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terrors6b

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

Dar & Kerry

 

Terrors of the High Seas

Aventures en Haute Mer

 

 

Par Melissa Good

Traduction : Fryda

(fryda@orange.fr)

 

Voir les avertissements dans la partie 1

**********

Partie 6b

*********

 

Dar était tourmentée. La pluie avait cessé, et une faible éclaboussure de soleil couvrait ses avant-bras là où ils reposaient sur la console de contrôle du bateau. Les choses arrivaient bien trop vite, se dit-elle. Elle se trouvait à un endroit où elle se contentait de strictement réagir au lieu de diriger ce qui se passait et elle n’y était pas habituée.

 

« Comme ça je réagis comme une abrutie finie. Joli. » Elle fixa les contrôles d’un air maussade. « C’était quoi ce truc ? Un fusil ? Tu tirais sur des gens ? Qu’est-ce qui t’arrive bon sang Roberts ? » Elle secoua la tête et tourna légèrement le gouvernail, faisant courber le bateau vers le bout de l’île. « Je pense que je perds pied. »

 

« Chérie ? »

 

Dar sursauta et prit le micro. « Je suis là. Tout va bien ? »

 

« Et bien… » La voix de Kerry grésilla à travers l’intercom. « Tu as laissé le micro ouvert et c’est un peu dur pour moi de t’entendre te crier dessus quand je ne suis pas là pour t’embrasser et te faire te sentir mieux. »

 

« Oh. » Dar se sentit rougir. « Désolée », marmonna-t-elle. « Je suis juste un peu ébranlée, je pense. » Son regard glissa vers l’horizon et elle réajusta leur course. « Je serai contente d’être au port. »

 

« Moi aussi », répliqua Kerry.

 

Dar ressentit une pointe d’anxiété. « Tu te sens plus mal ? » Par pur instinct, elle frappa les manettes et augmenta leur vitesse. Par-dessus tout le reste, le fait de s’inquiéter pour la condition physique de Kerry la rongeait.

 

« Non », répondit Kerry, avec une pointe de chaleur dans la voix. « Je viens juste de prendre un peu de thé en fait. Je pense que la fièvre est tombée », dit-elle. « Je pense que j’ai juste besoin que les choses se passent. »

 

Dar se détendit un peu mais son corps sursautait toujours, sa jambe se tendant et se relâchant dans un tatouage nerveux. « Ouais », approuva-t-elle. « Mais vas-y doucement, d’accord ? »

 

« Je le ferai si tu le fais. » La réplique ironique de Kerry lui revint.

 

« Mmph. » Dar relâcha un soupir profond. « On y est presque », dit-elle. « Tu pourrais peut-être appeler à la radio en avance pour voir si… merde. » Son regard trouva un profil sur l’horizon alors qu’elles atteignaient la pointe nord de l’île et se dirigeaient vers le sud-est. Le bateau de DeSalliers se tenait devant le canal qui menait au quai de l’île, faisant des ronds serrés.

 

« Quoi ? » Répondit Kerry puis après un bruissement. « Oh, zut. Qu’est-ce qu’il fait Dar ? »

 

Le visage de Dar se serra de colère. Elle sentit une vague de rage couler en elle avec aisance, concentrant une énergie sombre sur le bateau qui se trouvait avec arrogance sur son chemin. « Il me gonfle », grogna-t-elle doucement. « Et il va le regretter. »

 

Elle tourna le bateau directement vers le port et lança les moteurs. Presque immédiatement la radio grésilla et s’alluma.

 

« Vaisseau en approche, écartez-vous et restez éloignés de notre position. »

 

Dar cliqua sur le micro. « Je vous emmerde. Vous êtes dans mon chemin. Je vous suggère d’en sortir », aboya-t-elle dans l’objet, mettant un peu de tension et beaucoup de frustration retenue dans les mots. Elle pouvait sentir sa colère grimper jusqu’à la cassure et curieusement, elle n’avait aucun désir de la retenir.

 

« N’approchez pas de ce vaisseau ! Nous faisons une recherche ! »

 

« Sortez… » Dar laissa sa voix s’approfondir et s’intensifier. « … de mon chemin. »

 

Il y eut un moment de silence pendant lequel elle dirigea la proue du Dixie droit vers le centre de la coque de DeSalliers. »

 

« Roberts ! »

 

Dar sourit de manière déplaisante. « Je suis pas d’humeur, mec. » Elle cliqua sur le micro. « J’entre dans ce port. »

 

« Ecoutez-moi ! » Répliqua DeSalliers. « Vous ne pouvez pas traverser ici. Nous sommes au milieu de… »

 

« C’est vous qui n’écoutez pas », lui dit Dar. « Je me contrefiche du milieu de quoi vous êtes. Bougez ou je traverse votre bateau. »

 

« Vous êtes tarée ! »

 

Si on y regardait de près, c’était plutôt de la folie. Dar grogna et repensa à ses paroles. « Non. J’ai juste une passagère malade et j’ai besoin d’un médecin. Vous êtes entre moi et ça. »

 

Il y eut une courte période de silence et elle ne relâcha pas la vitesse, bien qu’elle gardait les mains sur les manettes. Elle faillit les tirer brusquement en arrière quand l’intercom grésilla, consciente de la tension épouvantable qui courait dans ses muscles.

 

« Hé, chérie. »

 

Elle pouvait entendre l’anxiété dans le ton de Kerry. « Tiens bon, mon amour. Je pense que je vais gagner ce point », dit-elle. « Connard. »

 

La radio principale crépita. « Très bien, Roberts. Nous allons vous ouvrir un canal près de nous, mais ralentissez, pour l’amour de Dieu ! »

 

Dar regarda l’autre bateau avec précaution et vit la proue plonger lentement vers elle alors qu’il bougeait Avec un grognement satisfait, elle tira les manettes vers l’arrière, diminuant le grondement de ses diesels et ralentissant le bateau. Il n’y avait pas beaucoup d’espace dans le canal même pour le bateau de DeSalliers et alors qu’elle se rapprochait, elle put voir qu’ils tiraient un filet sur toute la longueur du grand vaisseau et bloquaient le passage vers le port.

