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terrors3b

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Dar & Kerry

 

Terrors of the High Seas

Aventures en Haute Mer

 

 

Par Melissa Good

Traduction : Fryda

(fryda@orange.fr)

 

Voir les avertissements dans la partie 1

**********

Partie 3b

*********

 

« Bonjour. » Kerry leva la main pour saluer l’homme qui se tenait sur le pont. Bob portait un short kaki trop grand pour lui, et le polo qu’il portait la veille. A la lumière du jour, son visage légèrement arrondi et joyeux et ses cheveux frisés complétaient une image d’un homme à l’allure raisonnablement plaisante environ de l’âge de Kerry. « Montez à bord. »

 

Bob saisit l’invitation au vol et remonta la passerelle. « Merci. Bonjour à vous aussi », répondit-il alors que son regard suivait le corps vêtu du maillot de bains. Puis il regarda poliment ailleurs. « Le temps s’est enfin amélioré, hein ? »

 

Kerry se tourna et observa l’horizon éclairci. « C’est sûr. » Elle sourit. « Nous ne sommes pas vraiment prêtes pour partir encore, vous voulez entrer prendre un café ? »

 

« Ce serait génial. Merci. » Il lui rendit son sourire chaleureusement. « Ecoutez… je, hum. » Il jeta un coup d’œil alentour puis son regard revint vers elle. « Je veux vraiment vous remercier à nouveau pour ce que vous avez fait hier soir. »

 

Kerry ressentit un mélange curieux de plaisir et d’embarras. « J’étais contente de vous aider », dit-elle. « Je suis vraiment contente que tout se soit bien terminé. »

 

« Moi aussi », répondit rapidement Bob. « Mais ça aurait pu ne pas l’être sans vous. » Il lui tint courtoisement la porte. « Je ne l’oublierai pas. »

 

« Et bien, il n’y a vraiment pas de quoi. » Kerry entra dans la cabine, son regard fouillant automatiquement à la recherche de la grande silhouette de Dar derrière la cuisine. « On a du café de reste, Dar ? »

 

Le regard de Dar la dépassa puis un sourire ironique apparut. « Bien sûr. »

 

« Bonjour », la salua Bob.

 

« Salut », répondit Dar. « Je vais nous préparer pour le départ », dit-elle à Kerry. « Je veux aller parler à Charlie un moment avant qu’on parte. »

 

« D’accord. » Kerry changea de place avec elle. « Dis-leur que je les salue, d’accord ? » Elle n’avait pas de besoin personnel d’affronter un Bud pénible à ce moment.

 

« Oui oui. » Dar lui tapota le dos puis passa près d’elle et se dirigea vers la porte.

 

Kerry sourit pour elle-même et secoua la tête Puis elle prit une tasse dans le placard. « Comment vous l’aimez ? » Elle leva les yeux, un peu surprise de trouver Bob appuyé sur le comptoir de la cuisine.

 

« Noir », répondit-il, en acceptant la tasse qu’elle lui tendait. « Merci. » Il prit une gorgée avec précaution. « Alors Kerry. D’où est-ce que vous venez ? On n’a pas beaucoup parlé hier soir ? »

 

Kerry se versa une tasse et ajouta de la crème et du sucre, puis sortit de derrière la cuisine pour s’asseoir à la petite table. Bob s’installa près d’elle, attendant patiemment qu’elle réponde.

 

« Du Michigan », dit Kerry. « Et vous ? »

 

Bob sourit. « Je pensais bien reconnaître l’accent. Je suis de Détroit », dit-il. « Ma famille possède une propriété juste à l’extérieur de la ville. » Il s’interrompit, sirotant son café. « Vous allez à l’Université du Michigan ? »

 

Kerry hocha la tête. « En fait, j’y allais », acquiesça-t-elle.

 

« Je suis sorti de l’état pour aller au lycée », dit-il. « A Boston. » Une expression pensive passa sur son visage. « La famille de mon père est de là-bas. Une vieille tradition de marins, vous voyez. »

 

« Mm. »

 

« C’est là que j’ai appris à naviguer », dit Bob. « Quand j’étais gamin, et ensuite quand j’ai vieilli. On dirait que vous avez pas mal navigué, vous aussi. » Il retourna joliment le sujet vers elle. « C’est un de vos passe-temps ? »

 

Kerry leva les yeux et le trouva en train de la regarder, observant son visage avec un léger demi-sourire timide. « Non, pas en ce moment. » Elle posa la tête sur sa main. « La photographie sous-marine et me maintenir à niveau au boulot. » Elle en venait à la vague réalisation que Bob lui montrait un intérêt bien déterminé, et elle ne pouvait pas se décider si elle en était amusée ou embarrassée. « Et si vous m’aidiez à préparer le bateau ? Dar devrait bientôt être de retour. »

 

« Bien sûr », acquiesça-t-il aimablement. « Vos désirs sont des ordres. »

 

Beurk. Kerry se glissa de dessous la table. Elle espéra que le trajet jusqu’à St John serait court.

 

***************************************

 

Dar mit les mains dans ses poches en remontant le chemin sablonneux. L’arrivée de Bob avait définitivement mis un frein à ses ardeurs et elle avait pensé à laisser de côté la meilleure part de l’hospitalité quand elle avait presque succombé au désir de virer son petit cul BCBG hors du bateau.

 

Ah Dar. Elle rit d’elle d’un air désabusé. Tes origines remontent. Ça n’est pas un mauvais gamin. Elle envoya balader une pomme de pin d’un coup de pied et jeta un coup d’œil au chemin vide. Tu vas le larguer à St John et voilà tout.

 

Elle grimpa les marches du restaurant de Bud et Charlie, s’arrêtant une main sur la porte quand elle entendit des voix fortes à l’intérieur.

