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LA FACE AVEUGLE DE L AMOUR23

Page history last edited by Fausta88 14 years, 9 months ago

LA FACE AVEUGLE DE L'AMOUR

 

 

 

 

par Dreams

 

 

 

Traduction : Emilie (happymeal@hotmail.fr)

 

 

Table des matières

 

 

 

54

 

Julianne ferma les yeux, essayant de s’isoler des bruits qui l’entouraient. Ce n’était pas le bruit qui la dérangeait. Plutôt le sentiment inévitable que, malgré son rôle dans le film, elle était inutile entre les prises; juste un accessoire de plus dans un plateau plein à craquer.

 

« Julianne, » appela une voix, surprenant l’actrice.

 

Les yeux bleus s’ouvrirent immédiatement pour trouver Leigh face à elle.

 

« Écoute, je voulais m’excuser de t’avoir ignorée ces derniers temps, » dit Leigh, ses mots visiblement préparés.

 

L’excuse prit Julianne par surprise. « Tu avais de bonnes raisons de… »

 

« Je sais, » l’interrompit Leigh. « Mais je n’aurais pas dû le faire. C’était déplacé, et immature… c’était ma manière d’affronter une situation inconfortable. »

 

« Je comprends, » répondit Julianne.

 

Leigh hocha la tête et se rapprocha de Julianne. « Mais je veux te poser quelques questions. »

 

Julianne se redressa. « Je t’écoute. »

 

« Pourquoi as-tu fait ça ? »

 

L’actrice remua nerveusement, et baissa les yeux. Un bout de papier attira son regard sans aucune raison, si ce n’est qu’elle voulait éviter la question. « Ce n’est pas une question facile, » répondit-elle.

 

« Pourquoi ? Parce que ça ne te fait pas paraître sous ton meilleur jour ? » Demanda amèrement Leigh.

 

« Comment te justifies-tu quand tu fais quelque chose alors que tu sais pertinemment que tu ne devrais pas ? » demanda Julianne.

 

« Je ne peux pas me justifier. »

 

« Précisément, » répliqua Julianne en croisant le regard de Leigh. « Je pourrais te donner pleins de raisons, mais aucune n’est satisfaisante. »

 

« Essaye toujours, » la défia Leigh.

 

Julianne regarda le plateau, cherchant Naomi des yeux. Elle aurait aimé que la directrice la tire de cet interrogatoire. Malheureusement, la blonde était occupée à parler avec le directeur adjoint. Résignée, Julianne se tourna vers Leigh. « Je savais que si je lui avouais la vérité, les choses changeraient entre nous. J’avais peur de perdre son amitié. »

 

« Tu dois vivre une vie bien solitaire si une étrangère que tu as rencontrée sur Internet signifie autant pour toi, » dit Leigh.

 

Julianne baissa les yeux. « C’est le cas. »

 

Leigh hocha la tête et s’adossa au mur. Après un long moment, elle reprit la parole. « Kris aussi, » dit-elle doucement. « Enfin, elle m’a moi, mais ce n’est pas la même chose. » Elle secoua la tête. « Elle a beaucoup changé lorsque tu es apparue. Elle était plus heureuse. Et je n’ai jamais vraiment compris comment des mots sur un écran d’ordinateur pouvaient rendre heureux mais… » Elle secoua la main.

 

Julianne attendit que Leigh continue. Elle n’était pas sûre de ce que voulait dire Leigh, ni de ce qu’elle était sensée répondre.

 

Leigh observa le visage de Julianne et hocha la tête. « Je crois que je comprends; pourquoi tu as fais ça. Au début, je pensais que c’était un jeu pour toi, pour t’amuser. Mais quand je te vois maintenant, je pense que tu es aussi malheureuse que Kris. Et elle est vraiment malheureuse. Ça doit signifier qu’elle compte pour toi. »

 

Julianne détourna le regard, gênée d’être aussi transparente. Elle s’inquiétait que si Leigh l’observait plus en détail, elle comprendrait à quel point Kris comptait pour elle.