 

Qu’est-ce qu’il faisait Bon Dieu ? Dar bougea le Dixieland Yankee vers la partie la plus au sud du canal, protégée par deux murailles de corail qui s’étiraient dans l’océan. Elle se rendit compte qu’il y aurait à peine assez de place pour qu’elle se glisse et tout mouvement des vagues l’enverrait vers le corail.

 

Le petit bateau de DeSalliers fit le tour derrière avec un drapeau de plongée sorti. Dar pouvait voir les visages tournés dans sa direction, pleins de colère et de ressentiment alors qu’elle approchait de leur position. Elle réduisit la vitesse presque à s’arrêter, souhaitant mieux voir ce qu’ils étaient en train de faire.

 

Deux des hommes pointèrent du doigt vers elle et crièrent, et l’oreille sensible de Dar détecta le son distinctif d’un volet qu’on ferme. Occupée avec la manœuvre délicate pour passer dans le minuscule chemin qu’on lui avait concédé, regarder n’était pas possible, mais à la vue des expressions sur leurs visages sur ce bateau, elle pouvait deviner ce que Kerry faisait.

 

Faut-il que je l’aime. Dar regarda le niveau de profondeur avec anxiété, tapotant les manettes pour leur faire passer une bosse dans la muraille.

 

Le petit bateau vint vers elles et se mit dans leur chemin. Dar ralentit et donna un coup de leur corne de brume en avertissement. Les hommes criaient et pointaient vers Kerry.

 

Dar leva son majeur vers eux et tapota les manettes.

 

Le bateau se rapprochait. Dar jeta un coup d’œil alors que l’arrière du Dixie passait le bateau de DeSalliers, la proue se vidant alors que l’objectif de Kerry passait sur eux. « Kerry ! Attends ! » Cria-t-elle, alors qu’elle lançait brusquement le bateau d’un côté, puis elle poussa les moteurs et renversa sa course, créant une vague qui alla frapper le petit bateau et l’envoya à moitié sur son côté.

 

Un des hommes passa par-dessus bord et le bateau fit un écart, ses occupants hurlant vers elle des mots que le vent éparpilla au loin de manière incohérente. Dar enroula les jambes autour du fauteuil du capitaine et les dépassa vers le petit port protecteur des îles. Une vague de triomphe sauvage l’envahit, faisant taire sa colère et amenant un rire dans sa gorge à sa manœuvre réussie.

 

Elles laissèrent DeSalliers derrière elle et elle s’engagea lentement dans le quai réduit.

 

Il n’en avait pas fini cependant. « Roberts. »

 

Dar regarda la radio avec un sourire suffisant.

 

« Vous pensez sûrement que vous vous en êtes tirée. »

 

Dar amena le Dixie dans un emplacement libre, une tâche peu difficile parce que la plupart l’étaient. Elle prit la radio. « Vous pensez sûrement me l’avoir permis », répliqua-t-elle. « Passez une bonne journée. » Sur ces mots, elle posa le micro sur la console et coupa les moteurs, se mit rapidement debout et se dirigea vers l’échelle.

 

Kerry se tenait sur le pont arrière, enroulée dans une veste, le visage pâle. Elle se retourna lorsque Dar glissa le long de l’échelle et laissa son appareil-photo retomber autour de son cou. « Wow », dit-elle dans un souffle.

 

Dar sauta sur le bastingage, puis sur le quai pour sécuriser leurs câbles. « Wow n’est pas le mot que j’avais à l’esprit », dit-elle à Kerry, en sautant de nouveau sur le pont. « Espèce de connard stupide… je ne sais pas ce qu’il pense être en train de faire, ou qui il pense être, ou ce qu’il recherche bon sang mais… »

 

Un fort bruit métallique les fit sursauter. Elles restèrent figées un instant, puis allèrent de l’autre côté du bateau pour regarder vers le bas.

 

« Moi. » Une silhouette trempée et déguenillée se retenait à l’une de leurs bouées. « C’est moi qu’il cherche. »

 

Kerry agrippa le bastingage et cligna des yeux. « Bob ? » Murmura-t-elle.

 

« Bon Dieu de… » Dar était bouche bée.

 

Bob tira sur son masque et toussa, le visage pâle et tendu. « A un poil près. » Il avait l’air complètement lessivé. « Il a failli m’avoir. »

 

Dar et Kerry se regardèrent. Kerry se frotta les yeux, visiblement complètement perdue. Elle lança un regard plaintif et penaud à Dar et leva les deux mains en questionnement.

 

Dar se gratta la nuque puis secoua la tête, n’ayant pas vraiment grand chose à ajouter à l’émotion. Elle se pencha par-dessus le bastingage, substituant l’action à la réaction, et elle tendit la main. « Donnez-moi votre équipement », dit-elle à Bob. « Faites le tour par l’arrière. Il y a une échelle. »

 

Bob lui lança un regard désabusé. « Merci. » Il déboucla sa stab et sa bouteille et les leva assez haut pour que Dar puisse les attraper. « Je sais que je ne suis pas ce que vous espériez attraper au bout de vos lignes. » Son regard alla vers Kerry puis se baissa.

 

« A ce point… » Kerry alla vers les fauteuils du pont et s’y assit, malgré l’humidité. « Si Harry Houdini se pointait accroché au gouvernail, ça ne me surprendrait pas. » Elle s’enfonça dans le fauteuil, la fièvre et l’effort résiduel du poison de la méduse prenant le dessus alors que l’adrénaline diminuait.

 

Dar descendit l’échelle et posa l’équipement de plongée de Bob dans un coin. Elle mit la main sur l’épaule de Kerry et la pressa doucement. « Je vais voir si Bud est chez lui. Attends ici, mon amour. » Elle commença à sauter sur le quai puis s’arrêta, pointant un doigt vers Bob qui venait juste d’émerger d’un air las sur le pont. « Faites-lui des problèmes et je vous attache à ce pylône avant d’appeler vos copains pour qu’ils viennent vous chercher. Compris ? »

 

Bob se figea et la regarda, les yeux agrandis. « Oui madame », couina-t-il au froncement menaçant dirigé vers lui.

