| 
  • If you are citizen of an European Union member nation, you may not use this service unless you are at least 16 years old.

  • You already know Dokkio is an AI-powered assistant to organize & manage your digital files & messages. Very soon, Dokkio will support Outlook as well as One Drive. Check it out today!

View
 

terrors2b

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Dar & Kerry

 

Terrors of the High Seas

Aventures en Haute Mer

 

 

Par Melissa Good

Traduction : Fryda

(fryda@orange.fr)

 

 

Voir les avertissements dans la partie 1

**********

Partie 2b

*********

 

Kerry sirotait son thé avec la paille qui dépassait de son verre, les yeux glissant sur le livre qu’elle tenait sur ses genoux. Elle et Dar venaient de finir de déjeuner et comme elle l’avait annoncé, cette dernière était affalée dans le fauteuil près d’elle, à ne rien faire d’autre que d’occuper l’espace de sa beauté, le corps éclaboussé de soleil.

 

Sa nouvelle mystérieuse était intéressante, mais elle lançait de temps en temps des coups d’œil en douce à sa compagne. Le maillot de bains de Dar collait à sa peau et mettait en relief ses lignes sculptées, qui contenaient un soupçon de mouvement malgré le léger somme dans lequel se trouvait Dar.

 

Elle était contente de voir que le bleu avait diminué autour de l’épaule de Dar, ne laissant qu’une légère décoloration, à peine visible sur son bronzage. Kerry avait aussi remarqué que Dar avait pas mal arrêté de favoriser le bras malgré son refus obstiné d’aller à ses séances de thérapie.

 

Une bonne chose. Kerry secoua la tête d’un air désabusé et retourna son attention à sa nouvelle mystérieuse médiévale. Sa propre épaule déplacée avait demandé des semaines de kinésithérapie pour se remettre et elle faisait toujours attention quand elle attaquait le mur de grimpe à la gym. Elle étira ses jambes nues et les croisa aux chevilles, puis leva de nouveau les yeux lorsque le bruit d’un moteur de bateau brisa le silence paisible.

 

Un petit navire arrivait au coin de l’île. Kerry baissa ses lunettes de soleil et plissa les yeux, se demandant si c’était le même bateau qui était passé près d’elles la veille. Il était à peu près de la même taille mais trop loin pour l’instant pour qu’elle puisse le dire.

 

Il se rapprochait cependant, et par l’arc qu’il prenait, Kerry le soupçonnait de venir vers le quai. Elle posa son livre et tendit la main, resserrant les doigts autour du poignet de Dar.

 

« Hm ? » Dar remua, tournant la tête vers Kerry. « Qu’est-ce qui se passe ? »

 

« De la compagnie. » Kerry pointa du doigt.

 

Dar retira ses lunettes de soleil, révélant des yeux bleus acérés qui passèrent en revue le nouveau-venu avec attention, toute trace de sommeil partie. « Ah », murmura-t-elle. « Nos amis curieux. »

 

« C’est eux ? Tu peux le voir ? »

 

Dar hocha la tête. « C’est le même numéro sur la proue. »

 

Kerry plissa les yeux puis se tourna et regarda Dar avec stupéfaction. « Tu peux le lire ? »

 

Un autre hochement de tête et un haussement d’épaules. « Ouais. C’est… » Dar fit un vague geste près de son visage. « Avec les trucs de près que j’ai un problème. » Une pause. « Quelquefois. »

 

Kerry ne savait pas si elle devait être choquée plus par le bateau ou par la franche admission de Dar sur ses problèmes de vision. Elle décida finalement qu’elle allait d’abord s’occuper du bateau. « Ils viennent par ici. »

 

« On dirait bien. »

 

« Ça pourrait juste être une coïncidence », dit Kerry. « Peut-être qu’ils ont entendu parler de la nourriture. »

 

« Peut-être », acquiesça Dar, en remettant ses lunettes sur son nez avant de reprendre sa position détendue. « Je présume qu’on va le savoir. »

 

Kerry sentit un frisson d’appréhension, pas très sûre de ce dans quoi elles se fourraient. Elle regarda le bateau s’approcher de plus en plus, puis ralentir pour se préparer à accoster quelques bers plus loin. Il lui apparut qu’elle et Dar étaient bien loin de leur monde habituel, et si les ennuis les trouvaient vraiment, ça pourrait ne pas être aussi facile à gérer que leur vie quotidienne.

 

Cependant Dar semblait complètement à l’aise, aussi Kerry se radossa dans son fauteuil et ouvrit son livre, trouva sa marque et continua à lire.

 

Le petit bateau accosta et quatre personnes en sortirent, trois hommes et une femme. Deux des hommes continuèrent le long du quai vers les bâtiments, mais le troisième homme et la femme se dirigèrent vers leur bateau. Kerry garda la tête baissée, mais les regarda approcher par-dessus ses lunettes, les évaluant.

 

Ils portaient des chemises droites et repassées, ainsi que des shorts Dockers, avec de l’or bien visible à la gorge et aux poignets, et Kerry eut immédiatement une impression de sophistication et d’argent. La femme avait les cheveux blonds un peu plus sombres que les siens, retenus en arrière dans une queue de cheval qui exposait un visage élégamment maquillé aux pommettes hautes. Elle se déplaçait avec un sentiment de maîtrise de soi agressive et c’est elle qui était devant en direction du bateau.

 

L’homme derrière elle était grand, aux cheveux noirs, et maigre au point de paraître émacié. Il avait un front haut, et il portait sur l’épaule une mallette avec un téléphone satellitaire attaché.

 

Peut-être qu’ils voulaient juste les saluer, se raisonna Kerry. Peut-être qu’ils aimaient juste le bateau. Peut-être…

 

« Hello. » La femme s’adressa à elles. « Excusez-moi ! »

 

Ça semblait aussi amical qu’un comptable avec des hémorroïdes. Kerry ferma son livre et leva les yeux, consciente de l’attention vivace de Dar près d’elle. « Bonjour », répondit-elle. « On peut faire quelque chose pour vous ? »

 

La femme mit les mains sur ses hanches fines et regarda Kerry. « Nous voulons des informations… peut-être que vous pouvez nous aider ? »

 

Hm. « Bien sûr, si on peut Est-ce que vous voulez monter à bord ? » Répondit poliment Kerry.

 

Ils passèrent la rampe puis sur le pont et s’approchèrent d’elles. Kerry observa leur regard aller vers Dar, qui semblait apparemment dans un sommeil bienheureux. La femme retourna son attention vers Kerry.