 

« Vous pensiez que vous pourriez m’éviter hier soir, hein ? » Un grognement. « Où est le blé ? »

 

« Ecoutez. Je vous ai dit qu’on n’avait pas le liquide. » Le ton de Charlie sonnait étrangement tendu. « On peut pas tirer du sang d’un foutu rocher. »

 

« Ah ouais ? » Répondit la voix étrangère. « Et ben, soit vous crachez ces dix mille dollars, soit y aura plein de sang sur le sol de ce bouibouis, compris »

 

« On peut trouver un arrangement », interjeta Bud. « Il faut nous donner du temps. Vous savez qu’on est bon pour ça. »

 

« Je sais que dalle », dit l’étranger en riant. « Sauf que j’sais qu’je s’rai d’retour après-d’main, et soit vous m’donnez ce que vous avez, soit je prends c’que j’peux sur vot’peau. »

 

Des bruits de pas lourds vinrent dans sa direction et Dar se recula juste à temps pour éviter d’être frappée au visage quand la porte s’ouvrit brusquement. Un homme grand et costaud qui portait un marcel et un jean bien trop serré passa tout près d’elle, lui lançant un regard en coin au passage.

 

Dar fixa son dos, avant de se retourner et d’entrer dans le restaurant. Son arrivée surprit Bud et Charlie et ils sursautèrent avant de la reconnaître et de se détendre. « Qu’est-ce qui se passe ? » Demanda-t-elle sans préambule.

 

« Bonjour Dar. » Charlie n’arrivait pas à sortir son habituel sourire amical. « T’as bien dormi ? »

 

Bud étudiait le sol.

 

« Bien », répondit Dar brièvement. « Qu’est-ce qui se passe ? » Demanda-t-elle à nouveau.

 

« C’est pas tes oignons », répondit Bud d’un ton bourru.

 

« Bud. » Charlie fronça les sourcils. « Juste une petite affaire, Dar. Rien d’important. »

 

Dar mit les mains sur ses hanches et leur lança le genre de regard qu’elle réservait habituellement pour les responsables de vente fraîchement émoulus qui questionnaient ses décisions. « Je traite ‘d’affaires’ tout le temps, et je n’ai jamais été menacée physiquement, bien que la plupart des gens avec qui je traite y pensent », fit-elle remarquer. « Gardez vos conneries. C’est quoi le problème de Guido le Pingre ? »

 

« Ce n’sont PAS tes oignons ! » Claqua Bud en se retournant pour partir brusquement vers la cuisine. La porte à gonds battit derrière lui sauvagement puis s’arrêta avec un bam soudain.

 

Charlie soupira et se massa le front. « Bon Dieu. »

 

Dar attendit avec une patience modérée. « Allons Charlie. Tu veux vraiment que j’oublie et que je parte ? Je le ferai », proposa-t-elle. « Mais si tu as besoin d’aide, j’écoute. »

 

Charlie regarda vers la porte puis haussa légèrement les épaules. « On peut se débrouiller », finit-il par dire. « C’est juste le prêt qu’on a fait pour démarrer cet endroit. » Il tira sur les poches de son short. « Ça prend plus longtemps à rembourser qu’on avait prévu, mais on va s’en sortir. »

 

Dar l’étudia. « Il n’était pas de la Banque d’Amérique. »

 

Charlie ricana doucement. « Bon Dieu non. Deux rebuts de la Marine, tu penses qu’ils nous auraient fait un prêt ? » Demanda-t-il. « On est juste allés voir la coopérative. Mais bon. » Il retrouva définitivement sa bonne humeur. « Tout est arrangé depuis hier soir ? On a discutaillé avec Bob pendant un moment, c’est un sacré parleur. »

 

« Charlie. » Dar s’appuya contre le mur. Elle sortit un stylo de la poche de Charlie et une enveloppe usagée posée sur le comptoir près d’eux. « Tiens. » Elle inscrit un numéro de téléphone, puis lui tendit l’enveloppe et le stylo. « Si ce requin commence à te mâcher les fesses, appelle-moi. »

 

Il prit le papier à contrecœur. « Dar, j’apprécie, mais on peut régler ça. Bud préfèrerait se couper un bras plutôt que de demander de l’aide. » Il hésita. « Surtout la tienne. » Son visage montrait une expression d’excuse.

 

« Dommage », lui dit Dar d’un ton neutre. « Dis-lui de grandir et de dépasser ça. »

 

Charlie tressaillit.

 

« Je dois demander des trucs tous les jours à des gens que je ne peux pas supporter. »

 

« Ce n’est pas qu’il ne t’aime pas, Dar », protesta Charlie avec hâte. « Il t’aime bien. C’est juste qu’il peut pas oublier le truc du passé avec ton père et… »

 

« Je… ne suis pas mon père », l’interrompit Dar en se penchant en avant.

 

« Non, je le sais », dit Charlie en soupirant. « Je le sais Dar. » Il tenta un sourire. « Bien que maintenant que t'as grandi, tu lui ressembles beaucoup, tu sais. »

 

Dar soupira intérieurement, puis abandonna, décidant de suivre une autre piste. « Ouais, c’est ce que les gens me disent », admit-elle. « Ecoute, on va partir. Il y a quelque chose que vous aimeriez qu’on dépose au retour ? »

 

Charlie se détendit, maintenant que la conversation avait tourné. « WD40 », dit-il en blaguant, tapant sur son genou artificiel. « Je manque toujours de ce maudit truc. » Il s’éclaircit la gorge. « Ecoute Dar… vous demandiez au sujet des pirates hier soir… »

 

« Hm ? » Dar croisa les bras.

 

Le grand ex-marine jeta un coup d’œil alentours. « Ils ne sont pas toujours ce qu’ils semblent être », dit-il.

 

« Qu’est-ce que tu veux dire ? » Demanda Dar.

 

« Chuck ! » La voix de Bud les interrompit. « Le poissonnier est là ! »

 

Charlie regarda vers la cuisine. « Ces connards d’hier… ce sont pas le genre de pirates qu’on connaît », dit-il rapidement. « C’est tout ce que je dis. Bonne chance, bonne balade. » Il mit la main sur la porte et lança un dernier regard à Dar. « Dis à ton père que je le salue. »

 

Dar le regarda disparaître. Elle lâcha un soupir, son regard parcourant l’intérieur du restaurant miséreux et un peu défraîchi. Avec un mouvement silencieux de la tête, elle se retourna et quitta la pièce, ré-émergeant dans la lumière du soleil. Le vide de l’île l’entoura et alors qu’elle repartait vers le quai, son esprit retourna les pièces du puzzle qui, bien qu’éparpillées, commençaient à l’aiguillonner de leur nature curieuse.