 

« Bref, je vais avoir ma dispute habituelle avec la costumière, » annonça Leigh, apparemment tout sauf enjouée à cette idée. « Elle n’a aucun goût, vraiment. Prends soin de toi, Julia. » Leigh lui fit un clin d’œil et s’éloigna. « Jette un œil à tes mails quand tu auras le temps, » dit-elle par-dessus son épaule.

 

 

Chère Kris,

 

À six ans, j’ai dit à ma grand-mère que je rêvais de devenir actrice. Elle m’a dit, « Un rêve est le souvenir de quelque chose qui t’est arrivé pendant que tu dormais. Si tu veux vraiment quelque chose, bats-toi pour l’obtenir tant que tu es éveillée. »

 

Lorsque j’ai dit à ma mère que j’allais être actrice, elle a rit et m’a dit, « Commence à réserver un coin sous un pont, parce que c’est sûrement là que tu finiras. »

 

En y repensant, je crois que c’est le mélange de la confiance de ma grand-mère et des moqueries de ma mère qui m’ont mené où je suis. Même si je pense qu’il y a une grande part de chance aussi.

 

Pour ce que ça vaut, je suis contente que tu aies peint cette œuvre. Autrement, nous ne nous serions jamais rencontrées. Et je suis peut-être la seule à le penser, mais je suis vraiment contente qu’on se soit rencontrées.

 

 

Prends soin de toi,

Julianne.

 

 

 

Kris n’étais pas sûre d’être heureuse qu’elles se soient rencontrées. A vrai dire, elle n’était plus sûre de grand-chose ces derniers jours, sauf que Julianne Franqui occupait ses pensées. Ses sentiments oscillaient entre l’incertitude et l’excitation, entre vouloir la croire et ne plus savoir que croire.

 

Au final, c’est l’incertitude qui l’amena à Upper East Side. Dans un quartier où les gens ont oublié la valeur de l’argent parce qu’ils en ont trop, dans un endroit où elle ne pourrait jamais espérer avoir sa place. Alors pourquoi essayait-elle ? Qu’y avait-il de si fabuleux à propos de Julianne Franqui ? En quoi cela lui importait ?

 

Kris ne connaissait pas les réponses à ces questions, mais elle espérait en trouver les réponses. Elle devait comprendre pourquoi ses pensées revenaient systématiquement à Julianne quel que soit le moment; pourquoi elle se sentait obligée de vérifier ses emails vingt fois par jour avec l’espoir caché que Julianne lui ait répondu. Il devait y avoir une raison. Il devait y avoir un moyen de stopper tout ça.

 

Le garde du corps de Julianne leva les yeux lorsque Kris entra dans le bâtiment. Kris essaya de se rappeler son nom. Tony? Toby? Elle abandonna après un instant. Elle se demanda brièvement s’il lui ferait une fouille au corps avant de la laisser passer. « Salut, je viens voir Julianne Franqui, » dit-elle, espérant ne pas passer pour une fan psychotique.

 

Combien de fois cet homme avait-il entendu ces mots? Elle s’attendait à moitié à ce qu’il lui réponde, « T’es pas la première, alors dégage! » Mais il ne le dit pas. En fait, il lui sourit. « Allez-y, Miss Milano. » La surprise dut se lire sur son visage, parce qu’il ajouta après un instant, « Miss Franqui m’a dit de vous laisser passer. Vous êtes une invitée bienvenue. »

 

Kris n’était pas sûre de ce que cela signifiait, mais elle sourit poliment et remercia l’homme. Julianne la laissait passer? L’actrice avait-elle fourni au garde une photo de Kris avec un post-it disant, « Laissez passer cette fille à n’importe quelle heure. » Kris avait le sentiment qu’en entrant dans la vie de Julianne Franqui, elle entrait dans une autre dimension.