 

« Je m’appelle Christen Mayberry », déclara la femme. « Voici mon associé Juan Carlos. » Elle s’interrompit, lançant un regard inquisiteur à Kerry.

 

« Kerry. » Une impulsion soudaine la retint. « Roberts. » Elle saisit le léger reniflement de surprise de Dar et elle sourit. « Ravie de vous rencontrer. »

 

Christen s’éclaircit la gorge. « Je représente un consortium de renflouage de navires. Nous avons été contractés pour faire des recherches et du travail de repérage dans cette zone. Nous vous avons vues hier dans les détroits et je me demandais ce qui vous amenait ici. »

 

Kerry réfléchit à ces paroles et ressentit du soulagement. « Rien, en fait. » Elle fit un sourire rassurant à la femme. « Nous sommes juste en vacances. »

 

« Et vous avez choisi ce coin au hasard ? » Demanda l’homme soudainement.

 

« Non. » La voix de Dar s’éleva. « J’ai choisi cet endroit parce qu’il a une vue superbe et des poissons sympas. » Elle leva la main et baissa ses lunettes, exposant ses yeux qui étudiaient leurs visiteurs.

 

« Ne le prenez pas mal », dit l’homme en lui souriant. « Vous avez vu quelque chose de bien ? »

 

« Une anguille aussi longue que moi », dit doucement Dar d’une voix traînante. « Et beaucoup de poissons-clowns. »

 

« Et bien c’est génial alors. » L’attitude de Christen avait soudain changé. « Vous allez rester longtemps ? Peut-être qu’on peut aller dîner ensemble. Nous sommes nouveaux par ici et nous ne connaissons pas beaucoup de monde. » Elle s’appuya contre la rambarde arrière. « Les locaux sont plutôt renfermés. »

 

Kerry et Dar échangèrent un regard. « Nous allons rester quelques jours, oui », répondit Kerry. « Je suis sûre que nous pouvons trouver un moment. »

 

« Génial. » Christen sourit. « Ravie de vous avoir rencontrée Kerry. » Son regard alla vers Dar, interrogateur.

 

« Voici ma compagne, Dar », annonça Kerry. « Ravie de vous avoir rencontrée aussi. »

 

« Nous allons vous revoir, j’en suis sûr », dit Juan. « Vous avez un bateau superbe. »

 

« Merci », répondit Dar. « Qu’est-ce que renfloue votre consortium ? Je ne pensais pas qu’il y avait quelque chose par ici qui en valait la peine. »

 

Juan regarda Christen. « C’est un contrat privé », dit Christen. « Nous ne pouvons vraiment pas en parler. » Elle prit Juan par le coude. « Nous passerons plus tard, pour prévoir une date. Allons-y Juan. »

 

Christen et Juan se retournèrent et sautèrent hors du bateau, remontant lentement le quai ensemble.

 

Dar et Kerry les regardèrent partir puis se lancèrent un regard. « C’était quoi ce truc ? » Se demanda Kerry.

 

« Je ne sais pas. » Dar se redressa et posa les coudes sur ses genoux, étudiant Kerry. « C’était quoi ce changement de nom ? » Elle souriait à demi.

 

Kerry se mordilla la lèvre inférieure.

 

« Je n’y vois pas d’inconvénient… » Dit Dar. « Je suis juste un peu surprise. »

 

Kerry posa une cheville sur un genou, et frotta du sable de sa peau. « Tu sais », dit-elle finalement. « Je ne suis pas sûre de savoir pourquoi j’ai fait ça. » Sa tête roula d’un côté et elle regarda Dar avec une honnêteté penaude. « Je vais y réfléchir un moment. »

 

« D’accord », dit Dar en hochant la tête. « En ce qui concerne nos visiteurs… je ne sais pas à quoi ils jouent, mais je souhaite maintenant qu’on ait amené nos ordinateurs avec nous. »

 

« Pour savoir qui ils sont ? »

 

« Ouais. »

 

Kerry pianota des doigts sur le bras du fauteuil. « Et bien, je crois qu’on n’a plus qu’à fouiller à l’ancienne », dit-elle. « Mais tu ne penses pas qu’ils puissent poser un problème, si ? »

 

« Nan. » Dar secoua la tête. « Ce sont juste des chercheurs d’or. On ne devrait plus entendre parler d’eux, maintenant qu’ils savent qu’on ne cherche pas la même chose qu’eux. » Dar remit ses lunettes et reprit sa position confortable.

 

« C’est vrai. » Kerry mit les genoux sous son menton et les entoura de ses bras, fixant l’océan pensivement. « Mais ils étaient un peu bizarres. »

 

« Mm. »

 

« BCBG », ajouta Kerry. « Je ne sais pas Dar. Ils n’avaient pas le type marin. Tu vois ce que je veux dire. »

 

Dar ouvrit un œil. « Peut-être que c’est la partie affaires », suggéra-t-elle. « Les gens qui manient l’argent. »

 

Kerry pinça les lèvres. « Je ne les aime pas, je te le dis. »

 

« Et bien. » Dar captura sa main et la pressa. « J’ai toujours fait confiance à ton jugement sur les gens », dit-elle. « Pourquoi est-ce que… »

 

« Hé Dar ! »

 

Dar se redressa en entendant des bruits de pas qui approchaient rapidement. Rufus courait le long des quais vers elles. « Salut », l’accueillit Dar.

 

Il s’arrêta juste devant le bateau. « J’peux monter à bord ? »

 

« Bien sûr. » Dar lui fit un signe.

 

Le garçon sourit et grimpa sur le bateau, regardant autour de lui avec des yeux ébahis en traversant le pont arrière. « Wow. »

 

« Joli hein ? » Dar se leva. « Tu veux voir l’intérieur ? » Proposa-t-elle.

 

« Bien sûr ! » Rufus la suivit avidement alors qu’elle ouvrait la porte, la regardant avec fascination en marchant sous son bras. « Bon sang, Dar. Tu as sacrément de muscles ! »

 

Kerry étouffa un rire en saisissant l’expression de consternation perplexe sur le visage de sa compagne.

 

« Ouais, c’est sûr », répondit Dar. « C’est plutôt bizarre pour une fille, hein ? »

 

« Ouais. » Rufus hocha la tête solennellement. « Mais c’est vraiment cool. Tu peux terrasser un alligator ? »

 

Dar gloussa. « Viens. »

 

Ils disparurent à l’intérieur, laissant Kerry reprendre sa réflexion tranquille. Elle se radossa dans son fauteuil et soupira. « Qu’est-ce qui t’arrive bon sang Kerrison ? » Elle posa la tête sur son poing et essaya de faire de l’introspection pour avoir une réponse.