 

Elle repéra le requin prêteur alors qu’elle marchait sur le quai. Il se tenait près d’une petite voiture voyante avec un autre homme, qui faisait la moitié de sa taille. Ils regardaient tous les deux le Dixieland Yankee et ils se retournèrent pour la regarder lorsqu’elle s’approcha du bateau.

 

« Hé bébé », cria le plus grand. « C’est ton bateau ? »

 

Dar s’arrêta et le regarda par-dessus ses lunettes de soleil. « Ouais », répondit-elle d’un ton brusque alors qu’elle s’arrêtait pour détacher le cordage de la proue.

 

« Ça te dit qu’un vrai mec le pilote ? »

 

Dar jeta la corde à bord puis alla à l’arrière, relâcha le bateau et sauta sur le pont arrière. « Non merci. » Elle laissa tomber la corde et se frotta les mains, tournant le dos aux deux hommes en ignorant leur rire grivois.

 

Kerry émergea de la cabine, un sourire presque féroce sur le visage lorsqu’elle repéra Dar. « Je pensais bien t’avoir entendue », salua-t-elle sa compagne. « On part ? »

 

« Oh oui. » Dar alla jusqu’à la passerelle de pilotage. « Allons trouver un meilleur paysage. » Elle s’assit et démarra les moteurs, ajustant les manettes avant de sortir doucement le bateau du quai. A marée basse, manœuvrer dans l’espace restreint était encore plus difficile que d’habitude, et elle devait vraiment se concentrer pour éviter d’emporter une partie du quai en partant.

 

Elle passa le dernier pylône et tourna dans le canal, sentant le vent monter alors qu’elle augmentait la vitesse, se dirigeant vers les eaux bleues-vertes.

 

********************************

 

Kerry posa son fauteuil de pont avec précaution à l’arrière, à demi-tourné de manière à pouvoir voir Dar aux contrôles du bateau. Elle s’installait lorsque Bob prit le siège près d’elle, et elle se résigna à un trajet de discussion. « Alors, Bob, vous n’en avez pas parlé hier soir. Vous étiez où en vacances ? »

 

Bob se pencha sur le bras du fauteuil. « En vacances ? J’aimerais bien. » Il soupira. « Non, c’est… » Il regarda autour de lui. « C’est un peu stupide, vraiment. »

 

S’il me dit qu’il est venu ici chercher son amour véritable, je lui vomis dessus, pensa Kerry, en gardant une expression plaisante sur le visage. « A quel point ça peut être stupide ? » Demanda-t-elle.

 

Il se rapprocha. « Vous vous souvenez de ce que j’ai dit au sujet de mes grands-parents ? »

 

« De Boston », répondit promptement Kerry.

 

« Oui. » Bob hocha la tête. « Mon grand-père s’est perdu en mer. »

 

Kerry se redressa un peu. « Oh. Je suis vraiment désolée d’entendre ça », dit-elle sincèrement. « Comment est-ce arrivé ? »

 

« Il était capitaine d’un… hum… chalutier, il pêchait », admit Bob. « Pas très prestigieux, je sais, mais il réussissait bien », ajouta-t-il. « Quoi qu’il en soit… il était sorti par ici dans les îles, et il n’est jamais revenu. »

 

Kerry s’adossa dans son fauteuil et mit une jambe sous elle. « Wow. » Elle secoua la tête. « C’est vraiment triste. On n’a jamais retrouvé le bateau ou quoi ? »

 

Bob la fixa. « On sait où il a coulé. Ce type qui a été témoin a contacté ma grand-mère et lui a vendu une carte… »

 

« Vendu ? »

 

Bob haussa les épaules. « Ouais, je sais… sûrement un marché à la con. Mais elle m’a donné la carte et j’ai décidé de venir ici pour voir ce que je pouvais trouver. »

 

Kerry fronça les sourcils. « Vous ne savez même pas si elle est bonne. »

 

« Non mais c’est quelque chose quand même », dit Bob. « Le problème c’est que, je suis venu ici et j’ai trouvé l’endroit où il est censé avoir coulé, mais le coin est contracté par une société de renflouage. »

 

Kerry haussa légèrement un sourcil. « Vraiment ? »

 

« Oui, j’ai essayé de leur parler mais ils m’ont viré d’ici. » Bob secoua la tête. « Un vrai tas de connards. Le genre gros sous, vous voyez. » Il lui fit un sourire ironique. « Le genre qui aime bien vous le faire savoir. »

 

« Oui oui. » Kerry se demanda si c’était les mêmes qu’elles avaient rencontrés ? « Est-ce qu’ils étaient plutôt jeunes ? Un type mince et une femme d’affaires ? »

 

Surpris, Bob hocha la tête. « Oui ! Vous les connaissez ? »

 

Kerry se leva et alla vers la glacière, l’ouvrit et en sortit une bouteille de thé glacé. Elle était consciente du regard de Bob sur son dos, elle pouvait presque sentir la chaleur entre ses omoplates, et elle souhaita brièvement avoir mis sa salopette par-dessus son simple maillot de bains. « Pas exactement », répondit-elle. « Nous les avons rencontrés sur cette île. Ils posaient des questions sur un site où Dar et moi avions plongé ce jour-là. » Elle se retourna. « Je présume qu’il fait partie de la zone qui vous intéresse. »

 

« Vraiment ? » Murmura Bob. « Alors vous êtes une vraie plongeuse, hein ? Vous avez votre propre équipement ? »

 

Kerry hocha la tête. « Bien sûr. » Elle ouvrit son thé et prit une gorgée. « Dar est une experte en plongée. » Elle jeta un coup d’œil affectueux à sa compagne, qui était adossée, un pied nu posé sur la console. « Nous avons même un compresseur à bord pour recharger. »

 

« J’ai toujours voulu apprendre à plonger », dit Bob. « Vous avez des conseils à me donner ? » Demanda-t-il. « Hé, pourquoi pas une leçon demain ? »

 

Carte à huit bits, bus à trente-deux bits. (NdlT : l’auteure fait des références informatiques compte tenu de l’origine des héroïnes) Kerry soupira intérieurement. « Désolée, nous avons des plans », dit-elle. « Mais il y a pas mal d’endroits à St John qui donnent des cours certifiés. »

 

« Oui, je ferais mieux de régler mon assurance demain de toutes les façons », dit Bob en soupirant. « Vous restez à un endroit particulier sur l’île ? »

 

« Dar a fait les réservations », dit Kerry en souriant. « Je ne me souviens pas du nom de l’endroit. »

 

« Oh. »

 

Kerry repéra une frange de terre à bâbord du bateau. Elle se leva et regarda au coin de la cabine. Une belle île basse s’étendait devant elle, offrant un demi-cercle de plage blanche pure avec un arrière-plan de feuillage vert luxuriant. « Wow. »

 

Bob vint derrière elle. « Oui, c’est beau, n’est-ce pas ? » Murmura-t-il. « Hé, peut-être que je pourrais rester quelques jours, puisque je ne peux rien faire d’autre, je pourrais aussi bien me faire dorer, non ? »

 

Kerry soupira silencieusement, les yeux levés au ciel en dehors de son champ de vision.

