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terrors5b

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Dar & Kerry

 

Terrors of the High Seas

Aventures en Haute Mer

 

 

Par Melissa Good

Traduction : Fryda

(fryda@orange.fr)

 

Voir les avertissements dans la partie 1

**********

Partie 5b

*********

 

Dar partit en chasse dans les ailes de la petite épicerie, une des rares clientes à cette heure matinale. Elle portait un petit panier au bras dans lequel se trouvaient déjà un quart de lait, ainsi qu’une boîte de gâteaux Oréos. Elle repéra une bouteille de sirop de chocolat et l’attrapa pour étudier l’étiquette.

 

Ah bon, ça ferait l’affaire.

 

Elle se fraya un chemin vers l’aile des sodas et choisit deux bouteilles, puis analysa le contenu de son panier et repartit vers le congélateur, échangeant son quart de lait pour un container de quatre litres et demi. Satisfaite elle alla vers la caisse unique et posa ses courses.

 

La caissière prit chaque objet et frappa son prix dans la caisse enregistreuse ancienne. « Vous avez des gamins, hein ? » Elle sourit à Dar.

 

Dar la regarda par-dessus ses lunettes de soleil. « Non. » Elle tendit un billet de vingt dollars à la femme et prit la monnaie. « C’est mon petit déjeuner. »

 

La femme regarda le sac puis Dar.

 

Celle-ci repoussa ses lunettes et prit ses sacs, se dirigeant vers la porte alors qu’un jeune couple entrait, s’arrêtant net quand ils la reconnurent et réagirent.

 

« Salut », dit Todd. « Navré pour hier soir. »

 

En un instant, toutes les oreilles autour d’eux semblèrent se tourner dans leur direction. Dar réfréna un sourire ironique. « Ne vous inquiétez pas pour ça. »

 

Rachel mit la main sur le bras de Todd. « On a entendu beaucoup de choses sur vous. »

 

Erf. « J’imagine ça », répliqua Dar. « Prenez-le au pied de la lettre. »

 

« Et bien, on est juste venus nous chercher un petit déjeuner. » Todd regarda autour de lui. « Peut-être que si vous n’êtes pas occupée plus tard, on peut s’asseoir et parler ? »

 

« D’accord. » Dar les contourna et sortit.

 

Rachel la fixa. « Elle est bizarre, Todd. »

 

Todd la mena vers l’aile de l’épicerie. « Non. Tu flippes juste parce qu’elle est lesbienne. »

 

« C’est pas vrai », protesta Rachel en remarquant les regards que leur lançait la caissière. « Ne me fais pas passer pour une petite fille juive gâtée et intolérante. »

 

« Les Oréos sont là sur la gauche », dit la caissière en leur montrant, l’air serviable. « Y en a beaucoup. »

 

Todd et Rachel échangèrent des regards intrigués puis haussèrent les épaules.

 

************************************

 

Dar enroula les poignées des sacs plastiques autour de ses mains et reprit son trajet vers la chambre. Elle avait laissé Kerry endormie, après qu’elles avaient toutes deux bougé avant l’aube, et elle avait entendu le gémissement pathétique de sa compagne qui regrettait d’avoir ouvert les yeux.

 

Le ciel était nuageux, remarqua Dar, et au loin elle pouvait entendre le grondement affaibli du tonnerre. C’était bon, parce qu’un matin orageux lui donnait une chance de s’occuper de sa chérie souffreteuse sans que Kerry ne se sente trop mal à l’idée de rater quelque chose.

 

En fait… Dar leva les yeux alors qu’une légère première ondée atteignait ses épaules. Elle jugea la distance jusqu’à la section de la résidence où elles logeaient, et se mit à courir. Tout en courant, elle serra bien les sacs pour les empêcher de balancer et traversa l’étendue à bonne vitesse.

 

Elle sauta une haie, augmentant sa foulée et tourna vers le bâtiment. Arrivée là, elle se mit d’un côté du chemin, voyant quelqu’un arriver de l’autre direction. L’homme de haute taille la vit cependant bouger et alla directement vers elle en levant la main.

 

Dar réfléchit à simplement le percuter. Il était grand mais relativement mince, et elle calcula qu’elle était probablement plus lourde que lui. Elle étudia son visage alors qu’elle approchait, découpé tel un faucon, bien rasé, avec des cheveux foncés grisonnants.

 

Elle se rendit compte que le costume qu’il portait était en soie et que son attitude projetait le fait qu’il s’attende à ce qu’elle fasse ce qu’il voulait lui.

 

Dar sourit avec témérité et ne ralentit pas. Elle concentra son regard sur l’homme et continua son rythme, les mains se serrant en poings pratiquement sans qu’elle le veuille.

 

Son papa lui avait appris à jouer les dures à partir du moment où elle avait reçu sa première bicyclette. Elle se rapprocha mais son expression à lui ne changea pas, et il tressaillit à peine, alors Dar se prépara à l’impact, prête à faire tourner son corps vers la droite et à baisser l’épaule.

 

Il attendit qu’elle sache qu’il pouvait sentir la vibration de ses pas, et alors juste au moment où ça semblait trop tard, il sauta de côté.

 

Ah. Dar ricana silencieusement, passant tout près de lui sans un mot. Elle faillit manquer son rapide bond lorsqu’il tendit la main vers elle, mais il avait méjugé de sa prise et de sa vitesse à elle, et elle l’avait déjà dépassé au moment où il tentait de l’attraper.

 

Elle attendit jusqu’à ce qu’elle sache qu’il savait qu’il avait raté son coup, et ensuite elle ralentit et s’arrêta, se retournant pour lui jeter un regard glacial.

 

Il semblait surpris. « Vous n’aimez pas qu’on vous dise ce que vous devez faire, n’est-ce pas, Ms Roberts ? »

 

Dar se contenta de rire. « Pas dans cette vie », répliqua-t-elle. « Vous voulez quelque chose ou bien vous attrapez simplement les femmes pour vous amuser ? »

 

Il se reprit et mit les mains derrière son dos. « Je m’appelle Jonathan DeSalliers », annonça-t-il. « Et je crois que nous devons parler. »

 

Dar le regarda puis leva les yeux. La pluie éclaboussa ses lunettes. « Peut-être, mais pas maintenant. » Elle se retourna. « J’ai un truc important à faire. »

 

« Ms Roberts. »

 

Dar regarda par-dessus son épaule. « Si vous voulez négocier avec moi, vous le faites à mes conditions », lui dit-elle platement. « Bonne journée. » Sur ces mots, elle repartit vers le bâtiment, reprenant de la vitesse alors que la pluie commençait à tomber plus fort. Alors qu’elle atteignait la porte, les cieux s’ouvrirent et elle se glissa dedans à temps.