 

Elle finit par lever les yeux et soupira, hochant plusieurs fois la tête. Est-ce que sa famille l’avait tellement rendue furieuse et dégoûtée, se demanda-t-elle, qu’une part d’elle-même voulait les laisser derrière elle ? Peut-être que cette part pensait que le faire la débarrasserait de ses cauchemars.

 

Est-ce que c’était bon ou mauvais ? Kerry n’en était pas sûre. Mais ça n’avait pas semblé ennuyer Dar, en fait Kerry la soupçonnait d’avoir plutôt apprécié le vol de son nom de famille. Avec un froncement pensif, elle attrapa la lourde chaîne en or sur son cou et regarda l’anneau dans laquelle elle passait. Elle et Dar portaient leurs anneaux d’engagement de la même façon, et elle étudia l’inscription sur le sien avec soin.

 

Puis elle sourit et se mit debout, se secouant la tête en allant vers la cabine. Un mouvement attira son regard et elle se tourna pour voir un bateau bien plus petit, juste un esquif motorisé, arriver au quai et accoster.

 

Le moteur s’arrêta, puis un grand homme costaud aux cheveux grisonnants en sortit. Il portait un treillis passé et rapiécé et un haut noir sans manches, et il ajusta une casquette bleue en s’arrêtant sur le quai. Son regard tomba sur le bateau et il se tourna, l’examinant avec soin de la proue à la poupe. Puis il tourna les talons et se dirigea vers les bâtiments, marchant d’un pas déterminé et puissant.

 

« Vous savez quoi. » Kerry s’appuya sur le bord de la porte de la cabine. « Si j’étais du genre à parier, je parierais que le nom de ce type est Bud. » Elle regarda l’homme croiser Christen et Juan qui revenaient de l’autre côté, passant tout près d’eux sans un mot. Tous les deux continuèrent jusqu’à leur bateau mais pas sans jeter un coup d’œil dans la direction de Kerry. « Ça commence à être tortueux. »

 

« Tu as dit quelque chose Ker ? » Dar apparut à son coude. « Je vais juste lancer les moteurs et emmener Rufus pour la balade que je lui ai promis. »

 

« Ça me semble être une bonne idée. » Kerry lui tapota le côté. « Je vais ôter les cordages. » Elle sauta sur le quai et les libéra, consciente d’être observée en le faisant.

 

Quelque chose ne tournait décidément pas rond. Kerry soupçonnait qu’elles allaient le découvrir d’ici peu.

 

*****************************************

 

Le soleil se couchait quand elles revinrent au quai, et la première chose que Kerry remarqua, c’était que le petit tender était parti. Elle se percha sur la proue du Bertram pendant que Dar le pilotait pour entrer, ayant apprécié leur balade de fin d’après-midi.

 

Rufus était un gamin mignon. Kerry avait trouvé son enthousiasme sur tout ce qui était nautique adorable, et regarder Dar expliquer comment les grands moteurs diesels fonctionnaient était un moment précieux qu’elle aurait souhaité pouvoir prendre en photo. Rufus adorait visiblement sa compagne, et même maintenant il était scotché à elle alors qu’elle faisait entrer le bateau près du quai.

 

Kerry se fit une note mentale de demander à Dar de la laisser manœuvrer de temps en temps, bien que ce quai minuscule n’était sûrement pas le meilleur avec lequel commencer. Dar dut renverser les moteurs deux fois, et ensuite passer à l’arrêt avant qu’elles ne voguent pour se mettre en place. Kerry sauta à terre lorsqu’elles touchèrent les pare-chocs et elle sécurisa les cordages. Le soleil couchant donnait au sable blanc de la plage une teinte profonde de doré et peignait les bâtiments en bois dans une scène aux couleurs tropicales. Elle s’appuya contre un pylône et mit les mais dans ses poches, se contentant d’admirer la vue.

 

« Hé, Ker. » Dar sauta à bas du bateau sur le quai. « Tu vois ça ? »

 

Kerry regarda obligeamment au bout du bras de Dar. Ses yeux s’arrondirent. « Ouah… c’est quoi ? »

 

Une jeune femme surfait sur les vagues sur ce qui ressemblait à une planche, mais celle-ci avait une poignée et apparemment un moteur. Alors que Kerry la regardait, la jeune femme fit une grande figure en huit, surfant sans effort sur la surface de l’eau.

 

Kerry serra l’épaule de Dar. « Oooh », dit-elle d’une voix charmante. « Je veux faire ça. » Elle avança le cou pour mieux voir. « Ça jette ! »

 

Dar sourit d’un air narquois. « Je pensais bien que tu dirais ça. » Elle se tourna et regarda Rufus sauter du bateau. « Bon, Rufus, dis à ton ami qu’il a une cliente. »

 

« Cool ! » Rufus leur sourit. « Je vais aller leur dire. Et voir papa Bud aussi. » Il trottina le long du quai, mais se retourna et revint en courant, jetant les bras autour de Dar pour l’étreindre. « Merci pour la balade ! »

 

« Pas de quoi. » Dar semblait un peu embarrassée mais elle rendit l’étreinte avant de le renvoyer. « Gentil gamin. »

 

« Mmhm », approuva Kerry. « Il a énormément de goût dans les héros qu’il idolâtre. »

 

Dar leva les yeux au ciel. « Ne commence pas, Kerrison. »

 

Kerry ricana. « Mais il est si mignon », la taquina-t-elle en tendant la main pour pincer la joue de Dar. « Allons. Qu’est-ce que tu penses d’une douche avant d’aller dîner ? »

 

Elles se tournaient pour retourner sur le bateau, quand des bruits de pas lourds leur firent regarder derrière elles. Charlie arrivait en boitant sur les quais, leur faisant un geste amical. « Ho, Dar ! »

 

Dar leva la main pour le saluer. « Bonsoir, Charlie. »

 

Le grand ex-militaire s’arrêta en arrivant à leur hauteur. « Bonsoir, vous deux. Ecoutez, j’ai un service à demander. »

 

« Bien sûr », répondit Dar immédiatement.