 

« En plus, je vous dois un dîner et un pot », dit Bob. « Il faut que vous me laissiez faire ça, au moins, pour ce que vous avez fait pour moi. »

 

Beurk. Kerry regarda la marina qui approchait. « Dar ? Tu veux que j’appelle le responsable du quai ? »

 

« Ouais », répondit Dar. « On dirait que c’est bondé.

 

Kerry se tourna. « Excusez-moi. » Elle attendit que Bob se recule puis alla à la radio de la cabine. « St John Marina. St John Marina, ici le Dixieland Yankee, terminé. »

 

« C’est un joli nom », dit Bob. « Ça veut dire quelque chose ? »

 

Kerry le regarda d’un air désabusé. « Elle c’est la partie Dixie, et moi la Yankee », expliqua-t-elle simplement. (NdlT : Dixie : sudiste, Yankee : nordiste)

 

« Dixieland Yankee, ici St John. Allez-y. »

 

Bob pencha la tête, produisant un sourire intrigué. « Oh », dit-il. « Vous êtes parentes ? »

 

Kerry soupira et s’appuya contre la porte de la cabine. « St John, nous avons une réservation pour un quai. S’il vous plait, dirigez-nous. » Elle fit un gentil sourire à Bob. « Vous pourriez vouloir vous asseoir. On dirait que ça va prendre du temps. »

 

« D’accord. » Bob alla se prendre un siège, laissant Kerry terminer avec la radio.

 

« Je vous ai, Dixieland Yankee, dixième rangée, troisième poste à quai. Vous avez un seize mètres et demi, c’est ça ? »

 

« Bien reçu », répondit Kerry. « Merci. » Elle posa la radio et alla à l’échelle, la grimpa aussi vite que la dignité le permettait et rejoignit Dar à la console. « Rangée 10, emplacement trois. » Elle s’assit et posa les coudes sur ses genoux. « Dar… »

 

« Comment va ton petit adorateur ? » Dit Dar d’une voix traînante, en lui lançant un vilain sourire. « Il t’a déjà invitée à dîner ? »

 

Kerry soupira. « Dîner, boire, plonger, tout quoi », marmonna-t-elle. « Pourquoi est-ce que les gars font toujours ça ? »

 

Dar la regarda. « Parce que tu es charmante et adorable ? »

 

« Pfffffttt. » Kerry passa la langue. « Mais tu sais quoi ? Il a rencontré ces magnats aux 24 carats qu’on a vus sur l’île lui aussi. »

 

« Ah oui ? »

 

« Oui. Il cherche l’épave du chalutier de son grand-père. Il a soi-disant coulé dans ce coin qu’ils ont bloqué. »

 

Dar fronça les sourcils. « C’est un coin de l’océan bien recherché. »

 

« Mm. »

 

Elles se regardèrent. Kerry se gratta la mâchoire. « Hum. Il m’a vraiment invitée à dîner, pour me remercier de lui avoir sauvé la vie. » Elle étudia le visage de Dar. « Ça t’ennuierait si j’y allais ? »

 

L’expression de Dar se figea un instant, seuls les minuscules muscles sur les côtés de ses yeux bougeant. Un silence tomba entre elles, puis Dar regarda la marina qui approchait et ajusta leur course. Elle regarda la console un moment puis tourna le regard vers Kerry. « Oui, ça m’ennuierait », dit-elle très doucement.

 

Kerry ressentit un mélange de surprise et de plaisir. De surprise parce qu’elle s’attendait à ce que Dar professe un désintérêt pour l’empêcher d’y aller, et du plaisir à la réaction primale honnête qu’elle recevait. « Bien », dit-elle dans un soupir. « Parce que ce serait le cas si c’était moi. »

 

Dar sourit rapidement. « La jalousie est une sensation intéressante », dit-elle avant de retourner toute son attention à leur approche.

 

« Mm », approuva Kerry en regardant l’île approcher. « Si ça n’est pas la vérité. »

 

***********************************

 

Kerry poussa la porte de leur chambre et jeta un coup d’œil à l’intérieur. « Wow. » Elle gloussa en entrant, jetant son sac de voyage sur le lit king size. « C’est assurément plus coloré que le Mariott moyen. »

 

Dar ferma la porte. Elle regarda les murs couleur pêche, la moquette aux dessins puissants, et les tentures riches aux fenêtres et sur le lit avec un demi-sourire. « J’aime bien », décida-t-elle. « Je n’en voudrais pas dans ma chambre à coucher mais c’est sympa pour changer. » Elle posa son propre sac et passa le reste de la pièce en revue. Elle possédait un plafond agréable et élevé avec un ventilateur, et une double ouverture pour que l’air chaud s’échappe. Les fenêtres étaient grandes avec une superbe vue de la baie en demi-cercle et l’atmosphère était légère et aérienne.

 

Kerry alla à la fenêtre et regarda à l’extérieur. « Joli. » Elle se retourna et s’appuya contre l’embrasure, regardant Dar enlever ses lunettes de soleil et les lancer sur la table. Bob avait décampé pour s’occuper de ses affaires quand ils avaient accosté, au grand soulagement de Kerry et elle avait hâte d’explorer plus avant ce qu’offrait le lieu de villégiature. Elle avait repéré des kayaks parmi d’autres choses, et avait vu une mention sur une démonstration de dégustation de rhum dans le hall.

