emmener Papa dîner avant son vol. »

 

« Hm. » Cela lui valut une réponse bien plus intéressée. « D’accord, ça me paraît bien », approuva Dar. « Où est-ce qu’il a filé, d’ailleurs ? »

 

Kerry secoua la tête. « Il ne l’a pas dit. Juste qu’il allait revenir. » Elle jeta un coup d’œil au pont pensivement. « Je pense que je l’ai fâché tout à l’heure. »

 

Le fauteuil grinça quand Dar se pencha vers elle. « Toi ? » Sa voix exprimait de l’incrédulité. « Comment ? »

 

« Je l’ai interrogé au sujet de Bud et Charlie », admit Kerry. « Je ne pense pas qu’il apprécie que les gens soient au courant de tout ça ; je présume que c’est embarrassant pour lui. » Elle s’interrompit pensivement. « Ou un truc comme ça. » Elle tourna la tête et regarda Dar. « Je suis désolée d’en avoir parlé. »

 

Dar tendit la main et gratta la nuque de Kerry. « Mon cœur, ce n’est pas ce que tu crois », dit-elle. « Oui, tout ce fichu truc l’embarrasse à mort, c’est vrai. »

 

« Qu’on pensait qu’il était gay, tu veux dire ? » Demanda Kerry. « Dans ce monde-là, c’est compréhensible. »

 

Dar se mit à rire. « Non », répondit-elle. « Il s’en fichait… mais je vais commencer au commencement. » Elle s’éclaircit la gorge. « Tout était en fait de ma faute. »

 

« Ta faute ? » Demanda Kerry du même ton que Dar avait usé un peu plus tôt. « Comment ça ? »

 

« Je venais de leur avouer tout », relata Dar. « C’était dur pour mes parents, faire partie du monde militaire et voir que j’étais une sale gosse en plus. »

 

Kerry sourit mais garda le silence.

 

« Alors, mon père est sorti et a lu une tonne de truc sur l’homosexualité à la bibliothèque », continua Dar. « Il a même sorti quelques livres et en a pris un avec lui lors d’une manœuvre avec quelques escouades hors de la base. »

 

« Oh oh. »

 

« Ouais. » Dar hocha la tête. « Et là il a été assigné en haute mer pour quatre mois. Le capitaine du bateau était un conservateur au cul vraiment serré, et un jour, il a fait une sortie sur les gays devant les gars. » Elle s’interrompit pour se souvenir, puis soupira. « Alors mon père, comme tu le connais, l’a emmené dans une salle de torpille et lui a pratiquement sorti deux dents de la bouche. »

 

« Beurk. »

 

« Le mot s’est répandu et tout le monde a additionné deux et deux pour faire quatre. » La jeune femme brune étira ses jambes. « Alors après ça, Charlie s’est figuré qu’il était accessible. »

 

« Oh. » Kerry fronça les sourcils. « Mais… je veux dire, Dar, il était marié, et avait un enfant. Ça ne les a pas mis sur la voie ? »

 

Dar la regarda, un sourcil dressé dans un sarcasme ironique.

 

« Oui, je sais que ce n’est pas nécessairement une indication d’hétérosexualité, mais bon sang ! Ton père en dégouline », protesta Kerry.

 

« C’est vrai. Mais c’est ça qui le tanne vraiment », expliqua Dar. « Pas qu’ils pensent qu’il était gay. Puis que je le suis, ça n’était pas quelque chose qu’il considérait choquant. »

 

Kerry pencha la tête. « D’… d’accord. » Elle contracta le front. « Mais… »

 

« Il était furieux qu’ils pensent que c’était le genre d’homme à mentir à sa femme », dit Dar simplement. « Il ne leur a jamais pardonné ça. » Elle se repoussa du fauteuil. « Tu veux un verre ? »

 

« D’accord. » Kerry hocha la tête, absorbant l’information reçue. « Wow. Ça a du sens. » Elle secoua légèrement la tête. « C’était dur pour moi de penser que Papa serait embarrassé au sujet de quelque chose qui laisse penser qu’il était ce qu’on est », admit-elle. « Mais je comprends maintenant. »

 

« Mm », acquiesça Dar. « Il m’en a parlé quand il est revenu cette fois-là. Il a dit qu’il ne pouvait pas le dire à Maman, mais il voulait le partager avec moi, pour que je sache la vérité, au cas où j’entendrais dire quelque chose sur la base. »

 

« Et tu l’as fait ? » Demanda Kerry d’une voix douce. « Entendre quelque chose ? »

 

Un demi-sourire pinça les lèvres de Dar. « Pas directement », dit-elle. « A cette époque, je… j’avais plutôt la réputation d’avoir du caractère et la plupart des gamins sur la base savaient que s’ils me taquinaient au sujet de mon père, ça signifierait une bagarre. »

 

Kerry pencha la tête en arrière et regarda Dar avec un léger sourire. « Tel père, telle fille. » Elle tendit la main et toucha l’insigne maintenant passé dans la chaîne en argent autour du cou de sa compagne. Il était niché avec l’anneau d’union de Dar et reflétait très légèrement la lumière sur sa surface faiblement polie.

 

Dar mit les mains dans ses poches et regarda l’objet, incapable de cacher un sourire immodestement fier. « Oui. » Ses yeux brillèrent. « C’est vraiment ça. » Son attention revint vers le visage de Kerry. « Ne t’inquiète pas, Ker, Papa ne serait jamais en colère contre quelqu’un juste pour lui avoir posé une question. Surtout toi. » Elle caressa les cheveux de Kerry. « Il t’aime. »

 

Le regard vert levé vers elle s’emplit de larmes retenues, alors que Kerry gardait le silence, se contentant de regarder l’expression de Dar.

 

« On a un moment avant le déjeuner », dit Dar d’une voix douce. « Entrons nous détendre. D’accord ? » Elle tendit la main à Kerry. Celle-ci la prit et Dar les guida vers la porte de la cabine, hors du soleil.

 

A l’intérieur, Kerry la retint. Elle bougea et mit les bras autour d’elle pour l’étreindre sauvagement.

 

Dar lui rendit son étreinte et lui massa le dos ce faisant.

 

« Urgh », dit Kerry dans un soupir. « On peut pas juste sortir et se perdre quelque part demain, Dar ? » Demanda-t-elle. « Trouver un autre de ces trous bleus et laisser nos esprits oublier tout ça ? »

 

« Hmm. C’est une pensée attrayante. » Dar inclina la tête et pinça la mâchoire de Kerry. « Je me vois bien passer quelques jours perdue là-dehors avec toi, en fait. » Elle sentit le corps de Kerry se presser contre le sien. « Je pense que je connais quelques îles sympas et désertes là-dehors, où on sera juste toi et moi, et s’ils ont de la chance, quelques homards dansants. »

 

« Dansant dans ma sympathique grande marmite ? » Kerry s’enfouit dans la poitrine de Dar, respirant avidement son odeur. « J’ai une bouteille de champagne là-dedans qui adorerait les rencontrer. »

 

« Oh oui », l’assura Dar. « On va passer toute la journée comme des limaces de mer. » Elle serra sa compagne, sentant ses épaules bouger et se détendre. « Hé, je viens d’avoir une idée. »

 

« J’suis sûre que c'en est une bonne », marmonna Kerry contre la peau de son cou.