 

Se retournant, elle regarda derrière elle et eut une vision satisfaisante de DeSalliers se précipitant dans la pluie, courant avec embarras dans son pantalon en soie. « Connard. » Elle laissa la porte se refermer avec un clic et se dépêcha de rentrer à la chambre.

 

Ce n’était pas vraiment la façon dont elle voulait approcher, ni même négocier avec DeSalliers, mais parfois, Dar l’avait appris, il fallait prendre ce que la vie vous donnait et en faire du mieux qu’on pouvait. Elle glissa sa clé dans le verrou et la tourna avec précautions, poussa la porte et se glissa à l’intérieur.

 

Tout était sombre. Dar avait prudemment fermé les volets avant de partir, laissant la pièce dans une luminosité apaisante. Elle posa les sacs sur la console et enleva ses sandales, puis elle alla en silence vers le lit et s’agenouilla.

 

Kerry avait toujours les yeux fermés et elle dormait sur le côté, un bras autour de son oreiller. Ses cheveux ébouriffés couvraient à demi son visage et Dar se retint de justesse de les repousser. Au lieu de ça, elle se leva et partit sur la pointe des pieds vers la console, retirant les objets qui s’y trouvaient et essayant avec difficulté d’empêcher le sac d’Oréos de faire du bruit.

 

Un léger grognement parvint du lit. « Beuh. »

 

« Hé ma jolie. » Dar posa un verre et ouvrit le lait.

 

« Beuh. » Kerry leva un peu la tête et regarda autour d’elle. « Fait sombre ici », marmonna-t-elle. « Quelle heure il est ? »

 

« Huit heures. » Dar continua à mélanger sa potion. « J’ai fermé les volets. »

 

« Tu es une déesse. » Kerry roula sur le dos et mit un bras sur ses yeux. « Seigneur, j’ai l’impression qu’un cheval m’a cogné la tête. »

 

Dar finit de mélanger et prit le verre, alla vers le lit et s’assit au bord. « J’ai quelque chose pour que tu te sentes mieux. »

 

Kerry la regarda et vit le verre. « Noooon… » Elle mit les couvertures sur sa tête. « Non… non… pas de… truc. »

 

« Allons. » Dar tira doucement sur les couvertures. « Kerry, honnêtement, ça va marcher. »

 

« Dar, si j’essaie de mettre quelque chose dans mon estomac, ça, et tout ce qu’il y avait avant va te tomber sur les genoux. Tu veux prendre le risque ? »

 

« Oui », dit Dar d’un ton persuasif. « Prends juste une gorgée. »

 

Kerry roula sur le côté et lança un regard pitoyable et misérable. « Je peux pas. »

 

Sans se décourager, Dar posa le verre et la mit dans une position plus droite. Puis elle reprit le verre et tendit à Kerry la paille qu’elle y avait glissée.

 

« Qu’est-ce que c’est ? » Kerry regardait le mélange avec doute. Tout ce qu’elle pouvait voir c’était de la mousse et des rayures foncées. « Y a pas de Worcester sauce là-dedans, hein ? »

 

« Non. »

 

« Dar je pense vraiment que je ne peux pas. » Kerry mit la main sur son estomac.

 

Dar l’étudia et vit la teinte pâlotte sur sa peau. « Essaie une fois », demanda-t-elle. « Juste une gorgée. Tu dois avaler du liquide, mon amour. »

 

Kerry soupira avec résignation et manœuvra la paille. « Comment je peux résister si tu me le demandes comme ça ? » Elle retint sa respiration et prit la plus petite gorgée possible, espérant l’avaler avant que son système ait eu le temps d’analyser ce que c’était.

 

C’était froid et effervescent, et ça glissa un peu plus facilement qu’elle l’avait imaginé. Avec précaution, elle inspira, puis se lécha les lèvres. Le goût était doux et riche, et avec des bulles en même temps, pas du tout ce à quoi elle s’était attendue. « C’est quoi ça ? »

 

Dar fut précautionneusement satisfaite de la réponse. « Quelque chose que papa m’a appris à faire. »

 

Kerry prit une autre gorgée et l’avala. « Est-ce que j’ai dit récemment combien j’adore ton papa ? » Elle sentit son estomac se calmer, et elle prit le verre, s’appuyant contre Dar en sirotant son contenu. « Tu sais quoi ? Je me fiche de ce que c’est. C’est génial. »

 

Dar sourit de satisfaction. « Contente que tu aimes. » Elle se mit à doucement masser la nuque et les épaules de Kerry. « On dirait qu’une tempête va s’installer pour un moment là-dehors. »

 

« Mm ? » Kerry continuait à boire, regardant autour de Dar vers les volets fermés. Un grondement de tonnerre les fit remuer et elle se reposa sur Dar avec un grognement satisfait. La concoction l’aidait vraiment et elle sentait la nausée pénible diminuer en même temps que les crampes douloureuses qui l’avaient presque fait courir à la salle de bains. Et pourquoi pas ? Se raisonna-t-elle. Le verre avait été empli avec amour en même temps que les autres ingrédients.

 

Mais sa tête lui faisait toujours mal. Un battement sourd qui semblait vrombir dans tout son corps et qui lui fit prendre la résolution de ne plus jamais tenter le rhum. « Reste à la bière, Kerry », murmura-t-elle. « Le pire que ça te fait, c’est d’uriner. »

 

Dar massa la nuque de Kerry, faisant disparaître des petits nœuds qu’elle pouvait sentir sous ses doigts sensibles. « Devine qui j’ai rencontré en revenant ? »

 

« Pas ces abrutis ? »

 

« Non. Leur patron », l’informa Dar. « Il voulait que je m’arrête pour lui parler. »

 

« Et ? » Demanda Kerry.

 

« J’avais d’autres choses à faire », lui dit Dar. « Mais je pense qu’il reviendra.