 

« Et vous allez nous raconter ce qui se passe dès que je reviens », ajouta Dar dans un grognement. « Alors préparez votre histoire. » Elle se retourna et sauta sur le quai, atterrissant avec grâce avant de se diriger vers la rive.

 

Bob s’assit sur le bastingage de la poupe et cligna des yeux vers Kerry, qui le fixait tristement. « Je peux deviner à quoi vous pensez », murmura-t-il d’un ton embarrassé.

 

« Non, sûrement pas. » Kerry soupira, mettant de côté des images de bulles et de caramel chaud. « Vraiment. »

 

« Oh. » Bob étudia le pont. « Hé, écoutez, je suis navré, je… »

 

« C’est bon », le coupa doucement Kerry.

 

Bob la regarda, remarquant sa pâleur. « Vous êtes malade ou quoi ? »

 

« J’ai été piquée par une méduse », lui dit Kerry. « La journée a été plutôt merdique. » Elle soupira, tournant le regard vers la rive, souhaitant le retour de Dar. « Heureusement, ça ne pourra pas être pire. »

 

Prudemment, Bob garda ses pensées pour lui-même.

 

********************************

 

Bud se redressa, les mains posées sur le bord du lit, agenouillé tout à côté. Sur le chevet, un petit kit couleur olive portait un stéthoscope enroulé comme un serpent.

 

Kerry était tranquillement allongée sur le lit, les couvertures remontées jusqu’à la taille. Son regard allait de Bud à une Dar visiblement agitée qui se cachait derrière lui, et un faible sourire passa sur son visage. « Vous avez trouvé quelque chose ? »

 

« La brûlure va bien. » Bud haussa à demi les épaules. « « Y a pas grand chose à faire sauf c’que Dar a fait. » Il regarda derrière lui, puis son regard revint vers Kerry. « La fièvre vient d’un virus. Tenez. » Il jeta un paquet sur sa poitrine. « De la pénicilline. Vous en prenez une maintenant, et chaque douze heures, pendant deux jours. » Il s’interrompit. « A moins que vous soyez allergique. »

 

« Non. » Kerry secoua légèrement la tête. « Merci Bud. J’apprécie vraiment votre aide. »

 

Il se leva et se tourna vers Dar. « Tu veux bien m’dire ce que c’était que ces conneries sur la radio ? »

 

Dar réfléchit à la question. Bob était coincé dans le petit espace du couloir, et gardait le silence. Elle voulait aller au fond de son histoire, mais elle savait que Bud méritait une explication, surtout qu’il avait tout lâché pour venir s’occuper de Kerry. « Bien sûr. »

 

Derrière eux, Kerry avalait un des comprimés que Bud lui avait donnés, et but le reste de la bouteille qui se trouvait à son chevet. Son nez se plissa légèrement à l’odeur âcre de l’antibiotique, mais elle était contente d’échanger ça contre les frissons qui la parcouraient à nouveau. « Pourquoi est-ce que tu ne prends pas un café Dar. Je vais juste rester allongée là et végéter un moment. »

 

Dar l’étudia, les yeux bleu clair assombris et les sourcils qui les surplombaient tendus et abaissés. Après un instant elle hocha cependant la tête. « Ça me va. Bud ? »

 

Bud prit son kit et grogna. « Un caoua, ça me va. » Il regarda brièvement Kerry. « Buvez de l’eau. Ça va évacuer le mauvais truc. » Sur ces mots, il se retourna et suivit Dar hors de la pièce.

 

Kerry remonta un peu plus les couvertures et regarda le hublot ouvert, qui laissait passer une éclaboussure de soleil qui faisait ressortir les couleurs du dessus de lit. Elle se sentait toujours minable mais savoir ce qu’était le problème la soulageait et effaçait une partie de la frayeur qui avait commencé à éroder son sang-froid. Elle avait eu peur que la fièvre ne soit connectée à la brûlure et que peut-être la piqûre venait d’autre chose qu’une méduse. Elle avait lu assez d’histoires d’horreur sur les serpents marins et leur venin que toutes sortes de mauvaises idées commençaient à circuler, mais les mots de Bud ainsi que la marque de la piqûre diminuant la rassuraient immensément.

 

Alors que la tension s’éloignait, la fatigue la remplaça et elle se rendit compte qu’elle ne pouvait garder les yeux ouverts. Bien qu’elle veuille entendre l’explication de Bob, elle savait que ça devrait attendre le départ de Bud. Kerry sentit le léger balancement du bateau l’apaiser et elle se rendit, laissant finalement le sommeil l’emporter dans son étreinte bienfaisante.

 

***************************************

 

« Alors. » Bud examinait la tasse de café que Dar lui avait donnée. « C’est quoi le bazar ? »

 

Dar s’était assise en face de lui et elle prit une gorgée de sa propre tasse avant de répondre. « Le type qui nous a pourchassés l’autre soir », dit-elle. « C’est un gros chasseur de trésors. »

 

Bud sirota son café, tenant sa tasse dans toute sa main au lieu de la poignée. « DeSalliers. On en a entendu parler », dit-il. « C’est un vrai salopard. »

 

« Mm », approuva Dar. « Il veut quelque chose sur cette épave dans laquelle on a plongé l’autre jour », dit-elle. « Il ne dit pas quoi. » Son regard étudiait le visage de Bud. « Le gamin qu’on a repêché l’autre soir est aussi après quelque chose sur la même épave. »

 

Les sourcils grisonnants de Bud se haussèrent de surprise. « Sans déc’ ? »

 

Dar haussa les épaules.

 

Le marin en retraite s’enfonça dans son fauteuil, son attitude se détendant et s’ouvrant un peu. « C’est juste un vieux chalutier. J’y ai plongé », dit-il. « Y a des beaux trous pour les homards mais c’est tout. » Il fronça les sourcils. « Encore que… » Sa voix se fit traînante. « Attends un peu. »

 

Dar se pencha en avant, la tête de côté.