 

« Je sais qu’on devait aller au condo pour la Nouvelle Année… et si on la passait au chalet ? »

 

« Mmm. »

 

« Pour récupérer quelques jours de vacances en quelque sorte ? »

 

« Mmmmmm. » Kerry émit un son chantant bas et content. « Même si on n’a pas de meubles, je pense que j’aimerais vraiment, vraiment ça. »

 

Dar posa la joue sur les cheveux de Kerry, contente de la réaction à son plan. Bien qu’elle sache que l’interruption n’était la faute d’aucune d’elles, elle se sentait quand même mal à cause de l’effet brutal d’avoir été spoliées de leur temps libre.

 

C’était marrant, mais elle se rendait compte que les événements de la journée précédente s’effaçaient déjà de sa mémoire malgré leur nature fantastique. Elle avait toujours professé la philosophie de mettre les choses de côté une fois qu’elles étaient passées et terminées, mais elle avait trouvé étrange de pouvoir revenir sur ce qu’elle avait fait la veille au soir et de ne pas le trouver terrifiant à ses yeux.

 

Ça avait été une situation désagréable. Elle avait dû se débrouiller au moins avec ce qu’elle pouvait, et à la fin, les choses s’étaient bien passées. Qu’aurait-elle pu demander de plus, vraiment ?

 

C’était terminé. La plupart du temps, quand des choses traumatisantes arrivaient, elle les examinait pour en tirer des leçons et espérer éviter le problème la fois suivante, mais habituellement, c’était dans un contexte d’affaires. Dar espérait sincèrement ne pas avoir à utiliser son expérience mise au service d’une fuite devant des pseudo pirates tarés au conseil d’administration d’ILS.

 

Ses yeux bleus brillèrent soudain. Et bien…

 

« Qu’est-ce que tu fais ? » Demanda Kerry.

 

« Je réfléchissais », répondit Dar. « Pourquoi ? »

 

« Je peux te sentir sourire. »

 

Dar se mit à rire. « J’imaginais juste Alastair habillé en Capitaine Blood. »

 

Le corps de Kerry se convulsa dans un rire brusque. « Je peux à peine imaginer Alastair habillé en Capitaine Kangourou. » (NdlT : Captain Blood = un médecin injustement accusé devenu chef de pirates ; Captain Kangaroo : une sitcom US pour les enfants)

 

« Hé. »

 

La jeune femme blonde soupira et entoura la nuque de Dar de ses bras, se balançant contre elle alors que le bateau roulait. « Et bien, il y a une chose à tirer de tout ce qui s’est passé. »

 

« Hm ? »

 

« Ça m’a totalement fait oublier ma famille », murmura Kerry.

 

Dar leva la tête et baissa les yeux vers le profil de Kerry. « C’est une bonne chose ? »

 

Kerry hocha la tête. « Peut-être que de voir des gens avec des parents encore plus minables que moi m’a aidé », déclara-t-elle. « J’y pensais ce matin après avoir parlé à Papa. Mes parents étaient pédants et ne comprenaient rien à rien, Dar, mais tu sais quoi ? »

 

« Mm ? »

 

« Je pense que tu avais raison. Je pense… qu’à un certain niveau, quelque part, ils nous aimaient tous. » Kerry cligna des yeux. « Même mon père. Même moi. Parce qu’aussi méchant qu’il l’était, quelque part dans tout ce truc tordu, il pensait faire ce qui était juste. »

 

Dar cligna des yeux, surprise de cette déclaration.

 

« Je pense avoir vu assez de véritable haine ces derniers jours pour faire la différence. »

 

« Ah. »

 

« Il détestait ce que je faisais. Il détestait notre couple. Il détestait que je sois gay, il détestait que je moucharde », continua Kerry « Mais je ne pense pas qu’il m’ait jamais détestée. »

 

Dar hocha silencieusement la tête.

 

« Je peux vivre avec cette idée », dit la jeune femme blonde. « Parce que ça nous donne quelque chose en commun. »

 

Et alors, pensa Dar, elle avait toujours vécu selon la théorie que les choses arrivent pour une raison. Elle prit le visage de Kerry entre ses mains et lui sourit. Leurs regards se croisèrent, et elle put voir une note de paix lasse dans l’expression de Kerry pour la première fois depuis qu’elles étaient revenues du Michigan. Elle se pencha en avant et frotta son nez contre celui de sa compagne.

 

Kerry attira Dar vers elle et échangea le nez contre un baiser. Puis elles s’étreignirent.

 

« D’accord. » Kerry laissa passer un long soupir sincère. « Retournons au boulot sérieux de s’amuser. »

 

Dar embrassa le cou de Kerry, repoussant les cheveux clairs lorsqu’elle fut récompensée par une inspiration soudaine à cette action. « J’en ai assez… » Grogna-t-elle dans l’oreille de la jeune femme blonde. « De la vraie vie qui envahit mes vacances hédonistes. Et toi ? »

 

« Tu parles. » Kerry sentit une poussée. « Hé… »

 

Dar la poussa à nouveau.

 

« Je pense qu’on m’a bousculée. »

 

« Exact. » Une autre douce poussée.

 

« On dirait bien que c’est vers la chambre. »

 

« Bon sens de l’orientation. »

 

« Hé. »

 

********************************

 

Kerry était allongée sur le dos, le corps à demi emmêlé dans les draps et la tête de Dar posée sur son estomac. Elle caressait nonchalamment d’une main les cheveux noirs posés en travers de son ventre, enroulant quelques mèches autour de ses doigts. Au bout d’un moment, elle leva le bras et examina sa paume, la pliant légèrement en la faisant tourner dans la lumière.

 

Les bleus disparaissaient déjà. Elle était encore un peu raide, ses deux mains l’étaient, mais plutôt comme si elle avait fait un exercice dur sur le sac à la gym plutôt qu’autre chose.

 

Avec un soupir bref et pensif, elle recommença à jouer avec les cheveux de Dar, son regard traçant le visage de sa compagne et regardant les faibles pincements d’un rêve bouger sous ses paupières closes. Dar avait aussi un petit bleu, Kerry le remarqua, en passant le bout du doigt sur une tâche de peau bronzée décolorée sur l’une des pommettes.

 

Elle se pencha plus près. Plutôt une brûlure, en fait, qu’un bleu. Kerry fronça les sourcils, repensant à la bagarre et se demandant d’où ça pouvait venir. Elle se souvint avoir entendu Dar jurer alors qu’elle était poussée cul par-dessus tête pour sa sécurité, et puis le bruit d’une arme qui partait et…

 

Kerry écarquilla les yeux.

 

Est-ce que c’était passé si près ? Horrifiée, elle fixa la marque, imaginant si ça avait été, ne serait-ce qu’une fraction de cheveux ailleurs dans le chemin.

 

C’était passé si près. Elle était passée si près de perdre Dar.

 

Kerry pencha la tête en arrière et regarda le plafond. Elle ferma les yeux et murmura quelques mots de remerciements sincères au dieu qui veillait assurément sur elles deux. Elle n’avait pas de doute, maintenant, qu’elle était bénie, que Dar était bénie, et que l’amour entre elles était sanctifié comme tous ceux qui l’avaient été.

 

Ça aurait si facile de la punir autrement. Kerry baissa les yeux vers le visage de Dar. Juste un poil de plus, et comme une volute de fumée, tout serait parti.

 

Elle sentait la respiration de Dar réchauffer la peau sur son ventre nu. Elle avait été encore fatiguée, même après leur repos de la nuit et elle était allongée là à dormir aussi paisible qu’un enfant. Kerry absorba cette vision, nouvellement consciente de combien fragile et précieuse était la vie.