 

« Hm. » Kerry finit sa boisson, sirotant les dernières gouttes. Elle fixa le verre vide tristement pendant un instant, puis leva les yeux vers sa compagne pleine de sollicitations. « J’ai une chance d’en avoir un autre ? »

 

« Et comment. » Dar sourit, très heureuse de la réussite de son plan. « Ça arrive de suite. » Elle prit le verre. « Tu penses que tu peux prendre de l’aspirine pour ta tête maintenant ? »

 

Kerry réfléchit à ces mots. « Ouais. » Elle se blottit sur le côté et regarda Dar se mettre à l’œuvre. « C’est quoi dans la bouteille ? »

 

« Du sirop de chocolat. »

 

Kerry ne put s’empêcher de sourire. « Tu viens simplement de faire un soda au lait chocolaté. »

 

Dar le lui apporta. « C’est un egg cream », expliqua-t-elle. (NdlT : il s’agit normalement d’un mélange de crème liquide dans lequel on casse un jaune d’œuf, un peu à la manière des egg noggs dans lesquels on ajoute aussi un alcool)

 

Kerry prit le verre. « Mais il n’y a pas d’œufs là-dedans. »

 

« Ni de crème », acquiesça Dar, lui tendant deux cachets. « C’est un peu comme le Welsh Rabbit. »

 

« Ah. » Kerry avala l’aspirine et se remit contre la tête de lit. La pluie crépita à nouveau contre la fenêtre, et elle était plus que contente d’être calfeutrée dans la pièce sombre, avec Dar pour lui tenir compagnie. « Alors tu penses qu’il va revenir, hein ? »

 

« Ouaip », dit Dar en riant doucement. « Ensuite peut-être qu’on pourra se rapprocher de la solution de ce truc. »

 

Kerry écouta le tonnerre, ses doigts caressant paresseusement le bras que Dar avait enroulé autour d’elle. Peut-être bien, approuva-t-elle silencieusement. Mais pas à ce moment précis.

 

Un éclair éclata, faisant ressortir les volets fermés.

 

********************************

 

La pluie continuait à tomber. Kerry était en fait plutôt contente, ressentant le besoin qu’elles avaient toutes deux de souffler après l’excitation des derniers jours. Elle était blottie sur le lit, son journal bien relié devant elle. Un poème à demi fini était griffonné sur une page et à côté, une tasse fumante était posée sur la table de chevet.

 

Dar était allongée sur le sofa, une longue jambe posée sur le dossier, l’autre redressée pour tenir un livre. Elle avait un verre de lait tout près et le sac de gâteaux Oréos était ouvert tout à côté. Sur la table, son ordinateur était affairé, des lignes de données passant sur l’écran à une vitesse alarmante.

 

Kerry mordilla le bout de son crayon en regardant Dar lire, son regard glissant sur la page puis s’interrompant pour que ses longs doigts la tournent. Elle portait un short en coton doux et un tee-shirt, et même comme ça elle réussissait à paraître extrêmement sexy.

 

Comment faisait-elle ça ? Se demanda Kerry. Elle pencha la tête et regarda sa compagne avec une curiosité intriguée. Ce qui frappait vraiment chez Dar, elle s’en rendit compte, c’était combien elle était bien proportionnée. Bien que grande, et que ses bras et jambes fussent longs, son corps l’était aussi et tout semblait bien aller ensemble.

 

Le coton blanc faisait ressortir son bronzage et alors qu’elle tournait une autre page, le mouvement subtil du muscle sous sa peau fut visible aux yeux appréciateurs de Kerry.

 

Celle-ci soupira et posa le menton sur son bras, se sentant un peu assommée par la fête de la veille. Son estomac n’était pas d’humeur à accepter plus que du thé, et sa tête ne s’était pas arrêtée de battre. L’inconfort rendait la concentration difficile pour écrire et en plus, il était plus plaisant de traîner au lit et de regarder Dar.

 

Elle avait un si beau profil. Kerry cligna des yeux rêveusement. Tout en angles, avec des surfaces nettes et anguleuses, un joli nez et des lèvres bien découpées.

 

Et les yeux, bien sûr. Kerry sourit.

 

« Ker ? »

 

Oh oh. « Hmm ? »

 

« C’est pour quoi ce sourire stupide ? »

 

« Je souriais stupidement ? » Kerry roula sur le dos et tira les couvertures sur son pyjama. « Je n’arrive pas à finir ce poème. » Elle changea de sujet. « Je suis coincée au milieu. »

 

« De quoi ça parle ? » Dar glissa un marque-page dans son livre et le posa, se tournant sur le côté pour concentrer son attention sur Kerry.

 

Ah, ces yeux. Kerry se retrouva soudain perdue en eux, jusqu’à ce que le sourcil haussé au-dessus lui fasse réaliser qu’elle fixait comme une imbécile. « Désolée, c’était quoi la question ? »

 

« Tu ressens encore les effets du rhum ? » Demanda Dar avec curiosité.

 

Kerry posa la tête sur son bras. « Peut-être », admit-elle. « Je me sens juste un peu idiote, je pense. »

 

Dar se leva et alla vers le lit. Elle s’assit près de Kerry et lui massa l’estomac à travers les couvertures. « Tu veux essayer de manger un toast ou des céréales ? »

 

Kerry se blottit plutôt autour de Dar, et posa la tête sur sa cuisse. « Je pense que je te veux toi. » Elle planta un baiser sur la peau bronzée et ferma les yeux.

 

Dar se demanda plaintivement si l’hôtel leur compterait le nettoyage de toute la mièvrerie sentimentale qu’elle exsudait à cet instant. Elle ne s’était jamais considérée comme quelqu’un de sensible, mais depuis qu’elle avait rencontré Kerry, elle avait l’impression de vivre au milieu d’un cercle de chiots Golden Retriever perpétuellement adorables.

 

Ça l’inquiétait parfois. Dar sentait des parties de l’image qu’elle avait toujours eue d’elle-même tomber en pièces et disparaître et elle était un peu mal à l’aise de savoir que ça se produisait et qu’elle n’y pouvait rien.

 

Oh bon. Dar entoura les épaules de Kerry de son bras et s’y résigna. « Je vais te dire un truc », dit-elle. « Je vais chercher mon ordinateur et on peut jeter un œil sur ce qu’on a récupéré. »

 

Kerry la relâcha à contrecœur et s’assit. « D’accord. »

 

Dar se mit debout et prit l’objet puis revint. Elle s’assit sur le lit et se pencha en arrière, l’ordinateur posé sur les cuisses. Kerry se tortilla et s’installa près d’elle. Elles regardèrent l’écran alors que Dar entrait une requête en douceur.