 

« Ce foutu livreur de fuel a été retenu à cause du mauvais temps au sud. On doit fermer ce soir, ça vous embête si j’apporte un plat de fortune sur votre beau bateau ? »

 

« Pas du tout », dit Dar. « On a une table à l’intérieur. Et si on sortait le bateau et qu’on mangeait sous les étoiles ? »

 

Charlie rayonna. « Ça me paraît génial. Bud va adorer ça. Ça va prendre de quarante-cinq minutes à une heure, on vous voit plus tard ? »

 

« D’accord. »

 

Charlie se tourna et boita sur le quai, remuant la main en signe d’au revoir.

 

« Et bien », dit Kerry d’un air songeur. « C’est intéressant… je présume qu’ils utilisent un générateur pour le courant, non ? »

 

« Ouais. » Dar monta sur le bateau et tendit la main à Kerry. « Alors on va recevoir ce soir. Ça te va ? »

 

« Absolument. » Kerry se laissa soulever sur le bateau. De façon plutôt déraisonnable, elle avait développé une aversion prudente pour Bud, qu’elle n’avait jamais rencontré et elle était contente que leur première entrevue se passe sur leur territoire. »

 

Ça n’était pas vraiment juste pour ce type, reconnut-elle. Kerry se raisonna en se disant que c’était plus une réaction de ses tripes à quelqu’un qui professait une aversion pour quelqu’un qu’elle chérissait et admirait, et elle était prête à donner une chance à ce Bud étranger quand elle le rencontrerait, surtout que Dar semblait, à tout le moins, être prête à dîner avec lui.

 

Mais quand même. Kerry entra dans la cabine après Dar et jeta un coup d’œil « Va prendre une douche la première, je vais ranger un peu ici. »

 

Dar regarda autour d’elle et lui lança un regard ironique. « Oh, c’est vrai. C’est le bazar. Merci, Ker », la taquina-t-elle, faisant référence à l’apparence habituellement rangée de leur espace de vie commun. Mais elle partit quand même vers l’avant, attrapant une serviette au passage.

 

Kerry pianota sur le comptoir de la cuisine, réfléchissant profondément.

 

*****************************************

 

Dar apporta la cafetière à la table et reprit son siège. Ils avaient fini de dîner, et la conversation avait pris un tour plus décontracté au fil de la soirée. Bud se comportait bien et il avait découvert en Kerry une fan de photographie selon son cœur. Dar se disait que la soirée se passait bien et elle se détendit, lançant un coup d’œil à l’océan sombre et agité.

 

Elle les avait ancrés près de leur coin de plongée de la veille, et la lune avait coopéré, éclairant l’endroit d’une lueur argentée fantomatique. L’océan se calmait un peu, agitant légèrement le Bertram, mais pas assez pour vraiment ennuyer qui que ce soit.

 

« Alors Dar. » La voix de Charlie attira son attention. « Vous avez des plans pour vos vacances ? »

 

« Pas vraiment », répondit Dar. « Nous choisissons juste des coins pour plonger, nous détendre », dit-elle. « L’année a été chargée. »

 

« C’est c’que j’ai entendu dire », dit Bud. Il avait une voix profonde et habituellement sans émotion. Elle allait bien avec ses yeux sombres et légèrement fermés, et le regard attentif qu’il avait habituellement. « ‘Cul d’écoutille’ a dit que vous alliez reprendre toutes les données de la Marine. »

 

« C’est vrai », répondit Kerry avec un sourire. « A partir de janvier, nous allons prendre beaucoup d’infrastructures. Ça pourrait être un sacré projet. »

 

Bud la regarda. « Attention qu’ils vous entubent pas. Tu connais la Marine, Dar. S’ils peuvent pointer un doigt, c’est dans ton œil. »

 

« Ils ne sont pas différents des autres compagnies », lui dit Kerry. « Croyez-moi quand vous êtes le sous-traitant, s’ils peuvent vous blâmer pour quelque chose, ils le feront. Il faut qu’on gère ça en permanence. »

 

Il y eut un moment de silence, puis Bud s’éclaircit la gorge et regarda Dar. « J’ai eu la nouvelle pour ton père », gronda-t-il. « C’est bien, Dar. »

 

Kerry rétracta ses griffes mentales et prit une gorgée de bière.

 

« C’était… » Dar étudia son verre. « Une des choses les plus stupéfiantes de ma vie. » Elle secoua la tête. « Mais cette dernière année a juste été pleine de choses comme ça pour moi. » Son regard alla vers Kerry, brillant un peu.

 

« Il vit près de son ancienne maison ? » Demanda Charlie.

 

Kerry se mit à rire. « Juste maintenant, lui et maman font du chiot-sitting pour nous », répondit-elle. « Mais ils vivent habituellement sur leur bateau. »

 

Bud ricana. « Des bateaux ? Des chiots ? Ce sont pas les mêmes que ceux dont je me souviens. »

 

Dar haussa les épaules. « Les choses changent. Les gens changent. Ils ont traversé beaucoup de choses. »

 

Bud ricana à nouveau et les griffes de Kerry sortirent, juste un peu. « J’aime bien leur bateau. Je pense qu’ils ont fait un super choix de vivre dessus », répliqua-t-elle.

 

« Ouais, bon, si vous le dites », dit Bud. « Ça a dû beaucoup changer si Céci Roberts gare ses fesses sur un dinghy de pêche. »

 

« Oh je doute qu’elle aurait fait ça », dit Kerry. « Mais… »

 

Kerry s’interrompit lorsqu’un bruit de moteurs entra par les hublots à demi-ouverts. Elle regarda dehors tout comme les autres et vit un grand navire bien éclairé qui naviguait lentement près d’eux. « Hm. »

 

Dar s’appuya contre le dossier de la banquette et l’étudia. « Il est plutôt gros. »

 

Bud se leva et alla derrière elle, s’accroupit et posa les coudes sur le rebord. Il plissa les yeux étudiant la ligne du navire. « Oui. » Il pointa du doigt. « Ils ont un projecteur. Ils viennent juste de nous toucher avec. »

 

Charlie regardait également par le hublot. « Hé, vous savez, je pense que j’ai vu ce bateau il y a deux jours près de la côte sous le vent de notre île », dit-il. « Une grande chose noire affreuse. »

 

Kerry posa le menton sur la tête de Dar. « Dar, ça ne peut pas être ce bateau odieux qui nous a dépassées dans les détroits, si ? »

 

« Difficile à dire », murmura Dar. « Allons vérifier. »

 

Ils se dirigèrent vers la porte mais alors que Dar l’ouvrait, un haut-parleur coupa soudain la nuit.