 

« Très sympa. » Dar leva une bouteille de rhum offerte sur le buffet et la maintint en l’air. Il y avait aussi de l’eau en bouteille. « Utilise-la », avertit-elle Kerry. « J’ai eu des résultats mitigés avec l’eau du robinet.

 

« Ah. Merci », dit Kerry. « Mais ne pas avoir de téléphones est une surprise. »

 

« Mm. » Dar examina le port de données discret. « Un accès internet mais pas de téléphone. Incroyable. »

 

Kerry alla à la mallette verrouillée et usée que Dar avait posée sur la chaise. « Je présume qu’il faudra faire avec, hein ? » Elles s’étaient mises d’accord pour ne pas déverrouiller la mallette qui contenait leurs téléphones et bipeurs, sauf si une crise majeure se produisait.

 

« Ouaip. » Dar lui lança les clés de la mallette. « On ferait probablement mieux d’utiliser les nôtres de toutes les façons. » Elle regarda Kerry déverrouiller les fermetures et ouvrir la mallette, mettre les mains à l’intérieur et en émerger avec un de leurs deux téléphones. « Je sais qu’il y a des téléphones dans le hall, mais… »

 

« Ouais. » Kerry lui lança le téléphone. Puis elle retourna vers la fenêtre, pour découvrir un patio à l’extérieur. « Hé. » Elle ouvrit la porte et sortit sur l’édifice en pierre, arrosé alternativement de soleil et d’ombre par les bananiers. Tout était calme et paisible, et la vue sur l’eau était vraiment spectaculaire. « On prendra le petit déjeuner ici demain, je pense », songea Kerry, alors qu’une brise venue de l’eau lui soufflait les cheveux hors des yeux.

 

Avec un grognement satisfait, elle se retourna et rentra dans leur chambre plaisante, pour trouver Dar affalée sur le grand lit avec le téléphone à l’oreille. La vue était si attirante que Kerry décida de la rejoindre, et elle rampa vers l’endroit où Dar était allongée, se mit sur le dos et s’installa en regardant le ventilateur tourner paresseusement au-dessus de leurs têtes.

 

« C’est ça Mark. Fais juste tourner ça pour moi. » Dar avança légèrement la main et tira sur une mèche des cheveux de Kerry. « Je n’ai pas de numéro d’enregistrement. »

 

« Bien, chef. Comment se passent les vacances ? » La voix de Mark coula du haut-parleur du téléphone.

 

« A part avoir été prises en chasse par des pirates et que Kerry ait sauvé un type qui coulait dans la tempête, ça a été plutôt paisible », répliqua Dar mielleusement. « Et là-bas, comment ça s’est passé ? »

 

Un long silence. « Est-ce que tu as vraiment dit des pirates ? » Demanda Mark. « Merde, Dar ! »

 

« Tu ne pensais pas que je pouvais vraiment avoir des vacances ordinaires, non ? » Demanda Dar avec un sourire narquois et amusé. « Tu n’as pas répondu à ma question. »

 

« Hein ? » Mark bredouilla. « Oh, ici ? C’était mortel », lui dit-il. « Honnêtement. »

 

Dar attendit silencieusement. Pour passer le temps, elle souffla doucement dans l’oreille de Kerry, et regarda son torse frissonner alors qu’elle retenait un rire.

 

« Ben, le merdier habituel, tu sais bien, chef », finit par admettre Mark. « Rien qui doit vous inquiéter. »

 

Kerry tourna la tête à ces mots et ses yeux verts s’agrandirent. « Mark ? » Elle haussa la voix. « Tu viens juste de me rendre nerveuse. »

 

« Hum… »

 

Dar se couvrit les yeux. « Mark, crache le morceau », dit-elle en soupirant.

 

« Honnêtement, les filles. Rien de plus que d’habitude », insista Mark. « On a des liaisons internationales HS, et un des centres de données du nord-ouest est tombé en panne. J’ai dû leur passer un truc pour la nuit. »

 

Kerry regarda sa compagne. « Ça n’a pas l’air si moche », énonça-t-elle silencieusement.

 

Dar haussa les épaules. « Est-ce que les nouveaux nœuds de transport de données sont arrivés ? »

 

« Ouaip. » Mark avait l’air soulagé. « Hé… écoutez. Je suis content que vous appeliez pour une raison, on a une date plus proche pour la livraison du nouveau centre de programmation. »

 

« Whoohoo. » Kerry fit un mouvement de pompe avec son poing.

 

« Incroyable », acquiesça Dar. « Je pensais qu’on allait attendre jusqu’en février », ajouta-t-elle.

 

« Et ben, chef, y a rien en retour sur ces types », dit Mark. « Pas sur la première requête, tu veux que je continue ? »

 

Dar fronça les sourcils. « Rien ? »

 

« Rien sur ce nom, non, ou les deux autres noms que tu m’as donnés », dit Mark. « Mais c’est juste une requête sur les cartes grises et la Marine. Je vais faire une recherche plus approfondie sur eux. Tu veux que je te rappelle ? »

 

« Ouais », dit Dar. « On va… » Elle s’interrompit. « Qu’est-ce qu’on va faire maintenant, Ker ? »

 

Kerry leva les deux mains et produisit un sourire engageant.

 

« On va probablement faire quelque chose avec de l’eau et de la nourriture », dit Dar dans l’appareil. « Je garde le téléphone allumé. Fais-moi savoir si tu trouves quelque chose, d’accord ? »

 

« Compris, chef », dit Mark. « Amusez-vous bien, hein ? Plus de foutus pirates ! »

 

« On f’ra de notre mieux », cria Kerry. « Merci, Mark. Salue tout le monde ! »

 

Dar raccrocha et posa le téléphone sur les couvertures. Maintenant qu’elle avait commencé sa recherche, elle se sentait satisfaite de la laisser prendre le temps qu’il faudrait, et de se concentrer sur la reprise de leurs vacances en attendant. « Tu veux randonner et explorer l’endroit un moment ? » Demanda-t-elle. « On est au milieu du Parc National ici. »

 

Kerry hocha la tête. « J’aime bien cette idée », dit-elle. « C’est si joli. Ça me rappelle un peu ce hamac au Old Cutler où on est allées une fois. » Elle se redressa assise, « D’accord, en route pour les chaussures de randonnée alors. » Elle tapota la jambe de Dar. « Allons trouver des jolis lézards. »

 

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Des lézards, elles en trouvèrent des tas ainsi que d’autres animaux sauvages. Dar examina avec précaution un serpent coloré d’un vert brillant enroulé sur une branche, prenant soin de garder les mains éloignées. « Tu as vu ça ? » Demanda-t-elle à Kerry qui s’affairait à prendre des photos de fleurs superbes.