 

Avec un doux murmure, Dar remua, s’étirant pour s’enrouler à nouveau. Elle ouvrit les yeux et regarda Kerry avec une affection endormie. « Mm… quelle heure l’est ? »

 

Kerry lui caressa la joue. « Presque une heure », dit-elle.

 

Dar soupira, une expression hésitante apparaissant sur son visage. « Je présume qu’on doit aller voir à quoi ressemble notre rendez-vous de déjeuner, hm ? » Dit-elle d’une voix traînante. « Je voulais pas m’endormir sur toi. »

 

« Littéralement », dit Kerry en souriant. « Tu étais fatiguée. »

 

Dar hocha la tête. « J’ai bougé un moment hier soir. Trop de bruit, je pense. »

 

« Trop d’excitation », acquiesça Kerry. Son index traça la marque sur le visage de Dar. « Je n’avais pas remarqué ceci jusqu’à maintenant. »

 

« Hm ? » Dar contracta le front de questionnement. « Remarqué quoi ? »

 

« La brûlure sur ton visage. »

 

« Brûlure ? » Dar leva la main et toucha l’endroit, puis son expression s’éclaira. « Oh. » Elle hocha la tête. « Ouais, ce stupide salaud a failli me faire sauter la tête. »

 

Kerry massa le point d’une main tremblante. « Oui, je vois ça. »

 

L’expression de Dar s’adoucit. « Mais aucune chance que je le laisse s’en sortir. » Elle se réinstalla sur Kerry. « Je n’en ai pas encore fini avec cette vie avec toi. » Ses doigts attrapèrent ceux de Kerry et elle tira sa main tout près pour l’embrasser, mordillant la peau avec une franche sensualité.

 

Kerry ne put que sourire. « Dar, est-ce que tu as déjà eu le sentiment étrange que l’endroit dans lequel nous nous connaissions avant même de nous rencontrer n’était pas de cette époque-ci ? »

 

Les deux sourcils noirs finement taillés de Dar se dressèrent. Elle fixa Kerry en silence pendant quelques instants, les muscles de son visage bougeant légèrement alors qu’elle réfléchissait. « Je n’ai jamais vraiment réfléchi à cette question », finit-elle par répondre avec un haussement d’épaules à peine visible.

 

« Hm. » Kerry se sentit légèrement idiote d’avoir mentionné cette idée. « Bon, oublie. C’est juste quelque chose qui m’a traversé l’esprit, je pense. »

 

« Une idée intéressante », songea Dar. « Je pense que j’accepterais l’idée de réincarnation si je savais que je serais avec toi. » Son visage se plissa en un sourire satisfait. « Ce serait vraiment génial. »

 

Kerry sourit en retour. « Oui, n’est-ce pas ? » Elle laissa filer ses pensées morbides résiduelles et gratta légèrement Dar sur son dos nu, massant en petits cercles avec le bout de ses doigts. Celle-ci répondit en ronronnant, et en arquant le corps au contact. « Tu es très joueuse aujourd’hui. »

 

Dar roula sur le ventre et changea de position, glissant les bras et les jambes par-dessus Kerry tout en soufflant de l’air dans son oreille. « Je suis juste contente qu’on soit aujourd’hui. Pas hier. » Elle posa le menton sur l’épaule de Kerry et la regarda. « Allez. Le plus tôt on se débarrasse de ça, le plus tôt je peux t’enlever et t’emmener sur mon île déserte. »

 

« Ooh. » Kerry trouva très difficile de résister au sourire espiègle qu’on lui lançait. Elle pencha la tête et embrassa doucement Dar. Puis elle roulèrent toutes deux hors du lit toujours emmêlées, riant en essayant de s’empêcher de s’écraser tout du long contre la cloison.

 

Elles se séparèrent et Kerry tendit à Dar ses vêtements qui étaient enroulés n’importe comment sur la commode. Elle regarda celle-ci enfiler son maillot de bains, tendit la main et toucha le doux tissu soyeux. « J’aime bien ça. »

 

« C’est comme de porter du papier tissu », dit Dar pince-sans-rire. « Ou rien du tout. »

 

« Mmhmm. C’est pour ça que j’aime bien », approuva Kerry avec un sourire malicieux. « Ça ne laisse que peu de choses à l’imagination. »

 

Dar se regarda, puis Kerry, alors qu’un léger rire échappait de sa poitrine. Elle tendit la main et chatouilla le nombril encore nu de sa compagne. « Je pense que tu perds ton éducation. »

 

Kerry rit également et enfila son slip. Elle leva les yeux pour trouver Dar qui lui tendait son soutien-gorge et passa obligeamment les bras au travers avant de se retourner pour permettre à sa compagne de l’accrocher. Elle sentit les phalanges de Dar chaudes contre la peau de son dos, puis une chaleur bien plus intense lui donna la chair de poule alors que Dar mordillait sa nuque. « Mm. »

 

Dar la relâcha et prit sa chemise en coton, la lui tenant pour qu’elle puisse l’enfiler. Elle ajusta le col et retourna à ses mordillements alors que Kerry tentait de la boutonner, tendant la main pour l’aider lorsque les trous semblèrent échapper à ses doigts.

 

« Dar ? »

 

« Mm ? »

 

« Si tu continues comme ça, c’est un exercice futile. »

 

« Qu’est-ce qui est futile ? »

 

« S’habiller. »

 

Dar fléchit et se contenta de finir de boutonner, donnant une tape sur le derrière à Kerry alors qu’elle la relâchait à nouveau. Elle mit son short et boucla la ceinture, puis passa un polo par-dessus sa tête et le mit dans le short.

 

Kerry la regarda. « Noir et bleu. Est-ce que tu envoies un message, chérie ? » Elle tira sur le polo au bleu riche et royal.

 

Dar se passa les doigts dans les cheveux et posa ses lunettes de soleil enveloppantes sur son nez. « Est-ce que j’ai l’air mystérieux et intimidant ? »

 

« Jusqu’à ce que je regarde tes chaussettes Dilbert, sûr », ricana Kerry.

 

Dar passa la langue et partit à la recherche de ses baskets. Kerry finit de boutonner son short en jean et suivit, en secouant la tête.

 

*********************************

 

Elles retrouvèrent le capitaine qui les attendait à l’entrée principale de l’hôtel. Il sourit en les voyant et inclina la tête, puis il montra le jardin extérieur. « Notre courant est toujours coupé, et l’intérieur est plutôt renfermé. »

 

« Je peux imaginer ça. » Kerry regarda le soleil, sorti avec toute sa splendeur. Malgré la brise, elle pouvait sentir une légère transpiration se former sous ses vêtements et elle attendait avec impatience et sans remords de pouvoir les enlever à nouveau. Elle suivit le capitaine dans le jardin et ils s’assirent à l’une des deux seules tables prêtes, les chaises en bois chauffées par le soleil.

 

Dar s’installa près d’elle, regardant le capitaine prudemment de derrière ses lunettes de soleil. « Alors », dit-elle. « Que peut-on faire pour vous ? »

 

Le policier fit un signe à un serveur à l’air pressé. « Du thé glacé, s’il vous plait. »

 

« Nous n’avons pas de glace, monsieur. » L’homme lui lança un regard d’excuse.

 

« Et pourquoi pas du thé tiède ? » Suggéra Kerry. « Et quelques sandwiches que vous avez probablement préparés. »

 

Le serveur regarda le policier.

 

« Comme dit la dame », dit le capitaine en souriant. « Puisqu’on a peu de choix, si je comprends bien. »

 

« Oui monsieur », dit le serveur en gribouillant puis il s’éloigna.