 

« Okay. » Dar passa en revue ses résultats de programme. « Ce que je cherchais… »

 

« Est un lien entre la piraterie et DeSalliers », murmura Kerry, en tendant la main pour toucher l’écran. « Joli code, chérie. J’aime bien cette analyse récursive. »

 

« Merci. » Dar sourit à l’écran d’un air supérieur. « Voyons ce qu’il a trouvé. » Elle amena deux écrans et les mit face à face, les déroulant en même temps tout en les regardant défiler. « Six ? Il y en a eu plus de deux douzaines. Bon Dieu. »

 

Kerry était choquée. Deux douzaines d’abordages dans la zone et personne n’avait rien dit. Ça amenait à une conclusion définitive. « Est-ce que ça vient des fichiers de la police ? » Demanda-t-elle en pointant les résultats de piraterie.

 

« Tu veux rire, non ? » Dar la regarda. « Non. Ce sont les déclarations faites aux assurances. « Elle appuya sur une touche. « Ah. On dirait bien que les assureurs commencent à avoir des soupçons. Celui-ci a lancé une enquête. »

 

« Hm. Alors les pirates vont avoir leur argent, mais les types qu’ils ont attaqués peut-être pas ? »

 

Dar secoua la tête. « Non, ils vont devoir payer à moins qu’ils ne pensent que les propriétaires sont en cheville avec les pirates juste pour faire une réclamation. La plupart des gars qui peuvent acheter des bateaux comme ceux-là ne s’embêteraient pas. » Elle fit une vérification. « J’espérais voir une corrélation entre les opérations de récupération de DeSalliers et les bateaux disparus, mais on dirait bien que c’est la première fois que sa troupe se montre dans cette zone. »

 

« Mm. » Kerry fronça les sourcils. « Ouais. » Elle posa le menton sur l’épaule de Dar. « Tu peux pointer les zones de piraterie ? »

 

Dar étudia les données puis elle amena un code à l’écran et commença à taper rapidement, ne s’arrêtant que pour aller à une fenêtre différente et récupérer des données avant de reprendre la programmation. Après quelques minutes, elle lança le programme, et une nouvelle fenêtre apparut avec un contour approximatif des îles, l’espace les entourant parsemé de petits signes plus. « C’est pas joli, mais voilà. »

 

« Hmmm. » Kerry étudia le graphique, puis soupira. « Pas de véritable combinaison, hein ? »

 

« Nan. »

 

« On se heurte au néant là, Dar. »

 

« Oui », dut admettre Dar.

 

Un coup à la porte les surprit. Kerry sentit le corps de Dar se raidir et elle mit la main sur son bras. « J’y vais. » Elle roula de l’autre côté du lit avant que Dar puisse protester et alla à la porte, se passant la main dans les cheveux sans s’en rendre compte. Elle regarda dans l’œilleton, soulagée de ne voir que du personnel de l’hôtel.

 

« Bonjour. » Kerry ouvrit la porte et fit un sourire inquisiteur.

 

« Madame ? J’ai un message pour une Ms Roberts ? » L’homme tendit l’enveloppe.

 

« Je le prends. » Kerry tendit la main.

 

Il le lui donna à contrecœur. « Le monsieur a dit de s’assurer que Ms Roberts aurait ce message. »

 

« Elle l’aura. Je vous le promets. » Kerry rentra la tête et ferma la porte avec énergie. Elle se retourna et faillit bondir hors de son tee-shirt quand elle trouva Dar qui se tenait silencieusement derrière elle. « Ouah ! Seigneur, Dar ! »

 

« Quoi ? » Dar prit le message. « Tu ne t’attendais pas à ce que je soies dans la chambre ? Qu’est-ce qui se passe, Ker ? »

 

« Je ne t’ai pas entendue arriver derrière moi, espèce de fureteuse. » Kerry regarda par-dessus son épaule alors que Dar ouvrait l’enveloppe. C’était du papier standard de l’hôtel et le message était écrit avec de l’encre noire dans une écriture distincte et forte. « De qui c’est ? »

 

Le regard de Dar alla au bas du message, puis remonta. « DeSalliers », déclara-t-elle brièvement. « On dirait qu’il veut toujours monter un rendez-vous pour parler. »

 

Kerry lut le message. « C’est un connard arrogant, n’est-ce pas ? »

 

« J’ai failli le faire tomber sur le cul dehors », murmura sa compagne. « Je ne pense pas qu’il m’aime beaucoup. »

 

Chère Ms Roberts

 

Je vais faire l’impasse sur les politesses. Je dois parler affaires avec vous. Je serai disponible cet après-midi pour vous rencontrer et déterminer si cette affaire peut être réglée entre nous ou s’il faut faire intervenir les autorités. Soyez à mon emplacement sur le quai à trois heures.

 

 

 

J. DeSalliers

 

 

 

« Tu aurais dû le faire tomber sur la tête. Peut-être que ça lui aurait mis de la jugeote. » Kerry secoua la tête. « Est-ce qu’il a oublié qu’il nous pourchassait ? » Ajouta-t-elle. « Ou bien c’est autre chose ? »

 

Dar plia le message et le remit dans l’enveloppe. « Je présume qu’on va le savoir », dit-elle. « Bien que, si tu ne te sens pas le courage… »

 

« Ah ah ah. » Kerry lui mit la main sur la bouche. « N’essaie même pas », dit-elle. « Tu ne me laisses pas derrière toi. »

 

Les yeux bleus s’agrandirent au-dessus de ses doigts.

 

Kerry retira sa main. « Mais est-ce qu’aller sur un bateau n’est pas un peu risqué ?»

 

« Peut-être », reconnut Dar. « Il faudra qu’on improvise. » Elle jeta l’enveloppe sur le bureau et alla à la fenêtre, regardant le temps toujours orageux. Est-ce qu’elle était folle de faire ça ? Elles étaient loin de la maison, et opéraient par elles-mêmes. Dar n’était pas stupide et si elle regardait avec logique le scénario de deux dirigeantes quelque part dans les Caraïbes en train de jouer avec le feu comme ceci, elle serait forcée d’admettre que ça n’était pas l’idée la plus maligne au monde.

 

Bon Dieu. Dar savait qu’elle aimait prendre des risques et elle avait beaucoup confiance en son jugement et sa capacité à s’occuper d’elle. Mais est-ce que ça n’allait pas trop loin ? Est-ce qu’elle ne flattait pas son ego ?

 

« Tu sais quoi ? » Kerry était venue près d’elle et s’appuyait sur l’encadrement de la fenêtre. « Je pense que nous sommes des fauteuses de troubles nées. »

 

Dar la regarda.

 

« Nous sommes si habituées à régler les problèmes, nous ne nous arrêtons pas vraiment même si le problème devrait être réglé par quelqu’un d’autre.