 

« Dixieland Yankee. Ne levez pas l’ancre. Restez où vous êtes et préparez-vous à être abordés. »

 

Dar cligna des yeux et son cerveau se mit soudain en marche rapide. « Abordés ? Qui c’est bon sang ? »

 

Charlie regarda par-dessus son épaule alors que le bateau commençait à se rapprocher. « Une grosse huile avec une tonne de fric, je te l’dis. »

 

Dar se dirigea vers le pont. « Kerry, va surveiller l’ancre, tu veux bien ? » Cria-t-elle alors qu’elle escaladait l’échelle. « Et vous les gars, restez là ! »

 

Bud se tourna. « C’est pour toi, rat musqué. » Il tapota Charlie sur la poitrine. « Je grimpe. » Il se retourna et suivit Dar sur le pont. Charlie resta dans l’encadrement de la porte, se retenant en regardant le gros navire s’approcher. »

 

Dar passa derrière la console et frappa sur les boutons pour rétracter l’ancre du bateau, les yeux fixés sur le navire en approche. « J’ai l’impression d’être piégée dans le navet de la semaine », marmonna-t-elle en jetant un coup d’œil alors que Bud apparaissait près d’elle. « Ça arrive souvent par ici ? »

 

Bud ne répondit pas.

 

« L’ancre est levée ! » La voix de Kerry s’éleva depuis la proue.

 

« Descends de là-haut ! » Cria Dar en retour alors qu’elle appuyait sur les boutons de démarrage des diesels. Les moteurs partirent d’un coup et grondèrent en démarrant.

 

« Dixieland Yankee, je répète. Restez où vous êtes. Vous naviguez dans des eaux interdites. »

 

« Ah oui ? » Demanda Dar.

 

« Mon cul », marmonna Bud. « Ce truc a des jambes ? »

 

« Kerry ! » Brailla Dar.

 

« Je suis en bas ! »

 

« Tenez bon. » Dar poussa les deux manettes en avant et lança le bateau, regardant la proue se lever alors que les deux diesels s’enfonçaient dans l’eau. Le bateau plus gros bougeait pour les intercepter, et une lumière de projecteur lui frappa les yeux. Dar jura et garda le gouvernail tourné, évitant de justesse la proue de l’autre bateau avant de le faire tournoyer tout droit et de donner la pleine puissance aux moteurs.

 

Leur éveil conjoint secoua le Bertram, puis le bateau se redressa et Dar tourna le regard vers la sonde de profondeur, vérifiant leur courant. Derrière eux, le gros bateau avait tourné pour les suivre, et elle entendait le rugissement alors que les moteurs étaient lâchés dans la poursuite.

 

« Qu’est-ce que c’est bon sang ? » Gronda-t-elle.

 

Bud rit sèchement, pour la première fois ce soir. « Bienvenue aux Caraïbes, Paladar. Il y a toujours des pirates par-ici, tu sais. »

 

« Des pirates dans des foutus yachts de vingt-trois mètres ? » Demanda Dar en jetant un coup d’œil derrière elle. « Mon Dieu ! » La lumière du projecteur les cloua et elle put entendre les moteurs qui se rapprochaient. « Kerry ! Sangle tout ! »

 

« J’y suis déjà ! » Cria Kerry à son tour. « C’est quoi ça bon sang ? »

 

« Dixieland Yankee. Si vous ne réduisez pas la vitesse pour vous arrêter, nous allons utiliser la force. S’il vous plait obéissez.

 

« Je vous emmerde. » Dar bougea deux boutons sur la console et poussa un peu plus les manettes.

 

Bud fut enfoncé entre les sièges et la console lorsque leur vitesse augmenta et que le vent les frappa. « T’es pas vraiment une suiveuse de règles, hein ? » Commenta-t-il.

 

« C’est moi qui fais les règles », répliqua Dar. « Tiens bon. » Elle ajusta finalement deux boutons, jeta un coup d’œil au bateau qui gagnait rapidement de la distance, et poussa les manettes à fond vers l’avant. Avec un rugissement rauque, les compresseurs des moteurs entrèrent en action et la proue sortit de l’eau alors que leur vitesse doublait.

 

« Merde. » Bud se tenait à la rambarde.

 

Dar regarda derrière et sentit son cœur ralentir légèrement alors que l’autre bateau cessait de gagner de la distance aussi rapidement. Elle regarda à nouveau, ravalant une boule dans la gorge alors qu’elle essayait frénétiquement de savoir quoi faire ensuite. Le compas montrait qu’ils allaient vers le sud, et la sonde montrait une bonne profondeur sous leur quille.

 

La seule question était de savoir où elle allait et ce qu’elle ferait une fois arrivée.

 

****************************************

 

Kerry soupira de soulagement en voyant le grand vaisseau reculer un peu derrière eux. « Excusez-moi. » Elle passa doucement près de Charlie qui était toujours dans l’encadrement de la porte de la cabine. « Tout ça devient vraiment collant »

 

« Sans blague. » Charlie regarda le grand bateau. « Dans quoi vous vous êtes fourrées bon sang les filles ? »

 

« Si seulement je le savais. » Kerry entra dans la cabine et alla jusqu’au coffre de rangement, souleva le siège et sortit une longue boîte noire. Elle la posa sur la table, ouvrit les verrous, souleva le couvercle et le posa de côté. A l’intérieur reposait un fusil de chasse puissant, bleu-noir, qui relâchait une odeur très distincte d’huile.

 

« Ah. » Charlie se tenait près de son épaule. « J’aurais dû deviner que Dar avait un de ces trucs. »

 

Kerry sortit le fusil et ouvrit le canon. « Ce n’est pas à Dar », murmura-t-elle en ouvrant une petite case pour en sortir des cartouches. « C’est à moi. » Elle jeta un coup d’œil à l’homme surpris. « Je tire depuis que j’ai huit ans. » Elle ferma le fusil et mit une poignée de cartouches supplémentaires dans sa poche, puis se dirigea vers la porte.

 

Elle n’avait jamais vraiment aimé les armes. Les armes de poing, en fait, lui fichaient une frousse bleue comme elle s’en était rendue compte quand elles s’étaient trouvées en face d’un pistolet à Chicago. Mais elle s’était rendue compte qu’elle détestait encore plus le sentiment d’être sans défenses, alors elle était sortie et s’était acheté une arme avec laquelle elle avait au moins de l’expérience.