 

Bud se tapa le front avec deux doigts puissants. « Je me souviens d’une histoire que j’ai entendue quand ce foutu truc a coulé », marmonna-t-il. « Quelque chose au sujet d’une possible lutte à bord qui l’a fait couler dans la tempête. » Il se leva et arpenta la cabine, son corps musclé bougeant sous le léger débardeur qu’il portait. « J’y ai pas vraiment fait attention. »

 

Dar le regarda s’arrêter et étudier une image sur le mur, puis il se tourna et regarda par la vitre. « Mais c’était y a des années. »

 

Il hocha la tête. « Ouais, en effet. » Il se retourna et la regarda. « Alors pourquoi la remonter ? » Demanda-t-il. « Les flics l’ont enterrée de nouveau à cette époque. Tout le monde s’en fichait. » Il revint et s’assit. « Charlie devrait se souvenir. Il écoute toutes ces conneries. »

 

« Il est dans le coin ? » Demanda Dar d’un ton nonchalant.

 

« Il sera d’retour au couchant », répondit Bud. « Il a dû aller sur la grande île pour quelque chose. » Il se renfonça, apparemment détendu. « Hé, écoute. Charlie m’a parlé de ton offre. Merci. » Son regard croisa le sien « Je sais que j’me comporte comme un abruti des fois. Désolé. »

 

Dar se mit dans une position plus confortable. « Vous allez l’accepter ? » Demanda-t-elle directement.

 

Bud secoua la tête. « On va bien. » Il repoussa l’idée. « J’ai arrangé un truc. » Son regard passa en revue l’intérieur du bateau à nouveau. « Et maintenant ? »

 

« Avec DeSalliers ? » Demanda Dar.

 

Bud hocha la tête. « Il est parti du port. En direction de l’est. »

 

Ben tiens. Dar posa la tête contre le dossier du fauteuil. « Je sais pas », dit-elle d’un ton songeur. « Chaque chose en son temps, il faut que Kerry aille mieux. » Elle le regarda. « Merci de t’en être occupé. »

 

Bud lâcha un rare sourire. « C’est une gamine sympa », dit-il. « Gentille. »

 

Dar sentit son propre visage se tendre en un sourire en retour.

 

« Je m’suis jamais figuré que tu serais aussi emballée », dit Bud d’une voix traînante. « J’pensais que tu finirais comme une vieille matelote solitaire sans avoir jamais fait partie de la Marine. »

 

Dar écarta légèrement les narines. « Je le pensais aussi », admit-elle. « La vie est bizarre parfois. »

 

Bud hocha la tête puis il posa sa tasse et se leva. « Il faut que j’prépare la cuisine pour Charlie », dit-il. « J’ai entendu dire que le temps remuait à l’est d’ici. »

 

« Génial », dit Dar en soupirant. « La prochaine fois, je le jure, je vais skier. »

 

Bud ricana. « Appelle si Kerry se sent pire. » Il posa la tasse dans l’évier de la cuisine. « J’enverrai Rufus quand Charlie sera rentré. »

 

« Merci. » Dar se leva et l’accompagna à la porte. Ils étaient presque de la même taille et le léger roulement de hanches lui rappelait fortement son père. Elle était contente que l’attitude de Bud se soit un peu adoucie. Peut-être qu’il avait juste besoin d’un peu de temps pour que les choses se passent.

 

Ils émergèrent sur le pont de proue, dans une vague de lumière tardive qui filtrait par les arbres. L’air portait une senteur douce de gardénias et un sentiment de paix tranquille envahissait la scène. En un contraste sombre avec le chaos des heures passées, l’appel endormi de l’océan tropical les environnait alors que la marée léchait doucement les quais.

 

Bud sauta du bateau, leva la main et puis se retourna pour repartir vers les bâtiments sans un mot ni un regard en arrière.

 

Dar s’appuya contre la cabine et le regarda un moment. Quelques pièces du puzzle en plus semblaient lui avoir été fournies et elle les prenait, et jonglait mentalement en revenant à l’intérieur de la cabine pour en ramasser un peu plus. « Bon. » Elle regarda la chambre d’amis. « Additionnons deux et deux et voyons si on peut obtenir autre chose que zéro. »

 

Avec une expression déterminée, elle se dirigea vers la cachette de Bob.

 

*************************************

 

Le soleil se couchait, des tranches de lumières jaunes rougies traversant les hublots et éclaboussant le sol couvert de bois. Kerry les fixa, l’esprit embrumé, puis cligna des yeux pour les ouvrir en grand et étouffa un bâillement. Elle pencha la tête à l’écoute de voix proches, reconnaissant après un instant celles de Dar et de Bob.

 

Son esprit semblait plus clair et sa tête lui faisait moins mal. Kerry s’étira, reconnaissante. Elle pouvait toujours sentir quelques frissons, et une douleur dans ses os, mais sa curiosité la poussa au-delà de l’inconfort, l’incitant à se lever pour savoir ce qui se passait.

 

De ce fait, elle sortit du lit et alla doucement vers la commode, retira un sweat-shirt du tiroir du bas et l’enfila. Elle s’interrompit un instant, sentant l’odeur distincte de la maison dans ses plis, puis elle le tira pour l’ajuster.

 

Elle s’arrêta près du miroir et regarda son reflet. « Beurk. » Elle prit la brosse de Dar et la passa dans ses cheveux, leur donnant un semblant d’ordre. Puis elle passa la porte jusque dans la cabine principale. Dar était assise dans un des fauteuils face à Bob. Son regard bougea quand Kerry entra et son visage se transforma dans un sourire chaleureux, que Kerry lui rendit. « Salut. »

 

Bob se retourna. « Oh. Salut. »

 

« Comment tu te sens ? » Demanda Dar.