 

Un peu prise de court, Dar se retourna et croisa les bras. Elle était surprise d’entendre ses propres pensées en écho. « Tu penses que quelqu’un d’autre devrait résoudre ce problème ? »

 

Kerry garda le regard sur l’horizon et hocha la tête légèrement. Elle se tourna pour faire face à Dar. « Mais les gens qui devraient le faire pourraient faire partie du problème », dit-elle. « C’est ce que tu penses, n’est-ce pas, est-ce que les flics sont impliqués ? »

 

Dar hocha la tête. « Je le pense oui. »

 

« L’attitude de tout le monde semble être d’étouffer l’affaire. Laissons venir les touristes gras et heureux et si quelques-uns sont touchés, et ben, alors c’est bon, parce que la plupart ne le seront pas et on a besoin de leur argent », dit Kerry. « Ils ne nous ont pas touchées, alors on pourrait laisser filer, Dar. Juste prendre notre bateau et partir en croisière loin d’ici. Les laisser résoudre leurs propres problèmes. »

 

« On le pourrait. »

 

Les yeux verts brillèrent. « Mais merde. »

 

Dar sourit.

 

« J’ai vécu les vingt-six premières années de ma vie à maintenir un statu quo, Dar », dit Kerry d’un ton ferme. « Je veux bouger les choses et faire une différence. Même si ça veut dire prendre un risque. » Elle pointa un doigt vers Dar la poussant dans le bras. « Et toi, Paladar Roberts, tu es une vengeresse masquée née même si tu démens. »

 

Dar se frotta la nuque « Je ne suis pas sûre que je le dirais comme ça », admit-elle. « Mais j’aime bien lutter pour la bonne cause, et gagner, si c’est ce que tu veux dire. » Elle regarda par la fenêtre. « Et je ne fais pas confiance aux gens pour arranger les choses simplement parce qu’ils sont supposés le faire. »

 

« Je sais. » Kerry la regarda avec un doux amusement. « Je suis toujours remuée de voir ton login qui vient me contrôler. » Elle vit Dar se raidir et se rendit compte qu’elle l’avait mise mal à l’aise. « C’est comme de passer un examen », continua-t-elle rapidement. « Parce que je sais que si tu ne me dis rien, c’est que j’ai bien fait. »

 

L’expression de Dar se transforma en un mélange de consternation et d’air penaud. « Je te fais confiance », dit-elle. « Tu fais juste les choses si différemment de moi que c’est… »

 

« Dar, nous avons déjà eu cette discussion », l’interrompit calmement Kerry. « C’est vraiment okay, tu es ma chef et c’est ton boulot de t’assurer que les choses se font. » Mais elle sentit le bouleversement dans la jeune femme près d’elle. « Je sais que tu me fais confiance. »

 

« Ça n’a rien à voir avec la confiance », marmonna Dar. « J’étais juste curieuse. » Elle soupira. « J’aime savoir comment vont les choses, alors j’étais curieuse de savoir ce que tu avais fait. Et je suis allée voir après que tu as eu fini. »

 

Kerry cligna des yeux. « Tu veux dire que tu n’étais pas… »

 

« Non. » Dar secoua la tête. « Je suis navrée que tu aies pensé ça. »

 

« Oh. » Kerry s’assit sur le bord de la fenêtre, la tête penchée d’un côté alors qu’elle absorbait cette information. « Wow. »

 

« J’ai vérifié les quelques premières fois, mais c’était avant que tu n’ailles clôturer quoi que ce soit », dit Dar. « Alors s’il y avait un problème, je pourrais le régler. Après ça… non. » Elle s’assit près de Kerry. « Tu n’as pas fait les choses comme je les aurais faites, mais ça a marché et c’est tout ce qui m’importe sur le long terme. »

 

Kerry se gratta la mâchoire. « Hum. » Elle s’éclaircit la gorge. « Navrée d’avoir présumé. »

 

« C’est bon », dit Dar en soupirant. « C’est une présomption raisonnable s’agissant de moi. »

 

Elles se regardèrent. « Je pense que nous nous sommes un peu éloignées du sujet », admit Kerry. « Alors est-ce qu’on poursuit ce crétin ? »

 

Dar soupira. « Oui, je pense que nous nous sommes éloignées », dit-elle. « Allons voir ce qu’il veut. Peut-être qu’on peut juste lui parler et régler une partie du bazar. »

 

Kerry hocha la tête. « Okay. »

 

Elles restèrent assises là pendant un moment en silence. Puis Kerry prit une inspiration. « Alors, j’ai… »

 

« Tu as été géniale », la coupa Dar. « Tu m’as impressionnée à mort », ajouta-t-elle. « Ou bien, en tant que chef, j’aurais dit quelque chose. »

 

Kerry poussa doucement le mur de ses talons. « Je me disais ça. Mais c’est bon de l’entendre. »

 

Dar se fit une nouvelle note mentale de travailler sur son retour positif. C’était si facile de dire à quelqu’un qu’il s’était trompé, et elle oubliait souvent de s’occuper du contraire. Erreur. Elle savait bien pourtant. « Navrée de ne pas avoir pris le temps de te laisser savoir », dit-elle à Kerry. « J’essaierai de faire mieux. »

 

Kerry la regarda. « Merci chef. »

 

Dar lui lança un regard désabusé puis rit. « Allons nous habiller. On peut aller te trouver de la soupe pour le déjeuner. »

 

« C’est parti. » Kerry se pencha en avant et étreignit Dar d’un bras. « Partons pour les croisades. »

 

Le tonnerre grondant éclata en réponse enthousiaste.

 

************************************

 

Kerry se tenait à la porte à l’intérieur de la véranda du restaurant et regardait la pluie tomber. Elle avait réussi à avaler un bol d’une soupe sans goût à la crème de quelque chose et des biscuits pour le déjeuner et son corps semblait s’être remis presque à la normale.

 

Dar avait été très calme depuis leur départ de la chambre, et Kerry sentait qu’il y avait toujours un peu de tension entre elles après leur plongée abrupte dans le côté boulot de leur vie. Il y avait des moments, admit-elle pour elle-même, où elle souhaitait qu’elles ne travaillent pas de manière aussi proche.

 

Ça ne l’ennuyait pas que Dar soit son superviseur, pour autant que ça l’était avec les responsables de la compagnie, Dar était meilleure que beaucoup d’autres dans ce département. C’était juste que leur relation s’approfondissait et évoluait, et que séparer leurs vies au travail devenait de plus en plus dur pour elles deux.