 

Le capitaine s’adossa et mit les mains autour de son genou couvert de kaki. Il les regarda toutes deux pendant un moment en silence, puis parla. « Beaucoup de choses sont arrivées ces derniers jours. »

 

Ça, c’était pas peu dire. Kerry posa le menton sur son poing. « Ça oui. »

 

« Nous n’avons pas pu localiser la personne qui s’est introduite dans votre chambre », déclara-t-il. « Et il se trouve que l’employeur réputé de cette personne a également quitté les îles. » Son regard les scruta avec attention. « Nous avons trouvé cela curieux parce que la marina nous dit qu’il avait payé son emplacement pour pas mal de temps. »

 

Dar évalua ses options. Puis elle posa son verre et croisa son regard de manière directe. « Si nous savions pourquoi il n’est pas ici, aimeriez-vous que nous vous le disions ? »

 

Le visage du capitaine se pinça légèrement, et il pencha la tête d’un côté. « J’ai entendu des choses intéressantes au sujet de cet homme, et de vous-même, Ms Roberts », dit-il. « Si j’enquête sur votre déclaration, peut-être que j’apprendrai des choses encore plus intéressantes. »

 

« Ça se peut », acquiesça Dar.

 

« Quoi qu’il en soit, je pourrais aussi apprendre des choses qui me demanderaient de travailler très, très dur. » Le capitaine lui fit un sourire charmeur. « Et c’est une trop belle journée pour travailler aussi dur. Alors Ms Robert, je vais décliner votre généreuse offre d’information à regret. »

 

Dar lui donna un point intellectuel, et lui en retira un moral. « Bon choix », dit-elle. « Parce que franchement, Capitaine, pour aussi agréable que soit votre île, nous avons hâte de la voir derrière nous. »

 

« C’est une chose excellente à entendre, Ms Roberts. » L’homme se tourna lorsque le serveur posa une assiette de sandwiches, et une carafe de thé. « Est-ce que je peux présumer alors que vous n’avez aucun intérêt à maintenir votre plainte ? » Demanda-t-il. « Ou la rencontre désagréable que vous avez faite sur l’océan ? »

 

Dar se pencha en avant. « Je me suis arrangée avec DeSalliers, et non, vos amis les pirates sont à l’abri. » Elle prononça les mots avec soin, mais baissa la voix. « J’ai eu assez de problèmes ces derniers jours pour toute mon année prochaine, merci. »

 

« Mes amis ? » Répliqua le policier. « Ah, mais vous avez de tels amis aussi, non ? »

 

Dar inclina la tête d’approbation. Elle prit un demi-sandwich et l’inspecta, puis sourit. « Oh, je parie que ceci est populaire chez les autres touristes. » Elle montra le contenu à Kerry. « Du beurre de cacahuètes. »

 

« Ça ne se gâte pas aussi rapidement. » Le policier accepta le changement de sujet avec grâce et choisit son propre carré de pain blanc. « Autrement, vous avez apprécié notre hospitalité, j’espère ? »

 

Kerry s’interrompit en versant le thé. « Les îles sont magnifiques », dit-elle. « Je peux vous garantir que nous n’oublierons pas notre visite avant longtemps. »

 

Le capitaine prit une bouchée de son sandwich au beurre de cacahuètes et sourit.

 

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« Tu es sûre que c’est une bonne idée ? » Murmura Kerry alors qu’elles soulageaient les épiciers reconnaissants de quelques-unes de leurs marchandises périssables. « Je ne pense pas que ces gars s’entendent, Dar. »

 

Dar vérifia le choix des glaces qui fondaient rapidement. « Ça va aller. » Elle montra un poisson. « Prends celui-là. Papa les aime bien. »

 

Kerry fit signe à l’homme derrière le comptoir. Une balade à l’hôpital avait révélé que Bud refusait de rester aux soins, et lui et Charlie étaient plus que prêts à laisser cet endroit derrière eux. Dar avait immédiatement offert de les remmener à leur île, et les avait nonchalamment invités à se joindre à elle, Kerry et Andrew pour dîner à bord de leur bateau.

 

Tout le monde s’était rendu compte qu’il n’y avait aucune véritable raison pour eux de refuser étant données les circonstances, et Kerry collectait maintenant assez de nourriture pour les ravitailler tout en espérant que la soirée ne tourne pas au désastre. « J’espère que tu sais ce que tu fais. »

 

Dar ajouta plusieurs miches de pain local dans le panier de Kerry, et ravit l’épicier en lui retirant des mains quelques glaces en danger. « Papa a donné son accord, alors ne t’inquiète pas. » Elle jeta un pot de fudge dans le panier. « Il est temps de mettre tout ce merdier derrière eux de toutes les façons, et en plus, quoi que tu fasses sera bien meilleur que ce qu’on pourrait trouver ce soir. »

 

Kerry accepta le compliment avec un sourire. « Seulement parce qu’on a du courant », rappela-t-elle à Dar. « On va devoir mettre les moteurs en marche pour charger les batteries, souviens-toi, si tu veux quelque chose de plus qu’à demi cuit. »

 

« Pas de problème », murmura Dar. « Ils ont des pompes à pression à main. J’ai pu obtenir qu’ils remplissent les réservoirs ce matin. » Elle regarda les légumes à l’air plutôt tristounet. « Ils ont un sale air. »

 

Kerry ricana. « Dar, s’ils étaient de parfaits exemples de leurs espèces, présentés dans le meilleur congélateur que Publix pourrait offrir, tu penserais toujours qu’ils ont un sale air. » (NdlT : Publix = chaîne de supermarchés américains)

 

« Mm. »

 

« Bref, j’en ai besoin, alors ferme les yeux ou va voir les petits fours. »

 

Dar se mit à rire. « Je vais nous chercher à boire », dit-elle. « On se retrouve à la caisse. »

 

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Kerry finissait juste de plier sa feuille d’aluminium qu’elle avait enroulée autour des filets quand elle sentit le bateau bouger et elle leva les yeux pour voir Andrew passer la tête dans la cabine. « Salut papa. »

 

« Salut toi, kumquat. » Dar entra et s’avança vers l’endroit où elle travaillait, observant sa création avec curiosité. « Tu nous fais un dîner fantaisiste ? »

 

« Ce n’est pas fantaisiste. » Kerry saupoudra le poisson avec des herbes finement hachées puis versa un bouchon de cidre par-dessus avant de fermer les paquets. « C’est juste une autre façon de les cuisiner. »

 

Andy s’appuya sur le comptoir. « Ça fait beaucoup de travail pour une poignée de vieux marins d’eau de mer. »

 

Kerry tourna la tête et lui sourit. « Nan. » Elle posa le paquet avec les autres sur le dessus du panier à vapeur dans la grande marmite sur le feu et mit une couche de pommes de terre par-dessus. Une autre marmite contenait de l’eau pour les pâtes et elle posa un couvercle dessus avant de se frotter les mains sur une serviette et de se pencher en arrière. « Bon, on est prêt », dit-elle. « Le café vient de passer, tu en veux ? »

 

« Bien sûr », répondit Andrew, en attrapant sa manche. « Vas t’asseoir et détends-toi. Je vais me servir. » Il tira. « Vas-y. »

 

Kerry décida de lui faire plaisir. Elle contourna la cuisine et alla vers un des fauteuils, se laissant tomber dedans avant de s’adosser. Elle regarda son beau-père poser les tasses sur le comptoir et préparer le café, ses mouvements mesurés et précis comme toujours.