 

« Eh. » Kerry s’éclaircit la gorge. « Qu’est-ce qui se passe ici ? » Elle alla à la cuisine et prit une bouteille de jus, retirant le bouchon tout en revenant péniblement vers l’endroit où Dar était assise, et elle se laissa tomber dans un fauteuil près d’elle. Elle mit les pieds sous elle et s’appuya sur l’accoudoir, sirotant tranquillement son jus.

 

« J’étais… hum… en train de raconter pourquoi je suis ici », dit Bob. « Mais d’abord, j’aimerais m’excuser pour vous avoir mêlées toutes les deux à tout ça », continua-t-il. « Quand je suis venu ici, je pensais pouvoir arriver et partir à l’insu de tout le monde. »

 

Dar tendit la main et gratta légèrement le dos de Kerry. « Très bien, mais que je comprenne bien », dit-elle. « Votre grand-père était le capitaine de ce chalutier qui a coulé juste à l’ouest d’ici. »

 

« C’est ça », dit Bob en hochant la tête.

 

« Il a laissé une fortune. »

 

« Exact. »

 

« La fortune allait à son plus vieux fils, votre oncle », continua Dar.

 

« Toujours bon. »

 

« Personne d’autre n’a rien reçu. »

 

Bob opina. « Il est plus serré qu’une gaine de dix ans. »

 

« Je savais que l’argent était à la base de tout ça », marmonna Kerry dégoûtée, recevant un regard surpris de Bob. « Laissez-moi deviner, grand-papa a pris un coffre au trésor avec lui et vous essayez de trouver quelques pièces de huit pour fonder une famille avec, c’est ça ? »

 

« Hum. Non », dit Bob dans un souffle. « En fait, j’essaie de prouver que mon oncle a tué mon grand-père et le faire accuser de meurtre. »

 

Deux visages parfaitement immobiles avec des expressions identiques de stupéfaction le regardèrent un long moment, puis Dar et Kerry se regardèrent.

 

« D… d’accord », dit Dar. « Vous avez une raison de penser qu’il l’a fait ? »

 

Bob hocha la tête. « Si je peux le prouver, le testament sera annulé et le reste de la famille recevra l’héritage », dit-il. « Oh je ne prétends pas être altruiste. J’en recevrai un dixième. Je ne veux pas passer le reste de ma vie derrière un bureau, et ça me gardera dans le vent. »

 

Kerry sirota son jus pour s’empêcher de commenter.

 

« Et qu’est-ce que vous cherchez ? » Demanda Dar.

 

Bob lui lança un regard prudent. « Je ne peux pas le dire », dit-il. « C’est très confidentiel. »

 

Kerry leva les yeux au ciel.

 

« C’est quelque chose qui appartient à mes grands-parents », dit Bob rapidement. « Nous pensions que ça avait été détruit dans l’incendie de leur maison, mais récemment nous avons découvert que non. » Il se passa la main dans les cheveux. « Alors j’ai décidé d’essayer de le trouver. Je me suis dit que l’épave était le dernier endroit qui restait à fouiller. »

 

« Vous n’étiez pas le seul, je pense », finit par dire Kerry.

 

Mon oncle a engagé DeSalliers pour fouiller chaque parcelle de l’épave, après que DeSalliers eut affirmé être le meilleur dans ce type d’affaires. Il lui donne une mine d’or pour ça », admit Bob. « Et sa réputation est en jeu. »

 

« C’est ce qu’il voulait dire », murmura Kerry. « Au sujet d’être coincé par sa propre réputation. »

 

Bob la fixa. « Vous lui avez parlé ? »

 

« C’est une longue histoire », le coupa Dar. « Votre plan est merdique. Il a failli vous avoir aujourd’hui et s’il a plus de jours pour placer une barque de fouille, vous êtes fichu. »

 

Bob cligna des yeux. « Hum… et bien, oui », confessa-t-il. « Je pensais avoir plus de temps. Il m’a surpris. » Il soupira. « Je ne sais pas. C’était probablement une mauvaise idée dès le début. »

 

Kerry se gratta la mâchoire, ses yeux verts l’approuvant avec ironie. « Même si vous pouviez trouver quoi que ça puisse être, vous pensez vraiment que vous pourrez poursuivre votre oncle. » Demanda-t-elle avec scepticisme. « Les gens qui ont beaucoup de pouvoir et d’argent ne lâchent pas si facilement. »

 

Bob se redressa. « Je suis sûr que la police va nous aider, une fois qu’ils verront la preuve », lui dit-il. « C’est leur boulot. »

 

Dar ricana. « Et bien. » Elle se leva et alla vers la porte. « Bonne chance. » Son regard scrutait l’horizon bas, rayé de douce lumière orangée. « Vous allez en avoir besoin. »

 

Bob se leva et regarda par la fenêtre vers l’ouest. « Je sais que je peux le faire », dit-il. « J’ai juste besoin de temps pour chercher ; si seulement je pouvais me débarrasser de ce salaud de DeSalliers quelques jours ! » Il se redressa et se retourna. « Bon, en tous cas. Merci encore. Je sais que vous ne pensiez pas me sauver une seconde fois, mais bon sang, je l’apprécie. »

 

Dar continua à fixer le soleil couchant.

 

« Je suis contente que nous ayons été au bon moment au bon endroit. » Kerry reprit la conversation avec grâce. « Où allez-vous maintenant ? Vous ne pouvez pas réessayer à l’épave, il va vous avoir la prochaine fois. »

 

Bob soupira. « Ouais », dit-il. « Je ne sais pas. Peut-être que je peux aller jeter un œil aux boutiques des îles. Peut-être que ce que je cherche a déjà été trouvé et que c’est là. »

 

« Vous ne pensez pas que DeSalliers y a pensé ? » Demanda Dar depuis la porte. « Je parie que ses petits détectives cherchent en ce moment même. »

 

Bob sourit. « Il le ferait s’il savait ce qu’il cherche. » Il passa près de Dar puis se tourna, avec un sourire léger et à moitié tordu. « Mais il ne le sait pas. » Il prit son équipement et sauta sur le quai. « Merci encore », dit-il à Dar. « J’espère que Kerry ira mieux bientôt. »

 

Il se retourna et commença à remonter le quai, faisant passer son équipement sur une épaule tout en portant sa bouteille sur l’autre.