 

Dans ce cas, elle savait qu’elle avait mis Dar mal à l’aise, au sujet de ses présomptions même si ça n’ennuyait pas Kerry qu’elles soient en fait réelles. La première fois qu’elle avait repéré le login, elle avait été un peu mal à l’aise, mais après ça, elle le cherchait, presque avec anticipation. ‘La touche finale de Dar’ était devenue une façon pour elle de clôturer un projet et elle savait qu’une fois qu’elle l’avait vue, elle pouvait mettre le bébé au lit sans s’inquiéter que ça vienne lui sauter au visage. C’était une sensation de sécurité.

 

Kerry soupira. Beurk. Cependant, maintenant qu’elle y réfléchissait, le fait que Dar prenait le temps de vérifier ses techniques, de les évaluer et d’apprendre comment elle faisait les choses était extrêmement flatteur. Pourtant elle se rendait compte que le fait que Dar fourrait son nez dans ses affaires ne l’était pas.

 

Alors.

 

Elle entendit des bruits de pas derrière elle, et Dar émergea sur le porche, se tenant là tranquillement une sucette à la menthe dans la bouche. Kerry recula d’un pas et s’appuya contre elle, sentant le corps de Dar se détendre au contact. Elle enroula ses doigts autour de ceux de Dar et les serra, et elle sourit légèrement en sentant la pression en retour.

 

« Tu vas bien ? » Demanda Dar.

 

« Plutôt », répondit Kerry en tournant la tête pour regarder Dar. « Et toi ? »

 

Dar la regarda avec une expression intriguée, puis son visage se détendit en un sourire. « Je vais bien », rassura-t-elle Kerry. « Mais tu veux bien me faire une faveur, oui ? »

 

« Tout ce que tu veux », répondit Kerry avec sincérité.

 

« Demande-moi la prochaine fois. »

 

Kerry comprit ce qu’elle voulait dire. Demande, au lieu de présumer. C’était un concept-clé qu’elle pensait avoir appris de Dar dès le début, elle avait seulement rarement besoin de l’appliquer à sa chef très honnête. « D’accord », promit-elle.

 

« Okay. » Dar lui donna une tape sur la hanche. « Tu es prête à aller rencontrer notre mystérieux adversaire ? »

 

« Aussi prête qu’on peut l’être. » Kerry sentit ses tripes se nouer alors qu’elles fermaient leurs blousons et remontaient leurs fermetures. Puis elle descendirent les marches et partirent sous la pluie. Les gouttes frappèrent ses épaules rudement, dessinant un petit tatouage alors qu’elle gardait la tête basse et marchait.

 

Dar mit le bras autour de ses épaules et l’attira spontanément plus près, se tournant légèrement pour prendre le plus gros de la pluie sur sa silhouette plus grande. Elle concentra son attention sur les quais approchants, repérant la silhouette inquiétante du grand bateau noir à la toute extrémité.

 

Son pouls prit de la vitesse.

 

Deux hommes gardaient la passerelle quand elles arrivèrent. Dar s’arrêta à une bonne distance d’eux et mit les mains dans ses poches. Elle les fixa jusqu’à ce qu’ils soient mal à l’aise, puis elle sortit l’enveloppe de sa poche et l’envoya tel un frisbee vers le plus proche, le frappant dans la poitrine.

 

Dix points pour le style. Dar remit sa main dans son refuge sec et attendit.

 

Le garde remua pour attraper l’enveloppe et y parvint avant qu’elle touche le sol. Il lança un regard menaçant à Dar puis l’ouvrit et déplia le papier. Après avoir lu, il se retourna et parla dans la radio attachée à son épaule.

 

Kerry se balançait doucement d’avant en arrière sur ses talons, prenant le temps d’étudier le bateau. La proue près de la ligne d’eau fraîchement repeinte, et elle jugea qu’ils devraient remettre au moins dix pieds de la fibre de verre. Elle rit silencieusement mais leva les yeux en entendant le garde se rapprocher.

 

« Suivez-moi. » Le garde parla d’un ton rude à Dar. « Juste vous. »

 

« Mon cul », répliqua Dar avec une voix plaisamment traînante. « Dites à votre chef que s’il veut parler, il sort. »

 

Le garde se contenta de la regarder.

 

« Allez », le poussa Dar. « Oui ou non, soixante secondes. »

 

L’homme ricana puis se tourna à nouveau et parla dans son épaule.

 

« Ça fait pas le cou raide après un moment comme ça ? » Murmura-t-elle à Dar.

 

« Tu commences à le faire même quand tu ne portes pas ce foutu truc », murmura Dar en retour. « Comme dans le supermarché. Te voilà en train d’acheter du lait près d’un type qui parle à son bras. »

 

Kerry ricana. « Est-ce que c’est comme ‘parle à la main, copain, parle à la main ?’ » Elle bougea les doigts dans un geste de marionnette.

 

Dar secoua la tête. « Ces types sont comme des personnages de dessins animés. » Elle montra le garde qui s’approchait d’elles à nouveau, son physique de culturiste bougeant comme un ballon des Galeries Lafayette.

 

« M. DeSalliers dit qu’il n’a pas le temps de jouer avec vous », annonça le garde.

 

« Très bien. » Dar leva la main. « Hasta Manana, connard. » Elle se retourna et commença à repartir vers les quais. « S’il change d’avis, nous sommes à l’emplacement trente. »

 

« R’voir. » Kerry remua les doigts vers les hommes avant de partir derrière Dar. Elle rattrapa sa compagne après quelques pas, et elles continuèrent ensemble. « Alors », dit-elle. « Et maintenant ? »

 

Dar regarda la montre à gousset attachée à sa ceinture. « Donnons-lui une minute. »

 

C’était vraiment un gros jeu, en quelque sorte. Kerry s’était habituée aux manœuvres délicates et parfois pas si délicates du conseil d’administration. Ça ne semblait pas si différent.

 

« Ms Roberts ! »

 

« Ooh, tu es bonne. » Kerry fit claquer sa langue.

 

Dar s’arrêta et regarda par-dessus son épaule, ses yeux cachés par les lunettes de soleil malgré la pluie. Ah. DeSalliers lui-même trottinait le long du quai vers elles, son blazer bleu tacheté de pluie. Dar se retourna complètement et attendit, ayant obtenu ce qu’elle voulait. « Oui ? »

 

« Ms Roberts, Ms Roberts », dit DeSalliers en soupirant. « Vous savez, je pense que nous avons vraiment démarré du mauvais pied. » Son attitude, complètement inverse de celle du matin, semblait presque amicale. « Tout ce que nous faisons c’est mettre de plus en plus d’hostilité. Est-ce qu’on peut renverser la vapeur ? »

 

Dar le regarda avec prudence.