 

Kerry était presque sûre que son père n’avait jamais prévu que ses leçons de ball-trap familial forcées aient ce résultat particulier. Elle avait toujours trouvé ironique, que de tous ses cousins et frère et sœur, elle était la seule qui pouvait toucher quelque chose de plus petit qu’un bus VW avec une certaine régularité. Elle se souvenait encore de ces jours gelés d’automne, avec des journalistes partout, qui regardaient des adolescents à peine capables de lever les fichus fusils, s’acharner courageusement sur des cibles d’argile volantes.

 

Elle se tint près de la porte et regarda dehors, le fusil près de son corps. En plissant les yeux, elle pouvait voir les silhouettes bouger sur la proue du grand vaisseau, l’une manœuvrant le projecteur agaçant, et les deux autres arrivant à la rambarde.

 

Charlie boita derrière elle et éteignit la lumière dans la cabine, leur donnant une meilleure vue. « Pas la peine de faciliter la cible », Commenta-t-il. « Je m’demande c’qu’ils cherchent ? »

 

« Je n’en ai pas la moindre idée. » Kerry inspira lorsqu’elle se rendit compte que le grand bateau regagnait de la distance. Elle agrippa l’encadrement de porte lorsque le Bertram prit de la gîte, puis accéléra de nouveau dans une nouvelle direction. « Bon sang, Dar. »

 

Les eaux internationales. Il n’y avait personne, en fait, qu’elles pouvaient appeler. Elles pourraient, Kerry s’en rendit compte, se retrouver dans de sérieux ennuis et que des semaines passent avant que quelqu’un ne l’apprenne « Dar ? »

 

« Je sais ! »

 

Kerry soupira.

 

« Ker ? »

 

« Oui »

 

« Ça pourrait mal tourner ! »

 

Kerry sortit sur la poupe et manœuvra le mécanisme du fusil. « Je suis armée ! »

 

« Super. » Dar se sentait plus qu’à bout de nerfs. « Et me voilà à jouer les Capitaine Kidd avec Wyatt Earp sur la poupe. » (NdlT : Pour le Capitaine Kidd, je penche pour la version du corsaire anglo-américain J)

 

Bud se pencha par-dessus le bord de la console et regarda la silhouette secouée par le vent de Kerry. « Elle sait utiliser ce truc ? »

 

Dar grogna, se concentrant sur sa route. Devant elle, le ciel était vide d’étoiles et alors qu’elle regardait au loin, un éclair vacilla, éclairant d’énormes nuages de tonnerre. « C’est la tempête dont tu me parlais ? » Montra-t-elle.

 

« C’est une tempête », déclara Bud. « Tu comptes entrer droit là-dedans ? »

 

« Pas exactement. Dar regarda derrière elle. Le grand bateau était nettement en train de les rattraper maintenant. « Mais ça pourrait être un peu rude. » Elle décida d’une route puis s’installa, enroulant les jambes autour du fauteuil de capitaine. « Kerry, accroche-toi ! Je vais bouger ! »

 

Elle entendit la porte de la cabine cogner. « Très bien, connard. Voyons voir si tu peux me suivre. » Dar se dirigea entre deux minuscules îles inhabitées. Le bateau filait sur les vagues, qui remuaient nettement plus maintenant. La lumière du projecteur passa au-dessus de leurs têtes. Dar sentit son éclat sur sa nuque et elle lança le bateau dans un arc léger, d’abord d’un côté, puis de l’autre.

 

Un bruit sourd lui fit lever la tête et la tourner et elle et Bud se baissèrent alors qu’une fusée passait à tribord. Dar passa un moment inutile à souhaiter ardemment que son père soit près d’elle, et reporta son attention sur le pilotage du bateau dans le canal étroit.

 

« Ça devient moins profond », annonça Bud.

 

« Je sais. » Dar gardait un œil sur la sonde, et l’autre sur les bouées clignotantes qui marquaient la route. Un roulement de tonnerre passa au-dessus de leurs têtes, couvrant presque le bruit des moteurs. Une autre fusée crissa tout près, cette fois à bâbord. « La prochaine va nous tomber directement sur le dos, je présume. »

 

« Dans le capot du moteur », déclara l’ex-marin laconique. « Le plus rapide moyen de t’arrêter. »

 

« Merci. » Dar plissa les yeux et fit glisser légèrement sa route sur la gauche. Puis sans prévenir, elle fit tourner le gouvernail, envoyant le bateau dans une courbe rapide. Elle le redressa et repartit à droite, défiant leur poursuivant de les suivre.

 

Elle entendit leurs moteurs s’emballer lorsqu’ils le firent et au son, Dar sourit. « J’tai eu », murmura-t-elle, tirant les manettes pour les ramener en place, et effleurant une ligne spécifique sur l’océan, avec un toucher léger et précis sur les contrôles.

 

Bud s’agrippait à la console, les yeux écarquillés.

 

Dar regardait la sonde de profondeur. « Allez… allez… » Elle lui envoya une alerte et elle garda le bout des doigts sur le gouvernail, croisant le reste du corps dans un espoir. Le Bertram se fraya une minuscule ligne au centre, le klaxon hurlant de plus en plus alors que les bruits de leurs poursuivants se rapprochaient.

 

« Bon Dieu ! » Cria Bud.

 

Le bateau éclaira une section d’eau, puis le klaxon se coupa, au moment même où ils entendaient un horrible bruit d’écrasement derrière eux. Dar osa lancer un rapide coup d’œil derrière elle, pour voir le bateau gîter d’un côté, ses moteurs mourant, la panique montant à la proue. Elle fit de nouveau face, vers la pluie qui frappait maintenant l’écran autour de la console.

 

Chaque nerf en elle était vivant. Dar pouvait voir son propre sourire se refléter dans le verre et elle se retint à peine de lancer un cri sauvage de triomphe. « Très bien. » Elle était fière du ton égal de sa voix. « Maintenant on sort d’ici. »

 

Bud décolla ses mains de la rambarde. « Qui c’est qui t’a appris à piloter, Bon Dieu ? » Demanda-t-il.