 

Dar se retourna et rentra dans la cabine. Elle y trouva Kerry qui attendait, une jambe passée par-dessus l’accoudoir de son fauteuil alors qu’elle finissait son jus. « Il ne le trouvera jamais », dit-elle. « Quoi que ce soit. »

 

Kerry remua les orteils. « Probablement pas », acquiesça-t-elle. « Tu penses que son histoire tient debout ? »

 

Dar s’assit sur le canapé et étendit la main vers elle. « Viens par ici. » Elle entoura Kerry de ses bras lorsque celle-ci répondit, l’attirant sur ses genoux et se renfonçant dans le canapé. « Je ne sais pas » Elle répondit à la question. « Là maintenant, je m’en fiche vraiment. »

 

Kerry mit les bras autour du cou de Dar et enfouit son nez dans sa joue. « Quel bazar. » Elle trouva l’oreille de Dar tentante tout près, et malgré le fait qu’elle se sentait toujours pas des masses très bien, elle suçota doucement le lobe à l’air goûtu. Dar resserra ses bras autour d’elle et rit doucement.

 

« Mmm », ronronna Dar. « Tu te sens mieux ? »

 

Kerry posa un baiser sur sa joue. « Comment est-ce que je pourrais ne pas me sentir mieux ? » Ses cils effleurèrent la peau de Dar, la chatouillant, ce qui amena un sourire à la jeune femme brune. « Et toi » Murmura-t-elle dans l’oreille de Dar. « Tu avais l’air plutôt lessivée tout à l’heure. »

 

Dar hésita, puis soupira. « Oui, je vais bien », dit-elle. « C’est trop de choses en même temps, je pense », admit-elle.

 

Kerry remit le nez sur sa joue. « Je pense qu’on a droit à des vacances pour nos vacances, Sudiste. »

 

« Mm. » Dar repensa aux épreuves de la journée, puis décida que les repousser et simplement s’immerger dans la présence de Kerry était une meilleure idée. Il n’y avait aucune raison de s’étendre là-dessus après tout, non ? C’était passé et oublié. Les choses s’étaient bien déroulées.

 

Kerry allait bien. Elle-même allait bien. Elles savaient ce qui se passait. Elles pouvaient maintenant prendre du recul et tout laisser derrière elles.

 

Elles en étaient sorties.

 

Kerry suçota de nouveau son lobe, soufflant doucement dans son oreille. Dar ferma les yeux et sourit.

 

Ouais. Tout allait bien.

 

******************************

 

Dar s’éveilla au doux son métallique de la cloche-bouée aux confins du port. Elle cligna des yeux pour enlever le sommeil et regarda autour d’elle avec une légère confusion, prenant un instant pour reconnaître l’intérieur peu éclairé du bateau autour d’elle.

 

Elle et Kerry étaient allongées sur le petit canapé, les membres emmêlés. Dar n’avait aucune idée de l’heure, ni de combien de temps elles avaient dormi, et elle eut vraiment envie de se laisser aller à fermer les yeux et retourner dans une paisible ignorance.

 

Pas qu’elle aurait pu se lever même si elle l’avait voulu. Elle observa le lent et rythmique mouvement de la poitrine de Kerry tout près d’elle, parce qu’elle était clouée sous la forme robuste de sa compagne. Heureusement pour elle, ce n’était pas aussi inconfortable qu’il y paraissait et après s’être un peu étirée, elle se repositionna et se résigna bien volontiers à son devoir d’oreiller.

 

Cependant, après quelques minutes paisibles, Kerry remua et émit un petit son grognon.

 

Dar lui gratta doucement la nuque. « Chut… rendors-toi. »

 

Kerry ouvrit un œil et la regarda. « J’ai soif », murmura-t-elle, avec une note rauque dans la voix. « Maudits cachets. »

 

« Je me lèverais bien pour aller te chercher de l’eau, mais, hum… » Dar regarda leurs corps emmêlés.

 

« Mais je t’écrase. » Kerry mit les mains sur le canapé et se poussa vers le haut, se mettant gauchement debout. « Ooouf. » Elle tangua un instant, puis se rassit, les mains sur la tête. « Ouah. »

 

Dar se redressa immédiatement. « Hé. »

 

« J’ai juste un peu le vertige », marmonna Kerry. « Je me suis levée trop vite », ajouta-t-elle. « Je pense. »

 

« Et tu n’as rien mangé non plus depuis ce matin », dit Dar, en s’en rendant compte.

 

« Ni toi. » Kerry se mit debout avec plus de précautions, puis elle tendit la main à Dar. « Allez. On va faire un raid sur le frigo ensemble. » Elle jeta un coup d’œil alentours. « Quelle heure est-il ? »

 

Dar prit son téléphone en se levant pour rejoindre sa compagne. « Onze heures trente. » Son regard alla à la porte de la cabine. « Heu. Bud était censé nous envoyer Charlie quand il rentrerait. Je présume qu’il a été pris. » Elle jeta le téléphone sur la table puis tendit la main pour la poser sur le front de Kerry. « Ah. »

 

« Pas de frissons », reconnut Kerry. « Je me sens juste comme une serpillière. »

 

« Peut-être qu’on devrait t’appeler tissu éponge alors, au lieu de Kerry », la taquina Dar, soulagée de ne sentir aucune fièvre chez sa compagne. « Allez. »

 

Elles allèrent à la cuisine. Kerry se glissa à l’intérieur la première et prit une bouteille d’eau dans le frigo, l’ouvrit et sirota plusieurs gorgées. Elle se retourna pour voir Dar fourrager dans les étagères, et mit la main sur l’épaule de sa compagne. « Rien d’exotique, chérie. Juste un peu de yaourt s’il y en a. »

 

Dar sortit une boîte et la souleva. « Qu’est-ce que tu dis de toasts avec ça ? »

 

Kerry s’éclaircit la gorge à titre d’essai, sentant une irritation inquiétante. « Je pense que mon virus migre », informa-t-elle Dar tristement. « La glace serait mieux. »

 

« Ah. » Dar se leva et lui lança un regard de sympathie. « Et de la soupe ? »

 

« Mmph. » Kerry avait ôté le couvercle du yaourt et en avait pris une cuillerée. Il était sans sucre, et frais et il apaisa sa gorge. « Seulement si tu en prends aussi », répliqua-t-elle, poussant légèrement Dar de sa hanche.