 

« S’il vous plait », continua DeSalliers. « Entrons, loin de cette fichue pluie, et parlons »

 

Le risque semblait acceptable, se dit Dar, en pesant le tout. « Très bien », acquiesça-t-elle.

 

« Génial. » Il commença à prendre la tête vers son bateau. « Je suis sûr que nous pouvons trouver une meilleure compréhension l’un de l’autre, si nous y mettons juste un peu d’effort. » Ça n’est qu’à ce moment-là qu’il sembla remarquer la présence continue de Kerry. « Désolé. Je ne pense pas que nous nous soyons rencontrés ? »

 

« Kerry. » Celle-ci tendit promptement la main.

 

« Ah. » DeSalliers la prit et la serra brièvement. « Et vous êtes… »

 

« La carte American Express de Dar », répliqua doucement Kerry. « Elle ne quitte jamais la maison sans moi. »

 

Dar dut se mordre l’intérieur de la lèvre pour ne pas sourire. « C’est ma compagne », dit-elle succinctement.

 

Ils passèrent les deux gardes qui jetèrent un regard noir à Dar quand elle passa près d’eux. Elle ignora leur attitude et suivit DeSalliers sur la longue passerelle jusqu’au pont de son bateau, sautant avec aisance après lui sur le vaisseau.

 

Kerry suivit Dar sans difficulté, jetant un coup d’œil au pont du grand bateau alors qu’ils se dirigeaient vers la cabine. Le sol du pont était couvert d’un revêtement d’herbe synthétique Astroturf garanti tous temps et incroyablement moelleux, et il y avait deux gardes supplémentaires de chaque côté, les mains croisées derrière le dos. Ils étaient grands et à l’air en bonne santé, et ils firent irrésistiblement penser à du bétail à Kerry. « Meuh », marmonna-t-elle entre ses dents.

 

Dar serra les épaules dans un rire silencieux.

 

Elles suivirent DeSalliers dans la cabine, et trouvèrent un espace aussi ostensiblement bien fourni que le pont extérieur le suggérait. C’était plein de meubles noirs en cuir et en teck, et sentait profondément la masculinité. D’un côté se trouvait un bar, bien fourni avec un support en hauteur pour les verres. Au-delà du bar, un espace de loisirs avec un salon circulaire. Vers le fond se trouvait une cuisine spacieuse, et derrière une porte fermée qui menait à des endroits plus privés de la cabine du bateau.

 

Les fenêtres étaient si teintées que la lumière pénétrait à peine. La plus grand partie de la clarté était fournie par des appliques près des murs, et un rayon extrêmement brillant qui éclairait fortement la table à manger, illuminant un vase de cristal avec une simple rose rouge parfaite à l’intérieur.

 

« S’il vous plait, asseyez-vous », dit DeSalliers, en allant vers le bar. « Vous voulez boire quelque chose ? »

 

« Non merci », répondit Kerry. Elle attendit tranquillement à la porte, regardant autour d’elle.

 

Dar faisait le tour de la cabine, examinant les teintures de type oriental sur les murs. « Rien pour moi merci. » Elle s’arrêta devant une petite peinture près de la cuisine, se penchant un peu lorsqu’elle reconnut le style. Elle haussa les sourcils derrière ses lunettes.

 

« Belle œuvre, n’est-ce pas ? » Leur hôte parla derrière elle. « J’en ai une plus grande à la maison. Ça capture vraiment la majesté de l’océan. »

 

Dar se redressa. « Très joli. » Elle retira ses lunettes et se retourna, mâchouillant une branche en regardant DeSalliers. « Je ferai part de vos compliment à ma mère. »

 

L’homme se figea. Son front se contracta férocement, lui donnant un air presque comique alors qu’il s’arrêtait de se verser un verre de ce qui semblait être du scotch. « Pardon ? »

 

Dar fit un geste du pouce par-dessus son épaule vers la petite peinture. « C’est l’œuvre de ma mère », répondit-elle d’un ton neutre. « Les paysages marins sont un de ses thèmes favoris. »

 

DeSalliers posa le verre et mit les mains sur le bar. « Et bien, et bien », murmura-t-il. « Vous êtes une véritable boîte de Pandore de surprises, n’est-ce pas Ms Roberts ? » Il prit son verre et le fit tournoyer, faisant le tour de Dar. « J’envoie une requête, m’attendant au mieux à tomber sur une riche gamine gâtée qui sillonne les Caraïbes, et qu’est-ce que je trouve ? La DSI de la plus grande organisation de services informatiques du monde. » Il fit une pause. « Quelle surprise. »

 

Dar haussa les épaules. « Nous sommes à égalité. Je sillonne les Caraïbes simplement pour les vacances et qu’est-ce que je trouve ? Des abrutis qui pourchassent mon bateau, entrent par effraction dans ma chambre d’hôtel et des menaces vagues et inutiles envoyées par coursier », contra-t-elle. « Quelle surprise. Tout ce à quoi je m’attendais, c’était un temps agréable et quelques bons homards. »

 

DeSalliers soupira. « Je pensais que nous essayions de partir d’un meilleur pied. »

 

Dar étendit les mains, les deux sourcils dressés. « Je reviens d’une fichue plongée et l’instant d’après, j’apprends que vos brutes me poursuivent. »

 

« Bon, Ms Roberts. » L’homme leva une main apaisante. « Je me rends compte maintenant que nous vous avons approchée de la mauvaise manière. »

 

« Vous voulez dire qu’après que les trucs d’intimidation n’ont pas marché, vous décidez de trouver qui vous pourchassez ? » Commenta Kerry depuis la porte.

 

DeSalliers lui lança un coup d’œil. « Ecoutez. » Il avait apparemment décidé que le truc de l’hôte gracieux ne marchait pas. « Venons-en au fait. »

 

« Enfin. » Dar mâchouilla à nouveau ses lunettes. Puis elle alla vers le fauteuil en cuir confortable le plus proche et s’y affala. Kerry saisit le signal presque imperceptible et la rejoignit, se perchant sur l’accoudoir.