 

Les yeux bleus brillants se reflétaient dans le miroir. « Mon père », répondit Dar, savourant l’instant. Puis elle prit le micro pour les communications internes. « Kerry ? »

 

« J’suis là. » La voix de Kerry semblait un peu essoufflée « Nom de nom, Dar. »

 

« Ouais. » Dar réduisit les moteurs qui oeuvraient maintenant contre la mer montante. « On est sortis du pétrin… je vais faire un cercle et voir si je peux contourner cette tempête et revenir à l’île par l’autre côté. »

 

« Je peux faire quelque chose ? »

 

« Allume la radio. Vois si tu peux attraper un appel à l’aide de ces salauds. Je veux savoir qui ils sont. »

 

« Bien. »

 

Dar éteignit le micro et l’accrocha. « Aborder, hein ? » Marmonna-t-elle. « Je ne crois pas. »

 

****************************************

 

Kerry posa le micro mais laissa sa main dessus pendant un long moment alors que ses nerfs se calmaient. « Okay », finit-elle par dire, en se reprenant et en se repoussant du mur. « Contente que ce soit fini. »

 

« Moi aussi », acquiesça Charlie. Il était assis en toute sécurité dans un des fauteuils rivés au pont. « Bon, c’était quoi tout ça Bon Dieu ? » Il se leva et regarda par le hublot. « Les salopards ont coulé, hein ? »

 

« Oui. » Kerry alla à la cuisine et prit une bouteille de Gatorade, enleva le bouchon et suçota plusieurs fois. Elle reposa la bouteille. « Maintenant tout ce dont nous devons nous inquiéter, c’est du temps. » Elle alla à la radio et la mit sur un scan rapide, montant légèrement le volume. Le fusil de chasse était déjà remis dans sa boîte sous le siège, et maintenant que le danger immédiat était passé, Kerry sentait tout son corps trembler en réaction.

 

La poussée d’adrénaline, et de la pire façon. Avec un soupir, Kerry s’assit dans l’autre fauteuil baquet et posa les mains sur ses cuisses.

 

« C’est pas votre tasse de thé, hein ? » Demanda Charlie.

 

Kerry lui lança un regard désabusé. « Je suis une Républicaine du Midwest avec un diplôme en technologie de l’information. Qu’est-ce que vous croyez ? »

 

Le grand homme se mit à rire. « Mais vous vous en êtes bien sortie », dit-il. « Vous êtes d’où dans le Midwest ? »

 

« Le Michigan », répondit Kerry. « Saugatuck. »

 

« J’y suis allé une fois ou deux », dit Charlie. « Pour faire de la combinaison étanche dans le lac de temps en temps. »

 

Kerry était contente de la distraction. « Il y a quelque chose à voir là-bas au fond ? » Demanda-t-elle avec curiosité. « Je me suis toujours posé la question. A part des navires marchands coulés, je veux dire. »

 

Charlie haussa les épaules. « On faisait pas du tourisme », expliqua-t-il avec une expression d’excuse. « Mais vous pourriez d’mander au grand Andy. Il a fait deux tours par-là. » Il s’interrompit. « C’est étrange, de parler de lui au présent maintenant. »

 

« Je peux l’imaginer. » Kerry s’adossa, croisant les mains sur son ventre. « Mais je lui demanderai. » Elle sourit. « Je me souviens de la première fois qu’on est allées plonger avec lui. Il est comme un poisson dans l’eau. » Elle remua une main en l’air.

 

« Il l’a toujours été », reconnut Charlie. « Comme s’il y était né. Je le regardais nager et je me demandais s’il cachait des branchies. »

 

Kerry hocha la tête. « Je sais. Dar est pareille. »

 

« Ah. » Charlie leva les yeux lorsque la porte s’ouvrit et que Bud entra. « Tu t’attendais pas à avoir une course de lièvre débridée avec le dîner, hein ? » Dit-il à son compagnon.

 

Bud secoua la tête et ricana. « Foutus salauds tarés », dit-il. « Au moins aussi tarés que la cinglée qui pilote ce truc. »

 

Kerry haussa un sourcil. « Je trouve que Dar s’en est bien sortie », déclara-t-elle. « Ils sont sur les rochers. Pas nous. »

 

« La chance. »

 

« Avec Dar ? Jamais. » Kerry se leva et alla de nouveau vers la cuisine pour reprendre sa bouteille de Gatorade. « Elle sait toujours ce qu’elle fait. » Elle suçota de la boisson. « Maintenant il faut juste qu’on découvre qui et pourquoi. »

 

« Et ben, vous pourriez y retourner et leur demander », blagua Charlie faiblement.

 

Kerry s’appuya sur le comptoir. « Est-ce que c’est quelque chose qui arrive souvent ? Je sais qu’on a lu quelque chose dans les journaux de Miami au sujet de la piraterie moderne, mais je ne pensais pas que les pirates pilotaient des yachts de luxe. »

 

Bud et Charlie se regardèrent mais ne répondirent pas.

 

Kerry haussa l’autre sourcil.

 

« Ce n’était pas des pirates », finit par marmonner Bud. « Pas le genre qu’on a par ici. »

 

Ah. Kerry remarqua qu’aucun d’eux ne croisait son regard. « Alors ça arrive. »

 

« Oh, ben, on entend des trucs », glissa Charlie. « Vous savez. »

 

Oui oui. « Non, en fait », répondit Kerry. « Mais alors, que cherchaient ces gens ? »

 

Bud haussa les épaules. « Peut-être qu’ils n’aimaient simplement pas l’attitude de Dar », suggéra-t-il. « Un trait génétique. »

 

Kerry fut plutôt surprise de s’entendre produire un grognement presque audible. « Excusez-moi », dit-elle. « Surveillez la radio. Je monte. »

 

***************************************

 

Dar détacha la bouteille d’eau en plastique de dessous la console et engloutit son contenu, satisfaite de sa nouvelle route enfin. Ils se dirigeaient dans un temps correct, les vents ayant diminué à vingt nœuds, et la mer était haute, mais le Bertram glissait sur la vague solidement, et elle savait qu’elle pourrait faire le tour à l’est autour du bout éloigné de l’île dans environ dix minutes.

 

Elle se tourna dans son siège et regarda derrière elle, masquant ses yeux contre la pluie. Elle pouvait juste voir les lumières de l’autre bateau au loin, montant et descendant mais sans se rapprocher. La profondeur avait été assez insuffisante pour gratter la coque du gros bateau, et peut-être même l’avait trouée selon comme il avait touché, et bien que ce soit un océan, et que le temps était mauvais, Dar n’avait aucun remords à les laisser à leur destin.