 

Elle n’était pas sure de ce qu’elle allait dire à Julianne lorsque l’actrice ouvrirait la porte. Elle espéra soudain avoir préparé un texte quelconque. Seulement, qu’y avait-il à dire, vraiment? « Aide-moi à te comprendre s’il te plaît, » n’était pas vraiment une bonne entrée en matière.

 

Elle s’arrêta donc avant de toquer, espérant avoir de l’inspiration durant les quelques secondes qui viendraient. Mais ce ne fut pas le cas, et elle décida de se lancer.

 

Lorsque sa main entra en contact avec la surface de la porte de bois, elle souhaita avoir pris quelques secondes de plus pour décider quoi dire. Une foule de possibilités lui traversa l’esprit. Mais elles vacillèrent avant de disparaître. Puis elle disparurent toutes lorsque la porte s’ouvrit.

 

Julianne parut surprise de trouver Kris ici. Elle cligna des yeux avant de parler. « Kris, hey, » fut sa propre ouverture inspirée.

 

Kris se rendit compte qu’elle pouvait difficilement faire pire. « J’ai reçu ton email. Je ne savais pas comment y répondre. »

 

Julianne pencha la tête sur le coté. Elle sourit légèrement. « Tu as fait tout ce chemin pour me dire de ne pas prendre la peine de vérifier mes mails ? »

 

« En partie, » répondit Kris, puis elle réfléchit. « En fait, ça n’a rien à voir. Je me sens juste… étrangement assaillie par… » Elle s’arrêta lorsqu’une odeur agréable s’échappa de l’appartement. « Qu’est-ce que tu fais ? »

 

Julianne parut prise de court, puis répondit, « Le dîner. Oups. » Elle s’excusa et courut à travers l’appartement en direction de la cuisine.

 

Kris hésita à l’entrée un instant avant d’entrer. Elle ferma la porte derrière elle et suivit Julianne. Peu importe ce que cuisinait Julianne, cela sentait divinement bon.

 

« Pasta primavera, » dit Julianne comme si elle lisait les pensées de Kris. « C’est une recette du livre que tu m’as offert. »

 

Kris bougea pour s’asseoir à la table de la cuisine. Elle ne voulait pas gêner Julianne. « Tu attends quelqu’un pour le dîner ? Je n’aurais probablement pas dû débarquer comme ça. »

 

Julianne leva les yeux de la cuisinière. « Je n’attends personne, » dit-elle rapidement. « Et je suis contente que tu sois passée. J’espère que tu as faim parce qu’il y a de quoi faire. »

 

Kris n’avait pas vraiment prévu de rester. En fait, elle voulait répondre, « Non merci, » mais elle avait du mal à résister au parfum délicieux émanant de la cuisine. Elle se surprit ainsi à admettre qu’elle avait faim. Tout ce qu’elle avait réussi à manger ce jour-là était un biscuit à midi.

 

Kris baissa les yeux, évitant les yeux bleus de Julianne, qu’elle sentait rivés sur elle. « Les emails me rendaient trop confuse, » se surprit-elle à admettre. « C’est trop simple d’être émotionnelle et personnelle, et je ne suis pas sûre d’être déjà prête pour ça. Je ne suis pas sûre de mes émotions. »

 

« Qu’est-ce que tu proposes à la place ? » demanda Julianne.

 

« Je ne sais pas. Je crois que c’est pour ça que je suis ici. Pour savoir si tu as des réponses. »

 

Julianne réfléchit. « Je n’ai pas le truc pour les réponses ; » admit-elle. « Par contre, j’ai un dîner. Et j’ai loué un film, si tu veux le regarder. » Elle s’arrêta un moment, apparemment triste. « Kris, je veux vraiment être ton amie. Et je veux que tu puisses me faire confiance. Mais la dernière chose que je veux, c’est m’imposer dans ta vie. »

 

Kris se demanda si Julianne pensait vraiment qu’elle s’imposait. C’était tellement bizarre de regarder cette personne face à elle, et d’oublier parfois qui elle était. Mais n’était-ce pas ce que Julianne lui répétait ? Que personne ne savait vraiment qui était l’actrice. « Je veux pouvoir te faire confiance, » répondit Kris, en sachant que c’était la vérité. « J’imagine que ça va simplement prendre du temps. »