 

Elle voyait Dar en lui. Sa compagne avait la même façon inconsciemment méthodique de faire les choses. « Hé, papa ? »

 

Andrew la regarda et haussa un sourcil grisonnant.

 

« Ça te va nos plans pour le dîner, ou tu fais juste plaisir à ta fille ? »

 

Une étincelle apparut dans ses yeux bleus. « Ben. » Il prit les tasses de café et s’avança, les posa et croisa ses grandes mains autour de la sienne tout en s’asseyant près d’elle. « Il y a une chose que j’ai apprise au sujet de ma gamine. Si elle fait quelque chose, c’est qu’il y a une raison », dit-il. « C’est pas le genre frivole. »

 

Cela déclencha un rire de la part de Kerry. « Euh, non. C’est tout à fait vrai. »

 

« Alors si elle veut qu’on se mélange, je me dis qu’on va tous y survivre », dit Andrew. « Ne t’inquiète pas, Kerry, je sais que tu l’as eu dur ces derniers jours, personne va te rendre la soirée difficile si je peux y faire quelque chose. »

 

« Merci. » Kerry lui sourit avec une calme affection. « Mais je pense que ça a été dur pour nous tous. Bud n’était pas à un pique-nique là-bas. »

 

« Non », dit Andrew. « C’est plutôt vrai. Mais il s’en est bien sorti. Ça aurait pu être bien pire. Ces types sur ce bateau étaient vraiment méchants. »

 

Kerry sirota son café. « Les gens méchants ça craint vraiment. »

 

« Ouaip. » Andrew posa sa tasse sur la petite table et se pencha en avant, les coudes sur ses genoux. « Un sacré bordel pour vos vacances », dit-il. « Vous devriez vous trouver un coin tranquille maintenant. »

 

« C’est ce qu’on fait », dit Kerry. « On va passer quelques jours au chalet. On s’est dit qu’on ne devrait pas avoir trop de problèmes là-bas. »

 

Andy ricana doucement.

 

« Ouais, je sais. J’ai suggéré les Chutes du Niagara et Dar a dit qu’elles s’arrêteraient probablement de couler pendant qu’on y serait et qu’on nous en accuserait », dit Kerry en soupirant. « Je pense que nous avons le mauvais œil pour ce genre de choses. »

 

« Ben. » Il tendit la main et lui tapota le genou. « Au mois vous savez que si vous avez des ennuis, vous avez de la famille qui peut vous aider. »

 

Kerry cligna des yeux puis soupira. « C’est vrai », dit-elle en hochant la tête. « C’est un peu nouveau pour moi. »

 

Andrew hocha la tête en retour, son expression sérieuse. « J’sais ça, Kerry, parce que c’était la même chose avec mes parents », dit-il. « Quand Céci et moi on s’est sauvés, ils m’ont gratté de la première page de la Bible, alors je sais ce que ça fait que sa propre famille vous tourne le dos. »

 

« Ça craint. »

 

« Ouaip », acquiesça Andy. « C’est ça. Ça m’a pris du temps pour que ça passe. »

 

« Mais ça l’a fait. »

 

« Ouaip », dit-il à nouveau. « J’ai fini par me rendre compte qu’on peut pas connaître l’attitude des autres. Le seul contrôle qu’on a c’est sur soi-même, alors j’ai le mien et je mets tout le reste dehors. » Son regard croisa celui de Kerry. « J’ai pas parlé à mes parents depuis près de trente ans. »

 

Kerry se pencha vers l’avant jusqu’à ce que leurs genoux se touchent presque. « Est-ce que tu te sens parfois coupable de ça ? »

 

« Ouais », admit Andy. « J’étais proche de ma mère », dit-il. « Mais je savais que la haine n’était pas de mon côté, et vivre avec Céci valait largement le coup. »

 

Kerry lui prit la main et la serra. « Merci. »

 

Il cligna de l’œil vers elle. Elle sourit puis se retrouva debout alors qu’Andrew se levait et l’emportait dans une étreinte.

 

Elle l’accepta volontiers. « T’es super. »

 

« T’es pas si mal toi-même, kumquat. » Andy la tapota dans le dos et la relâcha. « T’inquiète pas pour moi et les gars. Depuis tout c’temps, on a vidé ce vieux merdier par le fond de cale de toutes les façons. »

 

« D’accord. » Kerry sourit. « Maintenant tout ce dont je dois m’inquiéter, c’est si quelqu’un aime le poisson. »

 

« Kerry. » Andrew mit la main sur son épaule. « Tu passes ton temps à poser l’écoutille comme on l’a fait, tu finis sacrément par aimer tout ce qui rampe pas ou n’est pas fait de papier de verre. »

 

« Beuh. »

 

« Tu veux qu’je te raconte quel goût ont les criquets vivants ? »

 

« Non. »

 

« Et les vers de terre ? »

 

« NON ! »

 

***********************************

 

Dar descendit vers les quais, après avoir réglé la note de l’hôtel et pris quelques derniers trucs pour leur départ. Elle était sûre que l’hôtel était plus que content d’être débarrassé d’elles, surtout qu’ils avaient laissé tomber la chambre et compté seulement quelques extras. Dar avait gracieusement laissé un pourboire décent dans la chambre et s’était trouvée elle-même aussi contente de la libérer.

 

Le bruit de lourds moteurs la fit s’arrêter alors qu’elle tournait le coin qui menait au bord de l’eau, et elle stoppa en voyant le gros bateau rouge et blanc des Gardes Côtes se rangeant paresseusement dans un emplacement.

 

Elle posa une main contre le mur et le regarda pensivement. Elle pouvait se contenter de le dépasser et d’aller au Dixie mais son sens de la curiosité prit le dessus et au lieu de ça, elle changea son pas pour aller vers la rampe d’embarquement que l’équipage mettait laborieusement en place.

 

Un officier grand et blond en descendit, ses pas ralentissant lorsqu’il arriva en bas et repéra Dar qui venait droit sur lui, le regard dirigé sur lui juste pour lui enlever tout doute qu’il était l’objet de son intérêt.

 

Il s’arrêta à la base de la rampe et attendit, carrant les épaules lorsque Dar s’approcha. « Madame ? »

 

« Capitaine. » Dar inclina la tête. « Ça vous ennuie si je vous pose une question ? »

 

« Non madame, allez-y », répondit l’officier. « Que puis-je pour vous ? »

 

Dar rassembla ses pensées pendant un instant. « Nous étions dehors dans la tempête hier soir », commença-t-elle.

 

« Et elle était rude », acquiesça le capitaine. « Nous étions dehors nous-mêmes. Je présume que vous êtes rentrée sans problème ? »

 

« Oui. » Dar hocha la tête. « Mais nous avons envoyé un message radio de détresse pour un bateau que nous avons vu dehors. Je me demandais si vous étiez ceux à qui nous avons parlé et ce qui s’est passé. »

 

L’homme pencha la tête d’un côté. « Nous avons eu plusieurs appels », dit-il avec un sourire d’excuse. « A quelle heure était-ce ? »

 

« Tard. Onze heures peut-être ? Vers le sud-est par-là. » Le regard de Dar alla au nom de l’homme sur son badge, puis revint à son visage.