 

« D’accord. » DeSalliers s’adapta à nouveau, prenant le fauteuil en face d’elles. « Voici le marché. » Toute son attitude avait changé, passant au rude homme d’affaires. Presque comme Dar en fait. « J’ai un bout d’océan dont je possède les droits pour la récupération. Vous plongez dans cet endroit et retirez quelque chose. Je le veux. »

 

« Okay. » Kerry prit la parole. « D’abord, vous n’avez pas marqué le site. » Elle pointa sur ses doigts. « Vous n’avez pas mis de bouée, vous n’avez pas mis de drapeau de plongée, et il n’y avait aucune mention sur l’épave. »

 

Il prit une gorgée de sa boisson. « Nous allions le faire. »

 

« Qu’est-ce qui est si important sur cette épave ? » Demanda Kerry. « Je l’ai vue. C’est un vieux chalutier de pêche avec plus de corail que d’acier. »

 

« Ça ne vous regarde pas. »

 

« Alors. » Dar prit la conversation en cours. « Pour votre information, nous avons pris une conque et l’avons apportée en surface. Vous n’avez pas de droits de récupération sur les invertébrés marins ou leurs structures extérieures calcifiées. »

 

L’homme pianotait nerveusement sur son genou, qui remuait de tension. « Je suis vraiment navré », dit-il calmement. « Mais je ne vous crois pas. »

 

« Pourquoi ? » Demanda Kerry soudainement. « Excusez-moi mais pourquoi on s’intéresserait à de la récupération maritime ? On est des fondues de sports de plongée. » Elle se leva et fit les cent pas. « C’est ce que je ne comprends pas au sujet de ce scénario. Qu’est-ce qui vous fait croire qu’on a un quelconque intérêt sur les trucs que vous recherchez ? »

 

DeSalliers la fixa à travers ses paupières à demi-fermées. « Qui êtes-vous ? »

 

Dar se pencha en avant et attira son attention. « Qu’est-ce que vous cherchez ? » Demanda-t-elle d’une voix basse et vibrante. « Si c’est ce que nous avons pris dans l’eau, nous allons vous le dire. »

 

Son regard noir se plongea dans celui de Dar. Ils se fixèrent un long moment. « Je ne peux pas vous le dire », finit par dire DeSalliers.

 

Dar commença à se lever. « Perte de temps. »

 

« Ms Roberts. » Il se leva également et leva la main. « Je le pense vraiment. Je ne peux pas le dire.»

 

« Vous ne savez pas ce que c’est », se rendit compte Kerry. « Vous n’avez aucune idée de ce que vous cherchez, n’est-ce pas ? »

 

DeSalliers se détendit dans son fauteuil avec un soupir dégoûté.

 

Dar se rassit et croisa les chevilles. « Je n’achète pas. » Elle secoua la tête. « Comment pouvez-vous lancer une requête de récupération sur un objet inconnu ? » Demanda-t-elle à leur hôte.

 

Il se massa les tempes. « Est-ce que vous avez déjà été prise à votre propre piège, Ms Roberts ? » Demanda-t-il. « Obligée de mettre en jeu votre propre réputation ? »

 

Dar réfléchit à la question. « Non », répliqua-t-elle. « Pas encore, en tous cas. »

 

Kerry s’avança et s’agenouilla près du fauteuil de DeSalliers, posant son bras près du sien. « Racontez-nous, M. DeSalliers. Dites-nous ce qui se passe bon sang. Peut-être qu’on peut vous aider. » Elle lui lança un regard calme et sincère. « Il vaut mieux nous avoir comme amies que comme ennemies, croyez-moi. »

 

Il hésita puis prit une inspiration.

 

La porte s’ouvrit brusquement et l’un des gardes se précipita à l’intérieur. « Monsieur ! Monsieur ! Il est là-dehors ! Ils plongent dans l’épave ! »

 

« Merde. » DeSalliers se mit rapidement debout. « Je vais tuer ce petit salaud. Larguez les amarres ! » Il s’apprêta à quitter la cabine puis se souvint apparemment de ses invitées. « Navré. J’espère que vous apprécierez la ballade. »

 

Dar et Kerry étaient debout et se dirigeaient vers la porte. DeSalliers la passa avant qu’elles ne puissent l’atteindre et le garde la ferma brutalement, leur faisant face avec un air de menace musclée.

 

« Vous feriez mieux de vous asseoir mesdames », dit le garde d’un ton bourru.

 

Dar tendit ses lunettes de soleil à Kerry. « Je vous suggère de bouger », répliqua-t-elle au garde d’un ton neutre. « Nous partons. »

 

« ‘Sseyez-vous », répéta le garde en pointant du doigt.

 

Dar s’avança sur lui. « Bougez de là. » Elle le cloua d’un regard glacial.

 

« Madame, je vais vous botter le cul si vous ne vous asseyez pas », lui dit le garde.

 

« Essayez. » Dar ne recula pas. Elle sentit son corps réagir au danger, l’adrénaline surgissant pour apporter une vague de sang à sa peau alors qu’elle cherchait son équilibre. Le garde faisait deux fois sa taille mais à ce moment-là, ça lui importait franchement peu. Il était entre elle et la sécurité pour Kerry et elle.

 

Il bougeait.

 

Les moteurs du bateau prirent vie dans un grondement. Dar plia les mains et laissa la sombre énergie en elle se dérouler alors qu’elle s’avançait vers la porte.

 

Le garde tendit la main vers elle en jurant. Ils s’agrippèrent brièvement puis il projeta Dar contre le mur, l’attaquant alors qu’elle rebondissait. Il avait une main tendue vers elle, l’autre serrée en un poing.

 

Dar attrapa sa main et tournoya, le frappant d’un coup de pied de côté qui l’atteignit pile dans la mâchoire. Sa tête partit en arrière et elle lui fit perdre l’équilibre, puis elle fit un tour sur elle-même et le souleva par-dessus son épaule, le jetant sur le sol. Avec un ricanement, elle attrapa la poignée de la porte et l’ouvrit brusquement, alors que Kerry sautait par-dessus l’homme assommé pour la rejoindre.

 

Elles regardèrent le quai qui s’éloignait, l’eau bleue entre elles et lui. Deux gardes se tortillaient vers elles. « Ça te dit de nager ? » Demanda Dar, s’avançant déjà vers le bastingage arrière.

 

« Où tu vas, je vais. » Kerry évita un bras tendu et elles se précipitèrent pour traverser le pont, entendant DeSalliers hurler derrière elles alors qu’elles sautaient par-dessus le bastingage pour plonger ensemble dans les eaux agitées.

 

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Fin de la partie V

A suivre partie VI 

 

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