 

« Vu quoi ? » Kerry trottina vers elle et regarda. « Oh ! » Elle leva rapidement son appareil-photo et ajusta. « Hé, tu ne vas pas l’attraper par la queue et me montrer comme il est beau ? »

 

Dar baissa le regard. « Est-ce que porter un short kaki et des chaussures de randonnée exige que ça fasse de moi Steve Irwin ? » Demanda-t-elle. (NdlT : Steve Irwin est un aventurier qu’on voit sur les chaînes de télé dans des situations tortueuses avec des animaux dangereux, comme des crocodiles ou des serpents)

 

Kerry ricana.

 

« Je vais te dire quelle queue je vais attraper. » Dar attendit qu’elle prenne la photo et agit, attrapant la queue de Kerry pour la faire sursauter vers l’avant avec un couinement surpris. « Est-ce qu’elle n’est pas belle ? » Mima Dar. « Regardez les fesses sur celle-là ! »

 

« Fille de ferme, va ! » Kerry tendit la main derrière elle et chatouilla les côtes de Dar, puis elles continuèrent sur le chemin. Elles étaient entourées de verdure luxuriante et une odeur organique riche emplissait ses poumons alors que le vent remuait légèrement les branches.

 

La jungle rétrécit devant elles, et révéla un édifice en pierre couvert de mousse. « Regarde Dar. » Kerry fit un geste dans sa direction. « Est-ce que c’est un des moulins à sucre ? »

 

« Ça se peut. » Dar prit la tête vers la structure. Ça n’était plus qu’un tas de vieilles pierres aujourd’hui, un mélange de fondations de couleur corail et de briques très artisanales. Elles grimpèrent dessus et jetèrent un coup d’œil alentours. Dar imagina qu’elle pouvait encore sentir l’odeur piquante de la canne à sucre pure, une chose qu’elle avait goûtée enfant. « Tu as déjà mâché de la canne à sucre ? » Demanda-t-elle à Kerry.

 

« Moi ? » Kerry était agenouillée près d’une pièce de machine largement couverte d’une longue vigne vierge. « Tu blagues là, hein ? » Elle regarda par-dessus son épaule vers Dar. « Et d’un, je ne pense pas que ça pousse dans le Michigan, et de deux, ma mère aurait coupé les mains de celui qui aurait pu vouloir m’en donner. » Elle s’interrompit. « Et toi ? »

 

« Bien sûr. » Dar sourit. « Le mieux c’est d’en trouver un joli morceau, de le mâchouiller un peu, et ensuite de le plonger dans ta limonade. »

 

Kerry eut un regard intériorisé pendant un instant alors qu’elle passait en revue les goûts possibles, puis elle remua les sourcils et se lécha les lèvres. « Mm. » Elle se leva et prit une photo d’un morceau de machinerie. « Ça a l’air vraiment bon. »

 

Dar se dirigea vers une rangée de vieux bassins en bois cloués dans les murs avec des pointes en acier rouillé. Le moulin avait fabriqué du sucre pour la vente, et pour le rhum et la mélasse qui avaient été la raison de la colonisation de l’île. Des esclaves avaient travaillé ici, dans des conditions incroyablement brutales jusqu’à ce qu’ils finissent par s’insurger et conquérir leurs maîtres, expulsant les propriétaires de la plantation pour laisser l’île stagner paisiblement jusqu’aux temps modernes et au tourisme actuel.

 

« On a dû travailler durement ici », songea Dar, en touchant les rayures usées des éviers en bois là où des poignets nombreux avaient reposé pour laver la canne.

 

« Mm », acquiesça Kerry, imaginant la chaleur accablante de l’été. « Peut-être qu’on pourrait faire venir le personnel ici quand ils commencent à se plaindre au sujet du choix de la machine à friandises. »

 

Dar gloussa. « Prends déjà beaucoup de photos », conseilla-t-elle. « Wow, tu as vu ça ? »

 

« Qu’est-ce que c’est ? » Kerry examina les énormes roues avec curiosité.

 

« Des pierres pour moudre », expliqua Dar. « Ils mettaient la canne entre elles et la meulait, pour en faire sortir le sirop. »

 

Kerry se pencha en avant et renifla la pierre. « Ça sent plutôt la rouille maintenant », dit-elle. « C’est difficile de croire qu’un tel endroit, aussi empli de misère que ça a dû l’être, ait produit quelque chose que tant de gens considèrent comme une friandise ; »

 

« Ouais », acquiesça Dar. « En parlant de ça, tu veux qu’on s’arrête pour manger nos sandwiches ? »

 

Elles choisirent un coin au bord de l’édifice, après que Dar se fut assurée qu’elles n’allaient pas s’asseoir sur des serpents ou des scorpions. Kerry ouvrit le sac que Dar avait porté et en sortit une bouteille thermos et deux sachets bien emballés. Elle posa la thermos et déballa les sandwiches, révélant le pain blanc croustillant entourant la salade de crevette épicée.

 

« Wow. » Kerry tendit le sien à Dar. « Ça a l’air génial. Toute cette randonnée m’a donné faim. »

 

« Mmph. » Dar avait déjà pris une bouchée. Elle déboucha la thermos et en versa dans le bouchon, prit une gorgée et la passa à Kerry. « Noix de coco et fruit de la passion. Intéressant. »

 

« Très. » Kerry engloutit sa bouchée avec et en reprit une. Elle installa ses talons contre l’édifice et regarda autour d’elle, savourant la vue et la profonde liberté d’être dans un endroit inconnu avec la personne qu’elle aimait le plus au monde.

 

« Ils ont des pistes de chevaux », dit Dar avec espoir. « Ça t’intéresse ? »

 

Kerry la regarda d’un air connaisseur. « On fait un marché », négocia-t-elle adroitement. « Un jour de randonnée à cheval, et le lendemain de la voile ? » Elle n’avait pas le même enthousiasme que Dar vis-à-vis des chevaux mais celle-ci ne partageait pas son amour des sports marins.