 

Julianne sourit. « Nous avons le temps, » répliqua Julianne. « Et le dîner est prêt. »

 

 

 

Julianne n’était pas sûre de ce qui avait pris à Kris de passer chez elle, mais quelle que soit la raison, elle en était heureuse. Elle était aussi heureuse d’avoir décidé de faire des pâtes pour le dîner, et non un steak. En fait, elle décida de cuisiner végétarien à partir de maintenant, au cas où Kris prendrait l’habitude de débarquer à l’improviste chaque fois qu’elle cuisinait.

 

Souriant pour elle-même, elle suivit Kris jusqu’à la chambre, les assiettes et les couverts avec elle.

 

« Tu devrais investir dans une table de salle à manger, » suggéra Kris en parcourant la chambre des yeux.

 

« Je pensais la mettre juste à côté du lit, » dit Julianne.

 

Kris hocha pensivement la tête. Elle regarda Julianne et sourit. « Tu réalises que tu as un grand appartement juste derrière cette porte. »

 

Julianne rit et se dirigea vers le lit. « J’essaierai de m’en souvenir quand j’irai enfin acheter des meubles. »

 

Kris sourit et suivit Julianne, prenant place sur le lit. « Tu n’as pas peur de faire tomber quelque chose sur les draps ? Ils sont en soie ? »

 

« Euh, » Julianne baissa les yeux. « Je dirais 100% coton. Mais tu étais proche. » Elle sourit. « Je peux te trouver un bavoir si tu veux. »

 

Kris lui lança un regard furieux. « Très drôle, » dit-elle. « Je pourrais renverser un peu de cette magnifique sauce sur ton couvre-lit, juste ici. » Elle fit semblant de faire tomber des pâtes de sa fourchette. « Oh… ohhhh… »

 

Julianne s’amusait. Elle espérait à moitié que Kris laisse tomber sa fourchette sur le lit, mais elle remarqua que Kris faisait attention de ne pas le faire. « Haha, » dit-elle.

 

Kris mit la fourchette dans sa bouche avec un sourire satisfait. Son humeur taquine changea aussitôt. « Wow, c’est bon, » dit-elle en prenant une nouvelle bouchée. « Où as-tu appris à cuisiner comme ça ? »

 

« J’ai beaucoup regardé la Chaîne Cuisine, » répondit Julianne, rassurée que Kris apprécie le repas.

 

Kris hocha la tête, la bouche pleine. Après avoir avalé, elle demanda, « Alors qu’est-ce que tu as loué ? »

 

Julianne hésita un instant. « Euh, Bound, » annonça-t-elle. « Mais on peut regarder autre chose si tu veux. »

 

Kris haussa les épaules. « Peu importe. De quoi parle Bound ? Je ne l’ai jamais vu. »

 

« Gina Gershon joue dedans, et c’est tout ce qui compte, » Julianne répondit avec un petit sourire. « Le sensualité personnifiée. »

 

Kris s’arrêta dans son repas pour regarder Julianne. « Je connais ce film. Cette femme avec la voix énervante joue aussi dedans, n’est-ce pas ? »

 

« Effectivement, » acquiesça Julianne, soulagée que Kris ne semble pas mal à l’aise par sa remarque. « Tu es prête ? »

 

Kris hocha la tête, revenant à son repas. « Je t’ai dit que c’est délicieux ? Parce que ça l’est. »

 

Julianne sourit et quitta le lit pour préparer le film. Elle essaya de ne pas trop penser au fait que Kris Milano était assise sur son lit, mangeait sa nourriture, et s’apprêtait à regarder Gina Gershon le faire avec Jennifer Tilly. Elle devait rêver.

 

« J’aime bien les cadres, » annonça soudain Kris.