 

« Ah », murmura le capitaine. « Oui, je me souviens de l’appel. Je vais vous dire, on va aller vérifier les entrées. » Il se retourna et prit la tête sur la rampe avec Dar sur ses talons. « Je ne veux pas vous donner de mauvaise information. »

 

Dar fit un signe de tête amical au groupe de gardes-côtes affairés en suivant le capitaine à bord. Ils entrèrent sur la passerelle et le capitaine passa dans la salle de communication et prit un livret. Il l’apporta et le feuilleta alors qu’elle se tenait là à le regarder.

 

« Ah. » Il se pencha sur le livre. « Oui, voilà. 23h32, heure locale. Vous êtes le Dixieland Yankee ? »

 

Dar se mit à rire. « Et bien, il m’appartient », dit-elle d’une voix traînante. « Il est un peu plus grand que moi. »

 

Le capitaine la regarda et sourit. « Désolé. » Il baissa à nouveau les yeux. « Un SOS rapporté avec la latitude et la longitude. On est allés à ces coordonnées, Ms… ? »

 

« Roberts. »

 

« Roberts, mais malheureusement, je dois vous dire qu’on n’a trouvé aucun bateau à secourir à cet endroit », lui dit le Capitaine Culver, avec un air d’excuse. »

 

Dar fut momentanément stupéfiée. « Ah », murmura-t-elle. « Vous n’avez rien trouvé ? »

 

« Et bien… » Le capitaine leva la main. « Nous n’avons pas passé beaucoup de temps à chercher, pour être honnête avec vous. La tempête était sur nous, et nous faisions des plongeons d’enfer. Nous n’avons pas vu de bateau et notre projecteur n’a saisi aucun débris si c’est ce que vous voulez dire. »

 

« Mm. » Dar inspira. « Et bien, je comprends, parce que nous avons été secoués aussi hier soir. Nous étions contents de voir la marina. »

 

« C’était du bon boulot d’arriver ici en sécurité », dit le capitaine. « C’étaient des amis à vous ? »

 

« Non. » Dar secoua la tête. « Juste un collègue plaisancier, dans les ennuis. »

 

« Nous allons faire une sortie là-bas après que nous aurons fini ici pour voir si nous trouvons quelque chose », lui dit le garde-côte. « Et si vous êtes dans les parages, je… ah… »

 

Dar le regarda alors qu’il hésitait. « Oui ? »

 

Il cligna des yeux. « Oh, désolé. » Il se massa sa nuque rasée avec un léger embarras. « Votre collier m’a attiré le regard. Je n’ai jamais vu une femme en porter un comme ça auparavant. »

 

Un comment ? Dar fronça le front, puis elle se regarda. « Oh », murmura-t-elle. « C’est à mon père », lui dit-elle avec un léger sourire. « Non, ils n’ont pas laissé entrer les femmes dans le programme. »

 

Le capitaine sourit. « Compris. On vous fera savoir si on trouve quelque chose. Vous serez au port longtemps ? » Il ferma le livre et croisa les bras sur sa poitrine, la regardant.

 

« Nous partons ce soir », répondit Dar. « Mais nous serons dans le coin. Appelez-nous. »

 

« Absolument. » Le Capitaine Culver tendit la main. « Ravi de vous avoir rencontrée, Ms Roberts. Bon voyage. »

 

Dar lui serra la main puis le laissa la guider hors de la passerelle jusqu’en bas de la rampe. Elle laissa le bateau derrière elle et descendit les quais, profondément enfouie dans ses pensées.

 

********************************

 

« Hé Kerry ? » Charlie l’interpella alors qu’elle versait de nouveau du vin. « Ça te dirait de changer de profession ? J’ai un boulot pour toi si c’est le cas. C’est de la boustifaille de premier choix. »

 

Kerry s’assit, faisant un sourire à Charlie en acceptant le compliment. « Merci mais non, je suis contente du travail que je fais. »

 

« Tu es sûre ? L’hôtellerie rapporte de gros profits », contra Charlie.

 

Kerry suçota sa fourchette. « Et bien. » Elle y réfléchit. « Voyons voir. Dans mon poste actuel, je peux entrer dans le bureau de ma chef, fermer la porte et recevoir un baiser qui m’envoie au septième ciel. Vous pouvez battre ça ? » Demanda-t-elle avec une expression très sérieuse.

 

Un minuscule bruit rauque lui fit tourner la tête vers la droite pour voir Dar au milieu d’une bouchée, ses yeux bleus écarquillés d’étonnement alors que tout le monde se retournait pour la fixer.

 

« Ooh », murmura Kerry. « Je ne t’ai jamais vue rougir comme ça avant. »

 

Dar avala et secoua sa cuillère vers sa compagne. « Je vais te faire rougir dans une minute, Kerrison », avertit-elle. « Je vais leur dire ce que tu aimes faire avec… fmpf. »

 

« Dar ! » Kerry couvrit la bouche de sa compagne. « Méchante fille ! Pas devant ton père ! »

 

Andrew se mit à rire, son grondement bas brisant l’instant.

 

Dar mordilla les doigts de Kerry, la faisant glapir et retirer sa main.

 

« Mon Dieu », dit Andrew en riant. « Vous faites une sacrée paire, vous deux. »

 

« Ah oui » Dar tourna la tête. « Rappelle-moi de te parler un de ces quatre sur les opinions de Kerry sur le sexe parental. »

 

Kerry se couvrit les yeux. « Mon Dieu, Dar. Je vais te tuer », dit-elle dans un couinement rauque.

 

Bud, qui avait gardé le silence en mangeant son dîner depuis son arrivée, gloussa doucement à ces mots. Il était visiblement toujours raide et avait mal, mais il était resté paisible pendant le repas, ses commentaires acerbes habituels oubliés.

 

Avec précautions, Kerry regarda de derrière sa main, essayant d’ignorer les paires jumelles d’yeux bleus brillants. Dar passa le bout de sa langue vers elle, et elle tendit la main vers elle, attrapant plutôt le nez de sa compagne pour le tourner. « Faiseuse d’embrouilles. »

 

Dar se montra avec une fausse innocence, puis montra Kerry. « C’est toi qui as commencé. »

 

« Kerry, il faut que je te l’accorde. Je ne peux pas battre cette super offre. » Charlie secoua la tête, son visage barbu se plissant en un sourire. « Et je ne voudrais même pas essayer. »

 

Kerry posa sa joue rouge sur son poing. « Je sais. C’est moi qui l’ai demandé. » Elle tapota l’épaule de Dar. « Mais merci pour le compliment. J’ai toujours aimé cuisiner, et je le fais avec encore plus de plaisir pour les gens qui apprécient le résultat. »

 

« Hé, je l’apprécie », interjeta Dar.

 

« Je sais, chérie, c’est pour ça que je le fais toujours pour toi », dit Kerry en souriant.

 

Tout le monde se mit à rire. Kerry se détendit, soulagée que la soirée n’ait pas été aussi inconfortable qu’elle l’avait imaginé. Ils étaient tous autour de la petite table, appréciant son poisson et les légumes alors que le bateau balançait doucement, la fenêtre ouverte pour saisir la brise fraîche de la soirée.

 

Elle avait allumé des chandelles pour économiser les batteries, et en arrière-fond, Dar avait mis un CD new age léger et paisible.

 

Elle avait une surprise pour Dar. Quelque chose qu’elle avait gardé à l’arrière du petit congélateur et mis un peu plus tôt dans le réfrigérateur pour le décongeler. « Prêts pour le dessert ? » Demanda Kerry.

 

« Est-ce qu’il y a du chocolat dedans ? » Demanda Dar immédiatement.