 

Quoi qu’il en soit. Le compromis était bon. C’était une manière d’apprendre, comme tout, mais elles avaient appris à lentement équilibrer leurs différences.

 

Pour une grande part, reconnut ironiquement Kerry. Il y avait encore quelques petits trucs à revoir. « Marché conclu ? »

 

« D’accord. » Dar s’essuya la bouche avec une serviette. Elle s’adossa au mur en ruine et se détendit pendant que Kerry finissait son déjeuner, la jeune femme blonde ayant posé le coude sur le genou de Dar. « Beaucoup de gens viennent ici et campent dans le parc. »

 

Kerry regarda passer une fourmi de la taille d’une jeep. « Tant mieux pour eux », dit-elle. « J’admire leur courage et leur force morale. »

 

Dar regarda la fourmi, sursautant presque lorsque l’animal minuscule fut soudain attaqué par un lézard presque invisible dont la langue fusa et attrapa la fourmi avant que l’insecte ne puisse même lever ses antennes. Le lézard avala la fourmi et la mâcha paresseusement, faisant tourner un œil pour fixer Dar avec un intérêt bienveillant.

 

« Ah », dit Kerry en clignant des yeux. « Mère Nature en action. » Elle tendit la main vers le lézard qui en retour ouvrit sa mâchoire en grand, montrant des morceaux de la fourmi démembrée ainsi qu’une double rangée de minuscules dents aiguisées comme des rasoirs. « Beurk », murmura-t-elle. « On se sent vraiment insignifiante face à ça, non ? »

 

Dar tendit paresseusement la main et avec un mouvement rapide, elle captura le lézard. Il lutta sauvagement alors qu’elle l’amenait devant son visage. « Ecoute, fiston », grogna-t-elle à son intention. « Ne menace pas ma copine ou je vais faire du hachis de lézard, compris »

 

Kerry ne put s’empêcher de rire à l’expression d’insecte pris en faute sur le museau du lézard.

 

« Je me fiche de savoir combien de fourmis de taille de rhino tu te fais, tu me fais pas peur », l’avertit Dar alors que le lézard lui passait la langue. « Alors casse-toi. » Elle ouvrit la main et relâcha l’animal. Il sauta de sa main sur son tee-shirt puis décampa par-dessus son épaule jusqu’au mur le plus proche.

 

Kerry s’appuya sur le genou de Dar et la fixa d’un air adorateur. Dar sourit d’un air supérieur et réussit à produire un rire d’autodérision.

 

« Hé Dar ? »

 

« Ouais ? » Dar posa la tête sur le mur.

 

« Est-ce qu’on t’a déjà dit que t’étais super marrante ? »

 

Dar réfléchit. « Non, personne ne l’a jamais dit », répondit-elle d’un ton neutre. « Mais on m’a déjà dit que j’avais l’air d’être dans une cabine téléphonique avec une douzaine de porcs-épics en chaleur. »

 

Kerry embrassa le genou de Dar, puis y posa la joue. « La question que je poserais à quiconque a dit ça, serait, bien sûr, ‘comment vous le savez’ ? »

 

« C’était Eléanor. »

 

« Ah. Ça explique tout. » Kerry sourit, pressant la jambe de Dar. « Et bien, tu es super marrante et j’apprécie à fond ces vacances. »

 

Dar lui sourit de bon cœur. « Moi aussi, approuva-t-elle. « Même avec les pirates. » Elle se pencha et embrassa doucement Kerry sur les lèvres. « Je suis contente que tu t’amuses autant que moi. »

 

Elles se reposèrent encore quelques minutes, puis reprirent leur randonnée. Dar mit le sac sur ses épaules et serra les lanières, et elles prirent un chemin qui grimpait notablement. « Hé », observa Dar. « C’est une colline. »

 

« Tu es sûre de pouvoir y arriver, Sudiste ? » La taquina Kerry.

 

« Tu veux voir ça ? » Dit Dar en souriant. « On fait la course. » Elle partit en courant.

 

« Zut ! » Dit Kerry en soupirant. « Je finirai par apprendre un jour. » Elle secoua la tête et partit à la poursuite de Dar.

 

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« Beuhh. » Kerry entra sous la douche battante, se frottant le corps avec une éponge naturelle. Elle avait fini sa randonnée en sueur, couverte de poussière et pleine de feuilles sous son tee-shirt fournies gracieusement par sa compagne, et l’eau qui coulait était paradisiaque en effaçant la saleté.

 

Mais elles s’étaient tellement amusées. Kerry retira une tache de verdure de son épaule. Après qu’elle eut pourchassé Dar en haut de la colline, elles avaient roulé de l’autre côté, à travers un petit andain de sous-bois vert riche et sur une rive boueuse qui menait vers un petit ruisseau.

 

Elle avait peint Dar de boue avec ses pouces et lui avait dessiné des raies de tigre sur les pommettes, et elles avaient fini la tête la première dans le ruisseau tout en luttant joyeusement.

 

« Beurk. » Kerry se savonna les cheveux, dont le miroir avait montré qu’ils étaient plus proches du marron que du blond à cause de la boue. Elle regarda la saleté couler avec l’eau et redonner leur couleur normale à ses mèches. Puis elle coupa l’eau et sortit de la douche, se séchant rapidement avant d’enfiler un des peignoirs épais et confortables que l’endroit proposait avec bonheur.

 

Elle ouvrit la porte et entra dans leur chambre, s’ébouriffant les cheveux pour les sécher. Dar se tenait près de la fenêtre, parlant dans son téléphone, vêtue uniquement d’une culotte, et d’une serviette duveteuse qui couvrait à peine son long torse des aisselles aux cuisses. Ses cheveux mouillés étaient peignés en arrière et Kerry mit toute sa force pour s’empêcher de s’approcher et d’enlever la serviette.

 

Au lieu de ça, elle vint près de sa compagne et attendit que le regard de Dar croise le sien. « Tu es magnifique quand tu es mouillée », énonça-t-elle, ce qui arrêta Dar au milieu d’un mot et la fit cligner des yeux.