 

Surprise par la remarque, Julianne s’arrêta et se tourna. « Pardon ? »

 

Kris indiqua les peintures sur le mur. « J’aime les cadres que tu as mis autour de mes images. Ils font très professionnel. »

 

Julianne leva les yeux vers les peintures. « Eh bien, il se trouve que je pense que l’artiste aura du succès un jour, » dit-elle sans se tourner. Elle se contenta d’introduire le DVD dans le lecteur, et d’allumer la TV. Puis elle retourna sur le lit et trouva Kris qui la regardait curieusement.

 

« Pourquoi ? » demanda Kris.

 

« Pourquoi quoi ? »

 

« Pourquoi as-tu aussi confiance en mon talent ? » demanda Kris sérieusement.

 

Julianne regarda dans deux yeux noisettes, se demandant comment une femme aussi belle et talentueuse pouvait ne pas le savoir. Elle regarda vers les peintures. « C’est là juste devant moi, comment pourrais-je douter de quelque chose que je vois ? »

 

Kris baissa les yeux. « Merci. »

 

Par peur d’un silence tendu, Julianne attrapa la télécommande sur la table de nuit. « Prête pour de l’action lesbienne ? »

 

Kris commença à tousser et s’empara de son verre de soda.

 

« Je parlais du film, » clarifia Julianne une seconde plus tard, légèrement embarrassée.

 

« Bien sûr, » croassa Kris à travers sa toux. « Je le savais. »

 

Julianne sourit en coin et appuya sur lecture.

 

 

 

De l’action lesbienne. Bien sûr que Julianne parlait du film, pensa Kris, en essayant misérablement de maîtriser sa toux. Et dire qu’elle ne voulait pas être embarrassée. Elle avait eu de la chance de ne pas renverser ses pâtes sur la couverture de Julianne. Qu’est-ce qui lui avait pris ? Un instant elle se promenait dans New York City, essayant de déterminer si oui ou non elle était heureuse que Julianne Franqui soit dans sa vie, et la seconde d’après elle était assise sur le lit de l’actrice et toussait comme une hystérique.

 

De l’action lesbienne.

 

Qu’est-ce que ça signifiait exactement ? Kris leva les yeux vers l’écran, inquiète d’avoir accepté de regarder un de ces pornos lesbiens. Bound. Des images de cuir et de rituels SM lui apparurent à l’esprit. Des fouets, des chaînes, des menottes… Oh oh.

 

« Tout va bien ? » demanda Julianne, l’inquiétude affichée sur chaque trait de son visage. « Tu as l’air d’avoir chaud. »

 

Kris releva les yeux, mais sans croiser le regard de Julianne. « Oui, j’ai juste avalé de travers, » dit-elle. « Je déteste quand ça arrive. » Elle se concentra sur son assiette, de peur de regarder l’écran; redoutant ce qu’elle pourrait y voir. Elle décida que si elle se concentrait sur sa nourriture, elle ne paraîtrait pas trop suspicieuse.

 

Julianne observa Kris un moment, puis tourna son attention vers le film. « On n’est pas obligées de regarder ça si tu es mal à l’aise, » dit-elle. « J’ai plein d’autres films. »

 

Était-elle si transparente ? se demanda Kris. Elle n’aimait pas que Julianne la pense mal à l’aise avec ces… trucs lesbiens. Elle ne l’était pas. Elle avait vu d’autres films avec Leigh. Alors, ce n’était pas ça. Ce n’était pas ça du tout. « Non, » dit-elle une seconde plus tard, espérant ne pas avoir hésité trop longtemps. « Ça ne me gêne pas. »

 

Sachant qu’elle était ridicule, Kris regarda l’écran pour voir ce qu’il s’y passait. Ses yeux s’attardèrent sur le personnage de Gina Gershon, se rappelant du commentaire de Julianne. La sensualité personnifiée. Est-ce que c’était le genre de filles qui attiraient Julianne ? Kris n’arrivait pas à imaginer Julianne avec une ‘mauvaise fille’. En fait, elle n’arrivait à imaginer Julianne avec personne. C’était un concept trop bizarre.