 

Dar sentit son estomac grogner à cette pensée. « Conclu », acquiesça-t-elle en cherchant les bonnes boîtes dans les tiroirs.

 

Kerry prit l’eau et le yaourt et retourna à la table, se glissant derrière pour s’asseoir jambes croisées sur le banc. Elle poussa la lumière indirecte et resta tranquillement assise à mâcher. « Si on est malades toutes les deux, ça va être merdique, Dar. »

 

« Eh. » Dar haussa les épaules, affairée à vider des trucs dans un des pots. « Dans ce cas, je vote pour qu’on se trouve une plage vide, on surveille, et on laisse le soleil s’en occuper. »

 

Kerry soupira.

 

« Etends-toi. Au pire, on passe deux jours au lit ensemble. » Dar rit doucement. « Est-ce que c’est si terrible ? » Elle prit une petite chandelle en huile dans le placard, l’alluma et revint pour la poser devant Kerry. Ça créa une lumière amicale et chaleureuse entre elles, et Dar la regarda un moment, avant de retourner à sa tâche.

 

« Si tu le présentes comme ça, non. » Kerry joua avec son yaourt, faisant des petits monts avec sa cuillère alors qu’elle mangeait. Du coin de l’œil elle regardait Dar dans la cuisine, son profil tranquille et quelque peu sombre alors qu’elle chauffait la soupe. D’un air absent, celle-ci leva la main et repoussa une mèche de cheveux derrière son oreille, puis joua avec, un signe certain que Dar était préoccupée. « Ça a été une sacrée journée, hein ? » Demanda Kerry.

 

« Ouais. » Dar jeta un coup d’œil avec un demi-sourire.

 

« Ces pirates m’ont un peu effrayée », dit Kerry. « Contente que tu aies su comment t’en occuper. » Ses oreilles détectèrent une pointe dans la respiration de Dar, et un léger bruit métallique alors que sa cuillère cognait le pot. « Je sais qu’ils n’ont pas blessé ces autres gens, mais être jetée hors du bateau comme je me sentais… wow. »

 

Dar passa l’entrée de la cuisine et vint avec deux bols de quelque chose de fumant dans les mains. Elle en posa un devant Kerry, puis prit le siège près d’elle.

 

« Mm. » Kerry renifla. « Des nouilles au poulet. »

 

Dar trempa sa cuillère dans sa soupe, la tête sur un poing. « Je n’allais pas les laisser prendre le bateau », dit-elle. « Mais ce qui m’importait le plus, c’était de te protéger. »

 

Kerry prit une cuillerée de la soupe chaude et l’avala, ressentant du soulagement bienheureux alors qu’elle apaisait sa gorge enflammée. « Tu l’as fait. » Elle mangea un bout de carotte. « Me protéger, je veux dire. »

 

« Mmhmm. » Dar hocha la tête. « Et en tout cas, tu sais combien je déteste qu’on me dise ce que je dois faire. Je n’allais pas laisser ces salopards crasseux le faire. »

 

« Aaaabsolumment pas. » Kerry sourit. « Pas ma Dar. »

 

Cela lui valut un sourire et Dar arrêta de remuer sa cuillère.

 

« Alors… qu’est-ce qui te gêne ? » Demanda Kerry doucement.

 

Dar la regarda. « J’ai dit que c’était le cas ? » Demanda-t-elle, d’un ton neutre.

 

Kerry se contenta de la regarder dans les yeux sans un mot. Après un moment, les lèvres de Dar se pincèrent dans un demi-sourire désabusé, et elle mangea une cuillerée de soupe pour se donner le temps de réfléchir à la réponse.

 

Ce n’était pas quelque chose dont elle avait envie de parler. Mais si elle ne pouvait pas en parler à Kerry, alors à qui ? Il n’y avait personne de plus proche sur terre que sa compagne, pas même son père. Mais Andrew aurait pu parfaitement comprendre ce qu’elle avait ressenti. Kerry ne le pourrait assurément pas.

 

Kerry se contenta d’attendre et de manger sa soupe. Soit Dar lui dirait, soit pas, la pousser ne semblait pas être une bonne idée.

 

Dar commença à parler, puis elle s’interrompit, une expression légèrement perplexe sur le visage. Elle secoua la tête. « C’est plutôt stupide en fait. »

 

Un sourcil blond se haussa. Stupide n’était pas un terme que Dar s’appliquait à elle-même habituellement. « Hm ? » Kerry fit un petit bruit d’encouragement.

 

« Quand ce type sur le bateau a pointé son arme sur moi, Je lui ai pratiquement tiré dessus. »

 

Kerry attendit, mais comme rien d’autre ne semblait venir, elle s’appuya sur ses coudes. « D’accord », acquiesça-t-elle. « Et ? »

 

Dar suçotait sa cuillère. « Pendant un instant, je le voulais. » Son regard se fixa sur quelque chose derrière la tête de Kerry, avec une expression douloureuse, presque perdue. « Je voulais tuer ce type. »

 

« Il pointait un fusil sur toi, mon cœur », répondit Kerry d’un ton neutre. « Pour cette raison, je voulais aussi le tuer. C’est une bonne chose pour lui que ce soit toi qui tenais le fusil. » Elle fixa sa compagne. « Parce que si je voyais quelqu’un te menacer avec un fusil comme ça, je le tuerais. »

 

Ça n’était pas vraiment la réponse que Dar attendait. Elle regarda son adorable amie avec des yeux perplexes, la regardant avaler sa soupe. « Alors tu ne penses pas que c’était une réaction étrange, si je comprends bien ? »

 

« Pour quelqu’un qui pointait une arme mortelle vers toi ? NON », dit Kerry en ricanant. « Et toi ? »

 

Dar y repensa. « Ça m’a juste surprise, je pense », admit-elle, se souvenant de ce moment de joie sombre, et du feu qui semblait l’emplir de l’intérieur. Peut-être que c’était normal, ou du moins, l’alternative à se dissoudre dans la peur. La tension en elle diminua avec l’acceptation visible de Kerry du sujet et elle attaqua sa soupe avec beaucoup plus de délectation.