 

« Euh… » Dar s’interrompit, son train de pensées ayant totalement déraillé. « Désolée, qu’est-ce que tu disais Mark ? » Elle tendit la main et pinça le nez de Kerry. « J’ai été distraite. »

 

« Pas de problème Dar », dit Mark avec un bâillement étouffé. « Quoi qu’il en soit, la requête longue est revenue avec une tonne de merdier. Je pense que c’est mieux que tu y jettes un coup d’œil. »

 

« Qu’est-ce que c’est ? »

 

Un long silence. « Je pense que tu ferais mieux d’y jeter un œil, peut-être que tu y trouveras plus de sens que moi », répondit Mark.

 

« Hm. » Dar regarda le soleil qui peignait le ciel en commençant sa descente sur l’eau. « Très bien. Vas-y, fais un paquet et envoie. Je le prendrai quand je rentrerai de dîner. »

 

« Compris », dit Mark. « Hé, tout le monde vous salue. Maria dit de vous dire que tout est sous contrôle. »

 

Dar lança un regard à Kerry. « Contente de l’entendre », dit-elle. « Merci Mark. »

 

« De rien », l’assura le chef du SI. « Détends-toi Dar. »

 

Dar ferma le téléphone puis concentra son attention sur la silhouette en peignoir en face d’elle. « Toi, Kerrison, tu es une petite fauteuse de troubles. »

 

Kerry sourit sans se repentir. « J’ai appris de la meilleure. » Elle poussa Dar dans le ventre. « Est-ce que Mark a trouvé quelque chose ? »

 

« Oui », dit Dar en hochant la tête. « Apparemment oui, mais il ne veut pas qu’on en discute au téléphone. »

 

« Oh oh. »

 

« Ouais. » Mais Dar semblait quand même joyeuse. « Mais je préfère savoir avec quoi je traite. » Elle s’appuya contre la fenêtre et regarda dehors. « Est-ce que je peux te tenter de te joindre à moi pour l’Equateur ? »

 

« C’est le restaurant dans le vieux moulin ? »

 

Dar hocha la tête. « En voyant comme tu étais intéressée par les ruines, je me suis dit que tu aimerais manger dans l’une d’elles. » Elle prit les paréos îliens colorés en coton qu’elles avaient achetés au marché. « Et ça nous donnera une excuse pour porter ça hors de notre salle de séjour. »

 

Kerry en mit un, rouge flamme, verte et jaune vif, devant Dar. « Oh oui », dit-elle en souriant d’un air diabolique. « Je veux absolument te voir là-dedans. »

 

Dar tira ironiquement sur le vêtement voyant. « Il n’y a que pour toi que je ferai ça », informa-t-elle sa compagne. « J’espère que tu t’en rends compte. »

 

« Oh oui. » Kerry passa les bras autour de Dar dans une étreinte inattendue, submergée par une soudaine vague d’émotion. Elle serra fortement Dar, à peine capable de respirer pendant un instant.

 

« Hé », murmura Dar en lui retournant son étreinte malgré sa confusion.

 

« Seigneur. » Kerry fut surprise de sentir la piqûre des larmes. « Comment ai-je pu être aussi chanceuse de te trouver ? »

 

« Hum. » Dar fut prise à contre-pied. « Tu as été embauchée par une société dont ILS a pris le contrôle ? » Proposa-t-elle, hésitante. « En plus… je pensais que c’était moi la chanceuse. »

 

Kerry secoua la tête en silence, enfouissant son visage dans l’épaule nue de Dar.

 

Celle-ci lui massa doucement le dos à travers le peignoir, la maintenant simplement jusqu’à ce qu’elle la sente se détendre. « Chérie », murmura-t-elle. « Je suis contente que tu ressentes ceci. »

 

Kerry renifla et se contenta de la serrer plus fort. Après quelques minutes, cependant, elle soupira et pencha la tête d’un côté, pour regarder Dar. « Je ne deviens pas folle. »

 

Dar lui caressa les cheveux vers l’arrière, effaçant le reste des larmes de bout de son pouce. « Je n’ai jamais pensé que tu l’étais », dit-elle. « Nous avons simplement traversé un tas de choses cette année. Tu as le droit de criser de temps en temps. »

 

C’étaient, semble-t-il, tout à fait les bons mots Le visage de Kerry se détendit dans un large sourire et elle donna une tape affectueuse à Dar sur le côté. « Merci, Dr Dar. »

 

Dar Roberts, expert en relations et psychologue amateur. Dar sentit un rire mental et légèrement hystérique arriver. « A ton service ma chérie. » Elle embrassa la tête mouillée de Kerry à la place. « Je serai toujours là pour toi. »

 

Kerry ressentit une calme résonance en entendant ces mots. Ils touchèrent quelque chose de profond en elle et elle sentit son esprit se calmer en réponse alors qu’un sourire apparaissait sur son visage. « Je le sais », répondit-elle. « Et je serai toujours là pour toi. » Elle leva la tête et croisa le regard de Dar. « Merci de ta compréhension. »

 

Dar eut le sentiment d’être visitée par un miracle, parce que d’une manière très profonde, elle comprenait vraiment. Ou, du moins, elle comprenait que Kerry souffrait, et qu’elle avait la capacité d’arrêter la souffrance et de soigner une partie de la douleur.

 

C’était un sentiment sacrément agréable.

 

Kerry carra les épaules et relâcha Dar, la tenant brièvement par les épaules avant de reprendre les paréos « Bon alors, passons nos effets voyants et allons nous amuser. »

 

Soulagée, Dar rendit le sourire. « Très bien, allons-y. » Elle se pencha et toucha le panier fleuri. « Tu ne vas pas me faire porter un de ces trucs dans les cheveux, hein ? »

 

Kerry regarda les fleurs puis Dar. Un sourire malicieux apparut dans ses yeux. « Non… tu t’en sors là », objecta-t-elle.

 

« Oh oh. » Dar mit les mains sur ses hanches couvertes par la serviette. « J’ai des ennuis là. »

 

« Hé… mais pas trop », sourit Kerry, sa bonne humeur revenue. « Allez. On y va. »

 

Le soleil continuait à plonger paresseusement à l’horizon, peignant l’océan d’or.

 

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Fin de la partie III

A suivre partie IV 

 

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