 

« Une méchante vêtue de cuir, » dit Kris à voix haute, sans vraiment le vouloir. Mais puisqu’elle avait déjà parlé… Elle regarda Julianne. « C’est ton type ? »

 

« Je n’ai pas vraiment de type, » dit Julianne. « Je la trouve juste sexy. »

 

« Dans ce film ou en général ? » demanda Kris.

 

Julianne sourit, son regard croisant celui de Kris. « Principalement dans ce film. »

 

Kris sourit, tournant son attention vers le film, essayant de suivre le scénario et de manger en même temps. Elle s’était égarée dans une situation vraiment étrange. Une partie d’elle se sentait en pleine intrusion. Sa compagnie ne semblait pas gêner Julianne, mais il était possible que l’actrice se montrait simplement polie.

 

C’était une situation étrange, en effet. Une inconnue comme elle, assise sur le lit de Julianne Franqui. Julianne Franqui qui apparaissait en couverture de nombreux magazines, et dans des talk show. La même Julianne Franqui qu’elle avait regardé avec dédain depuis sa place hors du monde bi-dimensionnel d’Hollywood où vivaient les stars. Cette Julianne Franqui était assise près d’elle, mangeait des pâtes primavera, et bavait intérieurement sur une autre actrice.

 

Bizarre était peut être une sous estimation. Surtout si on considérait les évènements qui avaient conduit à cet instant. Ou peut-être n’était-ce pas bizarre du tout. C’était peut-être simplement le destin.

 

Se rappelant du film, Kris sortit de ses pensées, et s’étouffa presque une nouvelle fois. Les yeux grands ouverts, elle fixa l’écran. Il n’y avait pas de cuir, de chaînes ou de menottes. En fait, il n’y avait pas grand-chose d’autre que deux femmes sur un lit. Nues.

 

De l’action lesbienne.

 

Kris baissa les yeux, embarrassée. Ce n’était pas la gêne qu’elle ressentait lorsqu’elle regardait des scènes de sexe avec ses parents… on approchait plutôt de l’état mortifié. C’était une gêne différente. Ou peut-être qu’elle n’était pas gênée, juste timide.

 

Kris se sentit soudain consciente de son attitude. Comme si Julianne observait ses réactions, essayait de déchiffrer quelque chose à son propos. Un bref regard la contredit. Julianne était occupée à manger. Kris détourna les yeux avant que Julianne ne la surprenne à l’observer.

 

Elle risqua un autre regard vers la télévision, soulagée lorsqu’elle réalisa que la scène était terminée.

 

« Tiens, laisse-moi prendre ça, » dit soudain Julianne.

 

Kris mit un moment pour réaliser que Julianne parlait de son assiette vide. Elle la lui tendit. « Merci, » dit-elle. « C’était vraiment bon. Tu aurais du être cuisinière. »

 

Julianne sourit en coin en se levant du lit. « Je joue si mal que ça ? »

 

Kris regarda l’actrice. Elle fut tentée de plaisanter et d’annoncer qu’elle avait déjà vu mieux, mais elle nota une trace de doute dans la question de Julianne. Julianne pouvait-elle être moins confiante qu’elle n’y paraissait ? « Non, mais on ne peut pas le manger, » dit-elle enfin, espérant que sa réponse soit suffisamment neutre.

 

Julianne rit. « Je reviens, » dit-elle avant de sortir de la pièce.

 

Kris attrapa la télécommande et arrêta le film pour que Julianne ne rate rien. Elle se doutait que Julianne avait déjà vu le film avant, mais quand même.

 

Seule avec ses pensées, Kris parcourut la chambre du regard. Au-delà des peintures encadrées, il n’y avait pas beaucoup de décoration. Il n’y avait pas grand-chose tout court, en fait. Si ce n’est le fait que la télévision était un écran plat Phillips, Kris n’aurait jamais deviné qu’une personne riche vivait ici. Il y avait aussi la taille de la pièce.