 

Dar se retourna et réfléchit à ça pendant un instant. « Okay », dit-elle aux contrôles. « Qu’est-ce que ferait papa ? » Les instruments et les indicateurs la regardaient silencieusement. Papa… Dar rit ironiquement. Papa aurait pu rester et défier l’autre bateau. Mais s’il avait fait ce qu’elle avait fait, il aurait pu appeler les gardes-côtes pour eux, mais sa mère ne l’aurait pas fait.

 

Qu’ils aillent au diable. Dar se sentait encore lessivée, presque étourdie par sa fuite victorieuse. Elle avait espéré que la course à grande vitesse au centre de deux récifs parallèles, en gardant sa quille droite entre eux marcherait, mais elle savait aussi qu’elle comptait sur la chance et ses propres talents de pilote beaucoup plus qu’elle n’aurait dû.

 

Mais. Dar remua les doigts, en regardant ses mains fortes. Elle l’avait fait. Elle gloussa intérieurement, s’éclaircissant la gorge pour retrouver une expression sérieuse lorsqu’elle entendit quelqu’un arriver par l’échelle derrière elle. Un coup d’œil par-dessus son épaule, cependant, lui ramena son sourire. « Hé. »

 

Kerry portait son imper, et apportait celui de Dar. « Hé, toi. » Elle prit le siège près d’elle et lui tendit l’imper. « J’ai fini de faire dans mon froc. Et toi, comment tu vas ? »

 

Dar rit, s’adossa et enfila sa veste de pluie rouge chatoyante. « C’était quelque chose, je te dis pas. Qu’est-ce qu’ils avaient ces gens ? »

 

Kerry s’appuya sur la console. « Je ne sais pas, mais on ferait mieux de le savoir, Dar. Ce n’est pas drôle. »

 

« Sans rire. » Dar finit d’attacher sa capuche, puis regarda Kerry. « Tu vas bien ? »

 

Les yeux verts clignèrent dans la pluie brumeuse. « C’était vraiment effrayant. »

 

Dar entremêla ses doigts dans les cheveux mouillés de Kerry. « Je sais. »

 

« Tes vieux amis me font dresser les poils de la nuque. »

 

« Désolée. » Dar lui gratta la nuque en question. « Bud est plutôt caustique », admit-elle. « Je reste en contact surtout à cause de Charlie. C’est un bon gars. »

 

Kerry soupira, agacée. « Il est marié à un connard. »

 

Dar la regarda. « Il y a beaucoup de gens qui dirait la même chose de toi », blagua-t-elle. « Que tu es mariée à une conne, je veux dire », ajouta-t-elle.

 

« Pah. » Kerry se mit à rire. « D’accord, je suis grincheuse, je déteste qu’on me fasse peur, et des bateaux noirs mystérieux qui font de grandes imitations de pirates me mettent vraiment en rogne. » Elle leva les yeux lorsque le tonnerre roula au-dessus de leurs têtes. « Mince alors, merci. Ça aide bien. »

 

Dar tendit la main et attira Kerry sur ses genoux. Elle la serra contre elle et ajusta légèrement la route du bateau pour commencer à tourner vers l’est. « Nous serons bientôt sortis de la pluie, nous allons déposer ces gars, ensuite nous allons aller vers St John. Une fois là, je vais appeler et je vais vérifier ce maudit bateau. Ça te paraît bien ? »

 

Kerry se dit que ni la pluie, ni deux couches de plastique ne pouvaient ruiner un bon câlin de Dar et elle grogna doucement en le rendant. « J’aime bien ça », approuva-t-elle. « Est-ce qu’on a des réservations à St John ? »

 

« Oui oui, à Caneel Bay », répondit Dar.

 

« C’est l’endroit avec sept plages ? » Kerry était intriguée. « Et l’ADSL dans les chambres ? »

 

Dar hocha la tête. « Avec des ordinateurs portables à louer. Ils ont tout l’essentiel. »

 

« Reste calme, mon cœur technobattant. »

 

Le micro grésilla. « Hé Dar. » La voix de Bud leur arriva. « On a un appel de détresse. 117.9. »

 

« Merci. Je vais le prendre ici », dit Dar. « On arrive à l’est de votre île. »

 

« Ouais. » Le micro s’interrompit.

 

Dar fronça les sourcils, puis secoua la tête et récupéra la radio maritime. Pendant quelques instants, il n’y eut aucun bruit et elle pensa qu’elle avait le mauvais canal. Puis un son retour brutal émergea suivi d’une voix. »

 

« SOS ! SOS ! A l’aide ! »

 

« Oh, ça c’est professionnel », critiqua Kerry.

 

« Ici la Sirène de l’Océan… mauvais temps… coule… »

 

Les mots s’arrêtèrent. Dar regarda la radio puis derrière elles. « Je ne pense pas que ce soit eux. »

 

« A l’aide ! Ici la Sirène de l’Océan… Navire de plaisance de dix mètres dans le mauvais temps. J’ai perdu mon moteur et claqué les cordages de mât. Je prends l’eau. »

 

« Oh c’est mauvais. » Kerry se redressa. « Il a besoin d’aide. » Elle regarda Dar. « J’ai piloté un dix mètres, Dar. Il n’a aucune chance sans contrôle de navigation. »

 

Dar appuya sur le micro. « Sirène de l’Océan, ici le Dixieland yankee. Vous savez où vous êtes, terminé ? » Elle relâcha le micro et attendit. Il n’y eut pas réponse. « Sirène de l’Océan, vous recevez ? »

 

Toujours pas de réponse. Puis enfin. « Allô ? Ici la Sirène de l’Océan à quiconque appelle, je pense que je suis devant St John… devant la côte ouest ! » Une interruption avec un grésillement. « Il pleut des cordes ! Je pense que les rouleaux font sept mètres ! »

 

Kerry se leva. « Je vais le dire à nos passagers et attraper le matériel de sécurité. » Elle embrassa Dar sur les lèvres. « Tu penses qu’on peut le trouver ? »

 

Dar alluma le radar qui ne montra pas grand chose. Etant donné qu’elle n’était pas familière de ces eaux, et n’avait aucune idée de ce qu’elle cherchait vraiment, elle ne voulait pas donner de faux espoirs à Kerry. « Je fais de mon mieux », répondit-elle.

 

« C’est réglé alors », répondit Kerry avec désinvolture avant de se retourner et de se diriger vers l’échelle.

 

Dar secoua la tête puis programma une nouvelle route, une qui retournait vers le bruit du tonnerre et le vent qui montait.

 

********************

Fin de la partie II

A suivre partie III 

 

*************

Comments (0)

You don't have permission to comment on this page.