 

Kerry sourit pour elle-même et souleva son bol, buvant sur le côté. « Et maintenant ceci », dit-elle, après avoir avalé une gorgée. « Est la garantie que tu iras directement en enfer d’un autre côté. Si tu en crois ma famille. » Elle vida le bol puis se lécha les lèvres. « Eh. »

 

Dar rit, bien plus facilement cette fois.

 

Kerry lui tendit une carotte. Dar plissa les yeux et montra les dents. Elles se mirent à rire alors que Kerry renonçait et mangeait le légume elle-même. « Tu sais, j’aime bien ça. »

 

« Les carottes ? Je sais », répondit Dar en faisant glisser une nouille dans sa bouche.

 

« Non, ça. » Kerry montra la lampe à huile qui scintillait. « C’est romantique. Presque comme d’être autour d’un feu de camp. »

 

Dar regarda la flamme minuscule, puis Kerry. Elle haussa un sourcil.

 

« D’accord, alors c’est un feu de camp pour des gerbilles », admit Kerry. « J’aime bien quand même. »

 

Son regard alla vers l’horloge sur le mur, puis elle se souvint de quelque chose. « Je reviens de suite. » Elle se glissa de derrière la table et disparut dans la chambre. Après un instant, elle revint les mains derrière le dos, et elle alla vers Dar, posant le menton sur son épaule. « Salut. »

 

Dar tourna la tête, et elles se retrouvèrent nez à nez. « Salut », répondit-elle.

 

Kerry retira les mains de derrière son dos et posa une petite boîte devant Dar. « Joyeux anniversaire, mon amour. » Elle se pencha et posa un baiser sur les lèvres d’une Dar choquée. « Tu as oublié, n’est-ce pas ? »

 

Dar fixa la boîte. Elle avait complètement oublié que le lendemain était son anniversaire. Elle et Kerry s’étaient mises d’accord pour échanger des cadeaux de Noël quand elles seraient rentrées, alors elle s’était dit… « Oui, j’ai oublié », répondit-elle doucement. « Kerry, il ne fallait pas… »

 

« Ah ah ah ah ah. » Kerry posa les doigts sur la bouche de Dar. « Ouvre-la juste. Fais-moi plaisir. Je suis malade. » Elle se glissa à nouveau dans son siège et regarda Dar examiner la boîte, la tournant dans ses mains avant de commencer à dénouer le ruban fin comme la dentelle qui l’entourait.

 

Le visage de Dar était en pleine concentration alors qu’elle défaisait avec soin les nœuds et posait le ruban de chaque côté de la boîte. Puis elle maintint le fond d’une main et souleva le dessus de l’autre, le posant avant de retirer la légère couche de coton juste en dessous.

 

Kerry attendait. Elle vit le mouvement alors que la mâchoire de Dar se détendait et le soudain reflet de la pâle lumière dans ses yeux écarquillés. « C’est dur de choisir pour toi », dit-elle tranquillement, plus pour donner à Dar une occasion de se reprendre que pour autre chose. « Et tu es une des traditionalistes les plus non conservatrices que je connaisse. Alors j’ai pensé que tu aimerais quelque chose comme ça. »

 

Dar sortit avec soin le cadeau de la boîte et le mit dans sa main. Elle relâcha une inspiration longuement retenue et leva les yeux vers Kerry. « C’est superbe. »

 

Kerry sourit.

 

Dar baissa le regard vers ses mains. Dans sa paume se trouvait une montre à gousset, son couvercle gravé d’or fin et de filigrane argenté, sur une base plus sombre. Depuis le haut, une chaîne en argent torsadée coulait sous ses doigts. Elle ouvrit doucement le dessus pour révéler une face avec de grands nombres précis, et une aiguille des secondes qui tournait de manière saccadée.

 

Il y avait quelque chose de gravé à l’intérieur du couvercle. Dar pencha la tête pour lire. Parce que grâce à toi chaque instant de ma vie est précieux. Elle fixa les mots jusqu’à ce qu’ils deviennent flous et elle dut fermer les yeux pour laisser les larmes s’écouler. Sans un bruit, elle remit la montre dans sa boîte et tendit la main vers Kerry, qui se faufila volontiers dans ses bras pour un câlin.

 

Kerry sentit le frisson lorsque Dar inspira et le doux hoquètement lorsqu’elle enfouit son visage dans son épaule. Elle garda avec soin cet instant dans son cœur, comprenant qu’elle aurait pu avoir écrit ces mots sur une serviette et que ça aurait été la même chose. « Je t’aime », murmura-t-elle dans l’oreille de Dar, l’étreignant avec force.

 

Dar prit une inspiration, la maintint un instant, puis soupira, reniflant légèrement avant de parler. « Désolée. Je ne pensais pas te mouiller. »

 

« Chérie, tu me mouilles toujours », la taquina doucement Kerry, lui massant les épaules des deux mains. Elle sentit le corps de sa compagne trembler à nouveau, mais cette fois, ce fut de rire. Elle balança Dar d’avant en arrière, se contentant de l’aimer.

 

Et même si elle avait un virus ? Et même si leurs vacances avaient pris l’allure d’un mauvais film de télévision ? Elle avait Dar et elles étaient là l’une pour l’autre, et il n’y avait rien d’autre nulle part qui pouvait rivaliser avec ça.

 

Rien.

 

Le doux son des vagues passa par les hublots, sur une brise qui fit vaciller la lumière de la lampe à huile et envoya une ombre solitaire danser sur le mur.

 

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Fin de la partie VI

A suivre partie VII

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