 

Mais mis à part ça, il n’y avait qu’un lit et une table de nuit à côté. Kris se demanda brièvement si Julianne possédait un tiroir aux trésors. Puis elle s’arrêta dans ses réflexions et les redirigea, maudissant Sex & the City ou peut-être Strictly Personal sur la chaîne Metro pour avoir corrompu son esprit.

 

Mais Kris était curieuse. Pas assez pour fouiner, bien sûr. Ce serait simplement… mal. Mais elle se demanda ce que Julianne Franqui gardait dans ces tiroirs près de son lit. Un journal intime ? Une Bible ? Julianne ne ressemblait pas à une lectrice de Bible. Des livres, peut-être ? Ou peut-être que les tiroirs étaient vides. Tout comme le reste de l’appartement.

 

Kris tourna son attention vers Julianne lorsque l’actrice revint dans la chambre.

 

« Oh, tu as mis pause, » dit Julianne, surprise. « Ce n’était pas la peine. »

 

Kris haussa les épaules. « Je ne voulais pas que tu rates quoi que ce soit de pétillant, » dit-elle. « Je sais à quel point tu aimes ces passages à l’écran. »

 

« Comme tu es attentionnée, » dit Julianne en s’asseyant.

 

« Je ne comprends toujours pas ce que tu lui trouves, » commenta Kris. « Qu’est-ce que tu trouves ‘sexy’ en elle ? »

 

Julianne attrapa la télécommande mais ne relança pas le film. « Tu poses la question parce que tu ne comprends pas comment les femmes peuvent être sexy, ou juste celle-ci en particulier ? »

 

Kris sourit, amusée par la conversation, malgré le fait que c’était bizarre et un peu irréel. Mais c’était le cas de tout le reste de la situation. « J’essaie juste de déterminer ce que tu trouves attirant. Ce sont les tatouages, les muscles, l’air dur… ? »

 

« Hmm, » dit Julianne, pensive. « Oui. »

 

« Oui pour quoi ? »

 

« Pour tout, » répondit Julianne. « Tu veux que je repasse la scène de sexe au ralenti pour t’expliquer point après point ? Parce que je peux le faire. »

 

Kris savait qu’elle rougissait, et espéra que cela passe inaperçu. Elle savait que Julianne ne faisait que la taquiner, mais quand même. « Tu avais l’air bien plus innocente sur le net, » dit-elle. « Tu ne m’aurais jamais donné ce genre d’informations sans que je te tire les vers du nez. » Kris ne savait pas pourquoi elle disait ce genre de choses, sauf que la question lui trottait dans la tête, et qu’elle en avait assez de répondre à ses propres questions.

 

Le commentaire prit visiblement Julianne de court, et elle prit une seconde avant de répondre. « Désolée, j’imagine qu’il me manque la touche effacer, » dit-elle, soudain timide. « C’est plus dur de m’éditer. »

 

« Alors ne le fais pas, » dit Kris. Elle ne voulait pas que Julianne se reprenne. La dernière chose qu’elle voulait était de faire face à la Julianne Franqui qu’elle avait vue à la télévision tout ce temps. L’actrice renfermait bien plus que ça, elle le savait. Pour quelle autre raison serait-elle assise ici ? « J’aime quand tu es… toi-même. »

 

Julianne fronça les sourcils. « Tu veux dire, quand je fais des commentaires salaces à propos d’actrices sexy à la télévision ? Parce que c’est peut-être mieux pour toi si j’édite vraiment ce que je dis. »

 

Kris rit. « Ça ne me dérange pas. »

 

« Okay, » concéda Julianne. « Mais pour qu’on soit à égalité, il faudra qu’on loue un film avec un acteur que tu trouves sexy, et je te demanderai pourquoi. »

 

« Ça marche, » dit Kris, triste pour une raison quelconque. Quel acteur trouvait-elle sexy ? Leigh saurait. Il faudrait qu’elle se rappelle de demander à sa meilleure amie plus tard. En attendant, il y avait de l’action lesbienne.

 

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