 

« Hé. » Kerry se leva et alla dans la cuisine. Elle mit une cafetière déjà prête sur le comptoir avec de la crème et du sucre.

 

« Alors, Andy. Dar dit que tu vis sur un bateau maintenant ? » Demanda Charlie, brisant le bref silence.

 

« Ouaip », acquiesça solennellement Andrew. « Il était temps que je me retire. Céci s’est dit qu’elle voulait vivre sur un bateau et après toutes ces années, elle m’a tanné pour en avoir un. »

 

« Dur à croire », contribua Bud dans un marmonnement inaudible.

 

« Elle peint toujours ? » Dit Charlie.

 

« Absolument », répondit Dar. « Elle a un atelier pile au milieu du séjour, juste comme ici. » Elle montra la même zone sur leur bateau. « Sauf que c’est plus grand. »

 

Charlie posa sa fourchette. « Tu as un de ces trucs ? » Demanda-t-il à Andrew d’une voix surprise. « C’est quoi ta foutue pension, des surplus de fonds sandinistes ? »

 

Andy se mit à rire et refusa de le prendre mal. « Nan. » Il tendit la main et tira sur une mèche de cheveux de Dar. « C’est ma gamine qui s’en est occupé. »

 

Charlie et Bud regardèrent Dar. Celle-ci haussa modestement les épaules. « Pas vraiment. Ma Tante May m’a laissé un fonds de pension après sa mort. Je leur ai transféré. » Elle regarda son père. « C’était à eux de choisir comment l’utiliser », dit-elle. « Je n’ai jamais eu le sentiment que ça m’appartenait de toutes les façons, après qu’elle m’eut laissé le condo et ce truc. »

 

Charlie siffla entre ses dents. Il regarda Andrew. « J’parie qu’t’es content qu’elle ait pas fini en écouvillon, hein ? »

 

Andy ricana. « Bon Dieu, j’aurais été content dans un mobile-home. » Il s’adossa. « Mais ce bateau c’est une sacrée rigolade, j’te l’dis. Céci s’amuse comme une folle. »

 

Bud le regarda. « Vous avez eu de la chance, vous deux », fit-il remarquer mais d’un ton mitigé.

 

« Bon Dieu oui. » Andy redressa un genou et l’entoura de ses deux grandes mains. « On a passé toutes ces années en enfer, maintenant on se paye du bon temps. La vie s’est améliorée pour changer. » Il regarda les deux hommes. « J’ai bossé pour ça. »

 

« Ça c’est sûr », murmura Charlie. « Content que les choses se soient arrangées pour toi, Andy. »

 

« Mm », grogna Bud.

 

Un petit silence tomba. Kerry prit le plateau et se retourna, le posant sur la table. « Ça c’est le préféré de Dar », expliqua-t-elle en montrant la création ronde et à l’allure caramélisée au centre. « Alors si vous n’aimez pas le chocolat, prenez-vous en à elle. »

 

Dar soupira alors que la tension se dissipait autour d’elle. Elle lança un regard appréciateur au plateau, reconnaissant le chocolat sur le gâteau en mousse au chocolat que Kerry avait créé pour elle à son dernier anniversaire. « Mm… d’où est-ce que ça vient ? » Demanda-t-elle. « Ne me dis pas que tu l’as fait pendant que j’étais sortie cet après-midi ? »

 

Kerry passa les assiettes et récupéra les autres. Etonnamment, Bud se leva et lui prit les assiettes du dîner, les porta à la cuisine et les mit dans l’évier. « Pas vraiment, je l’ai fait avant que nous quittions la maison. C’était dans le congélateur. »

 

« Tu ne me l’as pas dit », dit Dar en observant la découpe de sa portion d’un œil jaloux.

 

« Parce que je voulais qu’il dure le temps de la balade », commenta sa compagne pince-sans-rire. « Et je voulais au moins en avoir un petit morceau. »

 

« Wow. » Charlie avait goûté le gâteau. « Ça t’embête de me donner cette recette, Kerry ? Je vais en vendre un million dans la boutique. »

 

Kerry s’assit et prit sa fourchette. « Pas du tout. » Elle posa sa main libre sur son genou et la sentit immédiatement capturée et pressée sous la table. « Je suis juste contente que tout se soit bien passé. »

 

Tout le monde murmura son approbation. Bud s’éclaircit la gorge et croisa le regard d’Andrew à contrecoeur. « Merci », marmonna-t-il.

 

« De rien », répliqua Andy.

 

« On a des nouvelles du connard ? » Demanda soudain Charlie.

 

Il y eut un autre silence embarrassé. « Les gardes-côtes ne l’ont pas trouvé », déclara Dar platement. « Il n’y avait rien aux coordonnées qu’on a données. »

 

Andrew ricana. « Ça leur aura fait une bonne leçon s’ils ont coulé. »

 

« Je suis maudit si je ne suis finalement pas d’accord sur quelque chose », dit Bud. « Abrutis. »

 

Charlie opina. « Ouais. J’espère que les poissons auront eu un sacré bon dîner. »

 

« Hé », dit Bud. « Céci et toi vous passez de temps en temps dans le coin ? »

 

Andrew finit son gâteau. « On y pense », répondit-il. « Céci s’est remise à ces peintures de l’océan. Elle cherche des nouveaux trucs. »

 

« Faites un stop pour dîner. »

 

Même Charlie eut l’air surpris.

 

« Bien sûr », dit Andy d’une voix traînante. « Merci pour l’invitation. »

 

Bud grogna et se remit à son repas, ayant apparemment épuisé ses possibilités sociales pour le moment.

 

Dar et Kerry échangèrent un regard. Cette dernière sentit la pression sur sa main se resserrer et elle carra les épaules, plongeant sa fourchette dans son dessert pour en prendre une bouchée avec une joie déterminée. Après tout, elles avaient fait tout ce qu’elles pouvaient, plus que n’en aurait fait la plupart étant données les circonstances.

 

Dar avait eu raison, à un certain moment, il fallait accepter la responsabilité des choses qu’on avait faites. Elle l’avait fait, et quel que soit le destin qu’avait rencontré DeSalliers, il devrait en faire autant.

 

Ce que vous faisiez sur les eaux vous revenait à la fin. Parfois cela prenait du temps et parfois il fallait traverser l’enfer avant que ça ne le fasse, comme Andrew. Parfois vous vous en sortiez pour toute votre vie, et vous passiez votre chemin comme son père.

 

Mais à la fin, le cercle se refermait.

 

Kerry sourit et leva les yeux pour voir Dar qui lui souriait.

 

Parfois on n’avait même pas à attendre une vie entière.

 

******************************

 

Kerry se balançait doucement dans le hamac, ne faisant rien d’autre de plus astreignant que de regarder les mouettes. Elle leva la main et prit une gorgée de la bouteille de bière à long goulot, son regard attiré par un assemblage de nuages qui se déplaçaient sur le ciel bleu clair. « Hé… Dar ? »

 

« Oui ? » L’autre occupante du hamac grogna dans son oreille de manière incohérente.

 

« Tu penses que je devrais vérifier ma tension maintenant ? »

 

« Est-ce que ça veut dire que je dois me lever ? » Marmonna Dar. « Je pense que ta tension va bien. Je peux entendre battre ton cœur. Il siffle le Dixie. »

 

« Mmm », approuva Kerry. « Je me sens, très, très détendue. » Elle leva l’autre main, emmêlée à celle de Dar et embrassa les doigts de sa compagne. « Revenir ici était une vraiment bonne idée. »

 

« Oui oui. »

 

« Je pourrais rester ici des semaines. »

 

« Oui oui. »

 

« Il y a un lapin sur ta hanche. »

 

« Génial. »

 

Kerry tourna la tête et regarda avec indulgence le profil largement ensommeillé de Dar. Il y avait de la poussière de sable de plage sur sa joue et les cheveux noirs, légèrement poussés, cachaient une grande partie de son œil. « Tu aimerais qu’on prenne la moto et qu’on descende la US1 nues ? »

 

« Bien sûr. »

 

« Je pense que l’idée sonne mieux qu’elle ne l’est en réalité. » Kerry souffla sur une des mèches de Dar pour la repousser. « C’est une saison à moucherons. »

 

Un œil bleu s’ouvrit. « Beuh. »

 

« Mm. » Kerry poussa la rambarde du porche, les balançant toutes deux doucement. « Je blaguais au sujet de rouler nues mais on pourrait prendre un peu la route et regarder les feux d’artifice ce soir. »

 

« On pourrait », acquiesça Dar d’un ton ensommeillé. « Et si on prenait cette bouteille de champagne avec nous et qu’on fasse le toast de Nouvelle Année sur la plage ? »

 

« Ooh. » Kerry se frotta le côté du nez, qui la démangeait. « Hé. On rate la fête de la compagnie. »

 

Dar se contenta de ricaner. « La seule chose qui va me manquer, c’est de danser avec toi devant tous les autres », grommela-t-elle. « Et on peut le faire ici sans avoir à souffrir les talons hauts. »

 

« D’accord. » Kerry roula sur le côté et s’étala sur Dar, inspirant pleinement l’odeur de beurre de cacao et de gommage à l’abricot. « J’apporterai mon lecteur MP3 avec nous sur la moto. »

 

« Il a des haut-parleurs ? »

 

« Je pensais qu’on pourrait partager les écouteurs. »

 

« Ça veut dire que ‘Who Let the Dogs Out’ n’est pas sur la liste de sélection, hein ? » (NdlT : Titre d’une chanson par les Baha Men, paroles ici : http://www.stlyrics.com/lyrics/ratrace/wholetthedogsout.htm

 

J)

 

Kerry se mit à rire de bon cœur. « Ah, on est en vacances, Dar. » Elle mit le nez dans l’oreille de sa compagne. « Juste toi et moi, pas de pirates, pas de requins de terre, pas de détectives privés hautains mais curieusement inefficaces… »

 

« Oui oui… des vacances de nos vacances », dit Dar. « A partir de maintenant, on en prend juste deux semaines à la fois. Une semaine pour les ennuis et une autre pour se remettre. » Elle tourna légèrement la tête et embrassa les lèvres qui mordillaient son oreille. « Mm. Tu as le goût du piment. »

 

Kerry se lécha les lèvres. « C’était des bestioles de boue très savoureuses. » Elle leva sa bière. « J’essaie de me rafraîchir la bouche depuis qu’on a déjeuné. »

 

Dar lui goûta à nouveau les lèvres. « Il y a un petit restau plouc de steak à environ cinq kilomètres au sud d’ici. Tu veux te joindre à moi pour un dîner très basse classe de réveillon de Nouvel An ? »

 

« Est-ce que c’est le genre d’endroit où on reçoit une assiette de beurre avec le pain à l’ail hyper frit ? »

 

« Oui oui. »

 

« Et ils servent de la sauce brune avec les frites ? »

 

« Ça et de la sauce au fromage. »

 

« J’en suis. » Kerry regarda par-dessus son épaule vers le soleil. « Allons prendre une douche et nous habiller », suggéra-t-elle. « On pourra rire du pauvre Mark en smoking. »

 

Dar prit le temps de se lever, mettant la main autour de la nuque de Kerry pour lui donner d’abord un baiser profond et passionné. Puis elles descendirent du hamac et entrèrent à l’intérieur, toujours attachées l’une à l’autre.

 

**********************************

 

Douchée et habillée, Kerry était perchée sur le tabouret en osier près du comptoir de la cuisine et étudiait l’enveloppe devant elle. Elle prit son marqueur noir permanent et écrivit sur le côté kraft, soulignant avec soin un nom et une adresse.

 

Quand elle eut fini, elle prit le morceau de plastique laminé usé et plus que plié et replié et le posa à plat, le pressant entre deux morceaux de carton. Elle le colla puis glissa le tout dans l’enveloppe.

 

« Bob, j’aimerais croire que tu es clair, mais tu sais, tu es plutôt mufle », dit Kerry en scellant l’enveloppe. « Et pour autant que tu dises du bien de ton amie Tanya, je me pose des questions avec qui que ce soit qui reste avec toi, ou fasse appel à toi pour quelque chose. »

 

Elle prit les timbres qu’elle avait achetés au bureau de poste local et en colla le bon nombre. « Alors, je me dis que la personne qui devrait avoir ceci en fait sait probablement quelle est la meilleure chose à en faire. »

 

Dar sortit de la chambre à coucher, rentrant un tee-shirt sans manches immaculé blanc dans son jean usé. « Prête ? »

 

« Ouaip. » Kerry leva l’enveloppe. « Il faut que j’appelle Richard et que je le remercie de déposer ceci à la maison de retraite pour moi. »

 

« C’est un bon gars », approuva Dar, en prenant sa veste en cuir pour la passer sur son épaule. « Il y a une boîte en ville. On peut la déposer là-bas. »

 

Kerry prit sa propre veste et suivit Dar dehors. La moto les attendait déjà et elle enfila sa veste alors qu’elles s’en rapprochaient. « Hé. Je veux conduire. »

 

Dar s’arrêta et la regarda.

 

« Allez, allez… » Kerry lui tendit l’enveloppe. « Ça ne fait que quelques kilomètres, tu te souviens ? »

 

« Oui oui. » Dar maintint la moto droite pendant que Kerry grimpait dessus, puis elle s’installa derrière sa compagne, ses longues jambes capables de maintenir la machine debout malgré sa hauteur. « T’sais, Ker… »

 

« Je sais, je sais. » Kerry sauta sur le siège. « Fais-moi plaisir. »

 

Dar se mit à rire.

 

« Attention, Dixiecup », l’avertit Kerry. « Ou bien je vais leur demander de mettre des pneus minuscules pour que je puisse avoir pied. »

 

Dar embrassa la nuque de Kerry. « Tu es si mignonne. » Elle tendit son casque à sa compagne. « Tiens. »

 

Kerry mit le moteur en marche et attendit que Dar déroule un long bras autour de son estomac avant de démarrer, se dirigeant vers la route avant de tourner avec précautions dessus. « Où est la boîte aux lettres ? » Demanda-t-elle, s’adaptant à la différence d’équilibre avec elles deux sur la moto.

 

Dar montra de la main et elle s’y dirigea, s’arrêtant devant assez longtemps pour que sa partenaire dépose l’enveloppe. « C’est ça », dit-elle. « Allons nous amuser ! » Elle sentit l’autre bras de Dar s’enrouler fermement autour d’elle et elle tourna la poignée. « A quelle vitesse ça roule, à propos ? »

 

« Je ne me souviens pas », répondit Dar. « Pourquoi ? »

 

« On va bien voir ! » Kerry lança la moto. Dans un rugissement et un jet arrière de sable, elles se dirigèrent vers le soleil couchant.

 

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Fin

 

NdlT : pour les lecteurs intéressés, Missy a encore écrit une suite à cette histoire, intitulée « Moving Target ».

 

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